MERRY & CLYDE Bad blood Now we got problems And I don't think we can solve them You made a really deep cut And, baby, now we got bad blood

Dire que Noël ne représentait rien aux yeux de Clyde aurait été un euphémisme, car en réalité, cela représentait plutôt tout ce à quoi il n’adhérait en rien. Plus jeune, il avait chaque année dû supporter les commentaires de ses camarades ressassant encore et encore à quel point Noël était la meilleure période de l’année, quand lui-même n’y voyait là qu’un mois de plus durant lequel sa mère se montrait aussi désintéressée de lui que d’habitude. Évidemment que cette dernière avait, dans ses meilleurs moments, tenté de se montrer à la hauteur de l’évènement en lui offrant quelques cadeaux qu’elle pouvait alors se permettre d’acheter - mais en réalité, cela n’avait jamais suffit à combler le reste de l’année où son comportement n’était pas digne d’une bonne mère. Au fond, Clyde ne lui en voulait même pas, car il savait à quel point ces manquements relevaient de sa condition et de sa maladie. Néanmoins, une fois adulte, il n’avait pas tardé à rejoindre le camp de ceux ne voyant dans Noël que l’opportunité d’une fête commerciale de plus, là où il n’avait plus de famille avec qui le fêter - alors qu’il n’avait pas réellement envie de traverser la moitié du pays pour rejoindre sa mère. Ou du moins, pas de famille qu’il connaisse, n’ayant pas encore fait toute la lumière sur ce père inconnu dont il avait néanmoins retrouvé le nom.

Toutefois, cela ne voulait pas dire qu’il n’était pas entraîné malgré lui dans l’esprit de Noël qu’il croisait tout autour de lui, chez des connaissances, des collègues, dans sa résidence même. Son service chez ABC avait décidé qu’il serait judicieux, pour souder l’équipe, d’organiser une sorte de Secret Santa - idée à laquelle Clyde se serait opposé, si seulement il n’avait pas été le seul à partager cette opinion. Il s’était donc retrouvé sur le marché de Noël de la ville après la fermeture des bureaux, ayant garé en vitesse sa voiture à proximité. Il n’était pas suffisamment étranger au concept de cadeau pour ne pas savoir quoi acheter, et il ne lui avait donc pas fallu bien longtemps pour se munir d’une belle composition de friandises et de vins, alors qu’il déposait le tout dans son coffre pour s’en aller aussi vite qu’il était venu. Il était sur le point d’ouvrir la portière conducteur lorsqu’un bruit de tôle froissée le fit sursauter. Sa voiture trembla un instant avant de se stabiliser, tandis qu’il jetait un regard meurtrier à l’arrière - à cette autre voiture qui venait de rentrer dans la sienne allégrement. Et merde. Comme si parcourir le marché de Noël en quête d’un cadeau dont il n’avait strictement rien à faire n’était pas suffisant, il fallait en plus que sa voiture finisse en débris au passage. “Eh, mais ça va pas!” qu’il cria à l’attention de la conductrice qui sortait enfin de son véhicule. “Vous pouvez pas regarder avant de reculer, sérieusement?” Il ne lui en avait pas fallu davantage pour perdre son calme, comme si cet incident servait de cerise sur le gâteau à une fin de journée des plus médiocres.

Heureusement pour Clyde, sa Mazda avait à ses yeux bien moins d’importance que sa bécane. Si quelqu’un avait eu le malheur d’y toucher, il serait déjà dans une colère noire dont rien ne pourrait l’en sortir, ce qui n’était pourtant pas encore le cas alors qu’il s’approchait d’arrière de sa voiture pour constater l’ampleur des dégâts - non sans avoir hurlé sur la responsable de tout cela au passage. “Oh ça va calmez-vous! Vous croyez vraiment que j’ai fait exprès!” Oh qu’elle allait passer un sale quart d’heure si elle pensait que lui crier dessus à son tour allait l’aider à se sortir de cette situation qui commençait à faire bouillir le brun de l’intérieur. Il allait répliquer par une pique loin d’être polie, lorsqu’elle finit enfin par s’approcher et se départir de son ton accusateur. “Je suis vraiment désolée!” Il ravala son insulte sans pour autant considérer qu’elle pourrait s’en tirer si facilement, alors que tout l’arrière de sa voiture était embouti et qu’un bout traînait désormais au sol. “Ouais enfin, vous avez vu comme vous êtes garée aussi?!” A moitié sur le trottoir, en travers - à se demander comment elle avait pu se garer sans toucher sa voiture en premier lieu.

