« COUPEZ! »

T’as même pas besoin de voir le regard de la réalisatrice (une femme, plus belle découverte que tu as fait lors de ton arrivée à Los Angeles) pour savoir qu’elle n’est pas satisfaite de la scène qui vient d’être filmé. Si tu es cent pour cent honnête, tu ne l’es pas non plus. Il n’y a pas grand-chose de ce tournage qui se passe comme tu l’avais imaginé après tout. Le plus gros problème – et tous les autres qui découlent – est certainement le fait que tu n’as pas adressé un mot à Rory en tant que Penny. Ou du moins, pas un mot n’ayant pas un lien quelconque avec le personnage d’Annabel ou celui de Jake. Personnages terriblement peu développés aux répliques clichées et mâchées dans toutes les comédies romantiques produites par le passé. La seule chose censée être d’intérêt entre ces deux-là, c’est la chimie qui existe entre eux. Et si autrefois votre chimie est palpable, ce n’est plus le cas. Ce n’est pas la première fois que tu travailles sur un projet qui ne t’emballe pas particulièrement. Ce n’est pas non plus la première fois que les relations de travail sont un peu difficiles. C’est la première fois toutefois que tu te retrouves dans une situation aussi insupportable que celle-ci. Tes mains jusqu’à maintenant liées à celles de Rory se détachent instantanément alors que la voix de la réalisatrice résonne sur le plateau de tournage. Tu ne sais pas ça fait combien de fois que vous reprenez cette scène, t’as l’impression que ça fait au moins une centaine de fois, mais vous êtes incapable de passer au travers. Il y a un baiser à la fin de la scène, le premier baiser échangé entre Annabel et Jake et pas une fois vous vous êtes rendus à ce moment. Pas une fois avez-vous été en mesure de passer au travers de la scène au complet sans que la voix de la réalisatrice ne s’élève pour faire un commentaire sur votre manière de jouer. Tu ne peux pas la blâmer, vous donnez l’impression d’être tout sauf amoureux, even in character.

« On prend 10 minutes de pause. » Tout de suite, tu cherches pour voir si Chloe ne serait pas encore sur le plateau, mais tu remarques que c’est drôlement tranquille. Il n’y a que quelques techniciens encore présents, mais la réalisatrice leur fait signe de quitter rapidement et son regard sur toi te donne l’impression que tu ne devrais pas bouger. Les yeux qu’elle a alors que son regard passe de Rory à toi, et puis de toi à Rory à nouveau te donne l’impression que vous êtes tous les deux sur le point de vous faire disputer, comme des gamins qui se sont fait prendre la main dans la sac en train de préparer un mauvais coup. « Je suggère que vous régliez peu importe ce qu’il y a entre vous, et vite. » Tu baisses les yeux au sol. T’es vraiment pas douée pour prendre la critique, surtout quand techniquement, ça n’a rien avec ton talent d’actrice. Tu te pinces les lèvres, retient un commentaire sarcastique à l’égard du Craine qui est dans la même situation que toi après tout. « On m’a vanté votre chimie quand les rôles vous ont été offerts. Ce serait bien d’en voir un peu. » Et sur ça, elle tourne les talons et le plateau se retrouve anormalement vide. T’as les bras qui viennent se croiser automatiquement sous ta poitrine alors qu’un soupir s’échappe de tes lèvres. Ça fait une dizaine de jours déjà que tu te demandes il est ou, vraiment, le problème. Après les messages textes, tu croyais que vous alliez pouvoir en discuter de vive voix, mais une fois à l’aéroport, le faire devant Chloe et Victor ne semblait pas être la meilleure idée alors vous avez fait comme si de rien était. Et puis le jeu a continué. Aucun mot réellement échangé entre vous, juste autour, à l’aide d’intermédiaire. Tu sais qu’elle se ressent, la tension entre vous partout, mais jamais t’aurais cru que c’était si pire que ça. Le silence commence d’ailleurs à se faire terriblement lourd alors qu’aucun ne vous deux ne semble décidé à prendre la parole le premier. Vous êtes vraiment pire que des gamins qu’on vient de mettre en retenue à cause de l’autre. Tu te tournes finalement vers lui, même si son regard est toujours dirigé vers le vide. « T’es conscient que Jake est amoureux d’Annabel? Parce que je crois qu’il a pas reçu le mémo. » T’as l’impression d’être revenue un an en arrière. Quand Rory et toi, c’était encore un peu difficile. Quand tu n’arrivais pas complètement à le cerner sur le plateau que ça ne coulait pas super bien entre vous. Mais là, c’est pire. Parce qu’il n’y a plus de courant. Et tu détestes ça. Tu voudrais lui parler. Lui dire que t’es désolée. Que t’as jamais eu l’intention que ça dégénère à ce point là quand t’as accepté la folle idée de Giovanni. Que t’étais désespérée de faire taire les rumeurs sur vous deux. Pour préserver ton coeur déjà trop fragile. Mais ça, t’es pas certaine que tu pourrais lui dire. Alors tu empires la situation à coup de soupirs et de yeux qui roulent. À coup de remarques sarcastiques et de silences trop lourds. Tu sabotes parce que t’as trop peur de ce que tu pourrais dire ou faire si t’essayais de lui faire comprendre le pourquoi du comment. Les vrais sentiments de Penny pour Rory. « C’est quoi, même me regarder est devenu trop difficile pour toi Rory? » Tourne le couteau dans la plaie Penny. Assure-toi que personne n’en sorte vivant.

A aucun moment il n'avait été étonné d'entendre la voix de la réalisatrice s'élever depuis l'autre coté du plateau, cet agacement dans la voix qui laissait peu de doutes sur ce qu'elle avait pensé de cette scène et de leur jeu, à Penny et lui. Parce que Rory savait pertinemment qu'aucun professionnel digne de ce nom ne serait resté de marbre face à l'amateurisme que la jeune femme et lui offraient bien malgré eux depuis le début du tournage. Leur absence de chimie était totale, leurs regards ne laissaient rien transparaître en dehors de leur inconfort mutuel et finalement, ni leur gestuelle ni le texte qu'ils débitaient comme deux automates n'iraient convaincre qui que ce soit que leurs personnages tombaient bel et bien amoureux l'un de l'autre. Ils pourraient se voiler la face autant qu'ils le voulaient, mettre ça sur le dos de la superficialité du script, mais ils savaient l'un comme l'autre que leur blocage n'avait rien à voir avec la série. Jamais Rory n'avait laissé un rôle moins bon ou moins profond que les autres le dissuader de donner le meilleur de lui-même et d'entretenir l'illusion qu'il prenait un maximum de plaisir à donner vie à son personnage, parce que c'était ce que faisait tout bon acteur. Et après les mois qu'il venait de passer, après avoir perdu bien plus qu'un rôle dans un film qui aurait certainement propulsé sa carrière à un tout autre niveau, il n'était pas question de se faire désirer lorsqu'on lui offrait l'opportunité de tourner à nouveau. Il l'avait attendu pendant des mois, ce coup de fil qui lui proposerait de prendre un avion pour Los Angeles et de retrouver le chemin des plateaux, peu importe que ce soit pour une comédie romantique agrémentée de branches de gui et de chants de Noël. C'était du boulot, et un moyen de faire à nouveau ce qu'il aimait sans plus prendre à cœur ce qu'on disait de lui dans la presse, ainsi il n'avait pas hésité une seconde à accepter. Et tout aurait pu être parfait dès l'instant où Penny, Chloe et Victor avaient aussi fait partie du projet, parce que s'il y avait bien une chose qui aurait pu rendre cette expérience encore plus spéciale, c'était de pouvoir la partager avec de très bons amis. Seulement rien ne s'était passé comme il l'imaginait, à commencer par les dernières semaines avant le grand départ et les tensions nées entre Penny et lui à peine quelques jours avant de boucler ses valises. Dès lors, ce qui s'annonçait comme le plus dépaysant des voyages était devenu la plus pesante des situations et leur complicité d'hier avait laissé place aux silences et aux regards fuyants. Ils n'avaient la plupart du temps rien à se dire, ou ils ne trouvaient ni les mots ni l'envie pour le faire, si bien que la totalité de leurs interactions se résumaient à ces scènes partagées dont la légèreté et le sentimentalisme paraissaient bien ironiques tout à coup. Pourtant ils le savaient autant l'un que l'autre, on ne trichait pas indéfiniment sous l’œil des caméras et le pire scénario qui puisse arriver, c'était que cette série ne puisse pas se faire par leur seule faute.

Les mots de la réalisatrice résonnèrent dans un coin de sa tête tandis que le plateau se vida pour ne bientôt plus laisser que Penny et lui. Régler ce qu'il y avait entre eux, ça ne lui semblait qu'à moitié réaliste étant donné qu'ils ne s'adressaient plus la parole que lorsqu'ils y étaient obligés même en partageant le même loft le temps du tournage. Une foutue mauvaise idée, ça aussi, maintenant qu'il y repensait. Parce que ça n'avait rien de simple de s'éviter du soir au matin à défaut de trouver quoi que ce soit à se dire. Il était fatigué de devoir se débattre avec un million de pensées et de dilemmes alors qu'il voudrait juste que tout soit simple pour une fois. Fatigué de voir que la façon dont Penny décidait de gérer sa vie personnelle déteignait sur leur boulot à tous les deux, et de prendre cette histoire à cœur quand il devrait juste faire avec elle ce qu'elle avait fait avec lui en montant toute cette histoire sans même le consulter. S'en moquer, considérer que c'était ses affaires et qu'à partir du moment où son avis n'avait aucune importance, alors ça n'avait plus aucune raison de le concerner. Quelque chose s'était brisé le soir de cet échange par sms où Rory avait pris conscience une fois encore de la place qu'il avait vraiment dans la vie des autres, et plutôt que d'affronter le problème en risquant de l'empirer il lui parut plus judicieux de quitter le plateau à son tour. Du moins, avant que Penny ne s'adresse à lui. Rory ne broncha pas, ne se retourna pas plus et souffla simplement. « Peut être qu'entre temps Jake s'est rendu compte qu'elle était pas quelqu'un d'honnête. » Du drame, c'est peut être ce qui au fond manquait à cette série pour être un peu plus réaliste. Et ça, ça n'avait rien du genre de choses qu'ils auraient du pouvoir partager entre deux scènes, alors que tant de fois Rory s'était imaginé le jour où Penny et lui pourraient de nouveau tourner tous les deux. Les fous rires qu'ils partageraient, les confidences qu'ils se feraient, et les milliers de sorties qu'ils organiseraient une fois à Los Angeles pour oublier cette année, ses peines et le sentiment douloureux qu'il avait d'avoir laissé beaucoup moins de choses derrière lui à Brisbane, cette fois. Non, ça n'avait rien de ce qu'ils auraient du pouvoir partager et c'était un crève-cœur de voir qu'il ne leur était plus possible de s'adresser l'un à l'autre sans que leur ton se teinte aussitôt de reproches. Son regard finit par croiser le sien et Rory contracta la mâchoire, agacé qu'elle tienne tant à initier une discussion qui ne fera qu'envenimer la situation. « Tu veux vraiment jouer à ça ? » N'était-ce pas déjà assez compliqué, pour qu'ils évitent de se provoquer ? « Je suis venu ici pour bosser, Penny. Parce que je me suis engagé et que je suis pas du genre à revenir sur ce genre de choses. » Dans le cas contraire, il aurait été bien plus simple pour lui de ne jamais prendre cet avion et il ne nierait pas y avoir pensé. « Mais c'est pas précisé dans notre contrat qu'on doit se faire la conversation alors compte pas sur moi pour offrir à toute l'équipe une dispute qui te vaudra encore de faire la une d'un magazine demain. » Parce qu'il en avait assez, des unes, des rumeurs et du reste. Tout ça, c'était peut être quelque chose qui l'amusait, elle, maintenant qu'elle pouvait jouer des conséquences de son mensonge et voir à quel point l'illusion prenait. Ils n'évoluaient de toute évidence plus dans le même monde, et Rory n'avait jamais été aussi certain de préférer le sien. « D'ailleurs, s'éviter c'est sûrement le mieux qu'on puisse faire maintenant que toute l'Australie te croit en couple avec ce Giovanni. Tu voulais bien enrayer les rumeurs, non ? » Alors qu'ils les enrayent, qu'ils fassent ce pourquoi elle s'était lancée dans cette histoire. Qu'ils se déchirent, aussi, si c'était la seule manière de crever l'abcès une bonne fois pour toutes. Penny ne voulait plus être associée à lui, et depuis peu la réciproque était sans doute vraie.

