Ne pas avoir pu parler sans filtre à Norah pendant de longues semaines a été comme être séparée d’elle. L’australienne était entre les murs de l’hôpital, pourtant, mais entre son coma et les semaines de rémission qui ont suivi, Lily ne peut pas dire que ce soit en quoi que ce soit comparable. Ses collègues étaient là pour elle, ses amis et sa famille aussi, et lorsqu’elle passait (par pur hasard) devant sa chambre située à l’opposé de l’aile dans laquelle elle travaille, elle esquissait toujours un sourire en coin après y avoir vu quelqu’un. Nul doute qu’elle mérite amplement toute la solidarité qu’il y a eu à ses côtés, même l'intransigeante Keegan ne pense pas contredire une telle évidence. Elle a naturellement et rapidement su trouver en elle une amie et une personne sur qui compter, et ce peu importe le sujet abordé parmi la diversité qui s’offrent à elles.

Aujourd’hui la brune n’est plus à l’hôpital, justement. Elle a pu rentrer chez elle il y a peu, pour son plus grand plaisir tant à elle que les petites têtes blondes qui sont passées quelques fois entre les couloirs. Leur ressemblance avec leur mère en revenait presque à ce qu’ils portent un post-it sur le front avec écrit “je suis le fils de Norah !” et “je suis la fille de Norah !”. Pour l’éternel cœur de mère de la Keegan, ça a suffi à l’émouvoir bien des fois, à tel point que la guérison rapide et totale de Norah ne soit non plus une possibilité mais bien une nécessité. On dit souvent qu’ils ne doivent pas faire passer leurs sentiments avant leur professionnalisme dès que cela touche aux patients mais puisqu’elle est une amie et que Lily n’avait de toute façon pas le droit de lui prescrire quoi que ce soit, alors elle a décidé d’elle même de passer outre tout cela.

Dans son coma elle lui parlait de tout et de rien, elle lui rapportait les recettes de sa mère à voix haute, lui contait les anecdotes de sa vie de couple, se moquait de son frère (en l’appelant toujours par son prénom) à tout va et Alfie au passage, parce qu’elle trouvait cela amusant qu’elle ait un autre angle de vue sur le Maslow. Entre deux rires non partagés, c’est sur des passages difficiles de sa vie qu’elle s’ouvrait sans savoir si elle entendait réellement ce qu’elle pouvait bien lui dire. Que ce soit le cas ou non, elle a décidé de juger Norah de confiance pour recevoir ses confessions et puisque cela donnait des sujets de conversations interminables à la Keegan, elle a écumé tous ses souvenirs pour occuper l’espace de ses monologues interminables. Maintenant, Norah peut lui répondre, et c’est sans aucun doute ce qui la rend la plus heureuse. Comme quoi, parfois, il suffit réellement de peu.

Sur son jour de repos elle en profite pour venir toquer à son logement, toutes ses excuses et autres arguments déjà prêts alors qu’entre ses mains les tupperwares s’entassent, à tel point qu’elle est obligée de tenir le dernier avec son menton pour éviter que sa Tour de Pise ne s’écroule. A peine la porte ouverte, elle esquisse une grimace. “Je sais que tu n’as pas besoin de rien ni personne.” Elle se retrouve beaucoup en elle, notamment dans sa fierté et son besoin d’indépendance. Elle est une femme forte et il n’y a aucun doute là dessus, elle gère sa vie avec brio et personne ne peut oser dire le contraire. Parfois, pourtant, un peu d’aide ne peut pas faire de mal. “Je sais aussi que tu vas beaucoup mieux et que t’aurais pu faire tout ça toute seule.” Sur ce sujet là elle aurait tendance à nuancer les propos et même si en effet la mère de famille se porte mieux, elle n’a cependant pas encore retrouvé sa forme olympique de l’époque - de l’époque avant qu’elle rencontre Lily, en tout cas. “Et je faisais que passer par là, donc si jamais tu penses à me dire merci c’est pas la peine. Je me balade toujours avec des plats pour une semaine entière pour trois personnes.” Elle est sincère quand elle précise ne pas vouloir ses remerciements, elle l’est beaucoup moins pour tout ce qui s’ensuit. Pourtant, tout comme elle autrefois et pour des raisons bien différentes, Lily a besoin de s’occuper les mains et puisque ce n’est pas à elle seule qu’elle risque de manger tout ce qu’elle cuisine, elle a jugé bon de préparer des plats pour la mère de famille. Si cela peut au moins lui retirer un minuscule poids des épaules et lui permettre de se reposer et profiter des enfants, alors cela conviendra parfaitement à Lily. “Ce que je sais pas, par contre, c’est si je vais arriver à tenir longtemps.” Entre ses grimaces et son nez froncé naît un sourire amical.

RULE WITH YOUR HEART ft. @lily mcgrath

"Toi, tu te reposes." avait ordonné Marcus avant de venir déposer un baiser sur le front de sa petite soeur. Déjà qu'elle s'était levée de bonne heure pour les préparer avant l'école, il était hors de question pour l'aîné des Leckie qu'elle en fasse davantage en cette heure si matinale. Il fallait la freiner un peu, Norah. Car même si elle se portait mieux comparé au jour où elle avait eu la possibilité de rentrer à la maison, mais les gestes de la vie quotidienne restaient encore douloureux. Sa famille voulait qu'elle prenne du temps pour elle et c'était ce qu'elle faisait. La soignante avait l'impression de ré-apprendre à exister, à vivre autrement que par procuration. Elle avait du temps à songer à ce qu'il s'était passé, à comment était sa vie avant l'accident et comment elle l'envisageait par la suite. Le tout était encore un peu flou mais s'il y avait une certitude qui s'était profilée, c'était sa volonté à changer les choses. Elle ne voulait plus n'être que l'ombre d'elle-même. Elle avait la chance d'être entourée par des personnes qui l'aimaient profondément, qui l'appréciaient à sa juste valeur malgré la dégradation de sa santé mentale. Il y avait même quelques connaissances qui étaient sorties du lot. Des personnes qu'elle ne s'attendait pas particulièrement à voir, mais leur présence fut une très agréable surprise pour elle. Parmi ces personnes qu'elle considérait désormais comme ses amis, il y avait Lily. Les deux brunes ne se connaissaient pas depuis si longtemps, mais le courant était tout de suite bien passé entre elles. En parlant du loup, d'ailleurs. Norah écarquillait les yeux lorsqu'elle ouvrit la porte d'entrée et tomber nez-à-nez sur Lily, les bras bien chargés. Un sourire vint ensuite étirer ses lèvres. Norah la trouvait marrante. Lily était une jeune femme pétillante et incroyablement loyale. Elle arqua un sourcil lorsqu'elle cherchait à devancer les commentaires qu'auraient pu faire la Lindley en la voyant débarquer par ici. "Ca c'est ce que j'essaie de me dire, oui." dit-elle avec un léger rire. Oui, Norah aimait être indépendante et savoir se débrouiller. Pendant longtemps, ça lui coûtait beaucoup en fierté de ne demander ne serait-ce qu'un petit service. Là, elle apprenait aussi à apprécier l'aide qu'on lui apportait par plaisir et non par obligation. "Mais j'ai que des beaux gosses qui sont prêts à tout pour moi, alors j'en profite." Bien sûr qu'elle exagérerait, bien sûr qu'elle n'était pas du genre à abuser de la main qu'on lui tendait. Il tardait à Norah d'avoir à nouveau une voiture, d'avoir mis un terme à toutes ces histoires d'assurances afin de gagner enfin un peu plus en autonomie. Norah riait devant les salves d'arguments que lui lançaient l'infirmière. "Bien sûr, comme par hasard" ricanait-elle. Elle avait toujours l'un de ses poignets dans une attelle, l'entorse prenant du temps à guérir également. La pile de tupperwares que Lily tenait en main devenait de plus en plus bancale et Norah s'empressait à la décharger avant qu'il n'y ait une catastrophe. "T'y auras quand même droit, à des remerciements. Que tu le veuilles ou non." répliquait-elle d'un oeil pétillant et taquin. "Viens, entre." dit-elle alors qu'elle se retournait pour se rendre en cuisine et déposer toutes les boîtes en plastique sur l'un des éléments de cuisine. "C'est adorable, vraiment." dit-elle en inspectant ce que Lily lui avait préparé avant de les stocker au réfrigérateur. "Ca a du te prendre un temps fou de préparer tout ça." La bonne cuisine, ça prenait du temps. Norah s'était déjà remise à la pâtisserie, pour le plus grand bonheur de ses proches. C'était une activité qui ne la sollicitait pas tant physiquement. "Merci beaucoup." souffla-t-elle malgré tout, le regard véritablement reconnaissant. Norah avait beau être une femme de nature peu expressive, elle était profondément reconnaissante de la générosité de ses amis. Lily faisait partie de ces très belles surprises. "Tu veux boire quelque chose ? J'ai du thé, du café... ou des boissons fraîches, ou même de l'alcool si l'envie t'en dit." énuméra-t-elle alors qu'elle se sortait déjà une tasse pour se faire un café au lait. "Quelles sont les nouvelles ?" lui demandait-elle. Même si elle ne se connaissait que depuis quelques mois, les fois où elles avaient pu échanger ensemble (donc sans compter les heures où Lily racontait toute sa vie alos que Norah était encore dans le coma) étaient des instants riches et joviaux. "Ca va, au boulot ? Tu t'en sors ?" Lily se trouvait en service de pédiatrie, le même service où avait travaillé Yasmine avant qu'elle ne rende sa blouse blanche. Norah pouvait comprendre que les premiers mois dans un nouveau service étaient loin d'être parmi les plus faciles. Une fois que Lily avait aussi eu ce qu'elle avait demandé à boire, Norah lui proposa de s'installer sur la terrasse à l'extérieur. C'était bientôt l'été, le soleil était radieux et elle n'était jamais contre profiter du soleil avant que celui-ci ne devienne trop agressif pour sa peau. Norah s'armait de ses lunettes de soleil avant de s'installer. Working on freckles, qu'elle aimait dire avec amusement. "Je te remercierai en pâtisserie, tiens. J'ai du temps devant moi." dit-elle avec sourire. "Qu'est-ce que tu préfères ?" Elles se considéraient déjà comme amies, mais elles avaient encore beaucoup à découvrir sur chacune d'entre elles. Et ça, Norah s'en réjouissait déjà beaucoup.

Ce qu’elle a aimé au premier coup d'œil, chez Norah, c’est sa simplicité. Elle est typiquement le genre de personne que Lily a toujours cherché à être et pouvoir petit à petit la considérer comme une amie est un cadeau précieux qu’elle sait apprécier à sa juste valeur. Elles se reconnaissent sur de nombreux points et s’entendent sur autant d’autres et avec elle, la Lindley peut parler de ses enfants pendant des heures sans que jamais la nouvelle McGrath ne trouve une raison de s’en agacer. Finalement Norah a toujours su rester discrète mais quand bien même, cela aurait pu arriver sans qu’elle ne s’en plaigne. Les remerciements de la trentenaire sont acceptés sans que Lily ne s’y attarde, surtout désireuse qu’elle comprenne qu’elle ne lui est pas redevable de quoi que ce soit. "Tu veux boire quelque chose ? J'ai du thé, du café... ou des boissons fraîches, ou même de l'alcool si l'envie t'en dit." La mention de l’alcool la fait sourire simplement sans qu’il n’y ait de réelle raison à cela et finalement l’infirmière commence à ranger les tupperware tantôt dans le frigo et tantôt dans les placards, interrogeant Norah d’un coup d’oeil à chaque fois pour savoir ce qu’elle préfère. “Du thé sera parfait, merci.” Qu’elle répond en même temps, par habitude. Elle a bien trop pris l’habitude du café du DBD pour le boire nulle part ailleurs désormais - et elle rigole intérieurement d’avoir pris aussi rapidement de tels goûts de précieuse. Pour le reste, elle juge que ce n’est pas le bon moment.

