| joassan + until my heart is black and blue |
| | (#)Lun 21 Déc 2020 - 10:48 | |
| UNTIL MY HEART IS BLACK AND BLUE | |
Entre la pile de livres empruntés à la bibliothèque universitaire, les documents trouvés sur le net qu'elle avait du imprimer, ses notes personnels bondés de griffonnages et de phrases surlignés, son ordinateur portable, ses clés USB et son disque dur externe,la matière de la surface que composait le bureau de Joanne qu'on lui laissait à disposition à l'université n'était même plus visible. Marius avait su lui dénicher cette petite pièce jusqu'ici inutilisée, afin qu'elle puisse aussi travailler tranquillement sur sa thèse à l'université. Le professeur se montrait d'un très grand soutien, en dépit de ses problèmes personnels. Il était prêt à l'aider pour n'importe quoi, usant de ses avantages pour épauler Joanne coûte que coûte. Elle lui en était vraiment reconnaissante. Comme sa directrice de thèse, le Dr. Bubenik, le lui avait suggéré, Joanne avait pris contact avec quelques professeurs ou docteurs en histoire, spécialisé dans la Renaissance, afin de leur faire une demande de co-direction de thèse. Pour cela, elle avait du peaufiné sa note de recherches, revue et corrigée maintes fois par Bubenik, avant d'avoir son aval pour l'envoyer aux dits érudits italiens. Une étape stressante pour Joanne, ignorant totalement si l'un d'eux allait être réceptif à sa demande. Une Australienne qui se mêle de l'Histoire de l'Italie. Cela pourrait semblait bien ridicule pour certains mais Joanne avait su fournir une note qu'elle estimait être de qualité (et qu'elle le pense, en soi, était assez inédit) et elle espérait que l'un d'eux en était convaincu. En parallèle, elle avait également pris contact à l'un des chercheurs travaillant assidument sur les tableaux de Celso, grâce aux coordonnées que Jamie avait bien voulu lui donner, afin de l'aider à son tour dans son travail. L'Italien lui avait répondu avec une rapidité qui avait pris la jeune femme de court. Il se montrait particulièrement enthousaiste à l'idée de collaborer avec elle et échangeait depuis régulièrement des mails pour faire part de leur travail respectif. En plus de tout de cela, Joanne devait continuer d'être maman, conservatrice et... en instance de divorce. Se plonger dans ses recherches lui servait d'échappatoire, mais au point de trop s'oublier. Ses nuits n'étaient pas véritablement reposantes, les aliments qu'elle ingérait ne lui semblait guère appétissants, alors qu'ils l'étaient. Le matin là, Joanne prévoyait de réviser un petit peu les cours qu'elle donnait aux étudiants ayant déjà bien avancé dans leur cursus. Il y avait toujours des éléments à réajuster, des informations à ajouter ou à renouveler. Un travail qui demandait, lui aussi, un petit peu de temps et c'était pour cela qu'elle y consacrait la matinée afin de préparer la rentrée des étudiants. Car il s'agissait là de la pré-rentrée des différents professeurs, dont la plupart était présents. Au courant de la matinée, Joanne s'était rendue à la salle des professeurs pour s'y faire chauffer de l'eau. Elle restait dans sa bulle, le regard vidé, alors qu'elle préparait machinalement une tasse et le thé qu'elle avait ramené de chez elle. La blonde ne se mêlait que très rarement aux autres, ne s'estimant pas faire partie de la bande qu'ils semblaient formés. Elle n'était là que ponctuellement en semaine et elle ne s'attardait ici que lorsqu'elle discutait avec les quelques personnes qu'elle connaissait et qui travaillaient là. Hassan la fit légèrement sursauter lorsqu'il la salua. L'échange avait été relativement bref; tous les prétextes étaient bons pour ignorer l'éléphant dans la pièce. Puis, tout naturellement, son premier ex-mari lui proposait de déjeuner ensemble, dans l'un des petits restaurants avoisinants le campus. Joanne accepta très volontiers, avec un sourire sincère avant que chacun ne retourne à son labeur. Ils se retrouvèrent donc devant le Shalom, le restaurant aux spécialités indonésiennes. Elle reconnut facilement la silhouette d'Hassan, qui l'attendait juste devant. "Hey." lui souffla-t-elle avec un sourire timide. En attendant qu'une serveuse ne s'approche d'eux afin de leur attribuer une table, la petite blonde s'adressa à Hassan. "Merci encore de m'avoir proposée de manger ensemble." Un peu de compagnie ne lui ferait pas de mal. "Ca tombe plutôt bien, j'avais oublié de me ramener de quoi manger." Un demi-mensonge, à vrai dire, car Joanne n'avait pas véritablement faim à midi, ces derniers temps. On les plaçait à l'intérieur; où l'air ventilé était plus que la bienvenue, même pour une Joanne qui était d'un naturel frileux. Joanne commandait un thé glacé pour commencer et laissait le brun choisir à son tour. L'employée leur avait laissé les menus à disposition avant de s'éloigner. "Ca va, de ton côté, la préparation pour la rentrée ?" lui demanda-t-elle afin d'engager une conversation facile à tenir. "Tu occupes déjà ton poste de doyen ?" Il avait pris son temps pour donner une réponse à la direction, car il avait tenu à laisser mûrir l'idée suffisamment longtemps pour être sûr de lui. "Ce n'est pas trop stressant ?" Elle l'était pour lui, en tout cas. Nerveuse, mais immensément fière. Elle maintenait qu'elle le trouvait parfait pour ce rôle. Elle peinait à se faire une idée exacte de toutes les responsabilités qui s'y associaient. Entre Marius et lui, elle avait l'impression de voir tout son entourage faire une ascension dans leur carrière. Elle était heureuse pour eux.
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| | | | (#)Lun 1 Fév 2021 - 13:47 | |
| Plus les jours étaient passés et plus Hassan avait vu le programme de sa journée s’étoffer, à tel point que lorsqu’il avait déposé les enfants de Qasim chez les parents Khadji ce matin-là, il n’avait pas eu de réponse ferme et définitive à apporter à Fatima lorsqu’elle lui avait demandé s’ils devaient l’attendre pour dîner le soir venu. Il espérait bien être rentré à temps (et pas uniquement parce que la marocaine avait tenté de le prendre par les sentiments en lui promettant des sfenj pour le dessert) mais si faire une journée à rallonge lui permettait de caser toutes les choses qu’il avait à faire et toutes les personnes qu’il avait à voir d’un seul bloc et de pouvoir profiter plus tranquillement du reste de ses vacances et de la présence de ses neveux, sans doute était-ce un mal pour un bien. Se fendant d’un « Soyez sages tous les deux, ne fatiguez pas trop l’oncle Amjad et ne faites pas tourner votre tante Fatima en bourrique. » tranquille, il avait ébouriffé une dernière fois la tignasse de Mehdi et piqué un baiser sur la joue de Reda avant de le reposer sur le sol. Seule Ava manquait à l’appel, s’étant fait une copine dans le quartier et ayant gracieusement été invitée par les parents de cette dernière à passer la journée à la plage avec eux. De retour chez lui le brun avait vérifié une dernière fois que ses deux chiens avaient assez d’eau pour tenir jusqu’à la fin de la journée, et récupérant ses affaires il avait enfourché sa moto et pris la direction de Toowong en listant mentalement par ordre de priorité les choses qu’il avait à faire avant sa première réunion de la journée. Il aurait volontiers fait l’impasse sur le petit-déjeuner organisé pour les membres de l’administration, s’il n’était pas entièrement contre les mondanités à petite dose son planning de la journée était suffisamment chargé en choses moins triviales, mais il ne pouvait décemment par faire faux-bond alors même qu’il inaugurait pour la première fois de façon officielle sa casquette de doyen. Après avoir déposé ses affaires dans son tout nouveau bureau, il avait donc fait un passage réglementaire dans la salle de réunion réquisitionné pour l’occasion, avait serré quelques mains et englouti quelques mignardises ainsi qu’un gobelet de café ne faisant que confirmer une fois encore sa préférence pour le thé, puis il s’était éclipsé pour retrouver les nouveaux chargés de TD de sa filière à qui il avait donné rendez-vous dans une autre salle. La plupart avaient fait toute ou une partie de leur scolarité à l’UQ, certains avaient étaient encore ses élèves l’année précédente, et seule une minorité d’entre eux avaient besoin qu’on leur fasse faire un tour du propriétaire – chose pour laquelle deux ou trois d’entre eux s’étaient portés volontaires. Au bout du compte, son rendez-vous avec Doune MacDonald – professeur honorifique, membre du conseil d’administration de l‘université, et déjà enseignante à l’époque où Hassan n’était qu’un étudiant incertain quant à son avenir, pour ne citer qu’une partie de ses nombreuses casquettes – avait été la partie la plus détendue de sa matinée, entrecoupée de sa rencontre avec Joanne dans la salle de repos des professeurs et de la proposition qu’il lui avait faite de déjeuner ensemble. S’ils avaient un peu échangé par texto la blonde et lui n’avaient pas eu l’occasion de se revoir depuis la fin de l’année scolaire, et Hassan avait jugé préférable de la laisser gérer ses propres … problématiques. Il s’inquiétait pour elle, rien de nouveau sous le soleil mais c’était un fait, cependant il n’avait pas pour projet de profiter de ce repas pour l’ensevelir sous les questions – il avait simplement envie de passer un peu de temps avec elle. Lunettes de soleil sur le nez, il était arrivé le premier devant le Shalom dont la terrasse était pratiquement déserte du fit de la chaleur, bientôt rejoint par la jeune femme et tous les deux pénétrant à leur tour dans le restaurant. « Merci encore de m'avoir proposé de manger ensemble. Ça tombe plutôt bien, j'avais oublié de me ramener de quoi manger. » Se laissant l’un et l’autre guidés jusqu’à une table par l’une des serveuses, Hassan avait répondu à la remarque de Joanne par un clin d’œil amusé et un « Faut croire que je tombais à pic. » avant d’acquiescer lorsque, après avoir demandé à Joanne ce qu’elle souhaitait boire, la même serveuse avait demandé à Hassan s’il prendrait un thé vert – il venait souvent, et prenait toujours un thé vert. Laissés en tête-à-tête, les deux ex-époux s’étaient chacun saisi d’un menu et la blonde la première avait questionné « Ça va, de ton côté, la préparation pour la rentrée ? Tu occupes déjà ton poste de doyen ? » avide, déjà, de tenir la conversation aussi éloignée d’elle que possible. « C’était déjà le cas depuis le début de la période des examens, officieusement. » avait alors indiqué Hassan d’un ton prudent, ayant préféré le garder pour lui aussi longtemps que possible – autrement dit jusqu’à ce que le officieusement devienne un officiellement. « Mais ça se passe bien oui. J’ai officiellement changé de bureau et de place de parking, et c’est entièrement pour ça que j’ai accepté le poste à la base. » Laissant échapper un léger rire, il avait préféré s’en tenir à des constatations un peu futiles, sur lesquelles il était plus simple de plaisanter. Mais elle les connaissait trop bien, Joanne, lui et sa tendance à utiliser l’humour pour masquer sa nervosité. « Ce n'est pas trop stressant ? » L’air un peu circonspect face aux petits caractères de son menu, le brun avait laissé la question de la jeune femme en suspens quelques instants et chaussé sa paire de lunettes avant d’admettre « J’ai presque pas dormi cette nuit. » Alors stressant ? Évidemment. « J’ai envie de bien faire, mais en même temps je ne veux pas avoir l’air d’en faire trop … Et il va me falloir un peu de temps pour vraiment intégrer le fait que mon rôle ce n’est plus de faire remonter les problèmes, c’est de régler les problèmes qu’on me fait remonter. » C’était un peu comme devenir adulte une seconde fois … ou comme passer du camp des étudiants à celui des enseignants. Et d’ailleurs, la veille de son premier cour non plus il n’avait pas fermé l’œil, Joanne était on ne peut mieux placée pour le savoir. « Et toi alors, tes recherches avancent ? T’avais l’air totalement perdue dans tes pensées en salle des profs tout à l’heure. Marius a réussi à te trouver un bureau ? » Les places étaient chères et il fallait parfois un peu jouer des coudes, surtout lorsque l’on ne justifiait pas d’un poste d’enseignant à temps plein, mais il y avait toujours moyen de s’arranger en insistant un peu.
