| band of brothers (joseph #3) |
| | (#)Sam 21 Nov 2020, 19:00 | |
| J’ai longtemps réfléchi pour savoir à qui je pourrais demander de conduire Ilaria. J’ai besoin d’une personne de confiance qui saura garder le silence, et autant dire que ce n’est pas forcément le genre de personnalité qui courent les rues de la ville. Pour la plupart d’entre eux, ce n’est qu’une cordialité de rigueur. On se poignarderait tous dans le dos si on en avait l’occasion ou même le besoin, ce n’est un secret pour personne à en juger du monde dans lequel nous évoluons tous. Il n’y a ni solidarité ni fraternité, ce n’est que la loi du plus fort encore et toujours. Soit on le comprend, soit on le subit.
Le nom de Joseph n’était pas une évidence pour moi, surtout pas suite à la manière dont s’est terminée notre dernière entrevue. Je sais qu’il m’en veut et c’est sans doute mérité mais je n’ai pas le temps pour faire une transition douce et délicate. Il a dû grandir à la dure comme nous tous et à défaut d’être réellement celui en qui j’ai le plus confiance, il est celui en qui je vois le moins d’esprit de rébellion. De plus, il est surtout le seul à déjà connaître l’existence d’Ilaria et il n’aura donc pas à poser de questions qui n’ont pas lieu d’être. Je ne me tourne pas vers lui par envie mais bien par besoin, de nombreux jours et autres semaines depuis qu’on a décidé d’un accord tacite de ne plus s’adresser la parole ni même le moindre regard. Aujourd’hui je peux assurer avoir un don certain pour rater les retrouvailles avec les figures de mon passé.
Le bowling est à nous, je me fais connaître d’un stupide raclement de gorge stéréotypé. Main dans ma poche, mes talons mettent à mal le parquet sur lequel je les fais glisser sans raison. Je dois aussi travailler mes entrées en matière, c’est sur ma liste. “J’ai un boulot pour toi.” Le tact, aussi, oui. La délicatesse. Lisser les contours, rendre les nouvelles moins difficiles à digérer. La liste est longue, au cas où je ne l’avais pas précisé avant. Je ne sais qu’en venir au but sans perdre mon temps, c’est une habitude que je n’ai pas su perdre au fil du temps et j’imagine que c’est aujourd’hui ce qui me caractérise. Bien que je garde toujours une part de secret et d’ombre pour me protéger moi et ceux que j’aime, je reste tout de même connu pour mon franc parler et le manque certain de sentiments qui pourraient (ou pas, dans mon cas) enrober mes paroles. “Tu sais conduire ?” Je ne lui demande pas s’il a le permis puisque là n’est pas la question, il n’aura qu’à éviter de se faire attraper par la police et personne ne se verra propulsé dans d’infinis problèmes. Les questions d’abord, les explications ensuite. C’est ainsi que cela fonctionne puisque cela signifie que s’il correspond au rôle, il n’aura pas la possibilité de se défiler. |
| | | | (#)Ven 27 Nov 2020, 23:11 | |
| Mais qu’est-ce qu’il fout là ? Il n’est pas à sa place, Joseph. Il ne l’a jamais été. Deux fois il pensait avoir une famille et deux fois il a été déçu. Si ça ne lui a pris qu’un premier coup de ceinture pour réaliser que son père ne sera jamais sa figure paternelle, trop d’années se sont écoulées sans qu’il ne comprenne que les manthas n’étaient plus et ne reviendraient jamais. Il aimerait pouvoir fuir et tenter une troisième fois de trouver sa place mais il s’est enfermé dans un énième cycle vicieux. Les piqures, les pupilles dilatées, les promesses de loyauté, le fusil contre la tempe. Il n’est pas en prison mais il se sent encore moins libre que derrière les barreaux.
Le bowling est tranquille, ce lundi soir. Les portes viennent de fermer et les derniers clients ont déserté après avoir renversé les dernières quilles. Il doit être autour de vingt-trois heures quand le barman fait signe à Joseph pour lui dire qu’il doit lui fausser compagnie et rentrer chez lui. Évidemment, le brun fait partie de ces clients VIP qui peuvent rester aussi longtemps qu’ils le souhaitent ; il n’est pas là pour chausser des semelles plates et tirer des boules le long d’une allée lissée. « Ouais. Bonne soirée. » Il marmonne, les deux coudes posés sur le comptoir et les paupières lourdes. Il a bu quelques verres et l’effet commence à se ressentir dans sa cervelle de plus en plus ramollie. Même si son corps lui hurle sa fatigue, il n’arrive toujours pas à se poser dans un lit et simplement fermer les yeux. Ses méninges tournent toujours, toujours, toujours.
