All the right friends in all the right places So yeah, we're going down They've got All the right moves and all the right faces
L’idée même de ce qu’il était en train de faire dérangeait particulièrement Clyde - payer une femme pour sa compagnie? Très peu pour lui, qui était plutôt habitué à ne pas avoir trop de mal à user de ses charmes auprès de la gente féminine. Bien loin d’en abuser, il appréciait les échanges plein de sous-entendus et de piques suggestives avant que l’évidence ne s’impose, chose qui paraissait bien plus compliquée à mettre en place dès lors que la demoiselle était présente pour travailler. De ce qu’il avait compris en prenant contact avec un type plutôt louche auquel il n’avait évidemment pas offert son vrai nom, la femme qu’il s’apprêtait à accueillir à sa table n’était là que pour partager son repas - et plus si affinité s’il alignait trois billets et se montrait assez affable pour qu’elle décide d’elle-même du déroulé du reste de la soirée. En réalité, il n’attendait rien de plus que des mots de sa part, quand bien même il ne pouvait le formuler en ses termes à son employeur ni même à la demoiselle en question, Naomi. Le brun s’était toujours posé la question quant aux alias utilisés par ces femmes-là, si certaines avaient suffisamment d’audace pour utiliser leur vrai nom en estimant que leur travail n’avait pas à être caché, ou si toutes étaient bien obligées de mentir pour leur propre sécurité. Il ne pouvait qu’imaginer que certains clients se montraient particulièrement insistants, surtout après avoir eu devant eux la vision de ce qu’ils ne pourraient justement pas avoir.
Clyde, lui, était plutôt du genre à ne pas réussir à s’imaginer de manière intime avec une femme payée pour se retrouver dans son lit. Cela avait beaucoup à voir avec son ego et sa manière de concevoir les relations, mais encore plus à voir avec une certaine brune qui occupait l’essentiel de ses pensées - et de son lit, justement. Cette dernière avait bien entendu connaissance de ce qu’il était venu faire ce soir dans ce restaurant, quand bien même elle n’avait pu retenir une remarque acerbe à ce propos. Wakefield, qui payait pour dîner en compagnie d’une inconnue, c’était une première. L’inconnue en question ne tarda pas à arriver, alors qu’il avait informé le personnel à l’entrée de la diriger vers sa table, qu’il avait réservé pour eux - autre pré-requis de la transaction dans laquelle il s’engageait. Il n’y avait pas à dire, elle était tout à fait charmante, ce qui n’enlevait rien à la discussion qu’il espérait riche en découvertes, raison première de sa présence. Si ses informations ne lui faisaient pas défaut, Naomi travaillait pour le même gang que celui auquel était relié Raelyn dans le dossier des stups qu’il avait mémorisé de bout en bout. Quand bien même les relations avec la blonde s’étaient améliorées depuis leur première rencontre, il ne la portait pas dans son cœur et préférait continuer à s’informer à droite à gauche, au cas-où cela puisse lui servir à l’avenir. Alors, s’informer au restaurant en compagnie d’une belle inconnue, cela avait tout d’un décor idéal - à supposer que Clyde arrive à se montrer réellement à l’aise face à Naomi qui lui prêtait sans doute déjà des intentions qui étaient loin d’être les siennes. Afin qu’elle le repère plus facilement, il lui fit un léger signe de main et un sourire discret, avant de se lever pour la saluer. “Bonsoir Naomi.” Il attendit qu’elle soit installée pour tenter de détendre l’atmosphère d’une remarque légère, comme l’homme prétendument naïf qu’il était. “C’est bien Naomi, n’est-ce pas?”
Sa serviette en éponge nouée autour de son corps, Naomi passa une main sur son miroir embué pour apercevoir les traits de son visage. Ses cheveux bouclés tombaient nonchalamment sur ses épaules dénudées, et elle entreprit de les démêler avec le plus grand soin. Des centaines de gouttelettes roulèrent sur ses épaules, et furent instantanément absorbées par sa serviette. Elle les attacha avec une pince, le temps de passer une crème hydratante sur sa peau satinée. Elle le fit avec application, consciente que cette obsession qu’elle avait de prendre soin d’elle la préservait (au moins partiellement) des ravages du temps. S’il y avait bien quelque chose que l’Australienne craignait, c’était bien ça : vieillir. Vieillir, et ne plus être aussi sexy. Vieillir, et perdre de sa superbe. Vieillir, et perdre sa fidèle clientèle. Vieillir, et n’intéresser plus personne. Alors Naomi faisait tout ce qui était possible pour retarder l’inévitable. Et espérait tenir le plus longtemps possible ; sa vie ne lui déplaisait pas.
Comme à chaque fois qu’elle avait un rendez-vous avec un parfait inconnu, Naomi prenait un temps infini pour se préparer. Elle hésitait toujours, sur tout : ses sous-vêtements, sa tenue, ses chaussures, sa façon de s’habiller et de se coiffer. Elle ne savait pas ce que son client aimait — les femmes discrètes ? Les femmes fatales ? Les femmes sexy ? Les femmes vulgaires ? Les femmes passe-partout ? Les possibilités étaient nombreuses. Quant aux motivations qui poussaient un homme à faire appel aux services d’une escort-girl, elles étaient nombreuses. Était-il en quête d’une personne qui pourrait l’accompagner lors d’événements ? Avait-il besoin de se confier ? Avait-il simplement besoin d’avoir une femme pour assouvir ses envies, ses désirs, ses fantasmes ? Était-ce un homme marié, en quête du grand frisson ? Voulait-il se prouver qu’il pouvait encore séduire ? Avait-il besoin d’être rassuré sur sa sexualité ? Cherchait-il une troisième personne pour participer à un plan sexuel quelconque ? Recherchait-il une partenaire d’une nuit pour voir sa virginité s’envoler ? Après plus de dix ans de travail, plus rien ne surprenait l’Australienne : d’une certaine façon, tous ses clients avait une bonne raison de fréquenter une prostituée. Elle ne les jugeait pas ; c’était grâce à eux qu’elle pouvait vivre, et bien vivre qui plus est.
Elle avait finalement opté pour une robe noire qui dévoilait ses jambes, et suggérait un décolleté prometteur. Son choix de bijou se résumait à une fine bague en or blanc, et une montre de luxe d’un horloger suisse bien connu — un cadeau d’un autre client. Elle avait enfilé des escarpins vertigineux (sa marque de fabrique), et avait choisi un petit sac en cuir imprimé léopard. Suggérer ce qu’elle était, ce qu’elle pouvait être, sans pour autant passer pour une fille vulgaire ou de petite vertu. Elle était maligne, Naomi ; elle maîtrisait les codes, depuis toutes ces années. Elle avança d’un pas décidé dans le restaurant, précédée par un serveur qui avait vraisemblablement à coeur de bien faire les choses. Restaurant chic et distingué ; ce n’était pas pour déplaire à la brune. « Bonsoir. » Le salua-t-elle. À l’entrée, elle avait déjà été débarrassée par la personne qui gérait l’accueil de ses affaires superflues, à savoir sa veste et son sac à main. Elle avait indiqué avoir rendez-vous en tête à tête avec un homme, et un serveur timide et rougissant s’était empressé de la mener à bon port. Un mince sourire glissa sur son visage, alors qu’elle s’installait face à son client. Elle n’était pas mécontente ; ce soir, elle aurait droit à un amant qui ne manquait ni de charme, ni d’assurance. Pas un puceau, donc, songea-t-elle avec amusement. « C’est bien Naomi. » Affirma-t-elle en inclinant légèrement la tête. Un mensonge ; le premier d’une longue série, sans doute. C’était aussi ça, être une escort-girl : savoir distiller ou jouer avec une information, savoir prétendre, savoir faire semblant. Il y avait bien longtemps que Naomi ne se faisait plus appeler par Sofiya, son vrai prénom, pour des raisons aussi diverses que variées — la première étant qu’elle souhaitait conserver un petit morceau d’elle, même tout petit, un tant soit peu innocent. « C’est la première fois, pour toi ? » Demanda-t-elle, alors que le serveur s’approchait à nouveau d’eux. Elle n’était pas sûre de ce qu’elle avançait, mais quelque chose dans l’attitude de l’homme qui lui faisait face n’était pas normal. Une hésitation, peut-être ? « Ça va bien se passer. » Assura-t-elle d’une voix douce, alors que sa paume se superposait à la sienne.
