| butterflies and hurricanes (colleen) |
| | (#)Dim 27 Déc 2020 - 8:21 | |
| Avoir joué la princesse Blanche Neige éternellement heureuse a puisé toute l’énergie de Lily pour la période de Noël. Elle aime la fête en tant que telle et l’idée d’offrir des présents à ses proches la réjouit énormément, mais cette année le ton n’y est pas. Entre sa mère malade et son père avec qui les frictions n’en deviennent que plus évidentes au fil des années, il faut déjà avouer que la base familiale n’est pas bonne. Ajoutons à cela Joseph qu’elle a une fois de plus décidé de rayer de son existence et son mari avec qui tout est encore difficile, Lily n’a pas l’occasion de se réjouir autant qu’elle le voudrait. Elle a fait tout ce qu’elle pouvait auprès des enfants, elle leur a donné toute sa joie et toute son énergie mais puisqu’à la fête de l’hôpital tout le monde a bien plus de dix-huit ans, elle ne juge plus nécessaire d’y mettre autant de formes et d’efforts. Non pas qu’elle n’aime pas ses collègues et bien loin de là, mais elle sait aussi qu’elle a elle-même des limites.
La jeune femme a tout de même tenue à participer à la fête mais force est de constater que plus les secondes passent et les minutes s’éternisent et plus elle juge cette idée de moins en moins bonne. Son small talk est usité avec tout le monde et n’importe qui, indépendamment du fait qu’elle connaisse le prénom de ceux à qui elle parle ou bien leur métier au sein de l’hôpital. A ce niveau là, elle n’en a que faire, jugeant tout le monde sur un même pied d’égalité - leur donnant donc les mêmes chances tout comme les mêmes jugements hâtifs. Après avoir souri hasardeusement en découvrant de nouveaux visages, l’infirmière préfère finalement fuir temporairement les lieux, non sans oublier d’emporter avec elle un verre de champagne comme fidèle compagnon. Ses ongles peints de rouge s’enroulent autour du pied du verre alors qu’elle garde sa seconde main posée sur son bonnet de Père Noël pour ne pas qu’ils s’envolent lorsqu’elle gravit les escaliers.
Elle n’est jamais allée sur le toit mais quelques-uns de ses collègues lui ont donné l’astuce de ce passage secret, lequel elle réutilise enfin aujourd’hui dans le but de s’octroyer un temps de pause. Elle ne veut pas rentrer chez elle pour autant, parce que ce ne serait pas mieux. Puisque “chez elle” se résume pour quelques temps encore à “chez ses parents”, Lily préfère enchaîner les heures supplémentaires à l’hôpital et laisser ses collègues profiter de leur famille et leurs proches en cette occasion. Le vent souffle et menace, elle lutte pour ne pas laisser s’envoler sa robe un peu trop haut au niveau du genou. Tout ce qu’elle cherche, c’est un coin sur lequel s’asseoir pour être à l'abri du vent en même temps qu’elle pourra observer silencieusement le coucher de soleil sur la ville. Ses demandes semblent simples mais apparemment leur lieu de travail n’a pas été conçu pour réaliser ses rêves de petite fille qui a bien trop regardé la télévision, raison pour laquelle elle a besoin d’un certain temps avant de trouver de quoi se contenter.
Ses cheveux volent doucement au vent, elle a renoncé à porter son bonnet et préfère désormais plutôt le garder sur ses genoux, l’utilisant alors comme repose verre de fortune. Lily finit par reposer sa tête contre la ventilation derrière elle ; bruyante mais utile. Ironiquement, son seul réflexe lorsque la lourde porte métallique s’ouvre de nouveau consiste à venir resserrer ses doigts autour de son verre. Elle s’attend à ce qu’on lui dérobe son Précieux à tout instant, comme si tout le monde ne pouvait pas profiter du champagne à volonté à peine quelques étages dessous. Ses lèvres s’étirent naturellement en un sourire lorsqu’elle reconnait la silhouette d’une autre femme à laquelle elle n’a pourtant jamais eu l’occasion de parler. “Pour les acteurs on peut dire “oh, t’es pas celle qui jouait dans ce film là avec toutes les autres filles pour voler un bijoux ?”” Un peu long pour dire “Ocean’s 8”, mais ça peut occuper quelques secondes d’une conversation au moins. “Pour toi ça serait “t’es pas celle qui a mangé un œil de barracuda ?”, ce qui sonne déjà beaucoup moins glamour.” Ne lui en voulez pas, elle n’a pas suivi assidûment (comprenez là qu’elle n’a rien suivi du tout puisqu’Ezra n’a pas survécu bien longtemps dans l’émission) et elle ne sait pas qui a dû faire quel genre d’épreuve horrible. L’intention y est, pourtant, en même temps que son sourire désolé qui marque bien le fait qu’elle ne se moque absolument pas de sa collègue. “C’est caméra free ici, promis.” Personne ne leur dictera quoi dire ou quoi faire ; ça aussi c’est promis.
