Cela fait des semaines que je n’ai pas de nouvelles, que j’ai beau essayé de me dire qu’il a peut-être autre chose à penser que de penser à m’appeler. Je n’arrive pas à me sortir Cian de la tête, pas depuis notre soirée film, pas avec tout ce temps que je passais avec lui et Ailis ces derniers temps. Pourtant il y aussi eu cette soirée, ou il m’a fait peur, tellement peur que je ne sais plus quoi penser à vrai dire. Une grande partie de moi à confiance en lui et ne cesse de me répéter qu’il n’est pas comme David, que jamais il ne pourrait me faire du mal, mais une autre partie de moi a eu vraiment peur ce soir-là, peur que le second coup de pieds soit pour rencontrer ma peau. Depuis quelques semaines je ne dors pas très bien, inquiète pour Ailis, mais pensant aussi beaucoup au châtain. Dans le fond il me manque, il me manque beaucoup alors j’essaye de m’occuper au mieux. Je passe du temps avec mon frère, je bosse beaucoup à la salle de sport, je vais danser, je passe du temps avec Dorian. Je m’occupe à décorer mon nouvel appartement, que j’aurais d’ailleurs aimé lui montrer et je me perds dans des films. J’ai d’ailleurs regardé Top Gun une deuxième fois. Il m’a fallu quelques jours avant d’avoir le courage de lui envoyer un SMS, auquel je n’ai d’ailleurs jamais eu de réponse, alors je n’ai pas insisté.

Ayant l’esprit particulièrement embrouillé ce soir, j’ai besoin de changer d’air, de profiter qu’il ne fasse pas trop chaud pour aller faire un peu de sport. J’enfile donc un short, une brassière et un débardeur avant de caler mes écouteurs dans mes oreilles. J’ai besoin d’une bonne course à pieds pour me vider un peu la tête, et avec un peu de chance, je verrais un beau coucher de soleil. D’avoir déménagé à South Bank me donne l’avantage d’être très proche de l’un de mes points préférés de la ville, Kangaroo Point. C’est donc vers là-bas que je me mets à trottiner, de la musique dans les oreilles et l’esprit perdu ailleurs. Ce n’est qu’au bout de quarante-cinq minutes que je m’arrête et commence à mériter alors que le soleil commence doucement à teinter le ciel d’orange. En me redressant, je remarque alors une silhouette familière, Cian. Je ne m’attendais pas à le voir ici, absolument pas et j’hésite quelques secondes avant de m’approcher vers lui. Inconsciemment mes pas s’arrêtent pourtant un peu plus loin de lui que d’ordinaire, comme pour garder une distance de sécurité. « Hey… Salut. » Je dis simplement en lui adressant un léger sourire. « Je… Comment tu vas ? » Question à laquelle j’ai vraiment besoin d’une réponse, et surtout besoin de savoir comment va Ailis, si il l’a retrouver, mais je n’ose pas demander, pas directement.

@Cían Atwood

« Donne moi juste une réponse Eavan, s’il te plaît… »
« Laisse nous Cian, elle est avec moi maintenant. Je suis sa mère, c’est de moi qu’elle a besoin. »

C’est tout ce dont j’ai eu le droit après deux jours d’inquiétudes. Quelques mots froids, jeter dans un message quelconque et plus rien. Je la soupçonne d’avoir bloqué mon numéro et c’est ce qui m’inquiète le plus. Charlie a beau me rassurer régulièrement, ses collègues travaille d’arrache-pied pour me trouver un moyen légal d’au moins pouvoir voir Ailis. Ils l’ont vu eux. Ils m’ont simplement assuré qu’elle semblait aller bien. Rien de plus. Comment peut-elle bien aller alors que tout son univers est dans mon appartement, ses jouets, ses doudous, ses vêtements. Eavan a disparu alors qu’elle n’avait que six mois, à l’époque elle ne mangeait pas comme aujourd’hui et surtout elle ne partait pas dans tous les sens dans un quatre pattes endiablées. Tous les jours, je me demande pourquoi elle a subitement décidé de revenir, pourquoi elle ne m’en a pas parlé et surtout qu’est-ce qui la motive à garder Ailis loin de moi ? Les questions se répètent en boucle au point où j’en ai perdu le sommeil, je dois me forcer à me rappeler de manger, et même si je vais à la base tous les jours, je n’y suis qu’à moitié présent. À chaque jour qui passe, j’appelle ma nièce pour savoir si elle a des nouvelles. Dans le fond, je me doute qu’elle a autre à faire, que je dois réellement l’embêter avec mes questions, mais j’ai besoin de ça pour ne pas virer totalement dingue.

