Il n’a pas dormi de la nuit, il ne dort pas ces jours-ci de toute façon Jack. Elle semblait dire que ce serait trop tôt, elle voulait ajouter des excuses et des justifications. Lui, il sillonne déjà la ville à la recherche du café qu'elle préfère, de ses pâtisseries fétiches aussi. Il a décidé de faire un panier de retour à Elise, de lui donner des dizaines de raisons d’être contente de remettre le pied en Australie - jamais assez égoïste pour croire qu’il en fait partie.

Le soleil n’a pas encore donné le moindre signe de vie sur l’horizon lorsqu’il arrive - d’avance pour une fois, félicitations gars - à l’aéroport. Sur le parking, il se craque une clope le temps de profiter de la fraîcheur de la nuit, d’enfumer un peu l’air du matin. Il reste dehors, un moment. Juste assez pour que l’odeur qu’Elise abjecte disparaisse de ses fringues ; quel idiot qui n’y avait pas pensé, qui pense à lui faire un gift basket de plusieurs dizaines de dollars mais qui n’est pas foutu de se rapeller à quel point elle déteste la cigarette.

Elle a laissé un trou, Elise, en s’envolant à Paris. Elle l’aime et il l’aime et ils s’aiment, mais il était béant l’espace vide que Jack a comblé de nuits blanches, de lignes de la même couleurs et de pages aux camaïeux similaires. Il n’écrit pas ou alors très peu, se rature les doigts et l’esprit en conséquence. Mais elle revient, ce soir, ce matin. Elle revient et il pue à peine la clope, Jack, lorsqu’il passe les portes automatisées de l’immense structure de béton, de métal et de verre. On le dirige et il se perd quinze fois, globe-trotter en puissance mais l’esprit altéré par l’idée qu’elle ait décidé pour une raison qu'il ignore de ne pas revenir. De faire un détour. De poser ses affaires ailleurs, de faire une pause dans un endroit indéterminé. De l’oublier. Drôle de paradoxe, Epstein. Lui qui a besoin de sa liberté comme il a besoin d’air pour vivre, mais qui suffoque à l’idée de n’avoir qu’imaginé tout ça.

Il ne l’a pas imaginé. Quand elle apparaît à la porte des arrivées, il souffle, l’amoureux transis. L’instant d'après il a réduit d’autant de pas que nécessaires les mètres qui les séparaient. « Le vol était interminable ou c’est juste parce que je me suis ennuyé? »


@elise williams

C'était pas l'idée du siècle de faire Brisbane-Paris aller-retour. L'idéal aurait été de rester là-bas au moins une journée, deux auraient été encore mieux, pour te reposer un peu entre les vols. Même en première classe, on ne dort pas si bien que ça. Mais déjà que tu partais de la maison, du pays, pendant trois jours, c'était déjà trois jours de trop. Pas question de s'éterniser là-bas plus longtemps. Pas question de rester aussi loin de Damon plus longtemps. Est-ce qu'il profite de la maison à lui tout seul ou s'il n'est même pas rentré depuis que tu es partie ? Tu ne sauras jamais. Il ne te le dira pas et tu ne poseras aucune question. Il n'a pas appelé, pas une seule fois. Et c'est également la première chose que tu vérifies aussitôt l'avion atterri en sol australien. Rien. Alors il n'est pas prêt. Pas encore. Il se serre ton petit coeur. Il se serre et se déchire encore un peu.

Malgré la fatigue, l'épuisement, les courbatures, les cernes, le décalage horaire, les engueulades, les émotions fortes, le vol interminable, malgré tout ça, c'est quand même un sourire qui se glisse sur tes lèvres lorsque tu aperçois Jack qui est là pour t'accueillir comme promis. « Le vol était interminable ou c’est juste parce que je me suis ennuyé? » Tu laisses ton sac lourdement tomber au sol lorsqu'il arrive à ta hauteur - oui qu'un sac ce que tu peux être raisonnable quand tu veux, et oui, il est archi plein. « Tu t'es ennuyé, hm ? » que tu demandes en haussant un sourcil, sourire en coin à l'appuie. Tiens. Ça aussi c'est nouveau, manquer à quelqu'un quand tu t'absentes. C'est qui est nouveau aussi, c'est de pouvoir le prendre dans tes bras sans se soucier des gens qui peuvent avoir autour. De toute façon, aux petites heures du matin, personne n'en a absolument rien à faire de vous deux, de ce que vous avez droit ou non de faire. Maintenant vous avez tous les droits.