Sans grande surprise, Norah essaye de se raccrocher au train en marche comme elle le peut. "Quelles sont les nouvelles ?" Lily échange un sourire rassurant envers elle et bien qu’elle comprenne que la question se rapporte bien plus à elle même qu’à l’équipe de l’hôpital de manière plus général, elle fait mine de ne pas comprendre. “Lynn a accouché aujourd’hui. C’est un garçon.” Alors elle donne des nouvelles d’une collègue commune en pédiatrie à défaut de vouloir déjà étaler sa  propre vie privée. Elle y viendra plus tard mais pour le moment encore, elle trouve que ce serait déplacé de ne pas continuer à voir Norah comme la seule priorité de la journée - quand bien même cette dernière détesterait l’entendre dire de telles choses. “C’est plutôt moi qui devrais te demander ça, tu sais.” Les boîtes soigneusement rangées un peu de partout, elle a aussi pris le temps de lui expliquer que les ingrédients ainsi que le nom des plats en général étaient marqués sur les couvercles. Ne sachant si ses enfants ou elle avaient un régime particulier ou de quelconques allergies, elle a varié au maximum. Désormais elle est postée dos au plan de travail, attendant avec Norah que leurs boissons soient assez chaudes. A son tour, elle ne lui posera pas de front le fameux “comment tu vas ?” ou pire encore : “ça va mieux ?”. Pourtant, tout le monde aura compris que l’intention y est. "Ça va, au boulot ? Tu t'en sors ?" Elle est plus maigre que le premier jour où elles se sont rencontrées et plus fatiguée aussi mais ce n’est pas entièrement dû à son nouveau travail et le rythme de vie allant avec. Si Norah le sait, elle sait aussi que ce dernier n’arrange pas son état de fatigue, quand bien même jamais Lily n’oserait s’en plaindre. “Je ne m’ennuie pas. Tant mieux j’imagine, c’était aussi le but.” Le but était de rester occupée et d’être utile aux autres. Sur ces points là au moins, elle peut affirmer avoir réussi. Pour ce qu’il en est de s’en sortir, en tout cas, elle fait de son mieux et personne n’a encore eu à se plaindre d’elle. Cela doit sûrement être un bon signe. “J'imagine que ça doit être pareil pour toi avec tes enfants.” Elle remarque d'un ton amusé, ajoutant un coup de tête pour désigner les dessins accrochés sur la porte du frigo.

Elle suit son amie à l’extérieur sans un mot, toujours heureuse de pouvoir profiter des rayons de soleil de son pays tant chéri. "Je te remercierai en pâtisserie, tiens. J'ai du temps devant moi." Le rire que la jeune mariée esquisse mais bref mais sincère. Elle n’a pas fait ça pour recevoir quoi que ce soit en retour mais si c’est pour Norah une manière de s’occuper et de se sentir utile alors elle ne risque pas de lui interdire de le faire. A sa place, en tout cas, elle n’aurait pas aimé qu’on lui rétorque une telle chose. "Qu'est-ce que tu préfères ?" Son sourire est grand, aussi grand que celui des enfants lorsqu’ils la découvrent sous les traits (et la robe, n’oublions pas la robe) de Blanche-Neige. “Tu sais faire les macarons ?” Bien que ce ne soit pas excessivement compliqué à faire, c’est une recette qui compte beaucoup d’étapes et demande beaucoup de patience. Elle se dit que ses enfants aimeraient peut-être l’aider (et goûter les macarons encore chauds, quand bien même ils sont meilleurs une fois refroidis). Ils pourraient soulager la main encore blessée de leur mère et Lily est certaine d’une chose : ils seraient ravis d’aider. “On se nourrissait presque exclusivement de ça, à Cuba. Ceux à la mangue surtout, c’était à tomber.” Elle laisse le sujet naturellement dévier vers Matt sans pour autant le nommer. Norah a déjà entendu ses histoires à propos de Cuba et de leur lune de miel un bon millier de fois sûrement. Puisque c’est le seul pays que la jeune femme a visité dans sa vie, elle agit comme un parfait disque rayé aux yeux encore brillants et des souvenirs plein la tête. “Le but c’était de te faire gagner du temps, tu sais, si tu te mets à vouloir faire des centaines de macarons ça risque d’être contre productif à force.” Un clin d’oeil plus tard, elle s'assoit sur une des chaises de la terrasse et repose sa tête contre le dossier, yeux fermés, profitant de la douce chaleur des rayons du soleil. Elle n’insistera pas davantage à ce sujet. “Tu peux de toute façon compter sur moi pour te rappeler que tu me dois à manger, ne t’en fais pas pour ça.” Sous entendu que ses macarons peuvent arriver demain comme dans un an, cela n’a jamais été précisé nulle part dans leur contrat et par conséquent cela reste à l’entière discrétion de la mère de famille.

Redressant la tête pour venir reposer ses yeux bleus dans ceux de Norah désormais cachés par ses lunettes, elle finit par l'interroger avec naturel et délicatesse. "Julie et Aidan vont bien ?" Puisque la maison baigne dans un parfait silence, elle se doute qu'ils ne sont pas présents pour le moment encore. Et puisqu'elle ignore aussi complètement quel jour ils sont, elle se doute pour qu'il y ait des choses que ce soit l'école qui les retienne.

RULE WITH YOUR HEART ft. @lily mcgrath

Si Lily avait fini par réclamer un bon verre de blanc, elle ne l'aurait pas jugé. Sauf s'il était effectivement huit heures du matin et qu'elle sortait à peine du petit-déjeuner. Comme l'une de ses collègues aimait dire, c'est bien l'heure de l'apéro quelque part dans le monde. Cette anecdote la faisait toujours sourire. Mais la brune aux yeux clairs optait pour une boisson plus saine et plus simple, suite à quoi Norah se chargeait de remplir et d'allumer la bouilloire. Elle sortait de l'une de ses étagère une boîte qui contenait plusieurs thés, laissant ainsi son amie sélectionner celui qu'elle préférait. Lily avait l'air de très bien se porter du moins. Elle jugeait même bon de ne pas tergiverser là-dessus et de se concentrer plutôt sur les événements qui venaient ponctuer leur quotidien. Elle esquissait un large sourire, ravie d'apprendre de bonnes nouvelles telle que celle-ci. C'était aussi le genre d'annonces qui lui rappelait assez facilement qu'elle aurait bien voulu avoir un troisième enfant. Elle y pensait encore. Mais bon, aux dernières nouvelles, ce genre de projets, ça se faisait mieux à deux. Cela ne l'empêchait pas d'être ravie pour les autres. Elle fondait comme neige au soleil les fois où elle voyait la fille d'Anwar. Elle laissait échapper un rire devant la réponse de Lily. "C'est ce qu'on me dit tous les jours." Les réponses étaient toujours relativement les mêmes. On lui demandait si elle se souvenait un peu mieux de ce qu'il s'était passé au moment de l'accident, même avant. Elle se souvenait de sa rencontre avec Alfie mais avait choisi de ne le mentionner à personne. Grâce à Lily, elle avait à manger pour plusieurs jours, elle n'avait pas hésité à varier ses plats autant que possible. Norah lui en était reconnaissante. Elle adorait cuisiner mais elle fatiguait rapidement et ses frères admettaient sans problème qu'ils n'étaient pas les meilleurs cuisiniers qui puissent être (pas autant qu'elle en tout cas). C'était profondément attentionné, et ça changeait de sucreries et bouquets de fleurs – qu'elle savait apprécier tout autant malgré tout. "J'aime dire qu'une infirmière qui s'ennuie, ça n'existe pas vraiment. Quand c'est calme, on sait largement l'apprécier." souleva-t-elle avec un sourire. "Et tu fais plaisir à ton podomètre aussi." Tous ces kilomètres en une journée, elles avaient du mérite quand même. Il était vrai que Lily s'était affinée depuis leur dernière rencontre. "T'arrives à te reposer, quand tu fais des nuits ? Tu réussis à t'organiser au niveau de tes repas ?" Il fallait s'y faire, aux horaires variées, à la très forte probabilité de ne pas avoir le temps pour se poser , voire même aller aux toilettes, durant tout le poste de travail. On s'y accoutumait, plus ou moins. Au moins, Norah pouvait se féliciter d'avoir une vessie solide, d'un pancréas et d'un foie qui géraient à merveille son taux de sucre dans le sang. "Certes, Aidan manque clairement pas d'énergie et Julie est encore en train de ressasser un peu ce qu'il s'est passé, mais ils sont faciles à vivre." Norah n'avait pas à se plaindre de ce côté-là non plus. "Je les avais quasiment pas vu durant mon hospitalisation, alors là j'avoue que je savoure chaque instant." Et elle avait toujours quelqu'un avec elle pour l'aider à les gérer au retour de l'école. Installées sur la terrasse, Norah proposait de lui préparer à l'occasion quelques petites douceurs. "C'est pas ma spécialité mais je me débrouille." répondit-elle avec un sourire serein. "En refaire m'aidera à me perfectionner." Parler de ces pâtisseries ravivait des souvenirs à la belle Lily, et de son voyage à l'autre bout du monde. Norah en avait entendu plus d'une anecdote de ce voyage et c'est vrai que cette destination avait aussi tout son charme. Si elle s'écoutait elle serait devenue globe-trotteuse. Elle aimait tellement découvrir de nouveaux paysages, à faire des randonnées qui duraient des heures. "Je t'en ferai à plusieurs parfums." lui répondit-elle pour en revenir aux macarons. Comme ça elle pourrait décider d'elle-même si elle a d'autres goûts qu'elle préférerait. Lily était adorable quand elle parlait de Cuba. Ca la faisait encore rêver et Norah ne pouvait être qu'attendrie par cette vision. "Si j'en fais pas suffisamment, j'en connais d'autres qui seront sacrément jaloux, alors autant en faire en conséquence." dit-elle avec un léger rire. "Dès que mon poignet me fait moins mal, je m'y colle, c'est promis." Il lui fallait encore quelques temps et Lily comptait bien le lui rappeler (en toute légéreté, c'est sûr) le moment venu. "Je n'oublierai pas." Et Lily savait que son amie n'avait qu'une seule parole. Norah but une gorgée de son café avant de poser son mug sur la table alors que la brune prenait des nouvelles de ses enfants. "Oui, oui." répondit-elle. "Mon frère m'avait racontée qu'au moment où Julie avaient appris l'accident, elle a eu extrêmement peur. Et c'est finalement devenue une colère qu'elle ne savait pas vers qui la tourner, du coup c'est tombé sur moi." expliqua-t-elle. "La peur de devenir orpheline. Je peux pas lui en vouloir pour ça." La fillette avait géré ses émotions comme elle l'avait pu. "Quand je suis revenue, il y avait un peu de méfiance, puis beaucoup de larmes, et tout s'est régulé. Et maintenant, elle est de ceux qui aimeraient bien qu'on retrouver celui qui m'est rentrée dedans." Julie qui n'était habituellement pas très émotive, la charge émotionnelle était elle qu'elle n'arrivait plus vraiment à se contrôler pendant deux-trois jours où NOrah avait décidé qu'elle resterait à la maison, le temps qu'elle s'apaise. "Elle était déjà d'un naturel attentionné, mais jamais du genre à réclamer de l'affection. Depuis toute petite, si tu disais que tu l'aimais, une petite étreinte par ci par là, c'était suffisant pour elle pour se sentir aimée. Là, elle vient bien plus spontanément vers moi, elle tient à avoir ses moments avec moi." Un changement surprenant, mais compréhensible. "... Alors qu'elle est censée rentrer dans la période où elle cherche son indépendance, qu'elle a toujours eu, et où je fais ces trucs qui lui foutent la honte ou que je peux pas comprendre." L'approche de l'adolescence, quoi. "Et Aidan, ça va. Il est resté fidèle à lui-même. Toujours plein d'énergie, même s'il me demande de temps en temps si je vais devoir retourner à l'hôpital pour guérir." Son absence l'avait marqué, mais il était encore à un âge où les enfants géraient de façon remarquable tous les événements traumatiques. Norah se devait tout de même de répondre à certaines de questions, le plus dur était de trouver les mots les plus justes. "Ca n'a été facile pour personne." conclut-elle en baissant les yeux, alors bien songeuse. "Mais on s'en sort." dit-elle d'un ton plus enthousiaste quelques secondes plus tard. Il le fallait bien. "C'est trop présomptueux de ma part si je te demandais comment ça va, toi et Matt, en ce moment ?" finit-elle par demander. Norah ne jugeait absolument la façon dont ce mariage s'est déroulé. C'était un choix, mais Lily avait déjà connu quelques contre-coups. Même si elle ne se connaissaient depuis pas très longtemps, Norah ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter pour elle. Lily et elle, c'était une de ces amitiés spontanés et évidentes. Comme si, en un claquement de doigt, elles se connaissaient depuis de nombreuses années. Ce pourquoi Norah se permettait ce genre de questions délicates. Lily savait que ça n'avait jamais été de son genre, de tourner autour du pot. Néanmoins, jamais n'allait-elle la forcer à y répondre. Si elle préférait ne pas s'étaler sur ce sujet pour le moment, elle le respecterait sans le moindre problème.

