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J’ai retourné le problème dans ma tête selon tous ses angles et je suis rapidement venu à la même conclusion qu’Amos. Il a raison, je ne suis pas obligée d’apprécier à nouveau un jour Alec, je ne suis pas obligée de partager avec lui des rapports amicaux ni même de seulement lui pardonner, mais pour le bien de mes nouveaux projets concernant le Club, il son soutien est l’élément qui peut faire pencher la balance d’un côté ou d’un autre. Mitchell sera déchu quoi qu’il arrive, j’en fais le serment, mais que je récupère des cendres ou des équipes fédérées peut dépendre de lui. Je fais partie des têtes du Club et j’ai la confiance de la plupart de ses membres depuis des années, mais j’ai disparu depuis des mois et je sais que cela joue en ma défaveur. Alec est le frère de Mitchell, tout le monde le connaît et son capital sympathie au sein de l’organisation, son capital sympathie tout court est élevé. Il est accessible, l’ami de tous et son physique l’aide à forcer de le respect sans qu’il n’ait d’effort à faire. La personne qu’il décidera d’appuyer à la succession de Mitchell aura toutes les chances de son côté et, malgré le mépris qu’il m’inspire aujourd’hui, cette personne doit être moi. Tant pis si je dois utiliser ses espoirs que nous puissions un jour renouer alors que je sais qu’il n’en est rien. Tant pis si je dois être retorse et manipulatrice : a-t-il hésité lorsqu’il s’agissait de me dissimuler une importante vérité pendant des années ? Je ne lui dois plus rien, et certainement pas le traitement que l’on réserve à un ami.

J’ai répondu à un de ses nombreux messages sans réponse la veille et il m’a immédiatement proposé que nous nous rencontrions. Évidemment, le restaurant n’est plus une option et je refuse de le voir autre part qu’en terrain neutre, si bien que j’en ai proposé un autre, un qui sert des spécialités similaires aux siennes. C’est petit, c’est mesquin mais c’est aussi ce dont j’ai besoin après ce qu’il m’a fait quand je le qualifiais d’ami. J’en ai pris la direction un peu après midi et, en m’approchant de l’établissement, j’ai reconnu sa silhouette de loin. Sa carrure le rend remarquable, même dans une foule et je me suis félicitée d’avoir repris le poids que j’avais perdu à cause de la drogue, et de ne plus donner l’air d’être prête à me briser : j’ai repris du poil de la bête, et je suis prête à en découdre avec son frère, prête à l’écraser sous mon talon aiguille et à reprendre ce qui me revient de droit, pas celui du sang mais bien celui du mérite. Je me suis battue pour l’organisation criminelle et je lui ai donné ma vie. J’ai prouvé ma valeur pendant quinze ans et, pendant une année entière quand Mitchell était constamment occupé ailleurs, j’ai prouvé que je faisais un meilleur leader que lui. « Ton frère a réussi à se passer de toi deux heures ? Ça doit être une sorte de record. » En arrivant à son niveau, je suis rentrée directement dans le vif du sujet sans passer par la case banalités d’usage. Elles n’avaient déjà plus lieu d’être au regard de notre amitié autrefois, à présent c’est au regard de ma déception. « Tu connais l’endroit ? Paraît qu’ils font les meilleures lasagnes de toute la ville. » La pique est gratuite et pourtant bien moins douloureuse que ce qu’il m’a fait. Il l’encaissera s’il tient encore à notre amitié et je compte de toute façon là dessus quand elle ne représente plus rien à mes yeux. « Allez, on rentre ? » Avant que je ne change d’avis.

A table, je m’installe sans me quitter des yeux et, si un regard pouvait tuer, le mien l’aurait déjà transpercé de toutes parts. Il témoigne de ma déception et de ma froideur, il témoigne de tout ce que m’inspire le brun aujourd’hui. Pourtant je me jette à l’eau parce que mes desseins méritent que je passe outre ma colère : elle est là, elle ne m’a pas quittée. « Paraît que t’as été occupé ces derniers temps... » A empêcher le Club de couler, à colmater les brèches suite à sa discussion avec Amos : je compte là dessus, en tout cas.  

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Il ne sait pas pourquoi il continue à lui envoyer des messages. Il n’est même plus sûr d’attendre une réponse en vérité. Pourtant il continue, s’accrochant au mince espoir qu’elle finisse par accepter de reprendre contact avec lui. Aujourd’hui elle l’a fait et il a dû relire plusieurs fois le message pour en être sûr. Il lui propose immédiatement de la voir, parce que son amie lui manque, parce que la culpabilité le ronge encore. Alec observe Raelyn qui s’approche, elle est moins maigre, moins marquée que la dernière fois qu’il l’a vue alors qu’elle lui claquait la porte au nez de son appartement refusant de lui parler, ayant mené à cette fameuse conversation avec Amos. Il l’observe sans rien dire et ne peut s’empêcher de sentir le soulagement le parcourir, parce qu’elle va bien. Parce qu’elle a sombré mais qu’elle a l’air d’aller mieux et c’est tout ce qui lui importe.

« Ton frère a réussi à se passer de toi deux heures ? Ca doit être une sorte de record. »    L’écho d’un rire sort de sa bouche. Ce qui pourrait être un rire s’il y avait un tant soit peu de joie dedans du moins. Il plonge les mains dans ses poches.  Dire que sa relation avec son frère est au beau fixe serait un mensonge. Elle ne l’est plus. A vrai dire il n’en a jamais été aussi éloigné. Le peu de paroles qu’ils s’adressent concernent le Club, le reste, Alec l’a envoyé valser. Il n’y a plus aucun mot échangé, aucune complicité et la fin de leur relation a été marquée par le poing d’Alec sans la figure de l’ainé et par un Mitchell qui n’aura finalement même pas été capable de faire quoique ce soit pour tenter de sauvegarder cette relation.  Alec aura finalement eu la preuve qu’il n’aura jamais compté, que cette fraternité, cette loyauté, cette amitié, n’aura été qu’à sens unique et que Raelyn avait touché juste depuis longtemps. Mais il ne lui fera pas le plaisir de le souligner, il n’a pas besoin qu’on enfonce un couteau dans une plaie encore béante alors il se contente de dire d’un ton neutre « Bonjour à toi aussi. » . Comme si elle s’était contentée de banalités et pas d’une première attaque dont elle a tous les droits. Il se doute que l’attaque ne sera pas la seule et qu’il devra encaisser les suivantes s’il veut un jour obtenir son pardon. « Tu connais l’endroit ? Paraît qu’ils font les meilleures lasagnes de toute la ville. »  Son regarde s’attarde sur le restaurant en face d’eux et il n’a pas le cœur de répliquer. Pas le cœur quand il s’enfonce un peu plus dans un précipice qu’il a créé lui-même depuis des mois et que cette pique n’est rien par rapport au reste.