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| | | | (#)Mar 16 Fév 2021 - 13:29 | |
| UNTIL MY HEART IS BLACK AND BLUE | |
Douce ironie, que d'aller déjeuner avec son premier ex-mari alors qu'elle était en plein instance de divorce pour son second mariage. Bien que conscient de la situation, Hassan restait fidèle à lui-même, avec son sourire et ses remarques taquines. Il n'avait connaissance que des généralités, non de la complexité de la situation ni de la façon dont la blonde le vivait au quotidien. Il devait probablement s'en faire un petite idée, les dix années de vie commune lui ayant permis de la cerner comme personne. Une fois les boissons commandées, la jeune femme entama rapidement la conversation, désireuse d'en apprendre plus sur l'avancée professionnelle d'Hassan. "Depuis le début des examens, vraiment ?" rebondit-elle, surprise qu'il ait pu occuper son nouveau poste aussi rapidement. Elle esquissa l'ombre d'un sourire amusé lorsqu'il usa une nouvelle fois de son humour. "Et le bureau doit être plus grand et la place de parking bien mieux situé qu'auparavant, je suppose." rétorqua-t-elle. Ses mains étaient posées sur ses propres genoux, ses doigts étaient un peu nerveux. Elle était presque tentée de jouer avec, comme elle pouvait le faire parfois. A se demander qui était le plus nerveux des deux. "Tu vas exceller dans ce rôle, Hassan." lui dit-elle, avec la douceur naturelle qu'on lui attribuait si facilement. "Les étudiants et l'ensemble de l'équipe ont véritablement beaucoup de chance de t'avoir." Elle en était persuadée et il n'y avait rien qui pourrait remettre en question cette affirmation. Joanne désirait tout de même savoir où en était son niveau de stress, car elle le savait présent. Hassan était pris d'insomnie tant il appréhendait les responsabilités liées au rôle d'un doyen. Du Hassan typique. Elle se souvenait très bien de ces nuits blanches qu'il faisait la veille de journées significatives. Ayant toujours eu le sommeil léger, elle avait à l'époque senti qu'il restait réveillé et s'efforçait de le rester avec lui. Si elle ne parvenait pas à le rassurer, à l'apaiser, alors elle restait réveillée ne serait-ce que pour lui tenir compagnie, lui faire ces gestes de tendresse qu'elle avait tant aimé lui faire. Joanne le regardait d'un air inquiet. "C'est vrai que tes fonctions changent, mais tu n'es pas moins capable qu'un autre de les résoudre, ces problèmes." Il était qu'il était bien plus facile de pointer du doigt ce qui n'allait pas plutôt que de se donner l'effort de trouver des solutions. "De nous deux, tu as toujours été celui qui savait quoi faire, qui relativisait, qui rassurait. Certes, c'était dans un autre contexte, mais je pense que tu peux facilement le retranscrire dans ce nouveau rôle." Il avait la maturité et l'expérience nécessaires. Hassan devait encore s'accoutumer à son élévation mais il était compétent et saurait prendre les meilleurs décisions, aussi difficiles pouvaient-elles être parfois. Rapidement, le brun dévia la conversation afin de la centrer sur son ex-épouse. "Je..." Elle se sentait presque prise de court. Elle avait pourtant matière à rebondir sur les sujets qui le concernaient lui, mais alors, parler d'elle... Bon, il ne s'agissait là que de ses recherches, sujet pour lequel elle pouvait s'étendre durant des heures. "Oui, elles avancent bien. Je dois organiser un premier voyage en Italie pour cet automne, j'espère. Histoire de voir l'avancée de la restauration des tableaux faisant l'objet de mon étude et de pouvoir rencontrer des professionnels sur place. Je suis déjà en contact avec un chercheur." Jamie lui avait donné ses coordonnées et la jeune femme échangeait depuis très régulièrement avec le scientifique italien, qui était au moins aussi passionné qu'elle. "J'avance plus lentement que je ne l'espérais, mais... J'avance." affirma-t-elle d'un sourire pincée. La serveuse arrivait ensuite avec les boissons commandées, Joanne la remercia. Elle s'éclaircit ensuite la voix pour répondre à la deuxième question qui lui avait été posée. "J'étais ailleurs, oui." dit-elle d'un rire nerveux. "J'ai beaucoup de choses à penser en ce moment, je m'y perds facilement." reconnut-elle, faisant principalement allusion à tous ses impératifs professionnels. Car Joanne était une personne qui aimait naturellement être dans sa bulle et ce phénomène était majoré depuis plusieurs mois. Cela ne la faisait que s'isoler davantage des autres alors qu'elle aurait probablement besoin d'un peu plus de compagnie. Mais sa réaction avait été très similaire après qu'Hassan lui ai demandé le divorce. Il n'y avait, durant cette période, que Sophia qui parvenait à lui arracher quelques mots, et encore. Joanne pensait que sa compagnie n'était pas la bienvenue du fait de son moral en bernes et préférait garder son ressenti pour elle. Bien que visible pour certains, l'on ne parvenait pas à véritablement estimer sa souffrance au quotidien. "Et oui, Marius a réussi à me trouver un petit bureau. Il tient à m'aider autant que possible pour jongler entre le boulot et le doctorat et je ne pouvais pas mieux rêver que d'avoir également un petit endroit ici où je peux travailler dans le calme." Jusque là, Joanne restait dans la salle de cours où elle enseignait ou dans la salle des professeurs qui elle, se voulait bien plus bruyante. Des conditions peu propices au travail, en somme. "Je fais au mieux pour me dégager du temps au musée aussi pour avancer dans mes recherches." Il était inutile de préciser que ses journées s'étaient considérablement rallongées. "Ma thèse va être co-dirigée. La directrice actuelle pense qu'il serait judicieux qu'il y ait également un historien spécialisé en Renaissance Italienne pour valider mon sujet de thèse et mes arguments. Du coup elle m'a demandée de rédiger une nouvelle note de recherche, plus précise que je puisse présentement face à face durant ce premier voyage en Italie. C'est pour ça que j'aimerais que ce soit le plus tôt possible, afin que je puisse continuer avec tous les éléments nécessaires en ma possession." expliquait-elle alors. "C'est... stressant." Et c'était peu dire. La pression que Joanne se mettait était gigantesque. Encore plus que lorsqu'elle avait rédigé son mémoire pour valider la fin de ses études. "Mais j'essaie de me dire que ça ne peut qu'être plus gratifiant d'être validée par les professionnels en Histoire de l'Art et en Histoire alors... Je me dis que le jeu en vaut la chandelle." Ses efforts permettraient potentiellement de belles avancées dans son domaine. Joanne ne réalisait pas à ce jour l'impact qu'elle pourrait avoir, elle n'imaginait pas un seul instant pouvoir avoir la validation et l'approbation de personnes qu'elle admirait depuis toujours. Inclure un historien dans la direction de sa thèse lui avait fait réalisé qu'elle allait devoir redoubler d'effort. Peut-être qu'au fil de la construction de l'exposition et de l'argumentaire qu'elle formerait autour de celui-ci, elle finirait par le réaliser vraiment. Peut-être. Un si petit bout de femme capable de chambouler une partie du courant de l'Histoire.
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| | | | (#)Sam 3 Avr 2021 - 13:37 | |
| Quelque part il s’agissait de l’ordre des choses. Dès l’instant où Hassan avait mis un pied dans le monde de l’enseignement et s’était découvert une véritable vocation pour la chose, il avait été clair que le fauteuil de doyen de sa filière était un objectif qu’il espérait pouvoir atteindre. Peut-être était-ce d’avoir consacré autant d’années de sa vie à un sport collectif, mais le brun avait toujours été du genre à se fixer des objectifs et à voir plus loin que la ligne d’arrivée. À une époque ce besoin de se challenger avait été assouvi par son investissement de plus en plus régulier auprès d'Amnesty International, puis quelques années plus tard et à un tournant de son existence par le défi que représentait l’offre que lui avait fait ABC. Aujourd’hui ces deux casquettes supplémentaires avaient trouvé leur rythme de croisière, et aussi terrifiante qu’était l’idée de se hisser plus haut dans la hiérarchie de l’université, Hassan s’était laissé séduire par ce besoin de relever un nouveau défi – et de donner un sens supplémentaire à sa vie, lui dont l’épanouissement ne passait désormais plus que par le biais professionnel. Saisissant sans mal la perche tendue par sa plaisanterie, Joanne avait rebondi aussitôt « Et le bureau doit être plus grand et la place de parking bien mieux situé qu'auparavant, je suppose. » et le brun avait pointé un index dans sa direction pour indiquer qu’elle avait tout juste. « Ceci étant dit, je ne pensais pas dire ça mais je crois que mon placard à balais me manquera un peu … Je m'y étais habitué. » Depuis le début de sa carrière de professeur, ce minuscule bureau du troisième étage avait été le sien. Avec le temps il était devenu une espèce de cocon, rassurant et rempli de souvenirs, dont certains même concernaient également Joanne. Ce grand bureau dans lequel il avait déposé ses affaires ce matin-là l’intimidait en revanche encore un peu … Mais il s’y ferait, comme au reste. « Tu vas exceller dans ce rôle, Hassan. Les étudiants et l'ensemble de l'équipe ont véritablement beaucoup de chance de t'avoir. » lui avait en tout cas assuré Joanne avec douceur, avant de pointer – très justement – du doigt le stress dont devait se douter qu’il était atteint. S’il y avait bien un domaine dans lequel Hassan refusait de ne pas être à la hauteur c’était son travail, il en avait toujours été ainsi. « C'est vrai que tes fonctions changent, mais tu n'es pas moins capable qu'un autre de les résoudre, ces problèmes. De nous deux, tu as toujours été celui qui savait quoi faire, qui relativisait, qui rassurait. Certes, c'était dans un autre contexte, mais je pense que tu peux facilement le retranscrire dans ce nouveau rôle. » S’il s’en émouvait un peu, de la certitude avec laquelle elle tentait de le rassurer, force était pour lui de constater qu’il n’en était pas si surpris … Et si le sourire était mesuré, encore un peu soucieux, la reconnaissance était sincère lorsqu’il avait répondu « Merci. Je suis pas entièrement convaincu par ton objectivité, mais ça fait toujours du bien de l’entendre. » et laissé échapper un bref éclat de rire. Ce stress-là était du bon stress, et quelque part il en avait besoin pour avoir l’impression que le challenge était à la hauteur. Il était stressé, mais il était aussi impatient de se lancer pour de bon. Son œil observant distraitement la carte durant un court instant, quand bien même il savait déjà d’avance que son cœur – ou plutôt son estomac – irait une fois encore vers l’Ayam Bakary, le brun n’avait en tout cas pas laissé passer l’occasion de retourner à Joanne sa question et de s’enquérir sur comment se déroulaient des débuts en tant que doctorante. Il ne pouvait pas croire qu’elle n’ait rien à raconter à ce sujet. « Je ... Oui, elles avancent bien. » avait-elle alors assuré, d’un ton pourtant réservé. « Je dois organiser un premier voyage en Italie pour cet automne, j’espère. Histoire de voir l’avancée de la restauration des tableaux faisant l’objet de mon étude et de pouvoir rencontrer des professionnels sur place. Je suis déjà en contact avec un chercheur. J’avance