C'était un jour particulièrement morose aujourd'hui. Bien que le temps fut radieux et que la plupart de mes collègues étaient d'humeur joyeuse et heureuse, je n'ai pas pu profiter de la bonne humeur personnellement. Sans doute est-ce à cause du fait que ça va faire un an que mon mariage avec Myrddin a volé en éclat et que je n'ai aucune nouvelle de la part d'Allan depuis quelques temps déjà. En changeant de grade je m'étais pourtant juré que jamais ma vie personnelle n'atteindra ma vie professionnelle ! Alors je me suis plongé corps et âme dans mon travail, j'ai géré les nombreux dossiers et tout l'administratif de la semaine, je me suis même avancé sur le travail en commençant à organiser les différentes missions commando qui débuterons le mois prochain. J'ai été occupé toute la journée, je ne me suis prit aucune pause, j'ai mangé la moitié d'un sandwich à midi et je suis resté enfermé une bonne partie de l'après midi. La seule fois où je me suis autorisé une petite balade c'était pour aller donner des dossiers à Sullivan avant d'aller faire un petit tour dehors. J'ai observé les nouvelles recrues puis les marins qui se pressaient pour quitter la chaleur étouffante du soleil de l'après midi, j'ai échangé quelques mots avec Nathan en l'accompagnant vers son prochain cours, lui expliquant rapidement le programme que j'avais concocté pour lui pour la semaine prochaine, avant de retourner dans mon bureau.

Je n'en suis sorti qu'à 20h passé, plusieurs urgence m'étant tombé dessus. C'est donc, exténué et sans prendre la peine de me changer pour m'habiller en civil, que je prend place au volant de ma tesla. Et c'est là, alors que j'allais allumer le contact, que j’aperçois mon portable qui est resté toute la journée sur le siège passager. Soupirant doucement, je l'attrape, le déverrouille et mon cœur se stoppe subitement en voyant tous les appel manqués et les nombreux sms de la part de ma sœur. Fronçant les sourcils, j'écoute le message qu'elle m'a laissé il y a une dizaine de minutes et ferme les yeux, les remords me tordant les boyaux. Alex est chez elle et il a besoin de moi. Sans plus tarder, je démarre ma voiture et me met en route vers la maison de ma sœur.

Une vingtaine de minutes plus tard, je me garde devant l'habitation et sort de ma voiture. Traversant le trottoir puis le chemin, j’aperçois Kate qui semble m'attendre. Celle-ci se lève, s'approche de moi et me prend dans ses bras, soulagée, avant qu'elle ne commence à me reprocher de na pas avoir prit la peine de répondre à ses messages  « Désolé, vraiment. J'avais oublié mon portable dans ma voiture et j'ai eu vraiment une journée chargée» expliquais-je en la relâchant  «C'est quoi le problème avec Alex ? Il est où ?  » demandais-je en regardant la porte d'entrée de la maison.

Arrivé devant la maison de Kate, la panique n'a pas encore plus le dessus. Au final, je ne sais pas si elle pointera un jour le bout de son nez, tant la fatigue m'engourdis le cerveau en ce moment. Et puis de toute manière, Alex est chez sa marraine, soit une des personnes en qui j'ai le plus confiance. S'il est là, c'est qu'il est en sécurité. S'il est là, c'est qu'il va bien, sinon je ne serais pas ici, chez Kate. Celle-ci, toutefois, me fait comprendre à quel point elle était inquiète pour moi tant je ne répondais pas à ses messages.  «Désolé » soufflais-je simplement avant de la prendre furtivement contre moi, mon attention se portant à nouveau sur le devenir de mon fils.

En voulant en savoir un peu plus, j'apprends qu'Alex a débarqué chez sa marraine alors que j'avais oublié à nouveau que nous avions prévu un tête à tête tous les deux. Et là, c'est ma gorge qui se noue et mes entrailles qui se resserrent en étaux. Quel con. Quel idiot. Déglutissant avec difficulté, une subite et violente fatigue me submerge tout à coup, si bien que je suis obligé de m'asseoir sur l'escalier de la maison pour ne pas défaillir sur place. Prenant ma tête entre les mains, je prends plusieurs profondes inspirations avant de secouer la tête avec incompréhension  «Je ...il a raison » dis-je doucement.

