| a song of you (ilaria #2) |
| | (#)Sam 21 Nov 2020 - 19:00 | |
| Je me suis souvent demandé à quoi ressemblerait ma vie une fois adulte. J’ai pensé au pire comme au meilleur mais à aucun moment je n’ai su être rationnel et prévoir que je serai un jour éloigné de ma famille. J’avais prévu un scénario dans lequel elles mourraient, certes, mais aucun dans lequel elles apprenaient à vivre seules et loin de moi. C’était égoïste. C’était aussi ce que j’avais besoin de croire, à l’époque. Je n’aurais jamais pu imaginer que tout pourrait se passer ainsi et que les années se ressembleraient toutes. Aujourd’hui je suis heureux d’avoir pu être dans la même pièce qu’elles, pendant un temps au moins. C’était fou, suicidaire et totalement irréfléchi mais l’amour que je leur porte a bien du mal à s’arrêter à de telles frontières. J’ai eu besoin des mots d’Ilaria pour le comprendre mais maintenant c’est chose faite. Son manque de tact est une chose dont j’avais besoin, bien que je ne risque pas de lui laisser autant de latitude aujourd’hui.
Le rendez-vous a été convenu dans une chambre d’hôtel. J’ai essayé de faire au mieux, de trouver le moins pire, d’associer la sécurité à un minimum de confort. Le nom est faux comme les papiers d’identité que j’ai présenté à l’accueil ; tout a été payé en liquide et l’affaire conclue. C’est loin d’être optimal mais j’apprends encore à gérer son retour dans ma vie et je jongle avec tout le reste. Si cette rencontre se passe bien alors il y en aura d’autres, et si c’est plutôt l’inverse qui se produit je lui dirai au revoir tout en sachant bien que c’est un adieu. Ce n’est bien sûr pas ce que je souhaite et c’est loin d’être ce pourquoi je milite, raison pour laquelle j’en viens à tourner en rond tel un chien en cage, attendant impatiemment son arrivée.
J’ai confiance en elle, confiance en Joseph et confiance en moi. Le plan a été convenu à trois, il a été créé pour que rien ne soit laissé au hasard. J’aurais préféré n’avoir qu’à m’occuper de gérer les sentiments divers et variés et les explications allant avec mais une fois de plus, cela ne peut pas être aussi simple. J’inspire longuement et expire pendant autant de longues secondes lorsqu’on vient toquer à la porte, sachant déjà que je la trouverai de l’autre côté. J’ouvre aussitôt sans la laisser patienter et la fais entrer dans la chambre, posant en même temps mes yeux sur elle pour m’assurer qu’elle se porte bien - en apparence au moins. “Salut.” J’avais préparé chaque seconde pour le “avant” et autant pour le “après” mais jamais je me suis préparé à savoir quoi lui dire. J’ai aussitôt envie de me frapper la tête contre un mur, sachant mon entrée en matière plus qu’inappropriée et pourtant je n’ai rien de mieux à lui avancer. Je m’étonne simplement d’esquisser un sourire alors qu’elle se fait une place dans la chambre, trouvant qu’elle ressemble un peu plus encore à sa mère. “Tout s’est bien passé ?” Les questions pratiques viennent d’abord, vieille habitude que j’ai gardé de l’armée et de tout ce qui en a découlé ensuite. Ce n’est qu’après avoir passé une main dans mes cheveux - et avoir une fois de plus voulu me frapper la tête - que j’en viens à lui poser une autre question, tout aussi importante. “Tu vas bien, depuis la dernière fois ?” Je lui montre le lit sur lequel elle peut s’asseoir et déposer ses affaires si elle le désire, à défaut de réellement pouvoir lui proposer quelque chose de mieux. J’ai des milliers de questions à lui poser mais chaque chose en son temps. |
| | | | (#)Mer 25 Nov 2020 - 8:10 | |
| C’était excitée et légèrement appréhensive que tu t’étais levée ce matin-là. Ce n’était pas le week-end, juste un jour de semaine comme les autres où tu n’avais pas cours avant la fin de l’après-midi. Ces journées-là, d’habitude, tu les passais sur le campus universitaire à travailler quand même mais aujourd’hui, ce ne serait pas le cas. En te levant, tu envoyais un message à ta mère pour lui souhaiter une bonne journée, prenant bien soin de ne pas lui mentionner que tu allais voir ton père. Tu savais qu’elle n’était pas vraiment favorable à cela même si elle ne te l’empêcherait jamais. Tu préférais donc garder l’information pour toi, tu ne savais pas si ton père l’en informerait ou non auquel cas, il faudra certainement que tu t’expliques. Mais comme tu l’avais déjà dit à l’un comme à l’autre, tu comptais bien revoir ton père quitte à prendre des risques démesurés comme il te l’avait fait remarquer. C’était sans doute cette détermination qui l’avait fait craquer et mettre en place un stratagème qu’il considérait comme sécurisé. Tu avais bien compris lors de vos échanges par téléphone que si tu n’acceptais pas de suivre le plan qu’il avait concocté, tu pouvais dire au revoir à toute rencontre. Il avait donc fallu accepter les contraintes qu’il avait imposées comme celle de te faire conduire par un homme dont tu ne connaissais que le surnom, Jo. Génial n’est-ce pas ? Tu avais insisté en disant que tu pouvais très bien te conduire seule et arriver en un morceau à destination mais cela n’avait servi à rien. Tu avais donc reçu ensuite l’adresse d’un hôtel peu reluisant mais tout de même correct et un numéro de chambre. La date et l’heure étaient venus ensuite comme confirmation et puis il avait ensuite fallu se montrer patient. Et autant dire que tu n’étais pas la personne la plus patiente du monde … Mais personne n’avait trouvé comment avancer le temps donc tu avais pris ton mal en patience, tu avais continué ta vie normalement jusqu’à ce que tu ouvres les yeux ce matin …
Tu n’avais pas attendu que le réveil sonne une troisième fois. A la deuxième sonnerie, tu étais sur pied et tu te dirigeais vers la cuisine pour prendre ton café. En vérité, il était un peu inutile, tu n’avais pas besoin de ce café pour être remplie d’énergie. Tu mangeais une barre de céréales tout en sortant les ingrédients pour cuisiner quelques cookies. Tu en laisseras quelques uns pour Edge et Yasmine, si elle était là, cela leur fera plaisir. Une fois les cookies préparés, tu avais répondu à plusieurs messages sur Instagram et à quelques mails. Tu partis te préparer pour que quand Jo se présenta devant la maison avec la voiture, tu sois prête. Cette fois, tu laissais Pooka à la maison après lui avoir donné à manger et après avoir passé un peu de temps avec lui. Quand ton téléphone vibra, tu te levais du canapé, tu récupérais ton sac de cours car tu iras certainement de suite à l’université après cette rencontre et tu attrapais la boîte de cookies avant de quitter la maison. Un homme était au volant de la voiture qui était la tienne pour le trajet. Il te confirma son identité et ne se montra pas bien loquace au cours de la suite du voyage. Tu tentais plusieurs fois pourtant de lui poser des questions mais en vain … Une fois devant l’hôtel, tu le remerciais et lui proposais un cookie avant de rentrer à l’intérieur. Tu ne t’arrêtais pas à la réception, tu pris de suite la direction des chambres, le numéro de celle où ton père t’attendait était gravé dans ton esprit. Tu arpentes les couloirs déserts de l’hôtel jusque’à la porte en question et tu frappes doucement. Il ne faut que quelques secondes pour que la porte s’ouvre et tu y rentres de suite alors que ton père te dit : « Salut. » Légèrement surprise par cet accueil, tu levais les sourcils étonnée avant de répondre : « Salut. » Maintenant que vous étiez tous les deux, rien que tous les deux sans personne pour vous interrompre ou vous observer, c’était bien plus intimidant que ce que tu n’avais imaginé. Ce qui te rassure c’est que ton père n’a pas l’air d’être plus à l’aise que toi. « Tout s’est bien passé ? » Tu hoches la tête, tout avait l’air de s’être bien passé en tout cas. Enfin, toi tu considérais que tout se serait bien passé si tu avais pu conduire et tout ça donc tout ce cirque était un peu incompréhensible mais en tout cas, tu étais arrivée à destination sans t’être faite agresser si c’était sa question. « Je pense, enfin je suppose vu que je suis là. » Vu que tu ne savais pas vraiment quel était le danger, c’était difficile pour toi de dire si tout s’était bien passé mais bon, ton père en jugera et en parlera avec Joseph qui se plaindra certainement de tes dix milles questions. « Tu vas bien, depuis la dernière fois ? » Tu laisses ton sac tomber près du lit avant d’enlever tes chaussures et de croiser les jambes pour t’asseoir sur ce dernier. Ouvrant la boîte de cookies, tu la poses sur le lit à côté de toi en disant : « J’ai fait des cookies, je me suis dit qu’on aurait pas grand chose à grignoter dans cette chambre. » Et tu avais vu juste. Avec un peu de chance, vous pourrez boire de l’eau du robinet dans un gobelet en plastique normalement utilisé pour se laver les dents. « Je vais bien, très bien même. Enfin normal je suppose. » Bafouillais-tu par nervosité. Tu aurais aimé avoir à lui raconter pleins de choses mais tu ne savais pas vraiment par quoi commencer ou ce qui pourrait l’intéresser. Relevant la tête, tu posais tes yeux dans les siens en disant : « Je vais en cours, ça se passe bien. J’étudie la biologie sous-marine. » Lui confis-tu avant d’ajouter : « Et puis je bosse quelques heures au refuge avec Nériah. » Tu ne savais pas si c’était une bonne idée ou pas de parler de ton beau-père mais il était important pour toi, tu le feras forcément à un moment donné.
