| are you lost in the world like me? • raph |
| | (#)Mar 15 Déc 2020 - 23:04 | |
|
( are you lost in the world like me? ) w/ ⊹ @Raphael Elly« Tiens l’empoté, c’pour toi ! » J’en ai pas particulièrement envie, mais je relève la tête quand même. Comment résister quand on est si gentiment interpellé ? Un sourire arrogant sur sa gueule de poisson mort, Mike laisse tomber aussi bruyamment que possible une énorme pile de pots bien sales à ma station. Je plisse le nez de dégoût, pousse un soupire inaudible dans le vacarme de la cuisine. « Trop gentil… » Mon marmonnement irrité se perd aussi dans le chaos qui nous entoure. Pas que ça change grand-chose : même s’il m’avait entendu, Mike se serait fait un plaisir de m’ignorer. Il préfère se traîner à nouveau jusqu’à son comptoir où des burgers déjà froids attendent leur garniture. Rapidement lassé du spectacle de sa démarche dolente, je retourne à ma tâche. J’en ai déjà plein le cul et y’a à peine une heure que mon quart de travail a commencé. Le resto est anormalement occupé pour un mercredi après-midi alors la cuisine tourne à plein régime pour répondre aux commandes. Je plonge à nouveau les mains dans l’eau brûlante. Le bout de mes doigts me picote désagréablement. Je devrais sûrement porter les affreux gants en caoutchouc jaune que le patron m’a gracieusement offert, mais ils me rendent encore plus maladroit que d’habitude. Et comme il m’a aussi fait gentiment comprendre qu’à la prochaine assiette que je réduis en miettes, c’est ma carrière de plongeur qui finira à la poubelle avec les éclats de porcelaine, j’essaie de minimiser les risques. C’est pas que mon job me plaise particulièrement, mais il suffit à payer mon loyer et à me donner un peu d’argent de poche. Et puis, ça me demande peu d’effort mental. Quand personne me dérange, je réussis presque à oublier que j’ai les bras enfoncés jusqu’aux coudes dans un bouillon de savon et de restes de cuisine. Pendant que je nettoie mécaniquement les bols, les assiettes, les paniers à frites et les ustensiles recouverts de saleté et de traces de doigts graisseuses, je rêvasse et je suis à peu près tranquille. J’ai ma petite routine : laver et rincer, empiler les morceaux jusqu’à ce que mon tas de vaisselle propre soit à peu près aussi stable qu’un château de cartes puis les ranger à leur place en louvoyant entre les chefs qui, à voir le sérieux avec lequel ils m’engueulent quand je les empêche de travailler, croient cuisiner dans un resto étoilé plutôt que dans un diner miteux.
L’eau est froide et sale alors j’enlève le bouchon pour la laisser s’écouler lentement. J’en profite pour m’étirer, les bras levés vers le plafond. Mon cou, lui, en profite pour craquer en signe de protestation contre l’évier trop bas qui nous oblige à nous pencher tout le temps. Une pile d’assiette bien serrée entre mes doigts engourdis, je me lance sur le champ de bataille, louvoie de mon mieux entre les cuistots qui circulent dans tous les sens dans la cuisine. Ça me fascine, cette façon qu’ils ont de se déplacer comme une machine bien huilée. J’ai souvent l’impression d’être le grain de sable qui tombe dans l’engrenage et cause une panne. Mais pas cette fois. Par un petit miracle, je réussis à rejoindre l’étagère où sont rangées les assiettes sans trop de mal. Les mains à nouveau libres, je reviens sur mes pas. Par habitude, je balaie la salle à manger d’un regard morne, dans l’espoir d’apercevoir quelque chose d’intéressant. Quelque chose qui ne serait pas une tache de ketchup ou des miettes mouillées. Mais je ne vois jamais rien qui pique ma curiosité. Enfin, sauf aujourd’hui. Parce qu’il y a bien un visage mince, surmonté d’une tignasse blonde, qui m’interpelle directement. Je m’arrête net, convaincu que mes yeux me jouent des tours. Pourtant, j’ai bien vu : c’est Raphael. J’ai bêtement envie de me cacher pour pas qu’il me voie, ce qui est quand même très con vu qu’il ignore que j’existe. C’est alors qu’un poids lourd entre violemment en contact avec mon dos et me projette vers l’avant, m’arrachant à ma transe surprise. C’est Mike, évidemment. Il n’a pas pu s’empêcher de me rentrer dedans avec toute la délicatesse d’une auto tamponneuse. « Qu’est-ce qu’tu fous l’empoté ? Avance ! » Je me le fais pas dire deux fois. Pris d’une soudaine impulsion, je bondis vers l’avant. « J’vais prendre ma pause ! » que je lance par-dessus mon épaule. Sans attendre d’avoir obtenu la permission pour disparaître, je sors de la cuisine. Je me dirige tout droit vers la table de Raphael. Installé dans une banquette, il observe son menu d’un air vaguement dépité. « Si j’étais toi, j’prendrais les frites. » Je ne savais pas quoi dire, j’ai pas trop réfléchi, j’ai dit la première chose qui m’est passée par la tête. Quand il relève le nez, je me rends compte à retardement de mon air débraillé. Avec mes mèches frisottées par l’humidité ambiante de la station de plonge, mon tablier taché de gras, mes mains rougies et mon front luisant de sueur, je ne ressemble vraiment à rien. Surtout pas à un serveur. Embarrassé, je déglutis en me tordant nerveusement les doigts. « Le reste est pas vraiment comestible, » que j’ajoute maladroitement, comme si ça allait magiquement résoudre toutes les questions qui flottent dans le regard confus de mon demi-frère.
Dernière édition par Billy Stewart le Jeu 14 Jan 2021 - 23:29, édité 1 fois |
| | | | (#)Lun 21 Déc 2020 - 11:20 | |
|
( are you lost in the world like me? ) w/ ⊹ @Billy StewartIl n’a pas l’impression que son foie a totalement terminé le travail depuis hier soir. Il a oublié de respecter ses limites en termes de consommation d’alcool et, le pire dans tout ça, c’est qu’il était seul chez lui devant la télévision quand il a terminé la bouteille de vin bon marché en l’espace d’une heure. Il n’est pas un grand fêtard, Raphael, mais parfois il a besoin de se mouiller un peu la bouche pour que le temps passe plus vite. Le goût du vin rouge n’est pas son préféré mais il n’a pas envie de le vomir, c’est déjà ça.
Sa tête tourne légèrement tandis qu’il déambule dans les rues déjà réveillées de Brisbane. Le soleil est au milieu du ciel, juste au-dessus de sa tête, indiquant midi. Il n’a pas mangé depuis plus de quatorze heures (si on ne compte pas la petite quantité de dentifrice qu’il a ingérée par erreur à cause d’un hoquet, ce matin, juste avant de sortir de chez lui en ayant oublié de rentrer sa chemise jaune pastel dans ses shorts). Il regrette d’avoir bu autant hier soir et il n’a envie ni de salade, ni de petit déjeuner équilibré, comme il a l’habitude de prendre pour maintenir sa ligne de danseur. Les paupières à moitié closes et la vision floue, il passe devant un petit restaurant plutôt piteux et il s’arrête sans vraiment réfléchir. Il lui suffit de jeter un coup d’œil à travers la vitre pour réaliser que la place compte quatre ou cinq clients, juste assez de têtes pour le convaincre de tenter l’un de leurs burgers. Il a le droit, aujourd’hui, d’accumuler les calories : ce sera une autre méthode pour lui d’oublier qu’il est amoureux d’une personne qu’il ne peut approcher et qui s’assure de le garder loin de lui en mentant sur sa situation amoureuse, à lui. Oui, Kieran, Raphael sait que tu inventes des histoires et qu’Autumn n’est plus dans ta vie depuis des mois. Il sait aussi que tu le fais probablement parce que tu refuses de tourner la page, ce serait logique pour un type comme toi qui a toujours eu du mal à agrandir ton cercle social.
L’endroit sent l’huile et la friture. Pourtant, l’odeur ne lève pas le cœur de Raphael qui s’installe de façon lunatique à une table libérée. Un sourire niais étire ses lèvres quand il découvre un jeu de mots croisés sur son napperon en papier. Il n’aura malheureusement pas le courage de demander des crayons de cire pour compléter le tableau de lettres. Alors il abandonne rapidement l’idée après avoir trouvé le mot « amour » sur une ligne verticale et il soupire en plongeant son nez dans le menu posé près de lui. Une légère moue de dégoût traverse son regard lorsqu’il constate que les pages plastifiées sont légèrement gluantes, comme si le dernier client à cette table l’avait utilisé pour combattre un vilain rhume. « Si j’étais toi, j’prendrais les frites. » Vivement, Raphael soulève la tête pour attacher son regard endormi à celui d’un jeune garçon à l’allure plutôt déconfite – c’est pour ne pas employer le terme « ridicule ». Il le dévisage plusieurs secondes sans vraiment s’en rendre compte : il est simplement trop déconnecté de la réalité pour réaliser qu’il fixe un peu trop longtemps, lui qui évite habituellement la pupille des inconnus. « Um ? » C’est le seul son qui s’échappe de ses lèvres tandis que le garçon précise que les frites sont le seul item comestible dans le menu. Le danseur glousse mollement alors que ses yeux examinent l’accoutrement du soi-disant serveur qui ne ressemble pas à l’un d’eux. Les taches d’huiles s’accumulent sur son tablier blanc (ou plutôt beige, maintenant) et ses cheveux sont trempés par la sueur/l’air gras/on ne sait quoi. « Tu ne vends pas très bien ton restaurant. » Raphael conclue finalement dans un soupir, reposant son attention sur le menu sale. « Mais je ne pense pas me tromper si je dis que tu n’es pas un serveur. Tu ne portes pas le petit… chapeau… Des autres… serveurs. » Il désigne du menton une jeune femme habillée de rouge qui arbore une sorte de petite casquette de la même couleur. Sentant son cœur battre dans ses tempes, il gémit légèrement et détourne son attention de la douleur vers la liste des plats de frites dans le bas de la page. « Les frites, alors… » Il marmonne, la voix molle. « J’espère qu’elles seront plus propres que le menu. » Ce n’est pas son genre de se plaindre de la piètre qualité d’un restaurant mais le jeune homme debout devant lui n’est pas le moins du monde intimidant. Il a presque l’impression de faire face à une mini version de lui. Il n’y a pas de quoi stresser. Et puis, de toute façon, il est bien trop hangover pour se rappeler qu’il est de nature timide.