Tu ne savais plus sur quel pied danser lorsqu’il s’agissait du Craine. Si tu étais au moins capable d’admettre que tu étais — involontairement — celle qui avait malencontreusement commencé la nouvelle vague de tensions entre vous, tu refusais toutefois de porter le blâme de tous vos silences, encore moins de porter le blâme de vos piètres prestations sur ce plateau de tournage de Los Angeles. Tu étais consciente que vous étiez en train de mettre en péril votre (possiblement?) unique chance de vous refaire un nom dans une industrie qui trop souvent ne pardonne pas les faux-pas. Pourtant, tu peinais à faire le premier pas vers une possible réconciliation. Tu peinais à trouver les bons mots pour entamer une discussion, une vraie. Plutôt que de traiter la blessure, tu y avais simplement appliqué un bandaid et avait espérer que ça guérisse tout seul, avec le temps. C’était sans compter une infection, une grosse, une grave. Une infection qui détruit tout sur son passage. Une année presque complète de confidences, de rires, de pleurs et cette certitude que vous seriez toujours là l’un pour l’autre réduit à néant en quelques jours à cause de quoi? D’une idée stupide pour finalement te libérer de rumeurs t’associent d’un peu trop près au Craine? Tu ne comprenais pas comment vous aviez pu en arriver là en si peu de temps, pour ce qui était à tes yeux une situation qui ne valait pas une telle réaction. Est-ce que c’était une mauvaise idée en soi de prétendre être en couple avec Giovanni quand ce n’était clairement pas le cas? Probablement, oui. Est-ce que tu aurais du prévenir Rory avant de t’afficher sur les réseaux sociaux avec l’italien? Encore une fois, sûrement. Est-ce que ça avait lieu de changer votre relation? Ça, tu n’arrivais pas à te l’expliquer et l’australien ne semblait pas avoir particulièrement envie de te donner ses raisons. Mais aujourd’hui, alors que même la réalisatrice n’en pouvait plus de votre manque de chimie, tu espérais pouvoir forcer une discussion qui aurait sans doute dû avoir lieu dix jours auparavant. Encore fallait-il que tu t’y prennes de la bonne manière et ça non plus, ce n’était pas gagné d’avance. « Peut-être qu’entre temps Jake s’est rendu compte qu’elle était pas quelqu’un d’honnête. » Tu roules des yeux, c’est plus fort que toi. Il te regarde pas de toute manière Rory, préférant probablement se défiler une fois de plus, comme il sait si bien le faire dernièrement. Tu as l’impression de ne pas complètement reconnaître l’homme qui te fait face aujourd’hui. Il est froid, distant et jamais auparavant tu ne l’avais vu te regarder avec cette pointe de déception dans les yeux. Dernièrement, c’est tout ce que tu voyais quand tes yeux croisaient finalement les siens. « Peut-être que Jake devrait s’en tenir au texte plutôt que de prêter de fausses intentions à Annabel. » Ou peut-être que vous feriez mieux de ne pas mêler vos personnages à ça et vous en tenir à Penny et Rory, même s’il était plutôt tentant de se cacher derrière le masque de la trop simpliste Annabel plutôt que de faire face à ce qui pouvait exploser d’un moment à l’autre.

« Tu veux vraiment jouer à ça? » T’as envie de lui dire que t’as pas envie de jouer du tout, mais alors que son visage se tourne vers toi, tu te contentes de rester silencieuse et de te pincer les lèvres, retenant ainsi toutes les remarques sarcastiques qui te viennent en tête. T’as pas envie de rendre les choses encore plus lourdes et inconfortables qu’elles ne le sont déjà, mais t’es pas non plus certaine de savoir comment lui parler désormais. « Je suis venu ici pour bosser, Penny. Parce que je me suis engagé et que je suis pas du genre à revenir sur ce genre de choses. » Tu ne peux pas empêcher un rire sarcastique de te siffler entre les lèvres. « Contrairement aux autres engagements ou promesses sur lesquels tu n’as aucun problème à revenir. » Du genre les promesses que vous vous étiez faits de toujours être là l’un pour l’autre, no matter what. Faut croire que ça venait avec certaines règles et conditions finalement. À condition que tu ne fasses jamais rien qui vienne à l’encontre de ce qu’il préfère le Craine. Tu te mords les lèvres, tu sais que ce n’est pas en rajoutant de l’huile sur le feu que vous alliez parvenir à enfin régler la situation. Tu ne veux pas voir ta chance de faire cette mini-série disparaître sous tes yeux de la même façon que votre dernier film vous a filer des doigts. Vous n’aviez rien pu faire pour The Trail’s End mais tu n’allais certainement pas être la raison de l’annulation de ce show en plus. Tu devais prendre sur toi. Et beaucoup mieux que ça. « Mais c’est pas précisé dans notre contrat qu’on doit se faire la conversation alors compte pas sur moi pour offrir à toute l’équipe une dispute qui te vaudra encore de faire la une d’un magazine demain. » « C’est vraiment ce que tu penses de moi? Que je cherche seulement à faire la une avec cette histoire? » Tu tentes tant bien que mal de garder ton niveau de voix au plus bas, ton ton au plus neutre, mais tu ne peux t’empêcher d’être blessée des paroles du brun. Jamais tu n’aurais cru qu’il en viendrait à penser ça de toi après tout ce que vous aviez vécu au niveau des médias dans la dernière année. Clairement, tu ne savais plus du tout à qui tu faisais affaire en ce moment. « D’ailleurs, s’éviter c’est sûrement le mieux qu’on puisse faire maintenant que toute l’Australie te croit en couple avec ce Giovanni. Tu voulais bien enrayer les rumeurs, non? » Tu hoches la tête, cette fois, tu ne peux pas simplement te mordre les lèvres et retenir les commentaires. « Oh arrête de jouer la victime Rory. Tu me fais pitié. » Merde. Les mots ont à peine franchi la barrière de tes lèvres que tu les regrettes, mais il est déjà bien trop tard pour faire marche arrière. « Je voulais arrêter les rumeurs de nous deux en tant que couple! Y’a jamais été question de te rayer de ma vie. C’est toi qui a décidé d’agir comme si je venais de commettre la plus impardonnable des offenses, alors mélange pas tout! » Parce que de ton côté, ça fait des semaines que tu essayes inlassablement de trier le vrai du faux. De faire la part des choses entre ton lien avec Rory, ton amitié avec Swann, l’histoire entre l’anglais et l’australien et comment tu te sens vraiment au milieu de tout ça. Entre les rumeurs, les photos, les disputes, t’avais juste cru que ce cover up avec Giovanni, ça te donnerait le temps de pause dont tu avais besoin pour mettre de l’ordre dans tes idées. Meilleure chance la prochaine fois. Tu souffles doucement, tente de calmer ton cœur qui s’emballe malgré toi contre ta poitrine. « Je comprends pas Rory pourquoi ça te dérange tant que ça. Je pensais que tu serais soulagé de voir les journalistes te lâcher un peu. » Tu as retrouvé le ton neutre que tu aurais du garder depuis le départ mais tu as bien peur qu’il soit trop tard. Trop tard pour réparer les pots cassés. Trop tard pour qu’il comprenne vraiment le fond de tes intentions, le Craine. Ce coeur fragile que tu tentais tant bien que mal de protéger, c’était peut-être un peu plus le tien que le sien finalement.

Ils en étaient donc là. A s'éviter à longueur de journées, y compris depuis qu'ils étaient bien forcés de passer le plus clair de leur temps ensemble sur ce plateau, à entretenir péniblement l'illusion que rien n'avait changé depuis la dernière fois qu'ils s'étaient donnés la réplique, quand en réalité un gouffre semblait aujourd'hui se dresser en eux. Ils ne convainquaient personne, avec leurs sourires de façade et leurs répliques qui sonnaient faux. Ils ne convainquaient personne et gâchaient à petit feu la chance qui leur était enfin donnée de mettre les dix derniers mois derrière eux pour se refaire une place dans le milieu. C'était comme si brusquement plus rien ne subsistait de ces moments qu'ils avaient passé à se soutenir, à être là l'un pour l'autre envers et contre tous, à se réconforter lorsqu'ils en avaient besoin et se confier l'un à l'autre plus qu'à n'importe qui. Rory avait mis un point d'honneur à être présent pour Penny après cette soirée dans la loge de Byers et dès ce moment-là, rien n'aurait pu ensuite l'empêcher de voler à ses cotés chaque fois qu'elle éprouvait le besoin de parler, de ne pas parler parfois, ou simplement d'avoir quelqu'un près d'elle pour lui assurer que celui qui lui avait fait du mal ne la toucherait plus. Mais la vérité, c'est qu'elle avait été toute aussi présente pour lui et que c'est en partie grâce à elle qu'il avait pu traverser cette année et les souffrances qu'elle avait apporté. Aujourd'hui, ces souvenirs-là n'avaient pas disparu mais quelque chose s'était sournoisement insinué entre eux et la confiance et la complicité d'hier avaient laissé place aux regards fuyants et aux non-dits. Le tournage de cette mini-série aurait du être une formidable occasion de rejouer ensemble et un formidable pied-de-nez à tous ceux qui les avaient jugé sans savoir, au lieu de ça c'est eux qui se comportaient comme s'ils voudraient être n'importe où ailleurs plutôt qu'ensemble, et ici. « On parle de quel texte, là ? Celui de la série ou celui que tu récites par cœur depuis que tu vends ta fausse idylle à la presse ? » Est-ce qu'ils parlaient toujours du tournage, d'Annabel et de Jake, ou est-ce qu'ils pouvaient enfin arrêter de se voiler la face et aborder le vrai problème ? La légèreté du script peinait à adoucir l'atmosphère et eux qui n'étaient déjà pas très convaincants devant la caméra ne risquaient pas de pouvoir se cacher derrière la candeur de leurs personnages maintenant qu'ils n'étaient plus que tous les deux. Ils avaient longtemps repoussé le moment d'avoir une vraie explication et s'éviter ne leur avait jusqu'ici pas vraiment réussi. Alors puisque Penny semblait tant tenir à ce qu'ils se balancent les reproches qu'ils contenaient depuis plusieurs jours et que lui ne voyait pas non plus d'autre issue à cette situation, ils prendraient le risque d’envenimer les choses mais au moins, ils ne resteraient pas à se dévisager en silence comme depuis le début du tournage.

