Une leucémie. Le diagnostic est tombé et même si je ne suis pas vraiment surpris, cela me créer une boule au ventre. L’idée de repasser des mois entre l’hôpital et chez moi pour les traitements, de surement devoir subir une greffe de moelle osseuse parce que ce n’est pas première leucémie me rend presque malade. L’idée de devoir revivre ce que j’ai vécu pendant deux ans il y a des années ne me donne pas du tout envie. J’imagine déjà le visage de ma mère, mon frère et de ma sœur, mais aussi celui de Mia et je n’ai aucune envie de devoir affronter tous ces regards. Je n’ai pas envie de leur inquiétude, de leur pitié et surtout pas envie de leur jugement quand je vais leur annoncer que je ne souhaite pas me faire soigner. Les médecins ne sont pas très optimistes et l’idée de passer des mois en traitement alors que je pourrais continuer de vivre à fond n’est pas motivante du tout. J’ai donc à peine signé les papiers pour sortir de l’hôpital que mes pas me mènent dans les rues de Brisbane, ces rues que je connais absolument par cœur. Il fait chaud et le soleil est doucement en train de se coucher derrière les buildings de la ville.

C’est vers mon bar habituel que mes pas me mènent. J’y rentre et vais directement m’asseoir sur un tabouret derrière le bar. Je connais James, le barman et je lui fais signe de me servir un whisky. Boire n’est peut-être pas la bonne solution, mais honnêtement, je n’ai envie de rien d’autre en cet instant. Je n’ai pas envie de voir qui que ce soit et surtout pas envie de faire face à l’annonce que l’on vient de me faire. Deux ans de traitements qui ne fonctionneraient peut-être même pas, perdre mes cheveux, être malade comme un chien, ne rien pouvoir faire, perdre du poids, voilà tout ce que cela entrainerait et je n’en ai pas envie. Peut-être que c’est mieux que prendre des anti-douleurs et de continuer à vivre le temps qu’il me reste. Je remercie James et prends une gorgée de l’alcool qui me brûle la gorge. Je ne sais pas quoi faire, je suis perdu et je sais déjà ce que tout le monde va me dire. Tout le monde va vouloir que je me soigne, mais aucun ne comprend ce que c’est. Je soupire et ferme les yeux quelques secondes avant de finir mon verre cul-sec et d’en recommander un autre.

@Mia McKullan

Je n’ai pas eu envie d’appeler qui que ce soit, je n’ai pas eu envie de voir qui que ce soit non plus après que le médecin m’est annoncé le diagnostic. A vrai dire, je me rappel à peine de ce qu’il m’a dit après avoir dit que le cancer était assez agressif et qu’il allait sûrement falloir passer la case de la greffe de moelle osseuse. Je sais que j’allais devoir l’annoncer à mes proches, que j’allais devoir voir le regard de ma mère se remplir de larmes, celui de ma sœur se remplir d’inquiétude et je n’ai pas envie de tout cela. Pas envie non plus de voir celui de Mia parce que je me doute déjà de la conversation qui allait suivre. Alors j’ai signé les papiers de l’hôpital, j’ai pris mes affaires, et j’ai quitté cet endroit à l’odeur de javel. Je n’ai pas eu envie de rentrer, parce que je savais que Mia serait sûrement à la maison, alors je suis me suis rendu vers le bar, ce bar que je connais par cœur tellement j’y ai passé du temps. J’ai besoin d’un coup à boire. Je m’installe au bar et je commande un whisky, avant d’en commander un deuxième.

C’est à la première gorgée du deuxième verre que la voix de ma meilleure amie retentit à côté de moi. Bien sûr qu’elle a trouvé où je suis. « La même chose s’il te plaît. » Je ferme les yeux quelques secondes, parce que je me doute déjà de ce qui va suivre, de cette conversation que je redoute et surtout de ce regard que je vais subir de la part de la blonde. « Je t’ai appelé. » Je garde mon regard sur mon verre. « Plus de batterie. » Je lui réponds simplement avant de prendre une nouvelle gorgée. « Tu n’as pas daigné important de m’appeler pour venir te chercher ? Et tu penses que c’est une bonne idée d’être ici alors que tu devrais te reposer ? » Et les voilà, les reproches qui commencent. La voilà la conversation que je voulais éviter. Je soupire. « Pourquoi tu es parti ? » Je tourne alors enfin le visage vers ma meilleure amie qui a ce regard et le visage rempli d’inquiétude. « Parce que j’avais pas envie d’avoir cette conversation. Et que j’avais besoin d’être seul. » Je me renferme, comme je l’avais fait il y a des années, mettant ce masque pour faire croire que tout va bien. Je me renferme et je repousse tout le monde, parce que c’est bien mieux comme cela. « Ecoute Mia, si t’es venu pour les reproches et les regards remplis d’inquiétude, j’ai vraiment pas envie, alors rentre à l’appartement. » Je prends une nouvelle gorgée et replante mon regard sur mon verre qui se vide bien trop à mon goût.