Trop de relations se sont brisées ces derniers mois pour qu’il en soit sorti indemne. Si le départ de Raelyn a marqué le début de l’ouragan, la destruction de sa relation avec Mitchell, sa remise en question avec Alice et finalement la découverte de Mia sur son identité et ses activités il y a une semaine avait fini par l’achever. Il dormait mal, son visage marqué, il n’avait jamais été aussi seul et sans doute jamais aussi malheureux dans cette vie qu’il avait choisie.  Pourtant c’était à cette vie qu’il avait décidé de s’accrocher désespérément.  Alors Alec encaisse cette pique indirecte envers sa cuisine, il encaisse parce qu’il n’a pas le choix, parce que sinon ces derniers mois auront été pour rien. « Oui je le connais.   » Haussement d’épaule qui se veut indifférent, on repassera si elle s’attendait à une quelconque répartie mais il se doute qu’elle s’attend à ce qu’il s’écrase, parce qu’après tout il lui doit bien ça. « Allez on rentre ? »   Alec hoche la tête et la suit à l’intérieur.

Son regard est glacial et il l’affronte, les épaules redressées, le soutenant. Parce que c’est à cette amitié brisée qu’il est en train de s’accrocher désespérément, peu importe ce qu’elle veut de lui, il n’est pas stupide et sait bien que ce n’est pas pour ses beaux yeux. Mais qu’importe. « Paraît que t’as été occupé ces derniers temps. »  Il hoche la tête lentement. « Il tient pas sans toi. » Mitchell qui est plus seul que jamais. « Mais rien n’a coulé. » Il affirme cette fois, parce qu’il a décidé de suivre la proposition d’Amos, parce qu’il a décidé qu’il était peut-être temps de changer la couronne de tête et pour la première fois depuis quelque temps a choisi de se réinvestir dans les affaires du club sous le couvert d’aider son frère alors qu’en réalité c’est pour elle qu’il prépare le terrain.

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Je ne voulais jamais le revoir. La voilà la pensée limpide et intraitable qui me traverse l’esprit dès l’instant où je pose les yeux sur lui. Je ne voulais jamais le revoir puisqu’il me dégoûte : sa faiblesse me dégoûte, ses mensonges mes dégoûtent et un frisson me parcourt l’échine. Était-ce avant que j’avais une vision du brun déformée par le prisme de l’amitié ? Est-ce maintenant qu’elle l’est par celui de la déception, de la colère et de la trahison ? Cela n’a aucune importance : la vérité reste la vérité et j’ai remis les choses à leur place, jamais plus je ne me laisserais aller à l’apprécier et à lui faire confiance.

Mais j’ai besoin de lui. Ma rancoeur ne m’empêche pas d’ouvrir les yeux sur ce point et, si j’ai la confiance de la plupart des membres du Club, Alec reste le frère de Mitchell. Alec reste un appui de taille, celui dont j’aurais besoin quand je me serais débarrassée de l'aîné et, entre la peste et le choléra, entre l’assassin et le menteur, je choisis Alec. Temporairement. Tant qu’il me sera utile. « Bonjour à toi aussi. » Je hausse les épaules, surprise que les banalités d’usage lui semblent importantes. N’avons nous pas dépassé ce stade ? Si je suis capable de rester de marbre dans beaucoup de circonstance, je choisis de ne rien dissimuler des sentiments que je ressens à l’idée d’être ici. Il n’a même pas gagné le droit que je fasse semblant : il sait pourquoi je suis là, il sait que ce n’est pas pour réparer une amitié qui est morte et enterrée et le prétendre serait insulter son intelligence. « Oui je le connais. » « Parfait. » Quiconque nous ayant déjà observé discuter à bâtons rompus sur la terrasse du restaurant après son service serait surpris devant la scène qui se déroule, surpris de ma froideur, surpris de mon attitude envers le brun mais lui sait ce qu’il a à se reprocher.

La salle du restaurant, je l’observe à peine et, lorsque le serveur vient prendre notre commande, je choisis machinalement le premier plat de la carte qui me parle avant de concentrer à nouveau mon attention sur Alec. Je ne suis pas là pour boire du vin, déguster un bon plat et passer une bonne soirée. « Il tient pas sans toi. Mais rien n’a coulé. » Un bras croisé sous ma poitrine, l’autre qui caresse doucement ma tempe, je l’observe d’un air désabusé avant de rompre le silence. « Et il t’aura fallu quinze ans et que je tire ma révérence pour t’en rendre compte ? » Pourtant ça fait des années que c’est le cas Alec. Depuis Lou. Je n’ai pas fait ce que j’ai fait pour le Club en quête d’une quelconque reconnaissance mais aujourd’hui ma coupe est pleine. Aujourd’hui, je décide d’arrêter de bosser pour des hommes moins compétents et dévoués que je ne le suis. « Pourquoi tu fais ça ? » Pourquoi tu maintiens le Club à flot pour moi ? « Par amitié ? » Le mot me tire une grimace de dégoût. « Parce que tu essayes de te racheter ? » Il me sait pourtant rancunière. « Ou parce que tu estimes réellement que c’est entre mes mains que le Club doit être ? » Je suis curieuse et, si la réponse ne changera rien à mes intentions, je ne suis pas ici pour être tendre avec lui. « Il a rien coulé mais il a rien fait prospérer non plus, vrai ou faux ? » S’est-il débarrassé d’Aberline ? A-t-il tué dans l'œuf sa ridicule tentative d’exister ?