Il se pensait seul pour le reste de la nuit, ou il aurait pensé peut-être croiser quelques autres abeilles de la ruche à la recherche de poudre. Toutefois, il ne pensait pas entendre un raclement de gorge si familier. Les lumières sont tamisées dans la salle et Joseph ne bouge pas d’un centimètre sur son tabouret lorsque Ichabod prend la parole. “J’ai un boulot pour toi.” Naturellement, c’est un gloussement qui s’échappe de sa gorge quand il entend le début de sa requête. Ce sera probablement un énième boulot sale : c’est toujours lui qui en hérite parce qu’il n’a pas le cœur à manifester son désintérêt. Et parce qu'il est bien trop docile. Il s’attend presque à ce que son patron l’informe que Lou est encore en danger et qu’il doit se lever le cul pour aller la sauver. On ne change pas une formule gagnante. “Tu sais conduire ?” Il soupire lourdement en posant son verre sur ses lèvres pour avaler une gorgée copieuse – peut-être un moyen de faire comprendre à Ichabod qu’il est complètement bourré et qu’il ne vaut mieux pas lui refiler les clefs d’une voiture. « J’suis probablement le seul mec de toute la bande qui n’a pas son permis et, pourtant, c’est toujours moi qui suis désigné comme chauffeur officiel. » Il ricane mollement et se masse les tempes, épuisé de simplement parler. « Qu’est-ce que j’dois faire, cette fois ? Te conduire jusqu’à ta mort ? Remplir la bagnole d’explosifs et rentrer à mille à l’heure dans le resto du club ? J’serais pas surpris, écoute. »
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| | | | (#)Sam 28 Nov 2020, 05:49 | |
| Le gloussement de Joseph est reconnaissable entre mille comme l’est le dernier râle de chaque espèce animale avant de mourir. On les reconnaît entre toutes, ces bêtes-là. A force d’expérience, surtout. Je lève les yeux au ciel avant même d’avoir dit ou entendu le moindre mot. Esprit fraternel, qu’ils appelleront cela. La conséquence à cela est la longue gorgée de je-ne-sais-quel alcool qu’il ingurgite à peine ma proposition formulée. S’il voulait me montrer son manque total de motivation ou d’envie à me rendre ce service, il ne pourrait pas s’y prendre autrement. Le fait est que, justement, cela n’a rien d’un service et tout d’un ordre. Après tout, j’en avais même fait la demande à Lou avant de rejoindre ses rangs : Joseph est à moi. Ce qui était surtout une façon de le protéger devient aujourd’hui un moyen de servir mes propres intérêts et, finalement, je ne ressens aucun remord.
Je continue de m’avancer jusqu’à lui pour me poser à ses côtés sans pour autant me laisser tenter à mon tour par un verre. On ne vient pas du même monde, lorsque cela touche à ces sujets-là. « J’suis probablement le seul mec de toute la bande qui n’a pas son permis et, pourtant, c’est toujours moi qui suis désigné comme chauffeur officiel. » Le toujours me laisse hausser un sourire perplexe alors que, pour ma part, ce n’est que la première fois que je fais appel à ses services. Curieux et avide de plus amples informations, je m’écarte temporairement de mon objectif pour le questionner rapidement. “Qu’est ce que ça signifie ?” Il empeste l’alcool. Heureusement qu’il n’y a aucune urgence ce soir et que personne n’a de lui puisque je doute qu’il se serait montré moindrement utile. Je me demande même pourquoi Lou accepte autant de ses faux pas - et ce n’est qu’ensuite que je me souviens de quoi (qui) est composé ce foutu gang. Il y a Milo, le seul que j’estime quelque peu ; mais il lui est totalement dévoué. Il y a Jeremiah, que je n’estime pas le moins du monde et dont je me méfie même de son ombre. Et il y a ses petits pions déposés de ci de là, Alice et Danika, que je ne prends même pas le temps de jauger pour savoir si elles en valent la peine. Ce sont le genre de personnes qui repartent aussi vite qu’elles sont arrivées et moi, je n’ai pas de temps à perdre avec cela.
Alors Joseph Le Grognon reprend, enfin, pour accumuler encore plus de complaintes à son propos. « Qu’est-ce que j’dois faire, cette fois ? Te conduire jusqu’à ta mort ? Remplir la bagnole d’explosifs et rentrer à mille à l’heure dans le resto du club ? J’serais pas surpris, écoute. » Je souffle et lève les yeux au ciel alors que je me retiens de me lancer dans une morale inutile. Est ce qu’il pensait avoir le droit à une remise en forme digne d’un centre de vacances en entrant dans le gang ? A l’entendre dire, j’ai bien l’impression qu’il s’était fourvoyé sur toute la ligne, en tout cas. Et quand bien même c’est le cas, cela ne m’empêche pas d’avoir besoin de lui, alors je réponds rapidement, toujours inquiet d’être possiblement écouté. “Conduire Ilaria.” Il a intérêt de ne pas être trop saoul au point d’avoir oublié le prénom de ma fille qu’il connaît pourtant très bien, parce que je ne prendrai pas le risque de la désigner par aucune périphrase. Pas ici, pas avec lui. Sans lui laisser le temps de me donner son avis à ce sujet - puisque de toute façon ma décision est prise et que je ne lui laisse pas le loisir de se dérober - je reprends en y ajoutant mes conditions qu’il va adorer détester. “Sans lui dire qui tu es ou quel boulot tu fais dans la vie.” S’il grille ma couverture que j’ai tant de mal à garder intacte, il est mort. “Donc personne ne meurt, pas d’explosif et pas de passage par Le Club.” Si elle a la moindre égratignure, il est mort. “Et bien sûr, ça reste entre nous.” Si quelqu’un en vient à être au courant, il est mort. Et moi aussi. |
| | | | (#)Mer 02 Déc 2020, 02:23 | |
| Les retrouvailles entre lui et son ancien patron auraient dû être grandioses. Deux âmes qui se sont une fois perdu, puis deux fois, puis trois fois, pour finalement se retrouver comme si les malheurs ne les avaient jamais séparés. Joseph voyait en Ichabod pas seulement son chef, mais aussi son guide, faute de croire en une quelconque divinité. Il avait été le premier à lui prendre la main quand il s’est retrouvé au milieu d’une bande de lions et il continue à croire, à ce jour, qu’il l’a sauvé le soir de son initiation. S’il ne l’avait pas délogé du salon, là où les festivités n’avaient fait que commencer, dieu sait quel genre de drogue on l’aurait forcé à sniffer et dieu sait comment son corps novice aurait réagi.