Son regard braqué vers le sien, prêt à l'entendre riposter comme ça semblait inévitable, Rory ne mit qu'une seconde à sentir l'agacement gronder en lui. Elle osait. C'était la dernière chose dont il la pensait capable après cette année où justement il ne l'avait jamais laissée tomber et avait toujours été là, peu importe le moment où elle pouvait avoir eu besoin de lui. Et pourtant, elle osait lui reprocher d'avoir brisé sa promesse. Elle avait la mémoire courte, Penny, ou bien ça l'arrangeait simplement d'oublier toutes les fois où il avait accouru pour qu'elle ne se retrouve pas seule, à angoisser ou à se repasser le film de l'agression dans sa tête. « T'es sacrément gonflée. » Et ingrate, si la première chose qu'elle trouvait le moyen de lui reprocher c'était d'avoir trahi une promesse qui n'avait de toute façon plus rien de valable dès le moment où elle choisissait de le prendre pour un idiot et de monter cette histoire de faux-couple dans son dos. « Tu peux me rappeler qui était là pour toi pendant près d'un an ? Qui a laissé la presse le traîner dans la boue plutôt que de se défendre et a gardé ton secret auprès de tout le monde y compris de ses proches ? » J'ai perdu Swann en partie parce que je t'ai protégée toi. J'ai laissé cette histoire éclabousser les personnes que j'aime. J'ai tout perdu parce qu'il était pas question de te trahir, jamais. Voilà ce qu'il aurait du lui dire pour lui faire remarquer à quel point ce qu'elle disait était injuste. Car avant ça, et tant qu'il était prêt à accourir à chaque seconde, le reste n'avait aucune espèce d'importance. Et aujourd'hui, alors qu'il refusait de lui servir de public pendant qu'elle se mettait en scène sur les réseaux sociaux, c'est sa loyauté qu'elle remettait en question. Rory ne regrettait pas les heures passées à lui prêter son épaule pour qu'elle s'y appuie, ni ses bras pour qu'elle s'y réfugie, parce que rien n'était plus important à ce moment-là que de lui montrer qu'elle n'était pas seule, qu'elle était soutenue. Mais elle lui causait une peine immense en prétendant qu'il était celui qui avait tout gâché. Qu'elle le veuille ou non, Penny l'avait rayé du paysage le jour où elle s'était affichée avec ce Giovanni en prétendant vivre un conte de fées des temps modernes. Une parodie à laquelle il n'avait aucune intention de prendre part et où il n'aurait de toute façon pas sa place. « Il faudrait que tu sois naïve ou idiote pour croire qu'une fois ton histoire relayée par deux ou trois journaux, la presse te fichera la paix et se désintéressera de ta vie amoureuse. » Les journalistes avaient passé un an à lui inventer une idylle avec lui, au même titre qu'avec leur réalisateur pour finalement avancer l'hypothèse d'un triangle amoureux. Que croyait-elle, que parce que ce Gio n'était ni devant ni derrière la caméra, on consentirait à la laisser vivre son idylle en paix pour qu'elle ait tout le loisir de tomber le masque dans l'indifférence générale lorsqu'elle se serait lassée ? « Et t'es ni naïve ni idiote, Penny. » Non, elle ne pouvait pas s'être convaincue que ce serait l'affaire de quelques semaines et qu'ensuite elle aurait la paix pour de bon. Et Rory n'était pas idiot non plus : il les voyait jouer la comédie sur leur page instagram et Penny n'était en aucun cas contrainte de quoi que ce soit. C'était faux, tout sonnait faux et elle la première, depuis quelques temps. Ça n'était pas la Penny qu'il appréciait et si tout ça l'amusait, ça n'était pas son cas. Et tandis qu'elle reprit la parole, Rory dut cette fois se contenir. Mâchoire contractée et poing serré, son regard n'avait plus rien d'amical et transpirait la déception. « C'est dans ces moments-là qu'on sait vraiment à qui on a à faire, j'imagine. » La gentille Penny était acerbe, injuste et de mauvaise foi lorsqu'elle était piquée. Et après ça, la seule chose qu'elle lui inspirait c'était l'envie de prendre le large et de mettre un maximum de distance entre elle et lui. Pourtant, le temps où rien ne semblait pouvoir se mettre entre eux lui paraissait encore proche. « Parce que c'est du grand n'importe quoi et que t'oses en plus insinuer que c'est en partie pour me soulager moi que tu l'a fait. Si tu me connaissais un minimum, tu saurais que c'est le dernier truc que je t'aurais demandé de faire. » Mais un an à tout partager y compris les pires moments de doutes ne vous faisait pas toujours connaître quelqu'un aussi bien que vous le pensiez. « Autrefois c'est ta sincérité qui me touchait. Aujourd'hui, je découvre que mentir et te mettre en scène sont des idées avec lesquelles tu vis parfaitement bien. Alors excuse-moi de pas sauter au plafond lorsque je découvre que je me suis trompé sur toi. » Il pensait que Penny et lui se ressemblaient et avaient beaucoup en commun à commencer par l'envie de mener une vie authentique loin des plateaux, mais la manière dont elle choisissait de gérer la sienne était à mille lieux de ce en quoi il croyait profondément. Jouer et prétendre être ce qu'il n'était pas, il le gardait pour les moments où il tournait. « Peut être que la meilleure façon de t'assurer que j'aurai une autre réaction aurait été de me prévenir avant tes 900 000 autres followers. » Plutôt que de continuer à le prendre pour un idiot lorsqu'il lui avait laissé une occasion de lui en parler, dans son message. Plutôt que de prétendre qu'elle avait manqué de temps pour le prévenir quand elle en avait eu suffisamment pour monter cette histoire de toute pièce. « Mais mon avis avait aucune importance à ce moment-là, pourquoi toi tu fais comme si c'était le cas aujourd'hui ? » Si ce qu'il en pensait comptait un minimum, elle aurait songé à faire marche arrière lorsqu'il s'était éloigné. Au lieu de ça, elle avait laissé cette histoire prendre plus d'ampleur et Penny avait beau être une excellente actrice, les sourires qu'elle affichait sur les posts de Giovanni semblaient vrais.

Avoir été sur ce tournage avant la mise en scène avec Giovanni, tout aurait sans doute été parfait, facile même. Il n’y avait pas de rôles qui vous connaissaient mieux Rory et toi que ceux de confidents, ceux de personnes qui se complétaient, d’un homme et d’une femme qui avaient appris à se connaître au milieu d’intempéries et qui s’étaient tranquillement fait une place dans la vie de l’autre. Si les personnages d’Annabel et de Jake étaient quelques peu simplistes, il n’en demeurait pas moins que tout aurait dû bien se passer. Vous auriez dû être avec Victor et Chloe à vous moquer du scénario niais et de la réalisation bâclée, de la fausse neige et des répliques quétaines. Les soirées au loft auraient pu être agréables, comme toutes ses soirées que tu avais passé chez lui dans les dix derniers mois. Peut-être que ça aurait été trop confortable. Peut-être que ça aurait été facile de te perdre dans l’illusion et peut-être que tu aurais dit ou fait quelque chose qui aurait pu mettre tout en péril entre vous deux. Alors plutôt que de prendre la chance de peut-être faire quelque chose, tu avais pris la décision impulsive de tout saboter avant même de lui laisser la chance de réaliser que les choses entre vous n’étaient peut-être pas aussi platoniques que vous vous entêtiez à le dire à qui voulait bien l’entendre. C’est ce que tu faisais le mieux après tout, saboter pour ne jamais prendre le risque d’être véritablement vulnérable. Peut-être qu’une partie de toi savait que tout virerait à la catastrophe en acceptant la proposition du Medici. Mais à ce point? Non, tu refusais de croire que tu te doutais que ça tournerait ainsi. « On parle de quel texte, là? Celui de la série ou celui que tu récites par coeur depuis que tu vends ta fausse idylle à la presse? » Ça aurait été trop facile de s’en tenir à Jake et Annabel, lui comme toi saviez que le problème ne se trouvait pas là. Son regard qui croise finalement le tien, tu te demandes si c’est vraiment pour le mieux, de finalement briser cette bulle de silence derrière laquelle vous aviez pris l’habitude de vous cacher depuis le début du tournage. Le déni n’était plus, Rory t’en voulait, beaucoup. Et toi, tu réagissais plus que nécessaire. Toi, tu te défendais avant même de te faire attaquer. Quitte à en payer le gros prix. « Les deux. » que tu marmonnes avec un soupir, sachant toutefois que les problèmes de Jake et d’Annabel ne pourraient être régler tant et aussi longtemps que Penny et Rory insistaient à se faire la gueule.

Tu te sentais trahie devant le silence du Craine et tu ne mis pas longtemps à lui comprendre et le commentaire ne passa pas bien, tu pouvais le voir dans les éclairs qui habitaient ses yeux alors que vos regards se croisaient à nouveau. « T’es sacrément gonflée. » Tu froncis les sourcils, retint un pardon? bien sentie qui pourtant te brûlait les lèvres. Ton regard ne quittait pas le sien pourtant alors que sa voix résonnait sur le plateau désormais vide. La réalisatrice a dit que vous aviez dix minutes de pause. Dix minutes que lui et toi avant que le reste de l’équipe ne revienne et n’assiste à cette discussion qui risquait à tout moment de s’envenimer. Est-ce que dix minutes seraient assez pour sauver votre relation, ou pire encore, tout détruire? « Tu peux me rappeler qui était là pour toi pendant près d’un an? Qui a laissé la presse le traîner dans la boue plutôt que de se défendre et a gardé ton secret auprès de tout le monde y compris de ses proches? » Tu te mordis les lèvres. Il va là, vraiment? T’as l’impression que tu viens de te prendre un coup de poing dans le creux du ventre, lui qui sait pourtant très bien que tu vis mal avec cette culpabilité qui te suit jour après jour depuis l’agression. Il te trouve gonflée, tu te dis qu’il n’est pas bien mieux. T’as les lèvres qui tremblent déjà et tu peines à garder ton regard enfoncé dans le sien. « Tu vas me dire que je ne t’ai pas remercier à chaque jour depuis presque un an pour ce que tu as fait peut-être? Tu vas me faire croire que t’as soudainement oublié à quel point je me sens coupable de t’avoir demander de mentir pour moi, encore et encore? » Tu t’en voulais tellement quand tu repensais à ce que Rory avait perdu par ta faute. Tu ne pouvais t’empêcher de repenser à Swann, qui lui aussi avait cher payé tes décisions. Tu ne pouvais t’empêcher de te demander comment le tout aurait tourné si tu n’avais pas garder le silence. Mais encore aujourd’hui, la vérité semblait plus difficile à gérer que tout le reste et il le savait, Rory. Tu ne sais pas comment tu serais passée au travers de cette année sans lui et ça, tu lui as répété des centaines de fois. Il le sait Rory, à quel point ça été difficile pour toi ne serait-ce que de continuer à vivre après l’agression, toi qui pensais parfois que tu n’avancerais plus jamais, que tu ne rirais plus jamais, que tu ne serais plus jamais bien. « Giovanni a rien à voir avec ça et tu le sais très bien. » Tu ne pouvais pas le laisser simplement réécrire l’histoire parce qu’il n’aimait pas la manière dont tu gérais ce qui était présentement dit à ton sujet. Tu n’avais pas envie de voir les souvenirs de la dernière années, les mauvais mais surtout les bons s’entacher d’une vérité à moitié formulé. Tu ne pouvais l’accepter.

