It’s beginning to look a lot like Christmas … Jade termine d’emballer les derniers cadeaux qu’elle avait achetés pour Isaac tout en fredonnant la chanson de Michael Bublé. L’image était plutôt clichée. Mais la jeune femme aimait beaucoup Noël, encore plus depuis qu’elle avait un petit être à gater désormais. Son fils, du haut de ses vingt et quelques mois, ne comprenait pas encore grand chose à cette tradition mais elle était sûre qu’il adorerait mettre en miettes chacun des papiers cadeaux.
Elle avait aussi décidé cette année de faire plaisir à un inconnu. Être si généreuse ne faisait pas partie des habitudes de la jeune femme mais en faisant les magasins, des représentant de la ville lui avait demandé si elle désirait participer au Secret Santa des Brisbanians. Elle avait accepté sans vraiment réfléchir, plus pour que lesdits représentants la laissent continuer ses emplettes que par pur altruisme. Elle s’était néanmoins prêtée au jeu et une fois qu’elle eut reçu par mail le nom de la personne à qui elle devait faire un cadeau, Rose Grant, elle avait pris plaisir à lui choisir un joli carnet et un stylo assorti. C’était étrange de choisir un présent pour quelqu’un que l’on ne connaissait pas, elle avait donc choisi de ne pas prendre de risque : tout le monde avait besoin d’un carnet et d’un stylo.
Elle se demandait quel genre de personne elle allait rencontrer. Loin d’être angoissée, Jade avait autant l’habitude d’être aimée que détestée. Elle savait que son air hautain, ses manières et certains traits de sa personnalité ne plaisait pas au plus grand nombre mais elle avait appris à faire avec. Néanmoins elle était aussi une personne douce, gentille et elle aimait beaucoup rire, sa compagnie n’était quand même pas des plus déplaisantes. Elle jette un coup d'œil à l’horloge. Il est temps pour elle de déposer Isaac à la crèche et de filer à ce fameux rendez-vous avec Rose. Les deux femmes avaient convenu de se retrouver au Café des Lutins pour s’échanger leurs cadeaux et boire un chocolat chaud.
Arrivée près de la mairie, elle observe le décor enchanteur qui a investi Brisbane depuis le début de ce mois de Décembre. Une petite forêt de sapins enneigés invitent les badauds à se perdre dans ses méandres, les petits chalets du marché de noël, d’un simple coup d’oeil, vous transportent en Laponie et la terrasse du fameux Café des Lutins est tout bonnement des plus mignonnes et accueillantes. Il a beau faire une chaleur étouffante, l’esprit de Noël est bien présent et on aurait presque envie de s’affubler de ces pulls à motifs un peu ridicules pour être dans le thème. Mais c’est en short et chemisier en lin que Jade entre dans le café. N’ayant aucune indication sur l’apparence de Rose, elle cherche du regard une femme seule. Il n’y en a qu’une. Elle a même un petit paquet posé devant elle. Aucun doute, il s’agit de Rose. La jeune femme est pour le moins originale. Jade ne peut empêcher de l’observer de la tête aux pieds. Après tout, on ne voit qu’elle. Elle est, avant tout, très jolie. Ses cheveux d’un rose bonbon éclatant et sa robe bariolée lui donnent un air des plus atypiques. Jade s’en approche et lui adresse un sourire timide. A vrai dire, elle ne sait pas trop quoi penser de cette femme. Il est clair qu’elle n’a pas l’habitude de fréquenter des personnes avec un style et une personnalité si affirmés. « Bonjour. Tu es Rose, c’est ça ? Rose Grant ? » Lorsque la jeune femme lui répond, Jade se détend et lui adresse un sourire plus franc cette fois çi. Elle a l’air sympathique. La jolie blonde se dit qu’elle verra bien au fil de ce rendez-vous, après tout, c’était peut être un peu aussi la magie du Secret Santa et de Noël en général : partager un moment avec des personnes que l’on aurait jamais imaginé aborder en temps normal.
Secret Santa. Tu as découvert ce concept à Melbourne, pendant ta période de mannequinat. Ta colocataire a été la première a t’en parlé. Tu te souviens encore de ses yeux proches de sortir de ses orbites quand tu lui as annoncé ne pas connaître. Dès ses explications, tu as été séduite par le principe. Vous avez réussi à l’instaurer avec vos collègues de l’école. Elle était devenue la tradition annuelle pour rester souder dans ce milieu difficile. Tu ignores si elle a été conservée depuis ton départ. Tu n’as gardé aucun contact de cette époque de ta vie. Tu as été étonnée de le retrouver à Brisbane. D’autant plus par l’idée d’en organiser un à l’échelle d’une ville. L’administration ne manque pas d’audace. Tu n’as pas hésité la moindre seconde à t’y inscrire. Si ton budget et ton temps te le permettaient, tu offrirais volontiers un cadeau à tout le monde. Tout est bon pour faire sourire les gens en cette période festive. Ne roulant pas sur l’or et n’étant ni apte à arrêter le temps, tu vas te limiter à la personne que l’on t’a attribuée : Jade Brownn.
Tu n’as été faire ta curieuse. Tu n’as pas été fouiller la toile en quête d’information sur cette femme. Tu as tout de même pris un instant pour voir à quoi elle ressemblait. Tu tenais à la reconnaître le jour de votre rendez-vous. Ta mémoire n’a pas mis longtemps à enregistrer les traits fins et doux de son visage angélique encerclé d’une chevelure de blé. Elle paraissait bien jeune sur sa photo de profil Facebook. Tu n’as pas été voir son âge pour autant. Sa bouille aperçue, tu as fermé la page. Tu as préféré utiliser tes minutes à confectionner son présent. Tu n’as pas voulu acheter quelque chose de déjà tout prêt. Tu as eu envie de te servir de tes talents pour créer une pièce unique dont elle aura utilité. Tu as envisagé une robe au début. Sans ses mesures, la tâche s’avérait trop ardue. Tu t’es repliée sur de la simplicité. Tu as cousu un bonnet dans un tissu rose. Tu y as ajouté un pompom en laine blanche à son extrémité. Un bandeau blanc sur lequel tu as brodé son prénom en lettres dorées est à sa base.
Tu as déposé la pièce dans une boite à chaussures. Tu l’as soigneusement emballée d’un papier cadeau aux couleurs de Noël, rouge orné de traineaux blancs. C’est paquet en main que tu déambules dans les allées du marché de Noël. Telle une enfant, tu scrutes de tes yeux brillants chaque stand de jouets. Tu ne résistes pas à l’appel silencieux de cette peluche licorne d’une vingtaine de centimètres. Toi, tu l’as entendue. Alors tu la libères de son vendeur. Il est plaisant de s’offrir quelque chose. Penser à soi par moment fait du bien. Tu la fais emballer. Bien que ton propre cadeau et sachant ce que c’est, tu ne l’ouvriras que le jour-j. Tu le placeras sous ton sapin en attendant. Ton achat effectué, tu te rends au café des lutins, le lieu du rendez-vous avec Jade. Tu essuies quelques rires à ton entrée. Tu ne comprends pas pourquoi. Il est normal de voir débarquer un lutin étant donné le nom de l’établissement. Il n’y a rien de surprenant à ce que tu portes une robe verte émeraude pimpante et un bonnet de la même teinte à pompoms. Vrai que ta tenue ne s’accorde pas à la couleur de tes cheveux, tu aurais pu les teindre pour être raccord.
