La période de Noël, sans aucun doute le moment de l'année préféré d'Itziar. Elle aimait l'ambiance festive, les décorations et la nourriture qui allaient avec ce moment si spécial. La fêtarde qu'elle était attendait aussi avec impatience le réveillon du jour de l'an, mais elle attendait encore plus Noël. Elle était persuadée que c'était sa mère qui avait déteint sur elle pour ce qui était de cet amour un peu hors norme pour cette fête de fin d'année. Itziar était bien plus mesurée cela dit. Sa mère, elle, avait plutôt la folie des grandeurs et si elle n'était pas du genre à cuisiner des repas pour vingt personnes, voire même des repas tous courts, elle se rattrapait en décorant leur immense maison de fond en comble, que ce soit à l'intérieur comme à l'extérieur. Tout y passait et ce n'était en général pas un, mais plusieurs sapins qu'elle installait dans plusieurs endroits stratégiques. Itziar était donc plus modérée. Cette année, elle s'était contentée d'installer un joli sapin dans le salon du loft qu'elle partageait avec Anastasia et Louisa puis elle avait accroché une guirlande lumineuse dans sa chambre. Elle avait considéré que s'en était assez pour la décoration. Que parfois, la sobriété ne faisait pas de mal et qu'il n'y avait pas besoin d'en faire des tonnes pour que le rendu soit agréable. Ajouter à cela le fait qu'elle n'avait pas un budget illimité, elle ne pouvait pas non plus se permettre d'acheter tout ce qui croisait son regard. Elle avait donc décoré, puis elle avait troqué ses playlists pop pour des playlists de Noël, avait acheté un stock conséquent de pains d'épices et de chocolat puis elle était vraiment rentrée dans cette ambiance qu'elle aimait tant. Ironiquement, elle n'était pas de ceux qui appréciaient les films de Noël qu'elle avait tendance à trouver un peu trop similaires, ajoutez à cela le fait qu'elle ne prenait pas vraiment le temps pour se poser devant sa télévision et regarder un film quel qu'il soit, ça ne faisait pas vraiment partie de ses petites habitudes de fin d'année.

En revanche, ce qui était une habitude et dont elle ne se passerait probablement pas été le fait de couvrir son entourage de cadeaux. Chose qui comptait énormément à ses yeux. Elle n'était pas le genre de personne en mesure de préparer de bons petits plats ou de bonnes pâtisseries pour les distribuer à tous ses amis, alors, elle se rabattait sur ce qu'elle savait faire : du shopping. Elle avait toujours une tonne d'idées pour ses amis, pour sa famille aussi, même si maintenant qu'elle habitait à des milliers de kilomètres cela s'avérait bien plus compliqué, mais rien ne l'arrêtait. Si ce n'était pas dans Brisbane qu'elle pouvait trouver son bonheur, elle était très douée pour fouiller le net et trouver des pépites qui lui plaisaient. Elle écoutait, avait les oreilles partout aussi et de ce fait n'avait jamais de mal à trouver des cadeaux qui plaisaient. C'était sûrement pour cela qu'Andy lui avait suggéré de s'inscrire au Secret Santa organisé par la ville. Un géant échange de cadeaux entre personnes choisies au hasard. Il la connaissait trop bien et elle n'avait pas réfléchi bien longtemps avant de s'inscrire, attendant patiemment d'avoir le nom de la personne à qui elle devrait offrir quelque chose. C'était un défi en soi, puisqu'il s'agissait d'offrir un cadeau à l'aveugle à quelqu'un qu'on ne connaissait pas. Certains prenaient peut-être la chose à la légère et se contentaient d'acheter une boîte de chocolats sans trop se mouiller, mais ce n'était pas le cas d'Itziar. Itziar voulait faire les choses bien, elle voulait que son cadeau plaise et pas simplement parce qu'elle avait acheté une boite de bons chocolats qui plaisait à 99% de la population de Brisbane. Quand elle avait reçu un mail l'informant que son Secret Santa était un certain James Weatherton, son premier réflexe fut de faire une recherche Google afin de voir ce qu'elle pouvait bien trouver sur cet homme qui lui donnerait une quelconque indication de ce qu'il pouvait apprécier. Malheureusement, elle se retrouva bien vite face à un mur. Soit ce James Weatherton avait plus de cinquante ans et ne comprenait rien aux réseaux sociaux, soit il était de ceux qui utilisaient un nom différent, le rendant introuvable à quiconque ne serait pas au courant de son pseudonyme. Elle avait bien trouvé quelques articles de presse en cherchant bien sûr un James Weatherton qui devait avoir presque la trentaine et était le jeune directeur artistique d'une maison de haute couture. Ca lui paraissait donc improbable que ce soit lui et elle avait alors fermé son ordinateur pour brainstormer quelques idées de cadeaux. C'était comme cela que quelques semaines plus tard elle avait rendez-vous avec le fameux James au café des lutins, bar éphémère installé par la ville proposant des breuvages de fête. Elle lui avait dit qu'elle porterait un haut rouge, pour qu'il puisse la remarquer facilement, mais que de toute façon, le paquet qu'elle avait pour lui était plutôt volumineux et il n'y avait pas de raison qu'il la loupe. Elle avait pris soin d'emballer de manière soignée la lampe qu'elle avait achetée, un cadeau qui lui avait paru être une évidence quand elle l'avait vu en magasin et attendait maintenant que James fasse son apparition.

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C'était une idée de Gina. Du moins, c'est elle qui l'avait convaincu de laisser ses coordonnées à cet homme qui apostrophait des passants pour les informer qu'un Secret Santa était organisé en ville, sorte d'échange de cadeaux entre de nombreux inconnus. En temps normal, pas vraiment le genre de choses susceptibles d'attirer un homme tel que James, pour qui Noël était plus souvent synonyme de charge de travail supplémentaire que de grandes réunions familiales autour d'un sapin illuminé. Depuis que sa mère avait refait sa vie à Calgary, que les fêtes de Noël précédaient quelques unes des semaines les plus chargées en matière de préparations de défilés et que décembre était depuis trois ans associé au plus grand drame de sa vie, le blond était rarement le premier à être envahi par l'esprit de Noël. Il ne décorait toujours qu'à peine sa maison depuis qu'il y vivait seul et c'était en général ses couturières qui insistaient pour décorer l'atelier aux couleurs des fêtes de fin d'année. James cédait à chaque fois parce qu'il ne pouvait pas leur reprocher d'être plus enthousiastes à l'idée de travailler dans une ambiance colorée et festive lorsque décembre pointait le bout de son nez et que la ville toute entière changeait toujours de visage. Tant que chaque heure de travail restait la plus productive possible et que les créations étaient réalisées dans les délais impartis, il n'avait aucune raison d'empêcher qui que ce soit de décorer un sapin ou d'accrocher quelques guirlandes lumineuses. Et il le savait parfaitement, si Alessandro était encore là, il serait le premier à se réjouir de voir des sourires ravis et des yeux rêveurs sur les visages des employées. Le premier, aussi, à encenser l'idée d'un Secret Santa parce que les plus grandes de ses qualités avaient sans aucun doute toujours été sa générosité et son altruisme. C'est à tout ça qu'avait pensé James au moment d'accepter, songeant que dans le pire des cas ça ne pourrait sûrement pas lui faire de mal de quitter sa zone de confort et de faire de nouvelles rencontres. Il n'avait aucune idée de ce qu'on offrait généralement à ce genre d'occasions, de ce qu'un ou une inconnu(e) pourrait bien aimer quand il n'était déjà pas toujours le mieux placé pour gâter les personnes qui lui étaient les plus proches, mais après tout, c'était aussi là tout le challenge.

Il s'était alors dit qu'il attendrait d'avoir une idée plus précise de l'identité de la personne qu'il rencontrerait pour se mettre en quête d'un cadeau, et c'est au bout de plusieurs jours qu'il reçut un mail l'informant que son inconnue se nommait Itziar Cortés de Aguilar. Une femme, donc, et c'était déjà un soulagement en soi. Des femmes, il en côtoyait au quotidien et en habillait depuis plusieurs années, et elles lui inspiraient depuis toujours chacune des créations auxquels ses doigts donnaient vie. Il les trouvait non seulement fascinantes, mais aussi bien moins prévisibles que la plupart de leurs acolytes masculins. Son intérêt pour elles était purement désintéressé et James en était d'autant plus à l'aise en leur compagnie, n'imaginant pas se confier à un homme comme il se confiait bien souvent à des femmes comme Gina ou Birdie. Il avait donc ici l'impression de s'aventurer en terrain connu, du moins en théorie. Car bien sûr, il n'était pas question de lui offrir une robe de Haute Couture ou n'importe quoi qui pourrait l'amener à se faire une fausse idée de ses intentions ou penser qu'il cherchait à l'impressionner en lui offrant ce qu'une partie de la population ne pourrait même pas se payer. L'idée n'était pas non plus de recourir à la facilité comme si toutes les femmes du monde s'émerveillaient devant une robe de créateur. Gina lui reprocherait son manque d'originalité et elle n'aurait pas tort, ce Secret Santa était l'occasion d'endosser une autre casquette que celui du styliste toujours coincé entre deux séries de croquis. Alors il avait commencé par se faire une idée du genre de choses qui pourraient plaire à cette dénommée Itziar, avait arpenté le net à la recherche du moindre indice avant de s'aventurer dans quelques boutiques du centre-ville à la recherche d'un cadeau suffisamment original mais pour autant suffisamment traditionnel pour plaire même à quelqu'un dont il ne savait rien. Le rendez-vous, lui, avait été fixé un peu plus tôt au café des lutins, un endroit où Noël avait sa place jusque sur la carte. Itziar et lui avaient convenu de porter un signe distinctif, un haut rouge pour elle et une légère veste bordeaux pour lui, et c'est muni du cadeau qu'il avait pris soin d'emballer que le blond rejoignit le lieu du rendez-vous. Finalement, son choix s'était porté sur un puzzle map (1) (2) plutôt ludique qui plairait à n'importe qui ayant l'habitude des voyages ou se prenant juste à rêver de parcourir le monde. La jeune femme avait peut être un être aimé, un ami, un frère ou une sœur avec qui assembler ce puzzle et ça avait le mérite de décorer. A l'heure dite, il franchit la porte du café et repéra une blonde assise à une table, son haut rouge et le cadeau disposé à coté d'elle lui indiquant qu'il s'agissait sûrement de celle qu'il cherchait. « Itziar ? » Il demanda pour s'en assurer, ajoutant. « James Weatherton, enchanté. » Les vieilles habitudes avaient la vie dure, il lui était encore difficile de se détendre et d'aborder cette rencontre d'une manière informelle mais il y arriverait, il ne se laissait pas le choix. « Tu étais déjà venue ici ? C'est la première fois, pour moi. » Et peut être la dernière si le bar était voué à disparaître à l'issue des fêtes, sachant qu'il avait peu d'occasions de s'y rendre. Notez en tout cas ses efforts pour se montrer sociable malgré le fait qu'il n'ait jamais fait ce genre de choses et n'ait aucune idée de l'ordre dans lequel procéder. Il essayait, c'était un début.