Tu viens d'abord poser un baiser contre sa nuque avant que tes lèvres ne poursuivent leur chemin jusqu'à son oreille. « Je suis célibataire. » que tu lui sussures juste avant de replonger ton regard dans le sien. Très peu crédible dans le rôle de la célibataire amoureuse, mais le mariage, lui, est belle et bien terminé. Et c'est là que tu veux en venir. Parce qu'il aurait pu se passer des millions de scénarios dans lesquels, finalement, un de vous deux ne signe pas les papiers. Mais non. Cette fois-ci, ton mariage est bel et bien terminé. Il ne reste plus que la paperasse soit officialisée, mais la signature de Saül est bien apposée à côté de la sienne. L'énorme pression sur tes épaules est partie au même moment.

Il devrait prendre son sac à elle, traîner sa valise. Il devrait être le parfait gentleman de service et force est d’admettre qu’il y a pensé au moins une fraction de secondes ; avant d’être complètement et entièrement déconcentré par le sourire qu’elle lui lance à l’entendre parler. Les arrivées se multiplient, les néons de l’aéroport ne rendent pas le romantisme de la scène, si romantique puisse-t-elle être. Il aurait pu même lui composer une chanson, peut-être l’a-t-il fait, peut-être le fait-il en ce moment. Une mélodie regroupant les quelques prémices des conversations qui remontent jusqu’à ses oreilles, qui ajoutent les vrombissements de l’extérieur et les cliquetis des bagages au passage. Si Elise était une chanson, elle aurait droit à un piano mélancolique par moment, à une guitare épurée sur la finale.

« Tu t'es ennuyé, hm ? »
« Rigole pas. »

Qu’elle rigole ou non, la voilà contre lui, le voilà qui vient nicher son nez à travers ses mèches ébouriffées par le voyage. Il a toujours été du genre vagabond Jack, à connaître autant les aéroports que les gares que les routes d’ici, d’ailleurs. Lui-même sait qu’elle a dû cumuler énormément d’heures entre ici et là-bas, et pourtant malgré tout elle arrive à rester belle décalage horaire ou pas. Quand il pose ses lèvres sur sa nuque, qu’il remonte jusqu’à leurs homologues, c’est une Elise un peu plus détendue qu’il sent se blottir entre ses bras. Oh, c’est vrai, y’avaient des témoins. Depuis quand sont-ils là de toute façon? « Je suis célibataire. » elle égare sa chaleur là où l’épiderme d’Epstein est dégagée, elle chuchote à son oreille au même moment où il remonte l’une de ses mains de ses hanches à la naissance de sa mâchoire. « J’ai des chances? » à son jeu à elle se joint ses moqueries d’enfant à lui. Ce ne serait pas mentir toutefois, de dire qu’il n’y va pas doucement. Elle a bien divorcé de son mari - salut Saül, hope you’re doing fine back there - elle aurait tous les droits de s’être lassée de lui aussi. Pourtant rien dans leurs rapprochements ne le suggère. Tant mieux.

Et quitte à jouer sur un terrain blanc, quitte à profiter de sa proximité comme de certaines éphémères réalisations, Jack en décide d'ajouter sur le ton du secret une question qui n’en a que le nom. « On a jamais eu de vrai rendez-vous. »

C'est bon d'être rentrée à la maison. C'est bon de retrouver ses bras à lui, de retrouver sa chaleur qu'il égare sur ta nuque, puis sur tes lèvres. Elle semble dorénavant si loin l'énorme fatigue qui t'envahissait à peine quelques minutes plus tôt. Tu ignores d'où il sort ce soudain regain d'énergie. « J’ai des chances? » « J'placerais un bon mot pour toi. » Tu ris doucement avant de laisser aller un baiser contre sa joue. Bien sûr qu'il a des chances. Il a même plus que ça. Il a tout. « On a jamais eu de vrai rendez-vous. » C'est un fait. Vous avez tout fait à l'envers. Vous avez multiplié les mauvaises décisions et les blessures. Tu oses espérer qu'aujourd'hui, vous pourrez repartir sur le droit chemin. Pourquoi ne pas relancer tout ça sur un premier vrai rendez-vous, en toute légalité, sans secret, sans cachette ? « Viens, je connais un endroit qui va te plaire. » Ta main glisse tout naturellement dans la sienne comme si tu en avais le droit - oh oui, maintenant, vous avez tous les droits - pendant que l'autre attrape ton sac délaissé au sol pour le glisser contre ton épaule. Dans la seconde qui suit, tu tires déjà sur sa main pour qu'il te suive jusqu'à l'extérieur.