S’est-il montré digne de diriger l’organisation criminelle ?  

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Le regard de Raelyn est rempli de dégoût qu’elle ne cherche même pas à cacher. Cela lui serre le cœur.  « Et il t’aura fallu quinze ans et que je tire ma révérence pour t’en rendre compte ? » Le visage d’Alec apparaît plus déterminé. « J’ai toujours été conscient du boulot que tu faisais Rae. » Son regard se fait plus dur. Sans elle il n’aurait jamais pu gérer l’organisation quand Mitch était en prison. Sans elle il aurait tout fait couler tout simplement parce qu’il n’était pas fait pour diriger. Seconder oui, aider toujours c’était dans ses cordes. Mais il n’avait ni la carrure, ni l’envie de diriger une organisation comme celle-ci, cela avait toujours été les ambitions de son frère, pas les siennes. Alec avait bien vu son investissement quand Mitchell brillait par son absence à la mort de Mavis. C’était elle qui avait géré le Club, elle qui avait prouvé qu’elle méritait bien plus que d’être un simple lieutenant.  Lui en était conscient, son frère c’était autre chose. Tout comme c’était une chose d’en être conscient, une autre de sortir Mitchell de l’équation pour qu’elle prenne sa place. Ça, c'était un pas qu'il n'aurait jamais pensé être prêt à faire, jusqu'à maintenant.

« Pourquoi tu fais ça ? » Il plante son regard dans le sien.  « Par amitié ? »  Son visage se déforme sous le dégoût, le sien en retour se force à rester impassible pour ne pas montrer la peine que cette grimace lui cause. « Parce que tu essayes de te racheter ?  Ou parce que tu estimes réellement que c’est entre mes mains que le Club doit être ?

Il hausse les épaules, alors que le serveur ramène une bouteille de vin,  il fait tourner le verre pour sentir les arômes de l’alcool. « Est-ce que ça ne pourrait pas être un peu de tout ça ? » Parce que ça l’est sans doute, un peu. Il reprend après avoir bu une gorgée du vin et reposer le verre.  « Mitchell déraille depuis des mois, voir des années et on est tous là à le laisser faire, moi le premier. S’il l’a mérité un jour les rennes du Club, cela fait un moment qu’il nous entraîne vers le bas, ça a beau être mon frère je peux être conscient de ça. » Il ne voulait plus être le chien suivant loyalement son frère, il ne voulait plus le suivre aveuglement. La réalisation avait été récente, aidée par le départ de Raelyn et sa vie qui s’écroulait depuis. « Ca ne sera pas moi qui serait capable de gérer tout ça, ni aucun autre. » Non aucun des membres les plus hauts placés n’étaient aptes à prendre la main. « Toi tu as prouvé ce que tu valais il y a longtemps. Il faudrait être un idiot pour ne pas reconnaître que tu le mérites. »

Bien sûr qu’il y a d’autres raisons bien plus personnelles, celles qu’il ne prononcera pas à voix haute tout simplement parce qu’il n’a pas besoin de le faire. Elle le sait sans doute. Bien sûr qu’il cherche à retrouver sa confiance comme son amitié. Bien sûr que son amie avant toute chose lui manque. Mais il ne le dira pas ou il ne lirait que le dégoût dans ses yeux, elle ne fera qu’écraser  tout espoir alors il préfère les taire, les garder au fond de lui s’accrocher à la certitude que s’il la perdue il arrivera à la récupérer, à démontrer sa loyauté encore et encore.

« Il a rien coulé mais il a rien fait prospérer non plus, vrai ou faux ? »  A ca il sourit tristement, parce qu’elle a raison. « Vrai.. » Il appuie son dos contre le dossier. « Le Club est divisé depuis ton départ.  Il y en a beaucoup qui seraient prêts à te soutenir. » Il le sait parce que les murmures vont de bons trains, que les rumeurs enflent. « Mitchell est trop occupé à se noyer dans ses bouteilles pour le voir. » Parce qu’il est seul, parce que même Alec lui a fait comprendre que c’est terminé.

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« J’ai toujours été conscient du boulot que tu faisais Rae. » Je serre les dents parce que ce n’est pas ça la question. Je serre les dents parce que le souci n’est pas là, que je me fous d’avoir un bon point à coller dans mon agenda. Tout ce que j’aurais pu demander, c’est qu’en retour il me respecte assez pour ne pas me mentir pendant plus de dix ans, assez pour ne pas suivre aveuglément son pourri de frère. « Est-ce que ça ne pourrait pas être un peu de tout ça ? » « Non. Et t’as toujours rien compris. »

Il n’a pas compris que leur mensonge à tous les deux me donne l’impression d’être leur oeuvre de charité. Il n’a pas compris qu’à cause d’eux, quiconque questionnerait les responsabilités qui m’ont été allouées. Ils avaient pitié d’elle, j’imagine sans mal que certains le penseront, je les entends sans mal si je ferme les yeux. « Parce que si c’est pour te racheter, c’est insultant. Je suis pas ton œuvre de charité. » Je vaux mieux que ça.

