Un bruit au loin… répétitif, perçant. Mes yeux s’ouvrent péniblement. Je pense être tout simplement dans mon propre lit. Mais rien n’est comme d’habitude. Il manque de couleurs, la lumière est forte et ce bruit… toujours. Alors j’ouvre encore un peu plus les yeux… pour me rendre compte que je ne suis pas chez moi. Mon cœur s’accélère, le bruit aussi. Je commence à paniquer. Où suis-je ? Est-ce un simple cauchemar ou la réalité ? Peu à peu, mes yeux examinent la pièce dans laquelle je me trouve. Les murs sont immaculés de blanc, les draps sur moi le sont tout autant. Rien de chaleureux, je suis seule… Que fais-je ici ? Pourquoi ? Soudainement, des bribes de souvenirs me reviennent… De l’eau… beaucoup d’eau… L’océan… Je suis aveuglée par le soleil et pourtant j’ai le sourire. Entourées de deux personnes… Une planche. Et ça me revient peu à peu… J’entends une porte s’ouvrir, une infirmière accompagnée d’un médecin « Comment vous sentez-vous ? Je suis le docteur Anderson, votre médecin ». Je n’arrive pas à répondre, je l’observe. Une seule question brûle mes lèvres « Pourquoi… » je peine à sortir. Avant de répondre lui-même, le médecin me demande si je me souviens du jour que nous sommes, de mon prénom. Et puis ils m’expliquent vaguement que j’ai eu un accident de surf… ça y est ça me revient.
Parce que ce matin j’ai eu besoin de me changer les idées, parce que je n’ai pas réussi à fermer l’œil de la nuit, alors j’ai accouru dans la chambre de mon meilleur ami. Viens, on va surfer. C’est une échappatoire pour nous deux quand ça ne va pas. Alors rien d’anormal dans ma demande et même s’il ronchonne, il accepte comme toujours. Ma rencontre avec mon père la veille m’a énormément chamboulée. Knox le sait. J’ai passé la soirée à pleurer dans ses bras, à déverser autant ma colère que ma tristesse. Parce que je ne pensais plus cela possible, parce que je n’étais tout simplement pas prête… pas prête à lui pardonner de m’avoir abandonné au moment où j’avais le plus besoin de repères… où j’avais le plus besoin de lui. « Votre planche a fini dans votre thorax, vous coupant ainsi la respiration. Vos poumons se sont remplis d’eau mais heureusement, vous avez été sorti à temps. Vous avez deux côtes cassées et votre cheville est bien amochée. Nous vous ferons d’autres examens dans la journée mais vous devrez rester immobilisés pendant plusieurs semaines Mia ». Je l’écoute à moitié, trop d’informations d’un coup pour moi. Pourquoi ? Pourquoi est-ce arrivé « Nous avons prévenu votre mère qui figure dans les numéros d’urgence, elle devrait arriver d’une minute à l’autre. Il y a aussi un homme, Knox si je me souviens bien, qui est arrivé avec vous et qui est toujours là dans la salle d’attente… » « Je veux le voir, laissez-le entrer ». C’est tout ce qui m’importe pour l’instant. Il est là et je n’en ai douté une seule seconde. Il est la seule personne que j’ai envie de voir…
Alors une dizaine de minutes plus tard, il entre enfin. Et mes larmes perlent sur mes joues alors qu’il approche « Knox… » je laisse échapper dans un soupir. J’essaye de tendre ma main pour l’inciter à approcher davantage. Son air sur son visage me fend le cœur un peu plus.
Tout est arrivé si vite que je n’ai pas eu le temps de capter ce qu’il se passait. D’abord la vague, puis la planche de surf qui vole, et Mia qui ne remonte pas à la surface. Il m’a fallu plusieurs minutes avant de réagir avant de pagaye jusqu’à ma meilleure amie et de plonger pour aller l’attraper. Lorsque je la hisse sur ma planche et que je l’entraîne sur la plage, elle a perdu connaissance. Je demande à Wim, qui est présent avec nous à ce moment-là, de contacter les secours. Les minutes défilent, bien trop lentement avant que les paramédicaux ne l’installe dans l’ambulance et que je ne prenne place à côté d’elle. Je viens doucement prendre sa main, soudain inquiet, vraiment inquiet. Arrivé à l’hôpital, ils l’entraînent avec une rapidité flagrante et moi je bloque. Je déteste les hôpitaux, depuis ma leucémie je les évite au maximum et heureusement je n’ai pas vraiment eu besoin d’y remettre les pieds. Je reste là, quelques secondes alors qu’ils partent s’occuper de Mia et je suis incapable de bouger. Il me faut de longues minutes avant de finir par reprendre mes esprits, par me frayer un chemin jusqu’au couloir dans lequel ils ont embarqué ma meilleure amie. « Je suis venue avec la femme que vous venez d’emmener, j’ai besoin de savoir ou elle est. » L’infirmière face à moi ne semble pourtant pas décidée à me donner accès à l’endroit où ils ont embarqué Mia et cela me rend dingue.