« Ça sent bon ici. » C'est l'odeur de café qui prédomine sur tout le reste quand tu prends place dans la voiture de Jack - tout le reste étant probablement la vieille clope, mais bon. « J'devrais partir plus souvent. » que tu lui dis sourire aux lèvres en voyant le panier remplis de pâtisseries à l'arrière. C'est que tu pourrais facilement prendre goût à ce genre d'accueil. Très facilement même. Instinctivement, ta main repart à la recherche de la sienne.

* * *

« Ça te plaît ? » que tu demandes en venant te caler contre lui.  Tes orteils se perdent dans l'herbe et la rosée du matin. Tu préfères nettement les chaleurs australiennes à la neige au pays des français. Ici, c'est la meilleure vue de tout Brisbane. Assez en hauteur pour voir la mer à perte de vue. Le meilleur des paysages pour observer les couchés de soleil en toute tranquillité - ou les levés dans votre cas. Vous êtes arrivé pile à l'heure pour voir le ciel qui s'éclaircit de minutes en minutes. Café dans une main, l'autre fouille dans le panier à la recherche de la meilleure pâtisserie. Tu crèves de faim. Même en première classe, la nourriture est pas trop - ou c'est toi qui est trop difficile.

« J'placerais un bon mot pour toi. » et c’est tout ce dont il a besoin d’entendre, lui qui se concentre bien plus sur sa voix à elle que sur les mots qu’elle laisse glisser sur ses lèvres. C’est encore étonnant d’ailleurs, qu’elle puisse parler Elise, quand Jack se découvre une tendance à ne pas en avoir assez d’elle ni maintenant ni jamais qui se transcrit en une avalanche de baisers papillonnant sur la peau de la grande voyageuse. « Viens, je connais un endroit qui va te plaire. » il aurait pu rester ici ou ils auraient pu se tirer dans le premier avion du bord, la suite ne l’aurait pas dérangé le moins du monde le canadien. Lui, il se contente de ne pas être gentleman pour deux sous en la laissant traîner son sac à elle, occupé à ressentir chaque terminaison nerveuse de sa paume entrer en contact avec celle d’Elise. Les priorités.

Sa voiture est une vraie benne à ordure, mais ça fait partie de son charme de musicien bohème, dirons-nous. « Ça sent bon ici. » elle sourit et y'a au moins ça de bien, alors qu’Epstein en fait sa mission d’ouvrir toutes les fenêtres et de faire un minimum de rangement - à savoir tout foutre dans un des sacs de papier kraft qui traînent sur le siège arrière. La prochaine fois, il fera un effort sur le ménage. La prochaine fois, donc? C’est qu’ils prennent leurs aises, maiantenant qu’elle est célibataire et qu’il s’est ennuyé. « J'devrais partir plus souvent. » « Râle pas sinon je vais devoir t’embrasser pour t’en empêcher. » qu’il nargue, l’adolescent dans le corps d’un quarantenaire. Sa menace n'en est qu’une de pacotille, dès lors qu’il l’embrasse tout de même et que personne n’en est surpris.

* * *

Le soleil se lève à peine, la vue est à couper le souffle. Le sien de souffle, il le retrouve maintenant qu’ils sont posés à travers l’herbe fraîche de rosée du matin. Ses pieds à elle font la guerre pour être par-dessus les siens à lui. « Ça te plaît ? » elle dérobe une bouchée de pâte feuilletée, Jack vole - teste - le gobelet de café d’Elise simplement par esprit de malice de bac à sable. Son bras se cale autour des épaules de la brune, il lui laisse le champ libre mais égare doucement ses doigts contre les tissus qui gardent ses épaules de la brise un peu plus froide d’un début de journée qui met ses bases au fil des tons d’orange, de doré et de rose sur le ciel qui se dessine devant eux. Il hoche de la positive, bien sûr qu'il aime l'endroit, bien sûr qu'il aime encore plus y être avec elle.

« C’est ici que t’amènes toutes tes conquêtes? » il sait des choses, il s’en moque la seconde d’après. Ses conquêtes qu’elle a bien le droit d’avoir, il n’est pas du genre à exiger qu’on le traite en exclusif en sachant son passif. « J’ai pas envie de partager. » son passif drôlement abordé, entre un croissant et un arabica. « Je parle pas juste des croissants. » Jack le nomade qui se la joue sédentaire, désormais? Qui l’aurait cru.

