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Raelyn Blackwell & @Halsey Blackwell - août 2020

Elle a fui Halsey. Elle a fui et, passablement défoncée, je l’ai à peine réalisé. Bon trop heureuse de l’avoir poussée dans ses retranchements - chacune son tour - et d’avoir levé le voile sur les manigances de son acolyte, j’ai continué à boire des verres au bar dans une soirée qui ne me ressemblait pourtant pas, même pas un chouïa. Je n’ai jamais eu besoin d’un wingman avec moi lorsque je sors, et ce n’est pas aujourd’hui que cela risque de commencer.

Elle a tenté de rester indifférente. Je lui reconnais qu’elle a fait l’effort de trouver une excuse plausible - mais peu crédible au vu de sa mâchoire contractée, pour s’éclipser. Elle a tenté de prétendre que je ne l’avais pas touchée ou plutôt, que mes révélations ne l’avaient pas touchée mais la haine transpirait dans le ton de sa voix et même dans l’état dans lequel j’étais elle ne m’a pas dupée. Au contraire, forte de la satisfaction d’avoir enfin fait tomber un peu de son masque de femme faite de marbre que rien n’atteint, j’ai bu un verre à la santé de Clyde : en tentant de la protéger, il m’a offert de quoi semer un peu de discorde sur un plateau d’argent.

Le lendemain, je me suis réveillée avec une gueule de bois, la bouche pâteuse et la désagréable impression de dormir dans un lit trop vide. Je me sens esseulée, je suis obligée de l’admettre, et plus les temps passent plus j’ai du mal à retrouver le parfum d’Amos dans mes draps. Il disparaît mais contrairement à ce que j’aurais ambitionné il n’emporte avec lui ni les souvenirs - je ne veux plus m’y raccrocher, cela me fait du mal - ni la douleur. Cette dernière, elle est cuisante et à chaque fois que mes pensées s’égarent dans la direction du brun j’ai le sentiment de revivre notre déchirure.

Tous les lendemains ressemblent à celui là d'ailleurs et le message d’Halsey, je le reçois alors que, encore une fois, j’ai peu côtoyé le jour. J’ai dormi jusqu’à midi passé et le soleil s’est couché moins de quatre heures après. Je n’en aurais pas profité de toute façon puisque je suis obligée de me rendre à l’évidence : je suis désoeuvrée. Je n’ai plus rien à faire au Club et plus envie de m’occuper à ce qui remplissait mes temps libres avant de rencontrer Amos : les spa et piscine des hôtels luxueux me semblent bien fades en comparaison de journée passées à me prélasser dans ses bras sur le pont du catamaran. Alors j’attends l’heure où il sera acceptable aux yeux du monde de me servir un verre et de m’aligner un rail. Je l’attends de toutes mes forces au moins deux bonnes heures, entre l’éveil et les bras de morphée, et j’ai déjà cédé quand je reçois le message de la brune. Je lui réponds qu’elle est la bienvenue - c’est le cas, je me sens seule et je ne la déteste pas complètement - avant de m’affairer à me rendre présentable. Je me glisse sous le jet d’eau brûlante, lave mes cheveux et frotte ma peau. Je me maquille, m’habille, et constate que je dois rajouter un cran à la ceinture de mon pantalon en cuir, et je hausse les épaules, fataliste. Je termine de sécher mes cheveux lorsqu’elle sonne à l’interphone, et je l'accueille à la porte prête à donner le change : tout va bien, je vais bien et je suis toujours la même que lorsqu’elle a fait ma connaissance. « J’espère que tu as autant de choix que tu me l’avais promis la dernière fois. » « Est-ce qu’il y a vraiment besoin de choix quand on a que les meilleures choses ? » Je lui ai vendu de la qualité, pas de la quantité mais je salue ses efforts pour briser la glace d’un sourire, avant de m’effacer pour la laisser entrer. « T’es venue les mains vides, je salue l’effort de confiance. Pas de cocktails ou de gin tonic pour toi ce soir. » Je la laisse s’installer avant de me diriger vers le bar qui sépare l’espace cuisine de l’immense salon, avant de m’y accouder en l’observant. « Alors ce dossier ? Tout s’est bien passé ? Ça devait être important pour te tirer hors d’une soirée à minuit passé... » Je ne suis pas dupe mais je n’insisterai pas : je n’ai pas besoin qu’elle confesse avoir été troublée, je ne cherche qu’à lui signifier que je m’en fous et que je ne suis pas vexée, un grand sourire sur les lèvres.