Mais il avait agi comme un énorme connard, Ichabod, arborant un air hautain qui avait complètement déstabilisé le plus jeune. Joseph avait l’impression qu’il devait retrouver les manthas pour être à nouveau en paix avec sa place dans ce monde mais celui même qui représente le gang à ses yeux lui a dit à voix haute, sans retenue : les manthas sont morts. Alors, ce soir, loin de lui l’envie de sourire et de faire comme s’il n’avait pas été affecté par leur dernière discussion qui s’était terminée par un frisson. “Qu’est ce que ça signifie ?” Il hausse mollement les épaules, désintéressé. Il ne va pas se mettre à raconter toutes les péripéties dans lesquelles il s’est retrouvé avec un volant entre les mains. « Lou. Toujours Lou. » La première fois, elle lui a demandé – ordonné – de le conduire jusqu’aux quais, là où se passerait un échange illégal, et tous les deux avaient frôlé la mort. La seconde fois, il a dû la retrouver sur une scène dans une salle de spectacle pour la conduire le plus loin possible de la ville. C’est sans surprise qu’il s’attend à ce que Ichabod lui colle une autre tâche ingrate au cul, comme s’il avait la gueule du mec parfait à jeter dans les flammes. “Conduire Ilaria.” Il pose son verre. L’étonnement l’en oblige. Sourcils froncés, il pivote la tête pour plonger son regard dans celui d’Ichabod, le regardant pour la première fois ce soir. Il ne comprend pas la nature de cette demande parce qu’il n’a jamais pu rencontrer sa fille auparavant. Il l’avait cachée de ce monde de délinquants, sans aucun doute pour la protéger. “Sans lui dire qui tu es ou quel boulot tu fais dans la vie.” Il soulève la main pour l’arrêter dans sa lancée. « Attends. On parle vraiment d’la même Iralia ? » Il veut s’assurer qu’il ne fait pas fausse route dès le début. Ses lèvres d’entrouvrent légèrement tandis que son chef précise qu’il n’y aurait pas mort d’homme. “Et bien sûr, ça reste entre nous.” Il a besoin de quelques secondes pour absorber ce trop-plein d’informations incohérentes. « J’lui dit quoi, alors ? Que je suis marchand de glace ? J’veux pas complètement ruiner ton plan mais j’ai pas vraiment la gueule à faire un travail légal. » Il ricane silencieusement devant cette ironie et avale le fond de son verre de vodka en une seule gorgée pour s’éclaircir la gorge. « Et où veux-tu que je la conduise, ta fille ? Pas à l’école, tout de même. » Nouveau ricanement amplifié par sa fatigue et l’alcool qui a remplacé le sang dans ses veines. Il n’a pas les idées claires et Ichabod vient de lui poser une colle plutôt énigmatique. Il se redresse légèrement sur son tabouret pour atteindre la bouteille de vodka qui traîne encore sur le comptoir, comme s’il avait besoin de consommer encore plus pour comprendre ce qu’il se trame dans la tête de son patron.
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| | | | (#)Mer 09 Déc 2020, 22:07 | |
| « Lou. Toujours Lou. » Je souffle, pour une infinité de raisons différentes. Je souffle parce que Lou est toujours au centre de nos discussions et ce peu importe le sujet ou la forme. Je souffle parce qu’il a un ton que je ne cautionne pas, je souffle parce qu’il ose ce genre de comportement simplement parce que nous ne sommes que tous les deux et qu’il pense sérieusement que ce n’est pas une idée stupide. Je souffle parce que, justement, c’est la Aberline qui l’entraîne toujours dans des travers dont j’ai toujours cherché à l’éloigner sans ne jamais y parvenir. Notre trio ne peut définitivement pas fonctionner et j’occupe désormais mes journées à tenter de prédire comment tout se terminera et à quel point ce sera un bain de sang. J’imagine que je préfère imaginer ça à propos d’eux plutôt que le moment où l’existence d’Ilaria se fera connaître - parce que je ne suis pas stupide et je sais que les secrets ne sont jamais faits pour rester tels quels.