|
| | | | (#)Jeu 14 Jan 2021 - 23:57 | |
|
( are you lost in the world like me? ) w/ ⊹ @Raphael EllyRaphael m’observe d’un œil vitreux. Clairement il a trop fait la fête la veille. Je connais très bien état nébuleux et brumeux qui apparaît au petit matin quand on a trop bu ou trop fumé. Je compatis avec le mal de crâne qui bat sûrement à ses tempes. Avec l’envie de gras et de sel qui l’a poussé à risquer son estomac en mangeant un morceau ici. Ça m’étonne un peu qu’il se permette ce genre de débauche. Comme maman adorait me le répéter quand j’étais gamin, il faut faire attention à sa ligne pour être danseur. Je prenais évidemment un malin plaisir à bouffer toutes les cochonneries qui me tombaient sous la main dès qu’elle avait le dos tourné. De découvrir qu’on semble partager ce goût des petits vices en plus de la moitié de nos gènes ne m’empêche pas de rougir sous la critique silencieuse que je lis dans son regard morne. J’aurais mieux fait de me terrer à mon évier. Je comprends pas ce qui m’a pris de débouler comme ça dans la salle à manger. Ça fait des semaines que j’essaie de l’aborder. Sûrement que j’aurais pu trouver mieux que de me pointer à sa table alors qu’il cuve une gueule de bois et que j’ai l’air d’avoir pris un bain dans la friteuse. « Tu ne vends pas très bien ton restaurant. » Ma grimace se transforme en un ricanement nerveux que je tente de mon mieux de ravaler. C’est pas mon restaurant. C’est ce que je voudrais lui dire. Pour qu’il comprenne à quel point j’en ai rien à faire de mousser ou non la réputation de ce resto miteux où me traite moins bien que les miettes de nourriture qui roulent sous le comptoir pour nourrir les souris. Mais les mots restent coincés dans ma gorge. Bloqués par la timidité qui finit toujours tôt ou tard par me couper les cordes vocales. « Mais je ne pense pas me tromper si je dis que tu n’es pas un serveur. Tu ne portes pas le petit… chapeau. Des autres… serveurs. » Je tourne la tête dans la direction que Raphael vient d’indiquer d’un coup de menton. Mon regard accroche celui d’Amber. Je détourne aussitôt les yeux. Elle me regardait bizarrement. Est-ce qu’elle me regardait bizarrement ? Je sais plus.
Mieux vaut faire comme mon demi-frère. Il recommence à ignorer la serveuse, pique plutôt du nez vers son menu, observe avec un intérêt vaguement perplexe la tache collante et foncée incrustée sur le coin de la feuille plastifiée. « Les frites alors… » Est-ce qu’il me passe sa commande ? J’espère que non. Je suis pas serveur. Il le sait. Moi aussi, d’ailleurs. Surtout, j’ai pas le courage de retourner à la cuisine pour gueuler à Mike la prochaine commande comme les employés qui travaillent dans la salle à manger doivent le faire. De toute façon, j’ai ni assez de muscles ni assez de seins pour qu’il me prenne au sérieux. « J’espère qu’elles seront plus propres que le menu. » Je devrais lui dire que oui. Ou que même si elles ne sont pas totalement propres, elles ont au moins le mérite d’être plongées dans l’huile bouillante, elles. C’est un tout autre commentaire qui jaillit de mes lèvres. Ça m’étonne même plus. J’ai l’habitude de penser un truc et de dire le contraire. « Ouais, c’est moi qui les lave. » T’es con. Très très con. J’ai raison, mais ça ne m’évite pas l’embarras immédiat d’ajouter : « Les menus, pas les frites. » Mon trait d’humour n’est pas passé. J’essaie de me dire que c’est les relents d’alcool qui circulent encore dans le système de Raphael qui lui ralentissent l’esprit comme ça. Que ça n’a rien à voir avec mon sens de l’humour pourri par la nervosité et qui ne fait rire personne même dans ses meilleurs jours.
Vaguement désespéré, je lance un coup d’œil à la grosse horloge rétro accrochée sur le mur dans l’espoir vain que ma pause soit finie. Malheureusement, il y a à peine deux minutes que je suis sorti de la cuisine. Même si on dirait que ça fait dix fois plus longtemps. Je devrais quand même retourner me cacher dans la cuisine. Disparaître pour revenir en force un autre jour où les circonstances seront plus favorables. Je me glisse sur la banquette en face de mon demi-frère. Un instant, je songe à poser mes mains sur mes cuisses, mais mon tablier humide me répugne. Alors je les pose plutôt sur la table. La surface de plastique est un peu collante. Comme si on n’avait pas totalement réussi à essuyer un déversement de boisson gazeuse. C’est probablement ce qui s’est passé en fait. Vu le décor carrément déprimant, personne ici n’a envie de faire le moindre effort. Ni les clients ni les employés. Je repousse l’envie de grignoter une cuticule en me rappelant qu’elle baigne depuis une heure dans l’eau de vaisselle et cherche plutôt un moyen d’entamer la conversation. « Je m’appelle Billy. » C’est un bon début, non ? D’habitude, les gens polis se présentent et c’est ce que j’ai fait. Maintenant, j’ai plus qu’à enchaîner avec une question. Vaguement paniqué, j’observe Raphael – son teint blafard, ses cernes, ses cheveux blonds échevelés, sa chemise colorée. Ce n’est pas que je sais rien à son sujet. Au contraire, j’en sais trop. Le genre de trucs qu’un parfait inconnu ne devrait vraiment pas connaître. Le silence s’étire, ma patience aussi. Il faut que je dise quelque chose. Maintenant. « T’as l’air de quelqu’un qui a un peu trop fait la fête hier. » C’est le seul sujet acceptable qui m’est venu à l’esprit. Je me force à lui offrir un petit sourire en coin. Puis je repousse les mèches frisotées qui me tombent sur le front. Je repousse l’envie de me cacher sous la table. Je dois avoir l’air normal. Enfin, aussi normal que possible. Si je passe pour un idiot, j’aurai jamais le courage de lui avouer qu’on vient de la même famille tous les deux. |
| | | | (#)Mar 26 Jan 2021 - 18:27 | |
|
( are you lost in the world like me? ) w/ ⊹ @Billy StewartL’odeur de friture lui lève le cœur mais il sait que sa nausée disparaîtra lorsqu’il aura mangé un peu. C’est son estomac vide qui lui envoie des signaux en ce moment et, même si chaque nom de plat sur la carte le fait grimacer, il fait un effort avant de vomir les restes d’alcool d’hier (si c’est possible ?). Les regards ne sont pas tournés vers lui, heureusement, alors il peut vivre sans craindre qu’on vienne le déranger. De toute façon, il n’est certainement pas assez réveillé pour entretenir une vraie discussion – et il ne sait pas encore que c’est dans cet état là qu’il ne se replie pas sur lui-même comme le bon intraverti qu’il est.