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Raelyn Blackwell & @Halsey Blackwell - août 2020

« J’attends de voir pour le croire, tu sais ce qu’on dit. »
« T’as sale mine. »

C’est sur une pique et un sourire que je l'accueille avant de m’effacer pour la laisser pénétrer à l’intérieur de l’appartement. Elle est apprêtée, maquillée et il n’est pas question de la couleur de ses cernes ou d’un quelconque laisser aller : elle ne brille pas du même éclat qu’habituellement, elle n’affiche pas la même insolence ou cet air revêche qu’elle a en permanence sur le visage et qui rend les choses compliquées lorsqu’il est question de lui faire confiance. « Ça tombe bien, ce n’était pas ce que j’avais en tête en venant ici. » « Hum je vois. » Je l’observe de la tête au pied, je l’observe se diriger vers le canapé et s’y installer, avant d’esquisser un sourire en coin. « Tu vois que le lâche prise ça a du bon. » Parce que c’est pour ça qu’elle est là, c’est même peut-être grâce à notre conversation de l’autre fois qu’elle est venue me trouver moi pour ça, et pas Parker ou quelqu’un d’autre avec qui elle entretient certainement une relation superficielle puisque, je l’ai constaté : elle ne s’ouvre pas Halsey. Avec elle on se heurte à un mur et je respecte ça, mais c’est en contradiction avec le rôle de la sœur qui tient désespérément à renouer avec sa chair et son sang. C’est précisément ça qui a allumé tous les warning dans mon esprit quand bien même elle est douée pour jouer en rôle : c’est ancré en elle ce besoin de ne rien laisser échapper et d’être sur la retenue, trop pour qu’elle parvienne à quelqu’un comme moi : quelqu’un qui lui ressemble et qui vibre au son du même diapason. J’érige des murailles plus hautes que la barrière de corail entre le reste du monde et moi, comme elle. Et comme elle je suis désarçonnée qu’un homme ait réussi à les franchir, si je me base sur sa réaction face à notre conversation de l’autre jour à propos de Clyde.

C’est sur ce terrain là que je m’aventure, sur ce sujet là que je la lance en quête d’un peu d’authenticité de sa part : j’en ai besoin pour croire qu’elle n’est pas là que par appât de gain, de pouvoir ou je ne sais quoi. J’en ai besoin parce qu’elle sens la fausseté à des kilomètres et que cela doit être épuisant, de toujours prétendre. « Tu sais très bien qu’il n’y avait pas de dossier. Tu m’as mise en rogne avec cette histoire avec Clyde. » « Je sais. » Je reviens vers elle, deux verres à la main et une bouteille d’un scotch trente ans d’âge dans l’autre. « C’est pas ça que je voulais savoir. » Je voulais savoir si elle accoucherait enfin de la vérité, et je ne suis pas déçue. « C’était pas ça ma question au fond. Et t’as donné la bonne réponse, pour ce que ça vaut. » J’ai même l’impression que c’est la première fois qu’elle est aussi intègre et que tout ce qui sort de sa bouche n’est pas un tissu de mensonge. Pourquoi baisse-t-elle sa garde ? Pour moi ou parce qu’elle est simplement épuisée ? « Et toi, tout va bien ? » Je débouche la bouteille en verre avant de servir les deux verres, un sourire sur le visage. « Tu dis ça parce que j’ai les pupilles si dilatées qu’on voit plus le blanc de mon oeil ou parce je flotte dans mon pantalon en cuir ? » Aussi défoncée que je soit, il est trop tôt pour que je parle d’Amos. « J’ai pas l’air en pleine forme ? » Ma phrase, elle pue l’ironie et je me demande si elle est choquée, alertée, ou s’il l’arrange bien finalement mon état. « Tu lui as parlé depuis ? A Clyde ? » Tu lui as demandé pourquoi il avait agi dans ton dos ? Pourquoi il t’avait menti ?