“C’est bien Naomi.” Du peu que la brune lui donnait à voir derrière son sourire tout à fait charmeur, Clyde aurait bien été en mal de distinguer un quelconque mensonge, si mensonge il y avait. A ses yeux, elle resterait donc Naomi pour cette soirée, car ses intentions ne nécessitait pas qu’il perde un temps précieux à creuser sur un élément qui n’avait en réalité aucune espèce d’importance. Ce prénom lui allait à merveille, à la jeune femme à laquelle il aurait également été bien complexe de donner un âge précis, tant elle semblait parfaitement apprêtée, chaque détail de sa tenue, de son maquillage et de ses accessoires minutieusement calculés. Si Clyde avait un instant eu peur de se retrouver devant une femme à l’allure vulgaire et qu’il se sentirait encore plus mal d’accueillir à sa table, il devait avouer qu’il avait jugé bien rapidement les compétences de ses interlocuteurs - à croire qu’ils avaient compris en quelques secondes ses attentes, et lui avaient envoyé la femme parfaite. Distinguée, à la beauté indéniable et subtilement sexy, tout ce qui en temps normal avait le don d’attirer son œil - ce qui ne rendait donc que cette soirée plus agréable. “Logan, enchanté.” Lui-même avait eu la présence d'esprit de ne pas utiliser son prénom - ou du moins, pas le premier qu'il considérait désormais comme le sien, même s'il avait porté l'autre suffisamment d'années pour qu'il lui apparaisse tout aussi naturel. Finalement, interchanger les prénoms au gré des envies et surtout des besoins, notamment pour son boulot, avait quelque chose de grisant qu'il appréciait toujours particulièrement. “C’est la première fois, pour toi?” La proximité que cherchait à installer directement la brune eut le don de désarçonner Clyde, qui s’en tira néanmoins avec un hochement de tête et un sourire discret, comme pour avouer silencieusement ce qu’il trouvait en réalité particulièrement gênant. Aussi agréable et polie que la jeune femme puisse paraître, sa présence n’aidait pas à dissiper la gêne bien étrange - tant elle était rare - qui s’était emparée de Clyde alors qu’il avait l’impression que tout le monde dans le restaurant aurait bien vite fait de comprendre ce qui se tramait. A quoi avait-il pensé en invitant une escort ici? Était-ce vraiment le choix le plus judicieux que de s’exposer à la vue de tous? Pourtant, personne ne semblait leur porter la moindre attention, et il tenta de chasser cette pensée de son esprit alors qu’elle posait délicatement sa main sur la sienne. “Ça va bien se passer.” Ce qui aurait dû le gêner davantage eu finalement le mérite de le sortir de cet état second dans lequel il se trouvait, pour lâcher un petit rire caustique - davantage à destination de lui-même et de la situation dans laquelle il s’était plongé tout seul, que pour Naomi. “Je vais être honnête, c’est assez déstabilisant.” A la différence des mensonges qu’il avait prévu de proférer par la suite, ces mots-là étaient tout ce qu’il y avait de plus vrai.
A cet instant-là, le serveur fit son apparition à leurs côtés, tandis que Clyde retirait doucement sa main de celle de la brune, avant de se saisir du menu pour passer rapidement en revue ce qu’il avait déjà eu le temps de lire deux fois. Il n’aimait pas particulièrement boire - et ne commanderait donc qu’un verre pour faire bon genre - mais ne doutait pas que la jeune femme serait peut-être plus demandeuse ou même plus connaisseuse que lui sur ce point. Il finit donc par relever les yeux vers elle, attendant patiemment qu’elle ait choisi pour commander à son tour - il avait beau ne pas être ici dans un but de séduction, cela ne l’empêchait pas de faire preuve d’un minimum de manières. “Si tu devais être honnête toi aussi, ce qu’elle ne serait peut-être pas si elle ne souhaitait pas risquer de le froisser, quelles pensées tu as eu en arrivant ici? Je suis curieux.” Cette question ne faisait absolument pas partie du plan, mais il était en effet bien trop inquisiteur pour ne pas s’y laisser aller momentanément - après tout, c’était la première et sans doute la dernière fois qu’il dînerait avec une escort, et son âme de journaliste ne pouvait tout simplement pas se départir de sa curiosité naturelle.
« Enchantée. » Répondit-elle avec un large sourire. Naomi n’était pas habituée aux politesses d‘usage ; ses clients partaient souvent du postulat que, comme ils avaient de l’argent et qu’ils pouvaient payer, ils pouvaient obtenir un peu près tout ce qu’ils souhaitaient. Les bonnes manières de Logan furent donc une petite bulle d’air dans son quotidien peu reluisant, et elle n’allait certainement pas s’en plaindre. L’Australienne devina que ce rendez-vous était une première pour son client ; elle posa donc délicatement sa main sur la sienne, dans le but de le rassurer. « Déstabilisant ? » Répéta-t-elle, affichant une moue candide. Comme si elle ne savait pas ce qui pouvait désarçonner un novice. « Pour quelle raison ? » Demanda-t-elle, cherchant à en savoir davantage sur son interlocuteur et client de la soirée. Après tout, elle ne s’était pas retrouvée ici par hasard : c’est lui qui avait réclamé sa présence. Lui qui l’avait choisie. Il n’avait pas l’air d’être un homme qui souffrait d’un rejet de la part de la gent féminine. Deux théories commençaient à se dessiner : la première, Logan avait vécu une déception amoureuse, et souhaita se prouver qu’il était toujours capable de séduire. Triste, certes, mais relativement classique. La seconde, qui pouvait aussi être combinée avec la première, était la suivante : son client n’avait jamais fréquenté d’escort-girl. Il ne savait donc ni quelle attitude adopter, ni quel ton prendre pour s’adresser à elle, ni quelles étaient les limites à ne pas franchir. « L’objectif, c’est qu’on passe une bonne soirée. Il n’est pas question de se mettre la moindre pression. » Ils partageraient un verre, un repas, et plus si affinités. Après tout, le dessert était toujours en option.