@Ichabod Bates |
| | | | (#)Sam 28 Nov 2020 - 4:47 | |
| Rien ne semble naturel entre ses paroles et les miennes mais j’imagine qu’on apprend tous les deux à gérer les nouveaux événements. Je suis bien plus habitué à ce genre de vie qu’elle mais jamais je n’avais été confronté à mon propre sang et, croyez-moi, cela redistribue complètement la donne. Je n’agis pas en face d’Ilaria comme je pourrais le faire avec qui que ce soit d’autre, c’est un fait que je ne prends pas même le temps de nier. Je ne veux pas minimiser l’importance qu’elle a à mes yeux, c’est un mensonge que je ne suis pas capable de commettre alors que je préfère simplement m’assurer qu’elle se porte bien. « Je pense, enfin je suppose vu que je suis là. » Sa façon de penser me laisse un mince sourire au bout des lèvres alors que je me contente de hocher de la tête à mon tour. Si elle ne pense à aucune raison d’aller mal alors je n’en demande pas plus pour être rassuré ; cela signifie que Joseph a rempli sa part du contrat sans faire de zèle. “C’est un bon début, en effet.” Je reprends maladroitement à mon tour, tentant de trouver des mots à lui dire alors que la discussion n’a jamais été mon fort.
Je l’observe se faire une place dans la chambre plus rapidement et naturellement que je ne l’aurais cru, ce qui me rassure moindrement sur les conditions de nos entrevues. Rien n’est facile mais elle s’adapte à tout et dans son caractère je reconnais à chaque instant un peu plus celui de sa mère, ce qui a tout d’un compliment à mes yeux - quoi que si elle pouvait être un peu moins bornée, je ne dirais pas non. « J’ai fait des cookies, je me suis dit qu’on aurait pas grand chose à grignoter dans cette chambre. » Revient le même sourire en coin alors que je l’observe ouvrir la boîte métallique avec minutie et que je me place à mon tour sur le lit, imitant sa posture sans même m’en rendre compte. “Bonne idée. Merci.” Et aussitôt après je viens prendre un biscuit, bien plus par politesse et curiosité que par faim. Pourtant je ne mens pas lorsque mon visage affiche une mine ravie après l’avoir goûté. C’est le genre de détail que je n’aurais jamais cru nécessaire d’ajouter à nos rencontres mais c’est aussi ce qui les rend plus naturelles et humaines, ce dont on a terriblement besoin. « Je vais bien, très bien même. Enfin normal je suppose. » Bien, très bien, normal. Je me contenterais d’un seul des trois s’il y en avait besoin mais cette sélection me fait plutôt plaisir. Elle n’a pas à mentir pour me répondre, c’est la seule chose que j’observe et aussi la seule qui me rassure. Après tout, son bien être reste ma seule priorité, juste après sa sécurité. C’est la sécurité de tout père qui tient à son enfant, j’imagine. On ne doit pas tous en venir aux mêmes extrémités, pourtant, là se tient la différence. « Je vais en cours, ça se passe bien. J’étudie la biologie sous-marine. » J’hoche la tête pour marquer que j’écoute avec attention chacun de ses mots. Pourtant je ressens à mon tour le besoin d’être transparent avec elle, tant et si bien que je lui confesse ne pas être totalement ignorant à propos de sa vie. “Je sais. J’ai essayé de me tenir au courant. Je … Ça te plaît ? Tu comptes en faire ton métier ?” Elle n’a pas à connaître les détails pour savoir comment je me suis tenu au courant alors je préfère plutôt l’interroger sur des choses que j’ignore encore et qui m’intéressent réellement. Je l’ai quittée enfant alors qu’elle rêvait d’être une Princesse dans un château de tortues, aujourd’hui elle est une jeune femme aux portes de la vie d’adulte.
Ilaria précise une dernière chose à propos de sa vie et je sens dans sa voix une boîte de culpabilité qui n’a pas lieu d’être. « Et puis je bosse quelques heures au refuge avec Nériah. » Soucieux de chasser tout doute de son esprit avant qu’elle ne les laisse mûrir, je reprends presque aussitôt avec un sourire en coin et un ton qui se veut chaleureux. “Tu l’aimes beaucoup, pas vrai ?” Venant de moi, je me doute bien que la question peut être interprétée d’un bon millier de façons différentes alors je prends le temps de préciser le fond de ma pensée pour qu’elle ne se sente pas mal à l’aise. “C’est pas une question piège. Tu peux me répondre franchement.” Je sais qu’il a fait beaucoup pour elles quand je n’étais pas là et même aujourd’hui encore. Je ne cherche pas à prendre sa place ni à le faire fuir et j’espère qu’elle le comprend, au fond. Ce n’est pas parce qu’il a la vie dont je rêve que je souhaite l’en évincer. Au moins un de nous deux mérite d’être heureux. “Il a l’air d’être quelqu’un de bien. Il s’est bien occupé de toi.” |
| | | | (#)Lun 30 Nov 2020 - 8:22 | |
| Cette rencontre, tu ne pensais pas y avoir droit. Après la discussion avec ta mère et la manière dont ton père t’avait reçue au garage, tu ne pensais pas avoir le droit de le revoir. Apparemment, tu étais en danger quand tu le voyais, d’où la nécessité du secret et du chauffeur qui était censé être un garde du corps. Enfin, tu supposais. Tu avais bien remarqué que ton chauffeur ne manquait pas de muscles et était plutôt bien fait mais ça, tu n’allais pas le mentionner à ton père bien entendu. « C’est un bon début, en effet. » Il ne t’était rien arrivé sur le chemin, comme tu l’avais prévu. Tu ne comprenais toujours pas pourquoi toutes ces précautions étaient nécessaires mais tu avais compris par contre qu’il valait mieux que tu ne poses pas trop de questions si tu voulais continuer à voir ton père. Enfin pour l’instant. S’il pensait s’en sortir aussi facilement, il se mettait le doigt dans l’oeil car ce n’était qu’une retraite stratégique. Commencer par demander peu pour ensuite pousser un peu plus loin. Vu qu’il t’y invita, tu pris place sur le lit. Ce n’était pas comme si cette chambre était une suite et comptait un salon donc le lit était vraiment le seul endroit où vous pouviez vous installer. Tu ne tardas pas à présenter la boîte de cookies à ton père, qui te répondit : « Bonne idée. Merci. » Tu te surpris à retenir ton souffle alors qu’il croquait dans le premier cookie. Un souffle que tu relâchais quand ses traits se tintèrent d’un sourire. Tu l’avais trop peu vu ce sourire, même pas du tout lors de votre dernière entrevue et cela te permis de te détendre un peu. Tu ne faisais pas tout mal si tu arrivais à le faire sourire. C’est en allant un peu dans tous les sens que tu répondis à sa question. Oui, tu allais bien mais cela ne voulait rien dire. Tu n’avais pas vu ton père depuis dix ans alors de quoi pouvais-tu lui parler ? Tu décidais de commencer par tes études qui étaient très importantes pour toi. « Je sais. J’ai essayé de me tenir au courant. Je … Ça te plaît ? Tu comptes en faire ton métier ? » C’est sa première phrase qui retint ton attention. Il savait ? Il savait quoi exactement. Tes sourcils se froncèrent légèrement alors que tu te demandais si ta mère t’avait menti. Si elle avait renoué contact avec ton père bien avant qu’il ne vienne la voir et qu’elle ne te l’avait pas dit. Ça ne lui ressemblait pas pourtant mais … Comment pourrait-il savoir ce que tu étudiais sinon ? En tout cas, une lueur d’espoir s’alluma dans ton esprit car peu importe le moyen, ton père avait voulu se tenir au courant de ta vie. « Comment est-ce que tu peux le savoir ? C’est maman qui te l’a dit ? » Tu ne sais pas si tu auras droit à une réponse mais tu tentes quand même parce que tu ne veux pas qu’il pense que tu es une idiote et que tu ne relèverais pas. « Mais oui, ça me plaît énormément. J’aime toujours autant les animaux et tout ce qui touche à l’eau. Je suis bien plus heureuse à faire ça que l’armée. » Parce que tu avais hésité, pour rendre fière ta mère et suivre ses pas, tu avais hésité. Tu aurais pu suivre ceux de ton père aussi ainsi. « Je ne sais pas encore quel métier je veux faire mais j’aimerais beaucoup arriver à en faire mon métier. » Dis-tu honnêtement. Tu n’es qu’au début de tes études. Avec un an d’avance, tu rentreras en troisième année au mois de février. Tu sais qu’il va bientôt falloir te spécialiser, t’orienter vers une voie plus spécifique mais tu hésites encore, tu ne sais pas vraiment pour l’instant … Et puis, parce que c’était une activité que tu appréciais et que tu ne te voyais pas ne pas mentionner, tu lui parlais de tes heures dans le refuge de Nériah. « Tu l’aimes beaucoup, pas vrai ? » Tu relevais les yeux, écarquillés, à cette question, comme si tu étais prise en flagrant délit. La réponse était une évidence pour toi mais tu n’avais pas envie de blesser ton père non plus. Ce n’était pas parce que tu aimais Nériah que tu ne l’aimais pas aussi. Il sentit ton inconfort car il ajouta : « C’est pas une question piège. Tu peux me répondre franchement. Il a l’air d’être quelqu’un de bien. Il s’est bien occupé de toi. » Ces mots te soulagent et enlèvent un poids de tes épaules. Tu ne vas pas parler à tout va de Nériah à ton père, ce n’est pas le but mais savoir que tu peux en parler est aussi important pour toi parce que Nériah a joué et joue encore un rôle important dans ta vie. Hochant la tête, tu finis par murmurer : « Oui, je l’aime beaucoup. » Tu laissais le silence s’installer pendant quelques secondes avant d’ajouter : « Il … Il a sauvé maman, il a remis un sourire sur son visage quand même moi je n’y arrivais plus. Rien que pour ça, je lui en serai toujours reconnaissante. » Tu avais essayé au fil des années de lui faire sentir cette reconnaissance. Vous aviez réussi à construire un lien particulier et tu avais de la chance de l’avoir eu dans ta vie. « Nériah n’a jamais essayé de prendre ta place. Je ne l’aurais jamais accepté de toute façon mais il n’a jamais essayé. C’est lui qui m’a convaincu de ne pas m’engager dans l’armée comme toi et maman. » Dis-tu en haussant les épaules. « Et puis j’ai un petit frère maintenant, enfin ça fait six ans. Il s’appelle Luka. » Peut-être que ta mère le lui avait dit, tu n’en savais rien. « Tu as refait ta vie toi ? » Après tout, si ta mère avait eu le droit de le faire, pourquoi pas lui ? Il t’avait donné l’impression que non mais on t’a appris à ne pas juger un livre à sa couverture …