Les raisons de la brune pour s’être garé aussi mal ainsi que son empressement à partir ne le regardaient pas, mais il était bien soudainement bien trop agacé par cette tuile imprévue pour réussir à rester vraiment calme. Il n’avait pas que ça à faire - une pile longue comme le bras d’interviews à retranscrire l’attendait, et il savait déjà qu’il en avait pour des heures. Pour autant, il ne pouvait tout simplement pas repartir alors qu’un morceau de sa carrosserie touchait le sol. “Vous croyez que l’on peut vite régler ça?” “Qu'est-ce que vous voulez que j'vous dise?” Il ne criait plus désormais, mais son ton trahissait son agacement plus que palpable. C’était le comble, à croire qu’il la retenait désormais, alors qu’elle était pourtant responsable de la situation dans laquelle ils se retrouvaient maintenant. “Moi aussi j’ai autre chose à faire, mais je repars pas avec mon pare choc démonté comme ça.” Mine de rien, la voiture avait coûté une sacrée somme, et il était hors de question que l’assurance qu’il payait un bras tous les mois ne lui serve à rien. “Vous avez une assurance?” Et s’il venait à la brune l’envie de filer et de le laisser en plan, il avait déjà mémorisé sa plaque - juste au cas-où.

“Vous n’avez jamais été pressée dans votre vie au point de faire tout au plus vite?” Bien évidemment que si, mais le brun était tellement agacé par la situation qu’il n’avouerait jamais que cela arrivait à tout le monde, y compris à lui. Néanmoins, il y avait un pas entre mal se garer et gêner le passage, et littéralement rentrer dans une autre voiture au point d’en détacher une partie de carrosserie - chose que lui n’avait jamais fait, en revanche. Il avait eu des accrochages par le passé, mais rien où la faute lui incombait totalement. “Puis vous savez, comme on dit, les femmes au volant…” Clyde leva un regard sceptique vers la brune, alors qu’il retenait depuis le départ de faire un tel commentaire de peur de passer pour un machiste de première - ce qu’il ne se considérait pas être. Et voilà qu’elle lui tendait la perche aussi facilement - autant dire que cette fois, il n’allait pas s’en priver, alors qu’un rire s’échappait de ses lèvres. “Ouais, je sais.” Et je valide, qu’il aurait pu ajouter. Visiblement, tous deux connaissaient la suite de la phrase, alors inutile d’enfoncer davantage le couteau dans la plaie alors qu’il avait déjà suffisamment crié. Le principal était désormais de trouver une solution pour qu’il ne reparte pas avec la moitié de sa voiture traînant par terre.

“Vous connaissez quelqu'un capable de vous dépanner rapidement?” Il connaissait plusieurs personnes qui pouvaient passer le récupérer et le ramener chez lui, mais ça s’arrêtait là. “J’ai pas de dépanneur dans mes contacts, non” qu’il répondit d’un ton sec avant d’ouvrir son vide poche pour en sortir un constat - si la jeune femme avait une assurance, cet accrochage resterait un mauvais contretemps qui finirait bien par se régler, après tout. “Oui je suis assurée. Je suis peut-être une piètre conductrice mais je suis assurée. Si vous voulez tout savoir, ce n’est pas une voiture volée. Vous ne risquez pas de devoir sortir un cent de votre poche!” Loin de lui l’idée d’imaginer un instant qu’elle soit le genre de personne à conduire une voiture volée, mais son agacement eu étonnamment pour effet de réduire le sien, alors qu’il se calmait peu à peu en réalisant qu’elle ne comptait pas le laisser sur le carreau sans contact ni constat. "Ça va, alors.” Clyde était peu loquace lorsqu’il était énervé, et même si la tension redescendait peu à peu, il n’en était pas au point de vouloir se montrer particulièrement sympathique. “Vous croyez que vous pouvez quand même rentrer chez vous et faire les réparations plus tard? Toute façon je paierai les dégâts quoi qu’il en soit, c’est le minimum que je puisse faire!” Il remplit les premières informations du constat avant de le tendre à la brune, ainsi que son stylo. “Les assurances gèreront la suite, alors. Mais j’vais devoir appeler un dépanneur, je peux pas rouler avec de la carrosserie qui traîne par terre.” Et l’idée d’attendre ne l’enchantait pas du tout, car il avait très clairement d’autres choses à faire. “Elle a rien la vôtre?” Dans toute cette histoire, il n’avait même pas pris le temps de regarder les dégâts que pouvaient avoir la voiture de la jeune femme.