Je finis alors par me laisser tomber sur une chaise dans la salle d’attente. Les heures qui suivent me paraissent interminables, insupportables alors que je n’ai aucune nouvelle. Je sais qu’un accident de surf peut être dangereux, vraiment dangereux, surtout si elle a pris trop d’eau dans les poumons. Mon esprit s’embrume, imaginant le pire et je suis obligé de me lever pour faire les cent pas. Je ne peux pas perdre Mia, c’est juste inimaginable, impossible, j’ai bien trop besoin d’elle. Je me tords les doigts nerveusement, allant demandé des nouvelles, que l’on refuse une nouvelle fois de me donner. Je tente de rester calme, de ne pas m’énerver, mais je ne suis pas quelqu’un de patient je ne l’ai jamais été. Ce n’est que des heures plus tard qu’un médecin fini alors par appeler mon nom et que je me relève de ma chaise en un éclair. Mia est réveillée, hors de danger et visiblement elle me réclame. Je sens alors tout mon corps se détendre et hoche la tête avant de prendre la direction vers la chambre qu’il m’indique.
Lorsque j’ouvre la porte de la chambre, le visage de la blonde allongée sur son lit d’hôpital se tourne vers moi. Elle pleure et je déteste la voir sur ce lit d’hôpital. « Knox… » Je m’approche d’elle et viens me poser au bord de son lit, prenant sa main dans la mienne. « Eh j’suis là… » Je lui dis avant de venir déposer un baiser sur sa tempe. « Tu m’as fait la peur de ma vie. » Je lui avoue en venant essuyer ses joues. « T’as interdiction de m’abandonner, je te l’ai déjà dit. » Je lui adresse un sourire. « Comment tu t’sens ? »
Une session de surf de plus, une session qui aurait dû être comme les autres. Une passion que je pratique depuis mon plus jeune âge, initiée par mon père, que je maitrise presque à la perfection. Rare on était les fois où j’ai perdu le contrôle, où j’ai fait des erreurs. Jamais comme aujourd’hui en tout cas… Les conditions étaient particulières, c’est vrai, le vent était fort, les vagues assez violentes, mais rien de plus surprenants que ça, au contraire, les conditions étaient finalement idéales pour tout bon surfeur qui se respecte. Et pourtant, en une seconde, tout à basculer… Je ne comprends pas pourquoi j’ai besoin de réponses. Le médecin ne peut m’en apporter, mis à part pour me dire les conséquences que cela a eu sur mon corps. Je ne ressens rien pour l’instant, pas de douleur, je flotte… Mais ça m’est bien égal. Tout ce que je veux c’est que Knox vienne. Car c’est l’unique personne que j’ai envie de voir pour le moment…
Alors il arrive, dans cette chambre. Mes yeux se posent sur cette porte qui s’ouvre lentement. Mes larmes commencent à rouler sur mes joues rien que de le voir. Je l’appelle, je tends ma main vers lui. Il s’approche alors, s’assoit au bord du lit et glisse sa main dans la mienne « Eh j’suis là… ». Je me sens rassurée ne serait que par sa présence. Et pourtant, je vois son air inquiet et je m’en veux « Tu m’as fait la peur de ma vie ». Je n’en doute pas, je le regarde alors, tentant de ravaler mes larmes en vain, c’est alors lui qui vient me les essuyer « Je suis désolé Knox… ». Je serre un peu plus ma main dans la sienne, ce n’est pas une forte pression car je n’ai pas réellement de force. « T’as interdiction de m’abandonner, je te l’ai déjà dit ». Je le sais, car lui et moi sommes indissociables. Depuis toujours, ayant grandi l’un avec l’autre, toujours fourrés ensemble. Quand je débarquais quelque part, Knox n’était jamais très loin, et vice versa. En grandissant, et surtout lorsqu’il a eu sa maladie, notre lien n’a fait que se renforcer. A l’adolescence, nous avons mal tourné au même moment, fréquentant le même groupe d’amis. Et même lorsque je suis partie à Melbourne, quatre ans après, il s’y est installé aussi un petit temps. Et désormais, nous partageons un appartement et pour rien au monde je l’échangerai. Jamais. Il le sait, et je sais aussi que ça en est de même pour lui. « Je ne t’abandonnerai jamais, je te le promets ». Parce que je sais ce qu’il a pu ressentir quand moi tous les jours, je me rendais à son chevet, que je redoutais l’instant où j’ouvrais la porte, ne sachant pas si aujourd’hui il serait en forme ou non. J’ai connu les frayeurs des fois où il n’allait pas bien et où on m’a vite demandé de quitter la chambre. Pour rien au monde je voudrais le revivre et encore moins lui faire subir ça à lui aussi. « Comment tu t’sens ? » « Minable ? ». J’essaye de sourire un peu mais c’est plus une grimace qu’autre chose. « Knox… Qu’est-ce qui s’est passé … ? » Je n’ai plus de souvenir de l’accident, ça ne me revient pas pour le moment, je n’ai strictement aucune idée de comment cela s’est déroulé. Alors je cherche des réponses auprès de lui, lui qui était au première loge.