Tu es en avance. Le fait est assez rare pour le noter. Tu t’assois à une table et te commandes un chocolat chaud pour patienter l’arrivée de la blondinette. Ta boisson servie, tu souffles délicatement sur le liquide fumant. Tu en engloutis une gorgée. Ton estomac heureux de cette saveur t’en réclame une autre. Il ne cesse ses réclamations qu’à la fin de ta tasse. Moment où une femme à la crinière dorée t’aborde. Tu la reconnais immédiatement. Tes lèvres montent jusqu’à tes oreilles pendant que tu hoches positivement la tête. « Bonjour Jade, c’est bien moi. » Elle est rayonnante. Le soleil a de quoi la jalouser. Tu l’invites à s’asseoir en face de toi en désignant la chaise. A priori, elle ne grandira plus. Puis cela sera plus confortable pour discuter. « Tu m’excuseras, je n’ai pas su t’attendre pour déguster un chocolat chaud. Je me fais pardonner en t’en offrant un. » Tu sollicites une serveuse à proximité. Tu te commandes une autre gourmandise afin de varier les plaisirs. Tu laisses Jade décider de la sienne. L’employée partie préparer vos boissons, tu te refocalises sur ton invitée. « C’est pour toi. Joyeux Noël en avance. » Tu pousses ton paquet sous ses prunelles. Tu as hâte qu'elle l'ouvre et découvre ce qu'il renferme. Tu espères qu’elle appréciera son contenu. Tu y as mis tout ton cœur. Et une partie de ton âme enfantine.
Jade prend donc place devant cette inconnue, qui au final de l’est déjà plus vraiment. « Tu m’excuseras je n’ai pas su t’attendre pour déguster un chocolat chaud. Je me fais pardonner en t’en offrant un ». Elle ne lui en tient évidemment pas rigueur, elle n’aurait pas non plus résisté à une boisson chaude si elle était arrivée en avance. Elle en profite donc pour commander elle aussi quelque chose. Elle opte pour un latte macchiato au caramel, avec de la chantilly. Une fois la serveuse partie, Rose lui tend un joli paquet rouge, proprement emballé. « C’est pour toi. Joyeux Noël en avance. » Elle ne peut s’empêcher de rougir. Peu habituée à recevoir des présents, vivant seule à Brisbane avec son fils depuis trois ans maintenant, ce cadeau lui fait chaud au cœur. Sans réellement savoir pourquoi.
En découvrant le contenu du présent, elle y trouve un joli bonnet rose avec un pompon et son nom brodé. Elle reste sans voix. Recevoir un cadeau est certes plaisant, mais un cadeau fait à la main est tout autre chose. « Wow. Merci, c’est incroyable. » Même si le temps ne s’y prête pas, elle enfonce le bonnet sur sa tête et esquisse une petite moue. « Il me va bien non ?! Encore une fois, merci! » Elle se souvient alors qu’elle aussi doit lui donner son cadeau. La serveuse leur dépose leur commande sur la table et repart aussitôt.
Jade sort alors son paquet, qu’elle a emballé dans un joli papier gris pailleté, et le tend à Rose. « Joyeux noël à toi aussi » Elle se mord la lèvre, hésitante. « Ne m’en veux pas, mais je suis bien moins douée de mes deux mains. Mon cadeau est un peu plus basique. » Elle prend une gorgée de son macchiato et prie secrètement que le présent fasse plaisir à Rose. La jeune femme s’étonne qu’échanger des cadeaux avec une inconnue puisse lui procurer autant d’émotions. C’est étonnant pour une jeune femme qui se concentre plus sur elle même que sur les autres. Néanmoins cette sensation nouvelle lui fait du bien.
Elle continue d’observer Rose. Cette femme respire la sympathie et la bonne humeur. C’est un bonbon. Édulcorée, douce, sucrée. On la croirait presque sortie d’un dessin-animé. C’est d’ailleurs sûrement pour ça que les quelques enfants présents autour d’elle ne la quittent pas des yeux, émerveillés. Elle veut en savoir plus sur elle. « Qu’est ce que tu aimes faire dans la vie ? » La question est certes plutôt basique, mais c’est la seule que Jade ait pour le moment trouver pour apprendre à la connaître. Elle était toutefois plus inspirante qu’un classique “que fait tu dans la vie”, un peu barbant et réducteur.
Avec un peu de recul, le tableau de ces deux femmes discutant dans ce fameux Café des Lutins était assez cocasse. A vrai dire, les deux étaient on ne peut plus opposés. D’un côté, Rose, pétillante et colorée. Son look étant probablement à la hauteur de sa personnalité. De l’autre Jade, plus classique et sobre, avec ses airs un peu hautains. Personne ne miserait grand chose sur une amitié entre les deux. Et pourtant, il parait que des fois la magie de Noël nous ouvre des portes qu’on n’aurait jamais envisager pousser.
Tu fixes ses iris. Non seulement car ils sont beaux mais surtout pour te délecter du moment où ils découvriront le contenu du paquet. La seconde suivante vaudra plus que n’importe laquelle de ses paroles. A leur lueur, tu sauras si ton cadeau lui fait plaisir ou pas. Si des mots peuvent mentir, les yeux en sont incapables. Le suspense est intenable. Le crissement du papier est à la fois une berceuse et un cri de douleur pour tes oreilles. Tu aimerais l’aider à déballer ton paquet plus vite. A sa place, tu aurais déchiqueté l’emballage telle une furie. Le contenu prime sur le contenant. Davantage pour un enfant. Chose qu’elle ne semble pas être derrière ses apparences juvéniles. Ou alors elle se bride. Tu restes une inconnue et vous êtes en public. L’image qu’elle dégage peut l’importer. Tout le monde n’a pas le détachement nécessaire pour se détourner du regard des autres. Tu n’as pas besoin de voir ses mains pour deviner qu’elle vient d’ouvrir la boite à chaussures. L’éclat de ses prunelles a changé. Elles brillent. Ton présent lui plait. Tu le sais avant même qu’elle te remercie de sa voix. Tu es soulagée. Tu décrispes ta mâchoire et lui offre un large sourire qui te caractérise tant. « Comme un gant ! », lui réponds-tu en l’observant avec ton, enfin son désormais, couvre-chef rosé sur le crâne. « Plutôt comme un bonnet ! » Tu glousses de ton ânerie. Tu es la spécialiste de l’adaptation des expressions.
Vos boissons arrivent dans la foulée. Tu les règles et indiques à la serveuse de garder la monnaie. Ton estomac fait des bonds face au latte de Jade. Il semble si gourmand avec sa chantilly. Ton chocolat liégeois fait pâle figure à côté. Du moins au niveau de la taille. Mais ce n’est pas la taille qui compte. Le goût est le critère primordial. Et le chocolat remporte toutes batailles devant n’importe quelle autre saveur de ton point de vue. Soufflant sur le liquide fumant, tu reposes ta tasse pour te saisir du paquet tendu. Son manque de confiance en elle pince ton cœur. Tu n’attends pas quelque chose fait main. En réalité, son cadeau est secondaire. Si tu t’es inscrit à ce Secret Santa, c’était pour apporter un instant chaleureux à quelqu’un, pour la faire s’évader de ses tracas quotidiens ne serait-ce qu’une seconde. Maintenant que tu sais avoir réussi, tu te moques de son cadeau. Tu caresses le revêtement pailleté. Tu essayes de deviner ce qu’il renferme à la forme rectangulaire. Peu douée pour les devinettes, et surtout impatiente, tu le déchires d’un coup sec, abrégeant ses souffrances. Tes yeux pétillent. Tu effleures délicatement la couverture du carnet. Tu saisis le stylo. Ton pouce presse le bouton poussoir et le passe en position d’écriture. Tu ouvres le cahier et viens inscrire de ton écriture arrondie en pattes de mouches ton nom et prénom en haut à droite. « Le mien était presque fini. Il tombe à pic. Merci, Jade. » Ton sourire transpose ta sincérité. Si elle en doute, l’état de tes prunelles finira de la convaincre.