Les fêtes de Noël à Brisbane étaient bien différentes des fêtes de Noël qu'elle avait connues toute sa vie en Espagne. Le climat, tout d'abord n'était pas le même et en passant dans l'hémisphère sud du globe, elle avait vu ses saisons s'inverser. Avait dit au revoir à ses Noëls blancs, dans un chalet à la montagne comme elle avait eu si souvent l'habitude de les célébrer. A la place, c'était Noël sous le soleil et à la plage qu'elle avait découvert. Elle devait bien avouer que c'était assez perturbant pour elle. Se rappelant même que la première année, elle avait eu un peu de mal à se mettre dans l'ambiance. C'était nouveau pour elle et la chaleur lui rappelait plus les vacances d'été qu'autre chose. Ajoutez à cela le fait qu'elle était loin de sa famille et vous aviez une Itziar complètement déboussolée qui avait l'impression de louper quelque chose. Ca n'avait cependant duré qu'un temps. Elle s'était fait à tout ça. A la distance, aux saisons inversées, à Noël à la plage plutôt qu'au coin du feu. C'était devenu sa normalité finalement, après trois ans passés ici, ça ne la choquait plus et dès que le mois de novembre commençait à pointer le bout de son nez, elle, elle se mettait dans l'esprit de Noël, bien décidée à profiter comme il se devait de cette période de l'année. Le Secret Santa, cela dit, c'était une nouveauté pour elle. C'était la première fois qu'elle en entendait parler et c'était donc la première fois qu'elle y participait. Elle n'avait pas hésité longtemps, pas plus d'un quart de seconde d'ailleurs, avant de décider que c'était sans doute l'idée du siècle. Elle n'était pas timide, alors, se retrouver en face d'un parfait inconnu pour lui offrir un cadeau n'était pas quelque chose qui lui faisait peur. Au contraire, elle avait trouvé le défi amusant. S'était sentie un peu détective quand elle avait fait quelques recherches pour tenter de trouver quelques informations, ici et là sur l'identité de son Secret Santa. Elle s'était ensuite tout autant amusée à se creuser les méninges pour trouver un cadeau en partant de rien, s'imaginant ce qui pourrait plaire à n'importe qui sans pour autant être ordinaire. Elle avait eu l'impression de mettre la main sur le Saint Graal quand elle avait finalement trouvé le cadeau qui, à ses yeux, était parfait. Après cela, elle avait attendu aujourd'hui comme si c'était réellement le jour de Noël, qu'elle avait sept ans et avait hâte de descendre au salon pour voir les cadeaux que le Père Noël avait déposés au pied du sapin.

A la différence qu'elle n'avait plus sept ans depuis un bon moment, avait compris depuis à peu près aussi longtemps que le Père Noël s'appelait en réalité papa et maman et qu'aujourd'hui n'était pas le vingt-cinq décembre au matin. Néanmoins, son Père Noël aujourd'hui s'appelait James Weatherton et s'il s'était inscrit au Secret Santa organisé par la ville de Brisbane, c'était qu'il était bel et bien réel. Elle en avait la conviction puisqu'elle avait convenu de le retrouver aujourd'hui au Café des Lutins, un bar éphémère mis en place par la ville pour la période des fêtes. Le lieu parfait pour échanger des cadeaux de Noël. Ça allait de soi. Aujourd'hui, il avait de la chance James. Itziar n'était pas en retard pour une fois et elle était même en avance. Il ne le savait pas et n'en aurait probablement aucune idée, à aucun moment, mais c'était rare pour la jeune espagnole. Alors, qu'elle soit là à l'attendre, plutôt que l'inverse, ça arrivait peut-être une fois tous les trois mois, si ce n'est moins. Elle a même mis un haut rouge, comme elle lui avait dit. Ce n'était pas une couleur qu'elle mettait tous les jours et elle avait dû chercher tout au fond de sa penderie pour trouver un seul et unique débardeur rouge, mais elle l'avait trouvé et quand elle vit un jeune homme s'approcher d'elle, elle comprit que le fameux James l'avait trouvé lui aussi. "Hey ! Oui, c'est bien moi." Déclare-t-elle en souriant, lui indiquant la chaise en face d'elle d'un geste de la main pour l'inviter à s'asseoir. Il ne s'était pas trompé et avait bien la bonne personne devant lui, il n'y avait pas d'erreur. "Enchantée, James." Déclare-t-elle ensuite. Réalisant que le fameux James Weatherton sur lequel elle avait trouvé quelques articles de presse était bel et bien son partenaire pour cet échange de cadeaux. Une découverte surprenante, compte tenu du fait qu'elle n'avait pas pensé une seule seconde qu'il pouvait être la bonne personne. Ca lui avait semblé improbable et finalement, ça ne l'était pas tant que ça. Elle aurait peut-être choisi un cadeau un peu différent si elle avait su, aurait porté son choix sur quelque chose d'un peu plus mode peut-être, mais elle avait tout de même confiance en sa lampe qui était suffisamment design à ses yeux pour pouvoir lui plaire. Elle hoche la tête pour commencer, avant de prendre la parole de nouveau. "Non, c'est la première fois que je viens aussi. Ça fait pas non plus super longtemps que je suis là, mais je m'étais toujours contentée de visiter le marché de Noël avant de faire un tour où ils ont installé la patinoire. Je sais pas pourquoi, mais j'étais complètement passée à côté de ce bar." Répond-elle en riant. Elle ne saurait même pas dire si c'était la première année qu'il était installé, mais elle en doutait, elle imaginait qu'il était là depuis au moins aussi longtemps que le reste. "Ca a l'air pas mal cela dit. Ça te surprendra sûrement pas d'apprendre que leurs spécialités sont entre autres, le vin chaud et le chocolat chaud. Je sais pas ce que tu préfères toi. Je vais prendre un vin chaud, je pense." Déclare-t-elle, jouant avec la carte plastifiée qu'elle avait eu le temps de parcourir rapidement avant qu'il arrive. S'arrêtant, presque brusquement, quelques secondes plus tard, comme si elle venait d'avoir une révélation. "Ah et puis bien entendu, ça, c'est pour toi." Lance-t-elle en lui tendant le sac contenant la lampe emballée. "Joyeux Noël. J'espère que ça te plaira. J'avoue que j'ai tenté de faire des recherches sur toi, mais je me suis un peu plantée dans mes déductions." Une carrière de détective privé n'était clairement pas envisageable pour elle, il n'était pas question de se reconvertir.

HRP:

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N'importe qui le connaissant un minimum s'étonnerait de le voir dans cette partie de Brisbane à l'approche de Noël, tant il semblait toujours hermétique à cette ambiance festive, ici accentuée par un marché, une patinoire et même un bar dédié au culte des fêtes. Son paquet à la main, il n'était pourtant pas là pour faire du shopping mais bien pour faire honneur aux idées de Gina, qui pourtant était bien mal placée pour insinuer qu'il passait trop de temps au boulot et pas assez dehors. Ils étaient deux irrécupérables bourreaux de travail qui y trouvaient plus de réconfort que jamais lorsque le mois de décembre faisait resurgir certains souvenirs, pourtant James se surprenait à redécouvrir la ville qu'il considérait pourtant comme son chez-lui. Calgary l'avait peut être vu naître, mais c'est à Brisbane qu'il avait vécu la plus grande partie de sa vie et qu'il s'était construit surtout. A l'adolescence, à l'âge adulte. En tant que créateur, aussi, en embrassant une carrière à laquelle il n'aurait pas pu rêver s'il était resté auprès de sa mère lorsqu'il avait eu le choix. Il ne nierait pas que son intérêt précoce pour la mode avait pesé dans la balance lorsqu'il avait suivi son père en Australie et que ce dernier avait pris ses fonctions dans l'entreprise, tout comme il ne nierait pas que chaque décision qu'il avait pu prendre à l'adolescence l'avait rapproché un peu plus de son rêve. Mais il aimait profondément son père et faisait chaque année un effort pour passer les fêtes auprès de lui. Car auprès de qui pourrait-il bien le faire, sinon, pour que ça ait au moins autant de sens ? Il y a un peu plus de trois ans la réponse aurait paru évidente, mais si la disparition d'Alessandro lui avait bien prouvé une chose, c'est que James était en soi profondément seul. Il avait beau vouer une affection particulière aux filles de l'atelier, il n'en demeurait pas moins qu'elles retrouvaient toutes leur quotidien à la fin de la journée. Peut être alors qu'il voyait quelque chose de salvateur dans le fait de participer à ce Secret Santa. Quand bien même ça n'était pas son idée, ça lui faisait penser à autre chose qu'à ce qui monopolisait habituellement son esprit. Et des rencontres qui ne soient pas professionnelles, il n'en faisait pas tant que ça. Le café où ils s'étaient donnés rendez-vous, lui, était tout ce qu'il s'attendait à trouver mais la jeune femme en face de lui, elle, dénotait légèrement au milieu des autres clients. Il se dégageait d'elle une aura singulière et comme chaque fois qu'il laissait la beauté féminine le subjuguer, James en venait à se dire qu'il ne saurait probablement pas l'apprécier à sa juste valeur s'il devait être attiré par les femmes. Ce n'était pas du tout de ce genre d'intérêt dont il était question, et contre toute attente il parvint à se détendre à peine assis. « Dans ce cas, j'ai bien peur de n'avoir aucune excuse pour m'être rarement aventuré dans ce coin de la ville à cette période. Je vis à Brisbane depuis mes dix ans pourtant, mais je suis pas quelqu'un que Noël enthousiasme à ce point disons. » Et c'était un euphémisme. Il devrait sans doute se sentir honteux, en tant que brisbanien d'adoption, de n'éprouver que peu d'intérêt pour ces marchés de Noël et autres attractions à touristes qu'il aurait peut être apprécié un peu plus si les fêtes n'étaient pas une période aussi compliquée pour lui. « Ça fait combien de temps, du coup ? Que tu vis ici. » Il avait cru deviner à son nom de famille qu'elle n'était pas australienne et s'intéressait à l'idée d'en apprendre plus à son sujet, maintenant qu'il semblait tout indiqué de faire connaissance. Ils n'allaient pas simplement échanger leurs cadeaux et se souhaiter une bonne journée, du moins James supposait que ça n'était pas censé se passer de cette manière. Itziar avait de la conversation et c'était une autre raison de prendre le temps de la découvrir. « Ça me surprend qu'à moitié, en effet. Et à choisir je vais aussi me laisser tenter par le vin chaud. » Il se laissait toujours tenter lorsque l'occasion se présentait d'en boire, après tout, et ici il pouvait au moins se cacher derrière l'excuse que c'était « de saison ». Sur ces mots, il fit signe à une serveuse qui prit leurs commandes avant de s'éloigner.

La jeune femme lui tendit bientôt un sac contenant son cadeau et James s'en saisit précautionneusement, sans se surprendre à observer ledit paquet avec une certaine curiosité. S'il avait été à sa place, il n'aurait sûrement pas su quoi s'offrir car ça n'était déjà pas toujours simple de parier sur ce qui lui ferait plaisir lorsqu'on le côtoyait depuis des années, il y avait donc toutes les chances pour que l'exercice représente un véritable casse-tête aux yeux d'une inconnue. Mais c'était aussi tout l'intérêt de ce Secret Santa, présumer de ce qui pourrait plaire à quelqu'un qu'on n'avait jamais rencontré. Dieu sait que s'élancer sans parachute était un concept qui lui plaisait, à lui qui dans son travail aimait prendre des risques. « Eh bien, c'est sûrement parce qu'on trouve plus de choses au sujet de mon grand-père lorsqu'on tape mon nom dans un moteur de recherches. Il a fondé l'endroit où je travaille, comme styliste. Je suis pas le Weatherton le plus célèbre de cette ville. » Une précision qu'il partagea sans savoir si ça avait la moindre importance ici mais songeant qu'ils n'auraient définitivement pas perdu leur journée s'ils mettaient réellement ce temps à profit pour apprendre à se connaître. Déballant le paquet, il découvrit bientôt ce qui semblait être une lampe des plus originales. La forme lui faisait penser à un Bonzaï et d'une manière plus générale, ça n'était pas le genre de lampe qu'on voyait partout. « Très jolie lampe. C'est assez... féerique comme style, je crois qu'elle sera du plus bel effet sur mon bureau. » Car si elle serait sans aucun doute un apport esthétique non négligeable, le fait qu'elle soit fonctionnelle lui plaisait d'autant plus. Après tout, il n'irait pas dessiner une robe qui irait éblouir le Monde entier mais dans laquelle aucune femme ne pourrait décemment se déplacer. Il fallait trouver un juste milieu entre l'esthétique et le pratique, et cette lampe semblait remplir ces deux critères de choix. « Merci. Tu as bien choisi sans le savoir, ça fait des années que tout le monde me dit que mon espace de travail manque de gaieté. » Il n'aurait probablement pas pu en dire autant si Itziar lui avait offert un serre-livres ou pire, un vase qui n'aurait fait que prendre la poussière étant donné que personne n'irait penser à lui offrir des fleurs – et s'en offrir à soi-même serait d'une tristesse sans nom, ses seuls allers-retours chez le fleuriste consistaient à acheter de quoi déposer sur la tombe d'Alessandro. Son tour venu, James tendit son paquet à la jeune femme. « Et voilà pour toi. Joyeux Noël. » Le paquet était un peu moins volumineux mais James avait apporté un soin tout particulier à l'emballage, c'était chaque fois quelque chose qu'il trouvait étonnement apaisant. « Je dois avouer que j'ai jamais excellé dans l'art de faire des cadeaux, alors si jamais ça te plaît pas je peux te l'échanger contre une carte cadeau dans l'une de nos boutiques, ici à Brisbane. » La proposition était peut être maladroite, après tout Itziar était peut être largement en capacité de se payer des articles de créateur, mais James ne pouvait pas complètement sortir de sa zone de confort sans se sentir obligé d'y revenir à un moment ou à un autre. Il maîtrisait tout ce qui avait trait à la mode, le reste un peu moins. Et si pour une raison ou pour une autre il avait mal choisi, au moins pouvait-il peut être sauver cette rencontre en présentant un semblant d'alternative.