Joseph n’a jamais su cacher ses réactions premières alors je le fais pour nous deux, restant de marbre quand le prénom de ma fille s'immisce entre nous deux. Lui lève les sourcils et se fait dramatique, tournant la tête au ralenti pour enfin me faire l’honneur de partager le bleu de ses yeux avec le mien. Je rajoute un dernier ordre après ma demande puisque si lui n’a rien à dire, moi j’ai au contraire toute une liste d’instructions à lui faire passer. « Attends. On parle vraiment d’la même Iralia ? » Mon regard se fait plus dur mais il devrait s’estimer heureux que je ne sois pas de ce genre de personnes qui roulent trop facilement leurs yeux en direction du ciel. “Ilaria. Mais j’imagine qu’on parle de la même personne, oui.” Je corrige bien sûr le prénom de ma fille, impassible, sans pour autant ne pas perdre le fil de notre discussion. J’aurais beaucoup de choses à lui dire mais je sais que l’instant est mal choisi et que la priorité reste de m’occuper d’Ilaria et lui faire comprendre l’importance de la chose. « J’lui dit quoi, alors ? Que je suis marchand de glace ? J’veux pas complètement ruiner ton plan mais j’ai pas vraiment la gueule à faire un travail légal. » Je savais déjà par avance que Joseph n’était pas le meilleur choix qui soit pour cette tâche, mais il est aussi le moins pire et le seul au courant de son existence. Par défaut, je n’ai que lui vers qui me tourner. “Tu restes sobre, déjà.” Je n’ai pas confiance en lui au point où je doute que ce point soit autant une évidence pour lui qu’elle l’est pour moi, en témoigne le verre qu’il termine comme s’il était réellement rempli d’eau. Entre nous, je n’ai pas besoin d’en sortir l’odeur pour savoir que ce n’est pas le cas. “Et je te demande de la conduire d’un point A à un point B, pas de lui faire la discussion.” Il n’a jamais été doué pour ce genre de choses, de toute façon, et je ne veux pas risquer qu’il égrène trop facilement mes secrets en voulant tenter d’être une personne normale. Si je trouve qu’il n’a pas la tête de personne en particulier, je sais par contre qu’il a l’incroyable faculté de mettre les deux pieds dans le plat.
« Et où veux-tu que je la conduise, ta fille ? Pas à l’école, tout de même. » Et un nouveau souffle de ma part, donc, quand je reprends le rôle du grand frère de substitution qui vient lui enlever la bouteille de vodka des mains. Pour peu j'essaierai de la mettre assez haut pour qu’il n’y accède pas, ce qui ne devrait pas être compliqué à en juger par le taux d’alcool qu’il a dans le sang. “Je te donnerai des adresses au dernier moment.” Non, pas à l’école, non. Il ne se rend sûrement pas compte qu’elle n’est plus un nourrisson et sur ce point au moins je ne peux pas lui en vouloir - j’ai moi même parfois bien du mal à m’en rendre compte. “A quoi tu joues Keegan ?” Le rôle du gros méchant qui boit de l’alcool et se moque du monde entier est loin d’être le sien et, par dessus tout, il est loin de lui coller aussi bien à la peau qu’il le pense. Tout ça pour dire qu’il ne lui va pas le moins du monde. “Tu ressembles à une épave." |
| | | | (#)Ven 11 Déc 2020, 22:11 | |
| Il n’a jamais été question de tension et de conflit entre Ichabod et Joseph. Ils ont toujours su se comprendre par la biais d’un seul regard échangé mais, ce soir, les yeux du plus jeune sont noyés sous l’alcool et ses iris ne semblent plus aussi bleus que ceux des Keegan. Il n’est pas ouvert à la discussion, bien trop fatigué, et il le fait savoir par des soupirs et des gloussements tout aussi faux que sa loyauté avec la ruche. S’il reste là, dans cette salle de bowling fermée à minuit passé, c’est seulement parce qu’il ne survivrait pas plus de dix jours s’il décidait de disparaître. Il connait la symbolique d’un gang et tout ce qui se rapporte aux familles de criminels : on ne quitte pas les rangs si facilement. Quand il a signé le contrat avec de l’encre, il l’a aussi fait avec son sang. Et il revoit encore le visage satisfait de Lou quand il a accepté comme un con, ses yeux de hamster pleins de malice et son simili sourire de vainqueur. Il n’a plus qu’à boire tous les soirs en attendant qu’il soit libre pour de bon.