Dans un groupe, Lily a toujours eu pour habitude d’être celle qui veille sur l’autre, qui s’occupe de régler les problèmes, qui rassure, qui aime. Loin de s’en plaindre, c’est le rôle qu’elle a toujours cherché à tenir parce que paradoxalement elle n’a jamais pu être la mère de sang qu’elle désire tant alors elle transfère ses besoins de maternité partout où elle le peut. Puisque ses intentions ne sont que les meilleures, finalement personne ne s’en plaint. Au bout de deux décennies à adopter ce mode de vie, pourtant, force est de constater qu’elle est heureuse et soulagée d’avoir trouvé une amie avec qui jouer ce rôle est impossible. Elle a l’impression qu’elles sont des égales qui voient la vie de la même manière et même s’il y a encore de nombreuses zones d’ombre dans la vie de chacune que personne n’a eu le temps de conter, Lily reste persuadée qu’elles n’ont besoin que de davantage de temps. "J'aime dire qu'une infirmière qui s'ennuie, ça n'existe pas vraiment. Quand c'est calme, on sait largement l'apprécier." La nouvelle infirmière ne peut que hocher de la positive. Même si elle a tout fait pour ne pas avoir d’instants de vide dans sa vie, elle a su apprécier les quelques minutes et autres heures éparses de ci de là. Se croire invincible était une erreur qu’elle commence enfin à regretter, elle qui songe peut être à abandonner une des deux associations dans lesquelles elle travaille et se donne tant. Pourtant, ce ne sont pas le genre d’histoires qui sont intéressantes à raconter, surtout pas alors qu’elle est surtout ici pour Norah. Elle rigole à ses simples blagues qui ne sont pourtant que la pure vérité et il n’en faut pas plus pour rendre le cœur de la brune un peu plus léger et lui faire momentanément oublier les tourments de son quotidien. Ce qu’elle espère, c’est que l’effet est le même pour sa nouvelle amie. "T'arrives à te reposer, quand tu fais des nuits ? Tu réussis à t'organiser au niveau de tes repas ?" La réponse devrait être négative si elle était totalement sincère - et si elle laissait sa mine blancharde parler à sa place - mais elle compte bien inverser la tendance, alors il n’y a pas de quoi inquiéter la Lindley. “Je crois que je commence petit à petit à m’y habituer et trouver un rythme, oui.” Elle a plus d’expérience dans ce travail alors que Lily apprend encore bien des choses mais elle est loin de baisser les bras. Ce n’est qu’une question de temps avant que tout aille mieux, au niveau professionnel ou privé le résultat devra être le même.

L’écouter parler de son retour dans la vie normale n’est pas quelque chose que Lily voit négativement et bien au contraire, elle est heureuse de la voir s’ouvrir autant sans qu’elle n’ait à poser des questions qui pourraient être mal interprétées. Elle est le genre de mère typique qui pourrait parler de ses enfants pendant des heures avec des étoiles dans les yeux et Lily, elle, serait là pendant tout autant d’heures à pouvoir l’écouter avec un sourire au coin des lèvres. Elle n’a jamais pu passer de temps avec Julie et Aidan mais apprend à les connaître par anecdotes interposées et entre deux visites à l’hôpital au cours des derniers mois. "Je les avais quasiment pas vu durant mon hospitalisation, alors là j'avoue que je savoure chaque instant." Elle est plus présente chez elle qu’elle avait pris l’habitude à cause de son travail et c’est là la seule bonne nouvelle que Lily arrive à trouver dans toute cette histoire puisqu’elle comprend bien tout l’amour qu’elle porte à ses enfants et l’attention qu’elle leur donne. Pas un seul instant elle n’a douté qu’elle saurait au moins profiter de ce repos forcé pour être avec sa famille et ses chères têtes blondes. “Tu fais bien. Et je suis certaine qu’eux aussi sont contents de t’avoir pour eux tout seuls à la maison.” Elle est loin d’être au meilleur de sa forme et ça aussi, l’australienne est certaine qu’ils le savent et qu’ils font au mieux pour ménager leur mère. Ce sont de bons enfants, à n’en pas douter, et s’ils finissent par voler quelques macarons du lot promis par Norah, personne ne pourrait leur en vouloir.

“Tes enfants sont très courageux.” La colère de Julie était justifiée, les questions d’Aidan plus encore. Chacun a réagit à sa façon et il n’y a rien de plus normal puisqu’ils sont deux personnes bien différentes mais Lily sait au fond que leur mère les aime et admire sans distinction et c’est ce qui importe le plus. Comme elle le dit bien elle-même, cette phase de leur vie a été difficile pour tout le monde mais aujourd’hui tout ne peut aller que mieux et ils en ressortiront plus soudés encore. "Ça n'a été facile pour personne." Son amie la laisse reprendre ses esprits et lui donne autant de temps dont elle a besoin, profitant du silence temporaire pour venir porter le thé à ses lèvres. Ce qu’elle retient de toute cette histoire c’est que Norah est une mère formidable et qu’ils ont de la chance d’avoir un tel exemple de force à leurs côtés. “Tout le monde aurait préféré ne pas en passer par là mais vous aurez beaucoup appris au final. Et puis ça aura permis à Caelan de revenir.” Le sujet ne devrait pas être abordé tellement elle n’y connaît finalement rien mais elle ose quand même, pensant bien faire alors qu’elle ajoute un sourire en coin qui a tout de bienveillant. “On s’est croisé à l’hôpital quand il est arrivés.” La McGrath précise après quelques secondes pour ne laisser aucun doute planer. Après tout, elle ne lui a parlé que quelques dizaines de minutes, cela ne mérite pas qu’elles en fassent toute une histoire. "Mais on s'en sort." Et ça, c’est tout ce qui importe réellement.

Lily a désormais posé ses bras sur le dossier de sa tête et son menton dessus ; elle ressemble à nouveau à une adolescente qui a à rattraper bien trop d’histoires venant de son amie qu’elle n’a pas vue depuis trop longtemps. "C'est trop présomptueux de ma part si je te demandais comment ça va, toi et Matt, en ce moment ?" La question coule de source mais elle restait incapable de s’y attendre. La brune esquisse un demi sourire sincère et ne met qu’une seconde avant de lui répondre, en venant à la conclusion qu’il n’y a rien de présomptueux dans sa demande. “Ça va mieux. On a décidé de reprendre au début, sans les caméras et les scripts et … tout le reste.” Tout ce qui leur était imposé, tout ce pour quoi ils n’avaient surtout pas leur mot à dire aussi ; à commencer par leur rencontre même. Ils ont décidé d’essayer d’être normaux, presque une année après leur mariage. “Il a tout mis en place pour qu’on recrée notre première rencontre.” Ses lèvres se plissent et elle se sent stupide à parler avec autant d’emotion alors qu’elle est déjà une adulte de trente quatre ans. Elle est encore émue lorsqu’elle repense à ce moment. “C’est stupide parce que je ne me voyais pas vivre sans lui. Et Dieu sait que j’aurais détesté entendre ce genre de paroles venant de qui que ce soit.” Elle aurait détesté qu’on la pense ne se définir que par un homme ou une histoire et si cela n’avait pas été elle-même alors elle n’aurait surtout jamais compris comment les gens auraient pu en venir à s’attacher autant à d’autres. La seule exception à cela aurait été des enfants et ce ne sont bien sûr pas des sentiments de la même nature. “Ça ne sera jamais comme avant et on a encore beaucoup de chemin à faire, mais ça va mieux.” Elle sait que si Norah lui pose la question alors elle désire vraiment en entendre la réponse mais lui parler de sa vie amoureuse tout en sachant que son mari lui a été retiré du jour au lendemain reste quelque chose de bien difficile. “Je me disais que si même Alfie était capable d'avoir une relation stable alors j'en suis capable aussi.” C'est facile et c'est bas, et pourtant venant d'elle il n'y a pas une once de méchanceté dans ces paroles alors qu'elle n'a jamais eu pour idée de remettre en question la légitimité de son couple ni même sa force. Ce n'est qu'une façon comme une autre de rendre sa déclaration moins dramatique ou, en tout cas, moins dégoulinante d'amour. “Enfin, j'imagine que tout rentre petit à petit dans l'ordre maintenant et c'est tout ce qui compte. On te garde loin de nous encore combien de temps, d'ailleurs ? Et si jamais tu as un plat préféré, c'est le moment de me le dire j'imagine. Ou les enfants.” Elle veut savoir quand est ce que Norah revient, elle veut savoir combien de temps encore elle va devoir rester loin de son travail et elle veut savoir encore beaucoup de choses, Lily, mais elle promet de ne pas l'ensevelir de suite sous sa curiosité.