« C’est ici que t’amènes toutes tes conquêtes? » Toutes tes conquêtes, comme si tu en avais eu des tonnes. Tu as presque envie de rire pendant une fraction de seconde - parce qu'il plaisante forcément - mais quand ta tête se tourne vers lui, tes sourcils se froncent instantanément devant son visage mi-sérieux, celui qui tente la blague qui cache un fond de vérité. « J’ai pas envie de partager. » Et il place ça entre une gorgée de café et une autre. C'est comme ça qu'il tente d'officialiser votre couple ? C'est pas vraiment comme ça que tu te l'étais imaginé. Pour tout dire, tu pensais que c'était chose semi-réglé depuis que tu lui as dit que tu l'aimais - et qu'il a répondu de même. Ça lui prend quoi d'autre à Jack ? « Je parle pas juste des croissants. » « Dis le gars qui fait les manchettes avec une autre. » que tu piques en le regrettant la seconde d'après. C'est sortie un peu tout seul. Mais il est mal placé pour parler Jack. Si quelqu'un devrait tenir ce discours, c'est toi. Pas lui. C'est comme si hier encore tu le voyais en front page avec Ivy, faussement enceinte. Tu n'as pas trop suivi le reste de la saga. Ça faisait mal pour rien. Et puis, tu ne lui as jamais donné une seule raison d'avoir des doutes sur toi alors que lui… ce sont des milliers de questions sans réponses. Des questions que tu as choisis de ne pas lui reposer par peur d'en connaître la réponse. Tu ne veux pas savoir ce qui s'est passé pendant que tu étais partie, encore moins pendant son émission alors qu'il avait le loisir de faire tout ce qu'il voulait avec elle. Ce serait blessant pour rien. Ce qui compte, c'est ce qu'il fera à partir de maintenant. Le reste est oublié - ou presque.

« Qu'est-ce qui se passe ? T'es en train de flipper ? » Flipper de l'engagement. Tu n'en avais pas l'impression il y a une poignée de minutes déjà alors que vos retrouvailles semblaient réellement sincères. Mais c'est quand même quelque chose que tu redoutais. Qu'il ne soit pas prêt à laisser quelqu'un entrer de nouveau dans sa vie après Jude. Tu t'es même questionné à savoir si elle n'était pas une des raisons de votre dernier échec. Oui, ça fait longtemps qu'elle n'est plus là, mais elle n'est pas oubliée pour autant. C'était l'amour de sa vie. Tu en es parfaitement consciente. C'est même terriblement angoissant de passer après elle. Saül et toi ? Il y avait de l'affection - même si personne n'y croit - mais aucunement de l'amour. La page est facile à tourner autant pour lui que pour toi. « Je ne vois personne d'autre au cas où tu doutes de moi. » Et tu détestes surtout d'avoir besoin de le lui préciser alors que tu viens reprendre ton café qu'il t'a dérobé quelques secondes plus tôt. C'est sûrement prévisible ça aussi, qu'il doute de la fille qui a trompé son mari déjà remarié.

« C’est ici que t’amènes toutes tes conquêtes? » qu’il demande, l’empoté. Il se croit drôle, sa barbe de quelques jours arborant les miettes du croissant qu’il se donne toutes les meilleures manières (misères) de manipuler. La vérité, c’est qu’il ne se moquait pas vraiment, qu’il grattait strictement un peu d’eux à travers des vies qui l’ont eu difficile et pas nécessairement à cause de ce qu’ils se sont eux-mêmes infligés. Elle a divorcé après plusieurs dizaines d’années de mariage et de secrets, il tente tous les jours de sauver son label de la faillite. Ils ont essayé, ils ont arrêté, aujourd’hui il veut recommencer.

Et Elise sait parfaitement comment le ramener à sa place. « Dis le gars qui fait les manchettes avec une autre. » il sourit, d’un genre de sourire jaune qui laisse ses pattes d’oie caresser son regard perdu vers l’horizon. « Y’a eu aucune manchette depuis. » depuis les je t’aime qu’il garde noyés au même titre que le sont ses lèvres une fois la prochaine gorgée de café prise. Il tente vraiment de faire les choses bien, mais Elise était à Paris, elle n’a rien vu, rien lu à son sujet. Il ne lui en veut pas, l’a cherché au final. Bien sûr que de le voir en première page murmurer des secrets qui n’en ont que le nom à l’oreille d’Ivy avait tout pour la faire rouler des yeux à s’en fouler le nerf optique. « Qu'est-ce qui se passe ? T'es en train de flipper ? » il ne veut pas partager. « Je suis en train de me réveiller, oui. » et il a mal dormi aussi, depuis qu’elle est partie. Qui joue, qui ne joue plus?