Spoiler:

Le jeune homme lui dit ne pas avoir d'excuse pour ne pas être venu ici auparavant. Si ce n'était peut-être celle de ne pas particulièrement trouver d'intérêt à cette fête. Ça pouvait se comprendre. Tout le monde n'était pas particulièrement enthousiaste quand il s'agissait de cette fête. Pour plusieurs raisons d'ailleurs. Certains n'avaient pas forcément la chance de pouvoir célébrer ce jour de manière spéciale. Pour d'autres, de part leur confession, c'était une période comme une autre qui ne représentait rien de particulier. C'était pour elle les raisons les plus évidentes, certaine qu'il y en avait des dizaines d'autres propres à chacun. De l'accident venant ternir cette période de fêtes, aux circonstances particulières ne rendant pas ces quelques semaines très joyeuses. Il n'avait pas à apprécier particulièrement Noël. Il n'avait pas non plus à être enthousiaste. "Oh tu sais, j'suis sûre que t'es pas le seul. Mieux vaut tard que jamais comme on dit." Déclare-t-elle en haussant les épaules. Il avait fini par y mettre les pieds alors, il n'y avait pas à se jeter la pierre. On pourrait tout autant dire qu'en tant qu'étrangère elle aurait pu venir là avant. Elle aurait dû s'impliquer un peu plus dans la vie de la ville qui l'avait accueillie et donc participer aux festivités pour vraiment s'imprégner de ce qu'était Brisbane à Noël. D'autant plus qu'en tant que fêtarde, les bars ça lui connaissait et s'il y avait bien un endroit dans lequel elle aurait dû mettre les pieds sur ce marché, c'était bien le café des lutins. Tout comme le jeune homme en face d'elle, elle y remédiait aujourd'hui. "Ça fera quatre ans en avril prochain. Donc j'avais trois ans pour découvrir cet endroit." Répond-elle en souriant. Le temps passait vite d'un côté. Elle avait l'impression d'être ici depuis peu, mais d'un autre côté, elle s'était tellement bien intégrée qu'elle en oublierait presque qu'elle avait vécue ailleurs.

Il fait signe à une des serveuses qui s'empresse de venir prendre leur commande. Quand elle s'éloigne, Itziar tend à James le paquet qu'elle a emmené pour lui. Elle avoue aussi s'être trompée sur toute la ligne quand elle avait tenté de faire quelques recherches sur sa personne. Pensant bêtement qu'il ne pouvait pas y avoir plus d'un seul James Weatherton à Brisbane. Elle avait été confrontée à plusieurs options, avait même trouvé quelque chose sur son Père Noël improvisé, décidant cependant que ça ne pouvait pas être lui. Son instinct lui avait fait défaut sur ce coup-là. "Pour tout te dire, j'suis bien tombée sur un article qui parlait de toi, mais j'sais pas, je me suis dit que ça pouvait pas être toi. Alors, j'ai même pas cherché plus loin dans cette direction. Ça me paraissait improbable." Parce qu'elle s'était dit que le styliste et directeur artistique d'une maison de haute couture avait autre chose à faire que de s'inscrire à un événement populaire organisé par la ville. Il avait probablement bien d'autres évènements mondains auxquels assister pour perdre son temps avec la population lambda de Brisbane. Elle avait tort. Elle avait raisonné comme si elle était à sa place, parce qu'elle avait connu ce monde de près et qu'il y a quelques années encore, elle aurait sans aucun doute regardé ce Secret Santa avec beaucoup de dédain. C'était comme ça qu'elle avait raisonné en faisant ses recherches. La jeune espagnole est contente de voir que son cadeau à l'air de plaire au jeune homme. Il ne lui paraît pas jouer un rôle et semble réellement trouver un intérêt au cadeau qu'elle vient de lui offrir. "De rien. Je suis contente que ça te plaise." Lui répond-elle en souriant avant d'ajouter. "Je suis aussi contente de ne pas avoir pensé une seule seconde que ça pouvait être toi mon Secret Santa, sinon, j'aurai cherché un cadeau complètement différent je pense." Elle aurait sans doute cherché quelque chose touchant de près ou de loin à la mode. Elle se serait laissée influencer par le milieu qu'il exerçait et dans lequel il évoluait. Le cadeau aurait donc été peut-être un peu moins pensé par Itziar, un peu moins personnel aussi. La lampe, c'était son idée, son coup de cœur qu'elle se voyait offrir à ce James Weatherton dont elle ne savait rien. "En tout cas, j'vais le répéter à qui voudra bien l'entendre que mon cadeau trône sur le bureau de James Weatherton, de la maison Weatherton. Toute discussion sera une excuse pour le mentionner." Plaisante-t-elle. Elle ne savait pas vraiment à quel point la maison était connue. Elle ne la connaissait pas avant de tomber sur ce fameux article en faisant ses recherches, mais elle n'était pas australienne, ça jouait peut-être et puis, de toute façon, à force d'en parler, elle finirait bien par tomber sur un connaisseur qui sera plus qu'impressionné. (Ou pas). Peut-être pas aussi impressionnée qu'elle l'était en ouvrant le paquet que James venait de lui tendre. Il s'agissait d'un puzzle à l'efigie de plusieurs grandes villes. Les couleurs pastels de la boite attirent tout de suite son regard et elle se dit qu'elle vient de se trouver une occupation pour ses prochaines soirées de repos. "Moi qui me disais justement qu'il fallait que je sorte un peu moins, tu viens de m'offrir une raison de le faire." Déclare-t-elle en souriant. "Merci. Il est parfait ton cadeau. J'sais pas ce qui te laisse penser que t'es pas doué pour en offrir. Bon par contre, je peux te dire qu'il va tester ma patience, mais je devrai m'en sortir." Finit-elle en riant. Elle n'était pas réputée pour être très patiente, surtout quand il s'agissait de ce genre d'activités qui demandaient un peu de réflexion, mais ça pouvait être un défi qu'elle se donnait à elle-même. Finir ce puzzle. "J'pense que je pourrai même acheter un cadre pour l'accrocher au mur une fois fini." Parce qu'elle allait le finir. Même si ça devait lui prendre un peu de temps. Elle décalle la boite quand la serveuse revient avec leur boisson. "A la tienne." lance-t-elle avant de tremper ses lèvres tentativement dans le vin chaud, essayant de ne pas se brûler. C'est un peu trop chaud pour qu'elle en boive une réelle gorgée, alors, elle repose le verre et pose son regard sur le jeune homme. "Tu disais que Noël n'était pas vraiment quelque chose qui t'enthousiasmait. Du coup, qu'est-ce qui t'enthousiasme ? Je veux dire, à part la mode ?" En d'autres termes, qu'est-ce qu'un homme comme lui pouvait faire du peu de temps libre dont il devait disposer ? Avait-il seulement autre chose dans sa vie que la mode ? Elle est curieuse et c'était une question qu'elle se devait de poser.

Secret Santa - Here comes Santa Claus!

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Des excuses pour ne pas avoir traîné plus tôt de ce coté-ci de Brisbane, James en avait en réalité un paquet mais toutes n'étaient pas bonnes à partager avec cette jeune femme qu'il ne connaissait après tout que depuis une poignée de minutes. Itziar était venue participer à un échange de cadeaux dans une ambiance légère et festive, l'entendre confier qu'il avait perdu son compagnon dans un sordide accident ne faisait sûrement pas partie des choses qui permettraient à cette rencontre de rester agréable. Une chance que ce ne soit pas non plus le sujet que James évoque le plus facilement, et pour cause, ça lui serrait toujours le cœur d'y penser. Il n'y avait qu'avec Gina qu'il n'avait aucun mal à en parler parce qu'au fond de lui, il savait que ce qu'il éprouvait depuis ce soir-là, son amie l'éprouvait dans une bien plus cruelle dimension encore. Ce Secret Santa avait donc en partie pour but de lui faire voir les choses différemment et l'aidait à dissocier les fêtes de fin d'année de ce drame. Et James mentirait s'il prétendait que Brisbane n'était pas malgré tout l'endroit où il se sentait le plus à sa place. Encore aujourd'hui, il ne s'imaginerait pas vivre ailleurs et plus les années passaient, plus il avait de raisons de ne pas vouloir en repartir. Il tâchait de se souvenir de tout ça les soirs où sa solitude le guettait. Le blond hocha ainsi la tête et se concentra plutôt sur la situation d'Itziar, qui de son coté vivait à Brisbane depuis quatre ans. « Et tu te plais, à Brisbane ? Tu y as trouvé ce que tu cherchais quand tu t'y es installée ? » James avait l'habitude des conversations courtoises où les questions visaient à se renseigner sur son interlocuteur sans jamais se montrer trop intrusif. Il aurait pu lui demander directement d'où elle venait et les raisons pour lesquelles elle avait choisi de s'installer à Brisbane et non ailleurs, mais elle ne le connaissait pas il y a encore plusieurs minutes et n'avait peut être aucune envie d'échanger ce genre d'informations avec lui. Pour autant, il attachait de l'importance à faire sa connaissance et ne voyait pas cette rencontre que comme un échange de bons procédés. Itziar semblait sympathique et facile d'approche, il s'en voudrait un peu de rester fermé. Un fin sourire surpris étira les lèvres du blond lorsqu'elle mentionna l'idée d'avoir trouvé un article à son sujet puis lorsqu'elle précisa qu'elle pensait tout simplement avoir à faire à une autre personne. « Je ne peux pas t'en tenir rigueur, dans le milieu autant que dans mon entourage personne ne m'imaginerait sans doute participer à un Secret Santa. Alors sans me connaître et juste à travers un article, je ne suis pas surpris que tu en aies pensé la même chose. » A savoir qu'il ne renvoyait pas l'image de quelqu'un qui participait facilement à ce genre de choses. Non, James n'était pas coutumier de ce genre de pratiques, mais le changement avait aussi du bon. « J'espère qu'au moins l'article était élogieux. » Il reprit avec légèreté, cette fois seulement à moitié sérieux.