« Il faudrait que tu sois naïve ou idiote pour croire qu’une fois ton histoire relayée par deux ou trois journaux, la presse te fichera la paix et se désintéressera de ta vie amoureuse. » Tu en avais bien conscience. Tu savais que l’histoire de Giovanni ne pourrait durer qu’un temps et que les rumeurs repartiraient éventuellement de plus belles. Mais tu avais besoin de temps et c’est ce que ce cover-up t’offrait. Un peu de temps pour mettre tes idées en place. Pour prendre la meilleure décision pour toi, et pour lui aussi, même s’il refusait de le comprendre. « Et t’es ni naïve ni idiote, Penny. » S’il comprenait ça, comment se faisait-il qu’il n’arrivait pas à accepter, ou du moins comprendre tes intentions derrière cette histoire plus que farfelue? « J’ai pas la prétention de croire que cette histoire va tout régler, je sais bien que non. Mas si je porte plainte contre Byers, faire taire les rumeurs sur toi et moi ne peut que nous aider. » Tu insites sur le nous parce que tu sais que ta crédibilité peut racheter la sienne, tout comme de ne pas être prise au sérieux pourrait détruire vos carrières à tout jamais. Tu voudrais pouvoir le secouer Rory, lui faire comprendre que même si ce n’est pas nécessairement la meilleure manière de procéder, tu n’étais pas embarquée dans cette histoire avec pour seule et unique but de le blesser. Mais tu perds patience et tes mots dépassent ta pensée. Il te fait mal et tu mords en retour, n’arrangeant absolument rien à ce bordel qui continue de grandir peu importe tes intentions réelles. « C’est dans ces moments-là qu’on sait vraiment à qui on a à faire, j’imagine. » T’aurais envie de lui rendre la pareille, mais c’est un autre commentaire que tu retiens entre tes lèvres toujours tremblantes. T’as la jambe qui saute alors que tu peines à rester complètement immobile, faisant face à celui que tu considérais comme ton meilleur ami comme tu n’avais jamais eu à le faire auparavant. « Parce que c’est du grand n’importe quoi et que t’oses en plus insinuer que c’est en partie pour me soulager moi que tu l’a fait. Si tu me connaissais un minimum, tu saurais que c’est le dernier truc que je t’aurais demandé de faire. » « Je sais, mais... » Les mots restent coincés dans le fond de ta gorge. Tu sais que c’est un combat perdu d’avance avec le Craine. Il est borné et toi aussi. Tu sais qu’il n’aurait jamais fait les choses comme ça, évidemment que tu le connais assez pour savoir que ça lui pue au nez, l’hypocrisie et les faux-semblants. Toi aussi, normalement. Et il devrait le savoir ça. Mais ça ne semblait pas être le chemin qu’il voulait emprunter. « Autrefois c’est ta sincérité qui me touchait. Aujourd’hui, je découvre que mentir et te mettre en scène sont des idées avec lesquelles tu vis parfaitement bien. Alors excuse-moi de pas sauter au plafond lorsque je découvre que je me suis trompé sur toi. » « Parce que tu penses qu’on fait quoi depuis un an, si ce n’est pas mentir et se mettre en scène? » C’était peut-être loin de l’oeil publique, mais en ne niant pas les rumeurs, en ne disant pas la vérité sur ce qui s’était passé dans la loge de Byers cette soirée-là, vous acceptiez de jouer des rôles qui n’étaient pourtant pas ceux que vous aviez demandé. Loin de la vérité. « Tu refuses peut-être de le voir Rory, mais c’est la même chose. C’est juste moi qui essaye de me protéger, comme je le fais depuis le début. Désolée si c’est pas assez bien pour toi. J’ai pas changé, c’est toi qui insiste pour me traiter différemment. » Te protéger de Byers. Te protéger de Rory. Te protéger de toi-même aussi. Tu lui en veux tellement d’oser tout remettre en question, comme si tu avais soudainement changé de part une simple menterie. Comme si cette fille que Giovanni insistait à mettre partout sur son Instagram était vraiment celle que tu étais. You should know better Rory.

« Peut-être que la meilleure façon de t’assurer que j’aurai une autre réaction aurait été de me prévenir avant tes 900 000 autres followers. » À ça, tu n’avais pas d’excuse, pas d’explication. Tu avais été prise dans le moment lorsque Giovanni était venu chez toi, tu l’avais laissé posté la première photo et le reste avait simplement suivi sans même que tu n’aies le temps de réaliser ce que vous étiez en train de faire. « Je suis désolée pour ça, sincèrement. J’ai jamais eu l’intention de te mettre devant le fait accompli. J’avais même pas encore accepté l’idée de Gio que s’était parti sur les réseaux sociaux. » Tu avais besoin qu’il te croit à ce point. Qu’il sache que tu n’étais pas celle qu’il s’obstinait à décrire avec une froideur qui ne lui ressemblait pas. Vous étiez toujours face à face, au milieu du décor de ce plateau, derrière vous un arrière plan d’un café ou était accroché des dizaines de lumières de Noël et autres décorations dans le genre. Tout ce que tu avais envie de faire dans le moment, c’est finalement briser cette distance qui avait pris trop de place entre vous depuis quelques jours. « Mais mon avis avait aucune importance à ce moment-là, pourquoi tu fais comme si c’était le cas aujourd’hui? » Et puis tu fais le premier pas, tu sais pas s’il sera bien reçu, tu en doutes même, mais c’est plus fort que toi alors que ta main vient prendre la sienne, comme Annabel l’a fait des dizaines de fois ce matin, mais jamais avec la même émotion qui t’habite en ce moment en tant que Penny. « Arrête Rory, tu sais que c’est pas vrai... » Tu échappes un long soupir, t’es pas certaine qu’il existe de bons mots pour dire ce que tu voudrais lui dire sans trop t’exposer, sans que tu ne deviennes terriblement vulnérable – ou du moins plus que tu ne l’étais déjà – devant le jeune homme. « La situation a dégénéré et j’ai mal géré, j’avoue. Mais j’ai jamais eu l’intention de te blesser ou de te donner l’impression que ton avis est pas important pour moi. Tu sais très que c’est pas le cas. » Il y a toujours ce ton de reproches dans ta voix que tu essayes pourtant de cacher autant que possible. « On a une chance de sauver nos carrières. T’as pas envie de te concentrer sur ça plutôt que sur ce que je poste sur les réseaux sociaux? »

Il avait à peine fallu quelques mots pour que la situation dégénère, et Rory mentirait s'il disait que ça n'était pas ce qu'il redoutait en prenant l'avion pour Los Angeles quelques jours plus tôt. Les silences étaient peut être pesants depuis le début du tournage, mais les vérités qu'ils se jetaient à la figure n'étaient pas forcément toutes bonnes à dire et tout au fond de lui, il était bien incapable de dire si leurs mots dépassaient simplement leur pensée ou si derrière eux se cachait une certaine forme de sincérité. Penny le pensait-elle vraiment quand elle insinuait qu'il avait brisé sa promesse d'être toujours là pour elle, même alors qu'il avait passé une année entière à être présent chaque fois qu'elle avait besoin de lui, sans jamais compter les heures qu'il passait auprès d'elle rien que pour s'assurer qu'elle aille bien ? Est-ce qu'elle comptait faire de lui le seul coupable du fossé qui s'était creusé entre eux ces dernières semaines, quand la seule chose qui avait changé était la mise en scène qu'elle avait débuté avec Giovanni ? Dieu sait pourtant que Rory n'était jamais le dernier pour se culpabiliser et se reprocher chaque échec dans ses relations avec les autres parce que c'était comme une deuxième nature chez lui, de se rejeter la faute. Mais pas ici, pas dans ces circonstances. Ce tournage aurait eu une saveur bien différente s'il n'avait pas découvert au hasard d'un post sur les réseaux sociaux que Penny s'amusait à duper son monde au bras de cet italien. Il pourrait s'en moquer, décider que ça ne le concernait plus, mais qu'après tout ce qu'ils aient partagé ces derniers mois Penny se soit lancée là-dedans sans même lui en parler – peut être justement parce qu'elle le connaissait assez bien pour savoir qu'il aurait tenté de l'en dissuader – le fait qu'elle lui reproche aujourd'hui de s'être détourné d'elle lui semblait particulièrement injuste. « A t'entendre on croirait que c'est pour que tu te sentes redevable que j'ai été présent pour toi, ces derniers mois. Or tu sais que c'est faux, et que j'ai jamais voulu non plus que tu te sentes responsable de la manière dont ma vie a changé. » Alors bien sûr que non, il n'avait rien oublié de la manière dont elle s'était souvent montrée reconnaissante et s'était inquiétée de voir tout ce qu'il avait indirectement sacrifié en étant là pour elle comme il l'avait fait. Et ça ne voulait pas dire qu'il ne nourrissait aucun regret, parce qu'il y a un million de choses qu'il aurait aimé changer au cours de cette année, simplement qu'il n'avait jamais été autre chose que sincère et désintéressé lorsqu'il veillait sur elle. « La seule chose que je pensais avoir mérité, c'est de pouvoir te dire quand ce que tu fais me déplaît sans que ma loyauté soit remise en question. » Après tout, il n'avait pas trahi son secret même après que les choses soient devenues compliquées entre eux. Il n'avait rien dit, n'avait à aucun moment jugé qu'il était en droit de le faire alors même qu'aujourd'hui aussi, ça pourrait faire une énorme différence pour lui que les gens connaissent la vérité. Il était blessé par son attitude, déçu à plus d'un titre, mais pour ça elle le comptait toujours parmi ses alliés. Et à la voir remettre en question un an de complicité comme s'il devait toujours être d'accord avant tout ce qu'elle décidait, c'était peut être bien la seule chose qui importait vraiment. Que son secret soit toujours bien gardé avec lui. Quant à Giovanni, il n'était peut être pas question de lui à l'époque mais aujourd'hui c'était bien cette histoire de faux-couple qui avait dangereusement fragilisé les choses entre Penny et lui. La confiance d'hier n'était plus, ou quasiment, et Rory aurait sûrement passé le reste du tournage à éviter les sujets qui fâchent. Justement parce qu'il n'avait pas la prétention de penser que leurs histoires le concernaient.