Cela fait une semaine…
La plus longue semaine de ma vie.

Incapable de rester chez moi, mais refusant de voir mes proches pour ne pas leur faire subir mon humeur exécrable, je m’enferme dans une bulle de solitude. Je traîne dans les rues dans l’espoir de les croiser par hasard. Chaque matin, je vais devant la crèche, mais bien entendu Eavan n’a jamais re déposer la petite, ce serait bien trop simple. Je n’ai pas le droit d’agir selon mon instinct, je ne peux pas foncer dans le mur, ce serait tout perdre. Je me dois de rester dans les rangs, de rester calme alors que l’on m’a pris mon bébé. Le soir où j’ai reçu ce fameux message, j’ai eu envie de tout détruire dans l’appartement. Je me suis longuement retenu, mais mon poing a fini par atterrir dans le mur à plusieurs reprises, laissant des traces sur mes jointures. Ne voulant pas complètement ruiner mon logement, je préfère aller évacuer ma rage contre un sac de frappe.

C’est ce que j’ai fait ce soir. Je suis allé frapper pendant plus d’une heure, mais ça n’a pas suffi, j’avais encore besoin d’extérioriser. Alors, en sortant dans la salle encore en tenue de sport, j’ai décidé de rentrer en courant. Sans que je n’en prenne réellement conscience, mes pas ont choisi de me guider vers Kangaroo Point plutôt que mon domicile. Heureusement, l’endroit est désert et je peux m’asseoir sur un banc pour souffler un bon coup. Mes dents étaient en train de torturer ma lèvre inférieure lorsque j’entends des pas se diriger vers moi. Gardant la tête baisser, j’ose espérer que la personne ne fera que passer. « Hey… Salut. » Un frisson me parcourt lorsque je reconnais la voix d’Oakley. Je n’ai pas vu la jeune femme depuis cette nuit où j’ai pété un câble, trop honteux pour la recontacter, trop préoccuper pour réellement m’en soucier. Son regard semble aussi inquiet que méfiant et je voudrais juste m’en aller pour ne pas lui imposer cela à nouveau. « Je… Comment tu vas ? » La question que tout le monde me pose en ce moment et dont je n’ai clairement pas la réponse. « Pas bien. » C’est tout ce que je peux lui dire, la seule vérité qui compte. « Tu es pas obligé, tu sais. » Pas obligé de venir me parler, pas obligé de rester. Je n’ai pas eu le temps de repenser, à cette soirée chez moi, au cauchemar qui a eu lieu quelques jours après. Mais tout cela ne mènera à rien. « Je… Je suis réellement désolé. » Et encore une fois, c’est tout ce que je trouve à lui dire.

Il hante un peu mes pensées Cian, depuis une semaine, depuis qu’il a déboulé chez moi en panique à propos d’Ailis. À vrai dire, je crois même que c’est depuis un peu plus longtemps que cela, depuis notre soirée film de l’autre soir, mais je refuse simplement d’y penser. Je me suis rapproché de l’irlandais au cours de la dernière année, c’est indéniable, il est devenu quelqu’un d’important dans ma vie. Il a réussi à se faire une place importante, une place que je n’ai pas vraiment envie de voir devenir vide, mais jamais je n’avais vraiment pensé que cela pourrait évoluer un jour. Jamais je ne me suis dit que de ne plus avoir de nouvelle, de ne plus le voir pendant une semaine (qui m’a d’ailleurs paru interminable) me marquerais autant. Je ne sais plus vraiment quoi penser, plus quoi faire. Il me manque, et en même temps il m’a tellement fait peur la dernière fois, qu’une partie de moi hésite à reprendre contact. Je le connais Cian, du moins je crois que je connaître et je suis sûr qu’il ne me ferait jamais de mal, pas volontairement, mais est ce qu’il serait capable de le faire sans s’en rendre compte ? C’est un peu comme ca que cela a commencé avec David, que les choses ont commencé à changer. Mais Cian n’est qu’un ami après tout ? Si il devient trop violent, trop différent, je peux toujours m’éloigner, prendre mes distances ? Mais est ce que j’en serais capable ? Je soupire légèrement. Moi qui pensais que les choses seraient simples à présent, que tout est derrière moi, me voilà complètement perdu face au châtain. Je n’ai pourtant vraiment pas envie de le perdre et de perdre Ailis, je n’ai pas envie de les voir quitter ma vie.

