Une invitation à venir patiner est tout ce que Charlie ne pouvait pas venir refuser. Elle a bien trop besoin de se changer les esprits pour refuser une quelconque sortie, à vrai dire, mais si cela peut être fait en compagnie d’amis alors elle ne pense pas un seul instant à leur apporter une réponse négative. Ils sont toujours une présence réconfortante dans sa vie et rares sont les personnes qu’elle peut se vanter de connaître depuis autant d’années, il ne lui vient donc pas à l’esprit de refuser de passer quelques précieuses heures en leur compagnie. D’autant qu’elle sait à quel point ses amis aiment le patin, ce serait un véritable sacrilège de lui refuser une opportunité de s’amuser alors qu’ils ont sûrement tout préparé en amont - et par “tout”, Charlie entend surtout qu’ils ont dû trouver la motivation pour sortir de leur lit. Et en effet leur présence aura été réconfortante pendant de nombreuses heures, mais lorsqu’ils décident que le temps est venu pour eux de rentrer, Charlie décide de plutôt rester quelques instants de plus pour profiter de la patinoire et de l’équilibre qu’elle semble avoir réussi à - miraculeusement - gagner.

Ce qu’elle n’a pas réussi à gagner, par contre, c’est une quelconque capacité d’attention et lorsqu’elle semble entendre un « Virgil regarde devant toi, tu vas rentrer dans les gens. », il est déjà trop tard pour la jeune femme qui rentre presque aussitôt en collision avec la poussette d’une jeune tête blonde. “Oh, pardon, c’est ma faute. Je regardais ailleurs.” Elle anticipe déjà les reproches qui pourraient être assénés au plus jeune et après s’être excusé tant auprès de son père que dudit Virgil, elle s’abaisse à la hauteur du garçonnet pour s’assurer qu’il ne s’est pas fait mal dans la collision. Aucun des deux n’allait vite mais tout de même, un accident est rapidement arrivé. Elle ne peut de toute façon pas contrôler son instinct maternel un brin sur-protecteur dès lors qu’il s’agit d’enfants, qu’ils soient les siens ou non. “Virgil, c’est ça ? Tu as un très joli nom. Tu vas bien ?” D’elle même, elle vérifie que ses mains ne se soient pas coincées dans les poignées de la poussette ou qu’il ne se la soit pas prise sur le front ou nulle part ailleurs. Puisque aucun incident ne semble être à signaler, elle commence à se calmer un petit peu et à laisser son rythme cardiaque reprendre un rythme à peu près normal. “J’ai hésité à en prendre une quand je suis arrivée, la tienne est très jolie. C’est ta couleur préférée ?” Elle ne ment pas en réalité, elle a réellement hésité à prendre elle aussi une aide pour patiner, quand bien même elle a déjà vingt quatre ans et qu’elle est (supposée être) capable d’avancer un pied devant l’autre sans tomber.
Il est bien plus facile pour elle de faire la conversation au plus jeune plutôt que de risquer de rencontrer le regard sans doute agacé de son paternel. Désolé, papa de Virgil.

Le garçonnet ne met pas longtemps avant de laisser des larmes de crocodiles couler sur ses joues roses et des plaintes s’échapper de ses lèvres fines. « J'ai mal au genou » Voyant son père s’empresser de venir éponger les larmes du garçon, Charlie ne peut s’empêcher de sourire brièvement. L’adulte a l’air d’être un bon parent et puisqu’elle doute elle-même encore en être une, elle est au moins rassurée que d’autres bambins soient mieux lotis à ce niveau-là. Le geste a été aussi doux qu’instinctif, et c’est tout ce qui importe. A son tour, elle agit comme la parfaite seconde partie de leur duo improvisée et tente de détourner l’attention de la jeune tête blonde, lui demandant par la même occasion si ce n’est pas une douleur qu’un baiser magique pourrait quelque peu apaiser, ce à quoi il répond de la positive.