Je déteste les hôpitaux, je déteste ces murs trop blancs, cette odeur de bleach, de maladie. Je déteste ces couloirs serrés, ces chambres trop impersonnelles. Ce n’est pas dans cet hôpital là que j’ai été soigné il y a des années lors de ma leucémie, ce n’est pas ici que j’avais des rendez-vous trop réguliers parce que cela était à l’hôpital des enfants, mais tout est trop ressemblant. Cet endroit me donne envie de fuir, de partir en courant, d’hurler, mais je reste. Je reste parce que je sais que Mia a besoin de moi et que je veux être là lorsque le médecin donnera de ses nouvelles. Je veux être présent si il se passe quoi que ce soit, alors je fais les cent pas. Je tente de ne pas trop penser, de ne pas trop m’inquiéter, d’espérer qu’elle aille bien. Ce n’est pourtant que lorsque le médecin vient me chercher, m’annonçant que ma meilleure amie me réclame que je sens mon corps se détendre un peu. Je me rends compte alors d’à quel point tout mon corps c’était tendu, crispé. Je remercie alors rapidement l’homme en blouse blanche avant de m’avancer vers la chambre de la blonde. Ma main hésite, quelques secondes, avant de tourner la poignée. Elle est là Mia, allongée sur ce lit d’hôpital, et heureusement, sorti d’affaire. Je viens près d’elle pour prendre sa main. « Je suis désolé Knox… » Je secoue la tête et viens embrasser sa tempe. L’essentiel c’est qu’elle aile bien, qu’elle ne risque plus rien, le reste on s’en fou.
« Je ne t’abandonnerai jamais, je te le promets. » Un sourire vient se poser sur mes lèvres alors que je viens caresser ses cheveux. Je ne suis pas du genre à flipper rapidement, mais il faut bien avouer qu’elle m’a fait peur. Mia et moi on se connaît depuis tellement longtemps que je ne pourrais pas m’imaginer sans elle. Je n’ai même pas envie de penser à cela d’ailleurs. Je lui demande alors comment elle se sent, parce qu’elle doit sûrement avoir besoin de dormir, de fermer les yeux et d’oublier ce qu’il vient de se passer. Tout est arrivé vite, mais je me doute que c’est parce que l’esprit de ma meilleure amie était bien trop occupé pour être concentré correctement. « Minable ? Knox… Qu’est-ce qui s’est passé … ? » Je soupire un peu. « Je sais pas trop. T’as pris une vague et la seconde d’après, je te voyais plus. » Heureusement que j’avais été un minimum réactif, sinon je n’ose même pas imaginer ce qu’il aurait pu se passer. « Le médecin a dit que tu avais de la chance que je t’ai repêcher aussi vite… » Je lui souris tendrement. « Mais le plus important, c’est que tu te reposes okay ? Je vais rester un peu avec toi. » Je viens à nouveau embrasser son front, mais je ne peux m’empêcher de finir par la questionner. « A quoi tu pensais… Quand t’as pris la vague ? »
« Je sais pas trop. T’as pris une vague et la seconde d’après, je te voyais plus ». Je cherche des explications auprès de Knox. Tout est finalement arrivé si vite que je ne comprends pas comment je me retrouve désormais dans ce lit d’hôpital. J’essaye de me rappeler mais rien ne me vient. Même lui ne semble pas comprendre… parce que lui autant que moi sont adeptes de surf, que nous avons l’habitude de le pratiquer ensemble depuis notre plus jeune âge. « Tu penses que c’était si dangereux que ça ce matin ? ». Je lui pose la question car j’ai des doutes désormais alors que je pense que la mer était certes agitée, mais ne pouvait pas être la cause de cette accident « Le