Tu déposes l’ensemble sur le coin de la table, le plus éloigné possible de ta boisson. Tu connais ton étourderie et ta capacité à renverser des verres. Tu ne souhaites pas tâcher son cadeau. Le bloc-notes en sécurité, tu bois une gorgée de ta boisson lactée. Tu ignores quoi dire. Tu n’as pas envie de tomber dans des banalités d’usages. Tu es bien contente qu’elle rompe le silence. Sa question sort de l’ordinaire en plus. « Plein de choses ! J’espère que tu as des heures devant toi. » Ton rire cristallin résonne dans le café, braquant ainsi les regards des enfants présents sur place sur votre duo. Calmée, tu engloutis une nouvelle gorgée de ton chocolat avant de te lancer dans ta tirade. « Aller au parc, faire du toboggan, faire de la balançoire, faire des cookies aux pépites de chocolat, dessiner, coudre, dormir, marcher pieds nus sur le sable, écouter la pluie tomber… » Tu marques une pause. Tu as besoin de reprendre ta respiration. Tu en as encore pour un moment. Il te faudrait abréger. Tu peux le faire. Au final, ce que tu aimes se résume en un terme. « Il y a encore beaucoup de choses que j’aime. Pour faire simple, je vais t’annoncer ma préférée. Ce que j’aime faire par-dessus tout dans la vie, c’est rêver. » Ton franc sourire trahit le sérieux de tes paroles. Ton état d’esprit se trouve dans ce verbe. A défaut de vivre une vie de rêve, tu as fait de ta vie un rêve. Un rêve coloré. « Sais-tu rêver, Jade ? » Une interrogation anodine au premier abord. Et pourtant. Si peu d’adulte savent le faire. Trop l’oublient en grandissant.
Je me permets de souffler lorsque Rose m’affirme que mon cadeau lui sera utile. A vrai dire, je ne m’étais pas mis spécialement de pression. Mais c’était avant de découvrir ce qu’elle m’avait confectionné. Je me suis sentie un peu honteuse de ne lui offrir qu’un simple carnet et un stylo, au final. Elle semblait avoir passer du temps à confectionner ce bonnet. Elle semble néanmoins contente de mon présent. Elle s’est d’ailleurs empressée d’y inscrire quelque chose. De là où je suis assise, je ne peux pas le voir. Il serait toutefois malvenu de faire la curieuse. Un petit silence gêné s’installe entre nous. La situation est peu commune. Je décide de briser la glace en lui demandant ce qu’elle aime faire dans la vie. Sa réponse me surprend.
Rose semble avoir gardé son âme d’enfant. Je suis un peu déconcertée. A mon habitude, je fréquente en général des personnes plus terre à terre. Elle n’a toutefois pas l’air de se soucier du jugement des autres. Cela m'impressionne un peu. J’ai bâti ma vie sur le paraître, sur mon apparence. Je cherche toujours à masquer mes défauts. Elle est tout l’inverse. Elle rit à gorge déployée, d’un rire pur et franc. Elle ne fait pas attention aux nombreux regards qui se tournent vers elle. Je n’arrive pas à la quitter des yeux. Elle représente pour moi une curiosité tout autant qu’un idéal. Elle semble légère, insouciante. Tout ce que je ne suis pas. « Tu sembles apprécier chaque petite chose de la vie. » Je souffle dans un sourire. Ses révélations me poussent à me questionner sur ma façon de vivre. Peut-être devrais-je de temps à autre essayer de prendre exemple sur cette femme. C’était sans compter sur la suite, je ne m’attendais pas à ce qu’elle me perturbe encore plus.
« Sais tu rêver Jade ?» Je tremble. Cette question fait rejaillir en moi certains fantômes du passé. J'ai rêvé. Tellement fort et tellement longtemps. Je rêvais enfant d’être une princesse, enfermée dans une tour, sauvée par son prince charmant. Je rêvais sans cesse, m'échappant d’une vie terne et monotone de la banlieue. Je rêvais à mon arrivée à Brisbane. Je rêvais d’amour, de bonheur, d’une vie simple et sans tracas. Mais j’ai arrêté de rêver. La mort de Tommy et l’arrivée d’Isaac ont réduits mes rêves à néants. D’une voix un peu tremblante, je murmure « J’aimerais pouvoir rêver encore… » Consciente que ce moment risque de tourner au mélodrame, je me reprends. D’une voix plus enjouée j’ajoute. « Disons qu’en ce moment je rêve plus la nuit que le jour ! » Je fuis son regard. Je suis quasiment sûre que cette phrase ne la convainc pas. Je soupire. J’aimerais pouvoir rêver à nouveau. J’aimerais vivre dans le monde de Rose, où la vie à l’air simple et douce. Je m’étonne moi même en prononçant ses paroles « Pour te dire la vérité, je te connais peu, mais je t’envie beaucoup. » Voilà que je me confie à une personne que je connais à peine. Elle va surement me prendre pour une dingue. Soit. Qu’importe. Si elle se moque du regard des gens, je peux bien essayer de me ficher du jugement de quelqu’un ne serait-ce qu’une heure. Après tout, je ne la reverrai peut-être jamais.
« Il faudrait que tu me donnes des conseils pour apprendre à rêver à nouveau. » J’esquisse un petit sourire. Mais je sais que mes yeux sont un peu tristes. Je ne veux surtout pas qu’elle pense m’avoir fait de peine mais c’est plus fort que moi. En quelques années ma vie a pris un tel tournant, je ne m’y attendais pas. Soit. La vie est ce qu’elle est. Je n’ai pas envie de gâcher ce moment, à la base doux et léger. Je reporte mon attention sur Rose. Je cherche rapidement à changer de sujet. Mes yeux se perdent autour de nous et j’aperçois, non loin du café, une patinoire. Je parle sans réfléchir. « Ça te dirait d'aller faire du patin à glace ? » Bon sang. Je crois que la dernière fois que j’ai patiné remonte à mes huit ans. Mais c’était ça ou continuer à me livrer à une quasi-inconnue. Je sens mon ventre se nouer un peu. Il y a de grandes chances que je sois ridicule. Peu importe. Je préfère être ridicule en me vautrant sur la glace plutôt que de faire pleurer dans les chaumières avec mes états d’âmes.