Je suis de mauvaise humeur, je n’ai pas envie de parler et pourtant à partir de la seconde ou ma meilleure amie pose ses fesses sur le tabouret du bar à côté du mien, je sais parfaitement comment cela va finir. Je sais déjà que l’on va se disputer, que l’on va se prendre la tête et je ne suis pourtant vraiment pas d’humeur à cela. J’aurais franchement aimé qu’elle ne me trouve pas, qu’elle ne trouve pas ou je suis mais je sais aussi qu’elle ne va pas abandonner. Je connais Mia par cœur et je sais à quel point elle peut se montrer têtue lorsqu’elle l’a décidé. Elle me demande déjà pourquoi je ne l’ai pas appelé pour sortir de l’hôpital et je lui sors l’excuse du portable qui n’a plus de batteries alors que je l’ai simplement coupé parce que je n’avais pas envie de recevoir des appels. « En effet. » Qu’elle répond froidement mais je n’y prête pas attention. Je bois une gorgée de mon verre, gardant le regard poser face à moi et non sur ma meilleure amie. Lorsqu’elle me demande pourquoi je suis parti je lui dis la vérité. Je n’ai pas envie de parler. « Evidemment… mais je ne te laisserai pas Knox. Pas alors que tu as cette fichue … » Je tourne alors la tête elle, le regard un peu froid. « Leucémie ? Tu peux dire le mot hein, c’est pas comme si c’était contagieux et que tu risquais de l’attraper. » Je dis froidement à mon tour avant de finir mon verre cul-sec et de faire signe pour en commander un autre.

« Non. » Je pousse un soupir. Je savais qu’elle ne voudrait pas rentrer sans moi. « Je ne te lâcherai pas Knox. Je sais que tu vas sûrement me rejeter, que tu vas me détester ou qu’on va faire que se disputer mais pour rien au monde je ne te laisserai tomber. Et je suis désolé de me faire autant d’inquiétudes pour toi. Mais je trouve que c’est déraisonnable que tu sois là ce soir et que tu ai décidé de quitter l’hôpital. » Je me fiche de ce qu’elle trouve raisonnable ou pas après tout, je me fiche vraiment de ce qu’elle pense à ce moment même. Ce n’est pas elle qui doit vivre avec cette merde. « Franchement Mia, je me fous bien de ce qui est raisonnable. » Mais elle n’a pas l’air décidé à me laisser. Sa main se pose sur mon bras. « D’ailleurs, on rentre t’a rien à foutre là. » Elle me tire et, d’un geste sec, je libère mon bras de son emprise. « Tu me casses les couilles Mia, tu le comprends ca ?! » Je lui dis, haussant le ton, debout devant mon tabouret et surement le regard rempli de colère. « Je suis pas un putain de gamin okay ?! Et t’es encore moins ma mère, alors casse toi et fou moi la paix merde. »

« Joue pas au con Knox. » Mais je ne sais pas faire autrement, elle le sait. Ce mécanisme de défense que je ne contrôle pas, cette habitude que j’ai de repousser tout le monde lorsque les choses dans ma vie deviennent trop compliquées. Et a cet instant précis, c’est exactement ce qu’il se passe. Je ne veux pas argumenter avec Mia alors qu’elle ne comprend pas ce que je ressens, elle ne comprendra jamais, tout comme les autres personnes dans ma vie. Comment pourraient-ils comprendront que je n’ai pas envie de repasser les deux prochaines années de ma vie à faire des aller et retours entre chez moi et l’hôpital, à être au fond du trou à cause des traitements et incapable de vivre normalement. Je n’ai pas envie de me retrouver shooter aux cachets, de me retrouver à perdre mes cheveux, à vomir mes trips, mais ca elle ne voudra pas même l’entendre Mia, alors à quoi bon essayer ? Alors je ne réponds pas, je finis mon verre et en recommande un autre, pas décider à rentrer à l’appartement et à subir les regards permanents de pitiés de la blonde qui se tient près de moi.