Plus le temps filait, plus la tension redescendait, alors que Clyde réalisait qu’il ne s’agissait que de dégâts matériels et qu’il avait connu pire. Si la colère s’était emparée de lui lorsqu’il avait entendu le choc, il savait pourtant que cela ne servait à rien d’envenimer la situation, et qu’elle ne se règlerait pas plus facilement s’il se mettait à insulter son interlocutrice - au contraire. Alors, bon gré mal gré, il avait fini par se calmer pour se montrer pragmatique, évaluant les dégâts subis par sa voiture qui ne risquait pas de repartir, au risque de laisser un morceau de carrosserie sur la route, ce qui deviendrait réellement dangereux. “Vous voulez peut-être que je vous ramène chez vous après? Mais je comprendrais que vous ayez peur de monter en voiture avec moi.” Alors qu’il avait commencé à pianoter sur son téléphone pour appeler le dépanneur le plus proche qu’il pouvait trouver sur internet, la question de la brune le fit relever les yeux. Au-delà du fait qu’il n’avait en effet qu’une confiance limitée en ses capacités, il était de toute façon en capacité de se payer un taxi - ce qu’il comptait donc bien faire, alors que son appartement n’était pas si loin. Toutefois, l’offre de la jeune femme lui tira un semblant de sourire poli, à défaut d’être réellement reconnaissant. “Vous embêtez pas, je vais appeler un taxi.” Elle aurait pu s’embêter puisqu’il s’agissait de sa faute, mais à partir du moment où elle avait attrapé le constat sans broncher, il n’allait pas continuer à s’évanter devant elle alors que les assurances allaient prendre la suite. Tant que le problème finirait par être réglé, il n’était pas stupide au point de hurler sur une pauvre femme qui ne pouvait rien faire de plus que remplir les informations demandées.

Elle finit par jeter un coup d'œil à sa propre voiture alors qu’il regardait à son tour, même si - en apparence du moins - elle semblait pouvoir rouler. “Elle est en meilleur état que la vôtre. Même si elle devra passer au garage pour réparer la carrosserie.” Clyde opina de la tête - tant qu’elle pouvait repartir, il n’avait pas grand chose à ajouter, puisqu’elle verrait bien de son côté avec sa propre assurance par la suite. “Par contre, c’est la première fois que je dois remplir ce truc. Je ne sais pas trop ce qu’il faut faire après avoir complété mes coordonnées.” Ce n’était pas la première fois que Clyde complétait un constat, mais il se garda cette fois bien d’en faire la remarque - après tout, la jeune femme avait peut-être fait une erreur qui ne lui arrivait jamais, auquel cas elle s’en souviendrait et ils en resteraient là. Il attrapa donc le constat avant de remplir ses coordonnées à son tour, puis de commencer à dessiner vaguement la position des voitures lors de l’accrochage. Il tendit à nouveau le papier à la jeune femme après avoir coché les cases indiquant qu’elle était en tord. “J’ai rempli le reste, tout ça c’est pour indiquer les détails du sinistre” qu’il précisa en montrant bien qu’elle était donc jugée responsable, que la jeune femme signe tout de même le papier en connaissance de cause, alors que lui apposait déjà sa signature dessus. “Si c’est bon pour vous, signez là et j’enverrai tout à l’assurance. Ils vous contacteront directement pour les réparations.” Et il espérait de son côté que les siennes seraient rapides - mais à défaut, il utiliserait sa bécane d’ici-là.

Enfin, il réussit à avoir un dépanneur au téléphone, qui lui indiqua pouvoir être là d’ici une dizaine de minutes - ce qui aurait pu être pire, clairement. “Le dépanneur arrive bientôt, c’est bon.” Le brun avait adopté un ton plus calme où l’agressivité avait déserté, maintenant que la situation rentrait dans l’ordre. “Désolé d’avoir crié, mais je m’en serais bien passé. Cela dit j’imagine que vous aussi.” A en juger par la tête d’effroi qu’elle avait tiré lorsqu’elle avait réalisé sa connerie, en effet, elle n’en était pas ravie non plus. “Pas besoin d’attendre si vous êtes pressée. Normalement tous les papiers sont bons, mais l’assurance vous contactera s’ils ont besoin.” Et cette journée qui avait si bien commencé et si mal terminé pourrait enfin toucher à sa fin, une fois qu’il serait enfin chez lui.