médecin a dit que tu avais de la chance que je t’ai repêché aussi vite… ». Mes yeux se posent alors dans le regard de mon meilleur ami, qui me souris tendrement. Ma main vient au contact de la sienne à nouveau, une larme coulant le long de ma joue « Merci… ». Merci parce que je lui devais la vie, parce qu’il avait été réactif et que sans lui, je ne serai peut-être plus là. Cette reconnaissance je l’aurai certainement toujours pour lui c’est certain et je ne l’oublierai jamais. « Je sais pas ce que je ferai sans toi… ». Il le sait même si nos deux caractères font que c’est souvent électrique entre nous ou qu’on se taquine sans cesse, cela n’empêche que l’un sans l’autre, cela serait impossible. Car nous étions un pilier indétrônable chez l’autre et qu’il n’était même pas envisageable que cette forte amitié cesse un jour. « Mais le plus important, c’est que tu te reposes okay ? Je vais rester un peu avec toi ». J’acquiesce et tente un mouvement qui me fait grimacer. Une douleur vive au niveau des côtes dont certaines n’ont pas été épargnées pendant l’accident. Je garde la main de Knox serrée dans la mienne alors qu’il dépose un baiser sur mon front. Il a toujours été protecteur envers moi, peut-être parfois trop, mais je sais que ce geste-là envers moi est sa manière à lui de me dire qu’il tient à moi. « Reste… ». Je n’ai pas envie qu’il parte, pas tout de suite, même si je lis sur son visage des traits de fatigue sûrement dû à l’inquiétude que j’ai pu lui procurer. « … ma mère a été appelée et je n’ai pas envie de la voir. Pas tout de suite en tout cas ». Un mince sourire apparait sur mon visage car clairement, je lui montre que je l’utilise comme bouclier contre elle. Mais il est habitué à ce que je fuis constamment devant elle, et je sais aussi qu’il partage en partie mon opinion. Pourtant, il est normal qu’elle vienne me voir parce que je sais qu’à elle aussi je lui ai certainement fait du souci.
« A quoi tu pensais… Quand t’as pris la vague ? » « Je… ». Je pense ne pas m’en souvenir totalement. Mais au fond, si je le sais. Tout est lié. Cette rencontre la veille, le retour de mon père, inattendu. Toutes ces choses qui ont été dites, balancée en pleine figure… Et la confirmation que j’ai bel et bien un frère… Et cette idée qu’il pense que je peux lui pardonner en un claquement de doigt… « Mon père… » Je baisse le regard, je tourne même celui-ci vers la fenêtre. Mon regard se perd au loin, je reste silencieuse quelques secondes. Knox sait à quel point cela m’a rendu malade hier soir parce que c’est auprès de lui que je me suis réfugiée après ça. J’ai eu besoin de lui en parler, encore et encore, de lui faire part de toute la haine que j’avais à son encontre « Je ne pensais pas que ce retour aurait un tel effet sur moi… Je ne pensais même plus possible qu’il finisse par revenir à Brisbane ». Parce que peut-être qu’une toute partie de moi l’a toujours espéré. J’étais brisée, depuis trop longtemps désormais par sa faute. Et quand je voyais que mes relations amoureuses ne faisaient qu’emprunter le même chemin que celui avec mon père… Des moments magiques et puis… plus rien. Du jour au lendemain, tout s’arrête et la personne sort de ma vie aussi vite qu’elle a pu y entrer. Ma dernière relation en était encore un triste exemple… « Je le déteste Knox ». La colère est encore bien trop grande en moi, même après cet accident, peut-être même pire.