@Ichabod Bates |
| | | | (#)Mer 9 Déc 2020 - 20:53 | |
| Je ne cherche pas à cacher davantage de choses à Ilaria. Désormais libre à elle de soulever, ou non, les indices que je lui laisse. Une part de moi espère qu’elle ne le fasse pas et l’autre est heureuse que ce soit le cas, tant et si bien que je ne réagis pas réellement lorsqu’elle reprend. « Comment est-ce que tu peux le savoir ? C’est maman qui te l’a dit ? » Elle va droit au but et a des hypothèses parfaitement logiques, à tel point que je croirais revoir Rhea vingt ans plus tôt. Son esprit logique et scientifique me fait sourire. “Non, non. Je me tiens informé tout seul, à vrai dire.” Cela ressemble sans doute bien trop à la scène d’un film mais malheureusement, c’est surtout bien trop réaliste. Encore une fois je ne peux pas tout lui révéler dans les moindres détails mais elle mérite de savoir que sa mère n’a rien à voir dans les informations que je peux récolter de ci de là ; j’aurais bien trop peur qu’elle prenne mal la chose si elle venait à croire qu’on parlait d’elle dans son dos. Je ne suis pas certain que le recours à des personnes annexes soit bien meilleur mais je peux peut-être m’avancer et dire que ce sera moins pire. « Mais oui, ça me plaît énormément. J’aime toujours autant les animaux et tout ce qui touche à l’eau. Je suis bien plus heureuse à faire ça que l’armée. » L’entendre dire qu’elle est heureuse me rend heureux à mon tour. C’est aussi simple que je n’ai jamais eu l’occasion d’en prendre l’habitude. L’entendre parler de ce qui la passionne est toujours intéressant puisque je continuerai à éternellement poser un regard paternel et aimant sur elle. “C’est tout sauf un passage obligatoire, tu sais.” Je serai bien le dernier à lui vendre les mérites de l’armée et si un passage là-bas m’a permis de rencontrer Rhea, je n’y ai personnellement trouvé aucun autre avantage. Cela me permettait simplement d’être loin de la maison mais pour elle la donne est bien différente et j’imagine (espère) qu’elle n’a nul besoin ni envie de s’échapper de leur maison familiale de Bayside. Dans la mesure du possible, je souhaite simplement qu’elle puisse continuer à faire ce qui la passionne et qu’à terme elle en fasse son métier. J’imagine que c’est ce que désire tout parent pour son enfant, après tout.
Sa réaction suite à ma question à propos de Nériah me fait rire un court instant alors qu’elle ne cache nullement son étonnement. Je ne cherche pas à dissimuler mes intentions ni même le fond de ma pensée et tente donc au mieux de la rassurer aussitôt. Je passe mon temps à mentir et à ne parler que de ce qui m’arrange et moins j’élude de choses avec elle, mieux on se porte tous les deux. « Oui, je l’aime beaucoup. » Mon sourire est fuyant mais tout sauf jaloux. J’aurais bien sûr préféré être l’homme dont elle pourrait parler de la sorte mais savoir qu’une personne a au moins tenu ce rôle dans sa vie a quelque chose de rassurant. Elle est aujourd’hui une belle jeune femme accomplie, ce qui m’amène à aisément penser qu’il a bien tenu ce rôle. Peu d’hommes se seraient aussi bien occupés de la fille d’un autre et bien que je ne rêve pas de devenir ami avec ce Nériah, cela ne m’empêche pas de l’estimer un minimum. « Il … Il a sauvé maman, il a remis un sourire sur son visage quand même moi je n’y arrivais plus. Rien que pour ça, je lui en serai toujours reconnaissante. Rien que pour ça et pour un millier d’autres raisons, je continuerai à l’être aussi. Mon sourire devient gêné avant de disparaître. Le sujet est glissant et je n’ai pas hâte de m’y enfoncer à nouveau. Peu importe les mots et autres explications que je pourrais trouver, ils ne seront jamais suffisants.
Le sujet s’étend et continue et bien que je ne pense pas de mal au sujet de cet homme, j’avoue ne pas avoir envie de passer ce temps précieux à parler de lui. Il est déjà bien difficile de voir ma fille, j’aimerais autant que possible profiter de ces moments avec elle pour rattraper le temps perdu. « Nériah n’a jamais essayé de prendre ta place. Je ne l’aurais jamais accepté de toute façon mais il n’a jamais essayé. C’est lui qui m’a convaincu de ne pas m’engager dans l’armée comme toi et maman. » Ma main joue doucement avec le dessus de lit à défaut que je ne trouve rapidement de quoi lui répondre. Je n’ai jamais été doué avec ce genre de paroles, dès lors qu’il ne s’agit plus de négocier ou de menacer qui que ce soit. On m’a toujours appris à monter sur mes grands chevaux et éternellement tenter de prouver à l’autre que je suis le plus fort ; aujourd’hui cela ne se rapproche pas de telles choses, ni de près ni de loin. “Je n’ai jamais pensé une telle chose.” Je resterai toujours son père - même si elle ne semble pas encline à accepter l’idée - et lui sera celui qui l’a élevé toutes ces années où je n’étais plus qu’un fantôme. Entrer dans la vie de Rhéa et Ilaria en même temps n’a pas dû être facile mais il l’a fait par amour pour elles et de ce fait, je ne l’accuserai jamais injustement d’avoir voulu me remplacer. “Et je suis content qu’il t’ait convaincu de ne pas suivre notre chemin.” L’armée forme la jeunesse autant qu’elle la brise parfois.
Ilaria s’ouvre petit à petit et je fais du mieux que je peux pour qu’elle continue à être à l’aise, et ce malgré toutes les circonstances entourant cette rencontre. « Et puis j’ai un petit frère maintenant, enfin ça fait six ans. Il s’appelle Luka. » J’ai toujours trouvé que c’était un très joli prénom et si j’avais eu un autre enfant, j’aurais aimé l’appeler ainsi. Ce garçon restera à jamais le frère d’Ilaria mais ne sera jamais mon fils et pourtant je suis heureux qu’il soit dans sa vie, lui aussi, parce qu’à la façon dont elle a de parler de lui je devine déjà qu’elle fait une parfaite grande sœur. « Tu as refait ta vie toi ? » J’aurais dû attendre avant de reprendre un cookie, j’aurais sans doute été un peu moins pathétique à m’étouffer avec à peine sa question posée. Mes yeux grossissent, mon regard remonte nerveusement dans le sien. “Non, pas vraiment. Je n’aurais pas pu.” Je n’aurais pas risqué la vie de qui que ce soit d’autre, cela n’aurait pas été juste de ma part. Le monde de la drogue n’est pas le mien, le moto de “sans foi ni loi” me ressemble encore moins. Par dessus tout, je n’ai jamais ressenti la moindre envie de refaire ma vie ; pas avant aujourd’hui, en tout cas. “Et je ne l’ai jamais voulu non plus.” Je l’avoue donc enfin à ma fille après avoir attendu quelques secondes et ajouté un demi-sourire en coin. Il n’a rien d’heureux mais se veut un minimum rassurant puisque c’est mon rôle premier en tant que père : la protéger. Envers et contre tout, c’est ce que je continuerai de faire. “Je ne vous ai pas laissées pour recommencer ma vie ailleurs. J’aurais préféré rester avec vous.” Elles étaient la vie que je voulais et la vie dont je rêvais. Si je n’ai pas refait ma vie ce n’est pas parce que je ne le pouvais pas, c’est surtout parce que je n’en avais pas la moindre envie. “Je n'essayerai jamais de prendre la place de Nériah non plus.” Personne ne veut la place de personne et tout va bien dans le meilleur des mondes, voilà la conclusion à laquelle il faut plus ou moins en venir. “Tu sais si t'as besoin de quoi que ce soit, n'hésite pas à me le demander. Vraiment quoi que ce soit et ... à n'importe quelle heure.” Je ne devrais pas avoir à lui dire ce genre de chose tellement le soutien éternel d'un père devrait couler de source mais je ressens le besoin de le lui préciser aujourd'hui. Mieux vaut tard que jamais, sûrement, et je préfère toujours garder un oeil sur elle plutôt qu'elle me voit comme une figure d'autorité devant laquelle elle se doit d'être éternellement parfaite. “Si jamais t'en as envie, ta grand-mère serait très heureuse de te revoir.” Sa maladie a au moins le mérite de ne pas la faire se rendre compte qu'elle n'a pas vue Ilaria depuis dix ans. |
| | | | (#)Jeu 17 Déc 2020 - 21:34 | |