Des histoires qui à ses yeux ne pourraient, au mieux, que détourner l'attention de la presse quelques temps. Parce qu'ils le savaient sans doute l'un et l'autre, que ces journalistes ne la laisseraient pas en paix simplement parce que l'homme avec qui elle s'affichait était un chef cuisinier et non quelqu'un qui évoluait le reste du temps sur le devant de la scène. « Parce que tu penses qu'être associée à trois hommes au lieu de deux va t'aider ? » C'était une vraie question, Rory tentait de se mettre à sa place à défaut d'arriver à la suivre, depuis quelques temps. C'est tout ce qu'il pouvait faire. « Et ce Giovanni, ça le dérange pas d'être la nouvelle coqueluche des réseaux sociaux ? Il a la moindre idée de ce dans quoi il met les pieds, ou c'est la pub qu'il va en tirer qui l'intéresse ? » Ça, ou autre chose. Peu importe, même si ses motivations étaient personnelles ou qu'il espérait au fond avoir ses chances avec Penny, Rory ne jouerait pas le rôle de celui qui la mettrait en garde. D'un point de vue extérieur tout le monde semblait parfaitement à l'aise avec les termes du contrat qu'il les imaginait avoir signé, et au moins pouvait-il être rassuré sur ce point. Car cette idée avait tout de mauvaise à ses yeux et ça ne pouvait pas bien se finir. La suite lui tira un long soupire. Qu'elle compare ce petit jeu avec Giovanni avec ce qu'ils faisaient elle et lui depuis des mois pour préserver son secret, ça lui semblait aussi insensé que cette idée de faux-couple. « C'est pour te protéger que je mens depuis des mois, mais jamais je n'ai joué avec mon image ou laissé croire à mes amis ou ma famille à quelque chose qui n'était pas vrai. Je n'ai jamais joué avec les sentiments de personne, et surtout pas les leurs. » La plupart du temps, il s'était contenté de ne rien dire, s'était renfermé sur lui-même faute de pouvoir se confier à qui que ce soit. Et elle le savait, Penny, qu'il ne l'avait pas fait par plaisir mais parce que c'était la seule chose à faire pour la protéger tant qu'elle n'était pas prête à en parler publiquement. Il n'avait jamais été question de monter tout un scénario pour détourner les soupçons de la presse parce qu'en la bernant, il aurait aussi berné ses proches. « On est différents, Penny. Tu refuses peut être de le voir, mais moi je le sais. » Et ça n'avait rien d'un constat facile, pour la première fois depuis le début de cet échange c'est un léger voile de tristesse qui recouvrit son regard. « Cette soirée sur le tapis rouge le mois dernier. » Celle où Penny s'était rendue seule avec Chloe. « J'y suis pas allé parce que j'angoissais à l'idée de ce qu'on pourrait encore raconter sur moi si je me jetais dans la gueule du loup. » S'il offrait à ces journalistes de quoi relancer ces rumeurs qui ponctuaient déjà sa vie depuis des mois. Il ne voulait pas avoir à s'inquiéter de ce qu'il lirait le lendemain dans la presse, alors il avait passé son tour. « Et je sais que t'étais pas prête non plus à remettre un pied là-dedans, après cette année ça aurait terrifié n'importe qui. » Après ce qu'elle avait vécu mais aussi après le tapage médiatique qu'elle avait du supporter au même titre que lui. Elle n'était sûrement pas prête et ça avait tout de normal à ce moment-là. « La seule chose à laquelle je pensais ce soir-là, c'était à disparaître. Et le lendemain matin, quand je suis tombé sur ces photos de Chloe et toi entrain de vous embrasser devant les photographes, je me suis demandé ce que j'avais pu rater pour que la seule chose à laquelle tu aies pensé, toi, c'est à donner à ces journalistes exactement ce qu'ils voulaient. » Ces photos, bien sûr qu'il les avait vu et qu'il n'avait raté aucun des commentaires parus dans la presse. Elles avaient fait parler et ni Chloe ni Penny ne s'attendaient sûrement à ce que ce ne soit pas le cas. « Je suis pas entrain de te reprocher de l'avoir fait, ça vous regarde Chloe et toi et c'est pour ça que je t'en ai jamais parlé avant aujourd'hui. » Il aurait pu le faire, ce soir-là pendant le feu d'artifices. Il aurait pu mais ne s'en était pas senti le droit. Après tout, Penny faisait ce qu'elle voulait sans qu'il n'ait son mot à dire et que ça concerne Chloe n'y changeait rien. Elles diraient sans doute que ça ne représentait rien et il les croirait, la question n'était de toute façon pas là. La question, c'était en quoi leur manière de réagir était à l'opposée l'une de l'autre, même quand ils auraient sûrement préféré que ce ne soit pas le cas. « Mais ne dis pas qu'on fait la même chose lorsque tu joues constamment avec la presse et que tout ce que je veux c'est faire profil bas et préserver mes proches. » Si elle pouvait dire en le regardant dans les yeux que c'était la même chose, c'est qu'elle le connaissait aussi peu que ces types qui écrivaient sur eux en prétendant avoir compris quand en réalité eux seuls connaissaient la vérité.

Le fait d'avoir été gardé dans l'ignorance de cette histoire avec Giovanni jusqu'au moment où instagram était devenu le théâtre du premier acte de cette vaste pièce, bien sûr, n'avait fait que le tendre un peu plus. « Alors je vous conseille d'accorder vos violons pour la suite si vous voulez que votre histoire prenne. Ce serait dommage d'avoir fait tout ça pour rien. » Son regard croisa brièvement celui de la jeune femme mais la complicité qu'elle y aurait lue il y a quelques semaines avait laissé place à une profonde réserve. Penny était actrice et savait mieux que quiconque que la supercherie ne prendrait pas s'ils ne se préparaient pas mieux. Il trouvait ça sordide, mais elle savait déjà ce qu'il en pensait alors la seule chose qu'il lui paraissait judicieuse de faire, à ce stade, c'est s'assurer qu'elle ne soit pas entrain de leur causer du tort pour quelque chose qui serait découvert au bout d'un mois. La main de Penny vint chercher la sienne et si ce contact l'aurait profondément apaisé en temps normal, ici il jurait avec le ton de cet échange et Rory déplorait qu'il n'ait pas grand chose de naturel. « Peu importe. C'est fait et c'est pas ce que j'en pense qui devrait t'inquiéter. » Il en penserait toujours la même chose demain et ça aurait toujours aussi peu d'importance que ce soir-là, quoi qu'elle en dise. « Pense plutôt à la suite. Tu sais que si les gens découvrent un jour que tu leur as menti au sujet de ton idylle, rien ne les empêchera de penser que tu leur mens aussi sur le reste. » Le reste, c'était Byers et ce qu'elle voudrait dénoncer lorsqu'elle se sentirait prête. Peut être bien qu'aujourd'hui Penny pensait leur être d'un quelconque secours, mais si par la suite cette idée avait l'effet inverse de ce qu'elle espérait et que c'est la confiance de l'opinion publique qu'elle perdait, alors elle pourrait avoir de lourds regrets. Et bien sûr qu'il s'inquiétait à l'idée qu'elle puisse en payer le prix fort et voir des millions de personne hésiter à lui faire confiance sur quelque chose d'aussi grave que ce qu'elle avait vécu ce soir-là. Bien sûr qu'il serait ce jour-là le premier à faire tout son possible pour que personne ne mette sa parole en doute, peu importe les erreurs qu'elle aurait pu commettre et le froid qu'elle aurait jeté entre eux. Mais aujourd'hui ce n'était pas son rôle et si Penny pensait bien faire, il n'allait pas dépenser son énergie à tenter de lui ouvrir les yeux. Elle n'avait eu que faire de ce qu'il en pensait, et tout ce qu'il pouvait faire c'est la prévenir. Il lui devait quand même au moins ça. Ensuite, ils pourraient éviter le sujet jusqu'à la fin du tournage. « Bien sûr que je veux saisir la chance qu'on nous donne. Je te l'ai dit, que la série se fasse c'est tout ce que je veux. » Et il n'aurait peut être jamais évoqué le sujet si elle ne l'avait pas fait. Oubliant sa main toujours serrée dans celle de Penny, il reposa son regard sur elle. « Et je peux m'arranger pour trouver un autre endroit où dormir. Tu seras bien, au loft avec Chloe et Victor, j'ai pas envie que ce soit encore plus compliqué. » Ni que la cohabitation devienne pesante quand le tournage l'était déjà. Il pouvait largement se payer l’hôtel ou se faire héberger par un ami, quand bien même ça ne réglerait pas tout.

« À t’entendre on croirait que c’est pour que tu te sentes redevable que j’ai été présent pour toi, ces derniers mois. Or tu sais que c’est faux, et que j’ai jamais voulu non plus que tu te sentes responsable de la manière dont ma vie a changé. » Il y a un rire sarcastique qui franchis automatiquement tes lèvres alors que tu sens les larmes qui te piquent les yeux. Tu savais que ce serait difficile, de lui faire face, mais jamais tu n’aurais cru que ce serait plus difficile que de gérer les silences. Pourtant, tu réalises rapidement que de se mettre la table dans la sable était peut-être la meilleure solution. Même si ça faisait de vous de piètres acteurs sur le plateau et de piètres amis dans la vraie vie. Il dit qu’il ne t’a jamais tenu responsable de la manière dont sa vie a changé, mais ne sait-il pas que même s’il ne l’a jamais dit, ça n’efface pas la culpabilité qui t’habite? Que sans toi, sa carrière irait bien, au Craine. Que sans toi, il serait sans doute encore avec Swann. Même si l’anglais t’a rassuré que non la dernière fois, tu ne peux t’empêcher de porter le poids de cette rupture. Rupture qui lui fait mal encore à Rory, tu le sais trop bien. Ça tourne toujours dans ta tête et tu lui en veux tellement de banaliser tout ça et que tu prends le tout pour lui être redevable alors que c’est tellement loin d’être la vérité. « La seule chose que je pensais avoir mérité, c’est de pouvoir te dire quand ce que tu fais me déplaît sans que ma loyauté soit remise en question. » Tu hoches de la tête, tu refuses de prendre l’entièreté du blâme du fossé qui s’est créé entre vous depuis qu’il a vu les photos avec Giovanni sur Instagram. « T’as le droit de dire ce que tu veux, je t’ai jamais demandé d’être toujours d’accord avec moi! Je remets pas en question ta loyauté parce que tu trouves que mon faux-couple est une mauvaise idée. » Toi-même tu commences à le réaliser que ce n’était pas ton meilleur plan. Le tout s’était fait si rapidement, tu n’avais pas pris le temps de réfléchir aux conséquences, de réfléchir à comment ça se passerait plus tard. Et par dessus-tout, jamais tu n’avais pensé à la manière que ça allait affecter ta relation avec Rory. Si tu avais eu la moindre idée que tout dégénérerait à ce point, jamais tu n’aurais laissé Giovanni posté cette photo sur Instagram, ce soir-là. « Mais tu me parles pas Rory! Tu t’es terré dans le silence et après tu me traites comme si c’était moi l’effrontée de te dire que oui, t’as failli à ta promesse. » Il faut que tu te calmes, mais il y a ton coeur qui s’emballe contre ta cage thoracique. Il y a un mélange de colère, de tristesse et d’incompréhension qui gronde en toi. « J’avais besoin de toi en arrivant ici. J’avais besoin de toi et t’étais pas là! » Pire encore, il était juste là, dans la chambre d’à côté, mais il aurait bien pu être à l’autre bout du monde, ça n’aurait pas fait une grande différence. Il était pas là quand t’avais mis les pieds sur le plateau pour la première fois, ce matin-là. Il y avait Chloe qui tenait ta main, Chloe qui elle aussi comprenait, avançait dans la peur. Mais c’est Rory qui avait vécu les derniers mois avec toi. C’est Rory qui savait à quel point tu appréhendais de te retrouver devant la caméra à nouveau. C’est Rory qui savait à quel point tu avais peur de faire face à un réalisateur, de te retrouver sous le contrôle d’un autre homme. Il y a quelques larmes qui coulent sur tes joues et tu les effaces rageusement, ne désirant pas te montrer plus vulnérable que tu ne l’es déjà devant le jeune homme.