Mais lorsque je reconnais sa silhouette, que je le vois assis sur ce banc, il me faut quelques secondes avant de m’avancer vers lui et de l’interpeller. D’une voix timide, une voix qui ne me ressemble pas vraiment, je lui demande comment il va, espérant ainsi avoir un peu des nouvelles, savoir si il a retrouvé sa fille. « Pas bien. » qu’il me répond, et je comprends qu’il ne doit pas avoir récupéré Ailis. J’ai envie de me venir m’assoir à côté de lui, de prendre sa main pour le rassurer un peu, mais je ne le fais pas. A vrai dire, je n’ai même pas le temps de répondre quoi que ce soit qu’il reprend la parole. « Tu es pas obligé, tu sais. » Je vois bien dans son regard qu’il s’en veut, sûrement de l’autre soir, de la peur qu’il m’a fait. « Je sais… » Je murmure en lui adressant un léger sourire. « Je… Je suis réellement désolé. » Cette fois-ci, je n’ose rien répondre, je ne sais pas quoi répondre alors j’hoche simplement la tête. Je sais qu’il est désolé. Alors je viens doucement m’installer à côté de lui, j’hésite quelques secondes à nouveau et le cœur tambourinant contre ma cage thoracique, je viens prendre sa main. « Je t’avais envoyé un message… Je… Je suis là tu sais, pour toi. » Je relève le regard vers lui et lui offre un petit sourire. « Tu… Tu m’as juste… Tu m’as fait peur l’autre soir, c’est tout. » Je sais que Loan me dirait surement de ne pas me lancer dans ce genre de chose, mais j’ai besoin de Cian dans ma vie. J’ai besoin de mon ami.

Les jours se sont enchaînés les uns après les autres sans que personne ne me ramène ma fille. Le silence, c’est étirer et j’ai arrêté de faire attention au reste du monde. Mon portable avait beau sonner, je ne faisais que lire les notifications sans jamais répondre. Mon réveil à sonner chaque matin sans exception et je l’ai bien trop souvent ignoré pour arriver en retard au travail ou bien ne pas y aller du tout. J’ai arrêté de prendre conscience de la faim qui tiraillait mon ventre, je me suis rappelé de boire au bout du deuxième jour de mal de crâne intense et finis par prendre une douche lorsque Charlie a crié plus fort que jamais auparavant. Je me laisse aller et j’attends que l’on me ramène ma fille. Les jouets d’Ailis traînent toujours dans le salon sans que je n’aie la force de ranger quoique ce soit. Son petit pyjama est toujours jeté sur ma table de nuit, parce que ce matin-là, on était un peu en retard et elle n’avait pas trop envie de s’habiller sauf dans la chambre de papa. Je n’ai plus la force de voir toutes ses affaires de partout dans la maison, alors je fuis. Et je pensais trouver du calme en venant me réfugier ici.

Elle ne pense pas à mal Oakley. Ce n’était qu’une simple coïncidence, rien de plus. Je l’entends dans sa voix à quel point elle hésite. Qui pourrait lui en vouloir après la frayeur que j’ai pu lui faire la dernière fois ? Je me demande même ce qu’elle fait encore là, elle devrait probablement fuir de l’autre côté, le plus loin possible de moi. « Je sais… » Elle sait, mais elle reste. Je me mords la lèvre doucement ne sachant quoi lui dire de plus que je suis désolé. Je n’ai pas la force de me lancer dans de grand discours. Je n’ai pas envie, je voudrais qu’elle me laisse tranquille, mais je dois garder mon calme avec elle. « Je t’avais envoyé un message… Je… Je suis là, tu sais, pour toi. » Soudainement, elle est de partout autour de moi. Assise à mes côtés, sa main dans la mienne. C’est presque trop. Elle est tactile, alors que je ne l’ai jamais été. Et dans la seconde qui suit, je recule pour me retrouver à l’opposé du banc. « J’ai pas répondu pour une raison Oakley. » Je n’en ai pas la force, pas l’envie. Je ne pourrais pas tout gérer de front, je le sais. La colère finira toujours par gagner chez moi, ça ne peut pas être autrement. « Tu… Tu m’as juste… Tu m’as fait peur l’autre soir, c’est tout. » Je lâche un rire nerveux, levant les yeux au ciel. « Je ne lèverai pas la main sur toi. » Je ne supporterais pas l’idée, ce n’est pas quelque chose qui me semble, un jour, envisageable. « Mais je sais pas gérer ma colère Oak. » Le jour où j’ai perdu Leah, j’ai perdu ma capacité à pouvoir gérer tout cela. « Quand rien ne va, j’ai besoin de crier et d’aller taper dans un sac de frappe. » C’est la seule chose que je frapperais de toute ma vie, je le sais, qu’importe les coups de sang que j’ai pu avoir, je n’ai jamais frappé une femme. Oh, Thomas a pris son compte de claque, mais il a toujours su y répondre, avec lui, c’était différent. « Je veux pas que tu aies peur de moi, mais il a des choses que je ne maîtrise pas. »