@Colleen Sainsbury |
| | | | (#)Sam 2 Jan 2021 - 10:42 | |
| « Ce que j’ai préféré, c’était le parcours du combattant ! C’était incroyable ! » « Et la mygale ! La mygale ! Rien que de la voir à l’écran, j’avais envie de vomir ! Je ne sais pas comment tu as fait pour avaler un truc aussi immonde ! ». « Luc et Paloma étaient insupportables… J’ai bien failli éteindre ma télé ! Quelle bande de sales gosses, je les aurais étranglés ! » « Et Jack, il est comment dans la vraie vie ? Il ne s’est vraiment rien passé entre vous ? »
Un sourire de façade. Voilà ce qui était imprimé sur le visage de Colleen depuis le début de la soirée : un sourire figé, crispé, à lui en donner des crampes aux zygomatiques. La soirée organisée à l’hôpital pour les fêtes de fin d’année était censée être un moment agréable. Censée. Pour Colleen, elle s’apparentait davantage à un supplice interminable. Elle avait voulu y croire, pourtant. Elle qui fuyait les événements de ce genre depuis le début du mois de septembre avait voulu retrouver un peu de son optimisme légendaire et accepté de participer à la soirée, pensant naïvement qu’elle pourrait passer inaperçue. Mais c’était sans compter l’insistance de ses collègues, qu’elle n’avait que trop peu vus ces derniers temps et dont la curiosité n’avait visiblement aucune limite. Car tous ceux qu’elle avait rencontrés ce soir-là n’avaient que ces mots à la bouche : Race of Australia. A croire que sa vie se résumait désormais à l’aventure qu’elle avait vécue sur les routes Australiennes pendant un peu plus d’un mois. Bien trop polie pour les rembarrer, la sage-femme prenait son mal en patience et souriait à outrance, répondant le plus brièvement possible aux questions posées en espérant que son fan-club finirait par se lasser. Une stratégie qui, jusqu’à présent, n’avait pas vraiment porté ses fruits. Au contraire, le groupe de personnes agglutiné autour d’elle ne faisait que grossir, et Colleen ne connaissait que la moitié des visages qui l’entouraient. Elle avait bien tenté de s’échapper à deux reprises en prétextant un passage nécessaire aux toilettes, mais à son retour dans la salle les mêmes personnes étaient revenues à la charge, réduisant à néant tous ses efforts. Elle venait même à en regretter de ne pas avoir proposé à Marius de l’accompagner. Parce qu’elle avait craint d’attirer l’attention sur leur couple – d’autant plus après les photos qui avaient circulé sur les réseaux sociaux le mois précédent – elle avait préféré lui épargner ce genre de soirée, mais s’en mordait les doigts à présent. La présence de Marius à ses côtés aurait rendu la soirée bien plus agréable et surtout plus supportable. Malheureusement elle ne pouvait compter que sur elle-même ce soir-là, car même Izzie, sa plus fidèle alliée à l’hôpital, était aux abonnés absents, clouée au lit avec quarante de fièvre…
Profitant du passage d’un serveur à proximité, Colleen posa sa flûte à champagne vide sur son plateau avant d’en subtiliser une autre. Puis, reportant son attention sur les personnes qui l’entouraient et qui continuaient à la bombarder de questions, elle s’éclaircit la voix, leur offrit son plus beau sourire et s’excusa de devoir les quitter prématurément. Cette fois, elle ne prétexta plus un besoin urgent de se repoudrer le nez ; elle considérait que sa comédie avait suffisamment duré et que même sa patience avait ses limites. Elle pivota sur ses talons, sa flûte à la main, et se dirigea vers le fond de la salle. Elle laissa ses pieds la guider et erra dans les couloirs déserts un moment avant d’atteindre l’escalier qui menait au toit de l’hôpital. La perspective de prendre un grand bol d’air frais lui parut aussitôt séduisante, et sans perdre une seconde, elle gravit les marches et poussa la lourde porte métallique qui s’ouvrit dans un grincement distinct. Le vent vint aussitôt fouetter son visage, et Colleen eut le réflexe de fermer les yeux un instant pour profiter de son contact sur sa peau. En bonne Anglaise qu’elle était elle considérait la présence du vent comme celle d’un vieil ami : réconfortante. Inspirant à pleins poumons la jeune femme sourit, et cette fois-ci l’esquisse que dessinaient ses lèvres était spontanée. Du calme, de la fraîcheur et un peu de champagne : voilà ce qu’on pouvait lui souhaiter de mieux.... Enfin, pour le calme, ce n’était pas encore gagné ; une voix féminine retentit soudain, la tirant de sa rêverie et lui faisant rouvrir les yeux. Les sourcils froncés, elle tourna la tête et son regard s’arrêta sur la silhouette d’une jeune femme assise à proximité. Physionomiste, elle reconnut une infirmière du service pédiatrie dont elle avait oublié le prénom et à qui elle n’avait jamais vraiment adressé la parole. A l’allusion qu’elle fit de Race of Australia, Colleen fut tentée de tourner les talons, jusqu’à ce que les dernières paroles de l’infirmière résonnent sur le toit de l’hôpital et qu’elle perçoive dans le ton de sa voix une ironie qui la fit changer d’avis. Se prêtant au jeu, elle plissa les yeux d’un air dubitatif et s’enquit : « Tu es sûre ? Qu’il n’y a pas de caméra, je veux dire ? ». Elle fit mine de les chercher un instant avant de pousser un soupir de dépit. « Mince, moi qui pensais pouvoir répondre à quelques interviews, je suis déçue… ». Elle haussa les épaules et en s’approchant de l’infirmière, abandonna sa comédie au profit d’un sourire sincère. « L’œil de barracuda, en toute honnêteté, je n’aurais jamais pu ». Manger une mygale avait déjà été une épreuve en soi, et si Jack n’avait pas été à ses côtés pour l’encourager, sans doute n’aurait-elle jamais réussi à l’avaler entière. Comme quoi, il y avait toujours un décalage entre la réalité et ce que le montage d’une émission voulait bien montrer : à l’écran, Colleen avait semblé bien plus confiante qu’elle ne l’avait été en vérité. « Toi aussi tu fuis les festivités ? » Demanda-t-elle avant de réaliser que sa question était peut-être indiscrète, et qu’elle aurait mieux fait de se taire. « Pardon, ça ne me regarde sans doute pas… ». Elle qui était montée jusque-là dans le but de fuir les questions qu’on lui posait depuis le début de la soirée, se révélait à son tour un peu trop curieuse. Quelle ironie.
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| | | | (#)Dim 31 Jan 2021 - 18:56 | |
| Lily tente maladroitement d’avoir des paroles à contre-courant que toutes celles que Colleen doit entendre à longueur de journée mais, comme à son habitude, elle ne peut s’empêcher de mettre les deux pieds dans le plat au passage. Elle ne connait pas l’infirmière mais entend parler d’elle comme de la nouvelle star de l’hôpital, ce qui pourrait être une bénédiction pour quiconque en quête d’attention mais un malheur pour le reste de la population. A en juger par ses réponses et son attitude générale, la McGrath pense déjà savoir dans quelle catégorie la situer. Elle n’a elle-même pas bien vécu son passage dans l’émission de télévision du câble australien, même si les enjeux et le contexte étaient bien différents de son temps. A quelques mois d’intervalles, elles semblent avoir vécu une expérience malheureusemen tbien semblable.
Le toit s’est présenté comme un échappatoire pour la jeune mariée et il semble en être de même pour sa collègue de fortune. Les fêtes sont un beau moment de l’année mais parfois le moral n’y est pas, ou tout simplement le rpoblème ne vient certaines fois que de l’esprit. Cette fois-ci c’est promis, Lily ne posera pas de question à ce propos : cela ne la regarde pas. « Tu es sûre ? Qu’il n’y a pas de caméra, je veux dire ? » Si elles font fi des dizaines de caméras qui fonctionnent en permanence dans l’hôpital et ses alentours alors, oui, elle est presque sûre qu’il n’en existe pas d’autres. Pas sur un toit où personne ne se rend, en tout cas. La remarque la fait pourtant rire et la rassure au sujet d’une Colleen qu’elle aurait rapidement pu catégoriser comme une femme ayant besoin d’être sous le feu des projecteurs. N’allez pas dire que Lily aussi est passée devant les caméras (pour se marier, qui plus est), là n’est pas le sujet. « Mince, moi qui pensais pouvoir répondre à quelques interviews, je suis déçue… » La déception sur son visage ressemble étrangement à un doux sourire, lequel est reproduit en miroire sur le visage de la seconde infirmière, par simple habitude de bien paraître et politesse. "Je peux tenter une reconversion dans le métier, si ça te manque tant que ça." La proposition n’en a que le nom, bien sûr, et à son tour la vérité se lit aisément sur son visage. Ce n’est pas un métier qui plairait le moins du monde à la jeune femme et elle s’y adonnerait encore moins alors que le contexte ne s’y prête pas. Connaître les moindres secrets des gens n’est pas une bonne chose pour sa personne, surtout alors qu’il ne lui suffit que d’un regard pour décider qu’une personne est néfaste.