| Ton père était le spécialiste des réponses qui n’en étaient pas vraiment une. Donner une information sans jamais vraiment la donner, te laisser imaginer ce que tu voulais sans jamais donner un cadre précis à ce qu’il te répondait. Difficile dans ces conditions pour ton esprit scientifique de pouvoir dessiner un puzzle et d’en assembler les pièces. Difficile de récolter toutes les variables que tu devais mettre dans l’équation pour arriver à la résoudre. Il y avait encore bien trop d’inconnus dans cette équation et les réponses à demi-mots de ton père ne t’aidaient pas à y voir plus clair. « Non, non. Je me tiens informé tout seul, à vrai dire. » Cette information, tu mets quelque seconde à la comprendre ou plutôt à comprendre ce qui se cache derrière. Et quand tu comprends enfin, tu sens la colère monter. S’il s’informait tout seul, c’était qu’il n’avait pas complètement disparu, c’était qu’il avait été toujours plus ou moins là, assez proche pour savoir ce que tu étudiais et apparemment pour savoir ce qui s’était passé dans ta vie. Alors pourquoi ? Pourquoi vous abandonner si c’était pour vous épier de loin pendant des années ? « T’es jamais vraiment parti en fait pas vrai ? » L’amertume était bien présente dans le ton de ta voix. Tu commençais à comprendre que ton père ne s’était peut-être pas enfui aussi loin que tu l’avais imaginé. Il avait certainement été beaucoup plus proche de toi que tu ne le pensais toutes ces années. « Tu préférais nous regarder souffrir de loin plutôt que de rester avec nous ? » Tu t’en fichais de ce qu’il t’avait dit au garage. A ce moment-là, cela n’avait pas d’importance. Comment pouvais-tu accepter qu’il vous ait regarder souffrir de loin, vivre sans lui pendant toutes ces années alors qu’il était si proche que tu aurais pu sans doute le toucher ? Tu n’arrivais pas à comprendre, vraiment pas … Tu affirmais cependant que tes études te plaisaient et il était fort probable que tu allais chercher à poursuivre sur cette voie même si pour l’instant, le métier qui t’attendait, tu ne l’avais pas encore trouvé. « C’est tout sauf un passage obligatoire, tu sais. » Tu hoches la tête parce que oui, tu l’avais compris finalement. Mais l’armée avait toujours été le lien entre tes parents, le lieu de leur rencontre et une partie de toi s’était persuadée qu’en intégrant l’armée, tu te rapprocherais un peu plus de ce père absent. Tu ne regrettais pas d’en avoir été dissuadée. En parlant d’en avoir été dissuadée, le prochain sujet que vous abordiez est celui que tu redoutes le plus. Nériah est une personne importante de ta vie, très importante même. Malgré le fait qu’il ne remplacera jamais ton père, il a été cette figure paternelle sur laquelle tu t’étais appuyée et tu continuais à t’appuyer depuis des années. Tu l’estimais énormément et tu l’aimais beaucoup, un amour que tu espérais que ton père ne te reprocherait pas. La réaction de ton père te rassure. Tu ne savais pas comment il prendrait cette annonce, ce qu’il penserait de cet homme qui avait pris une place qui aurait pu être la sienne. « Je n’ai jamais pensé une telle chose. » Tu hoches la tête, presque un mécanisme. Nériah n’avait jamais essayé de prendre la place de ton père, il avait su se créer sa propre place et surtout vous permettre de créer une famille. C’était quelque chose dont tu avais terriblement besoin. Peut-être que ton père ne comprendrait jamais à quel point il t’avait marquée au fer rouge en partant de cette manière. « Et je suis content qu’il t’ait convaincu de ne pas suivre notre chemin. » Un petit sourire timide se dessine sur tes lèvres alors que tu ajoutes : « Moi aussi. » L’armée n’aurait pas été pour toi la bonne institution. Incapable de le voir ou de le comprendre à l’époque quand tu cherchais un lien à tout prix avec celui que tu avais perdu, tu aurais été plus malheureuse qu’autre chose. Mais en disant au revoir à l’armée, il avait fallu que tu acceptes de dire au revoir à ton père enfin, à ce lien en tout cas que vous auriez pu avoir mais auquel il n’avait pas l’air de tenir lui non plus.
C’est à ton tour maintenant de te montrer curieuse. Après avoir mentionné ton petit frère, tu ne peux t’empêcher de demander à ton père si lui aussi a refait sa vie. Tu n’as pas encore décidé si une réponse positive te fera plaisir ou si ce sera tout le contraire mais tu veux savoir, tu as besoin de savoir. « Non, pas vraiment. Je n’aurais pas pu. Et je ne l’ai jamais voulu non plus. » Finalement, tu ne sais pas si cette réponse n’est pas la pire. Savoir qu’il aurait voulu rester avec vous mais qu’il ne l’avait pas fait. Qu’il vous avait épié de loin sans jamais s’approcher … Il y avait quelque chose de cruel dans cette vérité. Ton père n’avait pas refait sa vie, il continuait à l’affronter tout seul, ou plus ou moins tout seul en ne laissant personne s’approcher. Tu savais que si tu étais dans cette chambre aujourd’hui, c’était parce qu’il avait compris qu’il ne pouvait pas te faire fuir, pas comme les autres en tout cas. Tu ne peux cependant pas t’empêcher de te demander si cette vie n’est pas bien solitaire. « Tu … Cela ne te pèse pas d’être tout seul ? Je … Ce ne serait pas facile pour moi. » Dis-tu en haussant les épaules comme pour justifier cette question très personnelle et peut-être indiscrète. « Je n'essayerai jamais de prendre la place de Nériah non plus. Tu sais si t'as besoin de quoi que ce soit, n'hésite pas à me le demander. Vraiment quoi que ce soit et ... à n'importe quelle heure. » Tes pupilles rencontrent les siennes. Alors que les tiennes sont remplies de surprise, les siennes sont comme une supplication. Celle te croire que cette proposition est sincère et peut-être te supplier de ne pas en faire une proposition dans le vent. En vérité, tu n’as pas besoin de grand chose. Nériah et ta mère avaient toujours veillé à ce que tu ne manques de rien et tu avais une vie d’étudiante banale. Mais rien que la possibilité de pouvoir l’appeler, de pouvoir lui demander quelque chose, c’était un énorme pas en avant. « Ce dont j’ai surtout besoin c’est que tu ne disparaisses plus. » Tu baissais les yeux à ces paroles parce que tu savais que tu ne pourrais pas revivre un tel abandon une seconde fois, ce n’était tout simplement pas possible. Toutefois, ton père ne semblait plus prêt à te fermer toutes les portes, au contraire, il en ouvrait de nouvelles, des portes dont tu ne connaissais pas l’existence : « Si jamais t'en as envie, ta grand-mère serait très heureuse de te revoir. » tu relèves brusquement la tête avant de demander : « J’ai une grand-mère ? » Dans n’importe quelle circonstance, tu te serais frappée la tête à cette question ridicule parce que oui, ton père n’était pas sorti d’un choux-fleur … « Enfin elle est vivant je veux dire ? » Essayas-tu de te rattraper in-extremis. « Je veux bien la rencontrer oui, enfin la revoir. » Parce qu’apparemment tu l’avais déjà vue mais tu n’en gardais aucun souvenir. C’était étrange de te dire que tu avais cette grand-mère que tu ne connaissais pas … La famille de ta mère avait toujours été très présente pour toi et tu avais appris à te faire une place dans celle de Nériah également.
@Ichabod Bates |
| | | | (#)Jeu 24 Déc 2020 - 9:13 | |
| Je suis fier d’Ilaria et plus encore qu’elle soit de mon sang, mais parfois j’aurais préféré qu’elle soit moins intelligente. Cela aurait sans doute aidé à bien des choses, notamment à ce qu’elle n’ait pas cette aisance incroyable de me mettre dos au mur toutes les quelques minutes. « T’es jamais vraiment parti en fait pas vrai ? » Il n’y a pas de bonne réponse à avoir à cela. La question est rhétorique et nous le savons tous les deux. Non, en effet, je ne suis jamais parti. Je n’ai même jamais quitté le quartier, en réalité, mais je me garde bien d’aller jusqu’à préciser ce genre de détail. Ilaria a déjà bien assez de raisons de m’en vouloir. « Tu préférais nous regarder souffrir de loin plutôt que de rester avec nous ? » Je comprends qu’elle soit en colère et cela explique qu’elle lance des questions injustes à mon égard alors que j’essaye encore et toujours de lui faire comprendre à quel point elle et sa mère peuvent compter à mes yeux. Je n’ai pourtant que des paroles à lui offrir alors que mes gestes ne sont pas en ma faveur. “Je préférais vous regarder vous battre plutôt que vous condamner.” Je reprends sa phrase et en modifie les termes pour ne pas avoir à directement lui affirmer qu’elle a tort. A force, j’ai bon espoir qu’on arrive à réellement se comprendre et à trouver un terrain d’entente. En attendant que cela arrive, je continuerai à me battre pour elle, pour pouvoir continuer à la compter dans ma vie.
« Tu … Cela ne te pèse pas d’être tout seul ? Je … Ce ne serait pas facile pour moi. » De cette phrase j’en retiens bien plus la partie qui a propos à sa propre personnalité plutôt que la question. Petite déjà, elle savait trouver des amis partout où elle allait. Aujourd’hui, je suis heureux de constater que certaines choses ne changent pas et qu’elle se veut toujours aussi sociable. C’est une bonne chose, tout le monde a besoin d’être bien entouré et je ne doute pas un seul instant que ce soit son cas. “Je n’avais jamais pensé vivre ma vie avec quelqu’un avant de rencontrer ta mère.” Les confessions se font au goutte goutte mais elles ont au moins le mérite d’exister. Je n’irai pas jusqu’à préciser que ma relation avec Rhea a été accompagnée de quelques menaces de mort de la part de mon paternel, mais ce n’est de toute façon pas quelque chose qui la concerne. Tant qu’elle sait et comprend à quel point j’ai aimé sa mère et comment cette dernière a pu changer ma vie dans le bon sens du terme, c’est tout ce qui m’importe. “Je suis plutôt du genre solitaire, tu sais, ce n’est pas si terrible que ça en a l’air.” Elle n’a pas à s’en faire pour moi. Les rôles ne doivent pas s’échanger ou je risque de m’en vouloir pour une vie encore.