« Je ne vois personne d'autre au cas où tu doutes de moi. » ça fait mal, même si elle le dit avec une voix douce, même si elle n’a aucune animosité dans ses paroles. Il passe son bras autour de ses épaules à elle, la ramène à lui pour loger contre sa tempe un baiser que les mèches brunes d’Elise chatouillent au passage. « Je doute pas de toi. » elle a toujours été honnête avec lui. Elle lui a toujours dit à quoi s’attendre, elle a toujours mis ses limites. « Tu as le droit de voir qui tu veux, j’me suis mal exprimé. » il fait des gaffes à répétition Jack. La première étant de la laisser se sentir comme ça à peine le pied remis sur les terres de l’Australie. « Juste moi ; j’en ai pas envie. » qu’il clarifie à son oreille, embrassant une fois et deux autres sa peau. « C’est par ça que j’aurais dû commencer. » sa peau donc, trouvant quand même le moyen d’arborer son parfum aussi bien que si elle venait juste de le vaporiser - et que les heures de vol n’étaient qu’un vague et lointain souvenir.

« Y’a eu aucune manchette depuis. »
« Encore heureux. »
Et il a plutôt intérêt à ce qu'il n'en est plus aucune aussi. Si la pique le fait sourire, elle te fait rouler les yeux automatiquement. Le sujet Ivy restera probablement toujours un sujet chaud entre vous deux. Mieux vaut ne pas l'aborder. Ni maintenant. Ni jamais. Qu'il la voit autant de fois qu'il en a envie, ça t'est complètement égal. Tant qu'il ne te mêle pas à ça. C'est pas parce qu'il s'impose sa présence qu'il doit faire de même pour toi.

« Je suis en train de me réveiller, oui. » Mieux vaut tard que jamais. Vous n'auriez sûrement pas passer par la case séparation s'il se serait réveillé avant. Mais bon, tout ça est derrière vous désormais. C'est un nouveau départ pour vous deux. Il n'est pas question de ressasser le passé. « Je doute pas de toi. » Quoi, alors ? Son bras se passe autour de tes épaules, t'approchant de lui pour y déposer un baiser contre ta tempe au passage. « Tu as le droit de voir qui tu veux, j’me suis mal exprimé. » Ton regard se tourne sur lui rempli d'incompréhension. Il est sérieux là ? Est-ce qu'il est vraiment en train de te donner la permission d'aller voir ailleurs ? C'était comme ça entre Jude et lui ? Qu'il ne s'attende pas à ce que ça se passe comme ça entre vous deux. Il l'a bien vu, non, à quel point ça t'a blessé l'infidélité de Saül - les mensonges surtout. Il est encore en train de mal s'exprimer si on te demande ton avis. Il ne peut pas vraiment dire ça. « Juste moi ; j’en ai pas envie. C’est par ça que j’aurais dû commencer. » Il peut encore moins vouloir dire ça en ajoutant que, lui, n'en a pas envie. Comment peut-il être aussi maladroit dans ses paroles ? Tu comprends ce qu'il veut dire, mais il le fait mal. Très mal.

« Personne ne va voir personne d'autre. » À la possible permission qu'il te donne, tu la lui coupe. Autant pour lui que pour toi. Tu te retournes un peu plus vers lui, passant tes jambes par dessus les siennes alors que tes mains viennent se lover contre ses deux joues. C'est tout doucement que tu viens franchir la barrière de ses lèvres. « C'est juste toi et moi. que tu précises contre ses lèvres avant de prendre un léger recul simplement pour reprendre contact avec son regard. Juste lui et toi. Personne d'autre. Jamais.

De nouveau, tu retrouves ton confort en venant te caler contre lui. Ta main vient naturellement retrouver la sienne, tes doigts s'entremêlent aux siens alors que ton regard se perd vers l'horizon quelques minutes avant que tu viennes de nouveau briser le silence. « Tu en voulais d'autres, des enfants ? » Par voulais, tu veux plutôt dire veux. Il y a des lustres que tu aurais dû avoir cette discussion là avec lui. La vérité c'est que tu tâtes le terrain sans vraiment savoir si tu iras jusqu'au bout. Oh ce qu'il n'a absolument aucune idée à quel point il marche sur des œufs en ce moment Jack.

Le soleil se lève depuis une minute ou des heures, c’est selon. Le temps que Jack resserre son bras autour des épaules d’Elise, il a assez conscience que d’avoir fait le moindrement du ménage dans sa tête n’aurait pas rendu leurs retrouvailles aussi décousue. Ce n'est pas parce qu’il lui embrasse la tempe qu’il sait mieux faire les choses, ce n’est pas parce qu’il sent le sourire de la brune contre sa joue à lui qu’elle est plus rassurée. Pourquoi le serait-elle quand il ne fait que toujours et éternellement merder?