C’est un semblant de serveur qui vient l’accoster sans qu’il n’ait eu le temps de faire son choix entre le hamburger dégoulinant et le hot-dog écœurant. Aux premiers abords, il ne ressemble pas à l’un de ses confrères qui passent de table en table pour prendre les commandes et il ne se gêne pas pour lui faire remarquer son accoutrement différent de celui des autres. Le garçon ne répond pas vraiment mais ses joues se teintent de rouge lorsqu’il croise le regard de sa collègue. Raphael glousse discrètement, ayant l’impression de faire face à son reflet. Il réagit de la même façon lorsqu’il se retrouve dans une situation à base de coups d’œil embarrassants. Malgré tout, le « serveur » ignore le commentaire et se permet de lui proposer les frites qui, selon lui, constitueraient le seul bon deal sur la carte. « Ouais, c’est moi qui les lave. » Ce doit être sa gueule de bois qui l’empêche de comprendre le sens de sa phrase. À moins que « laver les frites » soient un terme utilisé par les cuisiniers, peut-être en métaphore mais, encore là, Raphael ne peut pas vraiment s’avancer sur la question. Rapidement, le garçon se reprend et éclaire la lanterne du danseur qui ricane en reposant ses yeux sur le menu ouvert devant lui, dégoûté à l’idée de le toucher à nouveau. « Tu réalises que tu viens d’admettre que tu fais mal ton travail ? » Et puis zut, il n’ira pas se plaindre au gérant, il n’est pas comme ça. Il ne supporterait pas d’avoir toute l’attention rivée vers lui. Après une courte réflexion durant laquelle il s’interroge davantage au sujet de la netteté du garçon, il finit par conclure : « Alors je vais prendre les fri… » Et l’étranger se glisse sur la banquette devant Raphael, lui clouant le bec. Il fronce les sourcils en se redressant dans banc pour se coller contre le dossier, instaurant la plus grande distance possible entre eux. « tes. » Il termine sa phrase en dévisageant son nouveau compagnon forcé avant de jeter un coup d’œil autour d’eux en se demandant si quelqu’un viendra le sauver. Visiblement, le monde entier ne semble pas capter qu’il y a quelque chose qui cloche à sa table. Mal à l’aise, il observe le numéro du cuisinier qui fait danser ses mains entre ses cuisses, le vide, et la table et il ne tire pas un seul mot en attendant de comprendre ce qui lui prend. C’est typique à ce restaurant de se faire accompagner par ceux qui cuisinent la bouffe ? « Je m’appelle Billy. » Oh. C’est l’heure des présentations. À vrai dire, Raphael n’est pas là pour se faire de nouveaux potes, encore moins dans l’état lamentable qu’il se trouve. « Eum… Raphael. » Il finit par répondre, plus par politesse que par intérêt. Il peine à détacher son regard des cheveux huileux de ce prénommé Billy, lui qui chipote à la moindre imperfection dans son propre visage. « T’as l’air de quelqu’un qui a un peu trop fait la fête hier. » Voilà sa destinée : engager une discussion avec le plongeur du restaurant le plus crade qu’il connaisse. Lui qui rêvait de Broadway et de succès, la claque et violente. Mais il n’est pas méchant, Raphael, alors il joue le jeu en espérant simplement que le patron de ce garçon hurle son nom à travers la cuisine pour le ramener sur Terre. « Si seulement. Je… J’ai regardé quelques épisodes de Stranger Things et je n’ai pas remarqué que ma bouteille de vin était vide quand j’ai essayé de me verser un cinquième verre. » Il hausse mollement les épaules, ses mains jointes ensemble sur ses genoux. Est-ce que c’est à ce moment qu’il doit, comme dans toute situation sociale, renvoyer la question ? « Et toi tu… T’as l’air... Fatigué ? Aussi ? » Il se mord le bout de la langue pour empêcher une grimace désorientée de déformer son visage tandis que la totalité de ses muscles se serrent pour se défendre contre la montée de nervosité qui traverse son équine. Puis, comme s’il venait d’obtenir la réponse à toutes les questions de l’univers, ses yeux s’ouvrent grand comme des melons alors qu’il réalise ce qu’il se passe. Est-il en train de le draguer ? Il a certainement un but précis en tête, et ce n’est sûrement pas de faire copain-copain avez le premier client qu’il a aperçu dans la salle à manger. « Écoute, je suis pas vraiment… Intéressé. Tu vois ? » Il murmure, le teint blême, ne s’étant jamais retrouvé dans une situation comme celle-là avant aujourd’hui. « Je suis… Pas disponible. » C’est une façon camouflée de mentir, de dire qu’il est déjà en couple. Sinon, il n’aurait pas de meilleures raisons pour lui demander d’arrêter de lui tourner autour sans avoir de hamburger à lui vendre.
|
| | | | (#)Mar 9 Fév 2021 - 23:34 | |
|
( are you lost in the world like me? ) w/ ⊹ @Raphael EllyRaphael n’a pas l’air particulièrement heureux de me parler, mais je sais pas trop si c’est parce que je l’emmerde moi, ou si c’est qu’il a la gueule de bois antisociale et qu’il préfèrerait un peu de solitude. Si ça se trouve, c’est un mélange des deux. J’voudrais me lever et retourner d’où je viens, reprendre place devant mon évier et retrouver ma pile de vaisselle. Mais j’reste assis. Parce que même si c’est malaisant de rester alors que ma compagnie n’est visiblement pas désirée, je pense que ça serait encore pire de foutre le camp aussi vite. Après tout, ça serait juste bizarre que je sois sorti de nulle part comme ça pour si peu. Avec comme un soupir contenu au coin des lèvres, il répond à ma question. D’une voix lasse, pas particulièrement enthousiaste, mais pas totalement dénuée d’intérêt pour autant. « Si seulement. Je… J’ai regardé quelques épisodes de Stranger Things et je n’ai pas remarqué que ma bouteille de vin était vide quand j’ai essayé de me verser un cinquième verre. » Ce… n’est pas la réponse que j’attendais. Même si, d’après mes recherches, il semble plutôt introverti (c’est de famille apparemment), je penchais plutôt pour la fête trop arrosée que la soirée en solitaire à saveur d’alcoolisme et de crise de la quarantaine pour expliquer son air pitoyable. Je dissimule ma confusion sous un froncement de sourcil compatissant, mais je ne peux pas m’empêcher de l’observer d’un œil curieux. J’ai du mal à croire que c’est sur ce fils perdu que ma mère a passé des années à soupirer. À première vue, il semble aussi dysfonctionnel que celui dont elle n’a jamais vraiment réussi à se débarrasser. « Et toi tu… T’as l’air… Fatigué ? Aussi ? » Fatigué, ça me semble encore généreux comme description. J’ai sûrement l’air bien pire que ça. « J’me suis… euh… levé tôt. Le resto ouvre à huit heures. » Bon, j’étais pas ici à l’ouverture, mais ça, Raph n’a pas besoin de le savoir. J’aime autant qu’il s’imagine que j’ai cette tête parce que je bosse depuis des heures dans la cuisine. Sinon, ça voudrait dire que je ressemble à ça tout le temps. Et même si c’est pas totalement faux, ça ne laisse pas non plus une très bonne première impression. Ma réponse a tout de même secoué mon demi-frère beaucoup plus que prévu. Il ne doit pas être du matin si ça lui fait cet effet d’apprendre que je me suis levé à l’heure des poules. Ses yeux se sont arrondis comme des soucoupes et pourtant, il me dévisage d’un regard totalement vide, comme si je lui avais débranché le cerveau. Franchement, il aurait eu l’air moins surpris si j’avais avoué être un fantôme. Complètement perdu devant cette réaction franchement excessive, je me retourne vivement pour jeter un coup d’œil par-dessus mon épaule dans l’espoir d’apercevoir la véritable raison de son étonnement. Mais il n’y a rien de particulier et je suis encore plus confus quand je reprends ma position initiale. « Écoute, je suis pas vraiment… Intéressé. Tu vois ? » Pas vraiment intéressé par quoi ? C’est pas comme si j’ai essayé de faire la promotion de quoi que ce soit. Même que j’ai essayé de le dissuader de commander le trois quart du menu pour lui éviter de s’empoisonner.
Sûrement grâce à mon air résolument perdu, il réussit à cracher quelques mots de plus pour éclaircir son délire. « Je suis… Pas disponible. » Oh non. Oh nononononon. Il pense sérieusement que je suis en train de le draguer. Comment est-ce qu’il a pu comprendre un truc pareil ?! C’est bien ma veine : les rares fois où je me suis essayé au flirt n’ont mené à rien, mais maintenant que j’essaie de m’approcher en douce de mon demi-frère, j’envoie totalement les mauvais signaux. N’empêche, je suis vaguement vexé qu’il n’ait pas trouver mieux qu’un mensonge nul pour se désister. Parce qu’à ce que je sache, il n’est pas en couple. À moins, évidemment qu’il ait réussi à dissimuler tous les indices de sa relation avec sa tendre moitié aux yeux tout puissants de l’internet. Et franchement, vu comment il camoufle très peu sa présence en ligne, j’ai come un doute qu’il ait réussi un tel tour de force. « Oh non, je… tu croyais que… enfin, c’est pas… je… » C’est au milieu de ce cafouillage incompréhensible entrecoupé de rires nerveux que je conclus que, s’il a tiré cette conclusion, c’est que c’est probablement la seule qui explique pourquoi j’ai décidé de m’installer à sa table sans raison évidente. Enfin, la seule à part la vraie, mais je ne vais tout de même pas lui balancer tout ça maintenant. Mais comme je ne peux pas non plus le laisser penser que j’essayais de le séduire (beurk), je m’éclaircis la gorge dans l’espoir de décoincer les mots qui y restent collés et de chasser le rouge désagréable qui m’est monté aux joues. « J’essayais pas du tout de… Pas qu’il y ait un truc qui cloche avec toi, hein, c’est juste que… enfin t’es pas trop mon genre, tu vois ? » Maudissant ma maladresse, j’essuie du revers de la main mon front moite. J’aurais vraiment dû planifier un peu mieux mon approche. « Je prenais ma pause, je t’ai vu assis là tout seul. T’avais l’air… sympa. J’me suis dit que j’viendrais te parler. J’ai… pas… beaucoup d’amis. » Ma voix se meurt sur la fin de ma phrase. Ce n’est pas idéal. J’ai l’air d’un mec désespéré et plutôt mal adapté socialement, il va sûrement me prendre pour un gentil loser, mais au moins je dissipe ses inquiétudes. Tant pis pour ma fierté. « Désolé d’t’avoir dérangé. Je… j’peux m’en aller si tu veux. Être tranquille. » Je devrais me lever sans attendre qu’il me chasse, mais je reste là où je suis. En partie parce que j’ai l’espoir qu’il ne me renverra pas tout de suite à la cuisine, mais aussi parce que je soupçonne que mon pantalon est en train de fusionner à la cuirette collante de la banquette. |
| | | | (#)Jeu 18 Fév 2021 - 17:22 | |
|
( are you lost in the world like me? ) w/ ⊹ @Billy StewartIl y a quelque chose chez le plongeur qui capte l’intérêt de Raphael sans qu’il ne puisse vraiment mettre le doigt dessus. C’est peut-être son allure paumée qui lui fait penser à lui-même, ou sa voix aussi cassée que la sienne quand il doit aborder un étranger. Dans tous les cas, il entend très clairement des murmures au fond de lui qui lui indiquent la voie à suivre : celle d’écouter le jeune homme même s’il empiète sur le territoire du danseur. Après tout, il ne va rien lui arriver de mal, il va seulement devoir se coucher quatre fois à la suite de cette rencontre pour se débarrasser de tout le malaise qui aura collé à sa peau (ainsi que de l’odeur de graisse qui flotte dans le restaurant). Alors, fermant les yeux seulement une minute sur son côté renfermé, il décide de renvoyer la question au timide attablé devant lui, par simple politesse. « J’me suis… euh… levé tôt. Le resto ouvre à huit heures. » Il n’y met pas vraiment tu sien, malheureusement. Les lèvres de Raphael se pincent, il serre entre ses doigts le menu comme pour s’accrocher à quelque chose pour ne pas tomber à la renverse. Que répondre à ça ? Il n’en sait rien. Il n’est pas doué pour enrichir une conversation et, de toute façon, il ne pense pas avoir le moindre point commun avec ce jeune homme. Il n’a pas le corps d’un danseur ni… Attends. Ils ont peut-être quelques similarités, après tout. Peut-être qu’il s’agit-là d’une tentative de drague complètement ratée ? Il aime les garçons, lui aussi ? Dans tous les cas, Raphael n’est pas vraiment prédisposé à ce genre de fantaisie. Bien qu’il soit honoré, en un sens, d’attirer le regard de quelqu’un. C’est la première fois qu’on l’approche de cette façon – et il en a côtoyés, des bars, dans le seul espoir de se faire remarquer pour vérifier s’il a une tête faite pour la scène. Résultat : échec lamentable. Il fallait bien qu’il tombe dans un casse-croûte crade pour vivre sa première expérience.