« Mitchell déraille depuis des mois, voire des années et on est tous là à le laisser faire, moi le premier. S’il l’a mérité un jour les rênes du Club, cela fait un moment qu’il nous entraîne vers le bas, ça a beau être mon frère je peux être conscient de ça. » « Breaking news. » L’ironie est palpable, l’ironie transpire par tous mes pores mais je jubile au fond de l’entendre dire ça. Je jubile de lui avoir retiré ses œillères, je jubile de l’avoir fait ouvrir les yeux sur quelque chose dont beaucoup se sont rendu compte bien avant lui. « Je suppose qu’il vaut mieux que tu t’en rendes compte un peu tard plutôt que jamais. » J’ignore comment les choses ont tourné depuis mon départ et j’ignore si Mitchell garde la tête hors de l’eau ou s’il a cessé de faire semblant. Ce que je sais, c’est que pour qu’Alec le réalise les choses doivent aller mal, vraiment mal. « Ça ne sera pas moi qui serait capable de gérer tout ça, ni aucun autre. Toi tu as prouvé ce que tu valais il y a longtemps. Il faudrait être un idiot pour ne pas reconnaître que tu le mérites. » Plus touchée que je ne voudrais l'admettre, je hoche la tête doucement. Qu’ai-je de plus à ajouter ? Il n’est même pas question de qui le mérite, il est question de qui en est capable et cette personne il sait qu’il s’agit de moi. « Vrai... Le Club est divisé depuis ton départ.  Il y en a beaucoup qui seraient prêts à te soutenir. Mitchell est trop occupé à se noyer dans ses bouteilles pour le voir. » « La rumeur s’est répandue ? » La question n’est pas innocente puisque c’est moi qui ai veillé à ce qu’elle le fasse. Merci Sasha. « Les gens savent ce qu’il a fait ? » Et ce que toi tu as fait, ils le savent ?

Le serveur dépose les plats et ne reçoit pas même un regard de ma part. J’observe Alec, je me rappelle de l’amitié que je nourrissais à son égard, je me rappelle de tous les instants que nous avons passés en compagnie l’un de l’autre et j’enrage d’avoir été prise pour une idiote. « Je peux te poser une question ? » Pure rhétorique, puisque j’enchaine. « Quand tu m’as accueillie chez toi après la perquisition. Quand tu m’as ramassée à la petite cuillère. Quand t’as tout fait pour m’aider à me relever…. » Quand il m’a nourrie, logée et qu’il m’a portée à bout de bras. « Comment t’arrivais à te regarder dans un miroir ? » Alors que tu savais ?

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« Non. Et t’as toujours rien compris. Parce que si c’est pour te racheter, c’est insultant. Je suis pas ton œuvre de charité. »  Il regrette déjà son choix de mots, ses dents se serrant. Il a l’impression de marcher sur des œufs aujourd’hui, comme si chaque mot pouvait se retourner contre lui et c’est le cas.  Ils ne sont pas deux amis au restaurant discutant de tout et de rien. Ils ne le sont plus et ne le seront peut être de nouveau jamais.  Il ne sait pas comment lui faire comprendre qu’elle n’a jamais été son œuvre de charité. Qu’il l’a aidée, qu’il a été là pour elle, tout simplement parce que c’est comme ça qu’il est et s’il n’a pas pu lui avouer la vérité c’est autant par loyauté pour l’ainé que par peur que le mensonge vienne briser l’amitié qu’il y avait entre eux. Alors il se reprend, choisit d’ignorer sa remarque pour se concentre finalement sur ce qui importe, sur le pourquoi elle le mérite, pourquoi le Club lui revient et pourquoi Mitchell causera la perte de l’organisation. « Breaking news. Je suppose qu’il vaut mieux que tu t’en rendes comptes un peu tard plutôt que jamais. »   Son regard se voile. Arrêter d’être aveugle au comportement de son frère avait été plus dur qu’il ne voulait l’admettre. Des mois à ressasser chaque moment passé avec Mitchell depuis leur arrivée dans cette ville, des mois à revivre sa discussion avec Raelyn encore et encore.  Puis un choix.  Et chaque minute qu’il passe avec elle ici crée un fossé un peu plus grand avec l’ainé des Strange, rend réel le choix qu’il a fait, la décision prise.

« La rumeur s’est répandue ? Les gens savent ce qu’il a fait ? »   Bien sûr que la rumeur s’était répandue et il ne doutait pas vraiment qu’elle s’en soit assurée. Car dans une organisation où la loyauté était une des premières valeurs, la trahison de celle-ci n’en était que plus dangereuse. « Tu poses la question mais je suis sûr que tu sais déjà la réponse. »  Dit-il simplement. Il n’était pas idiot et si elle n’avait pas voulu que cette rumeur se répande elle ne serait pas sortie. Après tout ils avaient réussi à garder le secret pendant plus de quinze ans jusqu’à ce que ça arrive d’une manière ou d’une autre aux oreilles d’Aberline.

Les plats sont déposés sur la table et il sent son regard sur lui alors qu’il attrape ses couverts, relevant la tête au son de sa voix.   « Je peux te poser une question ? Quand tu m’as accueillie chez toi après la perquisition. Quand tu m’as ramassée à la petite cuillère. Quand t’as tout fait pour m’aider à me relever….  Comment t’arrivais à te regarder dans un miroir ? »  Si cela fait des mois qu’il se torture avec ces questions, des mois qu’il se sent écartelé entre sa loyauté pour l’ainé et celle qu’il lui porte,  il a fini par garder un visage fermé pour ne pas qu’on remarque à quel point ces derniers mois l’avaient plus affecté qu’il ne souhait l’admettre. Il pensait être prêt à lui faire face aujourd’hui, il pensait être prêt à cette question. Pourtant la question blesse de nouveau, la culpabilité s’insinuant dans chaque fibre de sa peau. Il ne quitte pas son regard cette fois. « Je le savais pas quand je suis venue te chercher ce jour là Rae. Je le savais pas pendant des semaines après ça. »    Mais qu’étaient des semaines quand il y avait eu des années après ça ?

« Et les années qui ont suivi…Au début je voulais que ce soit lui qui te le dise. Il repoussait le moment encore et encore. Et au bout d’un moment j’ai arrêté d’insisté. » Il avoue parce que c’est la vérité. Tout simplement parce qu’il savait comment ça allait finir. « J’ai été lâche. Je voulais pas te perdre. T’es pas mon œuvre de charité. T’es mon amie. »  Finit-il pas dire plus doucement. Le résultat avait été le même il l’aurait perdu des années auparavant comme il l’avait perdue l’hiver dernier. Il n’a pas réellement répondu à sa question, tout simplement parce que c’était un problème qu’il avait mis dans un coin de sa tête pour ne pas justement devenir incapable de se regarder dans un miroir comme c’était le cas depuis des mois. Il est certain qu'elle lui renverra les mots en pleine figure pourtant il les prononce malgré tout.