« Champagne, pour ma part. » Déclara Naomi en relevant les yeux vers le serveur. Un apéritif tout ce qu’il y avait de plus classique, dans son monde d’escort. Elle jeta ensuite un coup d’oeil assez rapide au menu, et orienta son choix vers un risotto de coquilles Saint-Jacques — une des spécialités du restaurant. Elle attendit patiemment que son client commande à son tour, et reposa ensuite ses yeux sur lui. Un léger rire s’échappa de ses lèvres pulpeuses, et elle secoua la tête. « Quelque chose te laisse supposer que je ne suis pas honnête avec toi ? » Demanda-t-elle avec amusement, jouant volontiers avec l’homme qui lui faisait face. Elle chassa une mèche qui s’était faufilée sur son visage, pour ne pas perdre le contact visuel avec Logan. « Admettons… Si je devais être honnête… » Commença-t-elle, laissant volontairement planer le doute sur la véracité de ce qui allait suivre : « … Je dirais jeune et mignon. » Ce qui n’était pas faux. Agréable à regarder, plutôt bien bâti, et vraisemblablement intimidé, il était bien loin des standards de ses clients habituels. « Et naturellement, une question m’a immédiatement turlupiné : qu’est-ce qu’un homme comme toi fait en compagnie d’une femme comme moi ? » Logan ne ressemblait pas aux clients qu’elle avait l’habitude de fréquenter et, soyons honnête, cela la déroutait un peu. Mais ça ne lui déplaisait pas. Elle décida donc de passer à l’offensive, pour tenter de mieux cerner l’homme qui lui faisait face. « Mais en quoi est-ce que cela t’importe, d’ailleurs, ce que j’ai pu penser de toi ? » Demanda-t-elle en souriant, alors que le serveur venait déposer une coupe de champagne face à Naomi. Elle le gratifia d’un sourire, et attendit que l’attention de Logan soit à nouveau portée sur elle pour poursuivre. « Et toi ? » Elle retournait volontairement la question qu’il lui avait précédemment posé, en plongeant son regard dans le sien. Elle ne lui laissait pas de répit, et jouait volontairement avec lui. Elle avait cru déceler un peu de gêne dans son regard — mais pour quelle raison ? Celle d’être aperçue en compagnie d’une fille de petite vertu ? Celle de ne pas savoir comment s’y prendre avec elle ? Ou une crainte plus primaire, comme celle de ne pas assurer ? Naomi connaissait chacun de ses cas de figure ; en bonne professionnelle qu’elle était, elle savait qu’elle finirait par détendre Logan. Il passerait une bonne soirée, elle pouvait l’en assurer.
La brune aurait typiquement été le genre de femmes qu’il aurait apprécié inviter au restaurant dans d’autres circonstances qui n’impliquaient pas d’échange monétaire. Son large sourire et son regard perçant qui tranchaient avec son ton posé et sa voix douce étaient autant d’attributs qu’il appréciait mais derrière lesquels Clyde imaginait une réalité moins reluisante - étant donné ceux qui semblaient être les employeurs de la jeune femme. Son apparence parfaite et ses manières impeccables n’étaient destinées qu’à le satisfaire et sans doute aller lui faire oublier ce qu’il était venu chercher là, pour lui faire croire qu’il s’agissait d’une soirée comme les autres dont il sortirait pleinement comblé. “Déstabilisant? Pour quelle raison?” Clyde savait bien que si elle essayait sans doute là de le rassurer et de lui intimer qu’il n’y avait aucune raison d’être gêné, il ne devait pas être le premier client quelque peu désarçonné par la situation. Il se contenta donc de lui rendre son sourire sans trop s’avancer sur la question - ce qui reviendrait à révéler que ses intentions étaient doubles, et qu’il était étonnamment mal à l’aise alors qu’il savait exactement ce qu’il était venu faire ici. “Disons que je ne fais pas ça tous les jours.” Et c’était un euphémisme qui trahissait largement l’idée qu’il n’avait jamais fait appel aux services d’une escort auparavant. “L’objectif, c’est qu’on passe une bonne soirée. Il n’est pas question de se mettre la moindre pression.” Il avait regardé sa main se poser délicatement sur la sienne et avait tenté de lui rendre son sourire avec autant d’assurance que possible tout en acquiesçant d’un signe de tête, alors que la douceur de la jeune femme avait tout de même pour mérite de le dérider quelque peu. S’il n’obtenait rien d’intéressant de sa part, il aurait tout de même passé un dîner sympathique - et singulier - en compagnie d’une femme charmante, ce qui n’était pas désagréable.
Clyde finit par poser le menu devant lui, à l’instant où le serveur arrivait au niveau de leur table. “Champagne, pour ma part.” “La même chose.” Il n’avait pas de boisson de prédilection, à part un scotch, mais qui se marierait difficilement avec le risotto qu’il avait également choisi, pour l’avoir goûté auparavant et le considérer comme une valeur sûre. C’était ce qu’il avait l’habitude de préférer, le brun - les valeurs sûres, raison pour laquelle cette soirée le sortait très clairement de sa zone de confort. “Quelque chose te laisse supposer que je ne suis pas honnête avec toi?” Elle avait de l’esprit, et le sourire du brun s’étira en même temps qu’elle lui offrait une moue amusée. “Non, mais j’imagine que tu me diras ce que je veux entendre.” Ou ce qu’elle pouvait bien penser qu’il veuille entendre, surtout, puisque ses objectifs étaient sûrement différents de ceux de la majorité de ses clients. “Admettons… Si je devais être honnête… Je dirais jeune et mignon.” Elle jouait avec les mots et les pauses, réussissant à merveille à garder Clyde suspendu à ses paroles en attendant la suite, même si le compliment n’était pas passé inaperçu et le fit sourire. “Et naturellement, une question m’a immédiatement turlupiné : qu’est-ce qu’un homme comme toi fait en compagnie d’une femme comme moi?” Il avait désormais plusieurs options : feinter d’être le même que ceux qu’elle croisait tous les jours, ayant besoin de tendresse ou d’excitation - mais la jeune femme semblait plus réfléchie qu’il ne l’avait espéré. En empruntant ce chemin-là, il n’aurait que peu de chances d’espérer obtenir davantage que des compliments et des questions sur lui, chose à laquelle il aimait peu se prêter. Ou alors, il pouvait mettre les pieds dans le plat, ou à moitié du moins - puisqu’il n’était pas question de la confronter directement au sujet de Raelyn ou du gang. “Je pense que ça ne sert à rien de te mentir et de te faire croire que je recherche de la tendresse, ou peu importe ce que tu as l’habitude d’entendre.” Au moins, si la brune possédait des doutes sur le reste de la soirée, ils étaient désormais levés. “Je suis journaliste.” Les pieds dans le plat, then. Heureusement pour lui, il ne s’avançait pas trop en révélant cela, puisqu’il n’avait à aucun moment utilisé son vrai nom pour prendre contact avec les hommes qui géraient les rendez-vous de la demoiselle. Si elle s’empressait de leur révéler qu’un journaliste était venu fouiller, ils n’auraient rien contre lui, d’autant plus qu’il ne comptait pas publier quoi que ce soit et était là pour des affaires purement personnelles. “Mais en quoi est-ce que cela t’importe, d’ailleurs, ce que j’ai pu penser de toi?” “La curiosité. Et l’ego, aussi.” Et il l’avouait volontiers, d’autant plus qu’il n’avait pas souvent l’occasion de se faire juger de haut en bas par une femme qui cherchait à comprendre la moindre de ses motivations. “Et toi?” “Je ne sais pas vraiment ce que j’attendais… moins d’esprit et plus de décolleté, sûrement” qu’il avoua d’un air presque désolé. Les clichés avaient la vie dure, malheureusement. “Et c’est parce que je me rends bien compte qu’il s’agit du contraire que je préfère être honnête.” Il se saisit de sa coupe de champagne avant de la tendre vers elle, espérant trinquer à cette soirée qui s’annonçait, si seulement elle ne lui faisait pas faux bond désormais. “Tu m’accordes quand même un repas, si je te promets que je suis là par simple curiosité et que je ne te poserais pas de problème?” Tout d’un coup, la gêne qu’il portait sur ses épaules s’était évanouie, alors qu’il pouvait enfin parler plus librement.