« Tu penses que c’était si dangereux que ça ce matin ? » J’hausse les épaules. Le courant était fort ce matin, mais je ne me rappel pas qu’il était si fort que ca. Mia a d’ailleurs toujours été douée en surf, et je n’aurais jamais cru qu’un tel accident puisse arriver, pourtant c’est le cas. Elle est sur un lit d’hôpital, heureusement hors de danger mais je déteste cela. J’ai l’impression que c’est de ma faute, que j’aurais dû faire plus attention, que je n’aurais pas dû lui lancer un défi stupide de voir si elle pouvait vraiment surfer. Mais je ne dis rien, je préfère garder cela pour moi. « Merci… Je sais pas ce que je ferai sans toi… » Je lui adresse un léger sourire. « Et t’as pas a y penser, j’serais toujours là. » Je lui réponds en venant serrer doucement sa main dans la mienne. Jamais je n’abandonnerais Mia, après tout ce que nous avons vécu depuis tellement d’années, elle le sait bien. Je lui dis alors qu’elle devrait se reposer, parce qu’elle à l’air épuisé et qu’après ce qu’elle vient de vivre elle devrait dormir un peu pour se rétablir doucement. « Reste… ma mère a été appelée et je n’ai pas envie de la voir. Pas tout de suite en tout cas. » J’hoche la tête. « J’vais nulle part. » Un nouveau sourire.
Je ne peux m’empêcher de finir par lui demander à quoi elle pensait en prenant la vague. Parce que je connais assez Mia pour savoir qu’il devait y avoir quelque chose qui l’a préoccupait, quelque chose qui devait occuper son esprit à ce moment-là. A vrai dire, je me doute un peu de la réponse, je sais que le retour de son père l’a secoué, beaucoup secoué. « Je… » Elle semble pourtant hésité à me le dire la blonde. Elle sait bien que je n’ai pas la meilleure des relations avec son père, ou du moins que je lui en veux moi aussi d’avoir abandonné Mia, d’être parti. « Mon père… » Je soupire et viens pincer l’arête de mon nez entre mes doigts. J’ai donc raison, elle a failli se noyer à cause de son père, parce qu’il a décidé de re débarquer dans sa vie. « Je ne pensais pas que ce retour aurait un tel effet sur moi… Je ne pensais même plus possible qu’il finisse par revenir à Brisbane. Je le déteste Knox. » « Je sais… Mais il vaut vraiment pas la peine que tu te fasses tout ce mal Mia… » Parce que je la connais la blonde, je sais comment elle fonctionne, comment elle pense. Je soupire une nouvelle fois. « Il vaut pas la peine que tu te noies à cause de lui franchement. Je sais que tout ca te perturbe, mais je crois qu’il vaut mieux que tu restes loin, avant qu’il ne te déçoive une nouvelle fois. » Et puis, c’est la meilleure solution, de rester loin de lui, de prendre ses distances. Tout est tellement plus simple quand il n’y a pas d’attaches, c’est ce que je n’arrête pas de dire.
Knox hausse les épaules. Pour lui, même si l’océan était agité ce matin, ça ne lui paraissait pas si dangereux que ça. Je le pense également. Pourtant, en posant la question à mon meilleur ami, je cherche à être rassuré. A me dire que finalement, les vagues étaient peut-être trop violentes et que je ne me suis pas laissée surprendre bêtement… Peut-être que je cherche à me dédouaner… Mais, la réponse silencieuse de Knox en dit long. Non, l’unique raison qui a fait que j’ai eu cet accident est que mes idées étaient ailleurs… « Et t’as pas à y penser, j’serais toujours là ». Il m’a sauvé la vie et je ne lui en serai jamais assez reconnaissante. Je sais qu’il ne me laissera jamais tombé, il ne l’a jamais fait en trente ans d’amitié. Nos deux caractères explosifs, qui nous faisaient plus nous disputer qu’autre chose au quotidien, n’ont pourtant pas eu raison de cette belle amitié. Il était ma famille, mon frère, celui qui ne flanchait jamais, toujours prêt à tout pour moi. Et il me l’a prouvé ce matin en me sauvant de ses eaux agitées. Mon regard parle à ma place, lui laissant comprendre que je l’aimais du plus profond de mon être. Je lui serre un peu plus sa main qui est venu se glisser dans la mienne quelques secondes plus tôt, et une petite larme roule sur ma joue, de reconnaissance plus que de tristesse. Je lui demande de rester d’ailleurs parce que je n’ai pas envie que ma mère puisse entrer tout de suite dans la chambre « J’vais nulle part ». Je réponds aussi par un sourire quand il me répond cela.