Le cadeau de la jeune femme, lui, plut au styliste qui sans mentir s'attendait à devoir feindre d'apprécier son cadeau mais découvrait qu'en réalité, Itziar avait un goût certain. Car si James était réputé pour être quelqu'un de difficile, il ne lui avait fallu que quelques secondes pour imaginer cette lampe trôner sur un coin de son bureau et l'idée d'un présent à la fois esthétique et utile lui plaisait. Il aurait été bien plus périlleux qu'elle choisisse de lui offrir un livre – ses goûts n'étaient pas ceux de tout le monde – ou pire encore, un habit – on pensait souvent que parce qu'il était dans la mode, c'était le cadeau à lui faire mais bien au contraire, il préférerait s'enrouler dans un rideau de douche plutôt que d'enfiler une veste bas de gamme ou un pantalon d'une couleur douteuse. Cette lampe, c'était une bonne surprise et la franchise d'Itziar, elle, était rafraîchissante. « Justement, je préfère l'idée que mon profil ne t'ait pas influencée dans ton choix de cadeau. D'ailleurs, je suis juste James aujourd'hui, je n'ai pas de marque ou de collection de Haute Couture à mon actif. » Il laissait pour une fois le boulot de coté, parce que c'était aussi l'idée de cette rencontre et qu'à l'approche de plusieurs grosses dates pour Weatherton, il pouvait se permettre de penser à autre chose le temps d'une heure ou deux. Pour autant, la manière qu'eut Itziar de reprendre la parole valut à son sourire de s'étirer légèrement. « Mais sens-toi libre de le raconter autour de toi, on ne crache jamais sur un peu de publicité gratuite. » Et ça n'était qu'une demi-plaisanterie, quand bien même il n'irait pas dire ouvertement que Weatherton traversait une mauvaise passe et que les ventes de cette année étaient en chute libre par rapport à il y a deux ans. James était peut être profondément honnête, il n'en était pas moins attaché à l'idée de sauver les apparences lorsqu'il le pouvait. Et devant Itziar, il aimait autant en dévoiler le moins possible sur ce genre de détails, ces problèmes de trésorerie n'étant de toute façon pas très intéressants. Il redoubla d'attention au moment où la jeune femme ouvrit son cadeau, espérant pour une fois avoir fait mentir l'idée selon laquelle il ne serait pas très doué pour gâter les autres. Ce n'était jamais faute d'y mettre de bonnes intentions, pourtant. James fut finalement soulagé de voir qu'Itziar semblait apprécier son puzzle. « Si je comprends bien, tu n'es pas du genre casanière ? » C'est ce qu'il comprenait à ses propos et il est vrai qu'elle était jeune et pourrait passer le plus clair de ses soirées dans des bars ou en discothèque. Pas tellement un univers que James connaissait bien, mais il ne jugeait pas pour autant. « Disons juste que je ne suis pas très doué avec les attentions en règle générale. Mais tant mieux si il te plaît, je suis certain que tu dois avoir plein d'amis qui se feront un plaisir de t'aider. » James avait tendance à la percevoir comme une jeune femme sociable, comme elle l'était avec lui depuis le début de cet échange, il n'y aurait donc rien d'étonnant à ce qu'elle soit très entourée. « Bonne idée, le cadre. Ça rajoutera du cachet. » Ce puzzle étant en lui-même original et esthétique, un cadre ne viendrait rien gâcher bien au contraire. La serveuse revint avec leurs boissons et chacun se saisit de son verre de vin chaud. « A la tienne. » James ne se fit pas prier pour tremper ses lèvres dans son verre et se faire une première opinion de ce vin : délicieux, même si peut être pas au point de le convertir pour de bon aux mets et boissons de Noël. Relevant son regard vers celui de la blonde, il se pinça les lèvres à sa question. « Oh, mon travail à l'atelier me prend beaucoup de temps alors j'en ai pas toujours beaucoup à accorder à des centres d'intérêts. Mais je lis beaucoup, j'apprécie la bonne musique, je joue même du piano de temps en temps... » Assez souvent en tout cas pour que le mentionner dans une conversation ne soit pas un mensonge. « J'ai aussi un jardin que j'entretiens quand j'ai du temps à tuer. Et un chat. » Oui, ce détail était sans doute de trop mais surtout, il n'aidait pas vraiment à donner l'impression que sa vie était particulièrement remplie en dehors de l'atelier. « D'accord, j'admets que sur le papier ça ne donne pas l'impression que je mène une vie très excitante, j'ai juste... un peu tendance à vivre pour mon boulot, de l'avis général. » James étira une légère grimace, conscient qu'il y avait peu de choses pour occuper ses pensées en dehors de Weatherton, et ce depuis déjà trois ans. « Et toi, tu fais quoi dans la vie ? » Il demanda, sincèrement curieux et peut être aussi secrètement désireux de détourner l'attention sur la jeune femme, dont la vie était sans doute plus remplie que la sienne. « Tu as des passions ? Je suis sûr que tu as des tas de hobbies. » L'heure était à faire connaissance et James n'avait pas à feindre le moindre intérêt, il commençait même à trouver cette idée de Secret Santa intéressante. Au point en tout cas d'accorder plus facilement le bénéfice du doute à Gina la prochaine fois qu'elle soumettrait ce genre d'idées.

Itziar hoche la tête vigoureusement de haut en bas à la question de James. Elle ne se pose même pas d'ailleurs. Oui, elle se plaît à Brisbane, c'est indéniable. Si ce n'était pas le cas, elle ne serait probablement pas là. Le monde était grand, elle aurait posé ses valises ailleurs et aurait sans doute bougé jusqu'à ce qu'elle se sente chez elle. Elle avait eu la chance de tirer le bon numéro du premier coup. Ce qui lui avait permis d'économiser pas mal d'argent et de vivre sur les quelques ressources qu'il lui restait avant de trouver un job. Pour ce qui était de trouver ce qu'elle était venue chercher. Là aussi la réponse était plutôt rapide. C'était un oui, clair et net. Elle n'était pas venue chercher grand-chose cela dit. Ce qui comptait pour elle était de s'éloigner de Madrid et de la honte qu'avait causé l'arrestation de son père. "Je me sens comme chez moi et pour tout te dire, je cherchais juste à m'en aller, donc oui, j'ai trouvé ce que je cherchais." Répond-elle. C'était une solution facile finalement et revenait à fuir ses problèmes sans chercher à les résoudre, mais c'était la seule qu'elle avait trouvée. Quand le monde dans lequel elle avait grandi lui avait tourné le dos dès que les finances avaient arrêté de suivre et que son nom de famille n'inspirait plus que le dédain, ça semblait être la fin du monde pour elle. Elle était donc partie par la sortie de secours, jusqu'à Brisbane plutôt que de se tenir devant tous ses anciens amis la tête haute. Un choix qu'elle ne regrettait pas pour autant. Si elle pouvait revenir en arrière, elle ne changerait probablement rien et finirait tout de même ici. Pour elle, le hasard faisait bien les choses et il fallait le laisser faire. Comme elle l'avait en s'inscrivant à ce Secret Santa organisé par la ville. Elle avait ensuite voulu forcer un peu le destin en cherchant des informations sur son Père Noël personnel, ce qui n'avait pas marché, parce que c'était le jeu. Ça rendait le moment un peu plus surprenant. Elle est honnête cela dit et n'hésite pas à avouer à James qu'elle avait bien trouvé un article le concernant, mais qu'elle avait tout de suite mis de côté l'idée qu'il pouvait être celui qui se cachait derrière l'inconnu avec qui elle avait été mise en binôme, de manière aléatoire. Elle n'était pas si douée que ça au jeu des devinettes. "Je me suis dit que quelqu'un avec tes responsabilités avait sans doute mieux à faire que participer à un événement populaire comme celui-là, je me trompais visiblement. L'article en revanche était vraiment intéressant et te dépeignait comme un styliste doué et prometteur." Elle ne ment même pas quand elle dit ça. C'était effectivement ce qu'elle avait lu en parcourant rapidement les lignes de l'article.

Finalement, elle était plutôt contente de s'être trompée et de ne pas avoir été indirectement influencée par ce qu'elle aurait pu lire pour lui. Elle avait ainsi pu penser à un cadeau pratique, qu'elle trouvait aussi d'un goût certain. Un cadeau qui aurait pu plaire à n'importe quel type s'appelant James Weatherton sans vraiment chercher à savoir quels pouvaient être ses centres d'intérêts. Si elle avait su que James était la personne pour qui elle devait trouver un cadeau, elle aurait eu bien plus de chance de se tromper et d'acheter quelque chose à côté de la plaque. Parfois, à vouloir trop bien faire, on se trompe et c'était sans doute ce qui serait arrivé. Elle aurait pensé mode, mais elle aurait mal pensé. Elle ne connaissait pas la mode comme lui devait la connaître et si à une époque elle aurait eu les moyens de s'acheter n'importe quel article de la maison Weatherton, elle n'avait clairement aucune expertise en matière de mode. Elle suivait les tendances, parce qu'elle n'était pas aveugle et savait ce qu'il était recommandé de porter, mais ça s'arrêtait là. Elle aurait donc voulu trop bien faire et aurait tapé à côté de la plaque. La lampe était neutre bien que design, elle se fondrait sans aucun problème dans n'importe lequel des décors. "Pas encore ! Ca ne saurait tarder. Attend que je fasse ta pub avec cette histoire de lampe sur ton bureau tu ne sauras plus où donner de la tête." Elle ne connaissait pas tout Brisbane, mais elle était sociable et était loin d'avoir sa langue dans sa poche. Elle n'avait donc pas de doute quant au fait qu'elle aurait bien des occasions de glisser dans une conversation banale qu'elle avait eue la chance de participer à un échange de cadeau avec le talentueux James Weatherton. Elle le dirait exactement comme ça à n'importe quel client qui voudrait l'entendre. Elle pourrait même ajouter que lui, il lui avait offert le plus joli des puzzles, un parfait auquel elle n'aurait probablement jamais pensé. Elle n'était pas le genre de personne qui se posait pour faire quelque chose de calme si ce n'était quand elle allait se coucher et qu'elle se lançait un épisode de série ou un film pour s'endormir. Elle n'était effectivement pas casanière, il avait vu juste dans ses propos. "Pas vraiment. Disons que j'ai du mal à m'arrêter et que j'ai l'impression que je vais louper quelque chose si je reste chez moi à glander." Répond-elle, pour la faire courte. Elle ne savait pas s'arrêter, c'était ça. Elle avait toujours de l'énergie à revendre. Le sommeil était pour les faibles et plus d'une fois elle avait retrouvé Lara devant l'un des clubs de Brisbane au petit matin après une soirée à travailler au bar pour aller se goinfrer de hamburgers avant d'aller faire les boutiques dès l'ouverture. Elle pouvait tenir comme ça pendant un moment, mais elle se faisait toujours rattraper à un moment ou un autre par son corps qui l'arrêtait net, juste le temps pour elle de recharger les batteries avant de repartir. Ce n'était donc pas vraiment très sain. Ce puzzle c'était donc la perspective de rester chez elle tranquillement plusieurs soirs de suite, ce qui ne pourrait pas lui faire de mal. "Il est parfait. Je ne sais pas si c'est un coup de chance ou si t'es bien meilleur que tu ne le penses." Lui lance-t-elle en souriant avant d'ajouter "Ah tu vois, j'ai pensé au cadre, mais pas pensé que je pouvais me faire aider pour le puzzle. C'est plutôt une bonne idée et ça compense le fait de devoir rester à la maison." Elle sourit. Ses amis les plus fêtards ne laisseraient sans doute pas passer une fête pour venir l'aider avec une activité telle que celle-ci, mais elle était quand même certaine de pouvoir trouver preneur. Dans le pire des cas, elle savait qu'elle n'avait besoin de personne de toute façon, ça lui prendrait un peu de temps, c'était certain, mais c'était à sa portée.