J’aimerais pouvoir l’aider Cian, pouvoir l’apaiser et oublier ce qu’il s’est passé entre nous l’autre soir. Je ne sais pas vraiment si je devrais prendre mes distances, ou bien au contraire m’accrocher. Je suis partagé entre les deux idées, entre l’envie de l’aider, de le garder dans ma vie parce que je me suis profondément attaché à lui, et l’envie de partir parce qu’il pourrait devenir violent, qu’il pourrait devenir comme David. Je chasse cependant la seconde idée de mes pensées, n’ayant pas du tout envie de penser à cela, et je viens m’asseoir à côté de lui en prenant mon courage à deux mains alors qu’il s’excuse. Il a l’air sincère, vraiment sincère et je le crois, je lui fais confiance. Je prends alors doucement sa main dans la mienne, mais rapidement il recule et s’éloigne un peu de moi. Je lui parle alors de ce SMS que je lui ai envoyé mais auquel je n’ai jamais eu de réponse. « J’ai pas répondu pour une raison Oakley. » Il me repousse, il s’éloigne et j’ai l’impression qu’il crée un fossé entre nous. Alors que d’habitude tout semble nous rapprocher, tout semble tellement facile, d’un seul coup c’est l’inverse. Un monde semble nous séparer et ma gorge se serre.

Je tente alors de lui avouer que j’ai juste eu peur, que ce n’était rien, mais il ne semble pas vraiment penser la même chose. « Je ne lèverai pas la main sur toi. » J’hoche la tête, parce que contrairement à ce que je pensais, je le crois. J’ai toujours confiance en lui et malgré sa colère je sais qu’il ne m’aurait pas fait de mal. « Mais je sais pas gérer ma colère Oak. Quand rien ne va, j’ai besoin de crier et d’aller taper dans un sac de frappe. » J’hoche une nouvelle fois la tête. « Je comprends Cian… » Je murmure doucement mais malgré cela je le sens s’éloigner un peu plus. « Je veux pas que tu aies peur de moi, mais il a des choses que je ne maîtrise pas. » Je secoue la tête et relève le regard vers lui. « J’ai pas peur de toi Cian. Je… J’ai juste été prise par surprise, c’est tout… » Pourtant il y a quelque chose dans ses yeux, quelque chose qui me donne l’impression que tous ces derniers mois ou nous nous sommes rapprochés devrait être effacé. J’ai l’impression qu’il va finir par me dire clairement que je ne devrais pas être dans sa vie et je n’ai pas envie d’entendre cela. Cian a été là quand ma vie est partie de travers, il a été là quand David foiré tout, et j’ai besoin de lui, peut-être même plus que je n’ai envie de me l’avouer. « Me repousse pas Cian… S’il te plait. » Je me surprends moi-même à dire. « Si t’as besoin que je te laisse tranquille quelque temps, je le ferais, mais me repousse pas complètement… » Je tente alors un léger sourire.