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Raelyn Blackwell & @Halsey Blackwell - août 2020

« Tu devrais t’observer dans un miroir avant de critiquer. » Comme seule réponse elle ne récolte qu’un haussement d’épaule et un demi tour surjoué. Ce à quoi je ressemble : je me répète que je le sais et que je m’en fous. Oh bien sûr, je me berce d’illusion : si je devais représenter un péché ce serait sans une once d’hésitation la vanité, et j’abhorre d’être redevenue la junkie d’il y a quinze ans. Je n’ai jamais eu la prétention d’être au dessus de tout ça : j’ai conscience que personne ne guérit vraiment de ce genre d’addiction, mais la facilité avec laquelle j’ai replongé dès lors que j’ai eu le sentiment de ne plus rien avoir à quoi me raccrocher me déconcerte. Je suis toujours la Raelyn du Club, fière et hautaine que Halsey a rencontrée, je me suis simplement égarée en chemin, j’ai simplement oublié l’espace d’un instant qui je suis. « Je viens boire un verre, pas sniffer un rail de coke. » « Tu viens faire ce que tu veux. Personne regarde, personne te surveille et y’a pas de condition d’entrée. » Je me retourne vers elle en levant un sourcil. « Si il y en a une en fait. De laisser les faux semblants et les jolies histoires à dormir debout sur le pas de la porte. » Et d’être un peu plus vraie, un peu plus authentique pour changer. Je n’aime que les gens qui le sont. Il ne manque pas grand-chose à Halsey pour que je la mette dans la case vaut la peine. Il suffirait qu’elle me laisse entrevoir un peu de sa personnalité, la vraie.

« C’était un test alors ? »
« Ça te ferait rager si c’en était un ? »

Un sourire amusé se dessine sur mes lèvres en même temps que je dépose les verres sur la table. Bien sur que c’en était un : il est difficile d’anticiper la moindre de mes actions, mais il n’est pas compliqué de comprendre comment je fonctionne. Je suis méfiante, ça elle doit bien l’avoir compris. « Tu veux savoir si t’as eu une bonne note ? » Insolente, je lui adresse un immense sourire qui dévoile mes dents avant de lui tendre un verre plein. « Je voudrais pas juger, mais je t’ai déjà vue en meilleure forme. » « Je suis sûre que t’adore ça, juger. » Ma remarque est piquante, mais mon ton dépourvu d’amertume. « T’as pas prévu d’aller te reposer dans un spa, bientôt ? » « J’ai pas prévu d’aller me reposer dans un spa, non. J’ai besoin de personne. » Je hausse les épaules en ôtant mes talons aiguilles pour ramener mes jambes en tailleur sur le sofa. « Crois moi, y’a des événements qui te font remettre les choses en perspective. L’image que je renvoie, je m’en fous. » A moitié vrai. A moitié faux. Je me fiche de jouer avec le feu. Je me fiche de me mettre en danger, mais je ne me fiche pas que ce soit si évident. Je ne me fiche pas que ma descente aux enfers se fasse aux yeux de tous.

« Non, il n’a pas l’air d’être prêt à me fournir la moindre explication. » « Tu la connais l’explication. » Je hausse les épaules sans la quitter des yeux. « C’est un homme. C’est dans leur code génétique de nous voir comme des demoiselles en détresse. C’est leur cas à tous. » Même lorsqu’ils se retrouvent en face de femmes comme Halsey et moi qui, de toute évidence, n’ont pas besoin de l’aide d’un homme pour savoir ce qui est le mieux pour elle. « Il a beau te connaître. Il a beau savoir que t’es forte et indépendante. Il y aura toujours une part de lui qui restera persuadée qu’il sait ce qui est le mieux pour toi. » Et si elle me ressemble un tant soi peu, ça devrait l'horripiler.  

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Raelyn Blackwell & @Halsey Blackwell - août 2020

« Tu n’aimes pas ça, les histoires ? » Je ne lui accorde qu’un coup d'œil sévère. Ai-je vraiment besoin de répondre à cette question ? Il suffit d’un coup d'œil dans ma direction pour savoir que je n’aime pas être menée en bateau. Il ne suffit que d’un coup d'œil à notre brève histoire commune pour savoir que je ne veux que la vérité et que je suis capable de tout pour l’obtenir, même de la soumettre à un test génétique à son insu. Alors oui, c’était un test. Un destiné à savoir si elle tenterait encore de se cacher derrière des faux semblants pour endormir ma méfiance. Spoiler alert : ça ne fonctionne pas avec moi, et elle a dû s’en rendre compte à présent. « Non, ça ne m’étonnerait pas en fait. » Un sourire étire mes lèvres. Elle est meilleure juge de personnage qu’elle ne veut l’admettre, et ça nous fait un point commun supplémentaire. La différence étant que, de mon côté, mes activités illicites mises à part, je n’ai pas réellement tenté de cacher ma vraie personnalité derrière tout un tas de mièvrerie et de boniments : je ne le fais jamais. « Évidemment que j’ai eu une bonne note, j’ai toujours été la meilleure de ma classe. » « Et dire que je pensais que tu pouvais pas être plus ennuyeuse que tu l’étais déjà. » Une différence cette fois, et une différence notable puisqu’aucun professeur n’a jamais réussi à me canaliser assez longtemps pour que je ne me donne la peine de tenter d'exceller dans sa matière.