« Parce que tu penses qu’être associée à trois hommes au lieu de deux va t’aider? » « En confirmer un sur les trois devrait aider à taire les rumeurs sur les deux autres, oui. » C’est sur que ça ne se fera pas du jour au lendemain. Après tout, il y a un moment déjà que les rumeurs flottent sur le triangle amoureux, mais vous n’avez rien dénier, vous n’avez rien confirmer. Le temps était supposé faire son œuvre, mais il n’agissait pas assez vite, pas assez radicalement et tu étouffais. Tu étouffais de voir cette photo de Rory et toi partout. Tu étouffais de voir son nom et le tien partout et de devoir démentir les rumeurs sans arrêt. Pire, tu détestais plus que tout être associée à Byers de quelconque manière qui soit. Tu préférais de loin être associée officiellement à un homme en dehors de toute cette histoire et espérer que les rumeurs s’éclipsent finalement que d’attendre que la situation ne dégénère encore plus vu ta proximité (ou du moins, la proximité que vous aviez avant tout ça) avec le Craine. « Et ce Giovanni, ça le dérange pas d’être la nouvelle coqueluche des réseaux sociaux? Il a la moindre idée de ce dans quoi il met les pieds, ou c’est la pub qu’il va s’en tirer qui l’intéresse? » Ta première réflexion est de lui demander ce que ça change pour lui, les intentions de Giovanni. Après tout, la raison derrière tout ce bordel c’est que Rory n’approuve pas, qu’est-ce que ça vient changer les motivations de l’italien? Toutefois, tu prends le temps de prendre une grande respiration et tente tant bien que mal de rester neutre, même si tu te sens incroyablement fragile, à deux doigts de t’effondrer devant le jeune homme qui ne semble même pas voir à quel point tu te sens mal. Un pas devant, deux pas derrière. « C’était son idée. Et il sait pas.. tout. » Tu sais qu’il va comprendre le sous-entendu, même si t’as aucune idée si ça va améliorer ou empirer la situation. Au point ou vous en êtes, t’es pas certaine qu’il y a quoique ce soit qui pourrait vraiment vous aider et cette simple pensée te brise le coeur un peu plus. Il ne t’a jamais paru aussi loin tout en étant juste là. « Honnêtement je sais pas ce qu’il y gagne. Qu’est-ce que ça change? Il voulait juste m’aider à faire taire les rumeurs sur toi et moi. Rien de plus. Personne n’a de mauvaises intentions dans toute cette histoire. » Ce n’est pas un reproche, pas cette fois. Juste quelque chose que tu dis comme ça parce que même si le Medici est au coeur du problème, t’as la conviction que c’est plus gros que ça, plus compliqué que ça. Que peut-être que Rory y voit quelque chose que toi, tu ne vois pas, que tu n’avais pas considéré. « C’est pour te protéger que je mens depuis des mois, mais jamais je n’ai joué avec mon image ou laissé croire à mes amis ou ma famille à quelque chose qui n’était pas vrai. Je n’ai jamais joué avec les sentiments de personne, et surtout pas les leurs. » « Je suis pas en train de jouer avec les sentiments de personne. J’essaye seulement de me protéger. Je vois pas ce que tu comprends pas là-dedans. » Tu échappes un léger soupir de frustration, t’as l’impression que vous tournez en rond. « On est différents Penny. Tu refuses peut-être de le voir, mais moi je le sais. » Et ça ne sonne pas du tout comme un compliment. Tu te contentes de hocher légèrement la tête, encaissant le coup. Que pouvais-tu faire de plus après tout? Son idée sur ta personne semblait être changer et rien de ce que tu pouvais dire ne le ferait démordre. Tu le connaissais assez pour savoir ça.

« Cette soirée sur le tapis rouge le mois dernier. J’y suis pas allé parce que j’angoissais à l’idée de ce qu’on pourrait encore raconter sur moi si je me jetais dans la gueule du loup. » T’es pas certaine que tu comprends le soudain changement de sujet, mais tu restes silencieuse, ton regard toujours dans le sien alors que tu attends de savoir ou il veut en venir. Une chose est presque certaine : tu ne vas sûrement pas aimé ce qu’il essaye de te dire avec cette histoire. « Et je sais que t’étais pas prête à remettre un pied là-dedans, après cette année ça aurait terrifié n’importe qui. » Tu baisses les yeux, incapable de supporter son regard plus longtemps. Il n’a pas tort après tout. Non, t’étais pas prête. Et tu en avais payé le prix. T’avais presque perdu la carte avec Chloe après tout. Elle avait réussi à sauver les apparences là ou t’étais prête à t’effondrer au sol. Et tu le sentais, le blâme venir. Mais tu te contentes de regarder le soleil, de regarder le bout de ses bottes bien trop chaudes que tu dois porter pendant la majorité de tes scènes. « La seule chose à laquelle je pensais ce soir-là, c’était à disparaître. Et le lendemain matin, quand je suis tombé sur ces photos de toi et Chloe en train de vous embrasser devant les photographes, je me suis demandé ce que j’avais pu rater pour que la seule chose à laquelle tu aies pensé, toi, c’est à donner à ces journalistes exactement ce qu’ils voulaient. » Tes lèvres tremblent encore, tu ne sais pas si c’est de colère ou parce que t’es sur le point de te mettre à pleurer. « T’étais pas là. » que tu murmures alors que tu perds de plus en plus le peu de composition que tu avais encore. Il sait pas que t’as enchaîné les verres de champagne avant même de mettre les pieds sur le tapis rouge tellement t’étais terrorisée à la simple idée d’être là. Il sait pas que d’agir comme ça avec Chloe, c’est la seule chose qui t’a permis de ne pas faire complètement une folle de toi. « Je suis pas entrain de te reprocher de l’avoir fait, ça vous regarde Chloe et toi et c’est pour ça que je t’en ai jamais parlé avant aujourd’hui. » Le rire mauvais est de retour, t’as les yeux plein d’eau mais tu les relèves quand même pour croiser le regard d’un Craine que tu trouves particulièrement arrogant en ce moment. « Pour ce qui est pas censé être un reproche, ça sonne exactement comme si ça en était un. » Reproche de ne pas agir comme lui le ferait. Comme si de jouer le jeu parfois, c’était si mal, si dégradant. Mister holier-than-thou. Il te fait chier, il te fait mal, c’est les pires montagnes russes qu’il n’y a pas. « Mais ne dis pas qu’on fait la même chose lorsque tu joues constamment avec la presse et que tout ce que je veux faire c’est faire profil bas et préserver mes proches. » « Constamment? T’es sérieux Rory? » Tu hoches la tête, encore et encore parce que plus il parle, plus il t’enrage et t’as juste une envie, c’est de te pousser de ce putain de plateau de tournage. Mais le dix minutes achève, l’équipe du tournage va revenir bientôt et il faut que tu prennes sur toi. Parce que le Craine, il semble pas très ouvert à mettre de l’eau dans son vin, malgré toutes tes tentatives d’excuses et d’explications. « J’ai passé l’année sans aller au moindre évènement, à essayer de limiter les dégâts moi aussi. Je fais une erreur ou deux et je joue constamment le jeu des médias? » T’es pas parfaite, t’as jamais eu le culot de prétendre que tu l’étais non plus. Tu te fous dans des situations pas possible par moments, tu dois l’admettre. Mais ça fait dix ans que ton nom est plus ou moins connu dans le monde médiatique. Dix ans que tu réussis à ne faire parler de toi qu’en bien. Dix ans que tu fais tout ce qu’il faut. Et soudainement, ça compte plus? Peut-être qu’il ne te connaît pas aussi bien que tu l’as toujours cru au final, le grand brun. Tant pis. « C’est vraiment ce que tu penses de moi Rory? Tu m’estimes si peu? »  Ça fait mal d’entendre les mots qui sortent de ses lèvres. L’opinion qu’il a de toi t’importe tellement, tu ne sais pas s’il réalise qu’en ce moment, c’est lui qui tien le couteau qu’il enfonce à répétition dans ta chaire. T’es comme un animal blessé qui essaye de se faufiler avant le coup fatal. Et pourtant tu t’acharnes. Tu restes là. À essayer de finalement briser l’espace entre vous. Un pas devant, dix pas derrière. Tu n’y arriveras pas.

« Alors je vous conseille d’accorder vos violons pour la suite si vous voulez que votre histoire prenne. Ce serait dommage d’avoir fait tout ça pour rien. » Tu laisses le commentaire rouler sur ton dos parce que t’es trop fatiguée de te battre avec lui pour si peu. L’histoire est sortie, il est trop tard pour revenir en arrière de toute façon. La fausse idylle n’a pas besoin de durer longtemps de toute façon et tu ne penses pas laisser le tout s’étendre éternellement. Juste le temps du tournage et peut-être de la promotion de la série, histoire d’être le moins possible associé à un Rory qui de toute façon, ne semble plus vouloir voir son nom au côté du tien de quelconque façon. C’est désespéré, ta tentative de rapprochement alors que ta main prend la sienne. Il les entend pas, tes cris du coeur. La partie est perdue d’avance. « Peu importe. C’est fait et c’est pas ce que j’en pense qui devrait t’inquiéter. » « Comment va falloir que je te le dise pour que tu comprennes que j’ai jamais voulu te blesser là-dedans? Que ton avis compte à mes yeux? » Tu plaides, t’es désespérée. T’as besoin qu’il t’entende, t’as besoin qu’il te pardonne, t’as besoin que les choses s’adoucissent ne serait-ce qu’un petit peu entre vous. Tu supportes pas l’idée de le perdre. Et pire encore, tu supportes pas l’idée de faillir complètement à cette promesse que tu as fait à Swann, il y a quelques semaines. T’étais censée être là pour lui, pas te le mettre complètement à dos. Maudite idiote. « Pense plutôt à la suite. Tu sais que si les gens découvrent un jour que tu leur as menti au sujet de ton idylle, rien ne les empêchera de penser que tu leur mens aussi sur le reste. » Tu échappes un soupir. Ça, tu n’y avais pas vraiment penser sur le coup. Tu te dis toutefois qu’il n’y a pas de raison pour que la vérité sorte vraiment. C’est facile de rompre et de dire que vous êtes mieux chacun de votre côté. « Il n’y a aucune raison pour que cette vérité sorte. » Le reste toutefois, ça te pend au bout du nez, ça menace d’éclater d’une journée à l’autre et tu sais que les dégâts seront grands et difficiles à gérer. Tu refuses d’y penser. Il y a le tournage qui demande toute ton attention. Ça et ce fossé géant avec Rory. C’est tout ce que tu arrives (ou du moins, ce que tu tentes) de gérer dans le moment. « Bien sûr que je veux saisir la chance qu’on nous donne. Je te l’ai dit, que la série se fasse c’est tout ce que je veux. » Au moins une chose sur laquelle vous étiez en mesure de vous entendre. Tu n’étais pas certaine toutefois si la discussion que vous veniez d’avoir allait aider ou nuire. Sûrement un mélange des deux, difficile à suivre, comme tout le reste. « Et je peux m’arranger pour trouver un autre endroit ou dormir. Tu seras bien, au loft avec Chloe et Victor, j’ai pas envie que ce soit encore plus compliqué. » « Sois pas ridicule. » Ta voix est plus douce maintenant, ta main toujours dans la sienne. Tu ne veux pas la lâcher. T’as trop peur de ne plus jamais pouvoir l’avoir si près de toi si tu le laisses filer. C’est pas ce que tu veux. C’est même l’opposé de ce que tu essayes de lui faire comprendre depuis le début de tout ça. « On doit passer toutes nos journées ensemble de toute façon, que tu dormes ou pas dans la chambre à côté de la mienne, ça change pas grand-chose. » Ça change tout. Ne pars pas. S’il-te-plaît. « Je veux seulement que tout redevienne comme avant. » Tu l’as dis, tu pensais pas que tu trouverais le courage, mais les mots ont filé de tes lèvres et t’as peur de ce qu’il va dire, Rory. Peur qu’il parte quand même. Avec ton coeur, sans même le savoir.