« J’admets que l’inverse me laisserait perplexe. » Plaisanta Naomi, alors que Logan lui avouait ne pas avoir l’habitude de fréquenter des escort-girl. Elle s’en était doutée, bien sûr — tout, dans ses gestes et son attitude, trahissait son côté novice. Le mettre à l’aise lui sembla donc être la meilleure chose à faire, et sa main se superposa donc à la senne quand elle entreprit de le rassurer. L’alcool, bientôt, l’aiderait à se détendre davantage. Les bulles de champagne les enivreraient tous les deux, et faciliteraient forcément leurs échanges. Naomi laissa échapper un léger rire, alors que son interlocuteur soulignait — à juste titre, d’ailleurs — qu’elle allait lui dire ce qu’il souhaitait entendre. Forcément, puisqu’il était le client. Il payait pour ça. Il devait se sentir unique, beau, fort, désirable, intelligent, compétent, musclé, invincible. Il était à l’honneur, et Naomi ne manquerait pas de le lui rappeler, tout au long de leur soirée. À moins que…
Elle fronça légèrement les sourcils, surpris par les mots de son interlocuteur. Soudainement, cet homme prenait un peu plus d’aplomb, un peu plus d’assurance. Elle avait presque l’impression d’avoir affaire à une personne différente. Le changement s’était opéré en une fraction de seconde, et Naomi n’avait rien vu venir. « Journaliste. » Répéta-t-elle, son visage se fermant instantanément à cette annonce. Son pouls augmenta légèrement, et Naomi jeta machinalement un regard aux alentours. Simple vérification d’usage ; elle espérait ne pas être prise au piège par quelques uns des collègues de Logan. Et puis, c’était sans compter sur le Club ; l’organisation se privait volontiers de la publicité que les journalistes voulaient bien leur faire. Elle croisa les bras sur sa poitrine, et recula légèrement dans son fauteuil. « Si tu crois que je vais répondre à tes questions ou me montrer bavarde, tu as fait un mauvais choix en misant sur moi. » Indiqua aussitôt l’escort-girl, sur un ton bien moins chaleureux que celui qu’elle avait précédemment employé. « Parce que l’avis d’une escort, ça t’importe ? » Demanda-t-elle en arquant un sourcil, surprise. Soit il manquait de confiance en lui, soit il essayait de l’endormir avec de beaux discours. Et que ce soit dans un sens ou dans l’autre, elle ne risquait pas de se laisser berner aussi facilement. « Comme tu me l’as fait remarquer tout à l’heure, je peux te dire ce que tu veux entendre. » Elle semait le doute dans son esprit, volontairement. Elle ricana, alors que Logan lui reconnaissait quelques qualités qu’il n’avait pas soupçonné. Qu’avait-il imaginé ? Avoir affaire à une fille vulgaire, qui s’empresserait de lui proposer de le soulager dans les toilettes du restaurant ? Bon, d’accord, elle avait hésité sur la taille de la robe et de son décolleté ; le problème des nouveaux clients, c’était le manque d’informations qu’elle possédait. Elle ne savait pas ce qu’ils affectionnaient, ce qu’ils aimaient et, à l’inverse, ce qu’ils ne supportaient pas. Elle marchait donc sur des oeufs, et optait souvent pour une tenue qui la mettait soigneusement en valeur. « Tes explications ressemblent à un mea culpa. » Constata Naomi en haussant les épaules. À vrai dire, elle n’en attendait pas tant de sa part. Elle se fichait de ses excuses, et elle se fichait des clichés qui circulaient sur le compte des escort-girl et autres prostituées. « Tu vois, en réalité, c’est là toute la différence entre une prostituée et une escort-girl. » Et c’était ça, en particulier, que le client payait. Et cher, la plupart du temps. « Les journalistes ne sont jamais là par simple curiosité. » Fit remarquer l’Australienne en arquant un sourcil. Ils avaient été plusieurs à essayer de l’amadouer — par le biais d’un cadeau onéreux, en l’invitant dans des endroits prestigieux, en lui faisant miroiter monts et merveilles. Mai Naomi n’était ni stupide, ni naïve : elle ne croyait pas aux contes de fée. « Mais bon, puisque nous sommes tous les deux là et que nos plats arrivent… » Commença Naomi, alors que le serveur déposait face à eux le risotto de coquilles Saint-Jacques. Elle le gratifia d’un léger sourire, et reprit la conversation où ils s’étaient interrompus : « Je vais te laisser une chance. » Elle se réservait néanmoins le droit de ne pas répondre à ses questions, ou de botter en touche si cela lui plaisait. « Puisque tu payes, autant que tu en aies pour ton argent. » Commenta-t-elle simplement, avant de s’emparer de sa flûte de champagne. Elle termina son verre, et goûta attrapa sa fourchette pour goûter son plat. « Bon appétit. » Murmura-t-elle simplement. Par habitude, elle attendit que ce soit son interlocuteur qui commence à manger pour en faire de même.
Si la jeune femme ne s’était pas départie de son sourire de façade jusque-là, la révélation qu’il venait de lui faire semblait avoir eu l’effet d’une douche froide, tandis que son visage se fermait alors que ses yeux se baladaient aux alentours. Puisqu’elle n’était pas encore en train de se lever pour quitter les lieux aussi vite qu’elle était arrivée, Clyde ne prit pas la peine de la rassurer quant au fait qu’elle n’avait rien à craindre, car absolument personne n’était au courant de leur entrevue. Après tout, il jouait quitte ou double sur ce coup, et si la jeune femme considérait qu’elle n’avait plus un mot à échanger avec lui, il ne pourrait pas la retenir - tout comme il n’aurait pu lui tirer aucune confession qu’elle ne voulait déverser, qu’il soit journaliste ou non. “Si tu crois que je vais répondre à tes questions ou me montrer bavarde, tu as fait un mauvais choix en misant sur moi.” Les bras croisés de la brune tranchaient clairement avec l’attitude qu’elle avait eu jusque-là - ce qui ne faisait que conforter Clyde dans l’assurance qu’elle savait mentir et jouer de ses charmes pour faire passer des émotions toutes plus factices les unes que les autres. Le brun se contenta donc de hocher la tête, même s’il était loin d’avoir dit son dernier mot - car contrairement à ce qu’elle devait imaginer, il ne cherchait pas à ce qu’elle lui balance des noms ou même des détails sur qui ou quoi que ce soit. “Parce que l’avis d’une escort, ça t’importe?” Parce qu’une escort voit beaucoup de choses, qu’il aurait pu répondre. “Ton opinion a autant de valeur que celle de quiconque. Sans doute même plus, dans ce cas-là.” S’il y avait bien une chose que son métier lui avait appris, c’était de ne pas jamais dénigrer un témoin, car ceux qui faisaient parfois basculer une affaire n’étaient pas forcément ceux que l’on attendait. “Comme tu me l’as fait remarquer tout à l’heure, je peux te dire ce que tu veux entendre.” “Je sais, mais je suis du genre à tenter quand je n’ai rien à perdre.” Il avait pleinement conscience de sa position et étira une moue alors qu’elle se mettait à ricaner, sans doute bien certaine d’avoir l’ascendant sur lui - et elle l’avait, mais qu’elle le laisse au moins tenter sa chance.
