Elle ne devrait pas être là. Elle n’arrête pas de penser à Maddox qu’elle a laissé chez son oncle la veille. Maddox qui ne la voit sans doute pas assez. Parce qu’elle n’est pas souvent là la jeune femme. Danika travaille au bowling depuis peu, ses journées ou soirées, selon les jours, sont passées à remplir les verres des clients, à sourire et à faire la conversation. Et quand elle n’est pas en train de servir des verres, elle est sur un ring à combattre ou dans le dojo de sa famille à s’entraîner. Elle passait donc bien assez de temps loin de son fils trimballé de maisons en maisons quand elle n’était pas là. Et pourtant ce soir, elle s’était laissée entraînée par ses collègues à la sortie de son shift, avait été traînée de bars en bars et maintenant elle était là à l’Eletric Playground. Elle n’avait pas beaucoup bu, à peine à vrai dire. Certains auraient dit qu’elle était sûrement trop sobre pour une soirée comme ça.
Lorsqu’elle avait cherché à s’éloigner de la foule, à sortir prendre l’air sur la terrasse où des gens fumaient cigarettes sur cigarettes elle avait laissé son regard s’égarer pour tomber sur un visage qu’elle connaissait bien, qu’elle connaissait à vrai dire depuis longtemps. Danika s’approche son verre à la main, s’appuyant sur la rambarde à côté de lui.
« Wim Coster. » Il y a un sourire et un air de défi qui apparait sur son visage. Parce que cela fait longtemps qu’elle ne l’a pas vu. Parce qu’il fut un temps où il n’y avait que ce genre de sourire qu’elle lui adressait lorsqu’ils étaient plus jeunes. Le genre Tu ne m’auras pas. Je ne tomberais pas avec toi. Les années étaient passées, le jeu n’avait plus les mêmes enjeux. Danika n’avait rien à faire là. Et à vrai dire elle l’aurait plutôt imaginé sur la piste, entouré de filles, à enchaîner shots sur shots jusqu’à oublier son nom. Lui et son petit groupe d’ami avait été plutôt connu pour ça. « Ca fait longtemps. » Il est tout seul sur cette terrasse. « Un besoin de solitude ? » Elle hausse les sourcils, moqueuse. La dernière fois qu’on lui avait parlé de lui avait été juste après l’accident de Mia, elle savait que l’homme avait été sur place.
Wim a toujours eu un sourire facile, de ceux qui savent charmer par leur assurance, qui n’en ont sûrement pas grand-chose à faire du reste du monde. Lorsqu’il souligne qu’il était plutôt rare de la voir ici elle ne peut acquiescer. Si elle avait aimé faire la fête, elle n’avait jamais aimé les excès. Toujours dans le contrôle, vénérant son corps comme l’arme qu’il était à l’époque. Une arme pour les combats et la compétition, pas pour être détruit par l’alcool et la drogue. Mais elle se souvenait d’une époque où elle avait été tentée. Tenté par le jeu qu’il proposait, tenté par ses provocations. Aujourd’hui la championne était loin et elle n’en avait plus grand-chose à faire de prendre un verre de trop si ce n’est l’instinct de contrôle qu’elle avait toujours eu et qui lui précisait que c’était tout sauf une bonne idée.
C’est si mignon. Qu’elle veuille l’accompagner ce soir, ou tout court. Son sourire mutin s’élargit pour contrebalancer le fait que la phrase lui hérisse le poil. « Tu pourrais être surpris Coster, » Parce que les compétitions sont loins, par que son fils n’est pas là pour se forcer à revenir à la raison, pour se souvenir qu’elle n’a plus dix-huit ans. Et surtout parce qu’elle détestait perdre et qu’elle n’avait jamais perdu contre lui. Ce n’était pas maintenant qu’elle allait commencer.
Elle suit son regard alors qu’il regarde l’horizon. Roi du monde. La vue était imprenable et il avait raison, cela donnait une certaine sensation de liberté. « T’as toujours été un peu le roi de ce monde-là toi de toute façon. » Roi de cette boite de nuit, roi des soirées, roi de tout ce qui pouvait faire tourner la tête. « Je peux ? » Elle hausse un sourcil en pointant du doigt le joint qu’il a dans la main. Cela fait un bail qu’elle n’a pas fumé. « Parait que c’est toi qui a récupéré Mia avec Knox. » Pas vraiment une question quand elle connaissait la réponse. L’accident de Mia avait réussi à inquiéter plus d’un de ses amis et Danika avait eu terriblement peur pour sa meilleure amie.
Il pourrait être surpris et la questionne pour savoir si cela sera bon ou mauvais. Son regard se fait mutin, sa tête se penchant légèrement sur le côté alors qu’elle susurre. « A toi de le découvrir. » Elle ne comptait pas faire le boulot à sa place.