« Personne ne va voir personne d'autre. » il ne fronce pas les sourcils, ne ricane pas non plus. Il l’entend pourtant, le fait qu’ils mettent des règles et qu’ils balaient les mauvaises habitudes. Pour l’instant il y croit. Il y croit aussi fort que ses doigts s’ancrent à l’épaule d’Elise, aussi fort que ses lèvres se pressent contre sa nuque. C’est facile quand elle le dit à voix haute et quand il se le répète dans sa tête, c’est limpide quand ils sont tous les deux à se scruter jusqu’au fond des prunelles. Demain est encore loin quand aujoourd’hui vient à peine de commencer, amenant avec lui des promesses qu’il se jure de tenir aussi longtemps qu’il le faudra - pourra? « C'est juste toi et moi. elle triche Elise, quand elle l’embrasse et l’empêche du même fait de répondre autant au taquet qu’il l’aurait voulu s’il n’avait pas été occupé à voler ses lèvres à sa suite. « Deal. » peut-être qu’elle ne voulait pas l’entendre le dire, peut-être même qu’elle ne voulait pas y croire en sachant qu’il était voué à mentir. Mais là, il ne ment pas. Il ne ment pas il le jure, il y croit. Elle?

Elle, elle pense déjà à la suite. Ils s’aiment, c’est logique. « Tu en voulais d'autres, des enfants ? » « Ellie dirait que j’en ai assez faits. » qu’il pouffe, sans répondre à la question, juste prêt à le faire après une inspiration et une autre. Son café est presque fini, tant mieux, il commençait à refroidir de toute façon. « Toi? » il a tout foiré avec son statut de père tellement de fois que de s’imaginer recommencer lui fait peur à Epstein. Comme si c’était ancré dans son ADN qu’il allait merder à chaque nouvelle tentative autant doublé de bonnes intentions pouvait-il être. Il souffle, l’évidence à l’oreille d’une Elise qui a l’air drôlement pensive. Presque autant que lui. « Damon est un bon gamin. Vous avez bien bossé. » parce qu’il a toujours cru que c’était le cas, mais qu’à force de le penser aussi fort il doute le lui avoir véritablement dit.

« Ellie dirait que j’en ai assez faits. » C'est pas ça la question Jack. C'est une manière détournée de dire non ? C'est sûrement faux de toute manière. Tous les gamins rêvent de frères et sœurs. « C'est pas à elle que je demande. C'est à toi. » Qu'importe ce que Ellie voudrait, ce n'est pas elle qui a le dernier mot - ou peut-être que si avec Jack. Ce n'est toutefois pas elle qui devrait l'avoir. Sûrement pas pour ça. Et puis, détester son père, c'est juste une phase que chaque adolescent traverse. « Il n'y a pas de mauvaises réponses. » Si. Il y en a une, mais tu peux toujours lui faire croire le contraire. Qu'il dise ce qu'il veut vraiment Jack. Qu'il ne réponde pas pour te faire plaisir - il se tromperait de toute manière. Est-ce qu'il sait que Saül sera de nouveau père sous peu ? Il en aurait envie, lui aussi ?

« Toi? » Oh oui, bien sûr, c'est une question qui se retourne. C'est une question à laquelle tu as plus ou moins envie de répondre. Tu voudrais repousser encore un peu. Ce n'est pas tellement la partie stérile que tu n'as pas envie de lui dire. C'est toute l'histoire qui vient avec que tu n'as pas particulièrement envie de raconter. Il faudra bien, un jour. La vérité, c'est que tu ne seras sûrement jamais prête à te lancer. La vérité, c'est aussi ça; « J'aurais aimé, oui. » Mais, mais, mais, il y en a des milliers de mais qui devrait suivre. Le plan de base a toujours été d'avoir une grande famille, avant et après Saül. Il t'aurait suivi là dedans, parce que c'était ce qu'on attendait de vous deux. Mais ce n'est pas ainsi que les choses se sont déroulées. Le karma sans aucun doute. « Damon est un bon gamin. Vous avez bien bossé. » Ohhh ça pince. Ça fait mal quand tout ce dont à quoi tu penses ces derniers jours, c'est à quel point sa vie a été gâchée en une fraction de seconde par votre faute. Vous n'avez pas bien bossé. Vous n'êtes certainement en rien la raison de sa bonté. Vous êtes pourri jusqu'à la moelle. Il est doux - faux et légèrement mal à l'aise - le sourire qui se glisse sur tes lèvres. Il n'aurait certainement pas le même discours Damon. « Je sais pas comment on a fait. » Pour qu'il soit aussi parfait et authentique. C'est pas le vôtre. Voilà comment vous avez fait.