Soudainement, c’est comme si elle prenait bien trop de place dans cette bulle que je m’étais forcé des jours durant. Consciemment, j’ai évité le plus possible les contacts sociaux, ne voulant m’imposer une conversation que je me savais parfaitement incapable de tenir. En rien, je ne souhaite justifier mes agissements, mon silence et cette distanciation que j’impose à tout le monde autour de moi. Il faut croire que, malgré tout, je devais des explications à la jeune femme. Mon accès de colère lui a fait peur, sans le vouloir, je l’ai ramené dans des souvenirs qu’elle aurait préféré taire à jamais. La culpabilité me ronge de tous les côtés et je ne voulais penser à Oakley. Je n’en avais ni le temps, ni l’énergie. Pourtant, elle est là et je sais qu’elle ne partira pas aussi facilement. Je pourrais hurler à nouveau, mais aujourd’hui je crois que je n’en ai plus vraiment la force. « Je comprends Cian… » Elle comprend et pourtant elle ne cesse de se rapprocher de moi. C’est trop, c’est tout ce que je ne peux pas gérer pour le moment. J’impose une distance, réelle et physique, entre nous, suppliant pour qu’elle ne revienne pas à la charge. La plupart du temps, je ne sais contrôler lorsque tout va m’échapper. « J’ai pas peur de toi Cian. Je… J’ai juste été prise par surprise, c’est tout… » « Je t’ai quand même fait peur. » C’est ce qui restera graver dans un coin qu’elle le veuille ou non. C’est qui importera au bout du chemin quand elle se souviendra de cette soirée. C’est tout ce que je ne voulais pas.

Le silence retombe et l’espace d’un instant, j’espère qu’elle ne dira rien de plus. Incapable de bien vouloir me lancer dans une conversation profonde, hurlant intérieurement pour que l’on me fiche un peu la paix. J’ai besoin d’air, j’ai besoin d’espace. « Me repousse pas Cian… S’il te plaît. » Mes sourcils se froncent alors que mon regard se tourne vers le sien. De quoi elle parle ? « Si t’as besoin que je te laisse tranquille quelque temps, je le ferais, mais me repousse pas complètement… » Un rire nerveux m’échappe alors que je passe une main sur mon visage. « J’ai pas le temps pour ça. » Pas le temps de m’inquiéter pour tout le monde comme je le fais toujours, pas l’énergie de travailler sur tous les fronts, pas le temps de me demander pourquoi j’avais presque voulu l'embrasser l’autre soir. « Je dois penser à Ailis. » C’est elle ma priorité, la plus importante dans ma vie. « J’ai pas la force pour quoique ce soit d’autre. » que j’ajoute en évitant à nouveau son regard.

Il s’éloigne prend de la distance sur ce banc et un faussé invisible se créer entre nous. Pourtant je ne fais rien de plus, je ne fais rien pour me rapprocher une nouvelle fois de lui parce que si je le fais j’ai peur qu’il ne s’énerve à nouveau, qu’il ait un nouvel excès de colère et je n’ai pas envie d’en faire les frais cette fois-ci. A le regarder, on croirait qu’il étouffe, qu’il a envie de hurler, qu’il a envie de frapper dans quelque chose. Je ne me rappel pas la dernière fois que j’ai été en colère, et c’est là que je me rends compte que nous sommes différents. « Je t’ai quand même fait peur. » Dit Cian alors que j’ose les épaules. Oui j’ai eu peur, oui pendant l’espace de quelques secondes j’ai eu l’impression de me retrouver dans une pièce avec David, j’étais prête à recevoir le prochain coup, mais il n’est pas David et il ne le sera jamais. Alors je tente d’oublier, tout en restant prudente. Je ne peux m’empêcher de penser à l’inquiétude de Loan quand je lui ai parlé de la situation et du fait que je lui ai promis de faire attention à moi. « Ca arrive… » Tout comme des fois il suffit que quelque chose tombe bruyamment au sol pour me faire peur.

Pourtant ce n’est pas à ca que je pense, mais plutôt au fait que si il fait ca, si il me repousse c’est qu’il n’a pas dû retrouver Ailis, qu’il n’a pas dû avoir des nouvelles d’Eavan et je n’arrive pas à imaginer à quel point cela doit être dur pour lui. Je tente cependant de lui dire de ne pas me repousser, de lui tendre la main, de lui proposer mon aide même si elle ne sert pas à grand-chose. « J’ai pas le temps pour ça. » C’est à mon tour de froncer un peu les sourcils sans vraiment comprendre. « Je dois penser à Ailis. J’ai pas la force pour quoique ce soit d’autre. » Je comprends le message, et je le respecte. C’est sa manière à lui de me dire qu’il n’a pas le temps de me parler et je ne lui en veux pas. Je sais qu’il doit avoir bien trop d’inquiétude pour sa fille. Alors je finis par me lever en prenant la parole. « Je comprends… Je vais pas t’embêter plus, je… Juste préviens moi… Si tu as des nouvelles d’Ailis… » Je lui offre un sourire timide. « S’il te plait ? » Je ne vais pas le forcer à quoi que ce soit même si je finis par le perdre complètement… Je ne peux rien y faire, c’est la vie après tout. « Et prend soin de toi un peu aussi… » Parce qu’il a des cernes bien trop grosse et que je me doute bien que le sommeil doive être rare ces derniers temps.