Naturellement, les questions sont renvoyées à son attention tel un boomerang. « Toi aussi tu fuis les festivités ? » Polie, Lily adresse un sourire à peine plus grand que le précédent, laissant son regard bleu divaguer des yeux de Colleen à la vue générale sur la ville et ses buildings. Si la jeune femme ne s’étale jamais sur ses émotions et sentiments, ce n’est pas pour autant qu’elle compte laisser la question retomber tel un soufflet. « Pardon, ça ne me regarde sans doute pas… » - “Il n’y a aucun soucis.” Et elle le pense réellement. Les deux femmes ne se connaissent pas et ne se doivent rien, mais cela n'empêche pas pour autant Lily de lui donner des réponses lorsqu'elle le peut, surtout alors que cette fois-ci elle ne se sent absolument pas attaquée. "Ce genre de fête, ce n'est pas pour moi." Elle n'avouerait jamais fuir quoi que ce soit, mais c'est pourtant ce qu'elle fait, encore et toujours. Son sourire contrebalance avec ses aveux à peine voilés pour ne pas rendre la scène plus pathétique que nécessaire. "Tu as besoin d'un peu d'espace ?" La question ne sort pas de nulle part, tant et si bien qu'elle se permet de s'expliquer ensuite. "Tu étais le centre de l'attention, là-bas, je veux dire." Lily n'a pas de mal à laisser les autres prendre toute la lumière, loin de là, mais à en juger par la présence de l'infirmière sur ce toit, elle doute qu'elle ait voulu tout ce qu'on lui donne. "On ne pense pas à tout ça quand on remplit un simple formulaire." Personne ne pense jamais être rappelé. Ça arrive toujours aux autres et, parfois, il serait effectivement préférable que ça reste ainsi. |
| | | | (#)Lun 8 Mar 2021 - 5:22 | |
| Ce toit quasiment désert avait quelque chose de rassurant. Les spots agressifs avaient laissé place à une pénombre rassurante, et le bourdonnement incessant des conversations au calme plat. Même la brise tiède qui lui chatouillait la peau et soulevait délicatement ses mèches brunes était appréciable – l’un des nombreux avantages à vivre à Brisbane : pouvoir traverser la période de Noël sans avoir recours à six couches de vêtements pour se protéger du froid hivernal. Alors c’est vrai, Colleen n’était pas tout à fait isolée. De toute évidence, elle n’était pas la seule à avoir ressenti le besoin de prendre l’air au beau milieu de la soirée, puisqu’une autre invitée se trouvait sur le toit. Mais quelque chose dans l’inflexion de la voix de l’infirmière la rassura immédiatement ; la pointe d’ironie qui la transperçait, sans doute. Toujours est-il qu’elle ne ressentit pas le besoin de fuir une nouvelle fois et qu’au contraire, la sage-femme osa s’approcher de quelques pas afin de mieux scruter le visage de sa nouvelle interlocutrice et tenter de cerner ses intentions. Avec sa coupe de champagne à la main, sa position décontractée et son sourire serein, à priori, elle n’avait rien d’une groupie en quête de nouveaux ragots, et Colleen se sentit soulagée. Bien loin de se braquer suite aux allusions de la brune, elle répondit avec humour, ses traits esquissant une moue faussement déçue à la promesse de l’absence des caméras. Son petit jeu n’échappa pas à l’infirmière qui, sur le même ton, lui proposa une éventuelle reconversion professionnelle pour satisfaire son besoin de répondre à des questions. Abandonnant sa comédie, Colleen roula des yeux. « Non merci, je pense que je saurais m’en passer finalement ». Elle ponctua sa phrase d’un sourire entendu avant de prendre appui contre le muret à proximité de la jeune femme. Sans trop réfléchir, elle l’interrogea à son tour sur la raison de sa présence sur le toit ; si de son côté, elle semblait évidente, elle n’avait pas la moindre idée de ce qui avait pu la motiver à s’éloigner de la fête. Elle réalisa néanmoins bien vite que sa question pouvait sembler indiscrète et s’en excusa aussitôt. Après avoir été victime des sollicitations continues de ses collègues, elle n’avait pas la moindre envie d’agir de la même façon avec l’infirmière. Même si c’était elle qui avait lancé la conversation, cela ne signifiait pas qu’elle ne tenait pas à sa tranquillité, et Colleen ne voulait pas paraître à ses yeux comme une intruse. D’ailleurs, elle trouverait bien un autre endroit pour s’isoler si la jeune femme souhaitait rester seule – peut-être même qu’elle pourrait prendre la poudre d’escampette et rentrer à Logan City plus tôt que prévu.
A son grand soulagement, la brune ne sembla pas lui en tenir rigueur cependant, et la rassura automatiquement à ce propos. Elle lui expliqua ne pas se sentir à sa place dans ce genre de fête, et Colleen acquiesça d’un signe de la tête, comprenant parfaitement là où elle voulait en venir. D’ordinaire, elle n’avait aucune difficulté à se fondre dans la masse et à aller vers les autres, un sourire bienveillant dessiné aux lèvres et son sempiternel optimisme en bandoulière. Elle était même plutôt sociable, ce qui avait par ailleurs grandement facilité son intégration. Toutefois, elle aspirait à davantage de calme ces derniers temps et concevait que l’on puisse appréhender ce genre de fête. « Je comprends » Opina-t-elle. Son regard se détacha furtivement du sien pour parcourir les lignes des immeubles qui se découpaient au loin dans l’obscurité naissante. Elle fit tournoyer distraitement le liquide ambré dans sa flûte avant de baisser de nouveau les yeux vers la brune quand sa question lui parvint. Visiblement, l’attention qu’elle avait reçue en bas n’avait pas échappé à sa vigilance, et Colleen poussa un bref soupir. « J’ai horreur de ça. J’ai bien conscience que c’est normal que les gens s’intéressent à l’émission, et d’une certaine manière je suis ravie qu’elle ait eu ce succès auprès des téléspectateurs. Mais ça va faire deux mois qu’elle n’est plus diffusée, il serait temps de passer à autre chose, non ? » C’était en tout cas tout ce à quoi elle aspirait. « Je veux dire, ce n’est qu’une émission comme il en existe des dizaines d’autres, et je n’ai vraiment rien fait d’exceptionnel pour justifier cet engouement ». Colleen ne faisait pas preuve de fausse modestie, elle était sincère. La pression médiatique l’épuisait et elle ne comprenait pas que l’on puisse s’intéresser à elle ou à sa vie privée. D’accord, elle avait traversé en stop le pays d’est en ouest, avait participé à des épreuves incroyables et ne s’en était même pas trop mal sortie, mais elle n’estimait pas que cela soit suffisant pour faire d’elle une célébrité locale. Elle évoluait au quotidien dans le domaine médical, et à ses yeux, les véritables héros étaient les personnes qui sauvaient des vies, pas celles qui faisaient la couverture des magazines. Mais la brune qui lui faisait face avait raison : on ne pensait pas suffisamment aux conséquences quand on se lançait dans le casting d’une émission comme Race of Australia – même si, la concernant, elle ne l’avait même pas rempli ce fichu questionnaire, puisque c’était sa fille qui avait envoyé sa candidature à la production. « Exactement » Approuva-t-elle ; elle n’aurait pas su dire mieux. Elle avait eu la naïveté de croire que sa vie ne changerait pas après une telle expérience, une erreur qu’elle n’était probablement pas la seule à commettre. D’ailleurs… Elle plissa les yeux, sa curiosité soudain piquée, repensant au ton employé par la jolie infirmière. Elle sonda son regard tout en fouillant sa mémoire, convaincue que quelque chose lui échappait. Parlait-elle de manière générale ou, comme Colleen semblait le pressentir, il y avait plus de vécu dans ces paroles que de pragmatisme ? A bien y réfléchir, son visage lui semblait vaguement familier à présent. Au début, elle n’avait reconnu en elle que l’infirmière en pédiatrie qu’elle croisait régulièrement à l’hôpital, mais peut-être que ce n’était pas tout. « Tu as l’air de savoir de quoi tu parles » Lança-t-elle finalement, cédant à la curiosité. « Maintenant que j’y pense, j’ai l’impression de t’avoir déjà vu quelque part… En dehors de l’hôpital, je veux dire » Crut-elle bon de préciser.