 «J'y arrive pas » avouais-je finalement en baissant le regard  «je pensais que tout allait s'arranger suite à la cérémonie du passage de grade, fait est que j'ai encore plus de boulot et que ma vie personnelle n'arrive plus à suivre » je me pince les lèvres  «Je fais des heures supplémentaires quasiment tous les soirs depuis deux semaines et quand je rentre, je suis exténué. Mais il y a les enfants qui demandent de l'attention à la maison. Alex est grand, il fait ses devoirs tout seul et...  » je secoue doucement la tête  «Clara qui ne va pas bien ces derniers temps, les rendez-vous avec le cardiologues qui s'accumule en plus de ma fatigue » je prends une profonde inspiration puis toussotte pour retrouver un peu de contenance  «Désolé Kate, que tu ais du avoir à gérer Alex. T'as pas à pâtir à cause d'un manque d'organisation de ma part » je lui offre un petit sourire  « Mais merci de t'être occupé de lui» que je conclus mes paroles, me disant qu'il est grand temps que j'ai une explication et une conversation avec mon fils, mais étant tout bonnement incapable de me lever et de bouger.

Je ne savais pas que tout ces changements impacteraient ma vie à un tel point. Je ne savais pas qu'Alexander serait tellement touché par mon manque d'attention de ces derniers mois. Je savais pourtant qu'il est un gamin sensible, doté d'une énorme empathie qui prend bien trop souvent les choses très à cœur. Et pourtant j'ai agis comme le dernier des connards. J'ai été trop con, trop emmuré dans ce passage de grade ainsi que le début de mes nouvelles responsabilités. Si j'avais fait un peu plus attention, j'aurais sans doute compris que quelque chose n'allait pas et que mon fils souffrait en silence. Et pourtant, il aura fallut qu'il agisse à l'extrême en fuyant la maison pour que je me rende compte que je ne lui accorde que trop peu d'attention depuis quelques temps. Oh je sais bien qu'il ne serait pas aller bien loin, ayant trois options à proximité : sa mère, Ezra ou Kate. Peut-être même Cian, éventuellement.

Dans tous les cas, c'est chez ma sœur qu'il se trouve et c'est sur le parvis de sa porte que je lâche tout ce que j'ai sur le cœur. Car face à Kate, je sais mettre mes émotions et mes sentiment à nu. Je sais qu'aucun membre de ma famille ne me jugera (sauf mon père, mais ça c'est une autre histoire) mais ma sœur a toujours été celle avec qui je pouvais avoir des discussion sérieuse et sentimentales. Aujourd'hui, donc, ne manque pas et c'est avec une honte certaine que j'avoue que ma vie commence à me glisser entre mes doigts. Et plus je parle, plus je me rend compte à quel point je ne gère absolument plus rien. Je lui parle de mon manque de temps, de ma fatigue, de mon inquiétude concernant l'état de santé de ma fille et d'Alex qui ne semble pas pouvoir accepter tous ces changements qui se sont fait cette dernière année et qui a impacter la famille bien plus que je ne l'aurais souhaité.

Kate ne serait pas Kate si elle ne saurait pas garder son calme et si elle ne se montrait pas extrêmement compréhensive. S'approchant de moi, posant une main sur son épaule, c'est tout d'abord une question qui traverse ses lèvres. Pourquoi ne pas leur avoir dit quelque chose ? J'hausse les épaules, appréciant plus que de raison le fait qu'elle inclut les autres Beauregard dans l'équation  « Je sais pas» soufflais-je  « Je pensais pouvoir gérer tout seul comme je l'ai toujours fait et réussi mais faut croire que je me suis bien trompé» je laisse échapper un rire jaune avant de pincer les lèvres et secouer la tête, le regard toujours aussi fuyant.

Elle finit par me supplier de la laisser m'aider, qu'elle peut facilement s'occuper de mes enfants en jouant la baby sitter pendant quelques temps. Elle se propose même à ce qu'ils aillent chez elle tous les jours après l'école et que je vienne les chercher ou alors qu'ils dorment carrément chez elle.

Relevant un regard désolé sur kate, c'est un petit sourire mi triste mi soulagé qui enjoue mes lèvres, attendris par toute cette attention qu'elle me donne  «T'es sûre que ça te dérangerais pas ? » demandais-je avant de soupirer en me passant une main sur le visage  «Je veux dire ...j'avoue que ça m'arrangerais un peu. Mais je ne veux pas non plus te donner trop de boulot ou alors donner l'impression que je suis ce genre de parent qui se débarrasse de ses gosses parce qu'il sait plus rien gérer » je soupire doucement.