Je dégage alors mon bras de sa main, un peu violemment et elle semble choquer Mia. Si on se prend la tête de temps en temps, nous n’avons pas vraiment de dispute énorme, pas comme celle qui est en train d’arriver. Alors je lui réponds, loin d’être tendre avec elle, je lui dis la vérité. Elle me fait chier. « Pas moi, pas quand tu mets ta vie en danger ! » Encore une fois, je décide de ne pas répondre, mais elle insiste. Elle est têtue Mia, mais elle ne gagnera pas cette fois-ci. Après tout, ce n’est pas sa vie, c’est la mienne, c’est à moi de décider quoi en faire, à moi de décider si je veux me faire soigner ou non. « Oh vraiment ? donc ça va être comme ça à partir de maintenant Knox ? Tu vas te défiler, tu vas me repousser jusqu’à que je n’en puisse plus et que je te laisse dans ta merde ? Il m’en faudra plus que ça et tu le sais ! » Je la regarde, d’un regard froid, un regard que je ne pense pas lui avoir jamais servit auparavant. Je n’ai jamais été aussi en colère, contre elle, contre moi, contre les médecins, contre le monde entier. « Ouais, c’est exactement comme ca que ca va être. Et tu peux faire ta chieuse autant que tu veux, je changerais pas d’avis. » Je me rassois sur le tabouret du bar et prends une gorgée du verre devant moi. « J’en ai rien à foutre, tu peux me dire ce que tu veux je ne te ficherai pas la paix. Je ne veux pas que tu baisses les bras Knox. Pourquoi tu as quitté ce putain d’hôpital ?! Tu dois te faire soigner… » Moi qui pensais ne pas pouvoir être plus en colère, me voilà pourtant encore sur le cran au-dessus. « Et pourquoi hein ? Pourquoi je devrais me faire soigner ?! » Je me tourne vers elle le regard noir. « C’est pas toi qui va passer les deux ans qui arrive dans ce putain d’hôpital. C’est pas à toi qu’on va trouer la peau pour y foutre des produits qui vont te rende malade. Pas toi qui vas vomir tes trips, perdre tes cheveux, ne quasiment rien pouvoir faire de tes journées à cause de ces putains de traitements ! C’est pas TA PUTAIN DE VIE Mia. » Je reprends mon souffle. « Et pour quoi hein ? Pour qu’on me dise que le traitement ne marche pas, qu’il faut qu’on essaye plus fort et que je sois encore plus malade ? Non. Je veux pas de ce putain traitement et encore moins de tes remarques à la con. C’est pas à toi de décider ce que je dois faire. Alors arrête de penser à ce que TOI tu VEUX et pense un peu à moi okay ?! Alors maintenant dégage et fou moi la paix. »

« Parce qu’il faut que tu te battes Knox ! » Elle ne comprend pas, elle ne pourra jamais comprendre, ou alors elle n’en a pas envie, je n’en sais rien. Je suis en colère, j’ai envie de lui hurler dessus, envie de hurler sur tout le monde, j’ai envie qu’on me foute la paix, envie que l’on ne prenne pas des décisions pour moi sans même me demander mon avis. À quoi bon se lancer dans tout ca, se lancer dans des semaines de traitements alors que je peux simplement vivre à fond pour le temps qu’il me reste, aussi court ou long qu’il soit. Mais ca elle ne le comprendre jamais Mia, alors elle essaye de me faire changer de décision, elle essayera sûrement de me convaincre que je suis égoïste, que je devrais penser à ma mère, à mon frère et ma sœur, ou même à elle, mais personne ne pense à moi dans tout cela, de ce que je veux réellement. Alors je m’énerve une fois de plus contre la blonde. « Knox tu ne peux pas renoncer comme ça… » Et pourtant c’est exactement ce que je vais faire, exactement ce que j’ai décidé. Je ne peux pas passer les mois qui arrivent au fond d’un lit d’hôpital, il en est hors de question.

« Parce que tu penses que je fais quoi là ? Que je pense qu’à ma gueule ? Que je ne me soucie pas de ta vie à TOI ? A ton bien ? Tu penses vraiment qu’en ne te soignant pas tu vas aller mieux ? Qu’est-ce que tu espères à la fin Knox ? Que tu sois miraculeusement guéri ? Dis-moi c’est quoi la suite alors ? » Je ne réponds pas, parce que la vérité, le fond de ma pensée ne va pas lui plaire du tout. Je sais qu’elle a les larmes aux yeux, je sais qu’elle est sur le point de craquer. « Regarde-moi Knox ! » Je soupire et tourne la tête vers elle. « Je veux que tu prennes le temps d’y réfléchir. Que tu ne prennes pas cette décision à la hâte. Putain Knox, je t’en supplie, n’abandonne pas… » Je déteste la voir pleurer, mais je lui en veux, de ne pas essayer de comprend mon point de vue. « La décision est déjà prise Mia. » Je reporte à nouveau mon regard vers mon verre à moitié vide. « Je préfère vivre à fond les quelques mois ou années que j’ai plutôt que de les passer entre l’hôpital et mon lit. » J’ajoute, le ton toujours sec et me renfermant complètement au dialogue. « Si tu peux pas respecter cette décision, alors je suis désolé pour toi. » Et comme pour achever les choses je finis par ajouter une dernière chose. « J’vais partir de l’appart, comme ca t’auras pas à regarder ca vu que tu veux pas le voir. » Et je finis mon verre cul-sec. Je dépose un billet sur le bar, et sans un regard pour Mia, je quitte le bar. Elle ne me fera pas changer d’avis.