Evidemment, comme il me connait par cœur, Knox a capté que quelque chose n’allait pas et que cet accident n’était pas anodin. Que mes pensées soient ailleurs lorsque j’étais sur cette planche au lieu d’être aux aguets et prête à affronter la vague qui se dirigeait vers moi. Il doit se douter de la raison parce qu’il a été présent la veille lorsque je suis rentrée en m’effondrant dans ses bras. Cependant, je lui confirme par la parole, finissant par lui dire à quel point je détestais mon père… « Je sais… Mais il vaut vraiment pas la peine que tu te fasses tout ce mal Mia… ». Il a raison, il faut que j’arrête de me torturer mais j’ai l’impression hier d’avoir vu un fantôme. Parce qu’au fond de moi, j’ai toujours espéré qu’il revienne et que je ne l’ai jamais dit à personne. Pourtant, alors que j’aurai pu être heureuse hier de le retrouver, laissant toute cette rancœur de côté, je n’ai fait que lui déverser tout mon venin. « Il vaut pas la peine que tu te noies à cause de lui franchement. Je sais que tout ça te perturbe, mais je crois qu’il vaut mieux que tu restes loin, avant qu’il ne te déçoive une nouvelle fois ». Je baisse le regard, repensant à tout ce que mon père a pu me dire la veille… « Je ne l’ai pas fait volontairement… » parce que je ne voulais pas que mon meilleur ami ait un doute là-dessus, alors je préfère le préciser avant de rependre « Je ne veux pas qu’il soit au courant pour mon accident… Je ne peux pas l’affronter une deuxième fois, pas tout de suite… » Même si j’ai des tonnes de questions qui fusent dans ma tête, que j’ai envie de le confronter à nouveau pour avoir des réponses, surtout après l’annonce de l’existence d’un frère ainé. Je soupire, en repensant à tout cela, ça me fatigue. Knox a raison, je ne dois aussi me tenir éloigné pour ne pas revivre le déchirement que j’ai vécu, et que je connais bien trop encore aujourd’hui de la déception « Tu me donneras tes tips pour ne pas s’attacher… ». Parce que c’est comme ça que mon meilleur ami fonctionnait et que, finalement, plus le temps passé, et plus je me disais que cette méthode n’était pas si mal.
Je préfère changer de sujet, pensant alors à l’autre personne présente lors de cet accident : « Wim est resté avec toi ? ». Parce que l’infirmière ne m’avait parlé que d’une personne qui attendait depuis qu’on m’a amené ici et que le jeune homme était présent pendant l’accident.
Mia est pourtant douée en général sur une planche de surf. Elle en fait depuis des années, elle sait gérer les courants, elle sait quoi faire et ne pas faire, mais pourtant cette fois-ci l’océan a eu raison d’elle. L’Australie est connu pour ses grosses vagues certes, mais surtout pour ces courants dangereux lorsqu’on s’y connaît un peu et que l’on fait du surf depuis des années. Ce n’est pas toujours facile de savoir gérer ce genre de choses, les choses qui viennent de la nature et contre lequel nous sommes impuissant et cette fois-ci a eu raison de ma meilleure amie. Elle avait la tête occupée, l’esprit ailleurs et cela lui a coûter un voyage à l’hôpital. J’aurais honnêtement préféré être sur la plage à ce moment précis, assis dans le sable après une bonne séance à regarder d’autres surfeur prendre des vagues. Et pourtant je suis en quatre murs blancs dans un endroit que je déteste, ou je me suis promis de ne pas remettre les pieds d’aussitôt. Je tente d’éclairer un peu ma meilleure amie sur ce qu’il s’est passé, sur pourquoi elle se retrouver sur un lit d’hôpital, mais à vrai dire, je n’en sais pas beaucoup plus qu’elle. Alors je la finis par la questionner, je lui demande à quoi elle penser lorsqu’elle a pris la vague, et même si je me doute de la réponse, je l’attends. Son père. Je sais qu’il a redébarqué dans sa vie et que cela a beaucoup secoué ma meilleure amie, mais je ne pensais pas que cela était à ce point là. Je soupire doucement et viens prendre sa main dans la mienne. « Je ne l’ai pas fait volontairement… » « Je sais Mia. » Je lui réponds simplement. Personne n’aurait envie d’être à l’hôpital volontairement. « Je ne veux pas qu’il soit au courant pour mon accident… Je ne peux pas l’affronter une deuxième fois, pas tout de suite… » Ce n’est, de toute façon, pas moi qui irais lui dire. Si je me retrouve face au père de Mia, je ne suis pas sûr que je saurais me contrôler à vrai dire. Alors j’hoche la tête simplement.