Tu lui confies tes activités favorites sans honte, sans gêne, sans même réfléchir. Tu es toi-même dans ta réponse : spontanée. Tu ne cherches pas à édulcorer la vérité ou de la transformer pour qu’elle lui plaise. Si tes paroles la dérangent, elle n’aura qu’à te remercier de ce court moment et s’en aller pour retourner à son quotidien plus assombri. Tu es habituée à ce genre de comportement. Tu t’estimes déjà heureuse qu’elle n’aie pas fait demi-tour en t’apercevant dans ton accoutrement. Rien ne te dit qu’elle l’a fait pour le respect de ta personne. Sa motivation est possiblement moins noble. Peut-être qu’elle t’a accepté juste pour récupérer son cadeau. Dans ce cas, elle n’aurait pas entamé la conversation et serait déjà dehors à l’heure actuelle. Elle a choisi de prolonger l’instant en ta compagnie. Tu ne vas pas t’en plaindre. Tu es ravie de pouvoir continuer d’admirer ses iris. Et son sourire. « Ce sont les plus importantes. Ce sont elles qui me font me lever chaque matin. » Ces petites choses de la vie. Si loin des grandes préoccupations d’adultes comme payer ses factures, faire son ménage, savoir ce que l’on va manger à midi. Tu vis au jour le jour. Ce n’a pas toujours été le cas. Dans ta vie d’avant, tu n’avais pas cette philosophie. Tu étais beaucoup trop dirigée par les envies de ta mère et les codes de la société. Depuis que tu as tout balayé pour assouvir tes plaisirs coupables enfantins, tu t’en portes mieux.
Enfin les assouvir. Sauf quand tu n’es pas perdu dans un rêve. Quoi qu’il t’arrive de les réaliser dans tes songes également. Par exemple, tu engloutis un nombre incalculable de cookies au chocolat dans tes pensées. Et même si ton métabolisme est bien foutu à ce niveau-là, il reste préférable de ne pas défier le diabète. Patientant la réponse de ton interlocutrice, tu en manges encore un dans ton esprit. Tu dois en être au cinquième depuis ton installation à cette table. Pour faire passer ta bouchée imaginaire, tu bois une gorgée de ta boisson. Reposant ta tasse sur le bois, tu la renverse presque en entendant ses mots. Ton cœur se pince. Tu sens de la tristesse dans ses paroles. Tu as réveillé ses démons. La curiosité est vraiment un vilain défaut. Tu aurais dû te taire. « Je suis certaine que tu le peux encore. », la réconfortes-tu en effleurant amicalement sa main. Ton radieux sourire appuie ton affirmation. Tu penses sincèrement qu’elle en est capable. Preuve en est de la présence de ce bonnet sur sa tête. Elle n’a pas perdu toute son âme d’enfant. « C’est plus sûr ! Rêver de jour est un coup à rentrer dans un lampadaire ou des gens. » Tu hoches la tête. Tu parles en connaissance de cause. Tu en fais régulièrement l’expérience. Rêveuse, tu es coutumière de te cogner dans les personnes ou le mobilier urbain. Ton dernier incident date d’hier. Ton genou droit a heurté le coin d’un banc au parc.
Tes pommettes rougissent. Jamais on ne t’envie. On te critique davantage qu’on ne t’envie. Ses syllabes te vont droit au cœur. Derrière ses airs angéliques, elles aussi cachent des démons. Et ses batailles ne semblent pas terminées. « Avec plaisir ! Je te donne tout de suite le premier : souris. » Tu lui montres l’exemple et lui offres ton plus large sourire. Sourire est la clé du monde onirique. Il est accessible à tou.te.s. Sous réserve de ne pas égarer la clé en grandissant. Voilà comment tu enchaînes sur un second conseil. « Et n’oublie jamais d’être une enfant. Ne perd jamais cette lueur qui t’a fait mettre ce bonnet aujourd’hui. Avec ces deux choses, tu devrais pouvoir rêver de nouveau. » Plus facile à dire qu’à faire. Tu crois en elle. Si tu as réussi, elle peut le faire. Tu l’aideras à ta façon. Tu connais une manière de la replonger en enfance. La patinoire est un bon moyen de revenir dans sa jeunesse. Sur le point de lui proposer une excursion glaciale, elle te prend de court. « Tu m’avais caché savoir lire dans les pensées. » Tu pouffes. Tu essayes de la faire rire. Tu termines les dernières gorgées de ton chocolat liégeois. Tu te lèves par la suite, tendant ta main à la blondinette, ignorant le caprice de ton estomac qui t’en réclame un autre. Pour une fois, tu ne céderas pas. Tu as une âme à sauver. Ce qui est plus important que de satisfaire ce glouton. Il en boira un dans un rêve le temps du patinage. Tu risques d’avoir un accident par faute. A moins que Jade te guide. « Je te préviens ne pas être douée hormis pour tomber tous les deux mètres. » Tu ne défiles pas pour autant. L’amusement prime sur les hématomes sur tes fesses. Puis cette escapade te fera un entrainement avant Noël. Tu reviendras patiner avec ta nièce de huit ans. « Et j’ai tendance à m’accrocher à tout ce qui passe à ma portée si je tombe. » C’est ta façon de lui dire qu’il est possible qu'elle soit une victime collatérale de tes chutes.
Après une dernière gorgée de latte, je demande à Rose si elle a envie de patiner, ce qu’elle accepte non sans enthousiasme. Elle me fait sourire. C’est comme si cette femme avait une aura empechant les mauvaises ondes de l’approcher de trop près. Nous nous enfuyons donc, tout sourire, du Café des lutins en direction de la patinoire. Les sages paroles de Rose m’ont remis du baume au cœur. Elle a probablement raison, rêver ne tiens pas à grand-chose si ce n’est qu’à un peu de volonté. Je tacherais de m’en souvenir pour la suite. Et puis je n’ai aucune excuse. Il devrait être assez simple de penser comme un enfant lorsqu’on s’en occupe d’un à plein temps. C’est un peu plus légère que je m’approche de la glace. Rose en profite pour m’informer qu’elle n’est pas très douée une fois chaussée de patins. Je rigole. « Je pense que je ne serais pas plus agile que toi ! »
Je prends un moment pour observer la scène. La patinoire est remplie d'enfants hésitants, se tenant à la rambarde pour éviter les chutes. Les quelques adultes présents ont l’air plutôt à l'aise, au centre, je les vois virevolter plus ou moins gracieusement sur la glace. Quelque chose me fait me dire qu’une fois sur la glace, je me retrouverais très vite dans le camp des petits humains. Je me mords la lèvre. Après tout, quoi de mieux pour commencer à appliquer les conseils de Rose que se fondre parmi eux ! Je me renseigne sur sa pointure et je vais nous chercher deux paires de patins. Assise sur un banc, je les regarde avec méfiance. Comment garder l’équilibre sur une si fine lame d’acier ? Je me tourne alors vers Rose. « Prête pour une séance de chutes ? » Je ne sais pas si je suis vraiment prête au fond, mais impossible de faire marche arrière.