RULE WITH YOUR HEART ft. @lily mcgrath

Norah se surprenait à se dire qu'elle était contente de ne pas avoir à retourner travailler tout de suite. Pourtant elle aimait son métier, le service dans lequel elle était affecté, l'équipe avec qui elle travaillait. Elle serait heureuse le jour où son médecin lui annoncerait qu'il la sentait capable d'y retourner. Mais ça ne lui manquait pas outre mesure alors qu'avant son accident, elle n'arrivait pas à passer une journée sans. A générer cette totalement dépendance à son travail et son rôle de mère l'avait encore plus effacée de la surface de la Terre. La claque avait été un peu trop brutale pour qu'elle parvienne à se débarrasser de cette empathie exacerbée, qui l'avait finalement phagocytée toute entière, mais elle fut particulièrement nécessaire. "Je n'en doute absolument pas." lui répondit-elle d'un air encourageant alors que Lily lui racontait qu'elle commençait à prendre le pli du rythme de vie qu'était celui d'une infirmière. Ca changeait des horaires de bureau. Lily était une jeune femme déterminée et le métier semblait sincèrement lui plaire. Il n'était pas fait pour tout le monde et certains avaient besoin de vivre leur premier stage pour se faire une idée des stéréotypes des différentes professions hospitalières. Les versions édulcorées et à l'eau de rose de Grey's Anatomy ou Dr. House n'aidaient en rien. Norah ne disait pas qu'elle n'aimait pas ces séries; elle reconnaissait même aimer regarder la dernière série mentionnée pour voir si elle parvenait à deviner les diagnostics avant les personnages principaux de la série. Ca l'amusait plus qu'autre chose. Et puis elle aimait mettre le doigt sur les incohérences de la série. Comme par exemple, un patient intubé mais sans respirateur.  Norah était à la maison et elle réapprenait à vivre véritablement, sans son mari. Lily se réjouissait du fait qu'elle parvienne à profiter de ses enfants et que ces derniers aient la chance de la voir tous les matins et tous les soirs dès qu'ls revenaient de l'école. "Ils ont pris facilement le pli, en tout cas." s'amusa-t-elle à dire. "Je ne suis pas si seule avec eux que ça." se permit-elle de préciser avec un sourire. "Il y a toujours un de mes frères, ou Anwar, qui passe du temps ici. Je pense qu'ils tiennent vraiment à ce que je me ménage un peu et ont peur que s'ils ne sont pas là, je reprenne mes mauvaises habitudes." Lily savait que derrière son calme olympien, la Lindley était efficace : il fallait que les choses soient faites, hors de question de remettre quoi que ce soit au lendemain si elle pouvait le faire le jour même. Et ils s'assuraient aussi que les enfants ne demandent pas à leur mère de dépenser toute son énergie non plus pour être avec eux. L'excitation des petits étaient justifiés, mais se devait d'être parfois canalisée afin que Norah puisse se reposer sereinement. Norah restait songeuse un long moment. Parfois, elle réalisait une nouvelle fois qu'elle était à deux doigts d'y passer. Si les secours étaient arrivés quelques secondes plus tard, si les médecins n'avaient pas remarqué qu'elle avait une nouvelle hémorragie interne qui avait donc demandé une seconde intervention chirurgicale. A chaque fois, à trois fois rien. Le regard perplexe de Norah se tournait vers son amie lorsque celle-ci dit qu'elle avait réussi à savoir que son frère jumeau était de retour. "Si j'avais su plus tôt qu'un accident de voiture l'aurait fait revenir plus tôt." ironisait-elle en pouffant légèrement. Elle avait beaucoup de choses à lui pardonner, mais elle était heureuse de le savoir à nouveau dans les parages. Elle aimait tellement son frère. Le lien qu'ils partageaient était unique. Mais pas aussi singulier que ce que Lily avait avec Matt. S'être marié sans se connaître devant des millions de téléspectateurs était un concept qui dépassait un peu Norah. Mais elle respectait ce choix. Elle savait qu'il y avait de l'eau dans le gaz dans le couple, ce pourquoi elle se posait des questions l'était de leur relation à l'heure où elles discutaient. Le couple tentait de se reconstruire et les efforts de son mari semblait avoir payé, vu le sourire que Lily esquissait au moment où elle racontait son récit. "Il doit sacrément avoir envie de te garder, et croire en votre couple pour s'être démené comme ça." Elle ne le connaissait pas, elle ne se permettrait pas de juger quoi que ce soit. Mais les faits étaient là : Lily semblait être heureuse de sa relation avec lui, de ce qu'elle vivait. "Les sentiments évoluent. Ca ne sera jamais comme avant." soulevait-elle avec calme. "Et c'est pas un mal non plus, que les choses changent. On se lasserait, sans ça. Mais ça ne change rien aux sentiments, ni à la passion partager." Le fond restait le même, seule la forme évoluait. "Ca te rendra peut-être nostalgique, et tu t'en souviendras comme le bon vieux temps." Elle avait vécu pendant treize ans avec le même homme, elle en savait quelque chose. Jamais ne l'avait-elle moins aimé qu'au premier jour. C'était juste différent. Tantôt passionnel, tantôt tendre, tantôt platonique. L'expression de leurs sentiments partagés était fluctuante et changeante au fil des années, ne rendant que chaque moment plus savoureux. Comme tout couple, il y avait eu des tensions, des désaccords, mais cela n'avait en rien enrayé leur relation. "Et je trouve pas ça stupide, que tu ne te vois pas vivre sans lui. J'étais pareille." Peut-être même pire; elle était loin d'être objectif lorsqu'il s'agissait de décrire Frank. Elle l'avait toujours trouvé parfait, en tout point. "Je le suis toujours un peu, d'ailleurs." dit-elle un peu plus bas, gênée. "On me le dit souvent, et je le dis souvent aussi d'ailleurs, mais prends ton temps. Il y a rien qui presse. Mais profite, profite à fond." Norah aurait pu être de ceux qui diraient qu'il fallait précipiter les choses, qu'on ne sait jamais de quoi demain est fait, etc. Mais non. Elle ne voulait pas tenir un de ces discours fatalistes malgré son expérience personnelle. La belle brune ne pouvait s'empêcher de lâcher un rire plus nerveux qu'elle ne l'aurait voulu lorsqu'elle mentionnait Alfie. "Un miracle, oui." Quand on le savait hyperactif, incapable de tenir en place quelques secondes, toujours dans la provocation et dans la recherche d'aventures, on pourrait croire que c'était surprenant qu'il soit resté à Brisbane aussi longtemps, avec Jules. Il l'aimait véritablement. Mais il avait confié à Norah son intention de partir. La rencontre qu'elle avait eu avec lui juste avant l'accident, elle ne l'avait dit à personne. Elle ne voulait en parler à personne. Elle s'était confiée auprès de lui, peut-être un peu trop. Elle restait songeuse un petit moment et Lily l'extirpa de ses pensées par un tout autre sujet de conversation. "Alors de ce que j'ai compris, on ne compte pas me refaire travailler avant l'année prochaine." répondit-elle, les lèvres pincées. C'était long. "Mais je pense que c'est le temps qu'il faut, pour une convalescence en bonne et due forme." Au delà de ça, cela lui permettait de se rétablir au niveau psychique, parce qu'il y avait aussi un problème à résoudre à ce niveau là. Et cela demandait autant de temps, sinon plus, que la guérison de ses cicatrices et de ses côtes brisées. "Je pense que j'ai besoin de temps. Je veux dire, en plus de gérer les gamins, l'assurance et les démarches autour de l'accident." expliquait-elle. "J'adore mon métier, vraiment, mais j'avoue être contente que d'avoir le temps de revenir en meilleur état que je ne suis partie. Crois-moi, je suis la première surprise à apprécier à être en arrêt. La première fois, j'ai pas vraiment trouvé mon mot à dire parce que j'étais plus vraiment moi et j'ai fini par très vite m'ennuyer à la maison. Là, j'ai vraiment envie de reprendre ma vie en main." Pourtant, Norah avait fait mieux que géré ces quatres dernières années. A ses yeux, non, et il fallait absolument que ça change. "Mais je comprendre que vous n'arrivez pas à vous passer de moi." plaisantait-elle en passant une main dans ses cheveux, faussement hautaine. "Et si tu reviens un jour ramener de quoi manger, fais-en pour quatre, histoire que tu manges avec nous." suggéra-t-elle. La maison de Norah était toujours ouverte à ses amis. C'était une politique qu'elle avait déjà adopté avec Frank, à l'époque. Tout le monde était la bienvenue.  A toute heure, quasiment, si c'était véritablement justifié. "Tu pourras voir les enfants, comme ça." Et ainsi avoir l'occasion de faire plus ample connaissance. "Je suis pas très difficile niveau alimentation, mais s'il y a quelque chose qui ferait plaisir aux petits, ce serait un barbecue. Des marinades, des crudités avec... Et puis, la saison s'y prête." fit-elle remarquer. Aussi, Norah trouvait ce type de repas très convivial et plein de légèreté.

Lorsque Norah lui dresse la liste des personnes sur lesquelles elle peut compter pour l’aider dans la vie quotidienne ou même s’occuper des enfants, Lily ne peut être autre chose que soulagée. Quand bien même le prénom d’Anwar ne ramène par exemple à aucune figure connue, elle est simplement heureuse qu’il existe et que son amie puisse compter sur lui et en parler aussi simplement, un sourire sincère au coin des lèvres. "Si j'avais su plus tôt qu'un accident de voiture l'aurait fait revenir plus tôt." Cette fois-ci le sourire sur le visage de la plus jeune est bien plus nuancé. Sans connaître les détails de leurs relations de famille, elle peut tout de même déjà se douter que tout n’est pas si parfait au Paradis. Ce sera sans doute moins pire que pour les Keegan, pourtant, parce qu’à sa place elle aurait tout donné pour voir son imbécile de frère s’envoler à l’autre bout du monde se battre contre des ours.

De sa famille, le sujet dérive plutôt vers la vie sentimentale récemment tourmentée de la jeune mariée. Elle parle très souvent de Matt pour raconter toutes les anecdotes de la Terre mais il n’est jamais question de détails et encore moins de ceux qui n’ont rien de drôle ou d’attendrissant. "Il doit sacrément avoir envie de te garder, et croire en votre couple pour s'être démené comme ça." Elle a toujours eu un point de vue extérieur rassurant et rafraîchissant, Norah. Et même si “par toujours” il est surtout question de “depuis quelques mois à peine”, dans le coeur de la brune cela a l’air d’exister depuis bien plus longtemps. Lily a d’abord changé de travail par passion mais aujourd’hui, en plus de faire ce qu’elle aime, elle est surtout aux côtés de personnes qu’elle apprécie réellement. “Je veux le garder aussi.” Loin d’être une compétition, cette fois-ci Lily ne joue à aucun jeu et se contente d’ajouter ces quelques mots à voix basse, son regard posé sur le sol pendant quelques instants. Au fond, elle espère que l’avis extérieur et objectif de Norah est celui qui se rapproche le plus de la vérité parce qu’une chose est certaine : elle, elle a vraiment envie de le garder et se battre pour lui, pour eux. Telle la grande sœur qu’elle n’a jamais eu, l’infirmière est celle qui lui conte comment les choses évoluent dans la vie et comment, en particulier, le font les sentiments. Lily écoute de bon cœur comme si on lui délivrait la bonne Parole, et à ses yeux cela s’en rapproche beaucoup. Ce n’est pas plus mal si rien ne sera de nouveau comme avant ; avant était bien mais demain sera meilleur encore. "Ca te rendra peut-être nostalgique, et tu t'en souviendras comme le bon vieux temps." - “C’est de cette manière dont tu penses encore à Frank ?” La question est intrusive et osée mais Lily use de toute la délicatesse du monde pour parler de ce sujet sûrement encore douloureux pour son amie. Ses intentions ne sont que bonnes, elle pourrait le jurer, et elle espère sincèrement que Norah le comprendra alors qu’elle relève doucement ses yeux vers elle avec un simple sourire au coin des lèvres.