“Ilaria. Mais j’imagine qu’on parle de la même personne, oui.” Il le corrige et, à vrai dire, il ne se souvient même pas s’être trompé de nom. Les mots s’échappent de ses lèvres pour se perdre sans qu’ils ne marquent sa mémoire. Il flotte sur un petit nuage, à quelques mètres du sol, et il ne peut pas voir en bas. Néanmoins, sa surprise de se voir confier un boulot aussi important que de s’occuper de la fille d’un bandit est claire et nette : on pourrait presque croire qu’il redevient à jeun le temps de froncer les sourcils mais, rapidement, son mauvais humour d’alcoolique reprend le dessus. “Tu restes sobre, déjà.” Il boit une gorgée de plus en esquissant un sourire. Par la suite, son patron lui explique la marche à suivre. « De conduire en silence, alors. » Il ricane mollement, son dos se courbant de plus en plus parce que la fatigue appuie sur ses épaules. « Et si elle m’pose des questions, j’dis rien, c’est ça ? » Il fixe son verre presque vide comme s’il allait pouvoir avaler les dernières gorgées de cette façon. « C’est pas louche du tout. » Il marmonne, sarcastique, avant de souffler. « J’ai compris. » Parce qu’il ne peut rien dire d’autre. Il ne peut pas refuser, il ne peut pas se cacher derrière le bar, il ne peut pas choisir, dans cette famille d’abeilles malhonnêtes. “Je te donnerai des adresses au dernier moment.” Il hoche la tête sans rien ajouter, préférant retrouver sa solitude le plus rapidement possible. Ça lui fait mal de ne pas avoir envie de parler à celui qu’il a tant espérer retrouver. Mais il a changé, tout comme lui-même, probablement. Et Ichabod le remarque, ne retrouvant pas en lui le Joseph qu’il a connu dans le passé. “Tu ressembles à une épave." Son avis aurait davantage compté s’il ne ressemblait pas autant à Lou depuis qu’il s’est joint à elle. « Et tu ressembles à un imposteur. Le Ichabod que j'connais aurait tout donné pour mener une vie normale. T’as eu ta seconde chance, quand les manthas sont disparus. T’aurais pu reconduire toi-même ta fille d’un point A à un point B. J'comprends pas comment tu as pu te trahir. Ton père n’était plus là pour t'forcer à faire ce choix. Et t'voilà à parler à un ex-taulard en plein milieu d'la nuit alors que tu pourrais être en train de… J’sais pas. Dormir avec la femme qu't’aimes. » Il tend son bras vers la bouteille de vodka et se sert un énième verre, attendant peut-être de tomber dans les pommes pour que la nuit passe plus vite.
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| | | | (#)Lun 21 Déc 2020, 06:41 | |
| Les règles que je lui impose sont d’une facilité enfantine à comprendre mais je sais qu’avec Joseph, justement, absolument rien n’est facile. Il ne veut pas comprendre mes propos et il mime d’encore moins le faire pour l’importance que cette requête, pourtant simple, a pour moi. Le prénom de ma fille devrait suffire à lui ouvrir les yeux mais il a usé et abusé de bien trop nombreux verres d’alcool pour ça. Ses cernes sont marquées et ses yeux creusés autant que ses joues. Si j’avais la latitude pour le faire, je lui dirais que je m’inquiète pour lui. A défaut de savoir formuler les choses ainsi, je vais y préférer le comparer à une épave - et bizarrement, ce n’est pas le genre de chose qui conforte qui que ce soit, même Joseph. « De conduire en silence, alors. Et si elle m’pose des questions, j’dis rien, c’est ça ? » Les remarques acerbes à ce sujet se bousculent dans ma bouche mais j’en choisis une sans doute moins pire que les autres, finalement. Peu importe tout ce que je pense à son sujet ces derniers temps, il est le seul sur qui je peux compter pour cette mission. Il le sait sans doute autant que moi : sans lui, tout tombe à l’eau. “C’est ça. Le jeu du silence.” Un “tu vois que t’es pas stupide quand tu veux” aurait potentiellement pu suivre mes paroles mais je me retiens. Ce serait contre-productif et totalement puéril, on peut aisément s’en passer. Je pense de toute façon qu’il ne se souviendra pas de grand chose une fois le soleil à nouveau levé demain, j’espère simplement qu’il aura retenu le principal de ma requête. « C’est pas louche du tout. » Il souffle, je roule des yeux. Il est l’adolescent en plein crise, je suis le parent qui n’a pas appris à lâcher du lest - une de ces deux affirmations est véritable, ceci dit. “Merci Jo, je me passe de tes commentaires.” Je finis simplement par lui répondre sur un ton qui se veut le plus neutre possible. Peu importe ce qu’il peut bien penser de mon plan, je ne compte pas le changer, surtout pas si c’est simplement pour lui faire plaisir et le laisser raconter je-ne-sais-quoi à ma fille. Je prends déjà bien trop de risques à laisser ces deux parties de mon existence se rencontrer. « J’ai compris. » Qu’il le comprenne est une chose, qu’il l’applique en est une autre. Je suis loin d’avoir une confiance aveugle en lui, surtout pas s’il a recommencé à boire puisque je le connais assez pour savoir que cela signifie qu’il va mal. Si on ajoute à cela la drogue, alors il va vraiment mal.
« Et tu ressembles à un imposteur. Le Ichabod que j'connais aurait tout donné pour mener une vie normale. T’as eu ta seconde chance, quand les manthas sont disparus. T’aurais pu reconduire toi-même ta fille d’un point A à un point B. J'comprends pas comment tu as pu te trahir. Ton père n’était plus là pour t'forcer à faire ce choix. Et t'voilà à parler à un ex-taulard en plein milieu d'la nuit alors que tu pourrais être en train de… J’sais pas. Dormir avec la femme qu't’aimes. » - “C’est bon là, t’as fini ?”