Le premier pied posé sur la glace, j’attrape la main de Rose dans un réflexe incontrôlable. Je lui jette un coup d'œil, elle n’a pas l’air de s’en soucier. Mes jambes flageolent lorsque mon deuxième rejoint l’autre. De ma main libre, j’attrape la balustrade. Bon sang, cela m’avait l’air beaucoup moins compliqué dans ma tête. A cet instant, je ne sais pas laquelle de nous deux soutient l’autre, mais je considère comme une victoire le fait d’être encore debout sur mes deux jambes. J’aurais mieux fait de ne pas me réjouir trop vite. Dans un élan de confiance, j’envoie un premier coup de la droite mais au lieu d’avancer comme je l'espérait, je perds l’équilibre et finis à quatre pattes, au sol. Je sens le rouge me monter aux joues. J’ai honte. Je tourne la tête et croise le regard de Rose. Je ne sais pas si c’est son air légèrement amusé ou la posture ridicule dans laquelle je me tiens, mais j’éclate de rire. Je ne peux pas me contrôler. Je ris à en avoir les larmes aux yeux. « Je pense que ce n’est que la première d’une longue série ! »
Je déploie toute mon énergie pour me redresser, prête pour un nouvel essai de patinage. J’ai l’impression d’être différente. Je ne pourrais dire si ce sentiment durera. Si une fois que j’aurais dit au revoir à Rose, je me renfermerai à nouveau dans mon petit monde de paraître et de faux-semblants. Je n’en sais rien. Je n’ai qu’une certitude : ce moment, partagé avec une inconnue, me fait du bien. Je me sens flotter même si cela n’a rien à voir avec mes compétences sur la glace. Je sens que la vie peut être un peu plus facile, si on décide de la voir d’un autre point de vue. Je prends une grande inspiration et me retourne une nouvelle fois vers ma coéquipière de chutes. « C’est reparti ? »
Jade sourit. Tu as réussi à lui redonner le sourire. Plus que le carnet et le stylo offerts, la voir sourire est un cadeau. Tu ignores si elle le conservera quotidiennement. A la fin de votre rencontre, tu ne pourras plus apercevoir son doux visage souriant. Peut-être même qu’il disparaitra à la patinoire étant donné les talents énoncés. C’est à se demander si cette activité est une bonne idée. Ma foi, même si tu tombes tu t’amuses sur la glace. Et le ridicule ne tue pas. Tu seras même ravie de déclencher des rires chez l’assemblée tant tu es maladroite. Surtout s’ils proviennent d’enfants. Paquets en main, vous quittez le bar pour la patinoire. Vos têtes couvertes de vos couvre-chefs ne passent pas inaperçues. Si tu pressens des moqueries dans certains regards, tu es bien contente de le porter en entrant dans la structure éphémère. La température contraste grandement avec l’extérieur. L’été n’est clairement pas invité en ce lieu. Tu n’es pas très réchauffée dans ta robe. Tu sors une paire de gants de ton sac à main, paire présente depuis l’hiver, avant de confier tes affaires à la blondinette qui se charge de récupérer vos chaussures. De retour avec vos souliers, vous les enfilez. Vous relevant du banc, l’instabilité commence déjà à se faire ressentir. Tu hoches la tête positivement à sa question. Il ne fait aucun doute que tu vas chuter. L’unique doute se pose sur le nombre de chutes.
Vous entrez en piste. Le passage du sol à la surface glacée vous chahute. Vous vous soutenez mutuellement, vos doigts d’une main entremêlés, les cinq autres fermement accrochés à la rambarde. Le moment de vérité arrive. Vous vous lâchez, quittant le dernier lien qui vous relie au monde adulte. Après dix secondes, vous êtes encore debout. Ce n’est pas loin d’être ton record. Vos mouvements sont lents et désarticulés. Il n’y nul grâce dans vos déplacements. Ce n’est pas aujourd’hui que tu remporteras une médaille olympique en patinage de vitesse. Par contre, ton acolyte a toutes les chances d’en gagner une en patinage artistique. Sa première chute est splendide, digne des meilleurs bêtisiers de Noël. Bien qu’il soit mal de rire du malheur des autres, tu pouffes en observant sa posture. Son rire se joint rapidement au tien. Tu te rapproches d’elle et l’aide à se relever. « Tu mènes 1-0. Celle qui chutera le plus paiera sa gaufre à la fin de l’interlude. » Ton côté gourmande est au taquet. Tu as repéré l’odeur des douceurs sucrées à la buvette de l’établissement. Puis, il vous fera bien cela pour vous remettre de vos émotions. Cependant, bien que joueuse, c'est une victoire que tu ne désires pas vraiment. « Mais interdiction de tricher et de pousser l’autre. », précises-tu. Tu n’auras pas besoin de handicap pour finir le postérieur par terre. Et après sa démonstration involontaire, elle non plus ne semble pas avoir d’aide pour saluer le plancher des vaches.
De nouveau sur ses pattes, Jade est décidée à en découdre. L’incident n’a en rien ébranlé sa détermination à s’amuser. Tu en es ravie. Trop abandonne après un échec. Si tu avais réagi de la sorte, tu serais probablement encore au centre de soin ou du moins encore contaminée par l’anorexie. « Oui. » Tu attrapes sa main. Tu lui montres comment se déplacer sur la glace. Tu connais la théorie. Un pied devant l’autre, la lame droite, jouer du poids du corps, rien de plus facile. En pratique, la paire de manches est différente. Là, tu fais déjà en sorte de rester debout. Ton fessier n’a toujours pas goûté au froid mordant de la glace. Jade serait-elle un porte-bonheur ? Vous avancez tels deux escargots. A ce rythme, vous aurez fait le tour de la patinoire dans deux heures. Mais rien ne sert de courir, il faut partir à point. Proche du rebord, tu es prête à saisir la rambarde à tout signe de perte d’équilibre. De nombreux enfants vous doublent, vous frôlant de plus ou moins près. Les plus à l’aise trônent vers le centre et se lancent dans des figures. Tu es admirative de leurs talents. Tellement que tu en oublies une règle d’or : regardez devant soi. Hypnotisée par cette fillette effectuant une pirouette, tu ne vois pas ce marmot arriver à fond les ballons en votre direction...
*****
Win : Le bruit de son approche te sort de tes rêveries. Tu l’aperçois de justesse. Tu as le réflexe de te décaler avec Jade. Vous avez gagné une belle frayeur mais la collision a été évitée. Vous pouvez reprendre votre tour tranquillement.
So close : Tu ne remarques rien jusqu’à la proximité de vos corps. Il t’esquive à la dernière seconde. Le courant d’air provoqué par son passage te déséquilibre. Tu finis le derrière sur la glace. Mais tu as pensé à lâcher Jade avant. 1-1 partout, balle au centre dans votre compétition amicale.
Fail : Et c’est le choc ! Il te rendre dedans, en plein dans l’estomac. Tu tombes sur les fesses accompagnée de ton binôme. Plus de peur que de mal au final. Personne n’est blessé, tu peux remercier tes abdominaux. L’enfant repart. 1-2, tu mènes toujours. Vous n’avez plus qu’à vous relever.
(c) DΛNDELION
Dernière édition par Rose Grant le Lun 22 Fév 2021 - 22:43, édité 1 fois
LE DESTIN
l'omniscient
ÂGE : des milliers d'années, mais je suis bien conservé. STATUT : marié au hasard. MÉTIER : occupé à pimenter vos vies, et à vous rendre fous (a). LOGEMENT : je vis constamment avec vous, dans vos têtes, dans vos esprits, et j'interviens de partout, dans vos relations, dans vos joies, vos peines. POSTS : 31459 POINTS : 350
TW IN RP : nc PETIT PLUS : personne ne sera épargné, c'est promis les chéris.AVATAR : je suis tout le monde. CRÉDITS : harley (avatar), in-love-with-movies (gif) DC : nc PSEUDO : le destin. INSCRIT LE : 15/12/2014
Je me relève péniblement de ma chute, sous le rire cristallin de Rose. Le feu aux joues mais les larmes aux yeux d’avoir autant ri, je reprends mon équilibre. Je remets également en place mon bonnet. Ce cadeau qui en si peu de temps est déjà si précieux à mes yeux. L’air déterminé, je me prépare mentalement à une nouvelle tentative de glisse. Mon amie du jour lance un concours ; celle qui aura le plus chuté offrira une gaufre à l’autre. « Marché conclu ! » D’après ses dires, elle semble tout aussi peu douée que moi. Mes chances ne sont donc pas réduites à néant. La triche est bien évidemment exclue, je souffle, mimant être déçue. « Moi qui pensait pouvoir m’en sortir en te faisant un croche-pied. » Je pars dans un nouvel éclat de rire. Je songe un bref instant que cela fait un moment que je ne m’étais pas autant réjoui de si peu de choses.