plus lentement que je ne l’espérais, mais … J’avance. » Un peu soucieuse, la blonde avait été interrompue un instant par le retour de la serveuse avec leurs boissons, et remerciant l’un et l’autre poliment ils avaient attendu d’être à nouveau seuls pour reprendre la conversation. « J'étais ailleurs, oui. J'ai beaucoup de choses à penser en ce moment, je m'y perds facilement. » La gratifiant d’un sourire tranquille, il avait commenté « Prends quand même garde à ne pas te perdre trop loin. » et glissé le sachet de thé dans la théière fumante qui venait d’être déposée sur son coin de table. On commençait à les connaître, Joanne et sa tendance à s’enfermer dans sa bulle, imperméable à tout ce qui se passait à l’extérieur. Que Marius ait réussi à lui dégoter un bureau, comme elle l’avait ensuite confirmé d’un « Et oui, Marius a réussi à me trouver un petit bureau. Il tient à m'aider autant que possible pour jongler entre le boulot et le doctorat et je ne pouvais pas mieux rêver que d'avoir également un petit endroit ici où je peux travailler dans le calme. » Évidemment, car Marius était – lui aussi – un bourreau de travail et rien ne devait lui faire plus plaisir que la perspective d’une adepte supplémentaire. Encore que, tout le monde l’avait remarqué lâcher un peu de lest dernièrement … Les temps changeaient, ici et là. « Je fais au mieux pour me dégager du temps au musée aussi pour avancer dans mes recherches. Ma thèse va être codirigée. La directrice actuelle pense qu'il serait judicieux qu'il y ait également un historien spécialisé en Renaissance Italienne pour valider mon sujet de thèse et mes arguments. Du coup elle m'a demandée de rédiger une nouvelle note de recherche, plus précise que je puisse présenter en face-à-face durant ce premier voyage en Italie. C'est pour ça que j'aimerais que ce soit le plus tôt possible, afin que je puisse continuer avec tous les éléments nécessaires en ma possession. » Sans la quitter des yeux il l’écoutait s’emballer, s’enthousiasmer, et finalement revenir sur terre et en proie au doute. « C’est ... stressant. Mais j'essaie de me dire que ça ne peut qu'être plus gratifiant d'être validée par les professionnels en Histoire de l'Art et en Histoire alors ... Je me dis que le jeu en vaut la chandelle. » Retirant le sachet de thé de sa théière, il avait rempli sa tasse avec habitude et reposé la porcelaine sur la table en même temps que ses yeux sur Joanne. « Bien sûr que ça en vaut la chandelle. Tu es intelligente, tu es passionnée … Tu as tout ce qu’il faut pour aller au bout. Et comme je sais que tu ne croiras pas plus à mon objectivité que moi à la tienne, dis-toi que Marius n’a aucune raison de ne pas l’être lui … il t’a dégoté un bureau, crois-moi, c’est un signe. » Et si la fin de la phrase était là pour détendre l’atmosphère et faire redescendre momentanément la jauge du doute chez Joanne, cela n’en demeurait pas moins vrai. Revenue un court instant les interrompre pour leur demander s’ils avaient fait leur choix, la serveuse avait dégainé calepin et stylo avec le sourire et Hassan avait laissé à la blonde le fait de choisir la première. Pour lui ce serait donc l’Ayam Bakary, comme d’habitude ou presque, et rendant son sourire à la serveuse tandis qu’elle récupérerait les menus il avait attendu qu’elle s’éloigne et reposé les yeux sur Joanne en saisissant de nouveau sa tasse de thé. « Tu vas continuer à donner des cours cette année ? Tu auras suffisamment de temps ? » Entre sa thèse, son poste au musée, ses enfants … C’était à se demander si elle trouvait encore où donner de la tête. Difficile dès lors de ne pas la soupçonner de multiplier volontairement les occasions de se plonger la tête dans quoi que ce soit lui permettant de se garder l’esprit occupé … Hassan le premier serait mal placé pour faire la moindre remarque à ce sujet, passé bien trop maitre dans l’art d’utiliser son travail pour faire l’autruche sur le reste de ses tracas. Mais la chose le faisait se questionner, se demander si lors de leur propre divorce Joanne avait usé de la même stratégie ou si le temps, les circonstances et le fait d’être devenue mère avaient changé la donne. Dans sa vision périphérique, une silhouette familière avait finalement détourné momentanément son attention de Joanne, incapable l'espace de quelques secondes de détacher ses yeux de Gwen, accoudée au comptoir et venue récupérer un plat à emporter. Lorsqu'elle avait tourné la tête vers lui pourtant il s'était senti pris sur le fait, mais tentant au mieux de garder la face il lui avait accordé un sourire léger et un vague signe de la main, rendus tous les deux mais sans que - Dieu merci - elle n'ait l'idée de venir à leur rencontre. Au lieu de cela elle avait tourné les talons avec son repas, et sentant le regard de son ex-épouse sur lui Hassan s'était gardé de tout commentaire et avait bu une gorgée de thé pour tenter de se donner une contenance. Hormis un SMS de bonne année, Gwen et lui ne s'étaient pas parlé de tout l'été et force était de constater qu'elle lui avait manqué - un peu. Un peu, et en même temps pas suffisamment pour regretter l'issue de leur relation, alors sans doute avaient-ils eu raison.
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| | | | (#)Dim 11 Avr 2021 - 18:31 | |
| UNTIL MY HEART IS BLACK AND BLUE | |
Avec les nouvelles responsabilités venaient également quelques privilèges notables. Hassan ne faisait pas exception, mais contrairement à ce qu'il pouvait penser, le premier bureau où il avait pu installer ses affaires lui manquaient déjà. C'était dans cette petite pièce qu'il avait construit ses cours, ses programmes, sa carrière; Qu'il avait corrigé des copies, qu'il avait accueilli des étudiants en quête de conseils, qu'il recevait avec grand plaisir Joanne en fin de journée lorsqu'elle tenait à lui faire surprise pour l'extirper de tout ce qu'il avait à faire. Du temps où ils étaient encore ensemble. Il devait donc être normal qu'il ressente une certaine nostalgie, dans cette petit pièce chargée d'émotions. "Je pense que tu t'habitueras rapidement à tes nouveaux locaux." lui assurait-elle, le regard à la fois bienveillant et amusé. Il s'y forgerait de nombreux souvenirs aussi, il pourrait personnaliser un petit peu la pièce à son goût avec quelques éléments de décorations – beaucoup de plantes, sûrement. Le brun se moquait quelque peu du manque probable d'objectivité de son ex-femme quant à la confiance qu'elle avait en ses capacités. Il avait probablement juste, mais il y avait une part de vérité là-dedans. "Le plus important, c'est que ça fonctionne, n'est-ce pas ?" lui rétorqua-t-elle avec douceur et malice à la fois. Tant que cela regonflait un tant soit peu sa confiance en lui, c'était le plus important, pour la petite blonde. Bien sûr qu'il devait être nerveux et personne ne viendrait le lui reprocher. Au contraire, il valait mieux un léger manque d'assurance que de tout prendre pour acquis. Suite à quoi, Hassan préférait centrer la conversation sur l'avancée professionnelle de son ex-femme. Probablement le seul sujet où Joanne pouvait s'étendre à foison, des heures durant sans s'en lasser. Non seulement parce que ça la passionnait très sincèrement, mais aussi que cela permettait d'éviter d'autres choses qu'elle ne partageait avec quasiment personne. Hassan n'était pas dupe, il savait ce qui se tramait dans la vie de la petite blonde et il la connaissait suffisamment pour savoir comment elle s'y confrontait. Il tenait donc à lui rappeler, avec subtilité, de faire attention à elle, de ne pas trop s'égarer dans la montagne d'impératifs qu'elle se devait de tenir tous les jours. Elle sourit avec modération tout en le regardant s'occuper de son thé, incapable de lui garantir cela. Il l'avait vu faire des nuits blanches pour peaufiner toujours plus son mémoire, ou réviser à outrance à l'approche des partiels. Joanne retrouvait là cette même dynamique, mais avec quelques éléments supplémentaires à tenir en compte. Le brun croyait en elle tout autant qu'elle en lui et faisait même part de la même subjectivité qu'elle, motivé par une affection amicale de longue date. Marius ne cachait pas non plus la foi qu'il avait en elle. Cela lui faisait autant de bien que de mal, à vrai dire. Elle avait de quoi bomber le torse en ayant la validation de ces personnes-là, mais cela générait aussi en elle une angoisse croissante de les décevoir. De ne finalement pas arriver à combiner toutes les facettes de sa vie. Peut-être s'était-elle finalement montrée trop ambitieuse. "Je ne voudrais pas vous décevoir." dit-elle alors d'une voix plus incertaine, les yeux baissés. Néanmoins, la conservatrice était soulagée d'avoir droit à un petit coin où elle pourrait travailler tranquillement pour ses après-midis passés à l'université, entre deux cours ou deux passages à la bibliothèque dans le but d'enrichir la documentation pour ses recherches. Au moment de la commande des repas, Joanne opta pour un mie goreng et laissait ensuite le brun faire également son choix sur ce qu'il désirait manger. Ayant toujours respecté le fait que Joanne ne poussait pas trop la confidence lorsqu'il y avait des inconnus susceptibles de l'écouter. Dans un premier temps, elle acquiesça d'un signe de tête à la question du brun. "Ca fait partie des engagements auxquels je me dois de tenir. Ca ne me fait pas tant d'heures que ça dans la mesure où je donne principalement des cours à ceux qui sont en fin de cursus. C'était surtout la préparation des cours qui m'avait pris beaucoup de temps, la première année." détaillait-elle avant de prendre une gorgée de sa boisson fraîche. "Je suppose que l'on me demandera de donner plus de cours une fois que j'aurais fini ma thèse." dit-elle avec un sourire nerveux. Elle haussait les épaules. "Je m'en trouverai, du temps." lui assura-t-elle tout en lui souriant. Elle grignotera sur ses heures de sommeil et "oubliera par mégarde" quelques repas pour y parvenir. Et puis, selon la décision du juge, Jamie aurait peut-être droit à un minimum de garde des enfants. Si c'était le cas, Joanne feriat en sorte qu'il y ait le meilleur rendement possible du temps qui lui serait dégagé. Elle ferait en sorte d'y arriver. Et moins Joanne avait de temps libre, mieux elle se portait. La dernière chose qu'elle voulait était de se retrouver seule avec ses pensées. Ca ne faisait vraiment pas bon ménage. Hassan fut soudainement bien plus distrait et Joanne comprit vite pourquoi. Restant mutique, elle observait néanmoins la scène avec autant attention que de gêne. Elle ignorait comment l'interpréter et était à mille lieux d'imaginer qu'ils s'étaient séparés. Elle n'avait jamais voulu se montrer indiscrète à ce sujet, se croyant trop intrusive si elle le questionnait. Elle ne voulait pas avoir l'étiquette de l'ex-femme qui se mêlait des nouvelles relations de son ancien conjoint. "Si... Si tu préfères la rejoindre et manger avec elle, tu peux y aller. Je comprendrais." dit-elle avait sa douceur et sa bienveillance naturelle. Il aurait été normal qu'il préfère déjeuner avec sa compagne plutôt qu'avec son ex-femme en pleine instance de son second divorce. Du moins, ça paraissait évident aux yeux de la petite blonde, qui, en cette période, n'était pas au meilleur de sa forme, surtout en terme d'estime de soi.