Quand la serveuse dépose les verres sur la table, elle trinque avec James, boit une gorgée de son vin chaud et décide que c'est au tour du jeune homme de parler de lui. Il est styliste, vient d'une maison renommée, mais quoi d'autre ? Ca, elle peut le lire facilement en faisant une recherche sur internet. Ce qui l'intéresse, c'est la personne qu'il est hors de son travail, même si, elle le conçoit totalement, son travail est sans doute plus que chronophage. Elle hoche la tête doucement quand il évoque ses centres d'intérêts auxquels, il précise, il n'a pas l'occasion d'accorder beaucoup de temps. Lecture, musique, jardinage et son chat. Rien d'ennuyeux comme il semble l'insinuer. Il n'est pas bien différent de l'australien de base qui travaille cinq jours par semaine. "Ca a pas forcément besoin d'être très excitant. Je trouve que t'as déjà pas mal de choses à faire en dehors de ton travail. Tu fais quoi dans ton jardin ? T'es plus décoratif avec des fleurs et tout ou potager ?" lui demande-t-elle, un sourire se dessinant de nouveau sur son visage. "Et le plus important : il ressemble à quoi ton chat ?" Elle aimait les animaux Itziar et même si elle n'en avait pas, elle ne loupait pas une occasion d'interagir avec n'importe quelle boule de poils croisant sa route. D'ailleurs, peut-être que ce n'était pas dans la communication et le management qu'elle aurait dû se lancer, mais quelque chose touchant de près ou de loin aux animaux. Enfin, là n'était pas la question. Elle se retrouvait quand même bien dans ce qu'elle faisait. "Je suis encore étudiante et à côté de ça, je bosse dans un bar à Fortitude Valley. Le Tomcat, je sais pas si ça te parle ?" Ce n'était pas un bar huppé, plutôt un pub populaire qui ne payait pas forcément de mine. Il fallait sortir pour le connaître puisqu'il ne faisait pas vraiment partie de ces bars phares de Brisbane. "Je dirai pas que j'ai des tas de hobbies. Je peux difficilement me passer de surf et de musique. Je joue de la guitare et j'ai pris des cours de piano pendant des années. Après j'aime découvrir de nouvelles choses, peu importe quoi donc j'adore être dehors à explorer par exemple ou quand le temps s'y prête pas trop, c'est pas rare que je finisse dans un musée ou une expo' quelconque." Elle n'était pas particulièrement calée sur le sujet, mais elle aimait l'art en général. C'était quelque chose qui lui parlait. Sans doute parce que ses parents en étaient mordus et l'avaient toujours trainée avec eux dans ce genre d'endroits quand elle était jeune. Elle avait fini par y prendre goût. "Et puis ben, j'aime beaucoup sortir aussi, mais ça tu l'as déjà deviné." Ajoute-t-elle en riant. Parce que ça aussi c'était presque une de ses passions. Même si elle n'avait pas de doute quant au fait qu'un jour ça lui passerait sûrement.

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Ils venaient vraisemblablement tous les deux d'un autre endroit, mais ils se plaisaient aussi tous les deux à Brisbane. James n'espérait pas se trouver des points communs avec Itziar lorsqu'il s'était rendu à cet échange de cadeaux avec pour objectif premier de s'ouvrir un peu plus à l'esprit de Noël, pour autant ça n'était pas désagréable d'en faire le constat. Ça se voyait sûrement comme le nez au milieu de la figure, James n'était pas familier avec toutes ces traditions sur fond de chants de Noël et de sucres d'orge, en revanche il ne savait pas feindre de l'intérêt pour quelqu'un ou quelque chose et se montrait donc sincèrement intrigué par le parcours de la jeune femme. « D'où tu viens exactement ? Si c'est pas trop indiscret. » Il ne s'était jamais retrouvé dans une situation où ce genre de questions étaient prohibées, la plupart des galas et défilés auxquels il participait mettant toujours sur sa route des personnes impatientes de parler d'elles, au contraire. Mais ici le contexte se voulait différent et Itziar n'avait peut être aucune envie d'entrer dans les détails, ce qu'il comprendrait. Lui n'avait pas grand chose à cacher, conscient qu'on pouvait déjà trouver beaucoup d'informations à son sujet sur internet ou dans quelques revues spécialisées. Des interviews, il en donnait relativement peu parce qu'il éprouvait peu d'intérêt à parler d'autre chose que de ses collections et de la manière dont il cherchait depuis le premier jour à révolutionner la mode. Mais en quelques clics, on pouvait déjà en apprendre assez pour le cerner un tant soit peu. « Non, la plupart du temps c'est le cas. A vrai dire le mois de décembre est même un des mois les plus chargés pour nous, mais on a pensé que je devais lever un peu le pied, j'imagine. » James le laissa entendre avec ce léger dépit dans la voix qui donnait une petite idée de ce que lui en pensait vraiment. Finalement, il retrouva un fin sourire et hocha la tête à l'évocation de cet article élogieux. « Tant mieux. C'est ce que tout créateur aspire à entendre un jour, dans mon milieu comme dans n'importe quel autre un article assassin peut avoir des conséquences catastrophiques sur les affaires. » Alors même s'il n'irait pas dire qu'il était surpris que ses efforts pour faire perdurer le savoir-faire de Weatherton soient reconnus à leur juste valeur – il dédiait presque chaque minute de ses journées à faire que ce soit le cas – il était malgré tout toujours flatté quand on lui reconnaissait du talent. Le contraire l'affecterait bien plus profondément qu'il le laissait penser.

Et ici, James aimait autant que son boulot reste au statut d'anecdote. Il ne voulait pas qu'Itziar ne le perçoive plus uniquement qu'à travers le prisme de sa fonction de créateur, et tant qu'à se voir offrir quelque chose, il préférait que ce soit une lampe qui n'avait rien à voir avec son univers. Il y avait quelque chose de rafraîchissant dans le fait d'échanger simplement avec quelqu'un qui n'avait jamais assisté à un de ses défilés et n'était même peut être jamais entrée dans une de ses boutiques. « Ne t'y sens surtout pas obligée. Si j'avais vraiment voulu qu'on me fasse de la pub, c'est une de nos robes que je t'aurais offerte. » La remarque se voulut plus légère, pourtant James l'avait probablement envisagé avant de porter son choix sur un cadeau beaucoup moins attendu de sa part. Un cadeau qui ne vaudrait pas à Gina de lever les yeux au ciel et de lui reprocher son manque d'initiative, aussi. « Mais c'est un cadeau très personnel pour quelqu'un qu'on n'a encore jamais rencontré, et les réseaux sociaux ne sont pas encore assez précis pour que j'ai pu me faire une idée de ta taille ou de tes goûts. » Autrement dit, lui offrir une robe Weatherton aurait représenté un défi immense et rien n'aurait pu lui permettre de tomber absolument juste. Qui plus est, il y avait des limites à sa générosité et elle se situait au niveau du prix moyen de leurs créations : il fallait dépenser plusieurs centaines d'euros pour se payer une robe d'une de leurs anciennes collections, un tel cadeau lui aurait donc fait perdre un bénéfice non négligeable et aurait probablement gêné la jeune femme. Alors s'il n'avait pas fait un choix particulièrement audacieux, il évita au moins de l'embarrasser – les chances pour qu'Itziar ait une aversion pour les puzzles étant relativement faibles. Son cadeau eut l'effet escompté et offrit même à James une nouvelle occasion d'en apprendre un peu plus à son sujet. De toute évidence, Itziar et lui étaient aussi différents que les apparences avaient tendance à le laisser penser et l'idée de ce Secret Santa lui semblait d'autant plus intéressante. « Je comprends, à ton âge il y a beaucoup à voir et à faire. » Il souffla sans même réaliser qu'il n'y avait probablement que quelques années pour les séparer l'un de l'autre, peut être parce qu'il se sentait lui-même à des années lumières de l'état d'esprit d'une jeune femme comme Itziar. Il ne jugeait pas son besoin de sortir pour croquer la vie à pleines dents pourtant, loin de là, bien trop conscient que lui ne mettait probablement pas assez le nez dehors a contrario. « C'est ironique, quand j'y pense. Mon métier me donne accès à toutes sortes de soirées où j'ai rarement l'occasion de mettre les pieds. » Probablement que d'autres sauraient en profiter plus que lui, quand bien même il faisait acte de présence aux occasions les plus déterminantes. Il ne se considérait simplement pas comme une personnalité gagnant à être vue à coté de tous les buffets de petits fours de la ville, son métier c'était par passion qu'il le faisait et non pour gagner des concours de popularité dans les sphères de la mode. Ce puzzle, lui, devrait occuper Itziar les soirs où elle n'aurait pas envie de sortir ou durant sa prochaine panne d'électricité, qui sait. « En s'y mettant à plusieurs, il sera vite assemblé. Et personne n'a dit que tu ne pouvais pas prendre ton temps pour le faire, par chance c'est pas un de ces articles de Noël qu'on est forcés de ranger dès que le Nouvel An est passé. » C'était la raison pour laquelle il avait évité tous les cadeaux seulement utilisables pendant la période des fêtes, après tout d'ici quelques semaines Brisbane aurait retrouvé sa figure habituelle et ce bar éphémère n'existerait plus.

Tout comme ce vin chaud, que James dégustait avec un certain plaisir tandis qu'Itziar et lui échangeaient sur leurs goûts et leurs hobbies. Pas vraiment le genre de choses sur lesquelles il avait souvent l'occasion de s'étendre, mais James ne pouvait pas exclusivement parler couture, broderies et défilé, il en allait aussi de sa santé mentale de sociabiliser en dehors des murs de son atelier. C'est en ça qu'il trouvait aujourd'hui la compagnie d'Itziar agréable. Après tout, ils n'avaient en apparences qu'assez peu de choses en commun mais le styliste était souvent plus ouvert et curieux que son impassibilité le laissait penser. Et si son quotidien en dehors de son travail n'avait somme toute rien de très exaltant, c'était aussi en partie parce que sa vie avait perdu en saveur depuis le décès d'Alessandro et qu'une partie de lui vivait sans doute encore en partie dans le passé. Pas par plaisir, mais parce que c'était plus simple certains jours que de regarder la vérité en face et notamment le désert qu'était devenue sa vie personnelle depuis ce soir de décembre 2017. James aimerait dire que ça lui allait parfaitement et qu'il était heureux de n'avoir à se soucier que des deadlines propres à un métier aussi exigeant que le sien, mais s'il avait tant besoin de s'en convaincre c'est sans doute parce que cette solitude continuelle lui pesait lourd sur le cœur, certains jours. « Je fais pousser des rosiers. J'ai toujours été fasciné par ces fleurs et j'habite une maison construite au début du XXème siècle, dont l'architecture se marie parfaitement avec une roseraie. En dehors de ça, je serais incapable de faire pousser des légumes. » Parce que ça ne lui donnerait pas le même plaisir. Ce qu'il aimait en plus de s'occuper de ces fleurs, c'était la splendeur de ces hauts rosiers à l'arrière de sa maison. Sa prochaine question lui tira un fin sourire. « C'est un bombay, il s'appelle Shady. Beaucoup de gens superstitieux pensent que les chats noirs portent malheur et j'ai toujours trouvé ça stupide. » On pourrait alors mettre cette adoption sur le compte d'un esprit de contradiction particulièrement développé chez le styliste, et c'était peut être effectivement le cas. L'animal n'était pas d'un tempérament facile mais James se retrouvait beaucoup plus qu'il n'était prêt à l'avouer en ce félin rejeté par une partie de la population pour sa différence. Lui aussi, après tout, avait été rejeté, moqué et pointé du doigt toute une partie de sa vie. Itziar se plia à son tour au jeu des confessions et la curiosité de James n'en fut que plus grande. « Oh, et tu étudies dans quelle branche ? » Il pouvait déjà probablement exclure la mode, auquel cas elle le lui aurait précisé plus tôt dans leur conversation. « Ça ne me dit rien, non, mais je ne suis pas une référence en la matière. C'est quel genre de bar ? Plutôt branché, j'imagine. » Ce qui expliquerait en partie que James n'ait pas le souvenir d'en avoir déjà entendu parler, quand il comptait déjà rarement parmi la clientèle de ce genre d'endroits d'ordinaire. Ce n'était pourtant pas faute de recevoir des propositions, mais la plupart du temps il se contentait de partager son temps entre son boulot et chez lui. Prêtant une vive attention à ses prochaines paroles, il but une gorgée de vin chaud puis fit remarquer. « C'est bien de s'intéresser à autant de choses. Tu as du avoir une éducation très riche pour porter autant d'intérêt à l'art. Tu ne joues plus du tout de piano aujourd'hui ? » Il réalisait qu'ils avaient ce hobby là en commun, tout du moins à une époque il lui arrivait d'en jouer plus assidûment qu'aujourd'hui. Il avait un piano chez lui, il pratiquait de temps en temps, mais ses doigts se destinaient la plupart du temps à son métier. Regardant un instant autour d'eux, James ne put retenir un commentaire qui lui brûlait les lèvres depuis plusieurs minutes. « On doit former un drôle de duo pour quiconque nous verrait ici. J'espère que tu ne regrettes pas d'être tombée sur moi. » Elle pourrait considérer qu'elle avait joué de malchance avec ce Secret Santa si sa compagnie lui était ennuyeuse, ou au contraire juger comme lui cette entrevue intéressante. Ils apprenaient à se connaître et repartiraient chacun avec un cadeau visiblement bien choisi, il ne voyait que du positif à en tirer. « J'étais un peu réticent à participer au départ, pour ne rien te cacher. Mais je ne regrette pas de m'être laissé convaincre. » Il ne le ferait pas tous les ans, c'était peut être même la seule et unique fois qu'il se prêterait au jeu. Mais ça le sortait un peu de son quotidien et c'était toujours bon à prendre.