Je n’ai néanmoins pas le temps de m’éterniser dans mes pensées car Rose me montre, autant que faire se peut, comment patiner correctement. Je tente de la suivre tant bien que mal. Droite, gauche, droite, gauche… C’est bien évidemment plus facile à dire qu’à faire et mon corps ne semble ne pas être à l’écoute de mes volontés. Mes jambes flageolent et je sens mon équilibre plus qu’instable. Nous avançons bien plus lentement que sûrement, mais je considère le moindre mètre parcouru comme une victoire.
C’était sans compter ce qui allait suivre. Les yeux rivés sur mes patins, regarder devant moi ne m'effleure pas l’esprit. Je suis bien trop concentrée à ne pas tomber. Tellement que je ne vois pas le petit garçon nous foncer dessus, à toute vitesse. Rose non plus ne semble pas l’avoir vu. Je me prépare mentalement à devoir encaisser le choc, mais un ultime réflexe de mon acolyte nous permet de l’éviter, de justesse. La petite tête blonde nous effleure à peine et continue son chemin comme si de rien n’était. Mon cœur bat la chamade. « C’était moins une. » Je souffle et m’accorde une pause, les deux mains solidement accrochées à la balustrade. « Je pense que c’est bien moi qui te dois une gaufre ! Sans toi, c’était la catastrophe. »
Mes esprits et mon souffle une fois de retour, je sonde Rose du regard. Elle ne semble pas plus ébranlée que ça par cet événement. Tant mieux. « Un dernier tour et on file se remplir l’estomac ? » Je vois ses yeux briller, je ne saurais dire si elle est plus enchantée par le fait de continuer à patiner ou par l’idée de manger une gaufre. Quoi qu’il en soit, son enthousiasme me permet de reprendre un peu de vigueur et de me remettre à patiner.
Le périple touche définitivement à sa fin et je dois avouer que j’en suis plutôt rassurée. Je me félicite intérieurement de ne pas avoir chuté une seconde fois. Mes genoux me remercient également. Nous enlevons nos patins et je ne peux m’empêcher de lâcher un soupir de soulagement. « Je pense qu’on a décidément bien mérité cette gaufre tu ne penses pas ? »
Tes sens sont en conflit. Ta vue ordonne à ton ouïe de se taire et de profiter du spectacle de la jeune fille. Ton ouïe ne l’entend pas de cette oreille et fait tout son possible pour l’obliger à regarder devant toi. Elle tente toute pour t’indiquer le danger imminent. Contrairement à toi, enfermée dans ta bulle à observer le centre de la patinoire, elle, elle perçoit le bruit de ses patins crissant sur la glace. Elle distingue l’arrivée d’un bolide enfantin lancé à toute vitesse. Et elle pressent la collision imminente. Elle insiste et hurle à ton cerveau. Pourtant, tu ne réagis pas. Il faut une chute de l’apprentie danseuse pour quitter sa silhouette. Désormais réceptive à ses signaux, tu regardes devant toi. La collision est proche. Pour une fois, tu ne tergiverses pas avant de prendre une décision. Par instinct protecteur, tu t’écartes de sa trajectoire sans oublier d’embarquer ton acolyte dans ta manœuvre. Jade semble avoir gagné une belle frayeur. Certain.e.s l’auraient grondé pour son comportement. Toi, tu souris à ce gamin qui poursuit sa course effrénée. Il s’amuse, tu ne tiens à briser cela. Tu n’es pas un monstre.
Tu reportes ton attention sur la blondinette. Secouée mais entière, ce léger incident ne semble pas ébranlé son envie de glisse. Par contre, il parait avoir éveillé son estomac. « Excellente idée ! » Un sourire jusqu’aux oreilles, tu saisi sa main et vous vous remettez à patiner. Tu te montres plus rapide, influencée par ton glouton qui martèle ton esprit du mot gaufre toutes les trois secondes. Si tu l’écoutais, tu aurais coupé au plein milieu, fonçant vers l’ouverture proche du stand intérieur. Heureusement que ton enfant interne crie plus fort. Et que ton acolyte est présente. Grâce à eux, tu calmes ses ardeurs. Du moins le temps de terminer votre. Une fois fini et sorties de la surface glacée, il reprend le dessus. Dirigée par sa pulsion gourmande, tu ôtes tes patins hâtivement. Tu fais tout de même attention à ne pas te blesser avec la lame. Tu ne tiens à perdre un doigt. Ce ne serait pas pratique pour te régaler. Puis tu ne désires pas perturber cet instant joyeux par un séjour à l’hôpital. « Gaufre chocolat chantilly pour moi. Je te laisse commander le temps de récupérer nos affaires. » Après deux chocolats chauds, il n’est pas raisonnable de s’engloutir une telle chose. Ma foi, il te faut des forces pour compenser ta dépense de calories.
Tu attrapes les chaussures de Jade. Tu files à l’accueil. Tu échanges patins contre vos souliers de ville et vos cabas. Tu retournes vers la blondinette au moment où on lui remet deux énormes gourmandises rectangulaires. Tu libères une de ses mains en prenant la tienne. Tu l’entraines à une table ronde à proximité. Tu t’assois sur ta chaise et croque enfin dans ta gaufre. Ton estomac ravi fait des bonds. Il te hurle de recommencer immédiatement. Loin d’être obéissante, tu ne peux nier lui obéir sur le coup. Tu en savoure une seconde bouchée. « C’est délicieux ! Si tu te dépêches pas de manger la tienne, je risque de te la voler ! » Tu éclates de rire. Jamais tu ne la priveras de sa douceur sucrée. Si tu en reveux une, tu iras t’en acheter une, tout simplement. Tu continues de dévorer ta gaufre. A ce jeu, tu es bien meilleure. Ayant commencée en même temps qu’un garçon croisé sur la glace, tu as presque terminé quand il n’en est qu’au premier carré. En moins de deux minutes, ta gaufre n’est plus qu’un lointain souvenir. Tu essuies le coin de ta bouche avec ton index que tu léchouilles par la suite. Hors de question de gâcher. « Tu fais quelque chose pour Noël ? », lui demandes-tu une fois ton doigt propre histoire de faire la conversation.
Après cette belle frayeur, je reprends mes esprits et propose à Rose d'aller enfin manger cette gaufre, ce qu’elle accepte avec une joie affirmée. Nous patinons, avec un peu plus d’assurance certes, mais non sans difficulté, jusqu’à la sortie de la patinoire. J’enlève enfin mes patins, auxquels je jette un dernier coup d'œil méfiant. Ce ne sera pas de sitôt que j’en chausserais de nouveau. Mon amie du jour m’informe qu’elle prendra une gaufre avec du chocolat et de la chantilly. Je prends note de sa commande et en même temps, l’idée de cette gourmandise me paraît plus qu’alléchante. Arrivée au stand, je commande deux gaufres identiques. Rose me rejoint au moment où le vendeur me les tend. Elles sont immenses et dégagent une odeur exquise.