La douceur d’Ilaria est admirable, surtout alors qu’on sait tout le cractère de lionne qu’elle cache derrière. « Ce dont j’ai surtout besoin c’est que tu ne disparaisses plus. » Je voudrais réellement lui promettre que ce ne sera pas le cas mais ma récente adhésion à La Ruche n’est qu’un indice de plus dans la masse difforme de tous ceux me faisant croire que je ne contrôle pas mon avenir. Chacune de nos rencontres peut être la dernière.
Dans l’optique de changer de sujet autant que de faire rattraper le temps perdu à ma fille, j’ose doucement aborder le sujet de sa grand-mère. « J’ai une grand-mère ? » Mon sourire est instinctif et naît aussitôt ses paroles prononcées. Pour la première fois, je ne vois pas dans ses yeux une once de reproche ou même de tristesse et c’est ce dont j’avais besoin. Elle redevient pendant une seconde l’enfant que j’ai vu grandir et la femme qu’elle est en train d’élaborer aujourd’hui. « Enfin elle est vivante je veux dire ? » L’esprit scientifique, donc. Je rigole à peine mais reprends bien vite mon sérieux. Mon sourire, lui, ne s’efface pas. “Oui. Oui, elle est vivante.” Je me garde bien de préciser que ses jours sont comptés. Ou en tout cas, je ne lui dirai pas aussi abruptement, pas après lui avoir fait miroiter une rencontre avec la vieille dame. J’estime qu’elle vit assez d’ascenseurs émotionnels ces derniers temps et c’est la raison pour laquelle ma voix prend un ton plus doux au moment de reprendre et lui préciser l’état de santé de ma mère. “Il faut que tu saches qu’elle est malade.” La laisser découvrir ce détail par elle-même n’aurait pas été juste pour personne. Elle a sûrement besoin de s’y préparer et c’est la raison pour laquelle je me permets d’ajouter ensuite quelques précisions. “Alzheimer. Je ne sais pas si elle se souviendra de toi, elle a tendance à m’oublier de plus en plus.” Se souvenir du visage d’une enfant qu’elle n’a pas vu depuis dix ans sera une véritable épreuve pour elle mais puisque Ilaria a énormément compté pour elle, je ne perds pas espoir qu’une telle chose puisse arriver. Je ne suis pas du genre utopiste et on me reproche toujours mon côté un peu trop terre à terre, alors j’espère bien avoir raison cette fois-ci. J’espère que mon esprit n’est pas biaisé par mon attachement à ma fille. “Si elle se rend compte de qui tu es, elle sera vraiment heureuse de te revoir. Elle ne pensait pas avoir de petit-enfant, t’as été plus que gâtée quand tu étais petite.” Chaque visite était ponctuée d’un nouveau cadeau pour la jeune tête blonde, même à l’époque à laquelle elle peinait encore à les ouvrir de ses petits doigts boudinés. Très rapidement, elle a préféré déballer les cadeaux plutôt que les utiliser, ceci dit.
Après avoir dégluti un temps, je profite du sujet de discussion pour enchaîner sur un autre versant, bien moins réjouissant. “Je dois te dire que ton grand-père est mort, par contre.” Ma mâchoire serrée marque bien le changement radical de ton. Une part de moi est heureux qu’elle n’ait pas à le rencontrer mais je sais qu’à ses yeux, il est une part de sa famille que je l’ai empêché d’apprendre à connaître plus en détails. Pour une fois c’est totalement faux, sa mort coïncidant avec mon départ, mais je ne peux pas me risquer à lui préciser quel était son travail au quotidien. A défaut, je préfère préciser la raison pour laquelle je me montre déjà si rabat-joie. “Je ne sais pas ce dont tu es au courant ou non, alors je préfère prévenir avant que tu ne te fasses des illusions.” |
| | | | (#)Mar 29 Déc 2020 - 10:23 | |
| Réaliser que ton père n’était jamais réellement parti, qu’il avait certainement toujours été là, tout près de vous sans que vous ne le sachiez te mettait en colère. Il y avait eu tellement de jours où tu t’étais levée avec ce trou dans ton coeur, avec ce trou béant que tu n’arrivais pas à fermer, malgré tous les efforts de Nériah. Ce dernier avait tout fait pour compenser cette absence mais il ne pouvait pas la combler, ce n’était pas ce que tu attendais de lui de toute manière. Alors savoir que ton père vous avait regardé souffrir de loin t’était insupportable. Et sa réponse, comme toujours cryptique et qui ne voulait rien dire ne faisait que t’agacer un peu plus. « Je préférais vous regarder vous battre plutôt que vous condamner. » Toujours cette idée que votre vie était en danger. Voilà une idée que tu n’arrivais pas à te mettre en tête. Pourquoi donc est-ce que l’on essaierait de te tuer ? Malgré l’histoire de ton père sur le lanceur d’alerte, tu n’arrivais pas vraiment à y croire car ta mère t’avait confié qu’elle n’avait jamais rien su de la vie de celui qui avait partagé sa vie pendant plus de dix ans. Donc il n’avait pas lancé d’alerte particulière quand il vous avait quitté vu que les secrets étaient eux déjà là. « Non, tu préférais nous regarder nous débattre plutôt que de rester. » Parce que tu ne pouvais pas voir les choses autrement, pour toi ce n’était pas possible. Il vous avait abandonné sans se retourner mais en restant toutefois tout près, à vous observer de loin vivre une vie dont il s’était lui-même privé. « C’est aussi pour ne pas nous condamner que t’as jamais rien dit à maman sur toi ? Que tu l’as laissée tombée amoureuse d’un fantôme ? » Si tu t’étais réveillée un jour comme ta mère, seule, dans un lit et que tu t’étais rendue compte brutalement que tu ne savais rien de l’homme qui avait partagé ta vie ou du moins pas assez pour le retrouver, tu aurais certainement fait une crise mémorable. Mais cela n’avait apparemment pas gêné ta mère et c’était leur histoire après tout. Toi, tu n’étais que le résultat d’une histoire dont tu ne sauras certainement jamais les tenants et les aboutissants.
Savoir que ton père n’avait pas refait sa vie aurait pu te rassurer mais c’était tout le contraire. Tu t’inquiétais plus de le savoir seul dans sa vie que tu n’étais contente de savoir qu’il n’avait pas refait sa vie ailleurs avec une autre femme et d’autres enfants dont il se serait occupé. Vous aviez apparemment été une exception d’après ce qu’il te dit : « Je n’avais jamais pensé vivre ma vie avec quelqu’un avant de rencontrer ta mère. Je suis plutôt du genre solitaire, tu sais, ce n’est pas si terrible que ça en a l’air. » Tu as du mal à le croire. L’homme n’est pas un animal solitaire. L’homme est un animal qui aime être entouré et qui vit en société comme les animaux vivent en troupeaux. Toutefois, chaque être humain fait ses choix et si ton père te dit qu’il est mieux tout seul, tu ne vas pas avoir d’autres choix que de le croire et de faire avec. Tu te fais la promesse cependant que tant qu’il ne te rejettera pas une nouvelle fois, tu seras là pour lui, tu seras là pour qu’il ne se sente pas trop seul. N’était-ce pas une des raisons pour lesquelles les gens faisaient des enfants après tout ? Tu ne répondis rien, tout comme lui ne répondit pas quand tu lui dis que ce dont tu avais besoin c’était de sa présence dans ta vie, une présence continue pour une fois. Son silence face à cette affirmation te fit comprendre que tu ne devais pas prendre pour acquis ces moments que tu passais désormais avec ton père. Aussi étranges soient ces rencontres, elles avaient le mérite d’exister et pour l’instant c’était suffisant. Oui, pour l’instant parce que tu n’étais pas certaine que cela le soit sur le long terme.
Ton père détourna la conversation sur un sujet que tu ne t’étais pas imaginé abordé. Ta mère avait mentionné l’existence de ta grand-mère plusieurs semaines plus tôt mais tu n’y avais guère prêté attention. Ce n’était pas comme si les informations sur ton père étaient nombreuses et des fois, tu t’étais demandée si ta mère n’en avait pas inventé. Savoir que tu avais une grand-mère c’était … La famille du côté de ta mère était nombreuse et très présente, tu n’avais jamais manqué de rien et celle de Nériah t’avait adoptée avec plaisir. Mais rencontrer ta grand-mère paternelle, ce serait mettre un pied dans le passé de ton père et peut-être rencontrer une autre facette de sa personnalité. « Oui. Oui, elle est vivante. » Un grand sourire se dessina sur ton visage à cette nouvelle, un sourire qui était contagieux vu que ton père semblait lui aussi heureux de te faire part de cette nouvelle. « Il faut que tu saches qu’elle est malade. Alzheimer. Je ne sais pas si elle se souviendra de toi, elle a tendance à m’oublier de plus en plus. » Ton sourire s’effaça un petit peu à cette nouvelle parce que cela voulait dire que tu n’allais pas pouvoir questionner ta grand-mère comme tu prévoyais déjà de le faire. Si elle avait la maladie d’Alzheimer, elle ne se souviendrait certainement de pas grand chose au final … « Si elle se rend compte de qui tu es, elle sera vraiment heureuse de te revoir. Elle ne pensait pas avoir de petit-enfant, t’as été plus que gâtée quand tu étais petite. » Ton coeur se serra à ces paroles parce que tu regrettais de ne pas en avoir de souvenirs. Tu regrettais d’avoir oublié cette grand-mère qui t’aimait beaucoup et qui maintenant ne se souviendrait peut-être jamais de toi. Oh comme la vie était mal faite … Toutefois, la maladie ne te faisait pas peur, rencontrer ta grand-mère te faisait plaisir surtout parce que cela voulait dire une nouvelle rencontre avec ton père. Tu doutais qu’il t’y laisse y aller seule. « Il vaut peut-être mieux que je ne tarde pas à aller la voir alors si l’on veut qu’elle ait une chance de me reconnaître. » Fis-tu remarquer. C’était une maladie dégénérative qui empirait avec le temps alors plus le temps passait, plus elle oubliait … « Elle est dans une maison spécialisée ? » Demandas-tu curieuse à ton père. Tu doutais qu’il soit du genre à s’occuper d’elle jour et nuit, cela ne devait pas être possible avec son travail au garage de toute façon. Sans que tu ne t’y attendes, le ton de la conversation change brutalement alors que ton père te parle de ton grand-père. « Je dois te dire que ton grand-père est mort, par contre. Je ne sais pas ce dont tu es au courant ou non, alors je préfère prévenir avant que tu ne te fasses des illusions. » Tu n’y avais pas réfléchi, tu n’y avais pas eu le temps mais en effet, cela répondait à une question que tu pouvais te poser. Le ton utilisé par ton père te laissait sous-entendre qu’il ne s’entendait sans doute pas très bien avec ce dernier et que sa mort n’était pas une mauvaise chose. « Je … Je n’y avais pas trop réfléchi. » Dis-tu en haussant les épaules avant de prendre la dernière bouchée de ton cookie. Laissant le silence s’installer quelques temps, tu relevais ensuite les yeux pour demander à ton père : « Tu … Tu ne sembles pas beaucoup l’aimer. » Lui fis-tu remarquer. La façon dont ton père parlait de sa mère était affectueuse, pour son père c’était une autre histoire. « Il nous aimait pas maman et moi ? » Tu ne savais pas vraiment pourquoi tu posais la question, ce n’était pas comme si cela allait changer quelque chose de toute façon.