Itziar hoche la tête de gauche à droite, sa façon d'indiquer à James que sa question n'a rien d'indiscret. C'est une information qu'elle dévoile sans aucun problème, avec plaisir. Elle est fière de là où elle vient. Elle porte fièrement ses origines et n'est pas du genre à cacher son amour pour son pays natal. Elle n'avait rien contre l'Espagne, rien contre Madrid qui l'avait vu grandir, la situation avait simplement fait qu'elle avait eu ce besoin de tout quitter. A l'époque, ça lui paraissait être la seule solution envisageable et même si elle réalisait maintenant qu'elle aurait pu agir autrement, si elle pouvait revenir en arrière, elle ne changerait rien. "Je viens de Madrid. En Espagne. T'y es déjà allé ?" demande-t-elle, curieuse. Madrid avait beau être l'une des capitales européennes, quand il était question de mode, il ne s'agissait ni de Paris, ni de Milan et de ce fait, la ville n'avait peut-être pas le même intérêt que ses consoeurs pour un homme ayant baigné dans la haute couture toute sa vie. Cependant, il n'était pas impossible que son métier l'ait conduit aux divers coins du globe et Madrid, ou l'Espagne faisaient peut-être partie d'un de ces coins. Qu'il ait visité son pays ou pas, cela dit n'avait pas grande importance à ses yeux, c'était plus un moyen d'en apprendre un peu sur lui. Elle apprend d'ailleurs que son instinct avait vu juste. Ce genre d'événement, ce n'est pas vraiment son genre. Elle apprend même que s'inscrire n'était pas son idée à lui, mais plutôt l'idée de 'on' dans son entourage qui avait pensé que ce serait un bon moyen pour lui de lever un peu le pied et s'éloigner un petit peu de son travail. "Ça semble plus logique." Répond-elle en souriant avant d'ajouter. "En tout cas, je pense que on avait raison, ça fait pas de mal de prendre un peu de recul de temps en temps. J'espère que tu ne regrettes pas et que ça t'auras pas trop retardé dans ton travail quand même." Même si elle ne se faisait pas trop de soucis pour cela. Elle imaginait que ce genre de maisons étaient bien rodées et qu'il y avait des dizaines de petites mains pour assister les stylistes. De plus, elle se disait qu'il n'avait sans doute pas eu à passer des journées à la recherche d'un cadeau. Ca avait peut-être occupé ses soirées, mais rien de plus. Enfin, elle l'espérait. Elle se sentirait un peu mal de savoir qu'il avait eu à se faire des cheveux blancs pour un cadeau qui lui aurait plu quoi qu'il en soit. Elle se contente de hocher la tête pour acquiescer quand il mentionne l'article, précisant qu'un article qui se voudrait négatif ne serait pas bon pour les affaires. Ce qu'elle pouvait totalement comprendre. Elle n'avait pas cherché bien loin cela dit et en poussant un peu, elle en aurait trouvé au moins un. Cela dit, ce n'était pas ce qui l'intéressait maintenant et encore moins quand elle tentait de trouver des informations à son sujet quelques semaines plus tôt.

"Vois ça plutôt comme quelque chose que je fais pour moi ! Ca te fais un peu de pub, mais surtout ça me fait quelque chose d'un peu original à raconter." Le genre d'anecdotes dont tout le monde ne peut pas se vanter. Même si au final, elle doutait que les clients du bar soient vraiment des passionnés de mode. Ils la regarderaient plutôt avec des yeux lui disant qu'elle aurait pu balancer n'importe quel nom, inventé ou pas que ça n'aurait pas fait de différence dans son histoire. Cependant, elle, elle savait de quoi elle parlait et c'était là tout l'intérêt. Elle ne se voulait pas influenceuse ou autre rôle du genre, elle ne prétendait pas vouloir faire marcher les affaires de la Maison Weatherton. Elle n'en avait pas les moyens de toute façon et ne côtoyait plus un milieu susceptible d'être le public cible de la maison de haute couture. C'était donc réellement pour l'anecdote en elle-même qu'elle en parlerait. Tout comme elle ne manquerait pas d'appuyer le nom de celui qui lui a offert ce magnifique puzzle qu'elle tentera de terminer sans que ça dure deux ans. "Je crois pas que la robe aurait été un meilleur cadeau. Non pas que je ne l'aurai pas apprécié, mais disons que j'ai pas vraiment l'occasion de porter ce genre de choses. Ce serait un sacrilège de porter une robe comme ça en boite de nuit." Surtout dans les boîtes populaires dans lesquelles elle avait l'habitude de traîner. Ou il y avait une probabilité proche de 100% de se faire renverser de l'alcool dessus à un moment ou un autre de la soirée. C'était pour ça qu'elle se contentait en général du minimum. Certes, elle faisait attention à la manière dont elle s'habillait. Elle était coquette, il ne fallait pas l'oublier, mais quand elle sortait, elle privilégiait des pièces peu onéreuses et qu'elle n'aurait aucun regret à jeter si un malheureux accident venait à arriver. A une époque, elle n'aurait pas pris la peine de faire ça et elle n'aurait eu aucune peine à se séparer d'une robe de designer, mais ça, c'était avant. Quand elle n'avait pas la valeur de l'argent et que son compte en banque était approvisionné de manière illimitée comme par magie. Elle était parfaitement contente d'avoir reçu un puzzle qui selon elle représentait l'effort que le jeune homme avait mis dans cette tâche de trouver un cadeau original, sans viser la facilité. Elle appréciait l'attention et ce cadeau plus qu'à son goût. Quand il mentionne son âge, elle ne peut s'empêcher de laisser échapper un petit rire. Non pas pour se moquer, mais parce que la phrase du jeune homme lui paraissait incongrue. "Dis comme ça, j'ai l'impression que tu me fais rajeunir de quasiment dix ans. Je ne pensais pas que je faisais aussi jeune." Lui répond-elle en souriant. A vue d'œil, l'australien avait à peine la petite trentaine et de ce fait, ne devait pas avoir une différence d'âge significative avec elle. "Pourquoi tu en profites pas ? C'est pas vraiment ton genre les soirées mondaines ?" demande-t-elle curieuse. Elle qui les avait écumées pendant des années. C'était le genre de choses qu'elle avait apprécié pendant longtemps. Elle ne saurait pas bien expliquer l'attrait qu'elle trouvait à cela, maintenant, elle se contentait de soirée entre amis où le but n'est ni de se montrer ni de se mettre particulièrement en avant, ça lui plaisait bien plus. Elle avait réalisé qu'elle n'avait pas besoin de ce monde un peu faux à ses yeux et qui finalement ne lui avait pas été d'une grande aide quand elle avait tout perdu. "C'est vrai ! Bon après je vais essayer de pas mettre trop longtemps non plus pour pouvoir profiter du produit fini." Déclare-t-elle en souriant. Elle n'était pas très patiente et si elle voyait que son projet n'avançait pas assez vite, elle n'hésiterait pas à demander de l'aide à ses amis.

Et puis la discussion dérive naturellement sur les centres d'intérêts de l'un et de l'autre parce que pour Itziar, ça serait totalement insensé de procéder à l'échange de cadeaux, avaler le contenu de son verre en trois secondes chrono puis partir comme si de rien était. Si elle s'était inscrite c'était aussi pour rencontrer du monde et en apprendre un peu plus sur cet inconnu qui se cachait derrière son Secret Santa. Ca ne voulait pas dire qu'une quelconque relation en découlerait, mais elle était sociable et c'était tout naturel pour elle. Elle est d'autant plus, réellement intéressée par ce qu'il a à raconter, lui trouvant une singularité toute particulière. "Oh, ça doit être magnifique, ça doit sentir super bon aussi. Même si, j'avoue que je m'y connais pas trop j'avoue. C'est pas trop compliqué à entretenir ?" Elle avait l'image de cette fleur qui lui paraissait plutôt fragile bien que poussant facilement. Elle imaginait que ça ne devait pas être si aisé que cela d'entretenir tout un jardin et de faire en sorte que les rosiers soient en bonne santé toute l'année. Bien que, le climat plutôt clément de Brisbane devait être un atout si ce n'était quand les températures estivales montaient un peu trop. "J'ai toujours trouvé ça stupide aussi, cette superstition. Tu sais qu'à cause de ça, les chats noirs ont justement beaucoup plus de mal à être adoptés ? Ce qui est idiot, car je suis pas sûre d'avoir un jour entendu que quelqu'un en ayant adopté un ce soit retrouvé maudit ou je ne sais trop quoi." Elle ne portait pas d'importance à ce genre de croyances, qui pour elle, étaient simplement des restes de ce que le monde était avant et de l'ignorance des gens. Elle trouvait cela malheureux qu'en 2020 certains y croient encore dur comme fer. "J'étudie le management et la com' un choix par défaut si on peut dire ça comme ça, ça me semblait pas trop compliqué et en même temps, pas trop chiant." Surtout qu'elle avait repris ses études sur le tard après quelques années loin des bancs de l'école, elle avait fait le choix de la facilité. N'y avait pas vraiment réfléchi non plus. Ca lui convenait sans que ce soit pour autant une passion et ça lui laissait aussi le temps de voir venir. "Le bar c'est plutôt un genre de pub irlandais, populaire sans vraiment payer de mine, beaucoup d'habitués qui y viennent régulièrement. Donc non, pas si branché que ça j'dirais. Bien moins que le Canvas juste en face." Répond-elle en haussant les épaules. Ca lui allait bien comme bar. C'était plutôt tranquille et les clients faisaient rarement des vagues. La paie était correcte et les pourboires tout autant. C'était pour cela qu'elle n'avait pas bougé depuis trois ans et qu'elle ne bougerait probablement pas avant d'avoir trouvé un job qui lui plaît une fois son diplôme en poche. Pour ce qui était de l'art, James avait visé juste, c'était effectivement une question d'éducation pour elle, ses parents, amateurs d'art avaient tenu à ce qu'elle s'en imprègne elle aussi et c'était une des choses dont elle était plutôt fière. Ca avait le don de surprendre surtout quand on ne connaissait d'elle que son amour pour la fête. "C'est ça, mes parents sont passionnés et il était hors de question pour eux d'avoir une fille qui n'y connaisse rien. C'était eux aussi le piano, alors par principe j'aimais pas ça, j'ai arrêté d'y jouer un moment pour faire de la guitare, mais il m'arrive encore de pianoter si l'occasion se présente." Elle ne peut s'empêcher de rire à la remarque qui suivi. Il était vrai que leur duo dénotait un peu. Ce n'était cependant pas le genre de chosess qui dérangeaient Itziar, bien peu soucieuse du regard qu'on pouvait porter sur elle. "Je ne regrette absolument pas ! Qu'est-ce que tu racontes ? Au contraire, je trouve ça cool qu'on forme un duo pour le moins original. J'aurai pas choisi mieux je crois." Elle est sincère. Elle ne regrette pas d'être tombée sur James et ça la conforte dans cette expérience un peu hasardeuse dans laquelle elle s'était lancée sans trop y réfléchir. "Je suis contente que tu regrettes pas de t'être inscrit, j'espère que je contribue un peu à ça quand même. Tu penses que tu pourrais te réinscrire l'année prochaine s'ils remettent ça ?" Pour elle, c'était un grand oui et elle garderait sans l'ombre d'un doute un oeil sur les annonces de la ville à ce sujet.