Elle le proclame roi et le voit son égo qui pourrait exploser, son sourire qui s’élargit, car pour lui c’est un éloge. Pour elle, elle n’est pas sûr que ce soit un compliment, car ce monde-là est le monde de la chute libre à ses yeux, ce monde où tout peut vite dérapé en un instant. « Qui te dit que c’est un éloge ? » Elle réplique avec un sourire, moqueuse. Mais peut être que pour tous ces gens ici, c’était un compliment. Régner sur ce monde qui ne vivait que la nuit, être connu de tous ici. Il lui explique qu’il a simplement connu les bonnes personnes au bon moment. Il lui tend le joint, lui demandant si elle se dévergonde. Elle ne peut s’empêcher de rire tirant sur le joint longuement finissant par en souffler une bouffée sur son visage, rapprochant le sien dans le même temps. « J’t’ai pas attendu pour me dévergonder Coster. » Bien sûr la Danika qu’il connaissait n’avait jamais de joints, à part peut-être pour en goûter une ou deux fois à des soirées, mais ça c’était arrêté là. Elle préférait le contrôle de son corps, garder une parfaite forme physique, des poumons en pleine santé pour la porter lors de ses compétitions. Depuis la maladie de son père, la clope était devenue une habitude. Le joint était bien plus rare, cela faisait très longtemps à vrai dire qu’elle n’y avait pas touché.
Le rire de Wim s’éteint dès l’instant où elle mentionne l’accident de Mia, son ton se fait plus agressif alors qu’il lui demande comment elle peut savoir ça. La jeune femme roule des yeux, buvant une gorgée de son verre. « Mia ça te dit quelque chose ou t’as trop fumé dans ta vie pour te rappeler que c’est mon amie ? » Qu’il était donc évident que la jeune femme allait lui raconter. Il est agressif le Coster et elle ne peut s’empêcher de se dire qu’il a mal vécu cet accident. « J’allais te remercier d’avoir été là mais là j’ai plus trop envie. » elle lui offre son plus beau sourire carnassier, celui qui est d’un froid polaire. « T’es traumatisé ou quoi ? » lâche-t-elle sans aucun tact, provoquant toujours.
Un rire secoue ses épaules, et elle boit une gorgée de son verre. « Peut-être bien. » Elle avait toujours aimé les défis, mais surtout elle détestait perdre. Lui était persuadé qu’il gagnerait toujours, elle se ferait un plaisir de ne jamais perdre face à lui. « Et moi, je ne perds jamais Coster. » Menteuse. Elle avait trop perdu ces dernières années où elle ne serait pas là à côté de lui à siroter ce verre et à prétendre que ce monde pouvait être le sien.
Il se sent le roi du monde ici, roi de la mauvaise influence et des mauvais choix. Elle a presque envie de lui dire qu’elle fréquente pire que lui depuis des mois, que la Ruche l’a fait revoir la notion de sainteté depuis longtemps. Mais elle se contente de regarder au loin face à son arrogance, presque amusée. Mais lorsqu’il mentionne les compétitions, sa main se serre sur son verre, son regard froid se pose sur lui. Il taquine et elle serre les dents, consciente que ce sujet l’atteint plus que de raison. Et lorsqu’il sous-entend ce qu’elle pense qu’il sous-entend elle s’approche de lui, son doigt venant caresser sa joue pour la tourner vers elle. Le contact pourrait être brûlant si son regard n’était pas cruel, si son sourire n’était pas carnassier. « C’est une menace ? » Elle sent son souffle contre son visage, prête à jouer avec le feu, mais l’instant d’après choisit d’attaquer à son tour, ses mots venimeux.
Elle sourit lorsqu’il perd son sourire arrogant, sourit lorsqu’elle voit la colère craqueler le masque qu’il affiche. Il utilise son nom comme une protection et elle rit cette fois, faisant un pas en arrière, finissant son verre. L’accident n’est clairement pas du passé où il n’en serait pas aussi affecté.
Et lorsque la menace sort plus clairement, elle lui adresse son plus beau sourire d’une froideur polaire, le regardant avec dédain. « Chéri, les mecs comme toi, je les bouffe au petit dej. » Elle passait des soirées entières à casser des gueules sur un ring illégal, Wim Coster, avec ses joints et ses verres de trop, avec son ton hautain, ne l’impressionnait pas le moins du monde. « Dors bien cette nuit, revis pas trop l’accident, on sait jamais, ça peut rendre agressif de pas dormir. Et toi t’as l’air d’avoir besoin de sommeil. » et sur ces paroles elle attrape le joint entre les lèvres du brun tire dessus avant de le jeter dans le vide alors qu’il est loin d’être terminé, lui laisse son verre vide dans la main et lui souffle un baiser avant de s’éloigner. Elle préférait encore les petits abrutis du fight club qui pensaient pouvoir la battre juste parce qu’ils avaient une paire de couilles aux types riches comme Wim Coster qui la menaçait parce qu’il pensait avoir un quelconque pouvoir sur elle.