« Ça arrive. »
« T’as eu peur de moi. »

Elle n’a pas sursauté parce que j’avais fait un peu trop de bruit ou parce que je l’avais prise par surprise en voulant faire une blague stupide. Elle a pris peur parce que j’ai haussé le ton, parce que la rage m’a donné envie de frapper dans n’importe quoi. Jamais elle n’aurait été mon punching-ball, je ne pourrais pas faire une chose pareille. Pourtant, durant quelques minutes, elle a pensé que j’en serais capable. C’est tout ce qui ne devrait pas arriver entre nous. Tout ce que je ne pourrais supporter de lui faire subir sans même l’avoir voulu. Elle devrait fuir encore un peu, mais elle n’est pas comme ça Oakley. Elle insiste quand elle tient à quelqu’un, elle se montre présente, elle cherche à faire le mieux pour ses amis. Elle est partout et je ne sais plus comment la recevoir. Alors, c’est moi, qui impose la distance, du mieux que je peux. « Je comprends… Je vais pas t’embêter plus, je… Juste préviens moi… Si tu as des nouvelles d’Ailis… » Je voudrais répliquer, lui rappeler que je ne lui dois rien, que rien de tout cela ne la regarde, mais je ravale tout ça. Je ne cherche pas à être méchant sans raison. « S’il te plaît ? » Bien sûr qu’elle insiste encore un peu. Bien sûr que je soupire, juste pour la forme. « Oui. » que je murmure lentement. « Je te dirais. » Si un jour j’ai des nouvelles…

« Et prend soin de toi un peu aussi… » Un rire s’échappe d’entre mes lèvres alors que je lève les yeux au ciel. « Dis-moi comment je peux faire ça ? » J’aimerais avoir la réponse quand j’ai constamment la sensation que mon monde s’écroule lentement autour de moi. « Parce qu’au boulot, on me dit que je dois lever le pied. » Et je déteste Sullivan pour être constamment sur mon dos depuis des jours et des jours. Je voudrais qu’il me foute la paix, qu’il me laisse hurler sur les jeunes si ça m’enchante et surtout qu’il me laisse voler avec Louis pour me changer les idées. « Et quand je suis chez moi, tout ce qui me reste, c’est ses jouets dans le salon et le silence de son absence. » Alors je perds pied, je deviens dingue et je ne sais plus quoi faire. « Je pourrais être le cliché qui se met à boire, mais je me retrouve comme un ado à jouer aux jeux vidéo toute la nuit, parce qu’au moins, là, j’ai pas le temps de penser. » que j’avoue presque honteusement. Alors, je fais comment Oakley, hein ?!

« T’as eu peur de moi. » Il n’a pas tort, sur le coup j’ai eu peur de lui, peur de ce qu’il pourrait me faire, peur qu’il ne puisse devenir comme ca. Alors je ne réponds rien, parce que je ne sais pas vraiment quoi dire de plus. Je sais qu’il s’en veut, je le vois bien sur son visage, mais je ne vais pas lui mentir. Pourtant j’ai encore confiance en lui, et je ne veux pas le laisser tomber, je ne le ferais pas. Je ne suis pas quelqu’un qui baisse les bras et laisse tomber ses amis dès qu’ils rencontrent une difficulté. Alors je tente de me rapprocher un peu, de lui faire comprendre que je suis là pour lui, encore une fois, mais je me rends compte qu’il n’a pas l’air d’apprécier cette proximité. On dirait qu’il étouffe, alors lorsqu’il recule, qu’il prend de la distance, je ne bouge pas. Je joue avec mes doigts nerveusement, laissant retomber mes bras sur mes jambes. J’hésite quelques instants, mais je finis par lui demander de me donner des nouvelles d’Ailis, si il en a un jour. « Oui. Je te dirais. » J’hoche la tête et lui adresse un léger sourire.