Malgré tout, il se doit de refuser tout de suite ses avances. C’est d’un ton embarrassé qu’il lui fait part de son indisponibilité sentimentale. « Oh non, je… tu croyais que… enfin, c’est pas… je… » Le visage de Raphael se tord en une grimace inconfortable en même temps que celui de Billy – d’ailleurs, il ne peut s’empêcher de noter qu’il a hérité du prénom de son personnage cinématographique préféré. « J’essayais pas du tout de… Pas qu’il y ait un truc qui cloche avec toi, hein, c’est juste que… enfin t’es pas trop mon genre, tu vois ? » Oh, sympa. C’est justement ce qu’il avait envie d’entendre ce matin. En fin de compte, il préférait penser qu’il avait attiré son œil puisque la réalité est beaucoup plus désagréable. « Uh uh... » Les yeux du danseur se baissent rapidement et il fixe la tête, à nouveau pris d’un malaise insoutenable. C’est lui qui a fait erreur en assumant que le plongeur est là pour le draguer et, maintenant, il sent son égo se faire brusquement piétiner par des semelles à crampons. De mieux en mieux, sa migraine. « Je prenais ma pause, je t’ai vu assis là tout seul. T’avais l’air… sympa. J’me suis dit que j’viendrais te parler. J’ai… pas… beaucoup d’amis. » Il redresse la tête, un point d’interrogation tatoué dans le milieu du front. Qui révèle ce genre d’informations ? Si toutes ses techniques d’approches sont comme celles-là, ce n’est pas surprenant qu’il n’ait pas beaucoup d’amis. Raphael n’a pas un cercle social bien prestigieux lui non plus mais il s’agit d’une information qu’il ne lancerait pas à tue-tête dans un restaurant.
Mais la petite voix au fond de sa tête continue de chantonner. Il devrait être gentil. Il n’a pas de raison de le repousser. La solitude le blesse lui aussi, il devrait comprendre comment il se sent. « Désolé d’t’avoir dérangé. Je… j’peux m’en aller si tu veux. Être tranquille. » Et c’est enfin à cet instant que Raphael réagit, motivé par un élan de générosité. « Non, non, t’inquiète. Tu peux rester, si ton boulot ne t’en empêche pas. » Il précise, pour lui rappeler qu’il est en plein milieu de son chiffre. « Cependant, il va falloir que tu m’expliques pourquoi tu m’as choisi, moi. Tu as quel âge ? » Il demande, sans attendre sa réponse. « Vingt ans, peut-être ? » Il tente, se basant sur les traits jeunes qui sculptent son visage. Il observe un moment les alentours avant de pointer une table de trois garçons et une fille qui semblent partager le même âge que lui. « Ce serait moins bizarre si tu allais les voir, eux, les gens n’auraient pas tendance à penser que tu es en compagnie de ton père. » Il plaisante, étirant ses lèvres en un sourire légèrement forcé. Il fait des efforts pour engager la conversation malgré la situation intimidante et il mériterait une médaille pour l’avoir fait, depuis le temps qu’il évite les échanges de ce genre parce qu’il a peur de trop rougir et de se ridiculiser alors que, et vous devriez lui dire, le monde entier ne le regarde pas contrairement à ce qu'il pense.
|
| | | | (#)Sam 27 Fév 2021 - 19:52 | |
|
( are you lost in the world like me? ) w/ ⊹ @Raphael EllyÀ mon grand soulagement, Raphael ne profite pas de la perche que je lui tends pour me renvoyer dans la cuisine. Même s’il n’a pas l’air totalement certain, il hoche la tête. « Non, non, t’inquiète. Tu peux rester, si ton boulot ne t’en empêche pas. » Par réflexe, je jette un coup d’œil à la grosse horloge ronde sur le mur. Il reste encore une dizaine de minutes à ma pause. Par la fenêtre qui donne sur la cuisine, je ne vois personne qui s’énerve et je conclus que les assiettes sales ne se sont pas encore assez accumulé pour que mon absence embête qui que ce soit. Mike finira bien par gueuler, mais en attendant, je peux me concentrer encore un peu sur mon demi-frère. Heureusement d’ailleurs, parce que sa prochaine question me donne envie de me cacher sous la table jusqu’à ce que le sol accepte de s’ouvrir sous mes pieds pour m’avaler. « Cependant, il va falloir que tu m’expliques pourquoi tu m’as choisi, moi. » Excellente question, bravo. Celle, aussi, à laquelle j’espérais ne pas avoir à répondre. Par chance, Raphael n’attend pas une réponse immédiat et continue sur sa lancée, ce qui donne le temps à mon cerveau stressé de trouver le mensonge parfait. « Tu as quel âge ? » poursuit-il. « Vingt ans, peut-être ? » C’est loin d’être la première fois que ça m’arrive : je sais bien que je fais plus jeune que mon âge, surtout ici. Après tout, j’ai plus ou moins un boulot d’ado. Ça ne m’empêche pas de ressentir comme une pointe d’agacement à l’idée que mon demi-frère s’imagine que je suis un grand gamin. « Ce serait moins bizarre si tu allais les voir, eux, les gens n’auraient pas tendance à penser que tu es en compagnie de ton père. » Je suis regard la trajectoire indiquée par son index jusqu’à une table où quatre jeunes mangent en rigolant et en se bousculant. Juste de les regarder, une bouffée d’angoisse flambe dans ma poitrine. Aucune chance que je m’approche d’eux à moins de dix mètres. Ils ressemblent trop à tous les petits cons qui se moquaient de moi à l’école. De toute façon, je ne cherche pas vraiment à me faire de nouveaux amis, mais à me rapprocher en douce de mon demi-frère. Je ramène donc mon attention sur lui. Inspiré par sa réflexion, je lui réponds : « Premièrement, j’ai vingt-cinq ans. Sûrement qu’j’ai plus de points en communs avec toi qu’avec eux. » Comme notre mère, déjà. La danse aussi, même si on ne semble clairement pas avoir la même opinion de cette force d’art. Et puis la timidité. Il semble au moins aussi awkward que moi, peut-être même un peu plus par moment. Ça me fait presque chaud au cœur. « Deuxièmement, tu m’as vu ? » Même Raphael, qui est de toute évidence assez gentil pour laisser un inconnu l’embêter, m’a d’abord regardé comme si j’étais un insecte un peu bizarre qui s’était échappé de la cuisine. « J’suis socialement inapte au cas où t’as pas remarqué. J’préfère largement tenter ma chance avec le mec assis tout seul à sa table qu’un groupe de quatre amis. » Je me penche légèrement, appuie mes avant-bras sur la table dans une pose que j’espère nonchalante. « Et pis ça m’étonnerait qu’on te prenne pour mon père, t’as quand même pas l’air si vieux que ça. Même si tu tiens visiblement aussi bien l’alcool qu’un vieux de quarante-cinq ans… » Pour atténuer la portée de ma blague qui ne se voulait pas méchante, je lui offre un petit sourire en coin. « T’en sais déjà pas mal sur moi… Toi, tu fais quoi dans la vie quand tu n’essaies pas de guérir ta gueule de bois dans un resto médiocre ? » Au cours de mes petites recherches, j’ai évidemment découvert pour la danse et les fêtes d’enfants. Sauf que comme je n’ai rien d’un espion discret et efficace, il vaudrait mieux qu’il me le dise lui-même avant que je ne me trahisse bêtement en révélant un détail que je n’aurais pas dû savoir. Je me connais, ce n’est probablement qu’une question de temps avant que ça arrive. |
| | | | (#)Mer 3 Mar 2021 - 22:33 | |
|