“Tes explications ressemblent à un mea culpa.” La jeune femme semblait n’avoir cure de ses explications et encore moins de ses excuses, mais une fois de plus, il n’avait rien à perdre en se montrant aussi honnête que possible - ce qui impliquait donc de reconnaître qu’il était loin de parler à une décébrée. “Tu vois, en réalité, c’est là toute la différence entre une prostituée et une escort-girl.” Et si cette soirée lui apportait au moins une réalisation supplémentaire, il s’agissait bien de celle-ci. “Les journalistes ne sont jamais là par simple curiosité. Mais bon, puisque nous sommes tous les deux là et que nos plats arrivent… Je vais te laisser une chance. Puisque tu payes, autant que tu en aies pour ton argent.” Clyde ne savait pas s’il devait être surpris qu’elle accepte ainsi de rester, ou qu’elle se montre toujours aussi polie malgré le fait qu’il ait clairement retourné sa veste, la mettant ainsi dans une position inconfortable. Toutefois, il ne se fit pas prier pour attraper ses couverts après que le serveur ait déposé son plat devant lui, faisait écho au ‘bon appétit’ de la demoiselle avant d’entamer du bout de sa fourchette le risotto. “Est-ce qu’il n’y a pas une petite part de toi curieuse de savoir ce qui m’amène ici?” Après tout, elle ne lui devait rien et il n’irait certainement pas se plaindre auprès de son employeur si elle décidait de s’éclipser - et puisqu’il ne la retenait pas physiquement, elle devait bien trouver son compte au fait de rester en sa compagnie. A part un plat et du champagne gratuits, évidemment. “Je ne suis pas là pour le boulot.” A peine avait-il prononcé ces mots qu’il savait déjà qu’elle n’allait pas le croire, puisqu’il s’était justement présenté sous son titre professionnel. “Mais pour des affaires personnelles.” Le décor était tiré, la brune était désormais libre de se faire une opinion plus réaliste de lui. “Donc je ne compte pas t’attirer d’ennui, je n’écrirai rien et je n’ai besoin d’aucune info sur toi.” Peut-être resterait-elle jusqu’à la fin du repas sous ces conditions, après tout. Peut-être même quitterait-elle le restaurant sans le détester, en espérant avoir passé une soirée presque agréable. “Je cherche à savoir à quel point je dois me méfier des gens pour qui tu travailles.” Ces gens, qu’il ne nommait pas pour l’instant, même si la destinataire de sa méfiance avait un nom et un seul.
Naomi avait conscience d’être dans une situation inédite ; c’était la première fois qu’elle se retrouvait mise devant le fait accompli, avec un client qui n’en était pas réellement un. Elle ne savait pas dans quel type de merdier elle était désormais fourrée, mais ne tarderait pas à le savoir : les gens comme Logan ne s’éternisaient jamais, et faisaient vite part de leurs désidératas. À moins que… à moins qu’elle ait un peu de chance, et que ses intentions soient moins horribles que ce qu’elle s’était imaginé. « Hm. » Elle fit la moue, peu convaincue. La flatterie était une chose ; passer de la pommade en était une autre, et elle avait la sensation que c’était exactement ce que son interlocuteur était en train de faire. Il ne parviendrait pas à l’amadouer de cette façon ; elle était vaccinée contre les belles paroles des hommes. Ils avaient été trop expressifs, trop menteurs, trop charmants — et la déception n’avait jamais été loin. « Eh bien vas-y, tente. » Déclara-t-elle simplement en haussant les épaules, avant de piocher dans son plat. Elle prit tout son temps, et savoura le mets délicieux qui lui avait été servi.
« Une grande part de moi est curieuse de savoir ce que t’amènes ici. » Admit l’escort-girl, avant de plonger son regard clair dans celui de son interlocuteur. Elle ne savait pas très bien pourquoi elle avait accepté de rester, mais elle savait qu’elle ne perdrait pas tout : au moins, ce soir, elle dînerait bien et pourrait boire à l’oeil. Et elle n’allai pas s’en priver, puisque son client lui avait fait des misères auxquelles elle ne s’était pas attendue. « Mais j’ai peur d’en apprendre trop, et que cela me mette dans le pétrin ensuite. » Confia-t-elle en faisant la moue. À vrai dire, moins elle en savait, mieux elle se portait. Moins elle en savait, moins elle pouvait en répéter. Non pas que Logan ait la carrure d’un mafieux dangereux, mais quand même : Naomi avait vite appris que dans son milieu singulier, il valait mieux se méfier de l’eau qui dort. « Si ce n’est pas pour le boulot, alors pourquoi ? » Demanda-t-elle en arquant un sourcil. La réponse ne tarda pas à s’échapper des lèvres de Logan : des raisons personnelles. Naomi fit la moue, et attendit d’en apprendre davantage pour se prononcer. Était-il là pour une vengeance ? Avait-il envie d’en découdre avec quelqu’un en particulier ? Les questions se bousculaient dans l’esprit de l’escort-girl, mais aucun ne franchit la barrière de ses lèvres — pour le moment, en tout cas. Elle aurait l’occasion de le cuisiner plus tard, quand il s’y attendrait le moins. Les lèvres de Naomi s’étirèrent en un mince sourire, alors que son interlocuteur entreprenait de la rassurer sur ses intentions. Non, il n’était pas là pour elle. Non, il ne comptait pas lui faire de la mauvaise publicité. Non, il n’écrirait rien sur elle. « Parce que tu sais pour qui je bosse ? » Demanda-t-elle en fronçant les sourcils, insistant volontairement que le pronom interrogatif qui. Elle laissa échapper un léger rire, et secoua finalement la tête. Elle s’interrogeait sur les noms qu’il avait en sa possession, mais se mordit la langue pour ne pas demander plus de détail ; après tout, peut-être prêchait-il le faux pour savoir le vrai. « Tu es novice, n’est-ce pas ? » Question purement rhétorique ; à vrai dire, au vu du comportement de Logan, elle savait qu’il n’avait pas l’habitude de fréquenter son milieu. « La loi du silence, tu connais ? » Elle plongea sa fourchette dans son risotto, et continua à manger sans sourciller. Devant l’air interrogateur de Logan, l’Australienne poursuivit : « Même si on ne s’aime pas et qu’on n’a pas les mêmes activités, on se couvre, entre nous. » En tout cas, c’était la règle au Club. Ils réglaient leurs problèmes entre eux, sans intermédiaire, sans voie officielle ou même légale. « D’ailleurs, je te serais reconnaissant de me dire qui t’a donné mon nom. Cette personne a été négligente, et voilà où j’en suis. » En tête à tête avec un journaliste, qui allait forcément lui poser des questions. Tout un tas de questions. « Non pas que tu sois désagréable… Seulement, tu en conviendras, c’est moi qui suis désormais dans une position délicate. » Dit-elle en haussant les épaules. Bon, si elle devait être tout à fait honnête, elle devait bien admettre qu’elle avait déjà connu pire. Mais Logan n’avait pas besoin de le savoir. « Écoute, je ne sais pas quelles sont les raisons qui t’amènent réellement ici, ou quels sont tes objectifs. Tu m’as l’air plutôt sympa, et tu n’as pas l’air d’être un mauvais bougre ; c’est pour ça que je vais te donner un bon conseil. Je ne sais pas dans quoi tu trempes, mais tu ferais bien de te méfier. De tout le monde. » Il n’y avait pas d’enfant de choeur, dans son monde de l’ombre.
