Un coup d'oeil complice de plus et je laisse un sourire de soulagement se dessiner sur mes lèvres, au même titre que celui qui semble être bien en place sur le visage brillant de Lena. Elle est dans son élément et elle rayonne la blonde, alors qu'on la questionne tantôt sur l'organisation de la soirée, tantôt sur ses projets du moment. La galerie de Toowong est pleine de dizaines de visages tantôt connus tantôt anonymes. Et si de base on s'était promis une soirée d'au revoir tout en douceur ouverte simplement à quelques amis et à nos proches, le mot avait fini par se passer qu'il s'agissait de la dernière exposition officielle ici avant qu'Auden et moi on déplace notre atelier et nos idées à Spring Hill.

Et elles sont nombreuses, les interrogations qui viennent de parts et d'autres à savoir quels seront nos projets là-bas. La galerie est pour l'instant fermée au public, fermée à qui que ce soit au final, tant on y prend lentement mais sûrement nos bases. Il sait où il mettra son chevalet et sa table de travail, je sais où ira la machine à café et sur quelle façade j'y peindrai la première fresque d'une longue lignée. Mais pour le reste, tout est encore beaucoup trop en mouvance pour que j'arrive à donner la moindre réponse tangible. De toute façon, je n'en ai pas envie. Pour la première fois on a un projet à nous, pour la première fois on peut vraiment y faire ce qu'on veut, du début à la fin. Sans être obligés de prendre l'avis de personne en compte, ni les suggestions et les restrictions de la planète entière dans le lot. La sensation de liberté qui y est rattachée en est incroyable.

« À l'aide. » que je finis par pouffer à l'oreille de la gamine, une fois dégagée d'un groupe hétéroclite composé d'anciens étudiants en dessin auxquels j'enseignais à l'époque où mes classes étaient encore données dans mon garage, à Logan. « On vole des macarons et on va prendre l'air dans le jardin? » ils posent des tas de questions et ils me suffoquent, moi et mon cerveau qui pense déjà à quinze façons et à quinze autres de terminer la toile qui m'attend sagement à la maison. Toile sur laquelle Auden, Noah et Sloan ont sûrement déjà testé toutes les palettes de couleurs à leur disposition à l'heure qu'il est. Un sourire de plus marque des fossettes au creux de mes joues. Autant le vernissage me plaît, autant j'ai besoin de respirer un peu mieux. Elle est la parfaite alliée pour arriver à me calmer le temps d'une poignée de minutes à profiter du soleil d'été d'Australie.

« Promis, on reviendra quand ce sera le moment des discours. » oh, les discours.


   
@lena edwards

Ce qu'elle aimait le plus dans son métier, c'était de pouvoir observer le regard des personnes qui assistaient à ses soirées. Lena aimait particulièrement rendre les gens heureux, et il semblait bien qu'elle était en train de réussir son objectif au vu des sourires affichés sur les visages de tous les invités de la soirée - et des autres, arrivés surprises ou invités de dernière minute. Qu'importe qui était là, l'essentiel était que tout se passe bien. Elle arpentait les différents espaces depuis le début de la soirée pour s'en assurer, prenant le temps d'échanger avec tout ceux qui venaient vers elle. Et, bien que la soirée ne lui était de loin pas dédiée, ils étaient nombreux ceux qui avaient des questions à poser sur le producteur qui avait fourni le vin ou sur toute autre chose qui pouvait paraître somme toute futile face à la symbolique de l'évènement : une page qui se tournait pour Ginny et Auden.

Elle pouvait être fière de ce qu'elle avait accompli en quelques semaines sur l'organisation de cette soirée, mais était tout aussi fière d'avoir pu rencontrer des personnes qu'elle n'aurait jamais pensé avoir dans son carnet de contacts un jour. Entre les visages pour la plupart inconnus, Lena s'amusait à croiser le regard de Ginny, jusqu'à ce qu'elles finissent par se retrouver quelques instants plus tard. À l'aide. Un sourire amusé vint éclairer le visage de l'écossaise. On vole des macarons et on va prendre l'air dans le jardin? Elle n'eu pas besoin d'hésiter une seule seconde. Je te suis avec grand plaisir ! Si Lena était parfaitement dans son élément dans ce genre de soirées, elle ne rechignait jamais à s'échapper quelques instants pour voler un peu de calme au milieu de la ferveur ambiante. Promis, on reviendra quand ce sera le moment des discours. Ce moment avant lequel Ginny devait sans doute prendre un bol d'air pour se recentrer, elle qui, déjà lors de la préparation du vernissage, avait montré une certaine émotion à devoir quitter ces locaux. Tu n'y échapperas pas, de toute façon. Qu'elle lançait d'un air taquin et tout en attrapant quelques macarons pour s'enfuir avec.

Elles s'échappèrent discrètement, évitant habilement toute personne qui aurait risqué de les stopper dans leur escapade. Enfin à l'extérieur, Lena prit une grande bouffée d'air frais. Ça devient vite étouffant, tout ce monde ! Qu'elle lançait, toujours en riant, toujours son grand sourire fixé sur ses lèvres. Alors, comment tu le sens ? La soirée est à la hauteur ? Elle faisait sa curieuse, avait envie de savoir si son pari pour ce soir était réussi ; si Ginny passait une bonne soirée malgré tout le bagage émotionnel qu'elle pouvait représenter.

Et ils sont tous partout, ils sont all over. Personne n'est infusé de mauvaises intentions ici, personne ne me donne l'impression d'être venu avec l'envie la seule de critiquer et de faire du mal, mais ce serait mentir de dire que je suis à l'aise. Mes oeuvres sont à moi, elles représentent ce que j'aime de plus, ce qui me travaille, ce qui m'inspire, m'inquiète. Elles ont des tas de significations que même moi je ne maîtrise pas dans leur entièreté, et de les laisser là à la vue d'une multitude de paires de yeux toutes prêtes à en définir les traits et les lignes et les tenants et les aboutissants n'a rien de zen.