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| | | | (#)Lun 29 Mar 2021 - 20:56 | |
| Sur le toit, le temps ne semble pas s’écouler de la même façon. Tout est plus lent, calme et apaisé. Lily a le temps d’observer la ville s’animer sans pour autant en faire partie et même pour une jeune femme comme elle qui a toujours aimé être dans le peloton, cela ne la dérange en rien. Prendre un peu de recul a parfois du bon et elle s’en rend enfin compte. Ici est aussi l’endroit parfait pour souffler un peu et être en paix sans jamais craindre le regard de qui que ce soit. Les questions volent doucement de l’une à l’autre et l’infirmière avance à tâtons pour être certaine de ne jamais froisser sa compagne d’infortune en aucun instant. Elle l’écoute donc avec attention, remarquant que face à elle Colleen semble penser les choses de la même façon. Pour peu, elle se penserait face à un miroir, à la seule différence qu’au travers de celui-ci elle peut entendre son propre flot de paroles. C’est tout comme. La brune est calme et posée, elle pèse chacun de ses mots et manie l’art du langage et pour une Lily dont la vie toute entière se résume à cela, tout compte énormément. Ils ne l’ont pas assez laissée parler devant la caméras ; c’est tout ce qu’elle retient. Ou en tout cas, c’est ce qu’elle retient en priorité. Elle rejette se popularité grandissante du revers de la main, ne faisant là que prouver une fois de plus à quel point elle a effectivement les pieds sur Terre, pas seulement l’air. Lily ne peut que hocher de la tête face à ses paroles, se retrouvant dans chacune de ses idées. “Tu devras sûrement attendre l’édition de l’année prochaine pour qu’ils aient de nouvelles personnes à idolâtrer.” Peut-être qu’elle aura de la chance et que les téléspectateurs trouveront de l’intérêt dans une autre émission diffusée rapidement, mais elle n’a pas entendu parler de quoi que ce soit qui puisse intéresser autant de personnes que ROA l’a fait. « Je veux dire, ce n’est qu’une émission comme il en existe des dizaines d’autres, et je n’ai vraiment rien fait d’exceptionnel pour justifier cet engouement » Tu les as fait rêver, Colleen. Ils ont tous voyagé grâce à leur aventure, ils ont tous eu peur en même temps qu’eux, ils se seront émerveillés face aux mêmes choses. Ils ont vécu l’aventure grâce à son duo et à celui de tous les autres participants mais ce n’est jamais quelque chose dont on peut se rendre compte sur le tournage, toujours trop occupé à vivre sa propre aventure et à vouloir la faire perdurer aussi longtemps que possible. Lily, pour sa part, ne s’en est rendue compte que bien plus tard, une fois la pression redescendue et les camrés envolées, sans plus personne pour lui faire des interviews ou la maquiller. Non pas que ça lui manque, bien loin de là. La vie est simplement différente après ce genre d’aventure et même si elle n’a rien vécu de semblable à la brune, elle peut au moins comprendre cette partie là.
A force de répondre avec autant d’assurance que de douceur, Lily finit par se faire prendre à son propre jeu. « Tu as l’air de savoir de quoi tu parles. » La plus jeune affiche un simple sourire en coin. Ce n’était de toute façon pas un secret, c’est une évidence, mais si elle avait pu ne jamais en parler alors elle ne l’aurait effectivement jamais fait. Sa participation à l’émission n’est jamais quelque chose qu’elle oserait mettre en avant dans sa vie et si quelqu’un peut le comprendre, c’est sans aucun doute sa compagne d’infortune de l’instant. « Maintenant que j’y pense, j’ai l’impression de t’avoir déjà vu quelque part… En dehors de l’hôpital, je veux dire. » Heureusement qu’elle a participé à cette émission en fin de compte, sinon on aurait presque pu faire passer Colleen pour un nouveau genre de freak ou stalker. “J’ai participé à une émission moi aussi. Ça explique sans doute beaucoup de choses.” Le thème était différent et toute leur aventure avec mais Lily croit bon de penser que les rouages doivent être les mêmes et les différentes techniques pour leur soutirer des confessions entre deux instants le sont tout autant. Les mots de l’infirmière arrivent telle une confession un peu honteuse, un jeu d’enfant qu’elle avouerait enfin au bout du jour. “Je me suis mariée grâce à ça, en fait.” Par habitude, ses doigts viennent donc jouer avec l’alliance qu’elle n’a jamais quittée depuis le tournage de l’émission, même quand son couple était au plus mal - et elle avec. S’il y a bien une personne qui n’aurait jamais cru en des pseudos-spécialistes pour faire un mariage, c’est elle. Et s’il y a bien une personne qui n’a jamais regretté d’avoir trouvé et épousé son mari, c’est elle aussi. Ce n’est pas pour autant qu’elle en retiendrait la leçon et voudrait lâcher prise sur son quotidien. “S’ils t’appelaient pour une nouvelle saison, tu voudrais y retourner? Pour l’aventure ou pour retrouver les candidats, peut-être.” Différentes émissions, différentes histoires. Une part d’elle se dit qu’elle est chanceuse de ne pas avoir eu à vivre toutes ces difficiles épreuves, cela ne lui aurait pas ressemblé. L’autre part se dit que l’idée même de se marier avec un inconnu lui ressemblait tout aussi peu et pourtant voilà où elle en est. “Tu as eu beaucoup de courage de t’aventurer là dedans.” |
| | | | (#)Mar 27 Avr 2021 - 5:32 | |