“Une grande part de moi est curieuse de savoir ce que t’amènes ici.” La méfiance de la brune n’était plus à prouver, et bien que cela soit très probablement le signe que Clyde n’obtiendrait pas grand chose d’elle, cela lui prouvait également que la jeune femme était loin d’être une idiote - alors, même ses absences de réponse, ses mots vagues et ses conseils pourraient lui servir s’il savait quoi en faire. La partie était loin d’être gagnée - et il craignait même que face à Raelyn, elle soit perdue d’avance - mais il ne pouvait décemment rester les bras croisés à voir Halsey jouer à la sœur parfaite avec la blonde, qui était bien loin de l’être. Son acolyte lui avait fait comprendre qu’il n’avait pas son mot à dire concernant ses choix familiaux étant donné sa responsabilité dans la découverte de l’existence d’une fratrie Blackwell, mais cela ne signifiait pas qu’il allait se refuser à grappiller une ou deux informations, à toutes fins utiles. “Mais j’ai peur d’en apprendre trop, et que cela me mette dans le pétrin ensuite.” Le brun hocha la tête de droite à gauche, signifiant qu’il n’avait pas le moins du monde l’intention de lui faire part des détails de ses états-d’âme. “Je ne cherche pas à t’attirer des problèmes. Passer par une escort semblait simplement l’option la plus facile.” Il aurait pu lui confirmer une fois de plus qu’il ne cherchait pas à dénigrer son métier par cette phrase, mais la jeune femme avait arrêté de le croire depuis un moment - et ne l’avait jamais cru, même, alors il n’avait cure de l’assurer de ses bonnes intentions. “Parce que tu sais pour qui je bosse?” “Pas exactement.” Il ne savait pas et ne voulait pas savoir, plus précisément, car il savait qu’il mettrait là les pieds dans un engrenage qu’il ne maîtrisait pas. Clyde n’avait jamais eu peur de flirter avec l’illégalité, et c’était cette limite constamment franchie qui lui apportait l’excitation et l’adrénaline quotidienne dont il avait besoin, mais s’affranchir de toutes les règles pour toucher à la réelle criminalité n’avait jamais fait partie de ses plans. Il ne maîtrisait pas les codes du milieu, et y mettre un pied ne ferait que compromettre les activités qu’il menait confortablement avec Halsey depuis trop longtemps pour vouloir prendre des risques maintenant. Halsey, pourtant, était la seule raison qui l’avait amenée ici. Il ne faisait et ne ferait jamais confiance à Raelyn, et espérait la convaincre qu’elle n’avait pas intérêt à leur porter préjudice, sans quoi il se ferait un plaisir de fouiller à son tour là où il ne fallait pas. “Mais il y en a une dont je me méfie.” Celle dont il tairait le nom, pour son propre bien et celui de Naomi, même s’il espérait par cette accusation détournée lui tirer même la moindre des réactions.
“Tu es novice, n’est-ce pas? La loi du silence, tu connais?” Clyde leva un sourcil avant de ricaner légèrement face à la seconde question, ayant plus ou moins une idée de la suite. “Même si on ne s’aime pas et qu’on n’a pas les mêmes activités, on se couvre, entre nous.” Il n’était pas étonné qu’elle ne veuille pas lâcher la moindre information, car il aurait fait la même chose à sa place, mais il ne connaissait en effet pas assez le milieu pour croire qu’ils se couvraient tous les uns les autres aussi bien que cela. “Sinon quoi?” Là encore, il avait une certaine idée de la réponse, mais préférait l’entendre pour comprendre à quel point il ferait mieux de ne pas creuser plus loin. “D’ailleurs, je te serais reconnaissant de me dire qui t’a donné mon nom. Cette personne a été négligente, et voilà où j’en suis.” Le léger sourire qui étira les lèvres du brun était quelque peu satisfait, puisqu’il était pour la première fois celui à retenir une information. “Je ne donnerais pas cher de mon poste si je balançais toutes mes sources.” Il n’était pas là pour le boulot, mais cela ne changeait rien au fait que sa déontologie journalistique était bien réelle, peu importe ses agissements tendancieux lorsqu’il se défaisait de son habit de journaliste. “Non pas que tu sois désagréable… Seulement, tu en conviendras, c’est moi qui suis désormais dans une position délicate.” Au moins, cela ne lui avait pas coupé l’appétit pour autant. “Écoute, je ne sais pas quelles sont les raisons qui t’amènent réellement ici, ou quels sont tes objectifs. Tu m’as l’air plutôt sympa, et tu n’as pas l’air d’être un mauvais bougre ; c’est pour ça que je vais te donner un bon conseil. Je ne sais pas dans quoi tu trempes, mais tu ferais bien de te méfier. De tout le monde.” Il se méfiait déjà avant de passer les portes de ce restaurant, et les quelques mots que lui avait offert la brune suffisaient à le conforter dans l’idée qu’il ne lui ferait aucun bien de fouiller dans ce qui ne le concernait pas, quand bien même la tentation était forte. “Et toi, tu te méfies de tout le monde?” Leurs plats n’étaient pas terminés et Naomi se trouvait encore en face de lui, alors Clyde n’avait rien à perdre à étirer la conversation, alors qu’il était presque réellement curieux de savoir à quoi ressemblaient les entrailles d’un tel milieu. “Qu’est-ce qui te retient? L’argent?” Il prit une nouvelle bouchée et vida son verre de champagne. “L'adrénaline?” Qu'il s'agisse de l’un ou l’autre, il ne pouvait que le comprendre, et bien davantage qu’elle ne l’imaginait sûrement.