Elle a le jugement facile et, si je sens qu’une partie d’elle ne veut que me piquer, je sais l’autre part de sa personnalité en profond désaccord avec le spectacle que j’affiche sous ses yeux. Tant pis, je ne lui accorde pas le droit de m’atteindre, seuls quelques rares élus le possèdent et elle est loin d’en faire partie. « Tu arrêtes quand tu veux, c’est bien ça ? » Mes lèvres s’étirent à nouveau devant sa tentative de me réduire à une pauvre junkie qui se voile la face. C’était peut-être le cas il y a quinze ans mais plus aujourd’hui : je suis consciente de ma propre chute, je n’ai simplement aucune envie de la stopper. Elle me plait au contraire bien plus que d’affronter la réalité. « Qui te dis que j’ai envie d’arrêter ? » Et à partir du moment où je ne le souhaite pas, est-ce important que j’en sois capable ou non ? « Des évènements ? » « Des événements oui. Et tout ce que t’as à savoir c’est que l’image que je renvoie est certainement la dernière de mes préoccupations. » Puisqu’il n’y a plus qu’elle pour s’en offusquer et que je me fiche bien qu’elle le fasse. « Je peux fumer ici où je dois m’isoler en tête à tête avec les étoiles ? » D’un large geste de la main, je l’invite à prendre ses aises. « Tu peux fumer ici. Ouvre juste la fenêtre. » Et tentée à mon tour, je me penche vers la table basse pour attraper mon paquet et glisser une cigarette entre mes lèvres. Son histoire avec son Don Juan ne m’intéresse pas des masses, ma curiosité à des kilomètres de là, mais si elle détourne la conversation de mes problèmes vers les siens c’est toujours bon à prendre. « C’est la première fois qu’il me fait un coup pareil, on a toujours eu tendance à évoluer… séparément. Mais il a été trop loin. J’arrive même pas à comprendre pourquoi il a fait ça. » « Je te l’ai dit pourquoi il a fait ça. Il a eu peur pour toi, et il a pensé que tu saurais pas gérer la vérité. » L’amertume dans ma voix est perceptible, et je me demande tout d’un coup s’il est encore question de Clyde. « Ils font souvent ça, penser à notre place. » Un rire jaune s’échappe de mes lèvres tandis que je me penche pour tapoter le bout de ma cigarette sur le cendrier. « T’as dû lui dire quelque chose qui ne lui a pas plu. » Je me recule pour appuyer à nouveau mon dos contre le dossier du sofa et, un bras croisé sous celui qui tient ma cigarette, je l’observe d’un air amusé. « Ça serait plus simple pour toi non ? Que ce soit la faute d’une tierce personne. Que ce soit la mienne, c’est certainement la facilité à tes yeux. » Puisqu’ainsi elle ne pourra blâmer son complice. « Sauf que c’est lui qui m’a contactée et donné rendez-vous. C’est aussi lui qui m’a proposé ce marché. Moi, j’avais rien demandé à personne. » Je ponctue ma phrase d’un haussement d’épaule et d’un air innocent qui, s’il me va habituellement mal, est de rigueur aujourd’hui : je ne dis que la vérité.