Ses paroles ne m’atteignent pas autant qu’elles le devraient, ou qu’elles l’auraient pu. Dans le temps j’aurais été blessé d’entendre de telles choses, il est bien vrai, mais aujourd’hui j’ai bien trop de recul par rapport à ma propre vie et à tout le reste pour laisser ses remarques encore m’affecter. Nous avons fait autant d’erreurs l’un que l’autre, mais la sienne ce soir aura été d’avoir mêlé Rhea à cette discussion, dans un lieu qui y est tout sauf propice. Cette fois-ci je ne me contente pas de reculer la bouteille de vodka de sa portée mais la laisse plutôt tomber sur le sol, simplement aidée de ma main qui l’y pousse sans sourciller. Il a bien assez bu. “Le Ichabod que tu connais est mort dans l’explosion.” Il ne me connaît plus, aujourd’hui, et je commence à comprendre que moi non plus je ne le connais plus. Tous les reproches qu’il applique à ma personne valent aussi pour la sienne. Pour lui, pourtant, je n’arrive pas à trouver de raisons qui auraient pu (de nouveau) le conduire jusqu’ici. “Et si tu continues de parler de ma vie privée comme ça, tu risques de le retrouver à ton tour.” Je pensais avoir été clair et que nous avions passé un accord tacite interdisant de parler tant de Rhea que d’Ilaria mais force est de constater que même pour ça, j’avais tort sur toute la ligne. Il a beau avoir compté pour moi, énormément compté, ce ne sera jamais comparable aux sentiments éprouvés pour les deux femmes qui représentent aujourd’hui ma famille, et toute ma vie avec. “On ne se définit pas tous par notre père, arrête de me coller tes problèmes sur le dos.” Le mien était ce qu’il était, mais au moins il ne m’aurait jamais fait de mal. A ses yeux, tout du moins, il ne m’a jamais fait de mal. Il s’est toujours débrouillé pour que je souffre de la main et des ordres d’autres, ce qui était sûrement sa façon à lui de me dire qu’il tenait à moi (“aimer” étant sans doute un verbe trop fort encore). Dans un dernier souffle, déjà fatigué par cette discussion, je reprends pourtant et questionne : “Pourquoi est ce que t’as recommencé à boire ?” Aussi agaçant et trouble-fête puisse-t-il être, je continuerai à le considérer comme un petit frère. |
| | | | (#)Jeu 24 Déc 2020, 17:59 | |
| Joseph ne serait pas aussi bavard s’il ne s’était pas laissé tenter par ces bouteilles d’alcool qui semblaient le fixer depuis le début de la soirée. Il aurait accepté l’ordre d’Ichabod sans l’interroger davantage et sans oser remettre en question ses décisions. Il a toujours été un bon pion, le garçon de ferme, parce qu’il a appris dès son plus jeune âge qu’il vaut mieux se taire et obéir pour éviter de se retrouver torse nu contre une table, les mains posées à plat contre celle-ci et seulement les yeux remplis de larme pour réagir aux coups. Parce qu’il n’a jamais eu le droit d’émettre le moindre son quand son père le punissait – pour ne pas réveiller les voisins, il disait, alors qu’il désirait certainement cacher ses actes de nature médiévale au reste du village. C’est lui qui aurait dû aller en prison, pas celui qui ne faisait qu’écoper.
Ichabod a eu une bonne influence sur lui, étonnement. Joseph a toujours retrouvé une part de lui-même dans son chef. Ils étaient tous les deux nés dans la mauvaise famille et devaient se laisser porter par ce voilier indomptable qui les menait sans aucun doute vers des océans plus houleux. S’il l’avait sauvé de son destin, le premier jour où leurs regards se sont croisés, c’était parce qu’ils étaient faits pour se serrer les coudes et compter l’un sur l’autre. Au milieu d’une meute de loups, deux lapins se retrouveront toujours. “C’est ça. Le jeu du silence.” Et ce que lui demande son patron, ce soir, c’est de mentir encore et toujours parce qu’il n’y a de cette façon qu’ils pourront taire leurs secrets. Il devra conduire Ilaria il ne sait où et ne pas poser ses yeux sur elle pour l’empêcher de lire à travers ses iris de plus en plus gris. Bien évidemment, que ça ne lui plaît pas de devoir encore une fois jouer le rôle du parfait inconnu, et il ne peut pas s’empêcher de glisser des commentaires ici et là, encouragé par sa langue allégée par la vodka. Il ne prend plus le temps de filtrer ses pensées avant de les souffler hors de ses lèvres qu’il devrait souder ensemble à l’avenir.