Difficile de savoir quelle était la pire idée finalement : ce tournage en lui-même, à cet instant où leur symbiose était compromise, ou cette conversation qui risquait à tout moment de dégénérer. C'était tout ce qu'il voulait éviter en laissant s'installer cette distance entre Penny et lui depuis le début du tournage, quand bien même s'éviter ne les avait pas vraiment aidé jusqu'ici. Ça n'allait pas quand ils se parlaient, ça n'allait pas quand ils s'ignoraient. En fin de compte, c'était sûrement une question de timing et tous les deux avaient probablement besoin d'un peu de temps avant de savoir comment composer avec tout ça. Rory, lui, était pour la première fois incapable de lire en Penny comme il en avait l'habitude et le fossé creusé entre la blonde et lui semblait grandir à chaque mot qui filtrait d'entre leurs lèvres. Ces explications auront peut être permis de crever l'abcès, elles leur auront malgré tout fait plus de mal encore. « Désolé si ma réaction a pas été à la hauteur de ce que t'espérais, mais après nos échanges de sms je crois pas qu'on aurait eu grand chose de bienveillant à se dire. J'ai préféré éviter d'envenimer les choses. » Tout du moins jusqu'à aujourd'hui, où mettre les pieds dans le plat paraissait inévitable. Mais lui aussi s'attendait à autre chose de sa part, lorsqu'il lui avait envoyé ce message dans l'espoir d'avoir des explications au sujet de son couple avec Giovanni. Lui aussi avait été déçu qu'elle réagisse comme elle l'avait fait, et plus encore de s'être senti si proche d'elle ces derniers mois pour finalement s'apercevoir que la confiance et l'honnêteté étaient deux notions abstraites de leur relation. « Ça a été une année difficile sur beaucoup de plans, c'est pas à toi que je vais l'apprendre. » Parce que ce qui avait été éprouvant pour lui l'avait été plus encore pour elle et qu'il y a encore une poignée de jours, ou semaines, ils étaient les plus à même de comprendre ce que l'autre pouvait vivre. « Et parce que je suis fatigué de tout ça, je crois qu'il est temps que je me protège un peu. » Des autres, du mal qu'ils pouvaient parfois lui faire en prenant des décisions sans toujours se soucier de la façon dont il les vivrait. Penny savait que sa meilleure amie l'avait rayé de sa vie un beau jour pour réapparaître trois ans plus tard. Elle savait qu'à chaque fois qu'il avait pris le risque d'offrir son cœur on le lui avait brisé. Elle savait pour Swann et le voyait échouer à guérir depuis des mois alors qu'il aurait pu, du se reconstruire et retomber amoureux lui aussi. Elle savait qu'elle était l'une des rares personnes avec sa famille à ne jamais l'avoir blessé et que ça comptait plus que tout pour lui qu'ils puissent tout se dire. Et malgré ça, elle lui reprochait de prendre à cœur ses secrets et d'avoir eu besoin de se mettre en retrait pour la première fois de sa vie. Le Rory déçu en venait à se dire qu'il serait plus heureux en tentant d'avancer seul, mais le Rory réaliste savait pertinemment qu'il avait besoin des autres pour l'être. Besoin d'elle, aussi, même s'il ne se sentait pas la force de le lui dire maintenant.

Penny avait ses raisons pour s'entêter dans cette voie avec Giovanni et bien qu'il les comprenne, Rory peinait à le voir comme une bonne idée. Sur le papier, ça pouvait sembler être l'option parfaite pour détourner les rumeurs mais Penny n'en serait pas pour autant tranquille et l'intérêt de la presse nécessairement moins pesant. Il secoua pourtant la tête, ne voyant pas d'intérêt à continuer d'en débattre si ça devait fragiliser plus encore ses chances d'arrondir les angles avec Penny avant la fin du tournage. Pour autant, il restait Giovanni qui semblait bien loin des paillettes et de la vie publique et qui pourtant devait bien tirer un avantage de cette situation. L'hypothèse la plus logique, c'était évidemment que la notoriété de Penny lui profite lorsqu'ils affichaient tous les deux leur bonheur sur les réseaux sociaux. Ça ferait sens, bien qu'il y ait peut être aussi d'autres raisons qui puissent motiver ces efforts et dont Rory pouvait difficilement juger en ayant peu de détails sur la relation qui unissait réellement Penny au chef cuisinier. Il y a encore quelques temps, il aurait pensé que s'il y avait quoi que ce soit à en savoir, Penny l'aurait déjà mis au courant. Aujourd'hui il en était moins sûr et tout ce qu'il pouvait faire, c'était rester dans son rôle d'observateur et espérer du plus profond de son cœur que Penny savait ce qu'elle faisait. Giovanni ne savait pas pour Byers et ça n'était qu'une demi-surprise, quand bien même Penny aurait pu en être proche au point d'éprouver l'envie de profiter de l'occasion pour se livrer à des confidences. Rory ignorait ce qu'on pouvait bien se dire, en vérité, lorsqu'on feignait d'entretenir une relation amoureuse mais s'il avait été à sa place, il aurait gardé le secret sur ce qui lui était arrivé de peur de mettre une personne de plus dans la confidence. « Je veux bien croire qu'il ait eu envie de t'aider. » Et ça n'était pas lui, qui accordait facilement sa confiance et faisait souvent tout pour dépasser une première impression négative, qui irait lui reprocher de vouloir croire en la bonne volonté d'un ami. Il était rancunier, mais pas injuste. « Je suis juste pas sûr que ça revienne à rendre ta vie moins compliquée. » Mais il n'était pas Penny et ils avaient deux manières différentes de considérer les choses. Elle le voyait comme une aubaine, il le voyait comme une complication supplémentaire. Au fond, il ne pouvait pas lui faire voir les choses telles que lui les voyait et en temps normal, il aurait considéré qu'ils n'étaient pas forcés de tomber d'accord sur tout. «  D'accord, je comprends pas grand chose. Mais t'es pas facile à suivre non plus. » Un point partout, la balle au centre. Son regard fixa le sien en silence. Il n'aimait pas que les seules choses qu'ils trouvent le moyen de se dire soient des reproches. Il n'aimait pas jouer à qui ferait le plus de peine à l'autre. Il n'aimait pas jouer, pas comme ça.

Et il y a encore quelques heures, jamais il n'aurait pensé que cette soirée sur le tapis rouge referait surface, elle qui avait toutes les raisons d'appartenir au passé. Seulement les deux situations se faisaient comme l'écho l'une de l'autre et bien qu'il n'ait aucune envie de remuer tout ça, une partie de lui en éprouvait le besoin. Pourtant sa voix n'habillait aucun reproche et c'était là simplement sa manière de lui dire qu'ils avaient deux manières différentes de gérer la notoriété qui allait de paire avec leur boulot, et que la sienne se résumait à mener une vie la plus normale possible hors des plateaux de tournage. Ce n'était pas toujours évident, ça l'avait été moins que jamais cette année, mais c'était cet équilibre qui lui permettait de garder un semblant de contrôle en temps normal. Preuve en était que tout avait cessé d'aller bien le jour où il avait commencé à faire les choux gras de la presse pour de mauvaises raisons. Il n'insinuait pas que c'était la meilleure façon de gérer les choses, simplement que c'était la sienne. « C'est de me rappeler que j'étais pas là ce soir-là qui sonne comme un reproche. » Elle le savait, pourtant, qu'il aurait voulu prendre sur lui et trouver la force de la rejoindre sur ce tapis rouge. Il n'avait pas choisi de lui faire faux bond, il avait simplement pris la meilleure décision pour lui à cet instant et ça lui faisait mal, plus mal qu'elle n'en avait sans doute conscience, d'être culpabilisé pour quelque chose qu'elle comprenait parfaitement il y a quelques semaines. Cet échange ne leur réussissait pas, ils en avaient maintenant la preuve, et la suite ne fut guère plus évidente. Alors Rory redevint un instant silencieux, réprimant les mots qui seraient peut être sortis sous le coup de l'amertume parce que la dernière chose dont ils avaient besoin, c'était de dire davantage de choses qu'ils regretteraient demain. « Bien sûr que non. » Les mots franchirent péniblement la barrière de ses lèvres, dans un soupire qui témoignait du fait qu'il était à bout, tant parce que ce tournage ne se passait pas aussi bien qu'il l'avait rêvé que parce qu'à cet instant, il pourrait perdre à nouveau quelqu'un qui comptait profondément pour lui et qu'il s'y refusait. Il ne pourrait pas, aussi amer soit-il parce que sa déception était encore grande et son cœur éprouvé. Il ne pourrait pas, parce qu'il n'aurait pas tenu ces derniers mois si Penny n'avait pas été là et que s'il la perdait maintenant, il ne tiendrait pas le coup. « C'est pas ce que je pense, c'est juste... » Il soupira, passa une main contre sa nuque. « Je déteste toute cette situation. Je déteste qu'on en soit arrivés là et je déteste qu'on soit pas capables de se comprendre. » C'est pas nous. Ça n'aurait jamais du aller jusque là, tout comme ils n'auraient jamais du pouvoir se faire autant de mal juste parce que pour la première fois depuis des mois, ils réalisaient qu'ils ne pouvaient pas toujours être en accord avec ce que l'autre pouvait dire ou faire. Leur relation était jusqu'ici si unique, qu'ils tombaient de haut en s'apercevant qu'elle n'était pas non plus sans défaut. Qu'ils ne l'étaient pas, eux, quand pourtant ça ne devrait faire aucune différence.

Son regard soutint le sien et Rory finit par relâcher les épaules et baisser légèrement sa garde, quand bien même le contact des doigts de Penny autour des siens fut moins naturel qu'il l'aurait voulu dans ces circonstances. Ils avaient peut être pourtant besoin de ça pour se rappeler ce qu'ils avaient partagé au cours des derniers mois et éviter à cette journée de faire plus de dégâts encore. Lui n'avait jamais voulu que les choses dégénèrent à ce point et c'est la raison pour laquelle il ne s'étendrait pas plus longtemps sur des sujets périlleux. « Je te souhaite que tu aies raison. » Et que l'opinion publique n'aurait jamais à apprendre la vérité au sujet de Giovanni et elle, qu'elle saurait faire ce qu'il faut le moment venu pour la supercherie ne soit pas révélée. Il l'espérait parce qu'il regretterait d'autant plus de voir cette histoire lui coûter une partie de sa crédibilité auprès du public, alors qu'elle aurait plus que jamais besoin d'être crue lorsqu'elle se sentirait prête à dénoncer Byers. L'idée d'aller dormir ailleurs le temps du tournage, elle, ne l’enchantait qu'en partie mais pourrait s'avérer préférable si les tensions rendaient la colocation entre Penny et lui aussi compliquée que de travailler ensemble. Pour autant, lui aussi préférerait ne pas avoir à en arriver là. « Sauf quand les seuls bruits qu'on entend au petit-déjeuner sont ceux des mouches qui volent... » Ça n'était pas tant une tentative d'humour que la volonté de sa part d'alléger ce qui pouvait l'être. Si Penny ne voyait pas d'inconvénient à ce qu'il reste, alors il prendrait sur lui le temps qu'il faudrait pour permettre à la situation de s'apaiser un minimum. Et tandis que ses prochaines paroles le désarçonnèrent plus qu'il ne le montra, c'est doucement qu'il finit par souffler. « Moi aussi, j'aimerais que tout redevienne comme avant. » Elle n'avait pas idée à quel point. Cette situation lui pesait, qu'ils s'évitent ou qu'ils se blessent à grand coup de vérités. Il aimerait pouvoir effacer les dernières semaines, se moquer de cette histoire de faux-couple et considérer que rien n'avait changé. « Et je t'estime toujours, Penny. C'est vraiment pas la question. » Loin de là même, parce que s'il y a bien une chose qu'elle savait à propos de lui c'est qu'il prenait toujours les choses particulièrement à cœur quand elles touchaient à ceux qui comptaient le plus pour lui. C'est la raison pour laquelle ces non-dits l'avaient blessé, la raison pour laquelle chaque mot soufflé par Penny avait toujours un impact plus grand, qu'ils lui réchauffent le cœur ou qu'ils le lui serrent. Il s'apprêta à poursuivre, mais une voix résonna subitement derrière eux. « Fin de la pause ! Tout le monde à son poste, on a une séquence à boucler. » La réalisatrice fit son grand retour sur le plateau, accompagnée d'une pléiade d'assistants et de techniciens prêts à reprendre là où tout le monde s'était arrêté. Et la dernière prise n'était pas glorieuse, autant se l'avouer. « Vous deux, je compte sur vous pour tout donner cette fois-ci. Quoi que vous vous soyez dit, j'espère que ça vous aura permis de régler vos différends. » Son regard croisa celui de Penny avec embarras, elle à qui il venait de dire combien il voulait que cette série se fasse et que les choses redeviennent aussi simples que possible, surtout entre eux. Alors il donnerait réellement le meilleur de lui-même, ce coup-ci, en tâchant d'occulter tout le reste. C'était leur chance et il n'était pas question de la gâcher. Ainsi ses deux mains retrouvèrent celles de Penny, prêtes à donner elles aussi l'illusion que tout était réellement aussi simple et aussi léger que dans une comédie romantique. Sourire aux lèvres, le regard brillant, il aurait l'air heureux et insouciant pendant les cinq prochaines minutes. La suite, ils y penseraient tous les deux plus tard.