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« Tu poses la question mais je suis sûr que tu sais déjà la réponse. » Un sourire étire mes lèvres pour la première fois depuis que nous nous sommes attablés : dans le mille. Si c’est la piquante Sasha qui s’est chargée de répandre la rumeur, c’est moi qui suis à l’origine de tout ça. La manœuvre est enfantine : comment réagiront les fidèles lieutenants de son frère lorsqu'ils apprendront ce qu’il a fait ? Qu’il a trahi celui qu’il traitait comme un ami ? Qu’il m’a menti à moi pendant toute des années ? A partir de là, qui est à l’abri de sa déloyauté ? « Je vois pas de quoi tu parles. » Je rajoute un haussement d’épaule à cette comédie qui n’en a que le nom : j’assume ce que j’ai fait. Il ne s’agissait que d’un juste retour de bâton, un qu’il aurait dû recevoir il y a déjà des années.

« Je le savais pas quand je suis venue te chercher ce jour-là Rae. Je le savais pas pendant des semaines après ça.  » Un faible rire s’échappe de mes lèvres et je secoue la tête en le quittant des yeux pour m’appliquer à découper une part de lasagnes. Que j’y crois ou pas, quelle importance ? Il a perdu ma confiance. Avant tout ça, je l’aurais cru sur parole. Aujourd’hui, je ne sais plus et je balaye de toute façon la question de mon esprit : le but n’était pas d’avoir une réponse à cette question. Le but était simplement de le mettre face à ses fautes, et si j’en crois son air triste j’y suis parvenue. « Et les années qui ont suivi…Au début je voulais que ce soit lui qui te le dise. Il repoussait le moment encore et encore. Et au bout d’un moment j’ai arrêté d'insister. » « T’as vraiment cru l’espace d’un instant qu’il me le dirait ? » Je laisse à nouveau échapper un rire plus marqué cette fois. « T’es aveugle à ce point en ce qui le concerne ? Il regrette peut-être la tournure que ça a pris.... » Peut-être aurait-il préféré mon ancien compagnon en fuite que mort. « Mais il a eu ce qu’il voulait. Un boulevard jusqu’à la couronne. » Parce que c’est de ça qu’il était question, Alec le sait aussi bien que moi. Il sait aussi qu’Aaron n’en voulait pas, de son foutu titre de leader, seule la paranoïa de Mitchell l’a poussé à le croire.

« J’ai été lâche. Je voulais pas te perdre. T’es pas mon œuvre de charité. T’es mon amie. »
« J’étais ton amie. »

Puisqu’en ce qui me concerne, la page est tournée. Le qualificatif n’est plus de rigueur et ne le sera jamais plus. « Tu me connais mal si tu penses que je peux passer l’éponge. Tu me connais mal aussi si tu penses que je préfère un mensonge à la vérité, simplement parce qu’elle est plus difficile à entendre. » Tu me connais mal si tu pensais me perdre avec la vérité et me garder en me prenant pour une conne. « Je suis pas là pour qu’on se serre la main et que la page soit tournée. » J’ai posé ma fourchette, la discussion me coupe de toute façon l’appétit. « Je suis pas là pour te dire que je te pardonne. Je suis là parce que pour le Club, j’ai besoin d’appuis. » Je prends sur moi pour poursuivre. « J’ai besoin de partenaires. C’est ça que je te propose, pas d’être amis. » J’ai besoin qu’il soit capable de mettre les intérêts du gang avec ceux de son frère, j’ai besoin qu’il fasse le bon choix. « Si tu peux pas t'en contenter, je ferais sans. Mais je préfèrerais pas avoir le faire. »

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« Je vois pas de quoi tu parles. »  L’écho d’un sourire aurait pu presque apparaître sur son visage face à cette fausse innocence, il la reconnaissait bien là. Ce n’était pas une surprise.

Il est idiot d’avoir pu penser éviter ce sujet-là, qu’elle ne poserait pas la question, qu’elle ne soulignerait pas la révélation de ces mensonges qui ont mis fin à leur amitié. Il tente encore une fois de se justifier, de lui jurer qu’il ne savait rien lorsqu’il est venu la soulever de ce parquet ensanglanté, lorsqu’il est resté à ses côtés pendant des jours après ça alors qu’elle refusait de parler et refusait de vivre. Mais son rire lui renvoie à la figure toute tentative de justification, appondit un peu plus le fossé qui les sépare aujourd’hui et qui ne fait qu’augmenter sa frustration. Il déteste d’avoir en face de lui une des personnes qui le connait le mieux, si ce n’est celle qui le connait le mieux en dehors de son ainé, se comporter comme si elle ne connaissait plus rien de lui. Il déteste le rire froid qu’elle lui adresse, plus que tout il se déteste pour avoir perdu sa confiance et pour l’avoir perdue tout court.

« T’as vraiment cru l’espace d’un instant qu’il me le dirait ? »  Son regard s’échappe pour ne plus la regarder elle mais les passants à travers la vitre, sa mâchoire se serrant. Bien sûr qu’il y avait cru, il y avait cru dur comme fer et cela lui avait servi de justification parfaite pour ne jamais affronter ses torts à lui. « T’es aveugle à ce point en ce qui le concerne ? Il regrette peut-être la tournure que ça a pris.... »  Même lui n’en était plus sûr aujourd’hui, Mitchell le regrettait-il réellement ? Le voile avait été levé de ses yeux et il n’arrivait plus à voir le bon dans les actes de son frère, que le mauvais. « Mais il a eu ce qu’il voulait. Un boulevard jusqu’à la couronne. »   Son ami est mort pour rien, n’avait jamais voulu de cette couronne et comme toujours Mitchell avait pensé le pire. Là où Alec avait été pour contrebalancer beaucoup des actes de son frère, pour le raisonner et même pour retenir sa main, il n’avait pas pu empêcher la mort d’Aaron, tout comme il n’avait pas pu empêcher beaucoup de choses après ça, Mitchell se confiant de moins en moins à lui. Il croise de nouveau le regard de Raelyn,  sa voix neutre mais déterminée alors qu’il répond « Je suis là non ? J’ai arrêté d’être aveugle. » Mieux valait tard que jamais.