"Et je trouve pas ça stupide, que tu ne te vois pas vivre sans lui. J'étais pareille." Si son frère avait eu un tel argument alors elle aurait rétorqué dans la seconde qu’ils sont dans ce cas tous les deux stupides. Si l’argument vient de Norah, pourtant, sa réaction est toute autre et elle réagit plutôt avec tendresse, touchée qu’elle puisse se confier apparemment si facilement sur un épisode à la fois heureux et triste de sa vie. "Je le suis toujours un peu, d'ailleurs." Les mots, même faibles, volent jusqu’à la jeune trentenaire. “C’est humain.” Elle ne peut pas être parfaite à son travail, pour elle-même et pour ses enfants et en plus de cela s’empêcher d’avoir des sentiments. Et si Lily pouvait être si ouverte d’esprit avec elle-même qu’elle l’est avec Norah, alors tout pourrait être bien plus simple et elle lui aurait épargné ses confessions. "On me le dit souvent, et je le dis souvent aussi d'ailleurs, mais prends ton temps. Il y a rien qui presse. Mais profite, profite à fond."  - “Promis.” Elle tente déjà de le faire autant que possible mais les mots de la mère de famille la poussent à redoubler d’efforts encore un peu plus. C’est promis, pourtant, elle prendra son temps. Norah, elle, doit ré-apprendre à utiliser le sien pour s’occuper d’elle. “Je veux rien regretter, c’est ça qui me ferait le plus de mal. Je pense.” Si elle venait à le perdre comme Norah a perdu Frank, elle voudrait au moins que ce soit en sachant avoir tout tenté pour lui. Même si, à choisir, elle préférait bien sûr que cela n’arrive absolument jamais.

“Passer les fêtes en famille sans avoir à travailler, vraiment, je te plains.” Lily rebondit aussitôt sur l’annonce de sa convalescence portant jusqu’à l’année prochaine et bien loin de vouloir dramatiser la chose, elle tente plutôt de lui montrer (avec bien trop peu de subtilité, certes) le bon côté des choses qu’a cette mise à pied forcée. Et contre toutes attentes, finalement, son aînée semble être de son avis et c’est donc avec deux yeux ronds que la brune l’observe vanter les quelques bonnes choses que lui apportent son repos forcé. "J'adore mon métier, vraiment, mais j'avoue être contente que d'avoir le temps de revenir en meilleur état que je ne suis partie. Crois-moi, je suis la première surprise à apprécier à être en arrêt. La première fois, j'ai pas vraiment trouvé mon mot à dire parce que j'étais plus vraiment moi et j'ai fini par très vite m'ennuyer à la maison. Là, j'ai vraiment envie de reprendre ma vie en main." Hochant de la tête tout du long de son explication, elle ne peut que comprendre tout ce qu’elle lui explique. “T’as pas à te justifier, tu sais. Personne ne remet en cause ton arrêt.” Une perte dans l’équipe est toujours précieuse mais Norah ne reviendra que plus en forme encore. Chacun préfère la voir s’absenter quelques mois plutôt qu’elle ne revienne trop tôt et ne se sente pas à sa place ou pas assez bien. “On sait que tu aimes ton travail mais tu as le droit de profiter de ce temps pour toi.” Pour les papiers, pour les enfants, pour son repos nécessaire. Tout ne sera pas un long fleuve tranquille pour Norah, c’est certain, et Lily ne risque pas d’entretenir un mensonge aussi gros alors que chacune connait déjà la vérité. Pourtant elle tient à la rassurer à propos de son travail et lorsqu’elle reviendra, sa place sera toujours la sienne et son rapport à ses collègues aussi.

"Mais je comprendre que vous n'arrivez pas à vous passer de moi." - “Mince, on avait pourtant tous préparé notre mensonge pour te faire croire le contraire.” Norah se vante faussement alors Lily se permet de reprendre le jeu comme si de rien n’était, y ajoutant finalement un rire simple.

Elle arrête aussitôt de rire dès que Norah l’invite à venir manger chez elle, un jour, avec les enfants. Prise de court, la bouche de la jeune femme reste ouverte sans qu’aucun mot ne sache en sortir. Généralement, toutes les amitiés qu’elle noue se cantonnent au small talk et ce genre de proposition n’est pas courante. "Tu pourras voir les enfants, comme ça." Cet argument ajouté à la simple idée de passer du temps avec Norah est plus que suffisant pour que la jeune femme prenne une discussion rapide. “J’en serais très heureuse.” Ses mots sont tout aussi francs que l’est son sourire, lequel elle agrémente d’un hochement de tête. “Matt aussi aime les barbecues. Et les desserts.” Il a les mêmes goûts que les enfants, il met de la sauce de partout et il oublie toujours de passer dans le rayon des fruits et légumes lorsqu’ils font des courses. “Si jamais ça ne te dérange pas.” Elle ne serait pas vexée que sa présence ne soit pas voulue, bien loin de là. Norah aurait toutes les raisons du monde de vouloir préserver à un cercle restreint son petit groupe d’amis invités à venir manger à sa table et cela n’empêchera jamais Lily de ramener de la nourriture pour dix, peu importe le nombre qu’ils seront au final. Elle se garde de préciser qu’elle tente depuis peu de faire comprendre à son mari qu’elle a envie d’avoir des enfants puisque, une fois de plus, ce n’est sûrement pas le meilleur sujet à aborder en l’instant. “Pardon, j'arrête de parler de lui.” C'est le moment de répéter qu'elle ne dépend de personne et qu'elle se définit encore moins par sa relation avec qui que ce soit. Et si elle le répète assez souvent et assez fort, alors elle finira par le croire et les autres aussi, peut être. “Tu sais que si tu m'invites trop souvent chez toi, il va falloir acheter un second frigo.” Un autre congélateur, surtout, parce qu'à ce rythme là Norah et ses enfants vont avoir de la nourriture pour de nombreux mois à venir encore. “En tout cas tu as bonne mine. Ça fait plaisir de te voir comme ça.” Au beau milieu de tout ce dont elles peuvent parler, Lily avait besoin de soulever cet aspect là. Le repos lui va bien au teint, littéralement, et son amie n'en est que plus heureuse encore de la voir ainsi.

RULE WITH YOUR HEART ft. @lily mcgrath

Lily n'avait pas eu l'indiscrétion de poser des questions sur l'amertume à peine visible de Norah lorsqu'elles parlaient brièvement de Caelan. Elle ne lui aurait de toute façon pas donné de détails sur son retour, ni les raisons pour lesquelles il s'était rapidement échappé de Brisbane sans la moindre explication à ses proches. Désormais, sa soeur jumelle le savait. Comme elle avait pu le lui dire, ce n'était pas à elle de parler de ses erreurs aux autres, mais il ne pouvait pas se cacher indéfiniment. S'il avait déjà trouvé le courage de l'admettre auprès de ses grands frères et d'Anwar, ce serait déjà un très bon début. Ce n'était pas à elle de lui dicter ce qu'il y avait de mieux à faire; elle ne lui faisait que des suggestions, libre à lui de faire ses propres choix. De son côté, la relation entre Lily et Matt semblaient en amélioration, les deux tourtereaux désireux de fournir des efforts considérables chacun de leur côté pour trouver une véritable harmonie au sein de leur couple. Lily semblait être véritablement éprise de lui et Norah ne put qu'être attendrie par une si belle image. Elle voulait le gardait aussi, disait-elle tout bas, à demi-mot. Lily savait que le principe de Mariés au Premier Regard laissait Norah un peu perplexe. Mais qui était-elle pour juger ceux qui se décidaient de se lancer dans ce type d'aventures ? Si par ce biais, certains avaient pu rencontrer l'amour de leur vie et commencer enfin une vie à deux, tant mieux pour eux. Dans le pire des cas, ça ne fonctionne et ils se sépareraient. Mais cela ne semblait pas être la première intention de Lily et Matt. Norah lui donnait ensuite son point de vue sur la façon dont leurs sentiments respectifs allaient évoluer avec le temps. Elle évoquait sa propre expérience, peut-être n'était-elle pas unanime. Mais Norah en était fière, sans le moindre doute. "Oui." répondit-elle à Lily. "Enfin à l'heure actuelle, ça me rend plus triste que nostalgique mais ça c'est parce que le problème est ailleurs." Le deuil, encore et toujours le deuil. Pour le coup, l'infirmière avait le mérite de pouvoir se dire qu'elle avançait, enfin. Petit à petit, certes, mais la progression était là. "Ca n'empêche pas que je chéris ces souvenirs plus que tout." C'était à la fois agréable et douloureux. Un mélange étrange à vivre au quotidien. Elle trempait ses lèvres dans son café encore bien chaud. Lézarder au soleil lui plaisait beaucoup. Avec un temps pareil, si elle était dans de meilleures conditions physiques, elle serait allée se baigner et aurait fait quelques longueurs. Mais l'activité sportive ne lui était pas encore recommandé, bien malheureusement. "A ce stade, c'est pathologique." répondit-elle. Pas seulement humain. "Mais comme qui dirait, je suis en work in progress." lui assura-t-elle. Le médecin du service dans lequel elle travaillait habituellement, et ami de longue date, Andy, lui avait recommandé quelques semaines plus tôt d'aller voir un psychologue. Durant les premières semaines de sa guérison, elle ne se sentait pas d'attaque de régler ses problèmes sous-jacents. Mais elle était enfin parvenue à se décider et avait pu en contacter un, plus tôt dans la semaine. Elle le verrait le lendemain. Il y a beaucoup de choses qu'elle pouvait dire à ses frères, mais pas tout non plus. Ils étaient trop impliqués, ils étaient aussi affectés par la disparition de Frank. "J'étais pas non plus dans cette façon de penser un peu hippie de vivre chaque jour comme si c'était dernier." dit-elle d'un air blasé. "A mon sens, c'est impossible de s'y tenir jusqu'au bout. Tu t'imagines, avec une épée de Damoclès comme celle-là au-dessus de ta tête ?" se demandait-elle. "Les derniers mots que j'ai échangé avec Frank n'étaient pas des plus... plaisants. Il n'aurait jamais du travailler ce soir-là – bref. Et bien sûr qu'il y aurait tout un tas de choses que j'aurais voulu lui dire avant qu'il parte, mais réflexion faite, tout ce que j'aurais voulu dire, il le savait déjà." Cette évidence ne lui était venue qu'il y a peu de temps. "Et si tu me demandes si j'ai des regrets de l'avoir incendié d'être quand même part bosser, je te répondrai non." C'était un peu son travail d'épouse et elle avait toujours su bien faire comprendre à Frank quand elle était contrariée. Et lui avait toujours su trouver comment l'apaiser. "C'est comme ça que ça a du se passer, alors soit. Ca n'entache en rien l'affection que j'ai pour lui." lui affirma-t-elle. "Paradoxalement, je pense que j'aurais ressenti plus de regrets si je n'avais pas essayé de le convaincre de rester." Le résultat aurait été le même, mais pas les efforts fournis. "C'est souvent en ne faisant rien que tu finis par avoir des regrets, souviens-t-en." Un sourire confiant étirait les lèvres de Norah pendant qu'elle posait un regard bienveillant sur Lily.  