Je ne veux plus argumenter avec Mia, je ne veux plus avoir à me justifier, alors je baisse le ton, restant pourtant sec. Je lui dis des choses qu’elle n’a pas forcément envie d’entendre mais je n’ai pas envie que cela dure trois plombes, je n’ai pas envie de devoir encore défendre ma décision pendant des heures. « Essaye au moins… » Elle essaye, encore une fois, de me dissuader de baisser les bras, mais c’est à mon tour d’être clair, de lui dire une bonne fois pour toute. C’est donc aussi pour cela que je prends la décision de quitter l’appartement, de lui annoncer que je vais partir et je finis par me lever et quitter le bar, sans un regard pour elle.

****

J’ai déposé ma valise sur mon lit et j’ai commencé à vider mon armoire de mes affaires lorsque j’entends la porte d’entrée s’ouvrir. Mia est de retour. Je n’ai pas été assez rapidement pour partir avant qu’elle ne revienne et je sens qu’elle va revenir à la charge, qu’elle va tenter une nouvelle fois et je n’en ai pas la force. Je l’entends entrer dans ma chambre, mais je ne dis rien, continuant de mettre des affaires dans ma valise. « Alors c’est ça la solution ? Tu abandonnes ? Ton corps, ta santé, ta famille… moi ? » Je me mords la lèvre, parce que si je prends la parole, je sais que je vais être méchant, que je vais vraiment la blesser personnellement et je n’en ai pas envie. Elle est ma meilleure amie, je l’aime Mia, mais des fois elle est trop sur mon dos et ca me fatigue, et aujourd’hui c’est le cas, beaucoup trop le cas. « ARRETE ! » Elle saisit la pile de vêtements que j’ai dans la main et la lance sur le lit. « T’es lâche d’abandonner comme ça Knox ! » « Peut être. Peut-être que je suis lâche mais toi tu es étouffante. Tu le comprends ca ? T’es pas ma mère et pas ma copine non plus et très franchement, venir vivre ici, t’avoir sur le dos toute la journée, c’était une grosse erreur. » Je deviens blessant, je l’attaque personnellement, je le sais mais je n’en peux plus. « Avant de te mêler de ma vie tu devrais t’occuper de la tienne Mia. Tu t’es jamais dit qu’il y a raison pour que t’attire que des cons ? Pour que ton père se soit barré ? Parce que peut être que c’est toi le soucis. » Ouch, c’est petit ca Knox, c’est petit et méchant. « Maintenant, je vais finir cette putain de valise et je vais dégage comme ca t’auras plus à voir ma gueule de lâche comme tu dis si bien. » Je reprends la pile sur le lit et viens la mettre dans la valise avant de la fermer. Je viens mettre mon portable dans ma poche et récupère ce qu’il me faut.

Je sais que je lui fais du mal, je sais que je ne devrais sûrement pas dire ce genre de chose, que je devrais me taire, mais j’en suis incapable. Je suis incapable de me retenir parce que je sais que c’est le seul moyen pour qu’elle me laisse partir. Je ne veux pas lui faire du mal, mais je ne peux pas non plus retenir mes pensées, retenir mes paroles. Alors je déballe tout, sans me retenir et je vois le visage de Mia se décomposer au fur et à mesure. Je touche les points sensibles, les points qui font mal mais je suis encore trop en colère, trop énervé pour faire attention à l’impact de ce que je dis. « Je t’interdis de dire ça. » Qu’elle finit par dire froidement. Je sais que je n’ai pas le droit de lui dire ce genre de chose, mais je ne peux plus retenir les choses, c’est trop tard. Je finis ma valise, glisse mon téléphone dans la poche de mon short et attrape un sac pour m’avancer vers la porte d’entrée. Je ne sais même pas ou aller, je ne sais même pas ou je vais dormir parce que je ne peux pas aller voir ma famille et que personne n’est encore au courant que je suis malade. Je n’ai pas envie que les gens sachent, que les gens aient pitié. Je trouverais bien, au pire je dormirais dans ma voiture quelque temps. « Ne pars pas Knox… Pas toi. » Sa main se pose sur la mienne, pour tenter une dernière fois de me retenir. Je sais qu’elle est sur le point de pleurer, je sais que j’ai été trop loin, mais elle sera bien mieux sans moi, c’est comme ca. « Désolé. » Je murmure doucement avant de dégager ma main de la sienne et de passer la porte. C’est mieux ainsi, c’est que je ne cesse de me répéter. Elle n’a pas besoin de moi après tout, absolument pas besoin de moi.

- FINI -