« Désolé si ma réaction a pas été à la hauteur de ce que t’espérais, mais après nos échanges de sms je crois pas qu’on aurait eu grand-chose de bienveillant à se dire. J’ai préféré éviter d’envenimer les choses. » Et pourtant, en gardant le silence, en imposant cette distance entre vous deux, c’est exactement le contraire qui s’était produit. Après chaque journée passé sur le tournage, le fossé semblait prendre de l’expansion entre vous deux au point ou il n’y avait plus le moyen de simplement sauter par-dessus pour se rejoindre. Il avait fallut crier, crier trop fort et puis blesser aussi, pour que l’autre entende enfin, pour se donner une chance de se comprendre. C’était maladroit, c’était douloureux, les reproches semblaient être votre première défense alors que vous étiez tous les deux incapables de baisser les armes. Tu aurais voulu lui crier que c’était de sa faute, même si tu savais pertinemment que ta réaction à ses messages textes avaient été ton premier faux-pas, le premier faux-pas de toute cette histoire et que tu n’étais pas blanche comme neige. Alors tu te contentes de lâcher un soupir, secouant légèrement la tête. Il n’y avait pas de retour, pas de deuxième chance possible. Les premiers jours de ce tournage ne reviendraient pas. Vous ne pouviez que tenter de rendre la suite le moins difficile possible, même si vous étiez loin d’en être à un point ou tout pourrait redevenir normal entre vous. « Ça été une année difficile sur beaucoup de plans, c’est pas à toi que je vais l’apprendre. » Tu déglutis difficilement alors que ton regard ne quitte pas le sien. T’as pas du tout envie d’aller là. Le présent est assez compliqué ainsi sans que tu n’ajoutes tous les problèmes des derniers mois, ces problèmes et regrets qui pourtant ne sont jamais très loin, entremêlés avec tout le reste. « Et parce que je suis fatigué de tout ça, je crois qu’il est temps que je me protège un peu. » Il y a l’hésitation, le regard qui devient difficile à tenir le temps de quelques secondes alors qu’ils pincent, les mots lancés par le Craine. Se protéger de quoi? De moi? De nous? Tu as beau retourner toute cette situation dans ta tête, tu ne sais pas ce que tu pourrais dire ou faire pour éviter que vous vous retrouviez dans ce bordel. T’as presque l’impression que la bulle dans laquelle vous étiez tous les deux venait d’exploser, vous forçant à finalement prendre compte que vous étiez deux personnes à part entière, au passé difficile, aux coeurs blessés et aux décisions par toujours compréhensibles. La chute est difficile, vous n’y étiez pas préparer. « Je pense que t’as raison. » Il faut que je me protège aussi. De toi. De mes sentiments pour toi. Pour ne pas continuer de tomber, encore et encore.

« Je veux bien croire qu’il ait eu envie de t’aider. » Et s’il avait été possible de finir la discussion ici, tu l’aurais sans doute fait parce que c’est tout ce que tu voulais qu’il comprenne, le Craine. Mais tu ne pouvais pas prendre et choisir les parts de cette discussion qui te plaisaient et oublier le reste. Il te fallait tout entendre, comme tu avais le choix de tout lui dire. Il y a des choses qui se disent plus facilement que d’autres. Des choses qui font moins mal à entendre que d’autres. C’était votre nouvelle réalité apparemment, celle ou plus rien n’était vraiment off limits et tant pis pour les coups que l’on se prend à la figure. Parler de Giovanni, c’est toujours risquer à l’un ou à l’autre de se prendre un droite en plein visage, même si tu devines trop facilement que ce n’est pas son intention à Rory, comme ce n’est pas la tienne non plus de lui faire du mal. Après cette année, c’est bien la dernière chose que tu voulais. Mais ce n’était qu’une chose de plus à ajouter à ta longue liste d’échecs. « Je suis juste pas sûr que ça revienne à rendre ta vie moins compliquée. » « Je suis pas sûre non plus. Mais qu’est-ce que je perds à essayer? » La question est rhétorique, la réponse déjà claire depuis plusieurs jours. Rory. C’est Rory que tu risques de perdre à essayer. « D’accord, je comprends pas grand-chose. Mais t’es pas facile à suivre non plus. » Si t’aurais normalement répondu à ça avec un petit commentaire du genre au moins on se complète ou un autre truc inutile mais réconfortant dans le genre, cette fois-ci les mots restent coincés dans le fond de ta gorge parce que t’es plus certaine de savoir à quel point vous vous complétez vraiment. Le sujet divague sur le tapis rouge et sur Chloe et tu peines à garder ton sang froid une fois de plus. Il dit que ses intentions ne sont pas mauvaises, tu n’arrives pas à les voir autrement. Tu siffles qu’il était pas là, sous-entend qu’il ne peut pas comprendre et soudainement, c’est tes intentions à toi qui sont mauvaises. Il est comme une radio dont tu n’arrives plus à capter les ondes correctement. T’entends la musique, mais c’est presque impossible de dire de quelle chanson il s’agit. Tu peux faire pleins de suggestions, mais ce n’est que ça, des possibilités, la vérité hors de porté. « C’est de me rappeler que j’étais pas là ce soir-là qui sonne comme un reproche. » Tu lâches un long soupir, encore une fois, il a pas capté les ondes lui non plus. Il a entendu la musique, mais pas la chanson. Il a pris a assumé de quelque chose alors que tes véritables intentions étaient toutes autres. « C’est pas ce que je voulais dire... » Tu passes tes doigts dans ta tignasse brune avant de secours légèrement la tête. T’as l’impression que tu t’acharnes pour rien. Qu’il avait peut-être raison finalement, qu’il aurait sans doute été judicieux d’attendre plus longtemps, d’avoir cette discussion sans minuterie qui s’écoute, sans savoir que toute l’équipe reviendrait d’une minute à l’autre et qu’il faudrait reprendre le tournage comme si de rien était. Pire même, qu’il faudrait reprendre le tournage et faire mieux, beaucoup mieux. « Bien sûr que non. » Tu souffles un coup alors que les mots franchissent la barrière de ses lèvres et ça te prend toute ta force restante pour ne pas te mettre à sangloter, là tout de suite alors que ses traits s’adoucissent légèrement, alors que pendant une minute ou deux vous n’êtes plus l’un contre l’autre, mais bien l’un avec l’autre. « C’est pas ce que je pense, c’est juste... » Tu soutiens son regard, te mordille légèrement la lèvre alors que tu attends impatiemment la suite, tentant autant que possible de ne pas sauter à des conclusions douloureuses. « Je déteste toute cette situation. Je déteste qu’on en soit arrivés là et je déteste qu’on soit pas capables de se comprendre. » Ça t’arrache un léger rire triste, contente tout de même de savoir que vous êtes au moins à la même page à ce sujet-là. Que vous pouvez encore au moins vous entendre sur l’essentiel : que c’était trop difficile de ne pas pouvoir compter sur l’autre. « Je sais. Moi aussi. » que tu souffles légèrement alors que tu lui souris tendrement, espérant si fort que ce soit assez pour vous donner une chance de finir cette discussion plus courtoise, douce presque.

« Je te souhaite que tu aies raison. » Tu hoches légèrement la tête. Que restait-il à faire que d’attendre et espérer pour le mieux désormais? Le mal était fait, l’annonce du faux-couple circulant depuis quelques temps déjà et il n’y avait plus vraiment le moyen de faire marche arrière sans que ça ne semble louche. Alors tu espérais. Tu espérais que la situation avec Giovanni reste simple. Tu espérais que les rumeurs sur Rory et toi, sur Byers et toi, sur vous trois se tassent tranquillement alors que tu jouais la comédie dans les réseaux sociaux. Tu espérais que ta crédibilité reste intact pour le moment opportun ou tu te sentirais finalement prête à gérer avec les conséquences d’une plainte contre le réalisateur. Mais pas dessus-tout, tu espérais pouvoir compter sur le Craine pour passer au travers des prochaines semaines, des prochains mois qui seraient tout sauf simple pour toi. Peu importe comment, tu voulais simplement qu’il soit là. Tu apprendrais à gérer avec le reste, s’il le fallait. C’est pour cette raison d’ailleurs que tu ne voulais pas qu’il parte, même si c’était seulement partir dormir à l’hôtel trop tard le soir et revenir trop tôt le matin puisque vos horaires étaient pratiquement les mêmes et complètement fous. « Sauf quand les seuls bruits qu’on entend au petit-déjeuner sont ceux des mouches qui volent... » « Je demanderai à Chloe de meubler les silences. Elle est douée pour parler pour rien dire. » Une tentative de sourire. Tes doigts qui serrent les siens un peu plus. Le contact semble déjà un peu moins forcé, un peu plus naturel. « Moi aussi, j’aimerais que tout redevienne comme avant. » Un autre soupir de soulagement alors que t’as l’impression que peu à peu, le fossé n’est pas si grand et pas si creux. Qu’il y a encore un peu d’espoir pour vous deux, si vous troquez la déchirure pour une communication plus ouverte, moins amère. « Et je t’estime toujours, Penny. C’est vraiment pas la question. » Il y a des larmes dans tes yeux mais tu ne détournes pas le regard alors que tu hoches vaguement la tête et tente un sourire. Il y a tellement de choses que tu aimerais pouvoir lui dire, là tout de suite. Toutes ces choses que tu n’as pas pu lui dire au fur et à mesure qu’elles se produisaient dans les dernières semaines. Tu voudrais tout lui raconter dans les moindres détails pendant que l’ouverture est là, entre vous deux. Mais il y a des bruits de pas qui brisent automatiquement le moment et tu t’empresses d’effacer les larmes dans tes yeux alors que la réalisatrice s’approche de vous. « Fin de la pause! Tout le monde à son poste, on a une séquence à boucler. » Tu réalises à ce moment que vous n’avez pas vraiment bouger de vos positions pour la séquence. Face à face, main dans les mains, t’as même le fond d’émotions de ce qui vient de se passer pour mieux te mettre dans les souliers d’Annabel qui vit beaucoup d’hésitation et de doutes dans la scène à terminer. « Vous deux, je compte sur vous pour tout donner cette fois-ci. Quoi que vous vous soyez dit, j’espère que ça vous aura permis de régler vos différends. » Le regard de Rory croise le tien temporairement avant que tu ne te retournes vers la réalisatrice, hochant légèrement la tête. Ce serait mieux ce coup-ci, tu voulais véritablement y croire. Les mains de Rory prennent les tiennes à nouveau, vos regards se joignent et tu essayes de faire le vide autour de toi et te concentrer sur les répliques qu’il te donne, celle que tu lui retournes, alors qu’une de tes mains vient se poser sur sa joue et bientôt vous venez au bout de la scène, alors que ses lèvres trouvent les tiennes dans un baiser répété des milliers de fois, mais qui tu en es persuadée, n’a rien à voir avec ce que ce serait vraiment, de l’embrasser pour vrai.