| L’ironie voulait que le sujet de conversation qu’elle avait tant essayé d’éviter dans la salle de réception était aussi celui qui lui avait permis d’engager la conversation avec Lily. Le ton était différent, pourtant : dénué d’envie ou de curiosité mal placée. Dans le regard de l’infirmière, elle percevait un intérêt qui n’avait rien de malsain, et c’était sans doute la raison qui avait poussé Colleen à s’exprimer sur le ton de la confidence, en s’interrogeant à voix haute sur cet engouement pour l’émission qui continuait de lui échapper. Cela faisait des semaines maintenant que la question la taraudait : comment expliquer que sa popularité perdure alors même que la diffusion de l’émission s’était achevée ? Elle ne l’avait même pas gagnée ! Colleen ne faisait pas preuve de fausse modestie en avançant qu’elle n’avait rien fait de bien exceptionnel, car si à ses yeux l’aventure l’était bel et bien – exceptionnelle, s’entend – pour sa part elle considérait qu’elle n’avait absolument pas l’étoffe d’une héroïne. C’était la chance, bien plus que le talent, qui lui avait permis d’aller aussi loin dans la course. Et puis, elle n’avait pas parcouru les routes australiennes en solitaire ; elle avait pu compter sur l’aide précieuse et non négligeable de son binôme et ami, Jack. A elle seule, Colleen aurait probablement été éliminée dès la première semaine d’aventure. Malheureusement, elle avait beau en être persuadée et le rappeler à qui voulait bien l’entendre, cela n’était pas suffisant et la pression médiatique qui l’entourait continuait de l’étouffer. Elle se résignait donc à prendre son mal en patience et à attendre que la situation s’apaise par elle-même, convaincue que sa persévérance et son profil bas finiraient par porter leurs fruits. Pseudo-journalistes et groupies finiraient bien par se fatiguer avant elle, non ? Colleen l’espérait en tout cas. Aussi fronça-t-elle légèrement le nez quand Lily prédit qu’il lui faudrait probablement attendre la prochaine édition de l’émission avant de pouvoir retrouver son anonymat chéri. Elle était prête à attendre, certes, mais cette perspective lui semblait si lointaine qu’elle lui nouait le ventre. « Il va me falloir un peu plus de champagne » Fit-elle avec ironie en levant sa flûte, « si je dois accepter l’idée d’attendre aussi longtemps ». Et comme pour illustrer ses paroles, elle porta la flûte à ses lèvres pour en boire une gorgée, avant d’adresser un sourire à la jeune femme dont le visage lui semblait plus familier à présent qu’elle considérait ses paroles sous un nouvel angle. Car à bien y réfléchir, Lily avait vraiment l’air de savoir de quoi elle parlait, comme si son vécu lui permettait de comprendre ce qu’elle traversait, comme si elle-même avait fait les frais d’une popularité indésirée, semblable à celle expérimentée par la sage-femme.
Les yeux plissés, Colleen sonda le regard de son interlocutrice. Elle n’avait pas bu suffisamment de champagne pour en perdre la mémoire, cependant en dépit de ses efforts elle ne parvenait pas à mettre le doigt sur ce qui la chiffonnait. Alors elle posa la question, espérant ne pas se montrer à son tour trop indiscrète. Quand la réponse lui parvint, elle haussa les sourcils, surprise. Lily s’était mariée grâce à une émission ? Le regard de Colleen glissa jusqu’à l’alliance que l’infirmière faisait distraitement tournoyer autour de son annulaire. Maintenant qu’elle lui en parlait, il lui semblait avoir déjà entendu parler de cette émission, sans l’avoir vue de ses propres yeux cependant. Faire confiance à la science pour trouver l’âme sœur, voilà un pari audacieux. Colleen était impressionnée. « Effectivement, ça explique pas mal de choses » Répondit-elle en hochant la tête d’un air entendu. « Et puisque tu portes encore cette alliance au doigt, j’imagine que l’expérience a été une réussite ». Son commentaire s’apparentait davantage à une affirmation qu’à une question, et ce n’était pas anodin : elle ne voulait pas donner l’air d’essayer de lui soutirer des informations relatives à sa vie privée. Néanmoins, elle ne pouvait tout à fait dissimuler sa surprise et son brin d’admiration. « Je trouve ça très courageux. Bien plus courageux que manger un œil de barracuda, à vrai dire » Confia-t-elle d’un air amusé. S’il en fallait, du courage, pour faire confiance à des étrangers qui vous prenaient en stop sur le bord de routes désertiques, il en fallait encore plus pour épouser un parfait étranger, et Colleen savait qu’elle n’en aurait jamais été capable. Elle sourit à Lily, avant de considérer sa question avec sérieux. Si elle était prête à se relancer dans une nouvelle saison de Race of Australia ? A la lumière de ce qu’elle avait vécu ces dernières semaines, la réponse était sans doute négative. Pourtant, si elle lui avait été posée au lendemain de la fin de son aventure, elle aurait été bien différente. « Non, je ne pense pas. A moins bien sûr que les caméras ne nous suivent pas cette fois. J’ai adoré la course, j’ai passé des moments extraordinaires et j’ai fait des rencontres que je n’oublierais jamais, mais j’ai eu beaucoup trop de mal à gérer « l’après ». J’aimerais simplement reprendre une vie normale, sortir dans la rue sans craindre d’être reconnue, ce genre de choses, tu vois ? ». Lily était vraisemblablement très bien placée pour comprendre ce à quoi elle faisait allusion. « Je peux difficilement te retourner la question » Poursuivit-elle en souriant. « Mais encore une fois, je trouve que ce que tu as fait est bien plus courageux. Tu gardes un bon souvenir de ton expérience ? Je n’ai pas suivi l’émission, pour être honnête, alors j'ai du mal à imaginer comment ça s'est passé ».
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| | | | (#)Lun 3 Mai 2021 - 5:48 | |
| ▬ @colleen sainsbury La discussion avec Colleen est simple puisque l’infirmière a l’impression d’avoir retrouvé une amie de longue date, éloignée d’elle par la faute des années. Ce n’est bien sûr pas le cas puisqu’elle n’a jamais fréquenté sa collègue mais sa bienveillance lui donne cet effet là. En retour, Lily essaye de faire au mieux et de lui remonter le moral (c’est évident qu’elle ne va pas bien) avec le peu de moyens qu’elle a à sa disposition, c’est à dire en utilisant ROA. D’habitude plus douée dans ce domaine, force est de constater que cette fois-ci ses arguments chambranlent, chose que Colleen lui fait rapidement remarquer. « Il va me falloir un peu plus de champagne si je dois accepter l’idée d’attendre aussi longtemps » Ce n’est pas faux ce qu’elle dit là et si on venait à mettre Lily face à des faits similaires, elle aurait eu la même réaction. “Je suis certaine qu’ils gardent de bien meilleures choses pour les jours spéciaux.” Et par ‘bien meilleures choses’ elle veut bien sûr parler d’alcools plus prononcés et tout ce qui ira en ce sens. Si elle se tient loin de toutes sortes d’excès, ce n’est pas pour autant qu’elle n’a pas sa petite réserve quelque part, elle aussi. L’hôpital ne déroge sûrement pas à la règle, il est souvent le lieu de célébrations pour diverses raisons.