« J’étais ton amie. »  Il s’y attendait à cet usage du passé et pourtant les mots le déchirent plus qu’il ne l’admettrait jamais, son regard plus sombre. Il ne répond rien, se force à se dire qu’il la récupérera, qu’elle lui pardonnera, qu’il fera tout pour regagner sa confiance, qu’elle ne pourra pas effacer complètement leur amitié, si ?

« Tu me connais mal si tu penses que je peux passer l’éponge. Tu me connais mal aussi si tu penses que je préfère un mensonge à la vérité, simplement parce qu’elle est plus difficile à entendre. »   Il aimerait lui dire alors que ce n’est pas qu’il la connait mal, simplement qu’il n’a pas d’autres choix que de croire en son pardon futur sinon il n’arriverait pas à se regarder dans une glace. Il n’effacera pas sa lâcheté, mais est incapable de juste oublier leur amitié.  « Je suis pas là pour qu’on se serre la main et que la page soit tournée. »  Ni elle ni lui ne touchent à leur plat et Alec joue avec le pied de son verre de vin à défaut de pouvoir s’allumer une cigarette qui lui semble de plus en plus nécessaire.  

« Je suis pas là pour te dire que je te pardonne. Je suis là parce que pour le Club, j’ai besoin d’appuis. J’ai besoin de partenaires. C’est ça que je te propose, pas d’être amis. Si tu peux pas t'en contenter, je ferais sans. Mais je préfèrerais pas avoir le faire. »   Il reste silencieux un instant,  son regard parcourant son visage, observant son regard froid, y cherchant les souvenirs de leur amitié, n’y trouvant rien. Il faudra du temps, c’est ce qu’il se répète encore et encore, il faudra du temps mais il finira par obtenir son pardon.  Il est naïf sans doute ou simplement trop affecté par le fait d’avoir finalement perdu dans un même coup ses deux piliers, son frère, et elle. Il n’a jusqu’ici rien gagné dans ce jeu, a la terrible impression de continuer à perdre. « Je m’en contenterai. » Un mensonge, mais un mensonge prononcé avec détermination, le visage plus froid pour cacher la peine. « Tu attends quoi de moi ? » demande-t-il simplement. Il n’avait jamais eu les capacités à diriger de Mitchell ou de Raelyn, mais s’il y avait quelque chose dans lequel il avait été bon c’était être un bon lieutenant, elle avait besoin d’un appui, d’un partenaire, c’était ce qu’il serait.

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Raelyn Blackwell & @Alec Strange

« Je suis là non ? J’ai arrêté d’être aveugle. » Alec est laconique, Alec est visiblement déçu et en colère - contre qui ? - et je me fais la réflexion qu’il n’en a pas le droit. Il n’a pas le droit de s’offusquer de la façon dont je me comporte avec lui. Il n’a pas le droit de s’offusquer d’avoir perdu la place qu’il occupait dans mon coeur et il n’a certainement pas le droit de s’offusquer de me voir tout remettre en question : si c’est ma confiance qu’il voulait conserver contre vents et marées, il aurait dû me dire la vérité. Le fait est qu’il peut s’inventer toutes les excuses du monde pour dormir un peu plus facilement la nuit, mais il a fait un choix. Quand il a dû choisir entre son frère et moi il a choisi le premier et, si je ne peux revenir en arrière, si je ne suis personne pour lui dire qu’il aurait dû abandonner Mitchell à mon profit, j’ai le droit de tirer un trait sur notre amitié sans être la méchante de l’histoire. Je l’ai gagné quand il m’a menti pendant plus d’une décennie, je l’ai gagné quand il se sont bien foutu de ma gueule tous les deux.

Qu’il ait arrêté de se voiler la face sur la vraie nature de son frère est un bon point, mais pour lui, uniquement pour lui et aujourd’hui je ne me sens plus concernée. Mitchell va droit dans le mur et, si Alec souhaite se joindre à lui, grand bien lui fasse : j’ai cessé de m’en faire pour les frère Strange, j’ai cessé de m'intéresser à leur sort et je suis au contraire intimement persuadée qu’il finiront pas récolter ce qu’ils ont semé. « T’es là. » Je marque une pause et, si je porte mon verre de vin à mes lèvres, je ne touche pas mon assiette : je ne peux rien avaler en sa présence. « Mais ça veut pas dire que je te fais confiance. » Qui me dit qu’il ne foncera pas tout répéter à Mitchell dès qu’il en aura l’occasion ? Qu’il élaborera avec son aîné des plans pour me nuire ? J’ai besoin de lui pour mettre mes projets à exécution, j’en ai conscience, mais pour ça il faut que je sois capable de me fier à lui, de croire en sa bonne foi et je ne sais pas comment y parvenir : je ne suis pas du genre à tendre l’autre joue. « Je m’en contenterai. » « Au nom de quoi ? » Alec, bras droit de Mitchell, chef cuisinier du restaurant, figure importante du Club, comment suis-je supposée le croire sur parole lorsqu’il prétend qu’il se contentera de devenir un partenaire de façade ? J’ai besoin de preuves de ce qu’il avance sans savoir lesquelles pourraient me convaincre de sa bonne foi. « Tu attends quoi de moi ? » Autant jouer carte sur table : sans lui donner la moindre information qui pourrait me compromettre, j’ai besoin de savoir ce qu’il a dans le ventre et si ce sera suffisant. J’ai besoin de savoir qu’il sait ce qui l’attend et qu’il ne flanchera pas devant le fait accompli. « Pour l’instant, rien de plus que ce que tu fais déjà. Empêcher Mitchell de tout faire imploser. » Je n’ai pas besoin de réfléchir : cette partie là je la maîtrise. « Montrer subtilement que parfois, tu es en désaccord avec lui. » M’aider à implanter le doute chez ceux chez qui il n’est pas encore présent. Ils se font de plus en plus rares, mais j’ai besoin d’autant d’alliés que je pourrai en obtenir. « Et te ranger à mes côtés le jour où j’agirai. » Je n’ai pas l’intention de lui en révéler plus sur le comment. « Reprendre ta place de bras droit. Me soutenir publiquement. » Je sais faire semblant, en-est-il seulement capable de son côté ? « Et quand ce sera fait, ne plus jamais entrer en contact avec lui. » Je plante mon regard dans le sien, cherchant à sonder son âme à travers ses réactions. Il prétend avoir fait un choix, est-il capable de l’assumer ?