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| | | | (#)Mar 29 Juin 2021 - 16:06 | |
| Où était-il passé, le Hassan qui prenait le taureau par les cornes et qui n’avait besoin de personne pour se convaincre qu’il était à la hauteur ? Avait-il définitivement perdu cette capacité à se faire confiance, ou ces dernières années avaient-elles simplement été si pauvres en challenges qu’il avait fini par en oublier la sensation que procurait le fait d’être face à un défi à sa taille ? Reste que les mots de Joanne étaient venus atténuer un peu de ses incertitudes, comme la blonde avait déjà si souvent su le faire par le passé – et ce genre de choses, c’était ce pourquoi Hassan se persuadait que son ex-femme et lui gagnaient à continuer de dessiner les contours de leur nouvelle relation. « Le plus important, c'est que ça fonctionne, n'est-ce pas ? » s’en était-elle de son côté simplement amusée lorsqu’il avait fait remarquer le manque flagrant d’objectivité dont elle était pourvue, arrachant au brun le même sourire malicieux. Qui sait, peut-être manquait-il tout autant d’objectivité en déroulant toute la confiance qu’il avait en elle et en ce nouveau chapitre professionnel dans lequel elle venait de se lancer – mais si vous lui demandiez il assurerait que non, bien sûr. Son point de vue n’était pas comparable à celui de Marius, plus biaisé mais surtout plus attaché à voir Joanne s’épanouir dans quelque chose qui la passionnait qu’au véritable résultat auquel tout cela pourrait mener. Raison pour laquelle, lorsqu’elle avait expliqué « Je ne voudrais pas vous décevoir. » il s’était contenté de secouer doucement la tête et de lui offrir un sourire rassurant. « T’en fais pas pour nous. » Au même moment la serveuse était revenue les interrompre pour prendre leur commande, et chacun indiquant ce qu’il souhaitait déjeuner la jeune femme s’en était allée en récupérant les menus, Hassan retirant et repliant ses lunettes pour les glisser dans la poche intérieure de son blouson. La période, les circonstances et leurs tempéraments respectifs différant sur tout un tas de points, le professeur se demandait légitimement si les recherches de Joanne lui permettraient malgré tout de continuer à honorer les quelques heures hebdomadaires qu’elle consacrait l’année précédente à d’autres étudiants, ou si une tâche se substituerait plutôt à l’autre. « Ça fait partie des engagements auxquels je me dois de tenir. » lui avait-elle alors expliqué. « Ça ne me fait pas tant d'heures que ça dans la mesure où je donne principalement des cours à ceux qui sont en fin de cursus. C'était surtout la préparation des cours qui m'avait pris beaucoup de temps, la première année. » C’est vrai, il oubliait un peu que le domaine d’expertise de Marius et de Joanne était un peu plus figé que le sien, qui l’obligeait chaque année à refaire au mieux quelques ajustements, au pire de drastiques changements. « Je suppose que l'on me demandera de donner plus de cours une fois que j'aurais fini ma thèse. Je m'en trouverai, du temps. » Elle aurait bien le temps d’apprendre à le trouver, surtout … Nul besoin de vendre la peau de l’ours. « Allez, avoue que tu y as pris un peu goût. » avait pour sa part glissé Hassan, la mine et le ton tous deux amusés. Il y avait quelque chose d’à la fois grisant et gratifiant à s’emballer sur un sujet qui nous passionnait et de recevoir en échange l’intérêt d’une audience attentive. « Moi en tout cas, je pourrais prendre goût au fait de te croiser en salle des profs. » Cette configuration-là, jamais ne l’aurait-il imaginée quelques années en arrière … Comme quoi la vie, parfois. L’attention un court instant accaparée par ce qui se jouait au comptoir du restaurant, le brun avait été pris en flagrant délit d’observation tant par celle qui l’avait déconcentré que par celle qu’il avait à sa table, et le bref signe de main échangé avec Gwen dissipant à peine le malaise Hassan s’était de nouveau saisi de son thé comme s’il espérait s’y noyer. Lorsque Joanne avait fait remarquer d’un ton calme « Si ... Si tu préfères la rejoindre et manger avec elle, tu peux y aller. Je comprendrais. » un rire nerveux lui avait échappé et lui avait fait rétorquer « Planter une ex pour aller en retrouver une autre, la grande classe. » avec un brin de sarcasme. Reposant sa tasse, il avait secoué la tête et tout de même repris d’un ton plus sérieux « Si j’avais voulu déjeuner avec elle, c’est elle que j’aurais invité à déjeuner. » Et puisque c’était à Joanne qu’il avait proposé, c’était bien avec elle qu’il avait envie de passer sa pause – tel était le sous-texte. Reste qu’il avait bien moins de mal à parler de Gwen comme d’une ex qu’il n’en avait eu à lui trouver un qualificatif lorsqu’ils étaient encore ensemble … Un psy aurait sans aucun doute trouvé un commentaire à faire à ce sujet. « Mais puisqu’on en est à ce sujet … » Les exs, donc. « Comment ça va, toi ? Vraiment, je veux dire. » Se replaçant sur sa chaise de manière un peu maladroite, il avait pincé ses lèvres l'une contre l'autre avec hésitation puis ajouté « Ecoute je ... Je sais que je suis pas forcément le mieux placé vu notre passif, mais ... Bref, ce que j'essaye de dire c'est que tu peux compter sur moi si tu as besoin. Pour n'importe quoi. » Elle pouvait compter sur lui cette fois-ci, c'était probablement le véritable sens de sa démarche.
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| | | | (#)Mer 14 Juil 2021 - 14:23 | |
| UNTIL MY HEART IS BLACK AND BLUE | |
Voir Hassan sourire était comme quelque chose de contagieux, car l'on pouvait apercevoir un rictus apparaître sur le visage de poupée de Joanne pendant un court instant. Une preuve comme une autre que le complicité n'avait pas été réduite à néant par leur divorce et leur relation houleuse des dernières années. Elle croyait en lui tout autant qu'il croyait en elle. Hassan ne comptait pas se laisser abattre par les incertitudes, les appréhensions et le peu d'estime que son ex-femme avait pour l'encourager à son tour pour son doctorat. Bien sûr qu'elle se souciait du regard des autres, bien sûr que l'avis de son entourage comptait toujours autant. A moindre mesure qu'auparavant, mais tout de même. Il lui disait de ne pas s'en faire, se doutant bien que sa remarque n'aurait que peu d'effets. Mais il s'y évertuait, espérant peut-être que Joanne l'assimilerait et l'accepterait comme il se doit. Combiner sa vie personnelle, son métier et ses recherches n'étaient pas chose facile. Sa vie sociale était largement sacrifiée sans qu'elle ne regrette ce choix. Au contraire, Joanne préférait dernièrement s'isoler et se concentrer sur ce qu'elle faisait plutôt que de satisfaire la curiosité malsaine de ceux qui voulaient se rapprocher d'elle. Elle savait qu'Hassan était digne de confiance. Quand bien même il avait son avis sur son mariage et sur Jamie, il avait toujours fait attention au bien-être de son ex-femme. "J'avoue que c'est... intéressant." reconnut-elle avec un sourire timide. "J'ignorais qu'il existait encore des étudiants aussi fasciné que moi. Et depuis qu'ils savent pour mes recherches, ils sont d'autant plus intéressés." Les étudiants avaient conscience que la voie qu'ils avaient choisi n'étaient pas des plus ouvertes en terme d'emploi. Cependant, de voir qu'il y en avait qui arrivaient encore à se développer et s'épanouir les motivait davantage. Jamais Joanne n'aurait pensé être un jour une telle source d'inspiration. De son côté, Hassan se réjouissait à l'idée de croiser la petite blonde façon plus régulière sur le campus. "Moi aussi." lui soufflait-elle en crroisant son regard. "Ca me réjouirait beaucoup. Ne serait-ce que pour prendre un thé. De se voir un peu plus souvent." Bien qu'elle occultait totalement sa vie sociale, Joanne aurait bien besoin d'un petit peu de compagnie et d'une oreille attentive. Mais ça, elle ne s'en rendait tout simplement pas compte, de cette nécessité là. Leur conversation fut interrompue par le passage éclair de Gwen, que Hassan avait remarqué. Joanne, toujours prompte à se mettre en retrait, proposait au brun de rejoindre celle qu'elle pensait être encore sa petite amie. "Oh,... je suis désolée. Vraiment." dit-elle d'un ton fort maladroit lorsqu'elle comprit qu'elle avait faux sur leur relation. "Cela dit, je ne t'en aurais pas voulu." lui assurait-elle tout de même. Comme s'il ne le savait pas déjà. Mais Hassan semblait tenir à passer ce déjeuner avec son ex-femme et il lui semblait important de le lui repréciser. Et comme Joanne avait bien malgré elle tendu la perche des exs, le professeur avait saisi l'opportunité afin d'en savoir un peu plus sur son état d'esprit. Presque spontanément, le visage de Joanne se refermait. C'était presque devenu comme une habitude, lorsqu'elle sentait qu'une conversation se rapprochait trop de ses émotions si précieusement gardées. Hassan n'était pas dupe. Il n'attendait pas d'elle qu'elle réponde ce qu'elle répondait à une personne lambda, ce pourquoi il avait précisé dans sa question comment elle allait vraiment. Le regard bleu de la jeune femme se baissa alors que le brun voulait lui assurer qu'il serait présent pour elle, en toutes circonstances. Plusieurs dizaines de secondes s'écoulèrent avant que Joanne ne se décide à prendre la parole. "C'est gentil. Merci."[/color] De s'y intéresser, de s'en soucier. Elle savait Hassan sincère. "Peut-être que tu es justement le mieux placé pour en parlé." Bien que c'était assez cocasse, au fond. Elle haussait les épaules, le regard toujours fuyant. "Même si tu n'es pas le plus objectif." Elle connaissait son opinion concernant Jamie. "Mais je ne me vois pas en parler à Rhett, ou Sophia. Ni même mes parents, d'ailleurs. Je ne le leur même pas dit." Joanne s'était isolée d'un bon nombre de ses proches. "Je ne suis pas certaine d'avoir envie qu'ils le sachent." Sa bouche semblait si sèche, soudainement. Elle but une gorgée de thé glacé et dissimula tout de suite après ses doigts nerveux sur ses genoux. "Je n'ai pas envie de voir leur réaction, ni d'entendre leurs commentaires." ajoutait-elle d'une voix tremblante. Bien que Joanne n'avait toujours pas répondu à la question que l'on venait de lui poser, cela faisait bien longtemps qu'elle ne s'était pas déjà autant ouverte sur le sujet. "J'ignore comment je suis supposée me sentir face à un deuxième divorce." finit-elle par dire en levant enfin ses yeux qui se bordaient progressivement de larmes vers lui. C'était son deuxième divorce. Aussi, pour chacune de ces séparations, elle quittait un homme pour qui elle avait encore beaucoup d'affection. La grande romantique qu'elle avait été se fânait, laissant progressivement place à une femme qui perdait foi en des principes pour lesquels elle avait un attachement tout particulier. Le mariage, la promesse d'une vie à deux jusqu'aux vieux jours. "Comment je dois... ?" se demandait-elle, le regard totalement perdu. Ses lèvres se pinçaient, contenant une tristesse qu'elle gardait pour elle depuis bien trop longtemps. "Je n'ai pas..." Pour une personne qui avait d'habitude plutôt des facilités à exprimer ses émotions, Joanne se trouvait là bien à court de mots. Elle forçait un sourire tout en tentant de se ressaisir un peu. "Peut-être que je ne suis finalement pas trop faite pour ça." Joanne, celle qui rêvait de mariage depuis qu'elle en avait compris le sens. Qu'elle perde cette conviction était comme lui arracher une partie de sa personnalité. Elle faisait mine de relativiser, alors que les dégâts étaient considérables. Bien plus qu'elle ne laissait percevoir. "C'était... ce qu'il y avait de plus cohérent à faire, je suppose." Une évidence, même. Mais ça ne rendait pas le tout plus facile à digérer. "Ca fait des mois que nous n'arrivons pas à nous mettre d'accord sur le plan financier, surtout." Le discours de Joanne semblait totalement décousu. Parfois dans ses pensées, parfois en train d'essayer de les retranscrire dans ses paroles. "Je pensais qu'une fois que nous serions sûrs de ce que nous voulions, tout s'éclaircirait, mais..." Elle haussa les épaules, penaude devant l'incertitude de l'année qui allait suivre. Ses enfants, son travail, son doctorat. Voilà les piliers autour desquels elle allait graviter. Comme à son premier divorce, elle n'envisageait absolument de prendre soin d'elle, loin de là. Encore un moment d'absence. "Je ne suis pas certaine d'aller très bien." Enfin une phrase qu'elle parvint à finir.