Spoiler:

@Clyde Wakefield ““Vous embêtez pas, je vais appeler un taxi.” Je souris à cette réponse. Je ne pouvais pas le forcer à m’utiliser comme taxi. Après tout, j’avais été aimable en lui proposant de le raccompagner si mon aide ne lui servait à rien, c’était son choix et je l’acceptais. « Comme vous voulez. » rajoutais-je simplement. Au moins je ne passais pas pour la petite garce sans cœur, juste bonne à gueuler sur les gens alors que je suis totalement en tort. Au moins j’arrive à me prouver à moi-même que je peux encore être sympathique et gentille. A la suite je jetai un œil à ma voiture. Depuis que j’étais sortie après le choc que j’avais engendré en reculant au lieu d’avancer, je n’avais même pas pensé à regarder les dégâts que j’avais provoqués sur mon propre véhicule.

Heureusement, je pouvais rapidement rentrer chez moi au vu que tous les morceaux tenaient encore sur ma voiture. Il était temps de remplir le constat et même si je n’aime pas reconnaitre que je suis incapable de faire certaines choses, j’avais avoué à cet inconnu ne même pas savoir comment remplir un constat. Autant être honnête que de faire n’importe quoi en remplissant des données erronées dans le constat. Ce serait un problème si les assurances devaient faire les démarches nécessaires pour en savoir plus. “J’ai rempli le reste, tout ça c’est pour indiquer les détails du sinistre” Je jetai alors un œil sur ce qu’il avait dessiné. Etant totalement en tort je ne trouvai rien à y redire. Je ne pouvais qu’acquiescer.  “Si c’est bon pour vous, signez là et j’enverrai tout à l’assurance. Ils vous contacteront directement pour les réparations.” Je jetai un dernier coup d’œil. On m’avait toujours appris à ne jamais signer quelque chose sans relire tous les détails. « Tout me semble parfait. J’attendrai de leurs nouvelles. » J’apposai alors ma signature sur le constat. Je ne pouvais rien faire de plus à part attendre et espérer que ça ne me coute pas trop cher et que je ne serai pas obligée de manger des pâtes pendant des mois. Je suis loin d’être pauvre mais je ne suis pas riche pour autant. J’ai simplement un peu d’argent de côté.
 
“Le dépanneur arrive bientôt, c’est bon.” J’étais ravie que les choses se passent aussi rapidement. Je me serais sentie encore plus mal s’il avait dû attendre encore longtemps. Je souris en guise de réponse.   “Désolé d’avoir crié, mais je m’en serais bien passé. Cela dit j’imagine que vous aussi.” Je n’allais pas dire le contraire. Je me serais bien passée de toute cette mésaventure mais c’était dans la continuité de la journée. . « Y a pas de problème, c’était compréhensible. Mais vous avez raison, je m’en serais bien passé. Mais au vu de la journée que je viens de passer, elle ne pouvait pas se terminer autrement. » Cependant la journée est loin d’être terminée. Il se pourrait qu’il m’arrive encore des incidents pires que ceux que j’ai déjà eu à affronter en cette journée. Pas besoin d’attendre si vous êtes pressée. Normalement tous les papiers sont bons, mais l’assurance vous contactera s’ils ont besoin.” Comme il n’avait pas besoin de mon aide pour rentrer, je ne voyais pas ce que j’aurais pu faire d’autre en restant là bêtement à attendre. Puis ma compagnie ne doit sans doute pas lui faire plaisir, après ce qu’il endurait à cause de moi. « Je vais vous libérer de ma présence, vous vous en porterez mieux. Encore désolée pour tous ces désagréments. J’aurais préféré vous rencontrez dans d’autres circonstances. » dis-je sincèrement. Je doute cependant qu’il apprécie recroiser un jour ma route, même si cela devait mieux se passer qu’aujourd’hui. « Bon courage avec votre voiture et au revoir ! » dis-je simplement avant de retourner vers ma voiture pour rentrer chez moi. Je n’avais plus le courage ni la tête pour faire quoi que ce soit d’autre.  

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