@Ichabod Bates |
| | | | (#)Jeu 7 Jan 2021 - 14:57 | |
| Chaque explication avec ma fille ne sait qu’amener de nouvelles questions et autres problèmes. On semble même incapables de calmer les maux d’un passé révolu pour repartir sur de bonnes et nouvelles bases, quand bien même je ne doute pas un seul instant que ce soit ce qu’elle veut autant que moi. La faute aux années qui nous ont séparés, la faute à cette chambre qui n’a rien du meilleur endroit pour retrouver sa progéniture et rattraper le temps perdu. La faute aux secrets qui nous entourent, la faute à tout ce qui nous entoure. Je sais qu’il est toujours plus simple de voir le mal ailleurs, tout comme je sais aussi être loin d’être l’homme le plus optimiste qui soit mais je préfère toujours me voir comme quelqu’un de terre à terre. Je ne compte pas abandonner Ilaria - pas à nouveau - et c’est autant pour cette raison que pour beaucoup d’autres que je prends sur moi et use de toute ma patience et pédagogie pour répondre à ses questions. Après être restée des années sans personne pour l’éclairer, elle le mérite largement. « C’est aussi pour ne pas nous condamner que t’as jamais rien dit à maman sur toi ? Que tu l’as laissée tombée amoureuse d’un fantôme ? » Belle et rebelle que titreraient les films un poil misogynes. Sa question n’a rien de joviale mais elle laisse un sourire en coin s’immiscer sur mon visage, bien plus grâce à toute la répartie dont elle fait preuve plutôt que pour ses mots en eux-même. Je pourrais lui expliquer bien des choses et lui dire que Rhea a toujours su ce dans quoi elle s’aventurait. “Oui.” Les secrets ont toujours été ma façon à moi de la protéger, Rhea d’abord, Ilaria ensuite. C’est imparfait, assurément, mais je n’ai jamais su trouver quoi que ce soit pour remplacer de tels mots et je suis certain que la vérité elle-même ne serait pas la bonne réponse. “Je pensais que ça ne serait qu’une amourette d’adolescent au début.” Quand bien même cela n’a jamais été le cas, quand bien même je n’ai jamais eu pour vocation d’enchaîner les conquêtes comme tant de mes amis à l’armée. Je savais déjà qu’elle serait tout sauf une amourette mais je ne voulais pas y penser, parce que cela amenait déjà bien trop de conséquences.
Je suis heureux de pouvoir commencer à lui parler de sa grand-mère, surtout alors que le sujet s’impose finalement de lui-même entre nous. Elle a l’air heureuse à son tour et je payerais cher pour ne jamais avoir à observer aucune autre expression sur son doux visage. « Il vaut peut-être mieux que je ne tarde pas à aller la voir alors si l’on veut qu’elle ait une chance de me reconnaître. » J’hoche de la tête sans pour autant ajouter quoi que ce soit. Elle est une adulte qui connaît la réalité de la mort, je n’ai pas à utiliser d’euphémisme ou de belles métaphores à ce sujet. Lui avoir précisé que sa grand-mère perd la tête est une manière pour moi de ne pas la laisser avoir de trop grandes espérances à propos de cette rencontre alors que je ne sais moi même jamais à quoi m’en tenir, d’une visite à une autre. La seule chose dont je la préserve est l’étroite surveillance sous laquelle elle est, simplement à cause de La Ruche. « Elle est dans une maison spécialisée ? » Intelligente et pragmatique, elle serait bien incapable de renier aucun de ses parents. “Depuis quelques années maintenant, oui. Ils s’occupent bien d’elle là-bas.” Ils s’occupent bien mieux d’elle que personne n’a jamais su le faire à la maison. Elle observe les plantes du jardin pousser et donne un prénom à chacune d’elle, l’entendre conter l’histoire quotidienne de chacune d’elles est toujours une bonne chose. Elle oublie parfois mon prénom mais jamais celui de Jonquille. Le prénom de mon père, pourtant, personne n’en parle jamais. « Je … Je n’y avais pas trop réfléchi. » Rhea ne lui contait sûrement pas d’histoires à propos de son grand-père et je ne le ferai pas non plus. Nous avons tous deux nos raisons à cela. Je reste impassible (comme à mon habitude, certains diraient sans avoir tort) suite à sa réponse, ne voulant pas ternir la mémoire d’un mort qui pensait sûrement faire au mieux de son temps. « Tu … Tu ne sembles pas beaucoup l’aimer. » Je passe maladroitement une main dans mes cheveux, me préparant déjà à aborder un sujet aussi difficile que fâcheux. Encore une fois, tout est pire à cause des secrets environnants et il est impossible pour moi de lui expliquer les réelles raisons ayant fait de mon père et moi deux inconnus. “Non c’est pas ça Ilaria. C’était compliqué entre nous, c’est tout.” A cause des Manthas, à cause de ma mère, à cause de mon éducation, à cause de mon avenir tout tracé. Beaucoup d’enfants seraient heureux de savoir la place de CEO gardé au chaud par leur paternel mais cela n’a jamais été le cas de la mienne. Le sang et la drogue tout autour du trône me répugnaient bien plus qu’autre chose. « Il nous aimait pas maman et moi ? » Je ne peux pas la laisser penser de telles choses et comprends enfin que des explications s’imposent, bien plus que ce que je pensais. “Je pense qu’il avait peur pour vous et que d’une certaine façon, il avait anticipé tout ce qui s’est passé. Il savait qu’on allait tenter de vous faire du mal pour m’atteindre.” Mes mots sont sans doute bien plus doux que ne l’est la réalité mais sur le fond, je sais avoir raison. Mon père savait qu’à l’instant où Rhea était entrée dans ma vie, elle était devenue mon Talon d’Achille. Il savait que tout était devenu incontrôlable au moment où elle est tombée enceinte, quand lui était le plus déçu des paternels et moi, le plus heureux qui soit. “C’est à moi qu’il en voulait, pas à vous. Avec le temps, il vous l’aurait fait comprendre.” Une balle en pleine tête l’en a empêché. Facheux contre-temps, dira-t-on. “Il serait fier d’avoir une petite-fille telle que toi.” Ni mensonge ni glamourisation de la vie d’un homme mort, cette fois-ci je suis certain de mes mots autant que de mon léger sourire qui revient en même temps que mes yeux brillants. Il serait aussi fier d’elle que je le suis moi. “Tu n’as pas à t’en vouloir pour quoi que ce soit, tu sais. T’as jamais choisi d’être au milieu de tout ça.” Même si son grand-père ne l’avait pas aimé, cela n’aurait été que de sa faute à lui et jamais celle de ma fille qui, même enfant, était déjà la plus parfaite des mini-créatures qui soit. “C’est bien que tu t’intéresses aux études. C’est vraiment bien.” Plus loin elle se tiendra des maux de la rue et mieux ce sera. Pour tout le monde. |
| | | | (#)Lun 11 Jan 2021 - 21:47 | |
| Il était probable que tu ne comprennes jamais comment ta mère avait accepté par amour de ne pas avoir de réponse à de très nombreuses questions concernant son conjoint. Cela te dépassait complètement et tu n’avais toujours pas compris. Il n’était pas difficile de voir que ton père continuait à être un homme très secret. Chacune de ses réponses n’en était pas vraiment une et te laissait interpréter ce que tu voulais entendre. C’était très habile mais ton esprit scientifique allait finir par s’en lasser, tu le savais. Pourtant, tu étais prête à faire un effort et à accepter de rester dans l’ignorance pour l’instant. Il faudra que ton père se confie à un moment. Pas d’un coup peut-être mais tu espérais petit à petit en apprendre plus sur lui et tu savais être patiente quand tu le voulais contrairement à ce que pensait ta mère. Il suffisait que tu mettes en place une stratégie et que tu l’exécutes sans lâcher ton objectif. « Oui. Je pensais que ça ne serait qu’une amourette d’adolescent au début. » Un sourire amusé se dessina sur ton visage. Une amourette d’adolescent … Voilà un concept qui t’échappait totalement toi qui n’étais jamais tombée amoureuse. Pourras-tu un jour avoir une amourette ? Beaucoup aiment te dire que tu es trop sérieuse, que tu attends trop et trop vite mais tu ne sais pas, tu n’en es pas persuadée. « Mais entre le début et la fin plus de dix ans se sont écoulés. » Fis-tu remarquer en haussant les épaules. Ta voix était moins remplie de reproches mais ils étaient là, sous la surface. Tu espérais qu’à travers ces questions et cet échange, ton père comprenait que tu ne pourras pas toujours te satisfaire du mystère, des gardes du corps transformés en chauffeurs qui te donnaient l’impression d’être dans un film de mafieux.