Ce n’est qu’après qu’on lui ait posé la question qu’elle explique à son tour avoir participé à une émission de télévision, chose dont elle se rend volontairement peu fière. « Effectivement, ça explique pas mal de choses » C’est le cas de le dire. Leur passé est à la fois semblable et totalement différent, image qui amuse sincèrement Lily et l’intrigue plus encore. Une part d’elle a envie de connaître le ressenti qu’on pu avoir d’autres personnes ayant vécu la même expérience qu’elle, sans pour autant qu’ils aient tous fini avec une alliance au doigt ou, à défaut, une marque de bronzage suite à un séjour de noces dans un lieu paradisiaque ayant rapidement viré au cauchemar une fois de retour au pays. A ses yeux, il n’existe de toute façon aucune autre solution possible. « Et puisque tu portes encore cette alliance au doigt, j’imagine que l’expérience a été une réussite » Touchée. Elle ne comptait pas mentir sur la fin de son aventure mais elle pensait rester discrète et vagues quelques secondes de plus pour que la révélation sorte de sa propre bouche. Colleen fait pourtant une bonne enquêtrice, quand bien même beaucoup diraient que regarder son annulaire pour se donner une idée était évident. A défaut de le prendre mal, Lily sourit doucement et tourne sa tête vers l’horizon, gamine trop amoureuse qui ne souhaite pas l’exposer à trop de personnes (quelques millions seulement). “Tu imagines bien, en effet.” Elle prend le temps de lui offrir une réponse verbale, jugeant que Colleen l’a bien méritée. « Je trouve ça très courageux. Bien plus courageux que manger un œil de barracuda, à vrai dire » - “Si un jour j’avais su que mon mariage serait comparé à un œil de barracuda.” est la première chose que l’infirmière reprend, amusée. “A la différence que l’oeil de barracuda, tu sais que tu vas détester quoi qu’il arrive. Pour le mariage, tu espères fort que ce ne sera pas le cas.” Colleen dit courageux, Lily pense stupide. Elle tempère ses mots et ses pensées et se veut moins tranchée pour laisser une chance à leur discussion, surtout alors qu’elle apprécie déjà sa collègue.
Quitte à ce que la discussion tourne autour de leur participation aux émissions du petit écran, Lily se demande si elle doit s’attendre à la retrouver un jour dans l’une d’elles. La réponse, tranchée, est un non catégorique. Les explications qu’elles en donnent résonnent aux oreilles de l’infirmière comme une mélodie déjà connue, apprise, pratiquée. « J’aimerais simplement reprendre une vie normale, sortir dans la rue sans craindre d’être reconnue, ce genre de choses, tu vois ? ». Elles n’avaient jamais été préparées à l’après, il les a heurté de plein fouet. Elle ne peut que hocher de la tête, se remémorant à son tour le nombre de fois où elle a été reconnue dans la rue et son prénom, pourtant doublement composé de la même syllabe, écorché d’un millier de façons différentes. “J’aimerais ne pas avoir à vérifier tout le temps la règle qui dit qu’on va nous reconnaître le jour où on est le moins bien habillé.” Ce qui, pour Lily, se résume à quelque chose comme porter des chaussures avec une trace de boue sur le talon. Dans le pire des cas. Psychologiquement, elle a l’impression d’être habillée et prépare comme si elle venait de sauter du lit, on ne se refait pas. « Je peux difficilement te retourner la question. Mais encore une fois, je trouve que ce que tu as fait est bien plus courageux. Tu gardes un bon souvenir de ton expérience ? Je n’ai pas suivi l’émission, pour être honnête, alors j'ai du mal à imaginer comment ça s'est passé. » Au tour de Lily de porter son verre à hauteur de lèvres, prenant le temps de réfléchir à la réponse qu’elle pourrait donner à celle qu’elle a déjà envie de considérer comme une amie. “J’ai eu de la chance de tomber sur quelqu’un de bien mais je continue de penser que prendre une telle décision face à un inconnu n’est pas la meilleure idée qu’on puisse avoir.” Elle n’en veut assurément pas à Adèle de l’avoir inscrite, elle pensait bien faire et finalement ça a été le cas, mais elle sait aussi que rien que dans sa saison de Mariés au Premier Regard, peu de mariages ont su durer. “J’ai été heureuse d’avoir rencontré mon mari mais je ne garde pas un bon souvenir de l’émission pour autant. C’est sans doute égoïste de dire ça maintenant, mais j’aurais préféré qu’on se marie devant nos proches.” S’ils avaient pris leur temps comme le reste des couples, Lily aurait été rabibochée avec son frère au moment du mariage. Il aurait pu être présent pour ce jour si particulier et ça aurait été lui qui l’aurait accompagné jusqu’à l’autel. Avec des si elle peut refaire le monde sans mal. “C’est un peu comparable à ton émission, je pense. Si tu avais eu un binôme avec qui tu ne t’entendais pas, tu ne serais pas allée aussi loin.” Désireuse de ne pas parler uniquement d’elle, Lily cherche des ponts partout où elle peut en trouver, cherchant toujours à garder sa collègue au centre de la discussion. “Vous gardez contact? Avec ton binôme ou les autres, je veux dire. Vous avez vécu tellement de choses ensemble.” Et pour autant, il existe un monde entre l’émission et le monde des vivants. Qu’elle réponde par la négative n’étonnerait pas Lily, bien au contraire. |
| | | | (#)Ven 7 Mai 2021 - 8:54 | |
| Ce n’était pas la compagnie mais bien la tranquillité que Colleen était venue chercher sur le toit ce soir-là. Un choix en totale contradiction avec celui qu’elle avait fait en acceptant de se rendre à la soirée de Noël organisée par l’hôpital, avec pour objectif de sociabiliser. Force était de constater qu’elle s’était trompée, et à deux reprises. Pour commencer, elle aurait dû se douter qu’elle n’était pas encore prête psychologiquement à rencontrer les personnes qui l’avaient suivie tout au long de la diffusion de son aventure télévisée. Après avoir passé autant de semaines à éviter l’attention, elle s’était brusquement retrouvée sous le feu des projecteurs et en avait été déstabilisée. Arrivée à Brisbane depuis un peu plus d’un an, le nombre de personnes qu’elle connaissait vraiment à l’hôpital était somme toute assez restreint, or celles qui étaient venues vers elle ce soir-là ne lui étaient pas familières. Sans le soutien de Marius ou même celui d’Izzie elle s’était sentie particulièrement vulnérable, au point de ressentir le besoin de s’isoler. Deuxième erreur de la soirée : être convaincue que seule la solitude pourrait lui apporter du réconfort. La conversation avec Lily lui prouvait le contraire. Elle n’avait pas seulement trouvé en l’infirmière une camarade de fortune plongée dans le même désarroi qu’elle ; elle avait surtout trouvé une complice inespérée. Jusqu’à présent, elle n’avait pu compter que sur les ex-candidats de Race of Australia pour comprendre véritablement ce qu’elle traversait, et contrairement à elle la plupart d’entre eux avaient plutôt bien vécu ce passage à la vie publique. A présent, elle pouvait partager son vécu et son ressenti avec une personne qui n’avait pas fait partie de son aventure, mais qui pour autant comprenait parfaitement ce qu’elle ressentait. Les émissions n’étaient pas les mêmes et les enjeux étaient bel et bien différents, mais les retombées, elles, étaient similaires. Il était réconfortant pour Colleen de réaliser qu’elle n’était pas seule. Les paroles de Lily étaient si justes, le ton de sa voix si apaisant, que celle qu’elle ne connaissait pas dix minutes plus tôt gagnait déjà sa confiance. Parler avec la jeune femme était comme échanger avec une vieille connaissance ; la conversation était facile, naturelle, il n’y avait aucun effort à fournir. Si Lily n’avait pas été présente sur le toit, sans doute aurait-elle déjà pris la poudre d’escampette. Mais elle était encore là, et grâce à elle Colleen oubliait le reste de la soirée et ses déceptions.