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| | | | (#)Ven 23 Juil 2021 - 13:41 | |
| Ce n’était pas une vocation qu’il nourrissait depuis toujours, enseigner. Comme nombre d’enfants Hassan avait rêvé d’être bien des choses lorsqu’il était plus jeune, de rugbyman à pilote de course, en passant par avocat ou pompier, mais enseignant … Jamais. Lorsqu’il avait postulé pour le tutorat durant son Master c’était égoïstement pour améliorer son dossier universitaire, et lorsqu’il avait saisi l’opportunité de devenir chargé de travaux dirigés durant son doctorat c’était avant tout pour le côté pratique : travailler sur le campus lui permettait de ne pas s’éparpiller. Il avait été le premier surpris de prendre autant goût à cela, au fait de partager ses connaissances sur des sujets qui le passionnaient, face à une audience réceptive et intéressée. Il avait découvert la fierté que procurait le fait de lire la copie d’un élève qui non seulement avait assimilé ce qu’il avait tenté d’enseigner, mais y apportait ses propres idées et sa propre réflexion en supplément, et la satisfaction de voir le visage d’un autre s’illuminer en saisissant enfin une notion sur laquelle il bloquait jusque-là. Il était tombé dans l’enseignement par hasard, mais avait décidé d’y rester et d’y faire carrière par choix, séduit par cette vocation qui n’avait eu besoin que d’une impulsion de départ pour se révéler … Et quelque part, il trouvait quelque chose d’attendrissant au fait que Joanne y prenne peu à peu goût, elle aussi. « J'avoue que c'est ... intéressant. J'ignorais qu'il existait encore des étudiants aussi fascinés que moi. Et depuis qu'ils savent pour mes recherches, ils sont d'autant plus intéressés. » Répondant par un sourire, il avait pris une gorgée de thé et ajouté que pour sa part, c’était l’idée de la croiser plus régulièrement qui lui était plaisante. « Moi aussi. Ça me réjouirait beaucoup. Ne serait-ce que pour prendre un thé. De se voir un peu plus souvent. » – « J’ai toujours le temps pour un thé. » Ils en avaient fait, du chemin. C’était ce qui venait en premier à l’esprit d’Hassan lorsqu’il prenait le temps de contempler la situation. Quelques années auparavant il n’en aurait pas été capable, regarder la blonde sans voir ce qu’il avait perdu était au-dessus de ses forces ; Aujourd’hui, il avait le sentiment d’avoir enfin fait la paix avec le souvenir de leur mariage, et de leur divorce. Pas question pourtant de la remplacer – car aucune des femmes qu’Hassan avait aimé n’en avait remplacé une autre. Joanne avait sa place, celles qui suivraient en auraient une à elles également … À commencer par Gwen, un chapitre déjà refermé, mais qui avait tenu le brun en haleine bien plus qu’il ne l’aurait imaginé. « Oh ... je suis désolée. Vraiment. » s’en était excusé Joanne, Hassan réalisant seulement à cet instant qu’il n’avait pas plus tenu Joanne au courant de la fin de cette relation qu’il ne l’avait fait du début – et pourquoi l’aurait-il fait ? « Cela dit, je ne t'en aurais pas voulu. » Bien sûr que non. « Il faut pas. Être désolée, je veux dire. Ça ne s’est pas mal terminé. » Il n’irait pas jusqu’à prétendre que cela s’était bien terminé, une rupture restait une rupture, mais elle s’était faite sans rancœurs ni regrets et cet apaisement rendait la situation plus simple à digérer pour eux. Et puis Gwen et lui ce n’était qu’une passade, un pansement pour elle autant que pour lui et tous les deux en avaient toujours eu conscience. Ce n’était pas l’amour de leur vie, à peine un amour de passage, ils n’avaient jamais espéré que la chose durerait toujours … Ces désillusions-là Hassan ne les avait jamais vécues qu’avec Joanne, et parce qu’il avait mis des années à s’en remettre il n’osait imaginer le désarroi dans lequel se trouvait la blonde d’avoir, de son côté, mis fin à une relation dans laquelle elle avait mis autant de cœur et d’énergie que dans la leur, jadis. « C'est gentil. Merci. » Le sourire de la blonde était triste, bien sûr. « Peut-être que tu es justement le mieux placé pour en parler. Même si tu n'es pas le plus objectif. » Ne jugeant pas utile de confirmer ce qui était une évidence, le brun avait préféré la laisser continuer, presque surpris que Joanne accepte de se livrer, finalement. « Mais je ne me vois pas en parler à Rhett, ou Sophia. Ni même mes parents, d'ailleurs. Je ne le leur même pas dit. » Comment ? « Je ne suis pas certaine d'avoir envie qu'ils le sachent. Je n'ai pas envie de voir leur réaction, ni d'entendre leurs commentaires. » Il aurait aimé pouvoir la contredire, mais la manière dont le Martin Prescott l’avait lui-même traité lorsqu’ils s’étaient retrouvés pour la première fois face à face depuis le divorce le poussait à croire que Joanne avait raison de s’en inquiéter – et de vouloir s’en protéger. « Je comprends. » lui avait-il alors cédé, marquant une pause avant de toutefois reprendre « Je tiendrai ma langue avec Rhett le temps qu’il faudra – elle devait probablement se douter que cela lui coûterait, de mentir même par omission à leur ami – mais tu sais … Ils finiront bien par l’appendre, d’une manière ou d’une autre. Tu ne penses pas que c’est mieux si c’est par toi ? » Si elle tardait trop ils risquaient de le découvrir autrement, ici, au musée où à la crèche, la chose finirait forcément par se savoir … Ce n’était que reculer pour mieux sauter. « J'ignore comment je suis supposée me sentir face à un deuxième divorce. » Les yeux se remplissant de larmes qu’elle tentait au mieux de contenir, elle semblait peiner à trouver ses mots autant qu’à mettre de l’ordre dans ses pensées. « Comment je dois ... ? Je n'ai pas ... Peut-être que je ne suis finalement pas trop faite pour ça. » Pour quoi, le divorce ? Non bien sûr … le mariage. « Il n’est pas un peu tôt pour être aussi définitive ? » On ne mesurait pas sa capacité à réussir à la lueur de ses échecs, c’était l’une des sages paroles qu’Amjad lui avait dit un jour – et la sagesse d’Amjad se révélait (très) souvent vraie. « Laisse-toi le temps. » De digérer la chose, de l’absorber. De l’apprivoiser, peu importe le temps que cela lui prendrait. Elle l’avait fait une fois, preuve qu’elle en était capable. « C'était ... ce qu'il y avait de plus cohérent à faire, je suppose. Ça fait des mois que nous n'arrivons pas à nous mettre d'accord sur le plan financier, surtout. » Son menton tremblait, et il semblait à Hassan qu’elle avait omis quelques éléments qui lui auraient permis de mieux comprendre où elle voulait en venir, mais à nouveau il avait choisi de ne pas l’interrompre. « Je pensais qu'une fois que nous serions sûrs de ce que nous voulions, tout s'éclaircirait, mais ... » Mais tout n’était pas aussi simple, oui. Une pause à nouveau, le temps de rassembler ses mots et ses esprits peut-être, et après plusieurs secondes d’un silence hésitant, la blonde avait admis dans un souffle « Je ne suis pas certaine d'aller très bien. » Si Hassan était surpris, c’était avant tout par le fait que Joanne ose le verbaliser, elle qui d’ordinaire se refusait à admettre ce qui se voyait comme une évidence. Et si la chose le touchait, c’était parce qu’il avait conscience d’à quel point la blonde devait lui faire – à nouveau – confiance pour oser lui en parler. « Personne ne te le demande, Jo. » Lentement, la main de l’enseignant avait glissé sur la table pour aller se poser sur celle de Joanne « Et personne ne te le reprochera non plus. Rhett, tes parents, moi … Qu’on ait notre propre opinion sur Jamie, ça ne veut pas dire qu’on ne sait pas à quel point c’est difficile, pour toi. » Aucun d’eux n’aimait la savoir malheureuse, c’était une certitude. « Tu as fait ce que tu pensais être le mieux. Pour toi, pour vos enfants … Ça demande du courage, d’admettre quand une situation ne nous rend plus heureux. » La vraie lâcheté au fond c’était peut-être celle de se mettre des œillères et de ne pas admettre que les choses n’allaient plus – et combien d’années de bonheur potentiel perdait-on, dans ces cas-là ? Cherchant silencieusement ses mots quelques instants, le brun avait repris d’un ton calme « Y’a quelques années quand tu … » Quand elle lui avait préféré Jamie, et brusquement annoncé qu’elle préférait qu’ils cessent de se voir – mais ce souvenir-là n’était pas un qu’il souhaitait réveiller. « Un jour, tu m’as dit que rien n’arrivait jamais par hasard. Et à l’époque j’ai refusé de l’entendre, parce que je refusais l’idée que ce qui m’était arrivé – nous était arrivé – puisse avoir le moindre sens … Mais au bout du compte, je pense que tu avais raison. » Y trouverait-elle la même certitude, maintenant que la rhétorique s’appliquait à elle-même ? Hassan avait envie de croire que s’il était parvenu à l’admettre avec le temps, Joanne le pourrait aussi. « La Joanne d’il y a cinq ou six ans était faite pour ce mariage-là, de la même façon que la Joanne d’il y a dix-sept ans était faite pour finir par épouser le grand dadet ici présent … Parfois on n’évolue simplement pas dans la même direction. Ça ne veut pas dire que ça n’a pas compté pendant le temps que ça a duré. » Ils n’étaient plus les mêmes qu’avant de se rencontrer, et qu’ils le veuillent ou non les dix années qu’ils avaient partagés avaient façonné les personnes qu’ils étaient devenus par la suite ; S’ils étaient capables d’en être reconnaissants maintenant qu’ils possédaient le recul suffisant, il n’y avait pas de raison qu’elle ne puisse pas le refaire une seconde fois. « Et surtout ça ne veut pas dire que ton bonheur est définitivement derrière toi. Ça finira par aller mieux, le moment venu. » Et c’était précisément parce qu’il en serait ainsi plus tard que, pour l’heure, elle avait le droit de vivre son chagrin comme elle l’entendait.
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| | | | (#)Mer 11 Aoû 2021 - 15:36 | |
| UNTIL MY HEART IS BLACK AND BLUE | |
La conversation avait pris une tournure à laquelle Joanne aurait pu s'attendre. Mais elle n'y avait pas songé, se disant qu'elle parviendrait à user de la multitude de subterfuges qu'elle avait sous le coude pour rendre cette discussion aussi basique que toutes celles qu'elle avait pu avoir ces derniers mois. Seulement, Hassan n'était pas dupe. Et il semblerait que le simple fait de poser la question ait brisé le mur que son ex-femme avait bâti. Ce mur qui faisait croire qu'elle gérait très bien son divorce et tout ce qu'elle avait à faire au quotidien. De plus, la jeune femme s'était bien gardée de faire part de cette nouvelle (pourtant importante) à ses propres parents, mais aussi à des amis de longue date. Leur présence aurait pourtant pu être salvatrice pour elle les mois à venir. Néanmoins, ce n'était pas au programme. Admettre qu'elle n'allait pas bien lui était déjà bien trop coûteux. Pour elle, c'était ce qu'il y avait de pire à confesser. Le pire des échecs. "Qu'est-ce que ça changerait ?" lui demandait-elle bien tristement lorsque le brun lui suggérait de l'annoncer elle-même à ses plus proches. "Je n'ai pas envie de voir leur satisfaction, ou leur soulagement, ou... un air de je te l'avais dit." Parce qu'ils le feraient, de ça, Joanne en était persuadée. "Je n'ai pas envie de leur faire croire qu'ils savent mieux que moi ce qu'il y a de mieux à faire pour moi, ou même pour mes enfants." Joanne avait été suffisamment surprotégée une bonne partie de sa vie avant de s'être sentie capable de prendre des décisions d'elle-même. Elle ne pouvait pas se le permettre alors que l'univers tout entier de sa personnalité, construit autour du romantisme et d'une vie de couple et de famille parfaite, s'effondrait peu à peu. Cela aurait été de trop. Hassan espérait la faire relativiser sur sa vision du couple, qu'il lui savait très précieuse. "J'ai fichu en l'air mes deux mariages. Je... Je n'ai pas envie d'en tenter un troisième pour que ça se termine de la même façon." Et si elle avait tout fait pour garder Hassan après qu'il ait demandé leur séparation sans signe précurseur ? Et si elle avait su accorder une nouvelle chance au couple qu'elle formait avec Jamie ? Oui, avec son état d'esprit actuel, pour elle, tout était de sa faute.