C’est parce que ton père s’ouvre sur sa famille à lui que tu n’insistes pas sur le reste. Tu prends cette ouverture comme une bénédiction et tu sais à quel point cela en est une avec lui. Il te parle de sa mère qui est malade et qui aimerait te voir. Maladie d’Alzheimer … C’est le genre de maladie que tout le monde connaît mais tu avais eu la chance de passer au travers vu que tes grands-parents maternels se portaient bien et ceux de Nériah aussi. Tu fais remarquer à ton père qu’il ne faudra pas tarder à organiser la rencontre si son état s’aggrave. C’est l’excuse parfaite pour veiller à le revoir rapidement mais ça, ce sera ton petit secret. Tu doutes que ton père s’occupe d’elle tous les jours alors tu lui demandes si elle est dans un établissement spécialisé : « Depuis quelques années maintenant, oui. Ils s’occupent bien d’elle là-bas. » Tu hoches la tête. Tu ignores ce que cela veut dire de bien s’occuper de personnes qui ont cette maladie. Tes doigts trépignent sur ton genou alors qu’ils rêvent de se saisir de ton téléphone et de se renseigner tout de suite. Tes besoins compulsifs de nouvelles informations étaient bien plus contrôlables depuis que tu avais accès à l’information par toi-même. « Ça ne doit pas être facile de la voir tout oublier … Tu t’en occupes tout seul ? » Tu joues l’innocente mais tu es loin de l’être. C’est la manière parfaite de questionner ton père sur le reste de la famille. As-tu des oncles et des tantes cachés eux aussi depuis des années ? Il était important que tu saches ce que tu loupais depuis tout ce temps. Et cela te permettra de construire dans ton esprit un arbre généalogique. Ton père te parla de son propre père et le ton de sa voix et ses gestes laissaient peu de doutes quant à la relation qui unissait les deux hommes. Ils ne se portaient pas dans le coeur l’un de l’autre, c’était évident. Quand tu le fis remarquer à ton paternel, il sembla plus embarrassé qu’autre chose, comme s’il voulait te faire croire que si, ils s’entendaient bien. Toi tu t’en fichais que ce soit l’un ou l’autre, tu étais juste curieuse. De toute manière, tu ne le rencontreras jamais. « Non c’est pas ça Ilaria. C’était compliqué entre nous, c’est tout. » Compliqué … Le mot parfait à utiliser quand on ne veut pas qualifier les choses. Compliqué, cela veut tout et rien dire mais surtout rien dire. Une relation peut être compliquée pour des milliers de raisons et tu avais peu de chance de mettre le doigt sur ce qui n’allait pas donc tu n’essayais pas. Tu essayais par contre de ne pas être vexée que ton père utilise ce mot valise au lieu de te dire la vérité. A la place, tu essayais de déterminer ce que ce grand-père pensait de toi et de ta mère car il avait bien dû vous rencontrer non ? « Je pense qu’il avait peur pour vous et que d’une certaine façon, il avait anticipé tout ce qui s’est passé. Il savait qu’on allait tenter de vous faire du mal pour m’atteindre. » Tu fronces légèrement les sourcils. Ton grand-père aussi est lié à cette histoire de lanceur d’alerte ? Cela te laisse légèrement perplexe car vu les sujets qui intéressent les lanceurs d’alertes, tu doutais que ton grand-père ait beaucoup mis le nez dedans. Mais tu ne relevais pas, à la place tu laissais ton père continuer : « C’est à moi qu’il en voulait, pas à vous. Avec le temps, il vous l’aurait fait comprendre. Il serait fier d’avoir une petite-fille telle que toi. Tu n’as pas à t’en vouloir pour quoi que ce soit, tu sais. T’as jamais choisi d’être au milieu de tout ça. » Tu ne t’en voulais nullement. Comment pouvais-tu t’en vouloir ? L’histoire entre le père et le fils semblait difficile et vu que ton père vous avait abandonné, son père à lui avait dû être ravi non ? La famille de ton père semblait aussi mystérieuse et remplie de complexité que son passé … Décidément, c’était un peu un pas en avant et trois pas en arrière … « Je trouve juste ça dommage que vous ne vous entendiez pas mais qu’il m’aime ou non, je ne me formalise pas de l’avis des autres de manière générale mais encore plus des personnes qui ne sont plus là pour me le donner. » Ce n’est pas au fond d’une tombe que ce que pensait ton grand-père, un total inconnu allait t’empêcher de dormir la nuit … « C’est bien que tu t’intéresses aux études. C’est vraiment bien. » Le changement de sujet était brutal mais parler de tes études n’était pas un problème pour toi, bien au contraire, cela te faisait plaisir. « J’ai besoin d’apprendre, réellement besoin. Ça me plaît beaucoup même si je ne sais pas trop ce que je veux faire encore. Travailler avec les animaux probablement, ce sont des partenaires bien plus fidèles que les humains. » Dis-tu avant d’ajouter : « Tu aurais aimé faire des études ? » Tu savais que ton père n’en avait pas fait ou il ne les avait pas terminées vu qu’il avait fait l’armée avec ta mère et n’avait pas suivi son exemple.
@Ichabod Bates |
| | | | (#)Lun 1 Fév 2021 - 1:34 | |
| « Mais entre le début et la fin plus de dix ans se sont écoulés. » Je voudrais lui répondre que ce début n’a jamais connu de fin et que mes sentiments pour Rhea restent inchangés malgré ces années de distance, ce qui serait une annonce bien trop égoïste de ma part. Il y a bien assez de problèmes à régler entre nous avant qu’on n’ose même aborder l’aspect de ma relation avec sa mère. Quoi qu’il en soit, cela ne la regarde même pas et cela n’est pas voué à être modifié. Elle est heureuse dans sa vie actuelle, c’est ce qui m’importe, bien avant tout le reste.
Le problème c’est qu’il y a des sujets difficiles à chaque étape de notre discussion et que je ne peux pas la préserver de tout, bien loin de là. Elle est assez grande pour entendre bien des choses, notamment ce qui retourne de la mort et de la maladie. Je ne préciserai pas les circonstances aggravantes ayant menées respectivement à l’un et l’autre mais elle peut au moins en comprendre la finalité. « Ça ne doit pas être facile de la voir tout oublier … Tu t’en occupes tout seul ? » Quand bien même je sais que je pourrais (devrais) me confier à elle, je ne peux m’empêcher de garder une certaine distance avec elle. Ilaria n’est plus la petite fille que je portais sur mes épaules et je ne sais même pas si elle se souvient de ce temps de sa vie - sûrement pas. Elle se souvient encore moins de sa grand-mère qui lui donnait le biberon. Ironiquement, cette dernière ne s’en souvient sûrement pas non plus et elle ne peut chérir des souvenirs qui, à ses yeux, n’ont jamais existé. Un bien pour un mal, comme toujours, et l’équilibre reste maintenu. “Elle n’a plus que moi alors j’essaye de faire au mieux.” Cela ne m’empêche pourtant pas d’avoir une vie chargée et des obligations me menant toujours loin d’elle, bien plus que je ne le voudrais. “C’est vraiment quelqu’un de bien. Elle t’aimait beaucoup et tu l’aimais aussi.” Je déteste avoir à lui rappeler des souvenirs qu’elle a oublié et tout est pire encore alors que je dois faire la même pour la personne face à elle. J’ai bon espoir que lorsqu’elle la verra, je n’aurai plus à faire l’intermédiaire entre deux êtres qui se connaissent pourtant si bien. « Je trouve juste ça dommage que vous ne vous entendiez pas mais qu’il m’aime ou non, je ne me formalise pas de l’avis des autres de manière générale mais encore plus des personnes qui ne sont plus là pour me le donner. » Je souris quand bien même c’est sûrement bien mal placé. J’aime la façon qu’elle a de penser et de voir le monde qui l’entoure. Je ne suis pas assez objectif pour savoir si elle le tient de sa mère ou de moi, mais cela ne reste pas moins un de ses innombrables traits de caractère dont je suis fier. Ce dont je suis fier, surtout, c’est d’avoir élevé - pendant un temps au moins - une enfant comme elle.