 «Je m'inquiète pour Alex, vraiment » reprenais-je finalement  «Il a très mal vécu mon divorce avec Ida et a mit un temps fou avant d'accepter Myrddin dans sa vie » mon cœur se sert à l'évocation du prénom de mon ex époux  «Et juste au moment où il l'acceptait pleinement et où il était même prêt à dire 'papa' en parlant de Myrddin, il a fallut que celui-ci parte » je pince les lèvres  « Le deuxième divorce à eu un sacré impacte sur Alex et j'ai l'impression que c'est pire qu'avant. Je ...je sais pas, il n'a que 12 ans et a déjà beaucoup trop vécu pour un gamin de son âge. Deux divorce, une adoption, une sœur avec des problèmes cardiaque ...ce ne sont pas des choses desquelles un gamin de douze ans devraient s'occuper» je me prend le visage entre les mains et soupire doucement  «Il t'as parlé de quelque chose ? » souhaitais-je savoir finalement  «On a beaucoup de mal à communiquer ces derniers temps » je déglutis et pince les lèvres  « Je commence vraiment à craindre les prochaines années avec l'adolescence qui pointe son nez ...»

Faible. Je me sens faible de corps et d'esprit face aux aveux de ce mon fils à dit à sa tante. J'ai l'impression d'être le pire des pères lorsque je me rends compte du manque d'attention que mon aîné à eu de ma part. Je le sais sensible, pourtant, je sais qu'il n'en faut pas beaucoup pour le déstabiliser et faire revenir les anxiétés qui ont commencé lors de mon divorce avec sa mère. Suis-je réellement aussi aveugle ? Suis-je réellement incapable de dire quand mon fils va mal ? Telle est la question qui me triture l'esprit tandis que j'explique à ma sœur à quel point son aide serait la bienvenue. Elle est magique, cette petite Beauregard. Sa dévotion à mon égard est incroyable et je sais qu'elle est prête à tout pour nous aider, Alexander et moi  «Je ne saurais pas comment te remercier » soufflais-je lorsqu'elle m'assure qu'elle trouvera une solution pour accueillir Alex chez elle de temps à autre.

Et finalement, c'est une question qui me brûle les lèvres qui retentis : est-ce que mon fils lui a parlé de quoique ce soit qui m'aiderait à le comprendre ? La réponse de Kate ne m'étonne pas mais me crève un peu plus le cœur encore quand elle m'avoue avec douceur qu'il lui a fait peur de ses craintes. Il lui a parlé de ses peurs infondées de ne plus être important à mes yeux, qu'il a peur qu'Arthur ne le remplace ou que les problèmes de santé de sa sœur valent plus que ses peines de cœur. Fermant les yeux, je me pince l'arrête du nez et soupire, hochant la tête, montrant ainsi que j'ai bien compris ce que Kate m'explique.

Sa dernière phrase, elle, éveille toutefois une peur que je pensais avoir profondément enfoui en moi : la mort de mes enfants. Que ce soit par voie naturelle ou par suicide, c'est quelque chose qui m'angoisse absolument. Dans la vie aucun parents ne devrait avoir à enterrer son enfant, mais fait est que ça a été le cas chez nous. Je me rappelle encore parfaitement la détresse dans le regard de mon père lorsque le cercueil de Ian a été mit sous terre et j'ai su, dès l'instant où j'ai porté Alex pour la première fois, que mon amour pour lui n'aura d'égale que la peine s'il quitte ce monde avant moi.  « Je vais trouvé une solution » car il m'est impossible de vivre sereinement si je sais qu'un trouble s'est emparé de mon aîné  « Je ...-»

 «Papa ? » c'est la petite voix du garçon qui me stop dans mes paroles. Vivement, je tourne la tête vers l'arrière, mon regard se posant sur le jeune adolescent qui se trouve à la porte.  « Alex ...» soufflais-je en me redressant. Rapidement je m'approche de lui et le prend dans mes bras, le serrant fermement contre moi. Je ne sens aucune résistance de sa part, seulement sa petite tête qui vient se poser sur mon épaule et ses bras qui viennent entourer mon cou.

Nous restons quelques instant ainsi, silencieux, avant que mon fils n'amorce un pas en arrière. Le relâchant, je me redresse un peu puis lui adresse un doux sourire  « On rentre tous les deux ?» demandais-je  «Je pense qu'on va devoir parler sérieusement tous les deux » reprenais-je avec douceur en allant tendrement lui ébouriffer les cheveux. Je dépose ensuite un baiser sur son front avant de me relever  «Allez, va chercher tes affaires » je lui tapote l'épaule et l'observe se détourner pour remonter à l'étage. En attendant, je me dirige vers ma sœur et entoure, sans plus tarder, ses épaules de mon bras pour l'attirer contre moi.  « Merci, Kate» murmurrais-je simplement, intimement persuadé que dorénavant tout ira bien.