« Ellie va me détester. » que tu ajoutes en souriant, changeant doucement de sujet. Elle va te détester dans le rôle de la première femme que Jack laisse entrer dans sa vie après Jude. Tu t'en doutes. Tu es prête. Avec de la chance, le fait qu'elle te connaisse et te déteste pas trop à la base vont peut-être atténuer le choc. Mais, ouais, tu t'attends au pire. Tu ne t'imposera jamais dans leur vie si elle ne le veut pas. Ce sera à son rythme à elle.

À le voir, qui croirait qu’il est père? Le gars qui se couche à pas d’heures, qui a un horaire si décalé qu’on pourrait se douter qu’il manque le ¾ de ses rendez-vous, tout le temps, tellement sa tête en l’air le guide d’un côté comme de l’autre de la vie, poussé par le vent. Il n’aurait pas manqué le rendez-vous d’aujourd’hui, par contre. Sa main épousant la courbe de l’arrière de la nuque d’Elise le confirme un peu plus, même s’ils parlent des sujets qui fâchent. « C'est pas à elle que je demande. C'est à toi. » il perd des baisers contre sa joue, soupire sans faire le moindre bruit. De base il ne s’était jamais imaginé père, l’oubliait même parfois encore. « Il n'y a pas de mauvaises réponses. » pourtant, il aimait Ellie et Molly de tout son cœur, les chérissait comme des reines même s’il le montrait comme une merde. « J’aimerais être un meilleur père avec les enfants que j’ai, déjà. » alors non, il n’en veut pas d’autres. Qu’il fasse mieux avec ceux qu’il a, plutôt.

« J'aurais aimé, oui. » Jack redresse le menton, tout simplement pour porter son regard aux prunelles d’une douceur infinie vers elle. Elle est déçue. Elle sourit mais tout est triste, elle creuse des fossettes sur ses joues mais ses sourcils se froncent, imperceptibles. « Je sais pas comment on a fait. » il a essayé de miser sur Damon et sur à quel point elle peut être fière d’elle et d'eux et de lui. C’est un coup d’épée dans l’eau Jack, si seulement tu savais. Il sait rien, mais il pourrait l’entendre, croit-il. Quand elle voudra le dire en fait, c’est ça qui importe. « L’important c’est le résultat, non? » oh qu’il est naïf, oh qu’il est candide. Petit gamin aux années alignées à faire des conneries qui aujourd’hui est béni de voir qu’il n’a pas trop tout cassé quand bien même fût un temps c’était la seule chose qu’il savait si bien faire.

Le soleil se lève de plus en plus, il l’ignore de moins en moins. « Ellie va me détester. » et le voilà qui éclate de rire, Jack qui a pris pour acquis qu’Ellie détestait le monde entier de toute façon. Une personne de plus ou de moins dans son death note ; à un moment, ce n’était même plus étonnant. « Tant que tu lui instaures pas la règle de ranger trop souvent sa chambre, j’pense que t’auras pas à craindre de poison dans ton café. » la fameuse chambre et le fameux ukulele perdu, ça le ramène à leurs tous premiers débuts. Et un baiser de plus, qui se niche là où ses lèvres à lui vont trouver naturellement un point d’ancrage sur sa peau à elle. « On devrait lui dire, même si elle s’en doute. » ah ben, finalement il est pas si nonchalant que ça, le père qui tente de plus en plus et de mieux en mieux d’en être un. « Comment on dit ces choses-là? » c’est presque ça, Jack.

« J’aimerais être un meilleur père avec les enfants que j’ai, déjà. » Alors, c'est non. Il n'en veut pas d'autres. Et c'est la bonne réponse, égoïstement parlant. Tu viens poser ton menton sur son épaule alors que ta main vient se lover contre sa joue, dans la naissance de sa barbe. Tu aurais aimé que Saül ait le même désir pour Cosimo, être un meilleur père au lieu de l'être avec un autre. « Il n'est jamais trop tard. » Jamais trop tard pour réparer nos erreurs. Jamais trop tard pour prendre le rôle qu'on aurait dû prendre depuis le jour un. Jamais trop tard pour être meilleur. Le vouloir, c'est déjà un grand pas vers l'avant. Tu te détaches de lui toutefois quand la question se retourne contre toi. La porte s'ouvre un peu, mais elle ne s'ouvre pas assez. Tu as beau vouloir la pousser de force pour qu'elle s'ouvre, c'est comme si elle allait te refermer sur les doigts à force de trop insister. Ce ne sera pas aujourd'hui. Peut-être demain. « L’important c’est le résultat, non? » Ouais. Non. Pas vraiment. Tu ne fais que hausser les épaules en guise de réponse avant de fuir son regard pour le soleil levant.