( are you lost in the world like me? ) w/ ⊹ @Billy StewartCe n’est seulement qu’il est surpris que Billy soit venu lui parler, c’est surtout qu’il n’a pas l’impression qu’ils font partie de la même génération. Et il est honnête, Raphael (quand il le veut) alors il fait savoir au plongeur installé devant lui qu’il se ferait probablement plus d’amis s’il rejoignait la table voisine. « Premièrement, j’ai vingt-cinq ans. Sûrement qu’j’ai plus de points en communs avec toi qu’avec eux. » Il ne cache pas sa surprise, trop hangover pour apprivoiser ses émotions. Ses yeux s’ouvrent grand comme des melons alors qu’il observe son visage complètement imberbe (comme lui…) et ses traits terriblement adolescent. Il doit se fait carter quand il veut acheter de l’alcool, lui. « Deuxièmement, tu m’as vu ? » Lèvres pincées, l’interrogé fronce les sourcils en ne sachant pas exactement ce que sa question cache. Certes, ses cheveux sont coulants de gras mais il ne se présente certainement pas comme ça lorsqu’il ne travaille pas dans la cuisine d’un fast food. « J’suis socialement inapte au cas où t’as pas remarqué. J’préfère largement tenter ma chance avec le mec assis tout seul à sa table qu’un groupe de quatre amis. » La réplique lui arrache un minuscule rictus amusé et il secoue la tête de droite à gauche, ne souhaitant pas lui laisser penser qu’il est d’accord avec ses propos. Certes, il ne possède pas l’aisance d’un cygne ni la confiance d’un lion mais il ne serait pas prêt à affirmer qu’il est socialement inapte, comme il le dit. Il a toujours pensé être le roi dans ce domaine mais, après tout, nous sommes toujours notre pire critique. Et, comme si Billy souhaitait lui souffler un secret, il se penche légèrement vers l’avant, appuyant sur la table qui craque, et continue : « Et pis ça m’étonnerait qu’on te prenne pour mon père, t’as quand même pas l’air si vieux que ça. Même si tu tiens visiblement aussi bien l’alcool qu’un vieux de quarante-cinq ans… » Faussement vexé, Raphael se redresse dans son siège, lui, pour se poser contre le dossier. Il est vrai que son foie n’est pas le plus rapide pour exercer sa fonction de filtrage parce qu’il n’a pas vraiment habitué son corps à accueillir une aussi grande quantité d’alcool. Il était le dernier invité aux festivités durant sa scolarité. « Tu la tiens mieux que moi, tu crois ? » Il demande finalement, son ton se voulant presque provocateur. « Si tu dis que tu n’étais pas le plus populaire de ta classe, ça veut dire que tu étais comme moi. Tu passais ton vendredi soir dans ta chambre à faire des devoirs en gardant un coup d’œil sur facebook, là où tous les élèves cool postent des photos de la soirée arrosée. » Pensant avoir prouvé son point, il conclue : « Alors tu ne tiens probablement pas plus l’alcool que moi. » Et il sourit légèrement à son tour pour lui faire comprendre qu’il peut lui aussi fait preuve d’un peu d’humour même s’il n’est vraiment pas le meilleur dans ce domaine. C’est une façon pour lui de faire preuve d’un peu d’ouverture envers ce garçon perdu assis devant lui. Il commence à se demander s’il commandera des frites avant que le restaurant ne ferme, toutefois. « T’en sais déjà pas mal sur moi… Toi, tu fais quoi dans la vie quand tu n’essaies pas de guérir ta gueule de bois dans un resto médiocre ? » Passant sa main dans son cou et prolongeant le massage jusqu’à la hauteur de ses tempes – maudite migraine – il marmonne : « Tout ce que je sais sur toi, c’est que tu laves des assiettes et que tu te fais certainement carter quand tu veux entrer dans un bar. » Mais il joue au jeu et décide d’éclairer un peu sa lanterne. Après tout, ça ne lui fera pas de mal de socialiser un peu, lui qui passe ses journées enfermé chez lui quand il ne doit pas sortir pour travailler. « J’enseigne la danse à des enfants. J’ai toujours voulu devenir un danseur professionnel mais je me suis cassé la cheville avant de tenter ma toute première audition alors… c’est la descente en enfer depuis ce jour-là. » Il couine, son visage s’étirant en une grimace au même moment qu’il réalise qu’il vient de donner trop de détails sur les raisons qui, au fond, ne lui servent que d'excuses à son échec. « Sinon je fais quelques contrats de figuration dans les pubs. » Pas une grande fierté, ça non plus. Les projecteurs ne sont pas rivés vers lui mais plutôt vers les autres qui le couvrent ensuite de leur ombre. « Et toi… alors ? » Il demande ensuite en le désignant de la main. « J’imagine que c’est pas ton rêve de bosser ici. » |
| | | | (#)Sam 10 Avr 2021 - 11:54 | |
|
( are you lost in the world like me? ) w/ ⊹ @Raphael EllyOups, j’crois que je l’ai vexé. « Tu la tiens mieux que moi, tu crois ? » Son ton n’est pas vraiment mordant, mais il n’est pas exactement sympathique non plus. Peut-être qu’il essaie de me faire marcher. C’est difficile à dire. On peut apprendre beaucoup de choses sur les gens sur Internet, mais pas forcément à les comprendre ou à décoder leurs expressions. Ça serait beaucoup trop facile si on pouvait juste tomber sur la réponse comme ça. « Si tu dis que tu n’étais pas le plus populaire de ta classe, ça veut dire que tu étais comme moi. Tu passais ton vendredi soir dans ta chambre à faire des devoirs en gardant un coup d’œil sur facebook, là où tous les élèves cool postent des photos de la soirée arrosée. » Bon, il n’a pas tort. C’est vrai que j’étais pas trop le genre de personne qu’on invitait aux soirées organisées par les élèves populaires de l’école. Mais avec Jess, je fais souvent la fête et on est pas du genre à modérer notre consommation plus qu’il faut. Du coup, je tiens plutôt bien l’alcool. La mari aussi. Je me garde bien de préciser ce petit détail, cependant, au risque de réduire à néant la crédibilité déjà bancale de mon histoire. Ça m’apprendre à jouer les pro de l’improvisation : clairement, c’est pas pour moi. Alors quand Raphael ajoute, du ton sans équivoque de celui qui est très fier de ses arguments, que je ne tiens sûrement pas mieux l’alcool que lui, je me contente de secouer discrètement la tête comme si je soupesais sans réponse et semblais lui donner raison. Et plutôt que de lui répondre ou de protester, je fais dévier la conversation.
Je lui demande ce qu’il fait dans la vie, dans l’espoir d’en apprendre un peu plus sur lui « en vrai » et réduire le risque que je me mette les pieds dans les plats. Au début, il ne semble pas trop partant à l’idée de se raconter et se contente de ronchonner : « Tout ce que je sais sur toi, c’est que tu laves des assiettes et que tu te fais certainement carter quand tu veux entrer dans un bar. » C’est pas faux, mais j’espère quand même qu’il fera un petit effort pour alimenter la conversation et répondre à ma question. Heureusement pour moi, il mord à l’hameçon. « J’enseigne la danse à des enfants. » Ça, je le savais. En fouinant sur le Net, je suis tombé sur quelques photos de lui, l’air misérable malgré le sourire sirupeux qu’il s’était collé sur le visage, entouré de gamins beaucoup trop contents d’être là ou, à l’inverse, visiblement morts d’ennui. J’essaie pourtant de me montrer intéressé tandis qu’il poursuit : « J’ai toujours voulu devenir un danseur professionnel mais je me suis cassé la cheville avant de tenter ma toute première audition alors… c’est la descente aux enfers depuis ce jour-là. » Je ne peux m’empêcher de penser que la vie est vraiment mal faite. Moi, j’ai encore mes deux chevilles en parfait état. Je n’ai même jamais souffert d’une foulure et pourtant, je détester absolument danser. Ça aurait été beaucoup plus logique que ça moi qui me casse la cheville. C’est sûr que ça m’aurait bien embêté pendant quelques semaines, le temps que mon plâtre soit adéquatement recouvert des petits mots moyennement gentils de mes camarades de classe et que j’apprenne à me servir de béquilles sans m’étaler de tout mon long. En prime, ça m’aurait évité les cours de danse et, surtout, ça m’aurait pas gâché la vie, moi. « Sinon je fais quelques contrats de figuration dans les pubs. » Je suis aussi déjà au courant de son illustre carrière de figurant. Je me retiens de justesse de chantonner la mélodie beaucoup trop accrocheuse de cette pub de fromage de chèvre dans laquelle il a tourné.