Elle ne s'attendait pas à ce qu'Hassan ne tente le moindre contact physique, alors qu'elle le savait tactile de nature. Sa main ne la gênait pas, bien au contraire. La petite blonde eut juste une brève pensée, se disant que les seules marques d'affection qu'elle acceptait d'avoir et de donner ne concernait que ses enfants. "Mais il faut que ça aille bien." dit-elle en relevant son regard humide et alarmé vers lui. Têtue comme elle était, Joanne ne pensait pas pouvoir se permettre d'avoir la moindre faiblesse. Elle avait toujours été d'une extrême exigence envers elle-même. "Il le faut..." Pour ses enfants, pour son travail, pour son doctorat. Pour ne décevoir personne dans son entourage. L'humiliation était déjà si grande pour elle que Joanne ne songeait qu'à devoir se rattraper, par tous les moyens. "Je ne peux pas me permettre de ne pas aller bien avec les enfants, ni au boulot." Joanne se montrait pudique quand elle était triste. Bien qu'émotive, elle n'aimait pas montrer ses larmes à n'importe qui. Le beau brun tentait de faire au mieux pour lui faire entendre que son existence ne s'arrêtait pas là et qu'elle ne se résumait pas à ses divorces et aux familles brisées. Seulement, cela faisait partie des composantes majeures d'une vie. "Je nous avais laissé un an, à Jamie et moi pour... Pour essayer de lui pardonner." Mais c'était la fois de trop. "Il faisait des efforts, mais j'en étais hermétique. Ca ne prenait pas." Une année pour se rendre à l'évidence, une année à n'avoir été que des inconnus vivant sous le même toit, à ne mettre des masques de parents que lorsque les enfants étaient encore éveillés. A prolonger les journées de travail pour rentrer le plus tard possible à la maison. Voilà à quoi se résumait les semaines de Joanne, qui, par miracle, avait le meilleur des prétextes pour s'isoler lorsqu'elle disait avoir besoin de travailler sur ses recherches. "Tu sais..." reprit-elle après quelques secondes de pause. "Ce n'est pas évident à vivre que de savoir que la majeure partie des personnes dont je suis proche n'apprécie pas vraiment Jamie et que, de facto, elles doivent probablement ressentir une sorte de ... soulagement à savoir que je me sépare de lui. Mais que de l'autre côté, elles sachent que c'est une épreuve douloureuse pour moi." Le verbaliser lui demandant beaucoup d'effort, Joanne évitait beaucoup le regard de son ex-mari. Elle savait pourtant qu'il n'allait pas la juger, ni être contrarié par ses propos. C'était surtout difficile de l'aborder à voix haute. "Ce n'est pas... évident de... de devoir faire avec tout ça." Elle ne trouvait pas les mots susceptibles de décrire ce qu'elle pensait véritablement. Mettre ses émotions dans de simples phrases n'étaient pas suffisants. "Et si je n'arrive pas à rendre les enfants heureux ?" Joanne avait pris une décision pour elle. Oui, ça ne fonctionnait plus avec Jamie, elle n'était plus comblée comme elle avait pu l'être. Seulement, elle allait désormais être seule à gérer ses enfants et tout le reste. Ca lui faisait peur. L'une de ses plus grandes angoisses était de décevoir ceux qu'elle aimait. Et si elle venait à décevoir ses propres enfants ? Bien sûr que cette question lui avait déjà traversé l'esprit. Plus d'une fois, d'ailleurs. Bien sûr qu'elle allait se démener durant son quotidien, à privilégier ses enfants, en fournissant tous les efforts nécessaires pour son projet professionnel. Elle voulait croire qu'elle en était capable, mais elle se laissait happer par ses doutes et ses incertitudes.
De par cette deuxième union en échec, les principes pourtant si précieux à Joanne se déconstruisait. Hassan espérait lui faire voir une lueur d'espoir en lui rappelant des paroles qu'elle avait prononcées durant une période très sombre entre elle et lui. Il se gardait de le dire, ne cherchant sûrement pas à rappeler des souvenirs douloureux. Il mettait un principe qui avait guidé Joanne tout au long de sa vie. Elle n'avait jamais cru au hasard, portant de fait un peu trop de crédit au Destin lui-même. Hassan semblait avoir tiré une leçon convaincante de ce qu'elle lui avait dit il y a plusieurs années et espérait qu'elle puisse à son tour en tirer une quelconque sagesse. "Je ne suis pas certaine qu'il soit bon de prendre en compte tout ce que je dis." dit-elle avec un sourire plus que forcé. Il faisait une rétrospective de la Joanne qu'il connaissait et qu'il avait vu évoluer depuis que leur chemin s'était croisé. "J'ai du mal à voir tout ceci de façon positive." admit-elle, presque honteusement. “Me dire que ce n’était pas un hasard que je doive me séparer de deux hommes pour qui j’ai beaucoup d’affection. Je trouve qu’il y a une certaine injustice.” Elle était loin d'avoir le recul nécessaire. Pourtant l'on pourrait croire que cette fois-ci, Joanne aurait pu passer le cap avec moins de difficultés, mais il n'en était rien. "Les souvenirs restent, oui.” approuva-t-elle, bien que peu convaincue que les souvenirs ne lui soient d’une grande utilité à l’heure actuelle, si ce n’est de se plonger dans une nostalgie qui ne l’aiderait pas plus à avancer. “Tous les regrets, aussi.” souffla-t-elle finalement avec dépit. “Mais je ne préfère pas me dire que ça ira forcément mieux plus tard. Que tout ira bien, que peut-être je retrouverai quelqu’un.” avouait-elle. “Si c’est pour que ça se termine de la même façon, je n’ai plus l’envie, ni la force de m’investir dans ce genre de relations.” Joanne ne voulait plus avoir d’attentes de qui que ce soit, ni d’elle-même. “Pas de déception, comme ça.” expliqua-t-elle. Elle trouverait bien présomptueux les personnes qui lui diraient qu’elle irait forcément mieux dans trois ou six mois, dans un an ou quatre. Oui, peut-être qu’un jour elle se réveillerait et elle se dirait que ça irait mieux. Mais personne ne pouvait se positionner sur quand ça se passerait. Un divorce restait un deuil, après tout. “Je vais me concentrer sur les enfants. C’est ce qu’il y a de plus important. Et le doctorat.” Tous les prétextes allaient être bons pour qu’elle ne se retrouve pas une seule fois confrontée à son propre chagrin. Ca avait marché pour le premier divorce, alors pourquoi cela ne fonctionnerait-il pas pour le deuxième ? Aussi s’était-elle déjà mise en tête qu’elle devait savoir devoir gérer sa nouvelle toute seule. Elle renonçait volontiers à toute forme de romantisme. “Tout ce que je désirais, c’était une vie de famille normale.” Joanne se serait parfaitement accoutumée d’une vie relativement banale. Une vie simple, mais heureuse. Hassan savait qu’elle se contentait de peu, qu’elle s’accoutumait avec une certaine aisance aux habitudes des autres. “Je retourne à Toowong. J’avais gardé la maison.” Un sujet un peu plus factuel, certes. “La chambre d’amis deviendra celle de Louise et j’envisage de rajouter une pièce pour ajouter un bureau pour moi et éviter que les petits n’utilisent mes recherches comme support pour leur dessins.” Jamie n’approuvait pas vraiment le choix de sa future ex-femme d’ailleurs que de revenir dans cette maison là. Trop petite à ses yeux. Un autre sujet qui avait fait débat.
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| | | | (#)Dim 19 Sep 2021 - 21:05 | |
| Après avoir été malgré lui le gardien d’un secret que Camil lui avait reproché (et ne lui avait pas pardonné) d’avoir gardé, Hassan se retrouvait une nouvelle fois dans la position peu agréable nécessitant de mentir à un proche pour respecter la volonté d'un autre. S'il était honnête avec Rhett, Joanne lui en voudrait probablement (et à raison), et s'il tenait sa langue le rugbyman lui reprocherait tout aussi probablement d'avoir su et de n'avoir rien dit – en clair, le brun était perdant peu importe ce qu'il déciderait. Mais le divorce de Joanne ne regardait personne d'autre que la principale intéressée, au bout du compte, et si elle décidait d'en faire un mystère il ne revenait pas à Hassan d’aller contre sa volonté, quand bien même elle ne faisait à ses yeux que repousser l’inévitable. « Qu'est-ce que ça changerait ? » avait-elle fini par demander. « Je n'ai pas envie de voir leur satisfaction, ou leur soulagement, ou ... un air de je te l'avais dit. Je n'ai pas envie de leur faire croire qu'ils savent mieux que moi ce qu'il y a de mieux à faire pour moi, ou même pour mes enfants. » Le brun, lui, avait seulement l'air désolé. Et s'il n'oserait jamais parler pour les parents de la jeune femme, les mots de Martin Prescott à son propre égard pardonnés mais pas oubliés, il refusait de mettre Rhett dans le même panier : « Je doute qu’il existe une seule configuration dans laquelle Rhett serait satisfait de savoir que tu ne vas pas bien. » Ni aucune dans laquelle il se permettrait d’émettre le moindre jugement relatif à l’éducation de ses enfants, d’ailleurs. « Tu lui manques, tu sais. » Il ne lui ferait plus l’affront de prétendre que leur ami était désolé de l’altercation qui les avait opposés Jamie et lui, mais le rugbyman regrettait à n’en pas douter que son coup de sang ait gâché l’amitié que la blonde et lui commençaient à peine à reconstruire. Et Hassan, un peu malgré lui, se retrouvait dans la situation ingrate à laquelle avait été confronté Rhett lorsque le brun avait eu besoin de prendre ses distances avec Joanne trois ans plus tôt. Emplie de pessimisme quant à ce qu’elle était encore en droit d’espérer de sa vie amoureuse, la jeune femme n’avait pas été convaincue par la tentative d’Hassan pour lui faire entendre qu’elle avait simplement besoin de temps, et au fond il n’en était pas surpris. Il n’en était pas moins persuadé d’avoir raison, mais pour s’être longtemps caché derrière la certitude qu’on ne l’y prendrait plus et que personne ne viendrait jamais combler le vide laissé béant par son divorce, il savait que s’en relever mettait du temps ‒ et contre toute attente, l’impasse vers laquelle allait sa relation avec Gwen l’avait sans doute aidé à y voir plus clair. Lorsque la blonde avait opposé « J'ai fichu en l'air mes deux mariages. Je ... Je n'ai pas envie d'en tenter un troisième pour que ça se termine de la même façon. » avec résignation, il s’était donc simplement permis de faire remarquer « Y’a jamais qu’un seul responsable dans un divorce. » avec dans la voix un étrange mélange de douceur et de tristesse mais n’avait pas cherché à la convaincre davantage, persuadé que seul le temps pourrait faire son oeuvre. Elle se mettait déjà une pression considérable pour tenter de garder la face, au moins vis-à-vis de ses enfants, et si Hassan en comprenait parfaitement les motivations il craignait un peu que ce qu’elle enfouissait trop profondément ne fasse que ressortir un peu plus tard au centuple. « Je ne peux pas me permettre de ne pas aller bien avec les enfants, ni au boulot. » expliquait-elle, comme persuadée que d’être à l’origine de cette décision de divorcer lui interdisait de s’autoriser la période de deuil qui allait avec. « Je nous avais laissé un an, à Jamie et moi pour ... Pour essayer de lui pardonner. Il faisait des efforts, mais j'en étais hermétique. Ça ne prenait pas. » Mais n’en avait-elle pas déjà fait assez au cours des années précédentes, des efforts ? N’avait-elle pas suffisamment pardonné, suffisamment donné de seconde, de troisième, d’énième chance pour que Jamie ne puisse plus s’en prendre qu’à lui-même de ne pas avoir su en faire bon usage ? Tout cela Hassan brûlait d’envie de le faire remarquer sans toutefois oser sauter le pas ‒ Joanne lui trouverait toujours une excuse, Joanne préfèrerait toujours endosser seule la responsabilité. « Tu sais … » avait-elle finalement repris après une brève hésitation « Ce n'est pas évident à vivre que de savoir que la majeure partie des personnes dont je suis proche n'apprécie pas vraiment Jamie et que, de facto, elles doivent probablement ressentir une sorte de ... soulagement à savoir que je me sépare de lui. Mais que de l'autre côté, elles sachent que c'est une épreuve douloureuse