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« T’es là. Mais ça veut pas dire que je te fais confiance. »  Il la regarde boire une gorge de son verre de vin. Son regard brille de tristesse.    Leur amitié lui semble bien loin. Il ne comprend pas comment cette omission a pu effacer quinze ans d’amitié et de loyauté. Ou plutôt, s’il comprend parce qu’il la connait, parce qu’il sait qu’elle est rancunière et qu’il a brisé sa confiance, il n’accepte pas que ce mensonge puisse réduire à néant leur amitié.

« Au nom de quoi ? »   « A ton avis Rae ? Au nom de toi. »  répond-t-il d’un ton qui se veut calme mais qui ne cache pas une colère, qui n’est pas entièrement dirigée contre elle mais contre le Club, contre Mitchell, contre cette vie et contre ses choix.  Au nom de quoi, se contentera-t-il de ça ?  « Tu veux que je me contente d’être un partenaire de façade je le ferai et je finirai par et te prouver que je suis digne de ta confiance et de ton amitié.  J’étais peut-être ton ami, mais tu es toujours la mienne. »   Il y a une certaine détermination dans son regard, la volonté de se prouver aussi.

« Pour l’instant, rien de plus que ce que tu fais déjà. Empêcher Mitchell de tout faire imploser. »  Cette partie-là était simple, car ce n’était pas un choix qu’il ne faisait que pour elle. Il le faisait pour le Club, il le faisait par loyauté pour les gens qui travaillaient pour eux, pour cette famille qu’il avait construite et choisie.   « Montrer subtilement que parfois, tu es en désaccord avec lui. »   Pour la partie subtile on repassera, la tension était palpable entre les frères et si Alec faisait au mieux pour maintenir les apparences, cela devenait de plus en plus dur car c’était une vie entière de choix et de chemins choisis qu’il remettait en question.

« Et te ranger à mes côtés le jour où j’agirai. » Il observe son visage froid, hochant simplement la tête. Cette partie-là, il ne serait pas ici si ce n’était pas le choix qu’il avait décidé de faire. « Reprendre ta place de bras droit. Me soutenir publiquement. »  Il avait bien compris qu’elle avait besoin de lui, mais pas de l’ami, juste de la personne qu’il était dans cette organisation, du respect qu’on avait pour lui et pour ses décisions et si même lui décidait de soutenir Raelyn contre son propre frère, cela viendrait parfaire ce tableau où était dépeint la traitrise de Mitchell Strange et le triomphe de Raelyn Blackwell. Lui n’y voyait pas d’autre intérêt que lui prouver qu’elle pouvait lui faire confiance, qu’il était son ami et qu’il le resterait peu importe ce qu’elle pensait.  Un moyen comme un autre de se racheter. Si elle lui demandait de s’investir plus pour les intérêts du Club il le ferait.

« Et quand ce sera fait, ne plus jamais entrer en contact avec lui. » Elle est là la partie difficile, celle qui fait se fermer un peu plus son visage, qui contracte un peu sa mâchoire. Il n’est pas idiot, il sait pertinemment qu’il n’aurait pas pu continuer le voir, il n’en avait pas envie à vrai dire. Il ne voulait plus de l’ainé dans sa vie et voulait qu’il soit le plus loin possible de lui. « Et lui comment tu comptes l’empêcher d’entrer en contact avec moi ? » Si lui pouvait très bien décider de couper les ponts avec son ainé, il n’était pas sûr que son frère en soit capable, qu’il digère facilement cette trahison. « J’en ai fini avec Alex. »  dit-il simplement, l’emploi de son véritable prénom rendant plus sincère cette affirmation, car il ne veut plus jamais le suivre aveuglement, il ne veut plus passer sa vie à tenter d’empêcher les erreurs de l’ainé sans penser à lui et à sa propre vie.

« T’as l’intention de le faire tomber ou tu veux une solution bien plus définitive ? » demande-t-il cette fois ci en plongeant son regard dans le sien pour y chercher quoique ce soit de ce qui les avait liés pendant des années. Il n’a pas prononcé le mot tuer dans ce restaurant mais ils savent tous les deux ce qu’une solution plus définitive implique. Jusqu’où est-elle prête aller ?  Jusqu’où souhaite-t-elle obtenir vengeance ? Jusqu’où surtout lui est-il prêt à aller pour récupérer son amitié ? Il se doute qu’elle ne lui partagera aucune information, elle ne lui fait pas confiance, ne lui fait plus confiance. Mais cette question-là, il ne peut pas s’empêcher de la poser, parce qu’il ne pense pas être capable d’être responsable de la mort de son frère. Que dira-t-il si elle lui que c’est sa mort qu’elle veut ? Il n’y a pas réfléchi, n’a pas analysé chaque conséquence derrière chacun de ses gestes. Il se dit prêt à trahir l’ainé, il est prêt à couper définitivement les liens qui les unissent, les liens qui sont devenus des ancres le tirant au fond de l’océan,  mais est-il prêt à plus que ça ?