Mais pas tout de suite. Joseph est déçu de son ami. Ils étaient différents, ensemble. Ils étaient deux âmes perdues qui ne faisaient que suivre le courant sans se faire remarquer. Pourtant, et depuis qu’ils se sont revus après avoir passé plus de cinq ans dans l’ombre de chacun, le plus jeune a l’impression qu’Ichabod est finalement tombé à l’eau. Il a perdu prise et la mer houleuse l’a englouti. “C’est bon là, t’as fini ?” Un énième soupir s’échappe de ses lèvres et, s’il a envie de répondre, il ne le fait pas. Pourtant, silencieux, il ne peut dissimuler sa surprise lorsque sa précieuse bouteille d’alcool clair rencontre le sol avec fracas. Le liquide se fraie un chemin entre toutes les craques qui délimitent chaque carreau de pierre lisse. Mâchoire serrée, il pose son regard vers l’avant pour éviter celui de son ainé. “Le Ichabod que tu connais est mort dans l’explosion. Et si tu continues de parler de ma vie privée comme ça, tu risques de le retrouver à ton tour.” La première menace de mort est écrite mais il s’y attendait, à celle-là. De plus en plus, Joseph reconnait Lou dans les mots de son patron, comme si tous les deux ne devenaient qu’un. Il ne pourra jamais comprendre la raison derrière le choix qu’il a fait de la rejoindre alors qu’ils étaient de vieux ennemis. Il est déçu, Joseph, et s’il n’était pas aussi bourré, son visage ne le crierait pas. « Menteur. » Il souffle quand Ichabod déculpabilise son père, comme si ce dernier n’avait pas joué un rôle important dans sa vie. « Tu n’serais pas ici si ton père n’avait pas pourri ta vie. Ainsi que celle d’ta mère, d’ailleurs. » À défaut de pouvoir occuper ses mains avec son verre devenu vide, il se contente de gratter le comptoir en bois pour en retirer le vernis. Ichabod se permet de le confronter sur son problème d’alcool et Joseph glousse, incapable de croire qu’il se soucie réellement de lui. Il n’est plus l’ami qu’il a été. « C’n’est pas la vodka qui va m’tuer, t’as pas à t’inquiéter. » Il finit par répondre, concis. « Mais j’peux bien te l’dire, après tout. J’perds rien. C’vous qui perdrez un dealer. » Il marque une pause, avale difficilement sa salive, la gorge nouée, et arrive à murmurer : « J’vais me faire renfermer, c’t’inévitable. J’ai merdé, encore une fois, et le mec que j’ai tabassé retrouve lentement sa mémoire. J’vais m’faire renfermer. » Il répète, la voix plus nerveuse, ses yeux partant à nouveau à la recherche d’une autre bouteille d’alcool à entamer. « Vous n’avez pas à m’tuer pour que j’garde le silence. J’dirai rien, tu sais déjà que je sais me la fermer. » Il n’a jamais mentionné les manthas la première fois, il est resté loyal comme un bon chien. « J’veux bien conduire Ilaria. Mais j’sais pas combien d’fois j’pourrai le faire avant que j’sois foutu. T’as encore le temps d’trouver un autre candidat. »
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| | | | (#)Lun 01 Fév 2021, 01:34 | |
| Je me raccroche au fait qu’il ne soit pas dans son état normal pour ne pas avoir à (trop) lui tenir rigueur de ses propos ou même sa consommation excessive d’alcool. J’ai beau reculer la bouteille de lui, il ne fait que mieux la chercher ensuite, comme un lévrier chassant sa proie au bout d’un engin télécommandé. Cours Joseph, cours. Le lévrier est en piteux état mais on ne pourra jamais lui retirer le fait d’être ce qu’il est. On a tous les deux cherché à fuir le monde de la drogue à un moment donné, on ne l’a simplement pas fait assez tôt. On n’est pas allé assez loin non plus. On n’a pas résisté assez longtemps. On a échoué, en somme.
« Menteur. » On est deux. A la différence de lui, je peux tenir ce rôle sans être saoul ou défoncé. Il n’a jamais été doué dans ce domaine là et aujourd’hui j’en viens à lui reprocher tout ce que les autres Manthas pouvaient dire de sa personne : il est trop faible. Ce n’est pas un reproche, simplement une constatation menant à la conclusion qu’il n’est pas fait pour ce monde. Ce n’est pas parce qu’il connaît les drogues et leur usage qu’il peut être un bon dealer pour autant. « Tu n’serais pas ici si ton père n’avait pas pourri ta vie. Ainsi que celle d’ta mère, d’ailleurs. » Certains défendent la veuve et l’orphelin et d’autres font tout le contraire. Joseph aurait le caractère pour appartenir à la première catégorie mais il ne sait que plaider allégeance à la seconde. Il est saoul, surtout, et je n’irai pas plus loin dans cette discussion avec lui. Je ne parle pas de mon père à sa propre petite-fille, je ne risque pas de le faire avec un ancien ami dans son genre. On aurait beaucoup à parler si on y mettait le moindre effort ; mais certainement pas à propos de notre ancien chef à tous les deux.