Secret Santa - Here comes Santa Claus!

@ITZIAR CORTÉS DE AGUILAR & JAMES

Il n'était donc pas le seul à avoir quitté sa terre natale pour s'installer à Brisbane, à ceci près qu'il parierait que les choses s'étaient passées différemment pour Itziar, qui était là depuis à peine quatre ans quand lui avait suivi son père en Australie alors qu'il n'était pas encore en âge de réaliser que cette séparation avec sa mère enterrerait pour de bon leurs chances de se rapprocher. Aujourd'hui la fierté était une affaire de famille et rares les occasions où l'un osait faire un pas vers l'autre : le plus souvent, sa mère lui envoyait une coupure de presse qui faisait l'éloge de son dernier défilé et profitait de l'occasion pour prendre de ses nouvelles. La communication n'avait jamais été leur fort, il faut croire. « J'ai été une fois ou deux à la Fashion Week de Madrid. Je connais un peu mieux l'Italie, j'ai connu quelqu'un qui y est né. » Sa gorge se noua comme souvent quand il effleurait le sujet, raison pour laquelle il s'étendait rarement dessus. Ça faisait trois ans ce mois-ci qu'Alessandro avait perdu la vie et ça lui demandait toujours autant d'efforts de garder un air impassible quand le sujet restait fatalement douloureux, qu'il se contente d'y penser ou qu'il l'évoque à demi-mot. « Je suis né au Canada, c'est presque aussi loin d'ici que l'Espagne. Mais moins chaud. » Il finit de préciser dans un demi-sourire, estimant qu'il pouvait équilibrer les choses en lui partageant ce détail. Le Canada était différent de l'Australie sur pas mal de points et si plus jeune James ne cherchait pas vraiment à savoir si ce nouvel environnement lui conviendrait quand tout ce qui comptait était de suivre son père, aujourd'hui il s'y plaisait. Tout n'y avait pas toujours été simple, mais si on lui en laissait le choix il ne voudrait pas réécrire une ligne de ce qu'il avait vécu ici, preuve en était que le passé le rattrapait depuis quelques semaines et qu'il se surprenait à ne pas trouver ça aussi désagréable qu'il l'aurait pensé. Et s'il est certain qu'à cette période de l'année James ne manquait pas de travail, il mentirait s'il disait que ça n'avait pas aussi ses bons cotés, d'échapper pour un instant à la pression de son atelier. « Je ne regrette pas, non. Je pense qu'aucun créateur n'arriverait vraiment à se réinventer s'il se coupait éternellement du vrai Monde. Je prétends souvent que j'ai aucun besoin de me ressourcer mais il faut croire que mon entourage me connaît parfois mieux que je me connais moi-même. » En l’occurrence, que Gina savait voir quand il avait besoin de se sortir ces histoires de deadlines de la tête. Et quand il voyait tous ces gens, attablés avec leurs amis, une partie de lui se surprenait presque à les envier. Sa vie sociale restait le plus souvent limitée à ses employées, ses collaborateurs, ses clients et les quelques personnes qu'il considérait proches de lui, quelques fois il aimerait assez revêtir la peau d'un autre et être un de ces types qu'on invitait en soirée et qui faisaient rire tout le monde. Il n'avait jamais été de ceux-là, adolescent déjà, et c'est à cette époque qu'il avait commencé à cultiver son originalité comme quelque chose dont il était fier. Et il l'était, quand bien même la vie de créateur était parfois solitaire.

« Dans ce cas, je crois que tu peux même aller jusqu'à dire qu'on a bu un verre de vin chaud ensemble. Ça te paraitra sans doute présomptueux, mais peu de personnes dans cette ville peuvent en dire autant. » Présomptueux, il l'était parfois, mais ici c'était principalement vrai. James n'était pas quelqu'un qu'on pouvait facilement avoir autour de sa table, même quand on était un riche client et qu'on insistait pour dîner avec son créateur préféré : être insaisissable contribuait au mystère qu'il représentait pour une partie de l'opinion publique. On le voyait peu, on savait peu de choses de lui et ce n'était pas demain la veille qu'un biographe aurait de quoi remplir un livre avec des anecdotes sur sa vie. James s'était toujours dit qu'il quitterait ce monde en laissant derrière lui plus que de questions que de réponses et ce petit jeu lui avait toujours plu : peu de gens avaient vraiment investi son intimité parce que c'était aussi là qu'il était fatalement le plus vulnérable. La précision d'Itziar, elle, lui tira un léger sourire. « J'ai déjà habillé de nombreuses starlettes propulsées sous les projecteurs par une série ou un disque, et je t'assure qu'elles ont toutes déjà dansé sur le ton d'un DJ dans l'une de mes robes. » Il y a longtemps qu'il aurait sûrement mis la clé sous la porte s'il n'habillait que des femmes d'affaires ou des présentatrices télé en vogue, et bien qu'il n'évolue pas lui-même directement dans le milieu du showbiz c'était bien de là que venaient une part de sa clientèle. Actrices, mannequins, chanteuses et célébrités qu'il habillait autant pour l'effervescence des tapis rouges que pour l'intimité de leurs soirées, beaucoup comptaient parmi ses clientes fidèles et le dédain qu'il prétendait éprouver pour ces starlettes n'était qu'apparences : lui plus que n'importe qui s'assurait qu'elles puissent apparaître publiquement dans les tenues les plus spectaculaires qui soient, l'idée de laisser d'aussi gros contrats filer entre les mains de la concurrence n'étant pas envisageable. « J'ai toujours voulu qu'on donne vie à mes créations, et à partir du moment où elles deviennent pour elles comme une seconde peau, je me fiche de savoir où elles les portent. » Seul importait le fait qu'elles les portent, justement. James avait l'habitude de composer avec les contraintes propres à chaque commande. Certaines clientes voulaient une robe parée d'élégance pour faire sensation à un gala, d'autres désiraient quelque chose de moins classique et de plus confortable pour se mouver dedans. Il y a cinquante ans, son grand-père n'aurait pas pu se permettre de réinventer les lignes classiques de leurs créations pour proposer des modèles plus ancrés dans leur époque mais aujourd'hui, James lui le pouvait. Et semble-t-il que sans même le vouloir, il avait rajeuni son interlocutrice de plusieurs années. « Et ce n'était même pas une flatterie, je trouve juste que tu dégages quelque chose d'assez... dynamique, quelque chose que je retrouve souvent chez mes employées les plus jeunes. » Quelque chose que lui n'avait pas l'impression de dégager, raison pour laquelle il nourrissait sans doute la fausse impression que plus d'années le séparaient d'Itziar qu'en vérité. « Je me suis toujours demandé à partir de quand une femme appréciait d'entendre qu'elle fait plus jeune que son âge. » L'idée lui tira un fin sourire curieux, ce n'était là que l'une des innombrables raisons pour lesquelles la gente féminine le fascinait depuis toujours. « Si, en réalité ce genre de soirées m'amusent et on y noue souvent des contacts précieux. Mais je ne suis pas quelqu'un qui se montre beaucoup, je détesterais qu'on parle de moi plus que de ce que je créés. » Certains créateurs de ce milieu n'avaient aucun souci avec le fait de devenir de véritables attractions, mais pas lui. C'était peut être un tort de se résumer à ce qu'elle créait, mais sa vie privée était bien mieux à l'abri de tout ça. Il conclut par un rictus amusé, finalement, convaincu qu'Itziar viendrait à bout de ce puzzle sans avoir besoin d'aide et plutôt fier, lui aussi, de songer que son cadeau trônerait chez la jeune femme. C'était bien la preuve qu'à ces yeux, la notoriété en tant que telle n'avait que peu d'importance.

James n'aurait jamais pensé se confier aussi naturellement sur ce qui remplissait ses journées hors de son atelier, mais force est de constater qu'Itziar donnait envie de s'ouvrir même à ceux pour qui ça n'était pas forcément une habitude. « C'est de l'entretien, oui. Ma voisine me conseille souvent de faire appel à son jardinier, mais j'ai toujours eu besoin de temps pour faire assez confiance à quelqu'un pour lui confier une chose à laquelle je tiens. » Alors il aimait mieux s'occuper lui-même de ces fleurs, quand bien même elles demandaient beaucoup d'attention. James avait acquis la patience quand il n'était encore que stagiaire dans un atelier de Sydney, en travaillant sur des pièces qui nécessitaient une minutie et une délicatesse rares et finalement, veiller sur ce jardin n'était pas si différemment de ce qu'il faisait tous les jours à l'atelier. « Les gens seraient prêts à inventer n'importe quoi pour se rassurer. Les chats noirs ne portent pas plus malheur qu'un miroir brisé, mais c'est plus facile de se convaincre qu'on évitera le mauvais œil en rejetant tout ce qui peut nous conforter dans nos superstitions. » Le rejet était un sujet qu'il connaissait bien et c'est très tôt qu'il avait commencé à percevoir la stupidité humaine dans toute sa splendeur : Shady ne portait pas malheur, les drames faisaient simplement partie de la vie et il l'avait accepté. « Tu aimes les animaux, je me trompe ? » Et les humains, probablement. Une intuition qu'il nourrissait parce qu'Itziar lui semblait être le genre de personne ouverte d'esprit qui rejetait l'idée de laisser qui que ce soit sur le bas coté pour ses différences. Il l'imaginait très entourée, chaleureuse avec les personnes qui faisaient partie de sa vie et accueillante avec ceux qui croisaient sa route. « L'important c'est d'aimer ce qu'on fait. » Et ça valait autant pour les études que pour le reste, et de ce point de vue là elle semblait plutôt y trouver son compte entre ses études de management et son boulot au bar. Un bar un peu différent de ce qu'il imaginait, et l'image avait suffi à piquer son intérêt. « J'imagine que je m'y sentirais pas trop dépaysé, alors. J'envisagerai d'y passer si l'occasion se présente, ne serait-ce que pour pouvoir dire que j'ai partagé une discussion des plus intéressantes avec l'une des serveuses. » Il souffla avec un soupçon de malice, décidé à voir tout le positif qu'il y avait à participer à ce Secret Santa aujourd'hui, notamment la compagnie d'Itziar qui était tout sauf désagréable. Peut être qu'il n'aurait pas de si tôt l'occasion de mettre les pieds dans ce bar, mais si cette journée prouvait bien une chose, c'est que les occasions se créaient. « Et je suppose que si tu as continué la musique en grandissant, c'est parce que quelque part ça devait aussi te plaire. » De son point de vue ses parents avaient eu raison de la pousser à s'intéresser à l'art sous toutes ses formes, d'autant plus si elle y avait trouvé un certain plaisir à continuer ensuite. Lui n'avait pas eu besoin que son père le pousse à s'intéresser à la mode et à marcher sur les traces des Weatherton mais il savait quelle fierté il lui avait inspiré en le faisant. Finalement, cette rencontre soulignait combien Itziar et lui étaient sans doute différents au premier abord et pourtant, James n'était pas certain qu'il aurait passé un meilleur moment avec quelqu'un qui lui ressemblait plus. Au contraire. « Ou le hasard fait bien les choses, ou la personne derrière cette répartition savait ce qu'elle faisait en nous désignant comme binôme. » Dans un cas comme dans l'autre, c'était une bonne surprise et James ne le nierait pas, il avait beaucoup d'aprioris en se lançant. « Bien sûr, ta compagnie joue beaucoup. Je suis quelqu'un qu'il est facile d'ennuyer en temps normal, mais ça n'a pas été le cas aujourd'hui. » Une manière pudique de lui dire que sa présence avait beaucoup contribué à ce qu'il trouve l'expérience rafraîchissante. « Je suis pas certain de remettre ça dès l'année prochaine, mais qui peut savoir. De ton coté je crois connaître la réponse. Alors trinquons à cette journée et gageons que si le destin le veut, nous nous recroiserons d'ici là. Brisbane n'est pas si grande, après tout. » Et pour avoir joué de beaucoup de chance en tombant sur Itziar pour ce qui s'annonçait au départ comme quelque chose de périlleux pour lui, James ne déplorerait pas de réitérer l'expérience, sans forcément que du vin chaud soit cette fois de la partie.