Un sourire s’invita sur les lèvres de la sage-femme quand elle entendit la réflexion de l’infirmière à propos du champagne. Elle haussa même un sourcil. « De bien meilleures choses, mmh ? Ici, à l’hôpital ? J’aurais dû essayer de soudoyer un serveur pour les obtenir alors... Tu penses qu’offrir une dédicace aurait fonctionné ? ». Une lueur espiègle s’alluma dans son regard clair. L’option « boire pour oublier » n’en était pas vraiment une, mais l’idée était presque séduisante après deux coupes de champagne. Cela faisait longtemps qu’elle ne s’était pas amusée, qu’elle n’avait plus pris de risques. Elle s’était installée en Australie avec l’objectif de se redécouvrir et de goûter à cette liberté qui lui avait longtemps fait défaut – un objectif qu’elle l’avait atteint, en quelques sortes, en repoussant ses limites sur le tournage de l’émission. Seulement, le retour à la réalité l’avait bien calmée et de nouvelles barrières avaient été érigées, l’empêchant de profiter de sa liberté. Et si ces barrières ne possédaient plus les traits de son ex-mari, elles n’en étaient pas moins réelles pour autant. Ce soir-là, elle enviait la Colleen des premiers mois à Brisbane, celle qui était parvenue à mettre ses craintes de côté pour profiter de la vie. Parviendrait-elle à retrouver cette sérénité un jour ? C’était la question qu’elle se posait tous les matins.
La révélation du parcours de Lily impressionna Colleen, qui ouvrit de grands yeux ronds en l’écoutant. Rencontrer son âme sœur par le biais d’une expérience scientifique, voilà un pari qu’elle n’aurait jamais tenté. L’Anglaise était une grande romantique, et malgré ses déceptions passées elle croyait de nouveau en l’amour grâce à Marius. Que cet amour puisse être trouvé dans ce contexte-là lui paraissait incroyable, et pourtant à en juger par l’alliance que portait toujours Lily, l’expérience avait été un succès. C’est d’ailleurs ce que lui confirma la principale intéressée, qui semblait amusée par la comparaison tentée maladroitement par la sage-femme à propos de leurs expériences respectives. Colleen ne put retenir un nouveau sourire. « C’est vrai que la comparaison n’était peut-être pas appropriée » Offrit-elle. Elle de son côté aurait pu comparer l’œil de barracuda avec son divorce, mais là n’était pas la question, et elle ne voyait pas l’intérêt de s’aventurer sur ce terrain glissant.
Quand Lily lui demanda si elle retenterait l’expérience dans l’hypothèse où elle était appelée pour une nouvelle édition de Race of Australia, la réponse franchit naturellement les lèvres de Colleen. Elle doutait qu’une telle opportunité se présente à elle, mais si c’était le cas elle s’abstiendrait. Non pas parce qu’elle n’avait pas apprécié la course, mais plutôt parce qu’elle ne supportait pas la médiatisation. Là encore, Lily saisit ce à quoi elle faisait allusion et ses mots furent d’une justesse étonnante. La plupart du temps, Colleen essayait de se cacher derrière des artifices pour dissimuler son identité des regards indiscrets… Foulards, lunettes de soleil XXL, chapeaux : tous les subterfuges étaient bons pour lui venir en aide. Alors sortir de chez elle sans maquillage ni tenue décente, ce n’était clairement pas envisageable. « Exactement » Répondit-elle simplement en vidant entièrement sa flûte cette fois. Désireuse de découvrir le vécu de Lily par le biais de ce qu’elle était prête à lui confier, Colleen s’enquit de son expérience à elle. Elle n’avait jamais regardé ce genre d’émission et ne pouvait avoir recours qu’à sa seule imagination pour tenter d’en concevoir le procédé, alors elle était curieuse de découvrir ce qu’en avait pensé Lily – du moins, si cette dernière voulait bien partager son ressenti avec elle ; après tout, elles ne se connaissaient que depuis quelques minutes. L’infirmière sembla pourtant encline à lui parler, et choisit ses mots avec précaution avant de se lancer. Colleen hocha la tête à plusieurs reprises en l’écoutant, tentant de se mettre à sa place et d’imaginer la difficulté du choix qu’elle avait fait et l’audace que celui lui avait demandé. « Peut-être que ce n’était pas de la chance, peut-être que vous étiez destinés à vous rencontrer tous les deux » Fit-elle, philosophe un brin fataliste doublée d’une sempiternelle romantique « C’est dingue de se dire qu’ils ont vu juste, en tout cas. Et j’imagine à quel point ça a dû être difficile pour toi de te confronter à l’après. Ce genre d’histoire, ça fait rêver… Un conte de fée des temps modernes, à la sauce vingt-et-unième siècle ». Son expérience à elle n’avait été en rien romantique, et pourtant cela n’avait pas empêché les gens de se poser des questions sur Jack et elle et de les épier… Alors dans le cas de Lily, le déchaînement médiatique avait forcément dû être à la hauteur de l’engouement du public pour ce genre de romance.