Contre toutes attentes, il m’offre lui même une transition à l’odeur de vodka alors qu’il souffle ses prochaines paroles et que mon attention revient en flèche. « J’vais me faire renfermer, c’t’inévitable. J’ai merdé, encore une fois, et le mec que j’ai tabassé retrouve lentement sa mémoire. J’vais m’faire renfermer. » Putain de Joseph. Il ne se contente jamais de merder sur un seul plan, il les accumule tous. Ça fait plus d’effet, sûrement. Ça fait sans doute moins mal, en réalité. Tout va extrêmement mal pendant un temps mais au moins après, c’est le retour à la vie normal. Ma méthode consiste à avoir une douleur diffuse qui ne s’estompe pourtant jamais. Je ne sais pas pourquoi on s’est un jour si bien entendus alors que nous n’avons finalement jamais rien eu en commun. “Explique.” Je continue à vouloir veiller sur lui, malgré ses torts et ses erreurs. Si je sais exactement ce dont on va l’accuser alors j’ai le mince mais réel espoir de pouvoir l’aider à ma façon. Cela ne veut pas dire que j’excuse ses erreurs, loin de là, mais je n’ai d’autre choix que de composer avec. Tant que cela n’affecte ni Ilaria ni Rhea alors je continuerai de penser qu’il n’a pas franchi la ligne rouge.
“Je te fais confiance là dessus.” Son silence vaut de l’or, surtout au vu de tout ce qu’il sait à mon sujet et celui de ma famille. Son amitié valait tout autant, avant. “Il n’y aura pas d’autre candidat. C’est toi ou personne.” Je veux qu’il comprenne toute l’importance de la chose, et dans ce cas là “la chose” c’est lui-même. Je ne fais confiance à aucune autre abeille recrutée par Lou, encore moins à celles qui étaient assez perdues pour se rapprocher de La Ruche par elles-mêmes. Je fais encore moins confiance à de purs inconnus. Joseph est ce qu’il est, avec ses défauts, mais il est la meilleure personne pour ce rôle. “Tu crèches où en ce moment ?” Je ne traînerai pas ma carcasse ici longtemps encore et il n’a pas intérêt d’en faire de même. |
| | | | (#)Mer 03 Fév 2021, 23:02 | |
| S’il devait expliquer la raison derrière laquelle son amitié avec Alfie s’est transformée en guerre, il ne saurait comment s’y prendre. Il a toujours pensé que son ami serait là pour lui parce que lui-même répondrait à tous ses appels. Ils étaient des frères, pendant un moment, mais la réalisation de certaines vérités a été fatale. Joseph a pensé pendant trop longtemps que l’autre était bien meilleur parce qu’il était son modèle ainsi que son protecteur avant qu’il ne quitte la ferme mais, au fond, tous ces gestes d’apparence empathique cachaient finalement une personnalité égoïste. Et, fidèle à lui-même, Joseph a toujours blâmé les autres pour ses malheurs, en commençant par son père qui lui a interdit d’être lui-même pour ensuite pointer du doigt Alfie qui lui a posé une pilule colorée sur la langue en lui promettant que cette dernière le débarrasserait de tous ses problèmes. Et, alors que le plus jeune pensait qu’Ichabod l’avait lui aussi rayé de sa vie parce qu’il n’était plus comme avant, ce dernier l’interroge davantage. Peut-être veut-il simplement satisfaire sa curiosité en s’informant sur l’énième connerie qu’a faite Joseph, ou vérifier si cette histoire pourrait mettre en danger la ruche. « Il n’y a rien à comprendre de plus. Je t’assure que vous ne craigniez rien, toi, et Lou, et les autres. » Ceux qui avaient été assez cons, comme lui, pour accepter de rejoindre l’organisation criminelle. « C’est une histoire avec un vieux pote. » Il ajoute en soupirant, conscient qu’il lui faudra beaucoup de temps avant de faire le deuil de cette amitié qui avait énormément compté pour lui.
Pour tout de suite tranquilliser son patron, il le rassure : il sait encore tenir sa langue. Même si sa loyauté envers la ruche est moins forte que celle qu’il avait envers les manthas, il ne compte pas parler. Ça lui coûterait la vie, même si sa sentence s’étend sur moins d’une dizaine d’années. Il ne pourrait plus jamais revoir le soleil. “Je te fais confiance là dessus.” Lèvres pincées, il hoche la tête – c’est une façon de le remercier de croire encore en lui. “Il n’y aura pas d’autre candidat. C’est toi ou personne.” Il attache son regard à celui d’Ichabod un peu plus longtemps pour chercher la nature de ses propos. Le temps et les problèmes les ont séparés et, pourtant, il le considère encore comme la seule personne digne de connaître l’étendue de sa seconde vie. “Tu crèches où en ce moment ?” Ses yeux rencontrent finalement le sol à nouveau et, s’attendant à ce que son patron lui offre une solution s’il admet de ne pas savoir où aller, il décide de ne pas être un plus grand fardeau. Il rentrera chez Deborah, cette nuit, en espérant que cette dernière ne lui pose pas trop de question en sentant le parfum de l’alcool dans ses vêtements. « Je sais où aller, ne t’inquiète pas pour moi. » Il finit par répondre avant d’ajouter : « Je reste encore quelques minutes, tu peux rentrer chez toi. » Il tentera seulement de ne pas s’endormir sur le comptoir.
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| | | | | | | | band of brothers (joseph #3) |
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