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Raelyn Blackwell & @Halsey Blackwell - août 2020

« Tu dis ça parce que tu devais être celle avec le bonnet d’âne, au fond de la classe. » J’ai du mal à la voir en élève modèle la brune et, pourtant, elle ne démord pas. La vision qu’elle se fait de moi est correcte, à quelques détails près, et je n’ai absolument aucun problème à l’admettre. N’ai-je pas réussi malgré un démarrage compliqué ? Ne suis-je pas de ceux qui se sont élevés, même si j’ai employé pour ça des moyens que je peux difficilement avouer au moindre quidam ? « Pas vraiment. Difficile de mettre un bonnet d’âne à quelqu’un qui ne prend même pas la peine de se pointer. » J’étais plus de celles qui fument leur première cigarette avec des garçons plus âgés derrière le stade de football australien du collège. Mais sommes-nous réellement là pour partager nos souvenirs d’adolescence ? Beaucoup auraient rattrapé le temps perdu si, comme nous, il s’étaient retrouvés réunis passé la trentaine. Mais quelque chose me dit qu’elle se fiche de mes photos de classe autant que je me fiche d’entendre le récit de ses années lycée.

C’est mon état qui la préoccupe, il la préoccupe vraiment et je jurerais que cet air renfrogné qu’elle m’adresse est criant de sincérité. Mais pourquoi ? Se pourrait-il qu’elle se fasse réellement du souci pour moi ? Suis-je tombée sur une militante anti-drogues virulente ? Est-ce que, tout simplement, je lui rappelle de mauvais souvenirs ? A défaut de m’être réellement rapprochée d’elle et puisqu’elle ne m’a pas l’air d’une fanatique, je pencherais plutôt pour la dernière proposition. « J’en sais rien, c’est pas beau ce qui arrive à ceux qui continuent sur cette voie, non ? » « C’est une question ou une affirmation ? » J’esquisse un sourire, décidée à saisir les pensées qui traversent l’esprit de ma demie sœur. Un sourire qui s’agrandit quand elle affirme qu’il est plus sage ou en tout cas préférable de ne pas se soucier du regard d’autrui : j’ai du mal à croire qu’elle adhère à ce qu’elle dit. Toujours dans le contrôle, j’avancerais même qu’elle se soucie terriblement de l’image qu’elle renvoie.

« J’ai cru remarquer en effet, mais venant de sa part, ça reste exceptionnel. » Je hoche la tête doucement : je veux bien la croire. La brune a du caractère, et le tempérament de ceux qui ne se laissent pas marcher sur les pieds. Une part de moi jubile de savoir ce qu’elle ne sait pas : c’est bien pour la protéger - de moi - que son boy toy a agit. Parce qu’il la pense trop fragile pour le faire seule ou, en tout cas, c’est bien là ce que cela m’inspire. L’autre est profondément révoltée, un peu pour elle, mais surtout au regard de mes propres déceptions, de ma détresse et de ma peine. Une fois le sujet abordé la drogue ne suffit plus à tenir Amos éloigné - elle suffit rarement - et si ma dernière remarque est plus amère que je ne l’aurais voulu c’est qu’il n’est plus question que d’Halsey et de Clyde : c’est à mon histoire que je pense et la brune semble l’avoir deviné. « T’as l’air énervée. » « Je suis pas énervée. » Le mot est trop faible pour exprimer ce que je ressens. « Disons que je sais ce que ça fait, de découvrir que quelqu’un à qui l’on tient nous a menti. » Ma situation me semble bien plus compliquée à démêler que la sienne et pourtant si simple : après ce que j’ai appris, Amos ne devrait pas me manquer. Pourtant c’est le cas chaque jour, mais sa traîtrise me fait si mal que me surprendre à penser à lui me révolte. « Et que ma situation est beaucoup plus insoluble que la tienne. » Elle pardonnera son acolyte, c’est en tout cas ce que je pressens. « Et c’est une bonne raison de plus de boire sans penser à eux. » A eux. Je n’ai pas nommé Amos, mais elle n’est pas idiote. « Et je peux savoir pourquoi il voulait te voir ? » Relevant les yeux vers la brune, je l’observe un instant en tirant sur ma cigarette. « Il voulait me voir parce qu’il a fouillé mon passé et qu’il n’a pas aimé ce qu’il y a découvert. Assez pour avoir peur pour toi. » Un air de défi au fond des yeux, je soupèse son regard. « Je sais pas si c’est ce que tu voulais entendre et t’en sauras pas plus. Mais c’est la vérité. » Je t’avais dit Halsey, que c’était une erreur de tenter de m’approcher. « La drogue, pourquoi ça te révolte tant ? Tu te fiches bien de ce qui m’attend au bout du chemin, y’a autre chose. » J’en suis persuadée et, par conséquent, je brûle de curiosité comme d’envie d’en savoir plus.