Envisager d'être tranquille pour les deux fêtes de fin d'année relevait de l'exploit lorsque l'on était soignant. Et grâce à son arrêt, Norah avait ce luxe là et elle comptait bien en profiter un maximum. "Je sais, la vie est trop injuste, parfois." dit-elle d'un ton plaisantin, très exagéré. En attendant, le service allait devoir continuer à la remplacer. Elle aurait été la première à venir dépanner si un de ses autres collègues avait été arrêtée à sa place. Là, il ne fallait pas compter sur elle.  Si elle devait se rendre au boulot les prochaines semaines, ce ne serait que pour venir faire un coucou à ses collègues et leur ramener quelques douceurs. "Mais ne t'en fais pas, je reviendrai quand même assez vite." continuait-elle à plaisanter d'un ton léger. Oui, elle comptait en profiter pour faire le point sur beaucoup de choses, mais Norah ne comptait clairement pas en abuser. Elle ne comptait pas jouer des prolongations injustifiés non plus, ce n'était vraiment pas son genre. Cette conversation close, la brune proposait à Lily que, la prochaine fois qu'elle ramènerait à manger pour un régiment, elle fasse partie de ce régiment. Autant en profiter durant des moments conviviaux. "Oh non, pas du tout. Il peut venir." Norah ne serait jamais contre. C'était dans les moeurs de ses proches, qu'elle serait toujours contente d'accueillir quelqu'un. Mais peut-être que Lily et elle ne se connaissaient pas suffisamment pour que cette dernière soit informée de cette règle d'or. Ca viendra, avec le temps. Ou elle le réalisera le jour où elle pourrait en avoir besoin. "Ca me gêne pas, que tu parles de lui. T'inquiètes." tint-elle à préciser avant de continuer. "Je croirais presque que tu cherches à avoir ma bénédiction." lançait-elle en plaisantant, avec un rire. Pour qu'elle souhaite, même sans insistance, ainsi le ramener avec elle à une prochaine occasion. "Ne t'en fais pas, mon frigo et mon congélateurs actuels sont déjà bien grands." Il avait été acheté pour une famille de quatre personnes, où la mère adorait cuisiner, plus précisément pâtisser et un père qui aimait de temps en temps mettre la main à la pâte. Sa spécialité : les marinades. Et avec Anwar comme meilleur ami et co-équipier végétarien, il avait même appris à faire des marinades de légumes. Lily se réjouissait également de la mine de Norah, bien meilleure qu'elle n'avait pu l'être avant son hospitalisation. Et encore, elle ne l'avait que connu dans son deuil. Lily n'avait jamais vu comment était vraiment Norah. Ce n'était pas non un tempérament à l'opposé de ce qu'elle était. Mais il y avait cette étincelle qui manquait, un éclat dans son regard qui n'était toujours pas de retour. "Merci." lui répondit-elle doucement, malgré un sourire quelque peu réservé. Elle ne percevait pas encore clairement les changements, qui étaient pourtant déjà évidents pour ses proches. Elle préférait prendre le temps de se reconstruire et encore attendre un peu avant de prendre en considération sa progression. Le psychologue qu'elle comptait voir l'y aiderait sûrement aussi. "Les enfants ont peut-être été perturbés par mon hospitalisation, mais ils n'ont pas perdu certains de leurs objectifs. Surtout Julie." Elle était au moins aussi têtue que sa mère, alors forcément... "En rentrant de l'école l'autre soir, avant même d'avoir commencé ses devoirs, elle me sort "Maman, dès que t'es guérie, tu te trouves un chéri." tout naturellement. Et elle a repris ses exercices de maths, comme si de rien n'était. Elle a pas perdu le fil." Norah était prête à parier que Moïra, sa meilleure amie (et fille de Tommy), lui avait gentiment rappelé cet objectif à remplir. Sa persévérance l'amusait plus qu'autre chose et le soucis qu'elle se faisait pour sa mère aussi. "T'as des projets, ou des trucs en particulier de prévu, pour les prochains temps ?" demanda-t-elle afin de relancer la discussion. Lily devait se doutait que le quotidien de Norah n'était pas non plein en rebondissement. Et puis, discuter de toutes les démarches administratives qu'elle était en train de faire n'était absolument pas intéressant.

Lily a toujours quelque chose à redire, à ajouter, à reprocher. Elle cherche toujours à avoir le dernier mot peu importe le sujet et peu importe la personne face à elle, c’est plus fort qu’elle. Sous ses airs d’ange, elle cache un esprit effronté qui a sans doute trop appris au contact de Joseph et d’Alfie ensuite - mais ça, elle n’oserait jamais l’avouer. En la personne de Norah, pourtant, elle voit une égale, voire même quelqu’un de plus avisé qu’elle encore. Ses mots sont censés, elle dévoile une part de ses émotions sans trop en faire. Elle est ouverte d’esprit et douce à la fois, pourtant il ne viendrait pas à l’esprit de la McGrath de vouloir tenter de découvrir quelles sont ses limites. Même lorsqu’elle parle de son mari décédé, elle ne soulève aucune empathie, bien au contraire. C’est sa force qui surprend surtout. On ne la devinerait pas derrière sa carrure qui ne trahit pas son tempérament ou son métier qui laisse à penser qu’elle ne sait qu’aider les autres sans jamais penser à limiter quoi que ce soit. Par dessus-tout, Lily pense partager son point de vue sur la façon de voir le monde et surtout de s’imaginer demain, ce qui est la raison pour laquelle elle continue de hocher de la tête alors que Norah explique en parallèle le fond de sa pensée. Dire que son mari savait qu’elle l’aimait est une évidence mais le fait que ces mots viennent de la veuve elle-même n’a rien de courant, ils sont la raison pour laquelle Lily s’autorise un sourire ému. Ils devaient vraiment s’aimer, surtout pour qu’elle continue de parler de lui avec tant de passion malgré les années passées avec seulement des souvenirs de lui en tête. "C'est souvent en ne faisant rien que tu finis par avoir des regrets, souviens-t-en." Elle s’en souviendra. Elle s’en souviendra vraiment.

Si Norah promet de revenir leur rendre visite à l’hôpital alors Lily se note déjà mentalement de lui commander des pâtisseries différentes à chaque fois, tant pour occuper son amie que pour ravir les papilles de tout le monde. Cuisiner lui fait du bien et ce ne sont pas ses enfants qui risquent de se plaindre de l’odeur qui se dégage de la cuisine lors de ces instants. Pour le moment, elle se contente de s’assurer que tout continuera à bien aller pour elle dans sa maison, tout comme elle trouve le moyen de demander à amener un +1 pour le repas qu’elle compte partager avec la famille Lindley dans quelques temps. La réponse de la jeune mère la soulage une fois de plus et elle se promet de ne pas laisser son invitation jetée en l’air et de réellement venir la retrouver pour partager un repas. Qui plus est, Lily a réellement envie de pouvoir découvrir ses enfants et de leur parler un minimum, bien loin des murs de l’hôpital, maintenant qu’ils sont rassurés d’être de retour auprès de leur mère qui recouvre peu à peu sa santé de fer. L’entendre parler d’eux n’est d’ailleurs qu’une raison de plus pour la jeune infirmière de sourire dans le vide. "En rentrant de l'école l'autre soir, avant même d'avoir commencé ses devoirs, elle me sort "Maman, dès que t'es guérie, tu te trouves un chéri." tout naturellement. Et elle a repris ses exercices de maths, comme si de rien n'était. Elle a pas perdu le fil." Surprise, l’australienne ne peut s’empêcher de rigoler à la suite de son anecdote. Elle ne s’attendait pas à ce que Norah dévie sur un tel sujet, tout comme elle s’attendait encore moins à ce que ses propres enfants lui conseillent de tels choses. Au contraire, elle aurait eu bien trop peur qu’ils ne voient qu’un imposteur désigné pour remplacer leur père si jamais l’infirmière venait à amener un nouvel homme dans sa vie. Force est de constater qu’elle avait tort sur toute la ligne et elle n’a jamais été aussi heureuse que ce soit le cas. A la suite de son rire, un sourire ne s’efface plus de son visage alors qu’elle a déjà une idée au coin de la tête. “Je la trouve vraiment très bien, moi, cette Julie.” Qu’elle s’amuse d’abord, éternellement heureuse de toujours pouvoir parler de ses enfants avec un sourire au coin des lèvres. Après tout, elle parle déjà de n’importe quel enfant de la sorte, ses sentiments ne sont qu’exacerbés alors qu’il s’agit de ceux de la Lindley.

"T'as des projets, ou des trucs en particulier de prévu, pour les prochains temps ?"

Elle voit dans ces mots une tentative de changement de sujet polie, laquelle ne fait qu’un peu plus agrandir le sourire sur ses lèvres. Maintenant qu’elle pense avoir une bonne idée en tête, le bleu de ses yeux ne laisse plus aucun répit au regard de son amie. “Tu me laisserais te présenter quelqu’un ?” Si Julie a bien le droit de s’improviser matchmaker alors elle tente sa chance aussi. Le fait est qu’elle n’a même pas à se demander quel homme elle pourrait bien lui présenter dans l’espoir qu’ils puissent s’entendre, et peut-être même plus si affinité : la réponse lui semble évidente. C’est Ezra et Ezra seul qu’elle veut lui présenter puisqu’elle a de fortes raisons de penser qu’il est toujours célibataire et qu’ils auraient tout pour s’entendre. Qui plus est, il est le seul en qui elle ait une confiance absolue et irrévocable - en plus de son mari, mais chacun comprendra pourquoi elle ne compte pas présenter Matt à Norah avec cette idée en tête. “Il est… C’est vraiment quelqu’un de bien.” Elle aurait trop d’adjectifs en tête pour le qualifier alors elle fait rapidement machine arrière et décide de se contenter du strict minimum pour le moment encore, attendant déjà de savoir si Norah est prête à se laisser embarquer dans ce genre d’aventure. “Il a un fils qui a l’âge de Julie. Elle serait au moins contente d’avoir un ami.” Ça serait la parfaite couverture, en réalité, et Lily le lui fait comprendre dans le ton de sa voix à peine plus aigu et amusé. Elle ne se moque pas de personne, bien loin de là, mais si elle peut aider Norah ou Ezra d’une manière ou d’une autre alors elle en serait réellement heureuse. “J’ai prévu de m’occuper un peu de ma vie perso’ pour les mois à venir. Il est temps, je pense.” Avoir un enfant, garder un mariage stable. Rien que ça. “Tu as une idée derrière la tête avec cette question ?” Sûrement que non, en réalité, mais elle reste une éternelle curieuse après tout.