Elle laissa échapper un petit rire, à l’entente du qualificatif choisi pour parler des escort : facile. À vrai dire, il n’avait pas tout à fait tort : non contente d’être « faciles » en besogne, nombreuses étaient celles qui étaient « faciles » dès qu’il s’agissait d’ouvrir la bouche et de dégoiser sur les autres. De vraies pipelettes, jamais dernières dès qu’il était question de faire du tort à quelqu’un — et encore plus quand il était question d’une rivale. Malheureusement pour son interlocuteur, Naomi avait plus de deux sous de jugeote et, surtout, elle fréquentait depuis trop longtemps le Club pour se montrer aussi naïve. Elle tenta donc d’estimer ce qu’il savait et ce qu’il ignorait — et le simple fait qu’il lui dise qu’il ne savait pas réellement pour qui elle travaillait était clairement un point positif. « Tant mieux pour toi. » Dit-elle en inclinant légèrement la tête. « Le savoir ne ferait que t’apporter des ennuis. » Naomi avait été recrutée par Steven, qui vivait désormais entre les quatre murs sordides d’une cellule de prison. Quant à Mitchell, qui avait failli prendre le même chemin que son subalterne, il avait finalement été en mesure de s’en tirer. Il avait repris, de droit, sa place — à savoir la tête du Club. Naomi, bien que peinée par l’absence de Steven, n’avait pas été malheureuse de retrouver le boss ; il avait toujours été bienveillant à son égard. « Une ? » Répéta-t-elle en fronçant les sourcils, intriguée par les propos de son interlocuteur. « Sans la nommer explicitement, peux-tu m’en dire davantage ? » Demanda-t-elle, son regard croisant celui de Logan. « Et surtout, pour quelle raison tu t’en méfies ? »
« Sinon, ça se passe mal. » Répondit-elle en haussant les épaules. Elle-même n’avait jamais été témoin d’un lynchage, mais quelques histoires sordides étaient quand même parvenues à ses oreilles. Histoires fantasmées de toute pièce, qui servaient à faire peur aux dissidents ? Ou réalités glaçantes ? Naomi n’en avait pas la moindre idée, mais elle ne voulait pas aller vérifier ; hors de question de faire les gros titres parce qu’on l’aurait retrouvée noyée dans l’océan, ou jetée du haut d’une falaise. « Même si je venais à me répandre à ce sujet, devine qui on croira : le journaliste sérieux et bien sous tout rapport, ou la traînée qui couche par intérêt ? » C’était dur, c’était cru, mais c’était vrai : la parole de Naomi ne serait pas prise au sérieux, en raison de ses activités. Celle de Logan, en revanche… L’escort-girl n’avait aucun doute. « Mais je loue ton sens de l’éthique. » Souligna-t-elle, appuyant sa réplique d’un léger sourire. Et elle ne mentait pas : savoir tenir sa langue n’était pas si facile, et protéger les informateurs était à la fois honnête et appréciable. « C’est plus prudent. » Répondit-elle, lui donnant clairement un indice quand au fait de savoir si elle se méfiait de tout le monde. Mais parfois, ça ne suffisait pas. La preuve, ce soir, elle s’était faite piéger. Elle avait bien compris que les conséquences ne seraient pas dramatiques — d’ailleurs, y aurait-il la moindre conséquence ? Elle n’en était même pas sûre — mais elle avait été attirée dans des filets, poussée par un contact commun qu’elle n’avait encore pas identifié. Pour le moment, en tout cas. « Quand tu fais tes enquêtes, tu ne te méfies pas des gens que tu rencontres ? » Demanda-t-elle en arquant un sourcil. L’inverse la surprendrait ; sauf si elle se méprenait, elle avait l’impression que les journalistes étaient plutôt des travailleurs sérieux, qui avaient à coeur de vérifier leurs sources. « Surtout s’ils sont louches… » Ou qu’ils fréquentent des milieux peu recommandables, par exemple. Pour un peu, elle éclaterait presque de rire lorsqu’il lui demande si c’est l’adrénaline qui la retient. Que s’imaginait-il, exactement ? Que le danger la faisait vibrer ? Qu’elle s’épanouissait davantage dans un monde où l’illégalité régnait en maître ? Que le fait de côtoyer des mauvais garçons la faisait fantasmer ? En réalité, l’escort-girl était parfaitement indifférente à tout cela. « L’argent. » Lâcha-t-elle en haussant les épaules. Ça pouvait lui sembler ridicule et trivial, mais elle s’en fichait : Naomi était passée par trop de galères et d’instants compliqués dans sa courte vie pour consentir à baisser son niveau de vie. Et elle savait que si elle quittait la prostitution, elle passerait forcément par cette étape. Dans une impasse, elle n’avait clairement pas beaucoup le choix. « On n’en a jamais assez, pas vrai ? » La question était rhétorique, bien sûr. « Et toi ? Le journalisme était une vocation, ou tu es tombé dedans par hasard ? » Demanda-t-elle, avant de déposer sa fourchette dans son assiette. Rassasiée, elle repoussa légèrement son plat quasi terminé, déposa ses coudes sur la table, et plongea son regard dans le sien. « À moins que tu n’aies eu une bonne raison de te plonger à corps perdu dans cette profession… » Suggéra-t-elle, revenant aux raisons de la présence du prétendu Logan face à elle.
Clyde ne savait pas exactement dans quel type d’organisation était mêlée Naomi, ni même s’il s’agissait-là d’une activité dont Raelyn avait connaissance. Car la blonde trempait nécessairement dans quelque chose de louche au vu de toutes les informations que le brun avait rassemblé sur elle, et toutes les pistes étaient donc bonnes à creuser si tant est qu’elles semblaient avoir la Blackwell comme dénominateur commun - pour autant, une grande part de flou l’entourait encore, au grand damn du journaliste. “Tant mieux pour toi. Le savoir ne ferait que t’apporter des ennuis.” Ce n’était pas le moment de flancher et Clyde soutint le regard de la jeune femme, quand bien même il prenait sa parole plus au sérieux qu’il ne l’aurait cru. Elle ne semblait pas du genre à parler pour ne rien dire et tentait de se protéger par tous les moyens - ainsi, qu’elle l’informe qu’il ne mettait pas les pieds au bon endroit alors qu’il n’était à ses yeux qu’un sombre inconnu devait très certainement signifier qu’il s’agissait de la vérité. Pourtant, Clyde ne pouvait encore se résoudre à repartir sans rien, pas même la confirmation que le nom de Raelyn tournait bien dans ces sphères qu’il aurait pourtant préféré éviter. “Une?” Naomi jouait parfaitement l’ingénu, si bien que le brun se demanda réellement si elle avait une idée de la personne qu’il évoquait ainsi, ou si l’évocation d’une femme la laissait perplexe. “Sans la nommer explicitement, peux-tu m’en dire davantage? Et surtout, pour quelle raison tu t’en méfies?” Le brun roula légèrement des épaules avant de s’appuyer sur le dossier de sa chaise en joignant ses mains, ce qui montrait très clairement qu’il ne plaisantait pas le moins du monde à ce sujet. “A t’entendre parler de ceux qui t’entourent, je ne suis pas certain qu’il s’agisse d’une bonne idée.” Se confier à elle, lui offrir une information qui ne serait plus qu’une supposition mais bel et point une confirmation, tout cela en se doutant très bien qu’elle ne perdrait pas de temps pour aller tout raconter si elle le jugeait utile à ses yeux. “Je n’ai jamais aimé les blondes, de toute façon.” La tension était trop présente pour que la plaisanterie réussisse à la désamorcer, alors qu’il lançait plutôt là une bouteille supplémentaire à la mer en espérant que l’évocation plus précise de Raelyn susciterait une quelconque réaction de la part de Naomi.
Pourtant, si elle se montrait un peu trop bavarde ou Clyde un peu trop curieux, les choses se passeraient mal - et si le journaliste avait encore un doute sur la question, la jeune femme venait d’entériner toute spéculation. “Même si je venais à me répandre à ce sujet, devine qui on croira : le journaliste sérieux et bien sous tout rapport, ou la traînée qui couche par intérêt?” Elle était intelligente, c’était indéniable, et bien plus subtile qu’il ne l’aurait cru en arrivant dans ce lieu où il pensait faire face à une escort moulée de tous les préjugés qu’il leur avait toujours attribués par manque de connaissance de ce milieu qu’il n’avait jamais fréquenté. Clyde ne lui fit pas l’affront de répondre à cette question rhétorique à laquelle ils connaissaient tous deux la réponse. “Mais je loue ton sens de l’éthique.” “Et moi le tien.” Malheureusement pour lui, heureusement pour elle. “Tu ferais une bonne journaliste.” Mi-amusé, mi-sérieux, Clyde n’arrivait pas à trouver le juste équilibre face à cette femme dont le regard magnétique le perturbait plus qu’il ne le montrait. Elle faisait partie de ceux qu’il n’arrivait pas à lire ni à comprendre, et une part de lui se sentit presque soulagé qu’il ne soit pas là pour le boulot - car à première vue, il ne repartirait pas avec grand chose. “Quand tu fais tes enquêtes, tu ne te méfies pas des gens que tu rencontres?” “Ça dépend des enquêtes.” La réponse semblait bateau mais il s’agissait pourtant de la réalité, car certaines personnes se montraient bien plus prévisibles et transparentes que d’autres - quand bien même il relevait toujours du devoir journalistique de recouper ses infos et vérifier ses sources.