La seule chose que j’ai vraiment retenue de tout ce qu’il vient de me raconter, c’est que les résultats de mes recherches ne mentaient pas : il est bel et bien aussi paumé que moi et il ne le cache même pas si bien que ça. Je pense à maman, à son humeur en dent de scie et à ses projets qui n’ont jamais abouti à rien, et je me demande si les malédictions familiales sont vraiment une tare médiévale révolue. Parce qu’à nous regarder tous les trois, rien n’est moins certain. « Et toi… alors ? » Je plisse le nez, pas forcément content d’avoir à parler de moi. Même si je suppose que j’aurais dû m’y attendre, c’est un peu passage obligé dans une conversation. « J’imagine que c’est pas ton rêve de bosser ici. » Amusé malgré moi, je pousse un petit ricanement. « Mais évidemment ! J’adore passer mes journées les deux mains dans l’eau sale à faire la vaisselle. Le resto est tellement charmant en plus. » Je laisse mon regard se promener sur le décor un peu déprimant, tout en teintes de rouge et de blanc. Les proprios ont clairement essayé de reproduire le look des vieux diners classiques américains, mais ils ont oublié d’y insuffler la magie de Grease. Reprenant un peu mon sérieux, j’attrape l’un des rouleaux d’ustensiles sur la table et entreprend de déchiqueter machinalement la serviette en papier pour m’occuper les mains. « En même temps, c’est ma faute si j’suis ici. J’ai aucune idée de ce que j’veux faire de ma vie. » Je hausse les épaules, nonchalant. « J’étudie la programmation. C’est pas mal, mais j’aime pas trop l’école. » J’ai toujours préféré apprendre par moi-même et, franchement, j’ai un peu de mal à prendre mes profs au sérieux quand ils ont du mal à faire fonctionner le système informatique de l’université ou m’enseignent des trucs que j’ai déjà appris il y a longtemps. Il y a bien quelques cours qui me plaisent, mais pour l’essentiel, j’ai juste envie de dormir chaque fois que je m’installe en classe. Et donc, je décide plus souvent qu’autrement de ne pas aller à mes cours, au grand dam de ma mère. « Mais bon j’suppose que c’est comme ça quand on est jeunes, pas vrai ? On a aucune idée de ce qu’on fait et on se retrouve à bosser dans un resto miteux à faire une chorégraphie déguisé en chèvre. » Les yeux ronds, Raph me dévisage comme si je venais de dire un truc impossible. Les sourcils froncés, je soutiens son regard en me demandant ce qui l’a vexé dans mon trait de philosophie quand mes dernières paroles me reviennent en tête. Forcément, j’ai pensé à la pub de fromage de chèvre quand il m’a parlé de son travail de figuration : je n’ai pas pu m’empêcher de la regarder en boucle en rigolant une fois que j’ai compris qui se cachait sous le costume de la mascotte. Sauf que ce n’est vraiment pas quelque chose que j’aurais dû savoir. Merde. |
| | | | (#)Jeu 22 Avr 2021 - 19:37 | |
|
( are you lost in the world like me? ) w/ ⊹ @Billy StewartSi Raphael converse avec ce Billy qui semble complètement perdu, c’est seulement pour ne pas faire mauvaise impression. Il ne veut pas être méchant, le bouclé et il fait des efforts même lorsqu’il s’est réveillé avec une gueule de bois et même si le plongeur devant lui l’empêche de commander de la nourriture – alors qu’il a clairement prévenu que la bouffe ici n’est pas incroyable. Mais, après tout, Raphael n’a envie que de remplir son ventre complètement vite, que ce soit avec de bonnes ou de mauvaises frites. Tant que ces dernières ne refont pas le chemin dans son œsophage dans le sens inverse. « Mais évidemment ! J’adore passer mes journées les deux mains dans l’eau sale à faire la vaisselle. Le resto est tellement charmant en plus. » Mais il a l’impression qu’ils n’arriveront jamais dans sa bouche puisque les autres serveurs du restaurants les lorgnent du coin de l’œil, pensant probablement que Billy s’occupe un peu trop bien de ce client et qu’ils n’ont donc pas besoin d’intervenir. « Haha, ouais. Très charmant. » Le danseur ajoute en un soupir sceptique, conscient qu’il ne s’agissait-là que de sarcasme, mais il n’a pas réellement la tête à applaudir les talents de scène de l’humoriste devant lui. Sa répartie n’est pas incroyable et il s’attend peut-être à ce que Billy décide enfin de mettre fin à sa pause mais il continue. « En même temps, c’est ma faute si j’suis ici. J’ai aucune idée de ce que j’veux faire de ma vie. » Doit-il lui poser des questions à cet instant ou il se chargera de continuer tout seul sur sa lancée ? « J’étudie la programmation. C’est pas mal, mais j’aime pas trop l’école. » Lèvres pincées, Raphael hoche doucement de la tête. Il n’a lui non plus jamais été intéressé par l’idée de s’assoir plus d’une heure dans une salle à regarder un enseignant se répéter sans cesse devant son tableau vert. Mais il n’a pas envie de parler de lui à nouveau puisqu’il a l’impression de ne pas être plus intéressant que Billy – sans rancune, jeune garçon étourdi. « Tu préfères les ordinateurs, alors. » Il marmonne en frottant sa barbe, n’y connaissant rien en cet univers de l’informatique. Son téléphone date du début des années 2000 et il n’a qu’un misérable ordinateur portable chez lui. Une épave qu’il n’utilise que quelques jours par semaine, parfois pour regarder des films, parfois pour stalker les gens sur les réseaux sociaux. Kieran ne poste pas beaucoup, d’ailleurs, c’est dommage. « Tu m’apprendras, je n’arrive même pas à faire les mises à jour sur mon ordinateur. Je pense que j’ai encore Windows 2001. » Il ajoute en grimaçant, pliant le coin du menu en papier entre ses doigts sans vraiment s’en rendre compte. « Mais bon j’suppose que c’est comme ça quand on est jeunes, pas vrai ? On a aucune idée de ce qu’on fait et on se retrouve à bosser dans un resto miteux à faire une chorégraphie déguisé en chèvre. » Ses lèvres s’étirent en un sourire amusé puisqu’il a l’impression de reconnaître l’histoire de son second exemple. « Haha… Ha… » Il fronce les sourcils, réalisant seulement maintenant que, s’il a l’impression d’être familier avec ce récits de chèvre, c’est parce que c’est son propre expérience, à lui seul. Et il ne pense pas avoir parlé de cette publicité à Billy, à moins que sa mémoire soit aussi redoutable que celle d’un poisson rouge. « Attends… » Il commence pour marquer une pause dans leur conversation. Il réfléchit quelques secondes de plus et finit par secouer la tête de droite à gauche, certain de lui. « Je ne t’ai pas parlé de ce déguisement de chèvre. » Il commence, visiblement inconfortable alors qu’il passe sa main dans son cou. Il a beau creuser dans sa tête, il ne voit pas comment le garçon aurait pu trouver cette information sans faire des recherches approfondies sur internet. « T’es bon avec les ordinateurs, tu as dit ? » Il demande en serrant les poings sur ses cuisses. « Tu me connais, alors. T’as trouvé cette information sur le site de la marque de fromage ? » Il demande, ne montrant pas de signe d’agressivité. Il ne veut pas lui faire peur ; il veut seulement comprendre pourquoi il l’a espionné de la sorte. Ça explique pourquoi il est venu le voir à cette table. Il ne fait pas tout ça avec les clients, encore moins avec ceux qui semblent aussi perdus que lui. |
| | | | (#)Jeu 13 Mai 2021 - 23:32 | |
|
( are you lost in the world like me? ) w/ ⊹ @Raphael EllyJ’ai beau prier un peu, espérer très fort, le sol ne s’ouvre pas sous mes pieds comme je le voudrais. La table reste bien ancrée sur le sol carrelé et mes fesses, collées à la banquette trop molle et trop dure à la fois. Le cœur battant, je sens mes joues qui me brûlent comme si elles étaient déterminées à être la source du prochain désastre de feu de forêt australien. C’est horrible, je dois faire compétition à la bouteille de ketchup qui traîne au bout de la table. J’espère juste que mon teint cramoisi se marie avec le reste de mon visage irrité par la vapeur et la chaleur de la cuisine même si ça fait déjà un petit moment que je suis sorti. C’est déjà assez pénible comme ça sans que mon visage ne me trahisse encore plus. Les sourcils froncés, Raph me dévisage toujours. « Attends… » Merde, c’est parti. Pas rassuré, je déglutis bruyamment tandis qu’il secoue la tête, l’air perturbé. Un instant, je prie pour que sa gueule de bois mal soignée lui embrume assez l’esprit pour qu’il se souvienne de m’en avoir parlé. Mais évidemment, je n’ai pas plus de chance de ce côté-là qu’avec le trou géant qui a refusé de m’engloutir tout à l’heure. « Je ne t’ai pas parlé de ce déguisement de chèvre. » Comme un idiot, je ricane. C’est comme ça : je ne peux m’empêcher de porter mon malaise comme un badge d’honneur en tout temps, même quand je devrais vraiment réussir à me fermer la gueule. Au moins, il semble aussi inconfortable que moi, à voir la façon dont il passe une main sur sa nuque, une grimace indéfinissable sur son visage. Maigre consolation : ça ne me réconforte pas vraiment. « T’es bon avec les ordinateurs, tu as dit ? » Oui, effectivement, j’ai dit ça. En rétrospective, je vois bien que c’était une erreur monumentale, surtout maintenant que je me suis royalement mis les pieds dans les plats. Alors je hausse les