Nous nous installons un peu plus loin, et j’observe Rose engloutir son goûter, des paillettes dans les yeux. Je ne peux m’empêcher de sourire devant cette scène. Cette femme croque vraiment la vie à pleine dents, sans mauvais jeu de mot. Elle me fait immédiatement sourire. Je picore la mienne, savourant chaque bouchée lentement. « C’est délicieux ! Si tu te dépêches pas de manger la tienne, je risque de te la voler ! » Je ris. « C’est avec plaisir que je la partage avec toi! Je ne pense pas pouvoir en venir à bout. » Je découpe avec les mains la gaufre en deux et lui fait signe de se servir si elle le souhaite. « Mais c’est vrai qu’elle est très bonne. »
Un petit silence s’installe entre nous. Rien de très gênant, nos bouches, pleines, nous empêchent d’avoir une réelle discussion et nous restons muettes face à l’excellence de cette gourmandise. Je ne peux m’empêcher de penser que cette rencontre est plus qu’agréable. C’est comme un petit bol d’air frais que je respire à pleins poumons. La bonne humeur de Rose est contagieuse et mon sourire ne quitte pas mes lèvres. Elle finit par briser le silence. « Tu fais quelque chose pour Noël ? » Je fais mine de réfléchir un instant. « Hmm… Pas grand chose. Je vais dîner en tête à tête avec mon fils et le regarder tenter d’ouvrir ses cadeaux. » La vision d’Isaac tentant de déchirer le papier cadeau de ses petites mains maladroites m’émeut un peu. Même s' il n’est pas toujours évident de gérer ma vie de maman, ce genre de moments me le font vite oublier. « Il s’appelle Isaac. Mon fils. Il va bientôt avoir deux ans. » Je la sonde discrètement, voir ce qu’elle peut bien penser d’une jeune femme de vingt ans déjà mère. Avec le temps, j’ai appris à faire avec les réactions des gens, qu’ils soient choqués, compatissants ou méprisants, cela ne me touche plus.
Je me permets de lui retourner la question : « Et toi, qu’as tu prévu ? » Je ne peux m’empêcher d’imaginer à quoi son réveillon pourrait ressembler. Je l’imagine à son image : coloré, sucré, avec un immense sapin aux boules et guirlandes roses et un buffet pantagruélique. « Tu as de la famille à Brisbane ? » je lui demande. C’est vrai que les fêtes sont en général une belle occasion de retrouver ses proches. Ce n’est certes pas mon cas, mais savoir si Rose passera, elle, ce moment bien entourée m’intéresse réllement.
Le goûter est le repas le plus important de la journée à tes yeux. Pour rien ne monde, tu ne le sauterais. Tu peux faire l’impasse sur un des trois autres de temps en temps. Parfois perdue dans ton atelier, obnubilée par tes fièvres créatrice et artistique, tu ne vois pas les heures défiler et ton déjeuner en fait les frais. Tu sais que ce n’est pas bon. Tu ne le fais pas volontairement dans une optique de contrôler ton poids. Tout ceci est fini. Tu t’es régalée. Tu lorgnes sur la moitié de gaufre offerte par Jade. Malgré ta gourmandise, tu dois admettre que tu as eu les yeux plus gros que le ventre sur ce coup-là. Tu es calée, le ventre rebondi comme un ballon. Ton estomac glouton est d’accord avec toi, pour une fois. Tu refuses son offrande poliment. En tous cas pour le moment. Lançant la conversation, la donne sera peut-être différente dans les prochaines minutes. Surtout que tu n’aimes pas le gaspillage. Tu clignes des yeux à son annonce. Tu ne sais ce qui t’étonne le plus. Le fait qu’elle soit maman avec ses traits si juvéniles ou le fait qu’elle passe Noël uniquement avec son enfant. Ton regard ne la juge pas pour autant. Il se veut toujours aussi doux qu’à ton habitude, rempli d’empathie. « Tu l’aideras bien un peu quand même. » Tu glousses. Toi, tu le ferais. Tu le fait déjà avec ta nièce bien que depuis quelques années, elle se débrouille parfaitement seule. Elle n’a plus deux ans. Et même si elle t’apprécie, elle sait te le rappeler quand tu t’impatientes plus qu’elle de découvrir le contenu de ses paquets et que tu lui propose tes dix doigts pour les déballer plus vite. C’est que ses jouets sont aussi les tiens d’un côté. Peu importe ce qu’elle reçoit, tu es dévouée à les tester en sa compagnie.
Elle te retourne naturellement la question. Tu es légèrement gênée. Ton Noël sera radicalement différent du sien. Pourtant, il ne transpira pas forcément la gaité. La faute à tes relations fratricides et à vos visions opposées du monde. « Moi, je vais réveillonner chez mes parents avec ma tante et son mari, mes frères, leurs compagnes et ma nièce. On déjeunera ensemble aussi le jour de Noël et le soir chacun retournera chez soi. » Cette fête est une fête familiale. Il n’y a rien d’extraordinaire dans ton annonce. Malgré ton excentricité, tu fêtes Noël de façon traditionnelle. Bien sûr, tu resteras toi-même, et viendras vêtue d’une de tes robes aux teintes vives avec un nœud dans tes cheveux roses. « Mes parents et mon frère ainé vivent à Brisbane. Mes deux autres frères ont quitté la ville à leur majorité. L’un pour aller faire ses études à Sidney, et l’autre pour suivre sa copine à Canberra. » Installés et travaillant, ils n’ont jamais été tentés de revenir à Brisbane. Noël est l’occasion de les revoir. Tu es toujours ravie de croiser ton plus petit frère. Il est le celui qui te comprend le mieux. Il est le seul à ne pas te critiquer. Tu croises tes mains et tes jambes en soupirant. Ton sourire est moins franc. Tu angoisses pour ces retrouvailles. Tu as hâte qu’elles se passent et se terminent. Et de manger la délicieuse buche gâteau réalisée par ta mère. C’est l’évènement incontournable. C’est l’évènement qui te fait supporter ce moment. Quoi que, non. Apercevoir les mirettes pétillantes de ta nièce face à ses cadeaux est meilleur. Jade aussi doit adorer cela avec son fils. Tu es certaine qu’elle ne ratera pas une miette du spectacle. Probablement même qu’elle fera des photos, des souvenirs à ressortir lorsqu’il sera plus grand. Cette pensée te donne une idée. Et réveille ta curiosité. « Tu aurais une photo d’Isaac sur toi ? », lui demandes-tu en remontant tes lèvres au niveau de tes oreilles.
(c) DΛNDELION
Dernière édition par Rose Grant le Dim 28 Mar 2021 - 20:09, édité 1 fois
Cette ambiance de Noel et la présence de Rose me plongent dans une réelle allégresse. Je ne m'octroyai que trop rarement le plaisir de souffler un peu ou même de simplement me détendre. J'étais toujours en train de courir entre l'université, la crèche, les rendez-vous médicaux... Dans cet emploi du temps chargé, je trouvais le moyen de m'octroyer une soirée de temps à autre, mais jamais je ne parvenais à mettre mon esprit en pause. Cette après-midi me permettait de m'évader, d'oublier quelques heures les tracas quotidien en me plongeant dans l'univers édulcoré de cette jeune femme. Telle une fée, elle venait d'illuminer un petit moment de mon existence. Je la remercie de mon for intérieur, ne souhaitant pas la mettre mal à l'aise en l'assommant de compliments.