pour moi. Ce n'est pas ... évident de ... de devoir faire avec tout ça. » Et que pouvait-il dire, Hassan ? Alors qu’au fond de lui il l’avait ressenti avec certitude, ce soulagement dont elle parlait. Il y avait l’amertume d’avoir été sacrifié au profit d’un homme qui n’avait pas su se montrer digne de la seconde chance qui lui était accordée, bien sûr, mais le soulagement de savoir que Joanne n’était pas suffisamment sous emprise pour se laisser éternellement traîner dans la boue par les frasques de son époux prédominait. Et prétendre le contraire serait aussi vain qu’irrespectueux, aussi avait-il fallu attendre que la blonde ajoute « Et si je n'arrive pas à rendre les enfants heureux ? » pour qu’Hassan s’autorise à reprendre la parole : « En préférant leur offrir deux foyers apaisés plutôt qu’un seul où leurs parents se font la guerre ? » Il grossissait volontairement un peu le trait, bien sûr. « Ils sont encore petits, on s’adapte vite à cet âge-là … T’es une maman formidable, faut juste que tu te fasse un peu confiance. » Elle faisait passer ses enfants avant tout le reste, et tout le monde ne pouvait pas se vanter d’avoir de tels parents. Et si Hassan n’avait déjà aucun doute quant au fait que Joanne ferait une excellente mère lorsqu’ils tentaient eux-même (vainement) de fonder une famille, le temps avait prouvé par d’autres chemins qu’il ne s’était pas trompé. Un peu maladroitement, il avait tenté de remettre au goût du jour des mots que Joanne avait elle-même employés avec lui quelques années plus tôt. Des mots qu’il avait eu beaucoup de mal à accepter et qui n’avaient véritablement raisonné en lui que bien longtemps après ‒ des mots auxquels il trouvait une certaine justesse, désormais. « Je ne suis pas certaine qu'il soit bon de prendre en compte tout ce que je dis. » avait cependant opposé Joanne avec ce qui ressemblait à de l’amertume. Plus il l’écoutait verbaliser ses craintes et sa volonté de ne plus se donner la moindre chance de souffrir à nouveau plus il se revoyait tenir un discours similaire à Yasmine, fut un temps, la différence tenant dans le fait qu’Hassan, lui, n’avait jamais été un partisan du grand amour romanesque et inébranlable comme pouvait l’être Joanne. Il fallait qu’elle en ait perdu, des illusions, pour adopter des postures sur lesquelles le brun et elle s’étaient toujours différenciés. « Si c’est pour que ça se termine de la même façon, je n’ai plus l’envie, ni la force de m’investir dans ce genre de relations. Pas de déception, comme ça. » Et cela suffirait probablement amplement, pendant un temps. Tant qu'elle en aurait besoin, bien qu'Hassan doutait de la trouver toujours aussi tranchée d'ici un an ou deux. « Je vais me concentrer sur les enfants. C’est ce qu’il y a de plus important. Et le doctorat. » Acquiesçant d'un signe de tête, il avait enfin retiré sa main de celle de la jeune femme et récupéré son thé tandis qu'elle ajoutait d'un ton résigné « Tout ce que je désirais, c’était une vie de famille normale. » À court de mots rassurants et de paroles encourageantes qu'elle balayait les unes après les autres, l'enseignant s'était simplement fendu d'un « Je sais. » désolé. Mais il s'agissait là d'un deuil et d'un cheminement qu'il ne pouvait pas faire à sa place. « Je retourne à Toowong. J’avais gardé la maison. » avait-elle finalement repris après quelques instants de silence, et tandis qu'on leur amenait enfin leurs plats. Remerciant poliment la serveuse, Hassan écoutait toujours avec attention tandis que Joanne reprenait « La chambre d’amis deviendra celle de Louise et j’envisage de rajouter une pièce pour ajouter un bureau pour moi et éviter que les petits n’utilisent mes recherches comme support pour leur dessins. » Un peu surpris d'apprendre que la maison de Toowong avait subsisté, il s'était cependant gardé de tout commentaire à ce sujet et avait préféré rebondir sur la fin la phrase en acquiesçant « Sage initiative. Il ne me restera plus qu'à réfléchir à quelle plante t'offrir pour décorer celui-ci. » Le jasmin serait redondant, et Hassan aspirait à se montrer plus original – mais son ex-épouse n'en était pas encore là. « Si tu as besoin d'huile de coude et de quelques coups de marteau en tout cas, il suffira de demander. » Il minimisait ses compétences en tant que bricoleur, mais elle le connaissait suffisamment pour savoir ce qu'il en était. « Enfin, dès que Qasim aura récupéré sa marmaille ... Pour le moment c'est déjà un miracle que j'ai le temps de me doucher. Le petit dernier est infatigable … Fatima trouve qu'on dirait moi au même âge. » Et la marocaine avait suffisamment abreuvé Joanne d'anecdotes au sujet de quel enfant remuant était Hassan pour qu'elle puisse se faire une idée de l'ouragan Reda. Pas de doute que de les envoyer lui, son frère et sa sœur en vacances chez leur oncle était tout autant des vacances pour Olivia et Qasim. D'y penser, le brun avait fini par pianoter un rapide message à l'attention d'Amjad pour s'enquérir de comment se passait la journée, avant de reporter son attention sur Joanne et sur le repas.
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| | | | (#)Jeu 7 Oct 2021 - 16:20 | |
| UNTIL MY HEART IS BLACK AND BLUE | |
La position d'Hassan était délicate. Il était déchiré entre se montrer honnête envers son meilleur ami, ou tenir la promesse à son ex-femme. Il semblait accorder beaucoup d'importance à garder la confiance que Joanne lui apportait à nouveau, quitte à avoir quelques reproches de la part de Rhett. Bien qu'elle n'était pour l'heure pas des plus démonstratives, la petite blonde était touchée par la détermination d'Hassan. Si Rhett devait en vouloir à une personne, c'était elle, pas lui. "Mais il sera satisfait de me savoir divorcée de Jamie." lui répondit-elle d'un sourire bien triste. Dans ce cas de figure, divorcer allait de pair avec son accablement. "L'un ne va pas sans l'autre." verbalisait-elle tristement. Cela ne changeait en rien l'affection que Joanne avait pour l'ancien rugbyman, qu'elle n'avait plus revu depuis une éternité. "Il me manque aussi." admit-elle en baissant le regard, restant songeuse pendant un moment. Pendant longtemps, il s'était confié à lui, elle adorait passer du temps en sa présence, malgré leur amitié sinueuse. Malgré le point qu'il avait mis dans la tête de Jamie. Mais il s'agissait là d'une violence qu'elle ne cautionnait pas. Cependant, il lui avait été impossible de notifier les gestes inadaptés de son deuxième ex-mari. Une bien drôle façon de fonctionner. Envers et contre tout, elle endossait la totale responsabilité de ce nouveau divorce. Jouant nerveusement avec ses doigts, Joanne restait songeuse un long moment après avoir mis dans quelques mots son état de pensée. L'exercice était plus difficile qu'il n'y paraissait dans la mesure où prononcer certains faits à haute voix les rendaient encore plus réels. Il s'agissait de paroles qui faisaient plus de peine qu'autre chose, de mettre le doigt sur des faits impossible à oublier. A côté de ça, le brun gardait une confiance certaine en les capacités de Joanne à être mère. Il en parlait comme s'il n'avait jamais douté un seul instant de cette faculté là. Il aurai bien voulu que la première personne concernée s'en rende un petit peu plus compte. "C'est gentil." souffla-t-elle avec un sourire fort timide. "Je fais tout ce que je peux pour être à la hauteur de ce qu'ils méritent, en tout cas." Et comme pour toute maman, Joanne pensait que ses enfants méritaient l'univers entier. "J'ai lu quelques témoignages, où certains enfants reprochaient presque au parent qui avait la garde de le priver de celui qui ne l'a pas. Qu'ils lui rendent la vie compliquée juste à cause de ça. Comme s'il y avait besoin d'un responsable de cette séparation, et que c'était forcément la faute de la personne qu'ils voyaient le plus." Bien sûr qu'elle savait que ce n'était pas une généralité. "Je pense que c'est ce que je crains le plus, dans leurs réactions." dit-elle nerveusement. "Je sais apaiser un chagrin, mais je ne saurais pas quoi dire face à cette colère, à ce type de contestations, face à un je te déteste." Elle regardait ailleurs l'espace d'un instant, se sentant subitement seule face à ses propres peurs. Joanne était prête à tous les sacrifices pour eux, alors savoir qu'elle risquait d'entendre ce genre de paroles de leurs bouches la bouleversait.
Après le rôle de mère, il y avait la vie d'une femme. La façon dont elle la concevait changerait drastiquement dès qu'elle aurait signé les papiers de divorce avec Jamie. Hassan l'avait connue fleur bleue, trop naïve pour ne pas en user de temps en temps, avec des rêves de mariage blanc et de famille. Pendant longtemps, elle s'était effectivement accrochée à ses rêves là mais elle n'avait désormais plus suffisamment pour persévérer en ce sens. Son idéalisme était extrême, le brun l'avait toujours su. Cela ne l'avait pas empêché de l'épouser, à l'époque. Il se montrait compatissant, à l'écoute, sans avoir à rebondir sur ses propos. Ce n'était pas nécessaire. Se sentir écoutée suffisait amplement à Joanne. Pour cela, elle lui en était plus reconnaissante qu'elle ne saurait le lui montrer. Elle l'informait par la suite de son intention de retourner à Toowong, avec un projet d'agrandissement. Hassan répondait d'un ton plus léger et humoristique, peut-être dans l'espoir de ne plus la voir verser de larmes pour le reste du repas. "Deux plantes sous ma responsabilité ? Tu n'as pas peur." plaisanta-t-elle à son tour. "C'est très gentil." Il se proposait toujours pour aider dans des travaux, ou du bricolage. Ca, c'était bien un trait de sa personnalité qui ne s'était pas estompé avec le temps. Il était aussi comme ça, lorsqu'ils étaient ensemble. "Je te cuisinerai un plat italien que j'aurais appris à faire durant mon voyage, en contrepartie." Elle lui souriait là déjà plus franchement. "Comment vont-ils ? Qasim et sa famille ?" lui demanda-t-elle, sincèrement intéressée. Elle avait beau ne plus avoir de contact avec son ex-beau frère, cela ne l'empêchait de prendre avec plaisir quelques unes de ses nouvelles de temps à autre. Elle se doutait bien que ce n'était pas réciproque, même avec le temps. "Tu t'accorderas donc quelques jours de repos et un bon le jour où tu les auras rendu à leurs parents ?" lui demanda-t-elle, sur un ton quelque peu taquin. "Je trouve ça chouette, que tu aies l'occasion de passer du temps avec eux." Hassan devait être un oncle merveilleux, elle n'avait aucun doute là-dessus. "Même s'ils parviennent à t'épuiser." C'était typiquement le genre de conversations qui incitait Joanne à se demander comment auraient leurs enfants, s'ils avaient eu la chance d'en avoir. "A l'université, tu ne tenais déjà pas trop en place." se rappelait-elle sans problème. "...Sans sous-entendu inapproprié." bafouilla-t-elle tout de suite après sa première phrase, comprenant soudainement qu'elle aurait pu être mal interprétée. "Et elle m'avait pourtant dit à l'époque que tu t'étais bien assagi, comparé à avant." Alors oui, il devait probablement être dur à suivre étant enfant. "Comment va Fatima ?" C'était une femme que la blonde avait toujours apprécié. Fatima l'avait toujours accueilli à bras ouvert et ce, depuis leur toute première rencontre. Sa gentillesse dépassait l'entendement, selon Joanne. Hassan détourna son attention l'espace d'un instant, le temps d'envoyer un message par le biais de son smartphone. Elle restait silencieuse durant ce court laps de temps. "J'espère que nous continuerons à trouver du temps pour déjeuner ensemble de temps en temps." dit-elle finalement, bien songeuse. "Entre toi qui est doyen, et moi et mes occupations, les plannings vont être serrés." Elle avait toute sa vie à réorganiser également, durant les prochains mois. "Ce sera un challenge." Comme tout le reste, d'ailleurs. Joanne se sentait constamment mise à l'épreuve dernièrement et elle ne le vivait pas nécessairement très bien.