« Tu me donneras tes tips pour ne pas s’attacher… » « La famille c’est différent. » Mais elle le sait ca. Elle sait que si je ne m’attache pas beaucoup, si je prends soin de ne jamais trop lié de lien avec les gens, la famille c’est quelque chose de différent. J’ai profondément été affecté par le décès de mon père il y a maintenant près de onze ans, et je ne l’ai jamais complètement accepté. Je n’ai toujours pas non plus avalé le départ de mon frère, mais tout cela, personne ne le sait, pas même Mia. Jamais je ne lui parle de ce genre de choses. C’est aussi pour cela que je me mêle pas trop de ses histoires de familles, parce que son père reste son père et que si un jour il décède, elle regrettera peut être d’avoir été en froid avec lui. Alors je ne dis rien. « Wim est resté avec toi ? » Et je suis content qu’elle change de sujet, avant que je ne le fasse moi-même. « Non, mais je lui enverrais un message pour lui dire que tu vas bien. » Je lui adresse un sourire. « Faut que tu te reposes Mia. »
« Je sais Mia ». J’ai besoin de le rassurer. Peut-être de me rassurer aussi. De lui dire que je ne l’ai pas fait volontairement. Que je ne me suis pas laissée emporter parce que j’en avais assez. Assez de tous ce mal être en moi qui n’arrive pas à s’apaiser, même avec le temps… Une blessure qui ne se referme pas, qui ne se refermera sûrement jamais, lié au départ de mon père, une sensation d’abandon alors que je pensais être tout pour lui. Tout comme l’ont fait ensuite de trop nombreuses personnes après lui, et dernièrement Alec. A qui je m’étais attachée plus que de raison et à qui j’étais toujours attachée malgré tout… Trop de choses qui préoccupent mes pensées et qui me donnent envie parfois de fuir… Très loin de tout ça. Ce serait lâche, certainement, mais peut-être que cela m’aiderait à mieux repartir dans cette vie qui semblait tourner en rond.
« La famille c’est différent ». Et je le sais. Rien ne changera, mes sentiments pour mon père resteront toujours les mêmes, bien qu’ils soient enfouis au plus profond de moi. Pour le moment, il n’y a que haine et rancœur qui en ressortent. Une haine que je lui ai jeté en pleine figure la veille, en lui expliquant que je ne lui pardonnerais jamais pour ce qu’il a fait. Une haine qui m’a poussé à lui dire que je le détestais et qu’il n’existait plus pour moi depuis des années. Des paroles fortes, dures et cruelles certainement mais je me devais de lui jeter en pleine figure tout ce qu’il m’a fait ressentir pendant toutes ces années d’absences. Alors oui, je ne pourrais jamais me détacher de lui, parce qu’il était mon père malgré tout. « Tu m’en donneras quand même pour les mauvaises personnes qui ont croisé ou croiseront mon chemin ». Mon ton est las, cette jeune femme allongée dans son lit d’hôpital est fatiguée de tout ça. Elle ne sait plus où aller, comment réagir, que faire… Je suis cette jeune femme, perdue. « Non, mais je lui enverrais un message pour lui dire que tu vas bien ». J’acquiesce alors que j’ai changé de sujet et lui ai demandé des nouvelles de Wim, qui était présent pendant l’accident. Je ne lui en veux pas d’être partie, même si je suis un peu surprise quand Knox me dit non. Cependant, je me dis que l’attente a du être interminable ou qu’il a dû partir à la hâte parce qu’il avait à faire. « Faut que tu te reposes Mia ». Je saisis la main de mon meilleur ami, la serrant le plus fort possible dans la mienne « Je fais tant peine que ça à voir ? ». Je ris doucement même si le cœur n’y est pas vraiment. Je me sens fatiguée, la douleur m’est inconnue pour le moment due aux doses de morphine qui circulent dans mon corps. « Va te reposer aussi, ta tête n’est pas mieux que la mienne love ». Je lui souris même si au fond je n’ai pas envie qu’il parte. Parce que sa présence me rassure et ces murs d’hôpital immaculés de blanc me donne des frissons. Mais je sais aussi que pour mon meilleur ami être ici est loin d’être facile, le replongeant dans de mauvais souvenirs qu’autant lui et moi préférerions oublier.