Je finis alors par me lever du banc, décider à le laisser. Je vois bien qu’il n’a pas envie d’avoir de compagnie, qu’il n’a pas la tête à ca et que ma présence a juste l’air de l’embêter. Je tente une dernière fois de lui dire de prendre un peu soin de lui. « Dis-moi comment je peux faire ça ? Parce qu’au boulot, on me dit que je dois lever le pied. Et quand je suis chez moi, tout ce qui me reste, c’est ses jouets dans le salon et le silence de son absence. Je pourrais être le cliché qui se met à boire, mais je me retrouve comme un ado à jouer aux jeux vidéo toute la nuit, parce qu’au moins, là, j’ai pas le temps de penser. » Ma gorge se serre, mon cœur se met à battre un peu plus fort et je me sens comme une idiote face au châtain. Je me sens idiote d’avoir pensé qu’il doit arriver à dormir alors que bien sûr, il n’y arrive pas. Je me sens complètement inutile dans cette situation alors que j’aimerais faire n’importe quoi pour l’aider ou même juste pour le soulager un peu, quelques heures. J’ouvre la bouche une première fois, mais je ne trouve pas de mots. « Je… » Mais rien ne sort une nouvelle fois et je me remets à jouer nerveusement avec mes doigts. « J’suis désolée… J’aimerais tellement pouvoir faire quelque chose pour t’aider… » Je ferme les yeux quelques secondes. « Peut être que... Que tu devrais pas rester seul. Tu pourrais venir à l'appartement... Si tu veux. »

Ce n’est pas mon intention première de repousser Oakley de cette manière. C’est l’instinct qui parle, celui qui m’ordonne de monter les barrières au plus vite, de m’enfermer dans ma tour. Elle a eu peur de moi et il vaut mieux pour tout le monde qu’elle reste loin. Je ne sais comment je vais réagir dans la minute qui suit, tout est en train de s’agglutiner dans un coin. Toute ma vie, j’ai été une bombe à retardement, tous les jours depuis le décès de Leah. C’est toujours le même schéma, je ne réagis pas sur l’instant, je construis les murs, je laisse aller le temps et c’est bien plus tard, lorsque personne ne s’y attend que j’explose comme jamais. La bombe met du temps, mais elle explose toujours et ce n’est jamais beau à voir. C’est bien souvent Thomas qui prend pour les autres et je ne voudrais pas que cette fois, ce soit Oakley. Elle n’a pas les armes pour faire face, qu’importe ce qu’elle pense. Pourtant, elle insiste la blonde, elle veut aider à tout prix et cela joue sur ma patience. Je tente de rester calme mais la liste de mes incapacités à rester calme et à me reposer ne cesse de s’allonger encore et encore sous mes yeux. « Je… » « Ne dis rien. » Tais-toi si tu ne sais pas quoi dire. C’est tout ce que je lui demande, de ne pas chercher la réponse parfaite, mais ce serait mal connaître Oakley. « J’suis désolée… J’aimerais tellement pouvoir faire quelque chose pour t’aider… » J’inspire longuement, expire encore plus. Chercher à rester calme, toujours. « J’ai pas besoin d’aide. » Oh que le mensonge est gros. Est-ce qu’elle verra au travers ? J’espère que non. Mon regard ne cesse de fureter avec le sol, ne voulant croiser le sien, lui hurlant de partir et de rester. Tout se mélange dans un coin de mon esprit. Je ne cesse de penser à cette foutue soirée, à se rapprochant qui n’aurait jamais dû avoir lieu et c’est tout ce qui me hante et ce n’est pas le moment. « Peut être que... Que tu devrais pas rester seul. Tu pourrais venir à l'appartement... Si tu veux. » Un énième souffle et mon visage qui se tourne vers le sien. « C’était rien. » que j’annonce sans même amener le contexte. « C’était complètement stupide et c’était rien. » que j’ajoute pour souligner ce qui me trotte bien trop dans la tête. « Je peux pas venir chez toi. » Ma main vient glisser sur ma nuque. « Et je vais bien. » Bien sûr Cian, à d’autres.