A défaut de pouvoir m’étendre comme je le voudrais sur le sujet de notre famille et de ses grands-parents, je préfère prendre la tangente et plutôt parler de sa vie à elle et ses études. Un monde dont je ne connais que peu de choses. « J’ai besoin d’apprendre, réellement besoin. Ça me plaît beaucoup même si je ne sais pas trop ce que je veux faire encore. Travailler avec les animaux probablement, ce sont des partenaires bien plus fidèles que les humains. » A cela, je n’ai aucune raison de lui donner tort. Je ne suis pas une personne à chien ou à chat mais peux pourtant parfaitement comprendre toute l’affection qu’on porte à de tels animaux. « Tu aurais aimé faire des études ? » Un père respectable devrait sûrement répondre “oui, bien sûr, si j’en avais eu la chance” mais on commence tous à comprendre que ce n’est pas le genre d’étiquette qu’on peut me donner. Je suis à peine père, mais surtout pas respectable. Quand bien même, je ne veux pas lui mentir lorsque ce n’est pas un cas de force majeure. “Je suis entré dans l’armée parce que c’est ce que mon père voulait pour moi mais je suis heureux dans mon métier actuel. Je me suis formée là bas, qui plus est.” Ce n’est pas le chemin le plus communément emprunté pour devenir garagiste mais j’étais plus que qualifié pour ce qu’on me demandait. Cela compense sûrement le bras en moins et le trou de dix ans dans un CV finalement bien peu rempli. “Tu m’as l’air d’avoir un don pour les animaux.” Et ils sont effectivement infiniment plus fidèles que les humains, on le sait tous les deux. “C’est toi qui a eu l’idée d’adopter un chien ?” Je savais qu’elle en avait un mais je n’ai aucun moyen de savoir comment il a atterri sous leur toit, parce que mon observation à distance a bien des limites. “Quoi que tu décides de faire, je serai fier de toi. Je le suis déjà.” Ce ne sont pas des études qui vont la définir et ce sont encore moins des mots que j’ai l’habitude de prononcer, pourtant il faut croire qu’après être passé à côté d’une vie à ses côtés j’apprends plus aisément à prendre sur moi. |
| | | | (#)Dim 14 Mar 2021 - 10:41 | |
| Il allait falloir que tu te fasses à l’idée que ton père était un homme mystérieux et qu’il n’avait certainement pas te donner toutes les réponses que tu attendais. Pour toi qui avais une curiosité maladive, pour toi qui avais désespérément besoin de réponses de sa part, c’était assez frustrant. Surtout que la plupart des réponses qu’ils te donnaient ne faisaient que naître plus de questions au final donc ce n’était pas tout à fait satisfaisant. Mais tu avais bien compris que tu marchais sur un fil bien peu épais, un fil qui te laissait peu de marge de manoeuvre et si tu en demandais trop, tu risquais de tout perdre. Donc tu y allais doucement, à petits pas, prenant ton mal en patience. Déjà, tu venais d’apprendre que tu avais une grand-mère du côté de ton père, une grand-mère qui se souvenait à peine de toi si elle s’en souvenait d’ailleurs. Vu que ton père l’avait amenée de lui-même dans la conversation, tu en avais conclu qu’elle était importante pour lui, assez pour qu’il t’en parle. Tu pouvais voir que le fait qu’elle perde ses souvenirs lui faisait de la peine mais malheureusement, contre cette maladie, vous étiez tous impuissants pour l’instant. « Elle n’a plus que moi alors j’essaye de faire au mieux. C’est vraiment quelqu’un de bien. Elle t’aimait beaucoup et tu l’aimais aussi. » C’est étrange d’entendre ton père te dire ce que tu avais un jour ressenti. Tu avais presque l’impression qu’il parlait d’une autre personne. Tu n’avais aucun souvenir de cette grand-mère que tu avais beaucoup aimée mais une chose était certaine, tu ne pouvais pas ne pas l’aimer aujourd’hui quand tu allais la rencontrer. Même si ton père ne te le dira jamais, il s’attendra à ce que ce lien se reforme et tu espères que ce sera le cas mais tu es terrifiée à l’idée que cela ne soit pas aussi facile. Surtout si cette grand-mère ne pouvait pas te raconter beaucoup de souvenirs que vous auriez partagés. Mais peut-être qu’elle le pourra, certains ont des fois des éclairs de lucidité. Ton père n’avait pas éludé la question pour une fois, il s’occupait seul de sa mère ce qui signifiait certainement qu’il n’avait plus personne dans sa famille sur qui compter. Un petit sourire se dessina sur ton visage et tu lui répondis : « Il me tarde de la revoir. » Tu t’étais reprise au dernier moment sur ce dernier mot, tu avais failli dire la rencontrer parce que ce serait pour toi une rencontre plutôt que des retrouvailles mais tu ne voulais pas blesser ton père, pas maintenant qu’il avait partagé quelque chose de personnel sans que tu n’aies besoin de lui tirer les vers du nez. Toutefois, concernant son père, il avait été plus catégorique et ce dernier n’était pas là pour le contredire. Tu l’assurais donc que peu importe ce qu’il aurait pensé, cela n’allait pas t’empêcher de vivre ta vie ou de dormir le soir.
Ton père te parla alors de tes études, cherchant certainement à te faire parler d’un sujet que tu aimais pour essayer d’en apprendre plus sur toi. Tu ne pus t’empêcher de lui demander si lui avait désiré en faire mais n’en avait juste pas eu l’occasion. « Je suis entré dans l’armée parce que c’est ce que mon père voulait pour moi mais je suis heureux dans mon métier actuel. Je me suis formée là bas, qui plus est. » Tu savais la chance que tu avais d’avoir pu choisir la branche d’étude que tu voulais sans pression de la part de ta famille. Ta mère et ton beau-père avaient veillé à ce que tu fasses le choix qui était le meilleur pour toi et c’est ce que tu avais fait. Tu avais des camarades qui se retrouvaient dans des filières par choix de leurs parents et cela ne donnait pas toujours un bon résultat … Que ton père ait réussi à tirer son épingle du jeu et trouver quelque chose qui lui plaisait dans cette voie, c’était plutôt admirable. « C’est bien que tu aies réussi à trouver un métier qui te plaisait. Tu es mécano depuis que tu es sorti de l’armée ? » Ne pus-tu t’empêcher de lui demander. Tu étais plus une intellectuelle qu’une demoiselle qui travaillait avec ses mains mais tu n’avais jamais dénigré les métiers manuels, au contraire, à tes yeux ils étaient plus essentiels que beaucoup d’autres métiers qui jouissaient d’une meilleure image de marque. « Tu m’as l’air d’avoir un don pour les animaux. C’est toi qui a eu l’idée d’adopter un chien ? » Tu secoues la tête car non, ce n’est pas vraiment ton idée mais en même temps un peu quand même. « Maman et Nériah m’ont offert Pooka pour mon anniversaire l’année dernière. Je ne pensais pas encore adopter un chien mais c’est quelque chose que j’ai toujours voulu faire donc c’était un très bon cadeau. » Pour certaines personnes, se faire offrir un animal c’est une malédiction mais pas dans ton cas, surtout pas dans ton cas. « Tu as des animaux de compagnie ? » Tu n’arrivais pas à imaginer ton père le solitaire avec un chat ou un chien mais des fois, les gens vous surprennent. Comme le fit ton père quelques secondes plus tard en te disant : « Quoi que tu décides de faire, je serai fier de toi. Je le suis déjà. » Tu sentis le rouge te monter aux joues à ces paroles. Tu ne t’attendais pas à les entendre et tu ne savais trop quoi en penser alors tu lui répondis : « Merci. » Cela te semblait totalement idiot mais tu ne voyais pas quoi lui répondre d’autre. Regardant l’heure affichée sur le réveil qui était posé dans la chambre d’hôtel, tu réalisais qu’il allait falloir que tu partes si tu ne voulais pas être en retard. « Je vais devoir y aller … » Avouas-tu à contrecoeur. Tu aurais préféré rester encore un peu mais tu ne pouvais pas te permettre de louper ton cours.
@Ichabod Bates |
| | | | (#)Sam 27 Mar 2021 - 22:17 | |
| Ilaria a l’art de manier les mots, comme sa mère. « Il me tarde de la revoir. » Elle reste encore dans une zone de sécurité et me parle encore comme si j’étais un inconnu mais je n’ai pas le droit de lui en vouloir. Après tout, de nous deux, je suis le seul à réellement avoir des souvenirs de nos quinze années passées l’un à côté de l’autre. Elle se souvient sans doute de bien des choses elle aussi mais le chagrin - et sans doute la rage - ont dû faire place nette dans son esprit. Même si je ne pourrai jamais rattraper ce temps perdu, j’espère pouvoir utiliser à bien meilleurs escient les quinze autres années à venir, et plus encore. Ma mère, sa grand mère, sera elle aussi heureuse de pouvoir la revoir une dernière fois et ce même si ses souvenirs risquent de s’emmêler bien plus que de raison. « C’est bien que tu aies réussi à trouver un métier qui te plaisait. Tu es mécano depuis que tu es sorti de l’armée ? » Un sourire apparaît sur mon visage. Elle ressemble à une conseillère d’orientation ou, en tout cas, à une adulte. Elle a des paroles calmes et posées, elle aborde des sujets qui feraient sans doute souffler la plupart des personnes de son âge. En guise de seule réponse, je me contente de vaguement hocher de la tête, bien plus intéressé par elle que par l’histoire que je pourrais lui raconter. Un parent veillera éternellement sur sa progéniture et c’est aussi la raison pour laquelle je ne m’étends pas à propos de la vie que je vis actuellement, lui faisant simplement comprendre que je n’ai pas d’animal de compagnie. Elle a toujours eu des facilités avec ces derniers, depuis toujours, mais je n’ai jamais compris en quoi en adopter un pouvait apporter bien plus de bénéfices que de contraintes. Mon esprit ne laisse effectivement que peu de place au poids des sentiments, quand bien même je lui aurais aussi offert l’animal, si j’avais eu un quelconque droit de regard sur le sujet.
L’espace d’un court instant, sentant la fin de notre entrevue arriver, j’éprouve le besoin de lui préciser mes sentiments à son égard et surtout toute la fierté que je peux avoir pour elle. Cela n’a pas - tout - à voir avec le fait qu’elle soit ma fille ; Ilaria a su devenir une jeune femme admirable par bien des façons et je ne peux qu’admirer sa force de conviction et son courage, surtout ce par quoi je les ai fait passer, elle et sa mère. « Merci. » Un simple mot qui pourrait sembler anodin pour la plupart des personnes mais certainement pas pour moi, nous. Elle ne m’avait pas remercié depuis quinze ans, voilà tout. Je ne dirais pas que j’en suis ému… simplement satisfait. « Je vais devoir y aller … » Mon attitude change rapidement. Je savais que ce moment allait finir par arriver mais espérais qu’il allait pouvoir être retardé encore et encore. Je ferme rapidement mes paupières, n’ayant de toute façon d’autres choix que de la laisser retourner vaquer à sa vie. “Oui, bien sûr. Bien sûr. Je t’enverrai un message pour savoir quand aller voir ta grand-mère.” Et une fois de plus, tout sera infiniment compliqué et Joseph devra la conduire. Je ne m’occuperai de ce problème que plus tard et, pour le moment encore, je me contente de simplement la raccompagner jusqu’à la porte de la chambre d’hôtel, comme s’il n’y avait rien de plus normal dans notre vie sans dessus dessous. |
| | | | | | | | a song of you (ilaria #2) |
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