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Raelyn Blackwell & @Alec Strange

« A ton avis Rae ? Au nom de toi. » S’il espère une réaction de ma part, que je fonde enfin en larme et lui tombe dans les bras en réalisant que notre amitié est plus forte que la trahison et les mensonges, il se fourre le doigt dans l'œil. Je n’ai que faire de ses belles paroles : la sienne n’a plus la moindre valeur à mes yeux. « Tu veux que je me contente d’être un partenaire de façade je le ferai et je finirai par te prouver que je suis digne de ta confiance et de ton amitié.  J’étais peut-être ton ami, mais tu es toujours la mienne. » « Tu me trouves dure. » Ce n’est pas une question et je n’attends pas la moindre réponse. J’ai passé assez de temps à son contact pour être capable de percevoir sa déception et sa détresse, mais je n’ai pas l’intention de m’en émouvoir. Persuadée qu’il n’a que ce qu’il mérite, mon visage ne s’adoucit pas le moins du monde et s’il y a bien un jour où j’ai mérité le surnom que les quidams du Club me collent en pensant que je l’ignore - la reine des glaces - c’est aujourd’hui. Je suis de marbre face à cet ami d’autrefois, ce traître d’aujourd’hui. « Mais ça c’est parce que t’as la bonne place. Tu peux pointer du doigts les agissements de Mitch autant que tu veux, tu savais. » Et par conséquent, je n'octroie pas à son jugement le droit d’avoir la moindre emprise sur moi, pas plus que sur mes émotions.

« Et lui comment tu comptes l’empêcher d’entrer en contact avec moi ? »
« Si tu réponds pas à ses sollicitations, il se fatiguera. Il abandonnera. »

Parce qu’il est loin d’être tenace Mitchell : au contraire, je ne le perçois plus que comme un faible, un lâche de la pire espèce et qu’Alec ne s’avise pas de rester en contact avec son frère avec cette simple excuse : ce n’est pas ma faute, c’est la sienne. « Pas le moindre contact. C’est pas négociable. » Je répète, comme pour enfoncer l’affirmation dans sa tête d’un coup de marteau. « J’en ai fini avec Alex. » « Très bien. Mais si tu fais ce choix, il faudra l’assumer. » Chaque jour que dieu fait. Même quand son frère l’appellera à l’aide et qu’il le suppliera de lui tendre la main. Même lorsqu’il tentera de le manipuler et d’utiliser son affection pour lui contre moi. Même lorsqu’il tentera d’endormir sa méfiance en invoquant leur lien du sang. Si Alec espère se racheter, ce dont je suis sûre c’est que le moindre faux pas lui serait fatal : une fois mais pas deux.

« T’as l’intention de le faire tomber ou tu veux une solution bien plus définitive ? »
« Tu devrais même pas poser cette question si t’en as fini avec lui. »

Et surtout, je suis loin d’avoir assez confiance en lui pour partager avec le brun les moindre détails d’un plan qui n’existe pas encore. Il en sera tenu à l’écart, un partenaire de façade, il l’a pourtant bien compris. « Tout ce que je peux te dire c’est que cette décision-là ne m’appartient pas. » Qu’il y croit ou non, il y a des gens qui méritent plus de décider du sort de ce rat que moi. Il y a des gens qui ont perdu encore plus que moi à cause de lui, et je n’ai pas l’intention de refuser à Amos cette décision : c’est mon amant qui détient entre ses doigts le fil de vie de Mitchell et qui décidera de le couper ou non.

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« Si tu réponds pas à ses sollicitations, il se fatiguera. Il abandonnera. »

Elle semble y croire. Il n’en est pas si persuadé. Peu importe la distance qu’il mettrait entre son frère et lui, peu importe la trahison, il ne se débarrasserait pas de son ainé aussi facilement. Cela ne voulait pas dire que ce serait en bien. Il savait pertinemment ce qu’il risquait. Sa vengeance. « Pas le moindre contact. C’est pas négociable. »  Alec hoche la tête, puisant dans tout ce que son ainé a fait. Non il en a fini, il n’est plus capable de le suivre, plus capable de se laisser entraîner dans ses actes irréfléchis et paranoïaques.

« Très bien. Mais si tu fais ce choix, il faudra l’assumer. »  Il observe les traits de son visage, son regard si froid, plus froid qu’il n’a jamais été avec lui. Il fut un temps où ce repas aurait été tout autre, où ils auraient mangé ici pour le plaisir de la discussion, où elle n’aurait pas été si glaçante et intransigeante avec lui. Ce temps où elle était son amie. Alec serre les dents,   parfaitement conscient du fait qu’il devra assumer. Il ne se rend simplement pas compte de la culpabilité déchirante que cela impliquera. S’il pense savoir que cela sera dur, il ne réalise pas qu’on ne trahit pas quelqu’un à qui on a voué une vie entière du jour au lendemain. Que plus que tout, le lien qui l’unit à son frère a été forgé dans le sang. Le leur, comme celui de leur père, tout comme le sang de tous ceux qui sont un jour venus se mettre sur le chemin de Mitchell.

« Je sais. »    Non il ne sait pas au fond. Il ne réalise pas la solitude que ce sera. Il ne réalise pas qu’il n’obtiendra jamais le pardon de la femme en face de lui, que l’espoir est futile, qu’il choisira mal, qu’il sera détesté par les uns comme par les autres.  En cet instant il croit en sa loyauté pour le Club, il croit à cette famille qu’il ne veut pas laisser tomber, celle qu’il a choisie, mais il croit en elle, même si elle ne croit plus en lui.

« Tu devrais même pas poser cette question si t’en as fini avec lui. » Il ne touche plus à son plat, il n’a plus faim. Cette conversation lui a coupé l’appétit. Est-il seulement capable d’être responsable de la mort de Mitchell ? Est-il capable d’être responsable de la mort de deux membres de sa famille ?  Elle ne lui fait pas confiance, ne lui donne aucune information et c’est peut-être mieux ainsi. Cela lui permet de rester aveugle, de ne pas savoir.   « Tout ce que je peux te dire c’est que cette décision-là ne m’appartient pas. »  A qui cette décision appartient alors ?   « Quoi c’est Amos qui décide c’est ça ? »  ile ne peut s’empêcher de lancer , essayant de comprendre, essayant malgré lui d’en savoir plus. Il finit son verre de vin. A quoi jouent-ils avec ce repas ?  Quelle est cette amitié pour laquelle il tente désespérément de se battre quand il est clair qu’elle n’existe plus à ses yeux ?  Il s’y accroche pourtant avec désespoir à l’idée qu’il se rachètera, qu’elle lui pardonnera. Il n’a pas le choix, sinon cela veut dire que sa trahison ne voudra rien dire.

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