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Raelyn Blackwell & @Halsey Blackwell - août 2020

« Tu étais tout l’inverse de moi. Heureusement qu’on n’a pas fréquenté le même lycée, j’aurais dû passer après la délinquante juvénile » Je n’ai pas fréquenté grand chose et, dans les faits, je doute d’avoir marqué suffisamment les esprits des enseignants pour me traîner une réputation. Je brillais par mon absence, pas particulièrement parce que j’étais une agitatrice. Je me contente de hausser les épaules, peu intéressée par l’idée d’échanger avec elle des souvenirs d’années d’école puisque, de toute façon, je doute trop de l’authenticité de la jeune femme pour prendre pour argent comptant ce qu’elle dit.

« Une affirmation. » Une généralité donc. Elle n’a pas tort et, ayant fait de mes propres démons mon gagne pain, ce serait hypocrite de prétendre que je n’ai pas côtoyé la misère et les bas fonds de la ville. Je n’ai pas la prétention d’être différente, simplement, j’ai cessé de m’en soucier. Si c’était une affirmation, elle n’a le droit qu’à un haussement d’épaule qui montre que je ne me sens que vaguement concernée et que je n’ai pas l’intention d’entrer avec elle dans un débat visant à justifier à ses yeux mes choix de vie. « Boire, je suis d’accord. » Elle n’est pas causante la brune et puisque j’ai encore l’esprit relativement clair, je le note et cela m’agace. Quel intérêt trouve-t-elle à me tourner autour pour être fermée comme une huître ? Comment veut-elle convaincre qui que  ce soit du bien fondé de sa démarche quand il est aussi compliqué d’entretenir une conversation avec elle qu’avec un arbre fruitier ? J’ai connu des partenaires de soirée plus amusantes et, à cette pensée, je lève les yeux au ciel. Au moins elle boit et ne se plaint pas, il faut se satisfaire des petites victoires, non ? « Tu tues pas les gens pour le plaisir, rassure-moi ? » N’est-elle là que pour démêler le vrai du faux de toute cette histoire ? Peut-être et, si je ne m’en offusque pas, elle ne m’amuse plus. « Peut-être que non, peut-être que si... » A nouveau, je hausse les épaules en appuyant mes dires d’un sourire. « Pourtant je te trouve pas très effrayante. » « Ça, c’est parce que tu te fies aux apparences. Mais aies confiance  en ton boy toy. Il s’y est peut-être mal pris, mais il a pas été si idiot que ça. » S’éloigner c’est la bonne solution. S’éloigner, ça me simplifierait la vie. « Ne crois pas que j’ai vécu des histoires atroces à cause de la drogue, c’est loin d’être le cas. » « Je crois rien du tout. » Puisque je ne tiens rien de ce qui sort de sa bouche pour acquis. « Mais j’ai côtoyé l’autodestruction, et j’en ai subi les conséquences. » Je hoche la tête un peu plus gravement.

Je ne suis pas en train de me détruire. Je prends du bon temps et, si je le veux, la parenthèse sera provisoire. Encore faut-il que j’en ai envie et ça, rien n’est moins sûr. « Et je suppose que c’est pas la peine que je pose la moindre question à ce sujet là, je me trompe ? » Comme tout le reste, elle n’y répondra pas. « Tu sais quel est ton problème Halsey ? Pourquoi c’est compliqué de te faire confiance ? » Les jambes croisées, je fais tourner mon verre entre mes doigts sans la quitter des yeux. « C’est que t’es aussi bavarde qu’une porte de prison quand il s’agit de toi et si, en temps normal, je respecte ça. » Je m'embarrasse rarement de longues discussions à cœur ouvert. « C’est pas cohérent avec le tableau que tu essaies de vendre. Celui de la jeune fille en quête de ses racines et qui tente de se rapprocher de sa sœur. » Les confessions, elle ne les imagine certainement que dans un sens mais je ne fonctionne pas comme ça et, surtout, je n’aime pas les fouineuses. « Si tes intentions étaient vraiment celles que tu tentes de me vendre, tu serais pas aussi fermée. On se connaît depuis quoi ? Six mois ? Et je sais toujours pas la moindre foutue chose personnelle te concernant. » Je porte mon verre à mes lèvres, sans la quitter des yeux. « Qu’est ce que tu cherches Halsey ? » Qu’est ce que tu fous là, dans mon appartement ?