« Tu m’en donneras quand même pour les mauvaises personnes qui ont croisé ou croiseront mon chemin. » Ajoute la blonde, mais à vrai dire, je ne sais pas si c’est vraiment possible d’apprendre ce genre de chose à quelqu’un. Est-ce qu’il est possible de lui apprendre comment ne pas se soucier des autres, comment ne pas en prendre part ? Je n’en sais rien. Je suis comme cela depuis tellement d’années que, pour ma part, je ne sais plus vraiment comment faire autrement. J’ai construit ce mur, cette façon d’être depuis tellement d’années qu’il n’est sûrement plus possible de changer, et, toute franchise, je ne veux pas changer. Je sais que la vie peu s’arrêter du jour au lendemain, alors pourquoi s’attacher si c’est pour faire du mal aux gens au final ? Non, ca n’en vaux pas la peine. C’est mieux de ne pas s’attacher, de vivre de petit lien de temps en temps, de choses qui ne s’éternise pas et qui ne peuvent pas mener vers des choses regrettables. « On verra. » Je lui réponds simplement en caressant sa main doucement avec mon pouce. Mia est l’une des rares personnes qui a vraiment sa place dans ma vie, et c’est des situations comme cela des fois que je doute.
Je la rassure alors à propos de Wim, qui était avec nous lors de la séance de surf, pour lui dire que je le préviendrais qu’elle va bien. Je sais que Wim et Mia sont de bons amis et qu’il doit très probablement s’inquiéter pour elle en ce moment. Je finis alors par venir embrasser le front de ma meilleure amie pour lui dire de se reposer. « Je fais tant peine que ça à voir ? » Je ris un peu. « Je t’ai déjà connu en meilleure forme. » Je lui réponds simplement. Je lui adresse un sourire tendre. « Va te reposer aussi, ta tête n’est pas mieux que la mienne love. » Je secoue la tête. « Je reste là, je vais me reposer dans le fauteuils. » Je me lève alors de la chaise près du lit pour aller me poser dans le fauteuils face au lit. Je l’incline un peu et m’y installe confortablement. « Tu vois, parfait. » Je lui dis même si ce n’est pas aussi confortable qu’un lit bien sûr. Mais il est hors de question que je la laisse seule. « Je s’rais là quand tu t’réveille. »
« On verra ». Je plaisante à ce sujet mais je sais que je ne parviendrai jamais à ne pas m’attacher, à ne pas me soucier des autres. C’est peut-être ça aussi mon problème c’est cette capacité que j’ai à m’attacher trop vite. Surtout quand il s’agit des hommes. Je me laisse emporter par l’euphorie du moment et je me retrouve à le regretter quelques temps après. Très peu de temps après. Ma dernière relation en était le parfait exemple. Et avant lui, il y en avait eu d’autres… Mais il semble qu’à chaque fois je ne semble pas retenir la leçon. Parce que je sais que Knox est devenu comme ça au fil du temps à cause de ce qu’il a pu traverser à l’adolescence. Un caractère, une carapace qu’il s’est forgé et qui fait qui il est aujourd’hui. Beaucoup ont du mal à le comprendre, moi-même parfois parce que je n’ai pas envie qu’il se renferme à ce point, ce qui peut être sujet à dispute entre nous. Pourtant, j’ai cette place particulière auprès de lui, tout comme lui auprès de moi. Et celle-ci je sais qu’autant l’un que l’autre nous ne la regrettons.
« Je t’ai déjà connu en meilleure forme ». Je n’en doute pas, je ne dois pas avoir fière allure sur ce lit d’hôpital. Je me sens stupide d’en être arriver là. Stupide de m’être laissé prendre aussi facilement. Et je m’en veux surtout d’avoir inquiété Knox quand je vois le regard qu’il me porte. Il me conseille de me reposer et je lui dis d’en faire de même, prétextant que sa tête n’est pas mieux que la mienne. « Je reste là, je vais me reposer dans le fauteuil ». Je le regarde se déplacer alors et prendre place sur le fauteuil. Il s’y installe confortablement et son petit sourire satisfait me donne le sourire aussi « Tu vois, parfait ». Je sais qu’il ne me lâchera pas. C’est sa manière à lui de me montrer à quel point je compte. En étant présent, en restant même coller à moi jusqu’à ce que je sorte de cet hôpital, que j’aille mieux. Parce que c’est ainsi aussi que notre amitié est faite. « Je s’rais là quand tu t’réveille ». J’acquiesce doucement et avant de m’endormir je lui lâche encore un « Merci… » parce que je ne peux qu’être reconnaissante de l’avoir dans ma vie.