RULE WITH YOUR HEART ft. @lily mcgrath

La pâtisserie avait toujours fait partie des spécialités de Norah. Un savoir-faire qu'elle cherchait à développer et à améliorer à chaque nouvelle recette. Chaque challenge était bon à prendre, qu'il s'agisse de recette sophistiquées ou de décorations qui demandaient une adresse importante. C'était l'activité qu'elle pouvait se permettre de faire. Au delà de ça, elle adorait prendre l'air, courir, nager, se dépenser pour se vider l'esprit. Mais en dehors de la promenade, le reste était encore à proscrire. Pas tant que ses fractures ne se soient enfin bien solidifiées. Mais ça lui manquait parfois, de ne pas être aussi active. Cela la forçait à se concentrer sur elle, aussi. Norah commençait à aller mieux, bien que le chemin restait encore long. Ses frères veillaient au grain, à s'assurer qu'elle ne reprenne pas ses mauvaises habitudes. Ils l'aident, ils s'occupaient des enfants, ils se proposaient même spontanément de les embarquer pour des sorties régulièrement afin que leur mère puisse s'accorder du temps pour elle. "Qu'elle s'occupe de ses devoirs et bientôt de ses propres hormones, j'arrive à me gérer." répliquait-elle avec amusement. Car qui disait préadolescence annonçait aussi des salves d'hormones qui risquaient de changer drastiquement l'humeur de Julie en une fraction de secondes. Puis les premiers amours, les rébellions, les crises identitaires, les premiers boutons d'acné. Norah songeait à ce qu'Alfie lui avait dit, avant l'accident de voiture. On entendait beaucoup parler de ce que les autres désiraient pour elle, mais pas ce que elle, elle voulait. Il semblerait que Lily soit sur la même lancée que la jeune Leckie, car elle comptait lui présenter quelqu'un. Derrière ses lunettes de soleil, Norah la sondait longuement du regard. Et c'est parti, pensait-elle en levant légèrement les yeux au ciel. "Tu veux te réinventer entremetteuse ?" demanda-t-elle avec un sourire doux-amer au coin de ses lèvres. "T'as à peine commencé infirmière il y a quelques mois, t'envisages déjà la reconversion professionnelle ?" Elle devrait être touchée qu'on lui donne des opportunités comme celle-ci, mais ce n'était clairement pas sa tasse de thé. Jamais vous ne la verrez se trimballer à des soirées meetic ou à une session de speed-dating. Ca manquait cruellement de naturel, c'était un peu forcer les choses. Ca viendra quand ça viendra, si ça viendra un jour. Elle ne croyait pas forcément aux forces supérieures, mais si elle était menée à rencontrer quelqu'un, ce sera fait avec le plus grand des hasards. Pourtant Lily tenait à défendre son steak, en lui assurant que cet homme là était quelqu'un de bien, qu'il avait un enfant du même âge que sa fille aînée, etc. "Je suis pas vraiment pour des rendez-vous arrangés, comme ça." lui répondit-elle en toute franchise, d'une voix douce malgré tout. "Même si je doute pas que ce soit un chic type." Elle ne mettait pas en question la parole de son amie, loin de là. Elle était aussi amusée que Lily tienne autant à les présenter alors qu'elle avait aussi pas mal de pain sur la planche de son côté. Elle avait déjà son mariage à reconstruire, et probablement beaucoup d'autres choses à faire en parallèle. Curieuse comme tout, la belle brune tenait à savoir pourquoi Norah s'y intéressait. Elle arquait un sourcil amusé avant de lui répondre. "Je m'intéresse à toi, c'est tout." Elle souriait. "Pour moi, le programme des prochaines semaines est tout tracé, grâce à ma guérison. Donc, rien de très palpitant à l'horizon." Du moins, elle aurait fait rapidement le tour de la question. "Mais non, il n'y avait pas de subtilités particulières dans ma question." De l'intérêt, c'était tout. "Et je trouve ça assez drôle que tu dises vouloir t'occuper de ta vie personnelle juste après m'avoir dit vouloir me présenter à quelqu'un. C'est plutôt cocasse comme situation." Elle en riait, cela dit. Norah était prête à parier que Lily était déjà prête à les marier. Et ça, non, ce n'était pas un engagement que la jeune femme tenait à faire pour l'heure. Peut-être un jour, qui sait. Elle avait des envies, des idées relativement fugaces pour son futur. Mais là, son premier objectif était de se remettre sur pied comme il se doit. Il était temps. Elle restait un petit moment songeuse, tout en sirotant son café qu'elle tenait de ses deux mains. Elle pensait à ces histoires d'assurance qui n'étaient toujours pas réglées, à la nouvelle voiture qu'elle devait acheter; l'accidentée coûterait bien plus chère en réparation que de se prendre une voiture neuve. Elle se faisait du souci pour Anwar, qui avait certainement déjà du inspecter l'enquête ouverte au nom de Norah, afin de mettre la main sur le conducteur fou (qui avait eu l'intelligence d'incendier son véhicule). D'ailleurs, il avait proposé de d'emmener les enfants durant une journée entière dans les prochains temps. Un tour en bateau, sûrement, ils adoraient ça. Elle devait aussi s'assurer que Marcus ne s'en prenne pas trop à Anwar, que Caelan parvienne à rattraper son absence auprès de ses proches, que Percy ne se fasse pas trop de soucis pour elle... Norah avait sa part de boulot dans l'histoire. "Si vous voulez repartir de zéro dans votre relation, avec Matt, ça veut dire que vous allez renouveler vos voeux de mariage, aussis ?" demanda-t-elle, sortant subitement de ses pensées bien nombreuses. "Loin des caméras, je veux dire." Elle ne savait pas pourquoi, mais elle jugeait important de le préciser. "Ca pourrait être un bel objectif à se fixer." Puisque Lily tenait à se focaliser sur sa vie personnelle, autant revenir dessus. "D'ici là, vous auriez du apprendre à vous connaître l'un l'autre, les mots échangés n'en seront que plus sincère et authentiques. Plus ciblés aussi." Ce serait un bel instant à vivre, pour l'un comme pour l'autre.

La réaction de Norah est bien loin d’être celle qu’espérait trouver Lily mais elle est loin de se laisser démonter pour autant. Loin d’être une enfant gâtée, elle a pourtant grandi dans un monde où elle pouvait accéder à chacun de ses rêves et de ses désirs, c’est donc la raison pour laquelle elle ne compte pas un seul instant son amie s’en tirer à si bon compte. Elle ne lui aurait pas proposé de lui présenter quelqu’un si elle n’avait pas d’abord soigneusement pesé le pour et le contre et maintenant que l’idée a fait son bout de chemin dans son esprit, elle n’est pas prête de vouloir passer à autre chose. C’est comme si elle avait déjà envoyé les faire-parts pour leur mariage, dans son esprit. "Tu veux te réinventer entremetteuse ? T'as à peine commencé infirmière il y a quelques mois, t'envisages déjà la reconversion professionnelle ?" Une ou deux dizaines d’années de moins et elle aurait pu lui répondre par un signe de la main, reprenant ironiquement le flot de ses paroles pour souligner le fait qu’elles ne valent finalement que peu de choses. Norah est douce dans ce qu’elle dit, elle ne cherche à blesser personne et son amie voit bien qu’elle n’a en retour que des intentions louables - mais ça ne l’empêche pas de ne pas être de son avis. “Oh non, ça c’est juste un petit boulot à côté tu sais, pour combler les fins de mois.” Alors la McGrath décide de répondre sur le ton de l’ironie à son tour, préférant ne pas déjà se perdre dans une discussion sérieuse. Ce serait leur faire perdre du temps et de l’énergie à toutes les deux puisqu’en effet, son amie ne semble absolument pas prête à ce qu’on lui présente quelqu’un pour le moment - et encore, elle n’avait même pas eu le temps de préciser que Ezra a tendance à faire des gestes brusques dans son sommeil et être la cause de nombreux bleus inexpliqués. "Je suis pas vraiment pour des rendez-vous arrangés, comme ça. Même si je doute pas que ce soit un chic type." La remarque fait rire Lily bien plus que de raison, tant et si bien qu’elle préfère continuer sur le registre du second degré plutôt que de continuer à chanter les louanges d’Ezra et son fils sans que cela n’ait le pouvoir de faire changer d’avis son amie. “La seconde partie de mon argumentaire aurait consisté à te dire qu’il fait d’horribles blagues, du coup je suis pas certaine que chic soit le meilleur terme pour le qualifier.” En l’humanisant, au final, elle ne fait que continuer à plaider pour sa cause. Tout est bien moins évident, voilà tout, et cela lui permet aussi de faire en sorte que Norah ne veuille pas - trop - la tuer maintenant qu’elle s’est mise en tête de s’allier à Julie. Ce n’est pas quelque chose qui saurait se faire dans la seconde quoi qu’il en soit et elle lui donnera tout le temps dont elle a besoin pour se faire un réel avis sur la question, pas seulement le “non” qui crève l’évidence dès qu’un ami tente de vous en présenter un autre. A sa place aussi, l’instinct de Lily lui aurait crié de refuser. Et pourtant, si elle l’avait fait alors elle n’aurait jamais rencontré Ezra (qui, décidément, semble toujours lié à ces histoires) et elle sait qu’elle aurait perdu énormément. “Tu as tout le temps de changer d’avis et tu sais où me joindre, c’est tout ce que je dis.” Cette fois-ci bien plus sérieuse et mature, elle lui répond par un véritable sourire entendu plutôt que ses blagues dignes de celles du mécanicien.

"Pour moi, le programme des prochaines semaines est tout tracé, grâce à ma guérison. Donc, rien de très palpitant à l'horizon." Elle se retient d’ajouter que son programme pourrait être plus palpitant si elle lui concédait un petit “d’accord”, “ok”, ou même un “mouais” qui ferait amplement l’affaire. Son sourire mutin parle pourtant bien assez aisément à sa place alors qu’elle cherche à croiser les yeux de la jeune mère, pourtant cachés derrière des lunettes. "Et je trouve ça assez drôle que tu dises vouloir t'occuper de ta vie personnelle juste après m'avoir dit vouloir me présenter à quelqu'un." Tout est toujours paradoxal chez elle, ses proches l’apprennent à force d’habitude et il en sera de même pour Norah, un jour. La brune n’a qu’une simple réponse à offrir à cela, elle sort pourtant du cœur. “Il fait partie de ma vie personnelle.” Ce qui sonnait bien moins dramatique dans sa tête, ceci dit, alors elle offre un sourire en demi-teinte pour ne pas tomber dans l'apitoiement. Le moment serait tout sauf adéquat pour lui expliquer l’importance qu’il a tenu - et tient toujours - dans sa vie, mais elle peut au moins savoir qu’il est largement digne de confiance et d’intérêt pour qu’elle veuille le lui présenter. Norah est une femme réfléchie qui sait que ses choix personnels impactent aussi ceux de sa famille - et Lily a pensé à tout ceci aussi. “D’ailleurs tu lis dans mon esprit, tu sais ?” Elle ne cherchera pas à recentrer le sujet sur le possible date de Norah, surtout pas alors que cette dernière est encore en phase de doute. Lily reste persuadée qu’elle ne fait que précéder l’acceptation mais soit, elle lui laisse du temps. “On a prévu de se marier à nouveau, oui. Pour de vrai.” Sans caméras, comme elle l’a elle-même si bien compris et si bien dit. La présence de ces dernières n’entachait pas ses sentiments pour le brun mais elles régulaient le moindre de ses mouvements et de ses gestes, et c’est bien sûr sans parler de l’équipe de tournage ou de May-la-tyrannique. “Tu es invitée, d’ailleurs, ça va de soi. Je te donnerai la date précise, mais c’est dans six mois.” Et si jamais elle n’a pas de cavalier ou même de +1, alors nul besoin de préciser que son amie en a déjà un à lui proposer - comment ça, elle est déjà devenue un disque rayé à ce sujet ? “Est ce que… C’était comment, ton mariage, toi ?” Éternelle romantique, elle n’avait encore jamais posé la question et Lily le fait aujourd’hui avec un réel intérêt, tout comme elle espère aussi peut être au passage pouvoir glaner quelques précieux conseils pour réussir son premier - et dernier - véritable mariage.