Lorsqu'elle me demande quels sont mes plans pour le réveillon, je reste assez évasive. Il faut avouer que depuis quelques années, mes réveillons ressemblent plus à une soirée banale plutôt qu'à un réel soir de fête. J’avais décidé de couper les ponts avec ma famille, ce qui impliquait de passer ce genre de moment en comité plus que réduit. Mon fils a beau me combler de bonheur, cette presque solitude me pèse souvent, moi qui suis si peu solitaire. A mes mots, je vois ma copine du jour cligner des yeux, l’air un peu incrédule. Je ne m’en offusque pas, je suis habituée. Ma maternité provoque toutes sortes de réactions, négatives ou positives, et c’est à peine si je les relève désormais. Rose a néanmoins la délicatesse de ne pas l’exprimer à haute voix. Je lui retourne la question plus par réel intérêt que pour changer de sujet.
« Moi, je vais réveillonner chez mes parents avec ma tante et son mari, mes frères, leurs compagnes et ma nièce. On déjeunera ensemble aussi le jour de Noël et le soir chacun retournera chez soi. » m'informe-t-elle avec un petit sourire aux lèvres. Je ne peux m’empêcher de l'envier un peu. L’idée d’un réveillon en famille me fait tellement envie. « Mes parents et mon frère aîné vivent à Brisbane. Mes deux autres frères ont quitté la ville à leur majorité. L’un pour aller faire ses études à Sidney, et l’autre pour suivre sa copine à Canberra. » continue-t-elle. Je hoche la tête. Je me demande bien ce que ma soeur fait à l’heure actuelle. Est elle restée en banlieue ? A t-elle rencontré quelqu’un ? Tant de questions que je préfère toutefois laisser sans réponse. C’était mon choix de couper les ponts, je ne peux pas revenir dessus avec la curiosité comme seule motivation pour renouer. Rose me tire de mes pensées et me demande : « Tu aurais une photo d’Isaac sur toi ? » Un sourire s’étire sur mon visage, je m’empresse de sortir mon téléphone de mon sac et lui montre une photo récente de mon petit garçon. Il semble être tout droit sorti du lit mais je fonds toujours littéralement devant ses joues potelées. « C’est un vrai boucan » je lui informe. « Il apprend à parler et c’est quasiment mission impossible de l’arrêter. »
Mon téléphone en main, je prends connaissance de l’heure. Il est presque dix-sept heures et je n’ai pas vu le temps passer. « D’ailleurs, je ne vais pas tarder à t’abandonner. Je dois aller le récupérer à la crèche dans peu de temps. » Je lui avoue un peu gênée et attristée de rompre cet instant qui me semblait presque magique. « Merci pour ce beau cadeau, Rose » lui dis-je en touchant mon bonnet. « Et merci d’être ce que tu es. » Cette phrase est un peu banale, elle pourrait tout dire comme ne rien dire, mais j’ose espérer que Rose comprendra le message caché. Je la remercie de m’avoir fait voir le monde sous un autre angle, de m’avoir montré qu’il était important de rêver, toujours. Je ne résiste pas à l’envie de la prendre dans mes bras juste avant de lui souhaiter un joyeux noël.
Décris comme tu viens de le faire, ton Noël ressemble à un Noël de rêve. La vérité est tout autre. Si tu aimes offrir des cadeaux à cette occasion, le repas qui y est lié est toujours une source d’angoisse. Tes relations avec ta famille sont complexes. Elle ne comprend pas ton monde. D’une certaine façon, tu envies Jade qui n’aura pas besoin de supporter moult critiques. Voilà une histoire de la vie habituelle. Tu souhaiterais être à sa place, à dorloter un bambin, et elle, probablement à la tienne, entourée de monde. Bien sûr, dans l’équation, tu ignores que son isolement est volontaire. Malgré les tensions avec ta fratrie, tu ne peux de couper les ponts. Tu aimes tes frères. Tous les trois, sans exception. Eux aussi t’aiment, tu en es persuadée. Vous êtes seulement incapable de vous le dire. La rancœur de l’enfance est encore trop présente. Les deux ainés n’ont pas apprécié du tout le comportement de ta mère à ton égard. Stricte dans leur éducation, elle a été beaucoup plus laxiste lors de la tienne. Tu as eu des passe-droits. Là où ils se sont faits régulièrement grondés, tu as obtenu une autorisation. Souvent via un caprice auquel ta mère cédait.
Tu ne sais pas comment tu seras quand tu seras maman. Tu penses que tu seras cool, gentille, à ton image. Tu ne te vois pas agir en tyran autoritaire. De toute façon, ton autorité laisse bien trop à désirer. Ta crédibilité est nulle d’avance. Tu pourras sûrement compter sur ta princesse pour ce rôle. Tu n’envisages pas d’élever un enfant en solitaire. Tu désires qu’il soit le fruit d’un amour. Ce qui n’est pas au goût du jour étant célibataire. Observant la photo du bout de chou de ton acolyte, un large sourire se dessine sur ton visage. « Il a hérité de tes cheveux. » Tu glousses. Sa blondeur est identique à celle de la jeune femme. Tu saisis son téléphone et zoom sur l’image. Tes yeux alternent entre l’écran et son visage. Tu constates qu’il a également son nez. Tu tais cette remarque, pas forcément flatteuse. « Il est adorable. » Tu lui rends son portable. Tu espères de plus en plus vivre cette joie un jour. Ton désir de maternité se fait de plus en plus présent. La trentaine arrive. Tu ne feras pas l’erreur de te précipiter non plus. Surtout qu’il te reste aussi à planifier comment t’y prendre. En tant que lesbienne, la démarche n’est pas aussi facile.
Jade t’informe de l’heure qui défile. Tu ne l’as pas vu défiler. Le temps passe si vite quand on s’amuse. Les responsabilités parentales la rattrapent et elle doit te quitter. Tu te lèves pour la saluer. Vous vous étreignez chaleureusement, telle deux amies de longues dates. Une alchimie semblent s’être crée entre vous. « Oh ce n’est rien. Merci à toi aussi. » Sur le point de partir, tu retiens son bras. Tu saisis ton sac. Tu en extrais ton paquet contenant ton propre cadeau de Noël acheté avant de la rencontrer. « Tiens, prends-le. Glisse-le sous ton sapin pour Isaac de ma part. » Tu agis d’instinct. Tu la connais à peine mais tu lui offres ce cadeau. Ta générosité te perdra. Ton grand frère ne cautionnerait pas cet acte. Il n’est pas là pour te faire la morale. Tu ne lui dis pas ce qu’il contient. Tu tiens à ce qu’elle ait la surprise. Une peluche licorne blanche à la corne arc-en-ciel. Quelque chose de simple. A ton image. Une façon aussi de lui signifier que tu souhaites la revoir. Curieuse, tu auras envie de connaître la réaction de son bambin au déballage du paquet. Une dernière bise et tu la regardes partir. Tu n'as plus qu'à sortir de la patinoire et retourner en quête d'un cadeau à t'offrir.