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| | | | (#)Mar 19 Oct 2021 - 22:41 | |
| Hassan pouvait se vanter de connaître Joanne sur le bout des doigts. Le fait qu’ils soient divorcés depuis pratiquement sept ans (un anniversaire qu’il valait mieux ne pas fêter) n’y changeait au fond pas grand-chose : les dernières années avaient ajouté des chapitres et apportés de la nuance à certains traits de caractère de la blonde, mais la base de ce qui faisait Joanne était toujours la même et le brun en avait étudié et apprivoisé chaque facette il y avait de cela des années. Et s’il y avait bien une chose que l’australienne détestait par-dessus tout c’était le conflit, et même l’idée d’être simplement fâchée avec qui que ce soit. Elle ne s’y prenait pas toujours de la meilleure manière pour arranger les choses, au cours de ces dernières années le brun lui-même avait fait les frais de plusieurs de ses faux pas, mais il y avait toujours chez Joanne cette volonté maladroite d’essayer, et en cela le temps qui s’était écoulé depuis que Rhett et elle s’étaient brouillés sortait de l’ordinaire. « Il me manque aussi. » avait-elle finalement admis, tandis qu’Hassan estimait préférable de ne pas rebondir sur les précédentes affirmations de la jeune femme. Sans doute que Rhett serait satisfait, oui – et sans doute l’était-il lui-même un peu. Hassan ne blâmait pas Joanne, mais il se désolait du traitement qu’elle réservait à leur ami commun, qui en définitive ne faisait que s’inquiéter pour elle. Et s’il n’osait pas insister, c’était aussi parce qu’il la savait si peu prompte à admettre lorsque les choses n’allaient pas que le simple fait qu’elle se soit décidée à le faire avec lui relevait déjà d’un exploit qu’il ne voulait pas risquer de faire s’écrouler. L’effet que faisait l’impression de n’avoir personne vers qui exprimer ses doutes ne lui était pas inconnue ; Il refusait que Joanne ne glisse vers les mêmes pentes savonneuses que lui. « C'est gentil. Je fais tout ce que je peux pour être à la hauteur de ce qu'ils méritent, en tout cas. » avait ensuite timidement confié la blonde lorsqu’il avait été question de ses enfants, et des doutes qu’elle nourrissait à l’idée de parvenir à être une aussi bonne mère séparée de leur père que lorsque tous partageaient le même toit. « J'ai lu quelques témoignages, où certains enfants reprochaient presque au parent qui avait la garde de le priver de celui qui ne l'a pas. Qu'ils lui rendent la vie compliquée juste à cause de ça. Comme s'il y avait besoin d'un responsable de cette séparation, et que c'était forcément la faute de la personne qu'ils voyaient le plus. » Ses doigts s’agitant avec nervosité, elle avait marqué une pause puis repris « Je pense que c'est ce que je crains le plus, dans leurs réactions. Je sais apaiser un chagrin, mais je ne saurais pas quoi dire face à cette colère, à ce type de contestations, face à un je te déteste. » Offrant à la jeune femme un sourire compatissant, Hassan avait reposé son thé après en avoir bu une gorgée « Si tu as lu des choses à ce sujet et que ça devait finir par arriver, au moins tu sauras que c’est une réaction normale, et que ce n’est qu’une phase. Les enfants c’est un peu ingrat … souvent c’est en grandissant qu’on prend conscience de ce que nos parents ont fait pour nous. » Et là s’arrêtaient les certitudes du brun, n’ayant l’expérience ni de ses propres enfants ni du divorce de ses parents – mais il avait eu des mots durs envers sa mère au début de son adolescence, et nourrissait quelques regrets à ce sujet. Des regrets dont il avait probablement déjà eu l’occasion de parler avec Joanne par le passé, et sur lesquels il n’entendait donc pas revenir aujourd’hui. « Un jour après l’autre ? » lui avait-il finalement suggéré d’un ton rassurant, tout en sachant bien que s’inquiéter restait dans la nature de son ex-épouse. Laissant là le sujet de ses enfants, la blonde était revenue à quelque chose d’un peu plus trivial et d’un peu plus positif : elle entendait bien donner un second souffle à la maison dont elle avait fait l’acquisition à Toowong voilà quelques années. Et s’il avait dans un premier temps été surpris qu’elle ne se soit pas séparée de l’habitation lorsqu’elle était retournée auprès de Jamie, Hassan était à la fois rassuré qu’elle n’ait pas à dépendre du britannique à ce sujet désormais, et soulagé par l’idée que Joanne se sente en mesure de faire des projets pour sa nouvelle vie – abattre des murs pour en construire de nouveaux ressemblait même à une jolie métaphore. « Deux plantes sous ma responsabilité ? Tu n'as pas peur. » s’était-elle aussitôt amusée lorsqu’il avait signalé qu’un nouveau bureau devrait forcément aller de paire avec une nouvelle plante pour le décorer. « Je dirais même que j’ai toute confiance en tes talents de botaniste. » Pour autant, il veillerait sans nul doute à opter pour une touche de vert ne nécessitant pas trop d’entretien : il avait parfaitement conscience que tout le monde ne partageait pas sa passion pour l’humidification journalière et l’étude de la luminosité allant de paire avec certaines espèces capricieuses. « C'est très gentil. Je te cuisinerai un plat italien que j'aurais appris à faire durant mon voyage, en contrepartie. » L’idée avait été validée aussitôt d’une expression enthousiaste, et rendez-vous était donc plus ou moins pris … dès qu’Hassan aurait rendu leurs enfants à Qasim et Olivia, et récupéré suffisamment de temps libre pour que trois minutes de douche ne soient plus son seul moment de tranquillité de la journée. « Comment vont-ils ? Qasim et sa famille ? » Sourire tranquille à l’appui, le brun était retourné s’appuyer contre le dossier de sa chaise avant de répondre. « Ils vont bien, tout le monde va bien … Le père d’Olivia a eu quelques soucis de santé, mais ça s’est arrangé. Ava va avoir dix ans cette année, c’est fou comme le temps passe. » Elle en avait à peine trois lorsqu’ils avaient divorcé, quant à Mehdi il apprenait à l’époque tout juste à marcher. « Tu t'accorderas donc quelques jours de repos et un bon le jour où tu les auras rendu à leurs parents ? » Dodelinant la tête, le brun avait répondu d’un ton pensif « D’habitude c’est ce que je fais, mais cette année je ne sais pas si j’aurai le temps … J’ai encore tellement de trucs à préparer pour la rentrée, autant pour l’université que pour ABC. » Il avait beau se mettre des œillères tant que ses neveux étaient chez lui, il savait bien qu’il devrait s’y mettre un jour ou l’autre et que l’année 2021 ne serait assurément pas celle du repos pour lui. « Je trouve ça chouette, que tu aies l'occasion de passer du temps avec eux. Même s'ils parviennent à t'épuiser. » Épuisé ou non, le brun n’aurait de toute façon échangé cette tradition pour rien au monde. Il n’était pas dupe, à ne les voir que sporadiquement les trois enfants lui donnaient l’impression de grandir encore plus vite, et un jour viendrait où chacun leur tour ils estimeraient être trop vieux pour passer leur été chez leur oncle, et préfèreraient profiter de leurs amis. D’ici là, Hassan s’était promis d’en profiter. « À l'université, tu ne tenais déjà pas trop en place … Sans sous-entendu inapproprié. Et elle m'avait pourtant dit à l'époque que tu t'étais bien assagi, comparé à avant. » Laissant échapper un rire, il avait balayé d’un geste de la main l’option de prendre la remarque de la mauvaise manière, et préféré rebondir en admettant « Et je suis épuisé après seulement trois semaines, alors imagine un peu pour Olivia qui gère à l’année les enfants ET mon frangin … Elle mérite clairement une médaille. » d’un ton amusé. Fort heureusement pour elle, Qasim aussi s’était assagi avec les années ; Et en cela le fait d’être devenu père n’était pas étranger. Puisqu’il avait mentionné Fatima, Joanne en avait profité pour rebondir au sujet de la matriarche Khadji et questionné avec douceur « Comment va Fatima ? » Profitant qu’il en soit question pour envoyer un rapide message à Amjad et s'enquérir de comment se passait la journée avec les enfants, il espérait silencieusement que Mehdi et Ava ne s’étaient pas chamaillés pour une broutille comme cela avait été le cas la veille pour la télécommande, et que Reda n’avait pas encore entrepris de déterrer les tulipes que le père Khadji entretenait avec soin. « Fidèle à elle-même. » avait-il ensuite pu répondre à son ex-femme avec un sourire amusé. « Elle donne l’impression que les années n’ont pas d’emprise sur elle, je dois dire que ça a quelque chose de rassurant. » Il ne s’agissait bien sûr que d’une illusion, tous en étaient conscients y compris la principale intéressée, mais parfois se cacher derrière l’illusion du contraire faisait du bien. Particulièrement en sachant qu’Amjad, lui, avait une santé plus fragile … Mais par superstition peut-être, Hassan avait préféré ne rien en dire et s’était contenté de frôler le bois de la table du bout des doigts. « Elle me demande régulièrement de tes nouvelles. » avait-il préféré ajouter à propos de Fatima, conscient que la tendance de la marocaine à s’abreuver des pages de tabloïds n’y était probablement pas entièrement étrangère, mais en ne doutant malgré tout pas un seul instant que la vieille femme s’inquiétait sincèrement de ce qu’il advenait de sa (presque) ex-belle-fille. Une petite partie d’elle espérait probablement encore voir Hassan et elle renouer autrement que de façon amicale, mais à ce sujet le brun se contentait désormais de ne pas saisir les perches tendues et de ne rien dire qui puisse être sujet à mauvaise interprétation. Tandis qu’on les interrompait un court instant pour leur apporter leurs plats respectifs, Joanne avait attendu qu’ils soient de nouveaux seuls pour reprendre : « J'espère que nous continuerons à trouver du temps pour déjeuner ensemble de temps en temps. » Libérant ses couverts de la serviette en papier dans laquelle ils étaient enveloppés, Hassan l’avait laissée ajouter « Entre toi qui est doyen, et moi et mes occupations, les plannings vont être serrés. Ce sera un challenge. » puis avait secoué la tête d’un air songeur. Il ne se faisait pas tant d’inquiétudes à ce sujet en réalité, et affirmant d’un ton assuré « On trouvera, va. Je ne m’inquiète pas. » L’odeur de feu de bois se dégageant de son poulet le confortait dans le fait que, même s’il n’avait pris aucun risque en choisissant un plat qu’il prenait déjà régulièrement, il avait fait le bon choix. « Même quand ton planning est chargé, quand tu as envie de voir quelqu’un tu trouves toujours du temps … C’est juste que ça demande plus d’efforts. Et puis, c’est un des autres avantages au fait que tu aies décidé de reprendre tes études : on va bosser au même endroit. » En partie du moins, mais cela faisait déjà une occasion. Et si Hassan était au cours de ces dernières années arrivé à la conclusion que “je n’ai pas le temps” n’était qu’une mauvaise excuse si on l’utilisait de manière trop récurrente, il n’entendait pas en abuser avec Joanne et s’était fendu d’un « Nooche jân. » tranquille pour lui souhaiter bon appétit, ravivant au passage les souvenirs d’une époque où son farsi se glissait par petites touches dans leurs conversations quotidiennes.
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| | | | | | | | joassan + until my heart is black and blue |
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