Itziar est contente de s'être inscrite à cet événement organisé par la ville. Oui, chercher un cadeau pour un inconnu, s'imaginer à quoi il pouvait ressembler, ce qu'il pouvait faire dans la vie et recevoir un cadeau en retour était amusant. Ca l'avait emballée dès le départ. Dès qu'elle avait eu vent du principe même du Secret Santa. Cependant, elle appréciait encore plus de pouvoir discuter avec ledit inconnu. Qui au fil des minutes se dévoilait un peu plus. Elle était contente d'être tombée sur quelqu'un comme James. Elle avait l'impression que leur échange était d'autant plus enrichissant qu'ils étaient extrêmement différents tous les deux. Certains auraient peut-être préféré la facilité de se retrouver avec quelqu'un qui leur ressemblait un minimum. Avec qui ils pouvaient partager quelques centres d'intérêts et en débattre. Itziar, elle, n'avait pas besoin de cela pour passer un bon moment. Pas besoin de cela non plus pour s'intéresser réellement à son interlocuteur. Elle ne sait pas faire semblant Itziar, elle ne feint pas son intérêt pour ce que le styliste a à lui raconter. Ses questions ne sont pas simplement un moyen de faire la conversation et d'éviter un silence qui pourrait être un peu gênant. Elle n'avait peur ni du silence, ni de sortir de sa zone de confort. Elle ne connaissait pas grand-chose à la mode comme James la connaissait, mais elle pouvait imaginer et poser des questions. Elle écoute d'ailleurs attentivement les réponses à ces dernières. Pas du genre à s'écouter parler. Elle a beau être une pipelette invétérée qui pourrait tenir une conversation à elle toute seule, elle sait aussi écouter, sans faire semblant. Elle hoche donc la tête quand il lui dit qu'il ne regrette pas de s'être inscrit. Elle est rassurée de l'entendre dire ça et ne peut s'empêcher d'esquisser un sourire face à son aveu. "T'as au moins tout le mérite d'écouter ton entourage. C'est déjà pas mal." Parce que c'était effectivement une chose d'être bien entouré. Ca en était une autre que d'écouter son entourage quand celui-ci savait qu'il était temps de faire une pause. C'était donc tout à l'honneur de James que d'avoir suivi les conseils qu'on lui avait prodigués.

Elle rit de bon cœur quand il en rajoute une couche. C'est présomptueux, il n'a pas tort, mais ça va avec le personnage. Ca va avec sa stature aussi et ça rajoute un certain charme au discours qu'elle pourra tenir pour se vanter un peu plus de non seulement avoir eu la chance de lui offrir un cadeau qui habillera son bureau, mais en plus de partager un verre avec lui, privilège rare dont peu pouvait bénéficier. Ça lui allait parfaitement. "J'en prend note, je manquerai pas de le mentionner. J'insisterai dessus même." Plaisante-t-elle. Elle serait capable d'en faire des tonnes. Elle était douée pour cela. Alors, quand en plus de cela, le jeune homme lui donnait toutes les clés pour, elle n'allait pas s'en priver. Ses collègues seraient d'ailleurs les premiers à l'entendre se vanter de cette rencontre. Josh étant un habitué de ses histoires un peu rocambolesques. Elle ne savait pas trop s'il les appréciait. Il avait tendance à lever les yeux au ciel de manière un peu exagérée chaque fois qu'elle lui faisait part de ses récits, mais finissait toujours par poser des questions pour en savoir un peu plus. Pour elle, il faisait semblant, parce qu'il ne pouvait pas admettre qu'il aimait bien l'entendre en faire des caisses, parce qu'il ne lui faisait pas de compliment et s'entêtait à dire qu'elle n'était qu'une gamine agaçante. "Disons que je suis une experte quand il s'agit de renverser mes verres et autres joyeusetés. Je me détesterai vraiment de ruiner une de tes robes comme ça." Elle hoche la tête, comme pour appuyer ses propos. Elle n'était pas une catastrophe ambulante, mais elle avait cette manie de ne pas savoir s'arrêter de boire quand elle sortait. Une bière et au lit, ça n'existait pas chez elle. Une bière en entraînait une deuxième qui entaînait un cocktail, puis des shooters, puis n'importe quel autres boissons alcoolisées qui lui passait sous la main. L'alcool aidant, sa coordination et son agilité disparaissaient à mesure que la soirée avançait. Il n'était donc pas rare que son verre lui échappe des mains après qu'elle ait heurtée un fêtard sur la piste de danse, s'en renversant le contenu. Pire, il lui arrivait aussi de finir à genou sur le carrelage des toilettes, la tête au-dessus de la cuvette pour y déverser le contenu de son estomac après le verre de trop. Non, une robe de haute couture n'était pas faite pour être malmenée de la sorte. Alors, finalement, elle était peut-être aussi jeune qu'il le pensait dans sa façon d'agir, à son âge, on pourrait penser qu'elle aurait arrêté de reproduire les mêmes erreurs qu'elle faisait déjà quand elle avait dix-huit ans et commençait à peine à sortir en boite de nuit. Peut-être qu'à se comporter comme ça, elle dégageait l'impression d'être plus jeune. Visiblement, le jeune homme n'avait pas pour but de la flatter. "Je pense que ça dépend des filles. Je dirai que plus j'approchais du quart de siècle, plus j'étais contente qu'on me pense plus jeune, alors maintenant qu'il est officiellement dépassé, c'est une petite victoire à chaque fois." Elle finit sa phrase en riant parce qu'elle en rajoute un petit peu. Bien sûr, elle n'est pas ravie à l'idée de vieillir, mais ce n'est pas non plus qui l'empêche de dormir le soir. Elle n'est pas focalisée sur ça et ne le prend pas mal quand on lui donne un peu plus que son âge, bien que, passée une marge d'erreur, ça lui blesse un petit peu son ego. Rien qui ne l'abatte pour autant. Elle n'est pas bien compliquée. James à lui aussi l'air d'être une personne plutôt simple. A sa manière. Il a l'air de rester loin des artifices et des soirées en grandes pompes, pour des raisons étonnantes qui pourtant faisaient sens. Il ne voulait pas qu'on parle de lui plus qu'on ne parlait de son travail. Chose qui pourrait arriver s'il participait à toutes les soirées mondaines auxquelles il pouvait être invité. Au lieu d'être reconnu pour son travail, il serait reconnu comme une personnalité publique, une petite célébrité qui était toujours là où il fallait se montrer. Il était intelligent. Très intelligent. "J'ai jamais rencontré quelqu'un qui raisonne comme toi. Honnêtement, je trouve que c'est super intelligent comme façon de penser. Ça montre aussi à quel point tu es passionné par ce que tu fais. A mes yeux en tout cas." Parce que ça montrait clairement que ce qui comptait pour lui, c'était qu'on parle de son travail. Que le reste ne comptait pas ou tout du moins, n'avait pas autant d'importance. Certains se perdaient là-dedans, délaissaient leur art au profit d'une renommée plus futile. Ils y perdaient grandement.

Elle hoche la tête, Itziar quand il lui parle un peu plus de ses fleurs et de l'entretien qu'elles demandent. Elle comprend parfaitement qu'il ne veuille pas laisser quelqu'un d'autre s'en occuper, même si ça lui prend du temps. Elle ne voit pas ça comme de l'exigence pour autant. Au contraire, il semble exigeant avec lui-même et elle a l'impression que ses fleurs sont presque comme son bébé. Certains ont leur instrument de musique auquel ils tiennent comme à la prunelle de leurs yeux et que personne n'a le droit de toucher, James a ses fleurs. Ca ne la choque pas. Elle comprend. Elle ne comprend en revanche pas les gens qui ont une aversion pour les chats noirs et les fuient comme la peste. Un chat est un chat pour elle, noir, blanc, tigré ou pas. Elle n'a que faire des superstitions. "Clairement j'ai plus peur de me porter la poisse ou de me mettre le karma à dos si je nuis à un animal ou à quelqu'un que si je m'arrête cinq minutes pour caresser un chat noir ou marche sous une échelle." Elle hoche la tête. Ça va de soi pour elle. "Mais du coup oui, tu devines bien, j'adore les animaux. Pourtant, j'en ai pas, ce qui est paradoxal." Parce qu'elle n'était pas souvent chez elle et avait un peu l'impression qu'elle délaisserait son animal si elle en avait un. Un jour cela dit, elle finirait sans doute par se transformer en vieille fille qui préfère passer sa soirée avec ses chats qu'en dansant jusqu'au bout de la nuit. Ce n'était pas pour tout de suite, cela dit. Pour l'heure, elle aimait toujours autant le monde de la nuit et appréciait tout particulièrement son travail au bar qui lui permettait non seulement de gagner de l'argent, satisfaire son besoin de socialisation et profiter de ses soirées, même si elle n'a pas forcément l'occasion de pleinement profiter de la fête. "Hésite pas à le mentionner le jour où tu décideras de sauter le pas et de passer. Tu en rendrais jaloux plus d'un." Qu'elle dit en plaisantant, même s'il y avait une bonne part de vrai là-dedans. Elle ne prétendait pas avoir le pouvoir de rendre faibles tous les hommes qui croisaient son chemin, mais sa plastique était un avantage de taille quand il s'agissait de son travail au bar, qui attirait autant les pourboires que les clients un peu trop insistants trouvant tous les stratagèmes pour pouvoir échanger ne serait-ce que quelques mots avec elle. La jeune femme acquiesce d'un signe de tête quand il parle de musique. C'était plutôt par protestation que par désamour de la musique qu'elle avait décrété à l'adolescence qu'elle n'aimait pas le piano. Un moyen d'entrer en conflit avec ses parents qui n'avaient pourtant jamais plié. Elle s'était vengée en menant la vie dure à ses professeurs avant de laisser tomber cet instrument dès que l'occasion s'était présentée. La musique en réalité, elle adorait ça et il était rare qu'elle ne soit pas soit en train de gratter sa guitare soit en train d'écouter une playlist quelconque en fond sonore. Ça lui fait plaisir d'entendre que James passe un bon moment et que sa compagnie y contribue. Elle n'aurait pas voulu l'ennuyer. Ça aurait été terrible pour elle. Non pas qu'elle se pensait particulièrement intéressante au point de capter l'attention de quiconque, mais parce qu'elle espérait ne pas être de ces gens qui se croient intéressants et ne se rendent pas compte qu'ils sont tous les contraires, bien trop absorbés par leur propre personne. "Je suis contente que tu te sois pas ennuyé. J'aurai vécu ça comme un échec et je serai rentrée pleurer chez moi." Qu'elle plaisante avant d'ajouter "Cheers! Qui sait, on se recroisera peut-être ailleurs, par la force du destin et puis, je regarderai au bar de temps en temps si je te vois pas dans les parages. Histoire de t'accueillir comme il se doit." Comme elle accueillait ses amis. C'est-à-dire avec un verre au frais de la princesse, servi avec amour.