épaules, comme pour dire oui et non à la fois, même si j’ai été très clair à ce sujet il y a quelques minutes à peine. Une goutte de sueur désagréable roule le long de mon échine, heureusement camouflée par mon t-shirt, lorsqu’il ajoute : « Tu me connais, alors. T’as trouvé cette information sur le site de la marque de fromage ? » Pas exactement. Plutôt dans les crédits de la vidéo postée sur YouTube, qui est sortie dans ma recherche tandis que je fouinais un peu partout pour mettre la main sur un maximum de contenu dans lequel se retrouvait le nom de mon demi-frère. Sauf que je n’ai pas le cœur de lui dire, me doutant qu’il préfère s’imaginer que son costume de mascotte lui a garanti l’anonymat. Et de toute façon, je ne suis quand même pas assez con pour l’admettre parce que ça voudrait dire admettre en même temps que je connaissais déjà son nom avant de le « rencontrer ». C’est le cas, évidemment, mais je n’ai vraiment pas besoin de lui confirmer ce petit détail. Tout de même, je dois avouer que je suis un peu surpris par le calme apparent avec lequel il accepte cette intrusion évidente dans sa vie privée. Je songe même, pendant une longue et affreuse fraction de seconde, à lui dire la vérité. Sûrement que ça serait moins embarrassant que de lui raconter un mensonge auquel il ne croire pas du tout. Mais au final je suis trop lâche et je ne peux m’y résoudre. Alors je m’éclaircis la gorge, ouvre la bouche sans même savoir ce que je vais dire. Avec un peu de chance, un truc qui sera moins louche que la vérité. « Non c’est pas ça… » Je bafouille, me défends mollement pour gagner du temps. Il doit exister quelque part un dieu pour les mauvais menteurs parce que l’inspiration finit par frapper, juste comme le silence menaçait de s’étirer beaucoup trop longtemps. « J’étais un des figurants dans la pub. » En essayant d’ignorer l’air franchement pas convaincu de Raph pour ne pas perdre mon sang-froid, je continue à tisser maladroitement mon mensonge. « J’étais… euh… tu sais, l’une des personnes qui… euh… dansent derrière la chèvre ? Enfin, derrière… toi quoi. » Je sens que je pourrais presque être fier de mon idée ridicule. Comme quoi avoir regardé cette pub nulle un nombre franchement déraisonnable de fois m’aura été utile après tout, puisque ça me permet de piger un ou deux détails qui, avec un peu de chance, feront assez vrai pour confondre Raph. « Mais j’avais rien de remarquable moi, pas comme… toi. Et sûrement qu’tu m’as pas vu non plus, à cause… euh… de la tête du costume. » Je termine ma phrase en grimaçant, douloureusement conscient que si Raph ne m’a pas vu parce qu’il portait la tête de la mascotte, ça sous-entend que, moi non plus, je n’ai jamais vu la tête de la personne qui portait le costume. Et donc, que je ne pourrais pas l’avoir reconnu. « Sauf que moi j’t’ai vu quand tu as enlevé le costume à un moment… euh… vers la fin du tournage. » En me retenant de pousser un soupir de découragement, je passe une main dans mes cheveux frisottés vaguement humides. « J’me disais que c’était peut-être toi quand j’t’ai remarqué à la table tout à l’heure, mais j’étais pas certain que oui. Enfin jusqu’à maintenant… » Nouveau ricanement franchement désagréable, mais au moins j’ai terminé. Sans être excellent, aurait certainement pu être pire. L’impro n’a jamais été ma force, mais je pense que j’ai réussi à tricoter une histoire qui se tient à peu près… Espérons juste maintenant que je n’ai pas fait de bourde monumentale en décrivant des bouts du tournage auxquels je n’ai absolument pas assisté et que Raphael n’aura pas envie de creuser trop loin pour confirmer ce que je viens de lui raconter. |
| | | | (#)Ven 21 Mai 2021 - 19:04 | |
|
( are you lost in the world like me? ) w/ ⊹ @Billy StewartC’est une plaisanterie, c’est ça ? Même les bouteilles de ketchup, disposées sur les tables ici et là, font partie du coup. Billy est l’acteur principal de cette caméra cachée qui, Raphael espère, sera bientôt terminée. Il n’est pas d’humeur à rigoler ce matin, encore moins depuis qu’il a l’impression que jamais les frites ne seront posées devant lui. Son estomac gronde, il sent les battements de son cœur répétitifs dans le fond de sa boîte crânienne et il n’a envie que d’une seule chose : écouter le silence. Mais Raphael n’est pas méchant, il ne se permet pas d’être honnête avec le plongeur trop familier devant lui. L’envie de lui ordonner de le laisser tranquille lui chatouille la gorge, l’irrite même, mais il a des réponses à obtenir maintenant qu’il a compris que Billy n’est pas totalement innocent. Il n’a pas choisi sa table par hasard. Il le connait et, peu importe la façon avec laquelle il s’est pris pour faire un lien entre son client et le déguisement de chèvre, Raphael veut savoir. Alors il l’interroge, doucement, pour ne pas le faire peur puisqu’il semble aussi craintif d’une coquerelle ne trouvant plus de recoins sombres où disparaître. Il se souvient ses talents avec les ordinateurs et sa première hypothèse s’y rattache. « Non c’est pas ça… » Ses joues sont rouges. Il a l’impression que du sang s’en échapperait à gros jets s’il les perçait avec la pointe d’un cure-dent. Il y en a justement au milieu de la table, à côté des condiments qui rient de Raphael. « C’est quoi alors ? » Il demande, inspirant doucement, ne détachant pas ses yeux de ceux de celui qu’il interroge. Il n’est plus complètement timide parce qu’il a l’impression que l’autre est bien moins à l’aise que lui. Pendant un moment, il a l’impression d’avoir le contrôle de la situation même s’il est celui qui ne comprend pas, celui qui ne fait pas partie du coup (de la caméra cachée). « J’étais un des figurants dans la pub. » Il fronce les sourcils. Un plongeur, dans la même salle d’audition que lui ? Avec sa tête atypique, il l’aurait reconnu. Perplexe, il n’affiche aucune expression en laissant l’autre élaborer son excuse. Il semble inventer au fur et à mesure. Les trois petits points ponctuent chacun de ses mots. « J’étais… euh… tu sais, l’une des personnes qui… euh… dansent derrière la chèvre ? Enfin, derrière… toi quoi. » Il y avait deux personnes derrière la chèvre. Un type déguisé en mouton, et une jeune femme, plus petite, en agneau. Il est certain d’avoir vu le visage de celui qui portait l’énorme tête poilue et frisée. Il était blond et portait des lunettes. « Uh uh. » Marmonne Raphael en faisant mine de le croire, simplement intrigué de savoir ce qu’il inventera par la suite. C’est presque divertissant. S’il craignait quelques instants plus tôt d’apprendre qu’on l’avait espionné d’une quelconque façon, dorénavant plus une seule once de peur ne déforme son regard. Billy n’est pas menaçant. « Mais j’avais rien de remarquable moi, pas comme… toi. Et sûrement qu’tu m’as pas vu non plus, à cause… euh… de la tête du costume. » Dommage qu’il se souvienne de la tignasse couleur foin du véritable danseur. « Sauf que moi j’t’ai vu quand tu as enlevé le costume à un moment… euh… vers la fin du tournage. » Il hoche de la tête, faignant croire ses histoires. Une grimace discrète étire ses lèvres quand il constate une énième fois le gras qui colle ensemble les cheveux de Billy. Il y passe sa main et ça empire le spectacle. « Je vois. Alors, entre deux chiffres ici, tu vas faire des auditions de pub toi aussi. » Qu’il demande en penchant la tête sur le côté. « Je suis surpris que tu ne m’aies pas dit que tu dansais, toi aussi, quand je t’ai parlé de mon métier à moi. Tu danses quoi, alors ? » Devant le regard hésitant de Billy, il précise : « Quel type de danse ? » Il aimerait bien l’aider en énonçant certaines des plus populaires ; classique, pop, ballet, salsa… mais il préfère l’observer se débrouiller avec les connaissances, probablement minimes, qu’il possède. Tant qu’à perdre sa matinée ici, il vaut mieux s’amuser un peu, faire tourner la table et lui renvoyer son poison. L’arroseur arrosé, comme on dit. « C’est marrant, à vrai dire. Je ne t’imaginais pas du tout danser. Il suffit d’observer la démarche de quelqu’un pour savoir s’il sait contrôler le moindre muscle de son corps. » Et, mon cher Billy, quand tu t’es assis devant moi tu ressemblais davantage à un phoque renversé par une vague à la hauteur du sable. |
| | | | (#)Ven 28 Mai 2021 - 23:42 | |
|