Après les plaintes viennent déjà les remarques crues, lesquelles Charlie ne prend absolument pas mal. « Tu es trop grande pour avancer avec cela, c'est pour les enfants » Le rire qui s’ensuit est bref mais doux et instinctif. En effet, il a raison de dire qu’elle a largement passé l’âge et le franc-parler des enfants continuera toujours de l’épater. Avec eux au moins, à ce niveau-là en tout cas, il n’y a pas de quiproquo à avoir. “Mais regarde, tu es bien plus doué que moi pour patiner.” Elle ajoute un clin d'œil pour marquer un peu plus ses propos. « Ma couleur préférée, c'est le jaune mais il y en avait pas de cette couleur » Le jaune, c’est aussi la couleur que préfère Aaron en ce moment. Il a des phases changeantes, mais le rouge n’est plus sa préférence depuis de longues semaines déjà - et dans la vie d’un bambin d’un an à peine, chaque semaine a son importance, surtout alors qu’elle ne les vit que par procuration. « Ça va papa, j'ai pas mal. Je peux continuer ? » L’enfant remis sur pied, Charlie se garde bien d’ajouter quoi que ce soit et laisser plutôt au père jouer le rôle qui est le sien. Cette fois-ci, elle n’a absolument pas à intervenir, cela ne la regarde pas.

« Désolé pour mon fils, il ne regarde pas toujours bien devant lui. » - “Non, vraiment, ce n’est pas grave. La faute est partagée.” Elle ne s’est pas blessée et l’enfant non plus, c’est tout ce qui importe. Cela ne sert à rien que l’un ou l’autre se perde en excuses jusqu’à la fin des temps. A peine parti, voici l’enfant qui revient vers Charlie, laquelle vient apparemment de gagner le titre temporaire de “meilleure amie” - quelle chance. « Tu viens avec moi ? Je te la prête si tu veux. » Incapable de refuser, elle hoche de la tête tout en égayant son visage d’un immense sourire. Pour ne pas vexer Virgil, elle pose une mains sur la poussette et mime de s’y retenir pleinement alors qu’en réalité elle tient de son propre équilibre et tente au mieux de ne pas gêner le plus jeune dans ses mouvements. “Vous venez ? C’est quoi votre nom, au fait ? Je suis Charlie.” Innocente, elle est bien trop heureuse de partager cette journée avec un enfant pour laisser aucune ombre venir s’ajouter au tableau. De même qu’elle sait bien trop à quel point les instants passés avec ses enfants sont précieux pour venir en dérober de précieuses secondes et autres minutes au père de Virgil.

Loin d’elle l’envie de vouloir dérober l’enfant d’un autre mais puisque le petit Virgil lui a proposé une virée sur la glace, il aurait été malvenu de refuser et de lui sortir n’importe quelle excuse qu’elle aurait pu trouver. La blonde est bien trop heureuse de passer du temps en compagnie d’enfants - même ceux qui ne sont pas les siens - pour pouvoir remettre à plus tard ce genre d’instants. Elle se dit que si elle n’avait finalement pas choisi sa voie dans la police, elle aurait fini par le faire dans l’éducation ou bien dans un domaine lié aux plus jeunes. Avant de devenir mère ce n’était en rien une évidence mais aujourd’hui personne ne peut le nier : elle aime les enfants plus que tout.

« Avec plaisir » Et à son tour, elle est sincèrement heureuse de voir sa proposition acceptée sans plus de cérémonies. Patiner un instant avec deux personnes qu’elle ne connait ni d’Eve ni d’Adam ne semble pas aussi bizarre que ça pourrait en avoir l’air aux yeux d’autrui. A vrai dire, force est de constater que l’esprit de la blonde est toujours quelque peu biaisé pour pouvoir tendre vers une réalité qui l’arrange. « Je m'appelle Jax. » Elle hoche de la tête pour lui faire comprendre qu’elle a entendu, même si toute sa concentration va à essayer de ne pas tomber et ne surtout pas entraîner le garçon à sa suite - pas une seconde fois, tout de même. “Original. Ça vient d’où ?” Curieuse, toujours curieuse. N’importe quel sujet est question à des demandes de davantage de précision, elle a toujours soif de tout connaître. « Vous êtes venu seule ? » Elle pourrait dire qu’il vaut mieux venir seule lorsqu’on prévoit de kidnapper des enfants mais sans doute que la blague serait quelque peu malvenue, n’est ce pas ? Au lieu de ça, Villanelle préfère encore se contente de la plate vérité pour ne pas se faire arrêter par la police (ses collègues, donc, quelle ironie). “Je suis venue avec des amis mais ils sont déjà rentrés. Je voulais profiter un peu plus.” La patinoire n’est jamais en place assez longtemps à ses yeux et chaque heure est précieuse, surtout pour une éternelle enfant dans son genre qui s’amuse maintenant à faire réaliser quelques figures par Virgil, sans jamais lâcher ses doigts pour autant. “C’est lui qui a insisté pour venir, n’est ce pas ? Il a un air espiègle.” A ses yeux, c’est tout sauf un reproche. Loin de là.