Il me met un peu devant les faits accomplis, que devant ce que je tente de lui dire, il ne peut pas penser à autre chose. Bien sûr que je comprends qu’il ne puisse pas penser à autre chose, c’est sa fille qu’on lui a enlevée. Je me sens un peu idiote d’avoir pensé à ca, d’avoir tenté de lui dire cela alors que si j’étais dans sa position je serais probablement tout aussi perdu que lui. Alors j’ouvre la bouche, je cherche les mots, quelques mots à dire alors qu’il se renferme doucement. « Ne dis rien. » Mais je ne l’écoute pas, je lui avoue que j’aurais aimé pouvoir faire quelque chose pour lui, quelque chose pour Ailis, parce qu’ils sont devenus tellement importants dans ma vie tous les deux et de penser la petite blondinette loin de son papa me fait mal au cœur. « J’ai pas besoin d’aide. » Ajoute le châtain, et même si je ne suis pas convaincu du tout de sa réponse, j’hoche doucement la tête. Je ne peux pas le forcer à quoi que ce soit, si il ne veut pas de mon aide, de ma présence alors c’est ainsi.

« C’était rien. » Je fronce les sourcils. « C’était complètement stupide et c’était rien. » D’un coup je ne comprends plus de quoi il me parle. Ce n’est pas d’Ailis, c’est évident, mais il semble complètement être parti sur autre chose et je ne comprends pas dans quoi. « De quoi tu parles Cian… ? » Je lui demande alors timidement, pas sur de comprendre vraiment ce qu’il pense. C’est presque comme il se parle à lui-même et il semble hésitant, il semble perdu dans ses propres pensées, dans son propre esprit. « Je peux pas venir chez toi. Et je vais bien. » C’est à mon tour de soupirer légèrement. Il est têtu l’irlandais, très têtu, mais je n’ose pas trop insister. « Si tu veux pas c’est pas grave, mais tu vas pas bien Cian… Juste… Ne reste pas tout seul, appel quelqu’un d’autre si tu préfères. Ton meilleur ami, ou ta nièce… » Je sais qu’il est proche d’eux et si il ne veut pas rester avec moi, j’aimerais au moins savoir qu’il n’est pas tout seul. « J’peux les appeler… Que l’un d’eux viennent te chercher si tu veux ? » Je lui demande essayant de capter son regard, ne serait-ce que quelques secondes, mais il me fuit, comme si il avait peur de quelque chose.

Tout s’emmêle dans un coin de mon esprit et plus rien ne fait sens. Sa constante envie de vouloir m’aider m’échappe, cela ne fait aucun sens quand je n’ai jamais été très présent pour elle, quand on a toujours plus été des connaissances que de véritables amies. Les images de cette soirée passée chez moi se déroulent en boucle sans que je n’aie réellement le temps de tout analyser. La seule conclusion qui revient sans cesse est que je ne pourrais jamais rien lui amener de positif. Pas alors que ma vie est un véritable enfer, pas alors que je me sens torpiller vers le fond. On aime s’auto-détruire chez les Atwood, it runs in the family. « De quoi tu parles Cian… ? » A son regard, je comprends qu’elle ne ment pas. Elle ne voit absolument pas à quoi je suis en train de faire référence. C’est probablement préférable ainsi. « J’allais pas t’embrasser, c’était rien du tout. » Je ne sais où flirt la limite avec la vérité dans cette affirmation lancé à brûle pourpoint. Tout pour me protéger, tout pour lui signaler que ce n’est en rien ce qu’elle aurait pu imaginer. Elle ne m’a pas rencontré au bon moment et ce soir encore, elle aurait mieux fait de se tenir éloigné alors que j’assène pour ce qui me semble être la millième fois que je vais très bien. « Si tu veux pas c’est pas grave, mais tu vas pas bien Cian… Juste… Ne reste pas tout seul, appel quelqu’un d’autre si tu préfères. Ton meilleur ami, ou ta nièce… » Ma tête se balance de gauche à droite refusant l’aide de qui que ce soit. Charlie n’a pas besoin de me voir dans cet état. Thomas ne mérite pas que je m’en prenne, encore une fois, à lui alors qu’il n’a jamais rien demander à personne. « J’peux les appeler… Que l’un d’eux viennent te chercher si tu veux ? » « Tu n’appelles personne ! » Mon ton est dur, mon regard se fait noir alors que je me lève précipitamment du banc. « Occupe-toi de tes affaires Oakley. » Et sans lui lancer le moindre regard, je descends la colline au pas de course direction mon appartement. Me terrer dans ma grotte restait la meilleure des idées.