( are you lost in the world like me? ) w/ ⊹ @Raphael EllyIl me croit. Non, il ne me croit pas. Peut-être qu’il me croit ? Il ne m’a pas viré de sa table, c’est déjà ça. Mon cœur bat tellement fort à mes oreilles que je n’entends qu’à moitié ce qu’il me raconte. Seule la fin de sa phrase me parvient véritablement. « …tu vas faire des auditions de pub toi aussi. » Mollement, je hoche la tête. C’est possible après tout, non ? Je n’ai clairement pas envie de continuer à travailler dans ce resto miteux pour toujours. Pourquoi je ne chercherais pas la gloire dans des pubs pourries moi aussi ? En plus je lui ai dit que je ne sais pas du tout ce que j’ai envie de faire de ma vie. Raphael a penché la tête et il m’observe d’un regard perçant. Un peu comme si j’étais un insecte bizarre qu’il n’a jamais vu avant et qui l’intrigue. « Je suis surpris que tu ne m’aies pas dit que tu dansais, toi aussi, quand je t’ai parlé de mon métier à moi. Tu danses quoi, alors ? » Rien du tout, évidemment. Et ce n’est pas parce que notre mère n’a pas essayé. Il y a comme une lueur de satisfaction qui s’est allumée dans le regard de mon demi-frère. Plus de doute possible : non seulement il ne me croit pas, il est convaincu d’avoir trouvé la question parfaite pour me coincer dans mon mensonge. Probablement parce qu’il pense que je suis un peu idiot vu comment il ajoute, avec un soupçon d’impatience devant mon silence : « Quel type de danse ? » Je me mords la lèvre. Ce n’est pas que je ne sais pas quoi répondre. Je pourrais lui parler en long et en large de tous les cours de ballet, de jazz, de claquettes et même de hip hop que j’ai été forcé de suivre. Je n’aurais même pas besoin de lui dire que, pendant toutes ces années et peu importe la discipline, j’étais systématiquement le cancre de la classe, celui qui se retrouvait immanquablement relégué au fond de la scène. Sauf la fois où maman a fait une crise à la prof pour qu’elle me place à l’avant. Elle l’a amèrement regretté quand je suis resté figé au beau milieu de la chorégraphie, tellement malade de trac et d’angoisse que j’en ai complètement oublié le reste des mouvements. Mais on dirait que je n’ose pas. Comme si j’avais bêtement peur de lui donner trop d’indices et qu’il comprenne pourquoi je l’ai véritablement approché. Évidemment, Raph n’a aucunement conscience de mon dilemme. Il poursuit sans hésiter, avec une petite moue qui ressemble dangereusement à de l’amusement au coin des lèvres. « C’est marrant, à vrai dire. Je ne t’imaginais pas du tout danser. Il suffit d’observer la démarche de quelqu’un pour savoir s’il sait contrôler le moindre muscle de son corps. » Je serre la mâchoire. Même s’il ne les a pas prononcés, je perçois sans mal chacun des mots qui viendraient terminer sa pensée parce que je les ai entendus des centaines de fois avant. C’que t’es maladroit, Billy ! T’arriveras jamais à rien comme ça, on dirait que t’as deux pieds gauches. Allez, fais un effort, c’est pas si compliqué. Regarde, j’y arrive moi ! Le spectacle est dans deux semaines, si tu ne t’améliores pas un peu, tu vas encore me faire honte. Ça ne devrait pas faire si mal. Ce n’est même pas comme s’il avait tort, c’est vrai que je n’ai pas la grâce d’un danseur. Mais ça me fait quand même un pincement au cœur franchement désagréable. Il me regarde toujours, les sourcils légèrement haussés. Il attend visiblement une réponse. Je baisse un instant les yeux vers mes mains rougies par l’eau chaude qui reposent mollement sur mes cuisses. J’ai plus envie de lui mentir. Encore moins d’être ici. « T’as raison, je sais pas danser, » que je finis par marmonner. Je suppose que cet aveu ne fera que lui confirmer que j’ai menti sur tout le reste aussi. Tant pis. Ce n’est pas comme si c’était la révélation du siècle.
Maladroitement, je passe une main sur ma nuque en relevant la tête. Je jette un coup d’œil distrait à l’horloge au-dessus du comptoir, heureux de constater que suffisamment de temps s’est écoulé pour me permettre de m’échapper sans trop perdre la face. Même s’il est clairement déjà trop tard pour ça aussi. « J’dois retourner bosser, ma pause est finie. » Je pince les lèvres en m’extirpant de la banquette. J’essaie de ne me pas me laisser perturber par le regard de Raph qui suit chacun de mes mouvements, mais je me sens encore plus maladroit que d’habitude. Une fois debout devant la table, je lui offre un petit signe de la main mélancolique. « J’suis désolé de t’avoir dérangé. J’vais dire à Colleen qu’elle vienne prendre ta commande. » Sans attendre la réponse de Raphael, je tourne les talons. Comme promis, j’intercepte la serveuse en retournant vers la cuisine et je réussis à lui demander sans trop bafouiller de passer à la table de Raph. La tête basse, je me traîne les pieds jusqu’à ma station. La vaisselle s’est accumulée pendant ma pause et des tours instables d’assiettes bien sales m’attendent en menaçant de s’écrouler au moins courant d’air. Découragé, je soupire en me mettant à la tâche. Malheureusement, les gestes mécaniques et tant de fois répétés ne m’empêchent pas de penser. D’habitude, ça me plaît de pouvoir rêvasser mais en ce moment, je m’en serais bien passé. Cette première rencontre avec Raphael ne s’est pas du tout déroulée comme prévu. C’est ma faute, je n’aurais jamais dû me pointer à sa table comme ça sur un coup de tête sans m’être préparé. Je ne sais pas trop ce que je vais faire maintenant. J’ai encore envie d’apprendre à le connaître, de découvrir ce que ça peut faire d’avoir un frère, même si jusqu’à maintenant nos vies n’ont presque rien eu en commun. Sauf que je vois mal comment me présenter maintenant qu’il me prend pour un menteur compulsif. Bien joué, Billy. À croire que t’es vraiment aussi incapable que tout le monde le dit. Comme s’il avait entendu mes pensées et choisi ce moment précis pour rajouter un clou dans le cercueil de ma journée merdique, Mike laisse tomber deux énormes bols encore pleins de mayonnaise dans mon eau propre. « C’est cadeau ! » gueule-t-il avec un rire presque aussi gras que ma vaisselle avant de s’éloigner. Je n’ai même pas l’énergie de lui lancer un regard assassin. Franchement, j’aurais vraiment dû rester couché… |
| | | | (#)Mar 6 Juil 2021 - 1:25 | |
|
( are you lost in the world like me? ) w/ ⊹ @Billy Stewart« T’as raison, je sais pas danser, » Comment pourrait-il être surpris d’entendre cette révélation ? Il l’avait bien jaugé de haut en bas dans les dernières minutes et il n’avait aucunement discerné le profil d’un danseur dans ses jambes molles, son dos tordu et son menton constamment rivée vers le bas. Ses muscles n’ont pas acquis les réflexes nécessaires pour maîtriser un type de danse quelconque. Et, de toute façon, ce Billy n’avait même pas eu le temps de bien ficeler son mensonge : il n’a jamais pu répondre aux questions d’un Raphael qui s’y connait un peu trop en le sujet. La danse, c’est toute sa vie. Ce n’est pas celle de ce serveur de plus en plus louche. S’il n’est pas offensé par les révélations, il reste toutefois fermé et il se pince les lèvres en baissant la tête. Il observe à nouveau le menu posé devant lui avec de se perdre dans ses mots et ses lettres tachées de gras. Il se doute que les mensonges de Billy ne se résument pas qu’à cela. Il a beaucoup côtoyé d’acteurs dans le passé et le jeune homme n’est certainement pas l’un d’eux. Même les simples figurants n’ont pas un tempérament aussi introverti. Il faut savoir s’affirmer dans ce domaine et Billy n’a certainement pas plus d’assurance qu’une moule. Il suffit de le regarder, lui et sa moue lasse et gênée, pour en faire le constat.
Il ne relance pas la discussion. Il n’a pas envie de s’étaler ici. Billy l’a rendu bien assez mal à l’aise comme ça et ce n’est pas ce qu’il attendait de cette petite aventure post gueule de bois. Sa migraine ne l’a pas abandonné. Il sent même son cœur battre de plus en plus fort sur ses tempes. Il a besoin de tremper ses lèvres dans un verre d’eau mais aucune serveuse n’a osé l’approcher, lui et son invité à la bouche remplie de mytho. « J’dois retourner bosser, ma pause est finie. » Raphael relève le regard, sceptique, en observant silencieusement le jeune homme se défaire de la banquette collante. Il hoche la tête de bas en haut et un soupir – qu’il n’arrive pas à contenir – s’échappe de ses lèvres entrouvertes. Il n’est visiblement pas en état de lui laisser une deuxième chance, à celui-là. Les questions ne cesseront de tourner dans sa tête, c’est certain, mais il arrivera à leur trouver une réponse rassurante : Billy le connait simplement parce qu’il le suit, lui et sa carrière, sur Instagram. C’est peut-être un fan – il a vraiment des fans ? – qui s’y prend terriblement mal. De toute façon, le plus vieux ne s’en tire probablement pas mieux s’il possède réellement le titre d’idole. « J’suis désolé de t’avoir dérangé. J’vais dire à Colleen qu’elle vienne prendre ta commande. » Il s’efforce un sourire pour le rassurer. Raphael n’est pas vraiment méchant, au fond, mais les circonstances l’empêchent d’agir proprement. Le combo nausée et malaise n’est pas particulièrement inspirant. « T’inquiète. » Il ne prend pas la peine de rien ajouter. Quand Billy disparait de son champ de vision, il laisse enfin une grimace étirer son faciès. Il se masse les tempes dans le but de faire un peu d’ordre dans ses pensées mais rien n’y fait : son cerveau est devenu un casse-tête mille pièces. Il a besoin de prendre l’air. Dès le moment où on lui apporte (enfin) un verre d’eau rempli de glace, il en boit la moitié, condamne son crâne à la sentence du brain feeze, et jette un dernier coup d’œil autour de lui avant de quitter les lieux. Il vous dirait qu’il est parti parce qu’il n’avait soudainement plus d’appétit mais ce n’est pas la vraie version de l’histoire. Il sait déjà qu’il n’oubliera pas le prénom et le visage de cet étrange garçon. |
| | | | | | | | are you lost in the world like me? • raph |
|
| |