« Quant au mariage… Je comprends ta déception, et je ne sais pas si ça peut te réconforter, mais aucune célébration de mariage n’est jamais vraiment parfaite, de toute façon… Sans vouloir minimiser ton expérience à toi, bien sûr ». Elle poussa un soupir, incapable de ne pas songer un instant à ce qu’elle avait elle-même vécu presque vingt ans plus tôt. Un mariage dans la précipitation, orchestré par son époux et sa belle-famille sans qu’elle ait vraiment son mot à dire. Peut-être qu’un jour, elle en parlerait à Lily – son instinct lui soufflait que cette inconnue ne le resterait de toute façon pas très longtemps. Elle secoua légèrement la tête pour chasser les images de son esprit et se concentra sur la jeune femme, qui leur trouva un nouveau point commun : chacune avait pu compter sur un binôme qui lui correspondait pour aller loin dans son aventure. Si dans le cas de Lily ladite aventure s’était soldée par un mariage, dans la situation de Colleen, elle avait donné lieu à une amitié. « Oui, je comprends ce que tu veux dire ». A ses yeux, aucun autre candidat de Race of Australia ne valait Jack. Au fil des semaines, l’inconnu s’était transformé en allié, en ami et en confident. Leur entente leur avait valu un beau parcours, bien plus d’ailleurs que leurs talents respectifs. « J’aurais été bien malheureuse sans Jack. Il m’a permis de tenir jusqu’au bout. Même dans une émission comme Race of Australia, la dimension humaine surpasse tous les autres aspects ». Elle en avait eu la preuve, et la leçon était gravée dans son esprit. Lily lui demanda si elle avait gardé contact avec Jack ou d’autres candidats et elle soupira. « Un peu. Pas beaucoup, pour être honnête. Je le regrette, parce que c’est de ma faute : j’ai été complètement obsédée par mon besoin de faire profil bas, au point de me renfermer sur moi-même. Je n’ai pas bien géré ». La pression avait été trop importante pour elle, et elle avait craqué. Elle ramena machinalement la flûte à ses lèvres, avant de se rendre compte qu’elle était déjà vide. Elle sourit. « Si j’avais su que je passerais un si bon moment ici, j’aurais pensé à apporter un plateau entier de flûtes à champagne au lieu de me contenter d’une seule » Confia-t-elle à Lily, ce qui était sa manière à elle de la remercier ; la présence de l’infirmière rendait cette soirée bien plus agréable.
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| | | | (#)Dim 9 Mai 2021 - 5:08 | |
| Les personnes faisant preuve d’autant de retenue que Lily sont peu nombreuses et lorsque la brune en rencontre, cela suffit à égayer sa journée. Elle n’aurait jamais cru avoir à parler de Mariés au Premier Regard une fois de plus, elle aurait encore moins pensé que le sujet viendrait de sa propre personne. Cette journée est de toutes les surprises, il faut bien l’avouer, et Colleen est sans aucun doute la plus belle d’entre elles. Ses paroles sont sages, un brin philosophes sans doute. Lily se concentre bien plus sur la forme que sur le fond, amusée qu’elle soit capable de jeter un tel regard sur l’émission. Aujourd’hui, la trentenaire sait simplement qu’elle est mariée et heureuse - elle le sera plus encore quand il aura réussi à lui pardonner - et puisqu’elle n’a aucune envie de creuser pour déterrer quelque chose qui lui déplairait, cela lui convient parfaitement. “Il y a eu une adaptation de Cendrillon version XXI. Je crois que ça rentrerait dans le même registre.” Si elle n’a pas autant d’humour que sa nouvelle amie, elle essaye tout de même de faire au mieux, mettant ainsi en pratique sa maigre culture cinématographique. Dommage, elle a raté l’occasion de perdre une chaussure le jour de leur mariage pour qu’il la lui rende à Cuba.
“Tu ne minimises rien, ne t’en fais pas.” Elle enchaîne aussitôt, à la suite des paroles de son amie. Chaque mariage est différent et, sans vouloir paraître égocentrique, le sien l’était sans doute encore plus. Cela ne l’empêche pas de se dire qu’elle a manqué le coche du mariage parfait, à l’image de toute la vie qu’elle a construite. En apparences, tout du moins, cette dernière est parfaite. Devant les caméras, tout devait sembler beau et romantique ceci dit. Lily n’a simplement pas l’habitude que d’autres se chargent de lui faire porter des masques, aussi resplendissants soient-ils. Colleen a l’air de parler de quelque chose qu’elle connaît mais son amie ne cherche pas déjà à approfondir le sujet, le jugeant sans doute trop difficile pour une première discussion au sommet d’un toit. Elles auraient dû profiter de leur discussion autour du champagne pour élaborer un plan à la Ocean’s 8 mais à deux, sans doute.
Éternellement curieuse, elle se contente donc de la questionner de nouveau sur sa propre aventure et d’y trouver autant de points de comparaison que possible, à commencer par son binôme formé avec Jack. Ils ne sont pas amoureux, ils ne vont pas se marier, mais c’est un peu du pareil au même, non? (Non, d’accord.) “Vivre autant de choses avec une personne, ça doit souder. Vous apprenez à mieux vous connaître que certains qui se connaissent depuis des années.” Avec un sourire un brin rêveur, elle replonge le bleu de ses yeux dans les siens. C’est vrai, Lily aimerait elle aussi pouvoir avoir un ami aussi proche, à qui elle dirait absolument tout sur tout sans jamais chercher à se demander quelles seraient les conséquences de telles paroles et confidences. Il y a Ezra, mais ce n’est pas pareil. Il y a Alfie, mais ce n’est pas pareil non plus, ça l’est bien moins. “C’est un peu une question de Destin, là aussi. L’aventure aurait pu vous faire vous détester dès les premières secondes.” Le choix du duo est primordial, en témoigne celui qu’Ezra avait formé avec une jeune femme dont Lily a déjà oublié le nom. Il n’est pas allé bien loin dans l’aventure alors qu’il en aurait eu toutes les qualités - sa binôme non, apparemment. Lily ne dit pas ça pour défendre l’ego de son ami mais ce sont des paroles qui semblent aujourd’hui couler de sens, leur donnant un nouveau point de comparaison entre leurs deux aventures. Différentes mais pas tant que ça, au final. “Ils peuvent sans doute comprendre, non? On vous a préparé avant pour le pendant, mais personne ne parle jamais de l’après.” Un nouveau sourire de plus, rassurant. Ce n’est pas parce qu’ils ne sont pas autant en contact qu’elle le souhaiterait que Colleen ne peut pas y remédier. Ils ont vécu une aventure tous ensemble mais pour ce qu’il en est du ressenti, il est différent chez chacun d’eux.
La flûte de Colleen est vide et face à cette image, Lily vide les quelques gouttes restant dans la sienne aussi. Elles en sont ainsi au même point, n’ayant plus aucune excuse pour rester sur ce toit, loin du monde. “Et si on allait vérifier s’ils ont bien prévu quelques réserves?” Bien plus enjouée qu’au début de leur discussion, elle n’a plus à forcer le moindre sourire: il fleurit naturellement sur son visage rosé par les rayons du soleil passant au travers des nuages. Grimper sur ce toit sera sûrement sa dernière bonne idée de l’année mais elle est radieuse, presque autant que l’est l’aventurière. |
| | | | | | | | butterflies and hurricanes (colleen) |
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