RULE WITH YOUR HEART ft. @lily mcgrath

Lily n'était ni la première ni la dernière à se positionner quant au fait qu'il était peut-être temps que Norah se trouve quelqu'un. Ca la faisait gentiment sourire, bien que le sujet était plutôt rébarbatif. Elle n'était pas fermée à une nouvelle aventure, seulement les choses devaient se faire plus naturellement qu'une soirée organisée par une amie. Après, qui sait, l'on n'était jamais à l'abri d'une surprise mais parfois, il valait mieux laisser ce genre d'affaires entre les mains du Destin lui-même. Lily semblait être plutôt fière de son idée et persévérait en ce sens, toujours avec une pointe d'humour qui faisait sourire son amie. Lily ne perdait jamais le nord, ça, c'était une chose que l'autre brune avait très rapidement compris lorsqu'elles avaient commencé à se côtoyer. Malgré son désir évident de faire Norah et Ezra un couple, l'entremetteuse ne cherchait pas à mentir sur le tempérament du trentenaire, ne dépeignant pas un tableau qui s'éloignerait bien trop de la réalité. Si ça avait été le cas, Norah aurait encore moins apprécié la démarche de sa collègue. "Qu'est-ce que tu entends par horrible ?" rétorquait-elle avec un rire. Pas que Lily se fasse d'idées non plus, Norah était simplement un peu curieuse. Sans pression, Lily espérait que l'idée finirait par germer dans la tête de Norah. Mais elle jugeait bon de d'ajouter qu'elle savait où elle pouvait la contacter si jamais. "Je prends note." lui assura-t-elle avant de prendre une nouvelle gorgée de café. Le mariage de Lily, de son côté, prenait un autre tournant depuis qu'ils s'étaient décidés de reprendre sur de meilleures bases. Elle était profondément amoureuse de lui, ça crevait les yeux. Norah était surprise d'avoir deviné avant toute chose les intentions de Lily et Matt de renouveler leurs voeux. Son sourire s'élargit lorsqu'elle apprenait la nouvelle. "Des félicitations s'imposent." lui répondit-elle avec douceur. "Déjà stressée par l'organisation de tout ça, ou pas ?" s'empressa-t-elle de demander. Il était certain que ça n'aurait rien à voir avec la cérémonie qu'elle avait eu durant le tournage de l'émission. En toute spontanéité, Lily ajoutait qu'elle l'invitait, avant même d'avoir envoyé les invitations pour cet heureux événement. "Je bloque déjà la date, c'est promis." Et Norah saurait s'arranger avec ses proches pour qu'elle puisse effectivement être présente. La brune se fit soudainement bien timide lorsqu'elle lui demandait comment s'était déroulé le mariage de Norah. Un sourire nostalgique arqua discrètement ses lèvres en se remémorant tous ces merveilleux souvenirs. Tout avait été parfait, pour elle. Stressant au possible durant les préparatifs, mais le jeu en avait valu la chandelle. "C'était..." Norah restait pensive quelques secondes supplémentaires. "... Au delà de ce que je pouvais imaginer." Elle n'était pas de ces femmes qui depuis toutes petites rêvaient d'un mariage majestueux, voire même princier. Elle vivait, et se laissait surprendre. Et la venue de Frank avait tout chamboulé, pour son plus grand bonheur. "Frank tenait énormément à ce qu'il y ait une cérémonie religieuse." C'était bien quelque chose dont elle se serait passée parce qu'elle n'était pas franchement des plus croyantes, mais il y avait tellement tenu qu'elle ne se voyait pas le lui refuser. "Les messes, c'est pas vraiment ma tasse de thé, mais le curé était plutôt cool." Pas un de ces croyants conservatrices prêts à tout pour convertir de nouveaux fidèles. "On tenait à ce que ce  soit en extérieur – ça nous a évité l'église et ça nous a permis de prendre aussi le temps de faire une cérémonie qui nous corresponde véritablement. Tout était sur place." lui expliqua-t-elle. "C'était à Cherbon Waters. La zone dédiée au mariage est immense, avec le lac juste à proximité, c'était parfait pour nous. Si ça ne tenait qu'à nous, on aurait aussi dîné à l'extérieur mais on n'était malheureusement pas maîtres de la météo. Et il y avait une immense tente installée d'office installée près de l'eau. Le cadre était vraiment parfait." Ils avaient énormément économisé pour ce mariage. Pour Frank, ce mariage était synonyme d'un véritable nouveau départ, il ne voulait pas lésiner sur les moyens même s'ils savaient qu'ils auraient très bien pu se contenter d'un peu plus simple. Ils avaient eu le coup de foudre pour le lieu du mariage. "La plupart des décorations, c'est ma mère et moi qui les avont fait. C'était très bucolique : beaucoup de plantes vertes, de bois, les tissus étaient blancs et beiges. Pour les fleurs, on tournait surtout autour des couleurs chaudes, mais c'était très discret: dans les tons jaunes et orangés." Les souvenirs étaient encore très précis. Des galères de dernière minutes jusqu'à la fin des célébrations. "Attends, j'ai deux albums photos, je peux te les montrer." dit-elle en se levant de sa chaise pour rejoindre rapidement la bibliothèque qui se trouvait dans le salon. "Le premier regroupe tous les clichés du photographe qu'on avait engagé, le deuxième est une sélection des photos de nos invités." lui expliquait-elle en les lui posant sur la table. Norah se réinstallait à sa place. Elle n'était pas peinée de parler de son mariage, loin de là. Cela lui faisait plaisir de partager les instants qu'elle avait vécu avec Frank à quelqu'un d'autre. "On avait eu l'idée de faire pas mal de choses en libre service, du style bonbons, des fontaines en verre à softs, ce genre de choses. Comme ça, si jamais ils avaient encore un petit creux, ils allaient se servir. J'ai tenu à faire la pièce montée." La belle brune pourrait raconter pendant des heures les détails de son mariage, à commenter chaque photo de l'album. Mais cela durerait des heures et elle pensait que ce n'était pas forcément ça qui intéresserait le plus Lily. "Vous avez déjà commencé à organiser le mariage ?" lui demanda-t-elle alors. "Le lieu de réception, le menu, la déco, la robe..." La to do list était très longue. Tout dépendait de ce que le couple McGrath recherchait. Certains futurs mariés préféraient jouer sur la spontanéité, à restreindre le budget autant que possible, d'autres prévoyaient cela des années en avance, avec un budget gargantuesque. L'infirmière était bien curieuse de voir la vision de Lily pour sa propre cérémonie. "Si jamais t'as besoin d'un coup de main pour quoi que ce soit à ce sujet, n'hésite pas. Ce serait mon remboursement de tous les plats que tu m'as rapportée." lui dit-elle, le ton amusé.

Même si beaucoup auraient du mal à le croire en cet instant, Lily n’a en réalité jamais vanté les mérites d’Ezra à qui que ce soit et encore moins dans l’optique d’en faire son futur petit-ami. Bien au contraire, elle regarde souvent d’un mauvais œil celles qui s’approchent de lui, les jugeant toutes bien en deçà de ce qu’il pourrait espérer et surtout tout sauf adaptées à vivre une vie avec lui et à le rendre heureux. Seule l’infirmière fait aujourd’hui exception à cette règle et seul son ami de toujours semble apte à être présenté à la joli Lindley. De tous points de vue, elle trouve son plan humblement parfait, il ne reste plus qu’aux protagonistes à l’accepter. "Qu'est-ce que tu entends par horrible ?" Le rire est franc et le clin d’oeil qui s’ensuit presque bien réalisé. “On s’y fait vite, promis.” Horrible comme horriblement horrible, mais certains jours il semble trouver un brin d’humour dans son café.

La brune se veut reconnaissante lorsque son amie la félicite pour son nouveau-mariage-pas-vraiment-nouveau mais elle se contente d’hocher la tête et battre faiblement des paupières, encore trop peu habituée à ce genre de paroles. Etaler son bonheur à qui veut bien l’entendre est une chose mais s'appesantir plus longuement sur ses sentiments et encore plus ceux qu’elle partage avec son mari en est une autre. Lily garde toujours une part de pudeur, même si ça aussi, ça ne crève souvent pas l’oeil. “On a beau dire qu’on veut faire quelque chose de simple, j’ai envie de prévoir les moindres détails et c’est pas toujours facile à gérer, en effet.” Elle veut un mariage sur la plage mais elle veut quand même une robe parfaitement blanche. Elle veut des fleurs blanches autour de l’autel aussi, elle veut qu’il fasse beau, elle veut que le neveu de Matt soit le porteur d’alliances. Elle voudrait pouvoir prévoir la liste des invités, aussi, mais cela s’avère déjà bien compliqué à gérer - elle veut surtout prévoir la liste noire. Finalement Lily ne dira pas qu’elle est stressée (quelle idée), mais elle ne le niera pas non plus.

A défaut de pouvoir prédire comment se déroulera son mariage, elle peut au moins demander à Norah comment elle se souvient du sien et comment il s’est déroulé, il y a quelques années de ça. La curiosité se mêle à bien des sentiments mais jamais elle ne feint l’immense sourire sur son visage ni même ses yeux brillants alors que l’infirmière se prête bien plus au jeu qu’elle n’aurait pu le croire. Elle se souvient de bon nombre d’anecdotes, preuve que ce jour reste gravé dans son esprit et c’est une chose que la plus jeune ne peut que comprendre : elle se souvient parfaitement de son mariage monté de toutes pièces. Sans doute parce qu’il ne date même pas d’une année, certes, mais une part d’elle sait que sa mémoire ne s’altérera pas. Alors, en retour, elle retient l’instance religieuse de Frank, l’extérieur, le curé, le lac, toute la préparation. Un lac aurait été parfait pour son mariage aussi, maintenant qu’elle y pense, mais elle sait que les vagues de l’océan sont plus significatives pour eux deux. Et puis, le mariage de Norah n’appartient qu’à elle, elle s’interdit d’en prendre des idées de ci de là. Les décorations, l’aide de sa mère, les plantes, le blanc, les photos à tout va ; elles ont bien plus de points communs qu’elles n’auraient pu le croire, surtout sur l’idée qu’elles se font de leur mariage (passé pour l’une, futur pour l’autre). La plupart des détails donnés pour son amie ont un jour été pensé par la McGrath, de façon plus ou moins sérieuse. Seule exception du libre service de nourriture et de boissons : ça, c’était bien sûr l’idée de Matt. “On commence petit à petit à en discuter mais je le soupçonne de simplement attendre le jour des dégustations pour la pièce montée.” A ce stade là, elle est bien plus avancée que de simples soupçons en réalité. “Une amie d’enfance travaille chez Evelyn Pearson, on a fait appel à eux pour nous aider. Je pense que j’aurais voulu prévoir trop de choses par moi-même sinon.” Elle n’aurait pas été du genre à lésiner sur les détails du “plus beau jour de sa vie”, quitte à s’en rendre malade et perdre toute notion de temps. Elle critique tous ceux qu’elle juge déraisonnables mais selon les sujets, elle ne vaut en réalité pas mieux - mais puisque c’est elle, c’est pas pareil et elle sait gérer. “Merci de la proposition. Je t’en parlerai si on a des questions ou besoin de renfort.” La connaissant, elle repoussera au maximum la chose par simple envie et besoin de toujours se débrouiller seule sans se reposer sur personne mais cela ne l’empêche pas de savoir que Norah est une personne sur laquelle elle sait pouvoir compter. “En attendant, je décrète que notre seul objectif à toutes les deux va être de parfaire notre bronzage pour le grand jour. Ça te parait faisable ?” Les doutes et les questions viendront en temps voulu, pour le moment elle continue de prête compagnie à son amie avant de devoir retourner à son tour à ses propres occupations, lorsqu’elle aura fini de se rompre le cou contre le dossier de la chaise, son visage tourné vers le soleil et ses yeux clos.