Il est beau quand il éclate de rire. Il est beau quand l'ambiance est légère. Tu ne peux pas t'empêcher de lui sourire de nouveau. « Tant que tu lui instaures pas la règle de ranger trop souvent sa chambre, j’pense que t’auras pas à craindre de poison dans ton café. » « J'avais plutôt pensé commencer avec toi. » que tu réponds en riant doucement. Lui et son bordel interminable. Ellie n'est sûrement pas mieux. La cohabitation serait - sera ? - l'enfer. « On devrait lui dire, même si elle s’en doute. » On ? Ce n'est peut-être pas la meilleure idée du monde que tu sois là si elle réagit mal. « Tu devrais, oui. » Parce que tu ne comptais pas l'inviter dans la même discussion avec ton propre fils. Pour lui, ça risque d'être quand même un choc. Il ne se doute d'absolument rien. Il pourrait peut-être ce douter que tu vois quelqu'un - tu ne penses pas, mais ça pourrait être possible - jamais l'idée que ce soit Jack ne lui viendrait en tête par contre. C'est bien la dernière personne au monde qu'il pourrait t'imaginer vouloir refaire ta vie. Mais il faudra le dire à Cosimo comme à Ellie avant qu'ils ne l'apprennent par quelqu'un d'autre. « Comment on dit ces choses-là? » Ta main glisse le long de son bras jusqu'à aller s'entremêler dans la sienne. « Tu trouveras. J'ai confiance. » Tu as confiance que même s'il y a possiblement au début houleux, les choses finiront par rentrer dans l'ordre.

« Au fait, toi aussi, tu m'as manqué. » Tes lèvres trouvent d'abord le chemin jusqu'à son oreille avant de retrouver facilement le chemin jusqu'à ses lèvres à lui. C'est bon d'être de retour à la maison.

Il est jamais trop tard pour être un bon père mais Jack pousse à contre-courant depuis tellement d’années qu’il serait un véritable idiot doublé d’un aveugle s’il continuait à croire pouvoir reprendre un air d’aller à un moment ou un autre. Elise le rattrape au vol, il est pourtant ancré au sol, il l’aime et pour l’heure, rien que de vouloir doublé de le voir dans ses yeux à elle lui suffit. « J'avais plutôt pensé commencer avec toi. » ouais, bonne chance. Jack et son bordel qui traîne dans son sillage comme sa marque de commerce, il a les poches pleines de reliques et le front barbouillé de souvenirs, il a un bagage bien plus lourd et laborieux que toute la soute qui revenait de Paris à ici. Mais quand Epstein ricane de bon cœur, c’est parce qu’il l’imagine courir à travers les dédales de sa maison, les tasses à moitié pleines de café qui traînent, les instruments avec, et son parfum dans toutes les pièces.

Et Ellie? « Tu devrais, oui. » et comment on dit ça, ces choses-là? « Tu trouveras. J'ai confiance. » elle a l’air de savoir, elle. Elle a l’air de comprendre les choses, elle a l’air d’être douce quoi que concise. Elle est tout ce qu’il n’est pas Jack, le brouillon, le bohème, la tête ailleurs quand elle le dirige, l’ancre qui lui sert de boussole et à la fois de lumière. Il aime à croire qu’elle déteindra sur lui, qu’il apprendra d’elle. Il aime à se voiler la face aussi, se dire que ce sera facile lorsqu’il installera Ellie sur le canapé face à son air perdu mais décidé, ses mots éparpillés mais dédiés. « Je pourrai pratiquer sur toi avant? » un véritable adolescent aux pattes d’oie de plus en plus marquées, tant son sourire prend toute la place sur son visage.

Son souffle à elle arrive le premier à l’oreille du musicien, ses mots suivent. « Au fait, toi aussi, tu m'as manqué. » comme le soupir de satisfaction quand on remet le pied chez soi, comme la chaleur réconfortante de ses lèvres qui s’apparente à une couverture préférée depuis des millénaires, comme une décharge de soleil quand celui-ci a presque terminé de se lever. Il la rapproche de lui, il se cale contre elle. Elise le supporte mais il la supporte encore mieux. Là, pour de vrai, il est heureux.