Clyde était presque curieux de savoir ce qui faisait fonctionner cette femme que rien ou presque ne semblait troubler. “L’argent.” Sans doute n’y avait-il rien de glamour dans les réelles coulisses du milieu, rien qui ne passe à la télévision pour faire un instant croire que certaines étaient là-dedans pour autre chose. “On n’en a jamais assez, pas vrai?” A qui le dis-tu, qu’il aurait presque pu rétorquer instantanément, si seulement il n’arborait pas un certain contrôle depuis le début de leur dîner qui se poursuivait sous des apparences tout ce qu’il y avait de plus normales aux yeux des autres clients. “Jamais, il faut croire.” Il ne dirait rien sur lui, mais pouvait néanmoins avouer qu’il la comprenait davantage sur ce point que sur tous les autres. “Et toi? Le journalisme était une vocation, ou tu es tombé dedans par hasard? À moins que tu n’aies eu une bonne raison de te plonger à corps perdu dans cette profession…” Clyde regarda la brune poser sa fourchette avant de reporter son attention sur lui, tandis qu’il faisait de même pour mieux la fixer, ne manquant pas de finir sa coupe de champagne par la même occasion. Si la brune ne l’inquiétait pas, le monde dans lequel elle évoluait lui était si étranger et lui semblait (à raison) si dangereux qu’elle l’impressionnait d’une certaine manière. L’illégalité n’avait jamais été un problème pour lui - mais il ne s’était jamais retrouvé confronté à des personnes comme Raelyn, avant. “Je ne fais pas ça pour l’argent, c’est certain.” Il ne faisait pas encore les gros titres, et ce n’était en réalité pas ce à quoi il aspirait dans sa branche. “De là à dire que c’est une vocation…” Adolescent, il avait développé un intérêt pour le journalisme, mais un choix différent et un autre en chaîne auraient très bien pu l'entraîner vers quelque chose de différent, sans doute. “Disons que certaines choses méritent d’être exposées.” Il était loin d’être tout blanc, mais ne s’en prenait qu’à ceux qui le méritaient, dans son boulot et tout le reste qui suivaient. Enfin, il leva les sourcils d’un air inquisiteur en indiquant le plat d’un geste du menton. “J’espère que tu as au moins apprécié le plat.”
« Ce ne sont pas des enfants de coeur. » Confirma-t-elle en hochant légèrement la tête. À quoi bon mentir à son interlocuteur ? Il n’était pas né de la dernière pluie, et les méthodes du Club ne devaient pas être un secret pour lui. Naomi avait beau porter Mitchell et Steven en haute estime, elle savait pertinemment qu’ils avaient les mains sales, définitivement tâchées par le rouge qui avait glissé le long de leurs doigts blafards. S’ils réservaient habituellement la sale besogne à des hommes de seconde main, ils savaient aussi prendre leurs responsabilités quand leur honneur était en jeu ou pire, avait été bafoué. Si certains visages familiers avaient été éjectés manu militari avec un passage à tabac en bonne et due forme, d’autres n’avaient pas eu cette chance. La vie n’avait pas été tendre, avec eux — ils avaient succombé à des accidents terribles. Naomi s’était parfois demandée quel sort lui serait réservé, si elle sortait du rang. Peut-être qu’elle aurait de la chance, et qu’on lui laisserait la vie sauve. Mais à quel prix ? Sa féminité et sa plastique parfaite en prendraient un coup, elle n’en doutait pas un seul instant. « Moi non plus. » Confessa-t-elle avec un léger sourire. Naomi avait pris le temps de relever les yeux vers son interlocuteur, et de confronter leurs regards clairs. Ils s’étaient observés en silence, pendant une fraction de seconde de trop. Le temps de s’assurer que la conversation silencieuse et sous-jacente avait été claire pour Logan et Naomi. « Mais je n’ai jamais l’occasion de travailler avec des blondes, alors disons que je les tolère. » Ajouta-t-elle en haussant les épaules. N’importe quel individu qui laisserait traîner une oreille plus ou moins attentive n’aurait aucune idée de leur sujet de conversation. Ils parlaient de façon codée, et s’assuraient ainsi que leurs paroles, bien qu’elles soient effectivement à double-sens, ne puissent pas être complètement incriminantes.
« J’ai des doutes. » Et pourtant, elle en connaissait des secrets. Des petites choses honteuses sur des personnalités en vogue, dans des domaines aussi divers que variés. Des petites manies et d’autres préférences très personnelles, qui pourraient porter préjudice si elles venaient à être connues du grand public. Mais Naomi n’était pas une grande bavarde, et ne comptait pas dévoiler l’envers du décor. Si quelques contrats lucratifs pouvaient la faire baver d’envie, elle savait aussi que les hommes qu’elle fréquentait la payait pour sa discrétion. « Il me faudrait un métier plus planqué, moins exposé. » Déclara-t-elle en haussant les épaules. Elle s’imaginait bien secrétaire, fleuriste ou vendeuse dans un magasin de luxe. Un métier tranquille, sans pression, où elle n’aurait aucune responsabilité. Naomi se détendit finalement lorsque son interlocuteur évoqua, sans s’étendre, les enquêtes. Elle l’interrogea volontiers, curieuse d’en découvrir davantage sur l’envers du décor. « Tu en as trop dit, ou pas assez ! » S’exclama l’escort-girl, amusée par les propos de Logan. Il était rusé, l’Australien. « Bon, j’imagine que tu ne prends pas trop de risque en me disant ce sur quoi tu as déjà enquêté, ou ce sur quoi tu as déjà publié. » Dit-elle en souriant. Voilà un sujet qui devrait les aider à se détendre, et à oublier le fiasco qu’avait été leur prétendu rendez-vous.
Naomi laissa échapper un rire sans joie, alors que l’Australien admettait partager son point de vue. Ils appartenaient à cette génération insatisfaite, qui avait la désagréable impression de stagner à bien des niveaux. Les trente ans de l’escort-girl s’éloignaient de plus en plus, mais sa vie restait toujours aussi sordide. Et ses perspectives d’avenir n’étaient guère optimistes, à vrai dire. « Vraiment ? » Interrogea l’Australienne, surprise. « Je pensais que ça payait, journaliste. » Avoua-t-elle en haussant les épaules. « Si tu ne l’as pas fait pour l’argent, et que ce n’est pas véritablement une vocation… Alors, pourquoi ce choix ? » Le hasard ? Une opportunité ? Un piston ? « Tu as une revanche à prendre sur la vie ? » Demanda-t-elle en arquant un sourcil. « Ou sur quelqu’un ? » Désormais, ils avaient inversé les rôles : c’était elle qui posait des questions, et lui qui devait y répondre. Mais l’escort-girl n’oubliait pas qu’il avait fait preuve de souplesse à son égard ; par conséquent, elle serait tolérante avec lui, et respecterait toute forme de rejet. Il ne lui devait rien. « Pas de dessert, alors ? » Demanda-t-elle, soudainement redevenue sérieuse. En voyant la surprise se dessiner sur les traits de Logan, elle pouffa de rire. « Calme-toi, ce n’est qu’une blague. » Une dernière occasion de le titiller, et elle n’avait pas voulu s’en priver. À défaut d’avoir un nouveau client, Naomi n’avait pas passé une soirée désagréable. « C’était délicieux. » Admit-elle.