J'ignore comment j'arrive à tenir un grand sourire ni même de quelle force je me nourris pour garder un rythme de pas vers le jardin longeant la galerie, probablement que ça vient tout juste de la motivation que j'ai grattée pour en venir à organiser la journée d'aujourd'hui.  Je te suis avec grand plaisir ! puis, il y a Lena. Elle qui joue à titre d'alliée, elle qui a tout compris en un seul et bref coup d'œil. J'entends sa trace qui suit la mienne, alors que la blondinette n'a pas besoin de se faire prier pour mettre un peu de distance entre les invités et notre duo. Tu n'y échapperas pas, de toute façon. c'est juste d'un peu d'air dont j'ai besoin, juste d'un peu de temps aussi. L'idée était bonne et oui, elle rendait la scène particulièrement inspirante rien qu'à voir les toiles s'éparpillant au détour les unes des autres - mais il faut croire qu'encore une fois, je me suis contentée de courir plutôt que de marcher.

Ça devient vite étouffant, tout ce monde ! Alors, comment tu le sens ? La soirée est à la hauteur ? son sourire est solaire, en quelques mots et quelques expirations de plus elle arrive à me calmer aussi bien que les macarons au creux de ses mains.« Tu gères à merveille. » alors autant parler d'elle, exclusivement d'elle. Elle et ses idées à revendre, elle et sa gestion au taquet. « Au cas où tu te demandes. » elle est douée, elle l'est tellement, elle ne devrait pas en douter une seule seconde. « C'est quoi ta saveur préférée? Que j'apprenne à partager un peu. » en attendant, ce sont les priorités qui comptent. Les priorités comprenant les desserts qu’elle a attrapés comme une véritable championne.

Les priorités, et surtout d'être honnête avec elle. « J'ai pas l'habitude, de tout ça. » une bouchée de mon macaron préféré, le sien qui reste à elle dans la plus belle et grande marque de politesse dont je suis capable. Derrière les gens discutent et rigolent, ici, je ramène mes jambes en tailleur sous ma silhouette, m'installant sur l'un des pans de bois vernis du patio qu'on a aménagé derrière l'atelier. « C'est Auden qui est devant, d'habitude. Pas juste moi. » elle le sait, je ne lui apprends rien. Peut-être que je ne le dis que pour me convaincre que tout ça est normal, que je n'y suis pas habituée, que ça viendra. « J'imagine qu'avec un peu de pratique ça sera moins difficile un jour. » sûrement.

Lena n'avait pas été longue à convaincre pour s'échapper un moment de la ferveur de l'évènement. A peine sorties de là qu'elle questionnait Ginny sur son ressenti. Tu gères à merveille. C'est elle qui avait posé la question, qui voulait savoir comment se sentait Ginny. Ses intentions sous jacentes étaient bien sûr de savoir si elle même avait été à la hauteur, et entendre la réponse lui ravissait les oreilles. Au cas où tu te demandes. Bien sûr qu'elle se le demandait. C'est gentil. Qu'elle la remerciait en lui offrant son sourire le plus sincère. Elle se le demandait constamment. Vestiges de son enfance où elle devait se battre pour avoir de la valeur aux yeux de son père sans doute ; qu'importe, elle avait beau montrer toute la confiance en elle du monde, en son fort intérieur, elle ne pouvait être jamais sûre de rien. C'est sans doute comme ça qu'elle réussissait toujours à se surpasser pour tout d'ailleurs. En travaillant d'arrache pied pour se dépasser sans cesse. C'est quoi ta saveur préférée? Que j'apprenne à partager un peu. La blonde s'approchait, désignant du doigt les desserts. T'inquiètes pas je t'en pique juste un, t'as besoin de prendre des forces je crois. Tout sourire, la blonde attrapa un macaron goût coco pour le grignoter, fixant son regard sur sa cliente du jour qui semblait clairement avoir besoin de se décharger.

J'ai pas l'habitude, de tout ça. Elles en avaient déjà parlé et la blonde comprenait bien que ce monde était particulier, que ces soirées où il fallait montrer le meilleur de soi même plutôt que d'en profiter n'étaient pas de tout repos. C'est Auden qui est devant, d'habitude. Pas juste moi. Lui semblait avoir des facilités, son personnage d'artiste complètement décalé impressionnait beaucoup de monde, lui donnant sans doute l'avantage en société. Pour autant, Ginny n'était pas en reste. Tu rigoles j'espère ? Rassures toi, tu t'en sors très bien. J'en connais certains qui seraient partis se cacher depuis bien longtemps ! Des exemples, elle en avait des tonnes en tête. Et si les personnes trop prétentieuses et sûres d'elle en toutes circonstances avaient don de l'agacer très souvent, Lena était toujours attendrie de voir ceux qui, au contraire, fuyaient la foule pour se retrouver un peu. Comme une preuve de leur innocence, ça lui rappelait ses débuts en Australie. J'imagine qu'avec un peu de pratique ça sera moins difficile un jour. Elle s'installait à côté de Ginny, arrangeant tant bien que mal sa robe du jour. Tu peux me croire, les bains de foule j'y suis habituée depuis toujours. T'apprendras à faire avec, mais tu t'y feras jamais vraiment. C'était son ressenti à elle, en tout cas. Désolée. Lançait-elle en riant. Mais je dois comprendre que tu as déjà prévu d'autres soirées ? Parce que si elle avait besoin de pratique, il est clair que l'écossaise pouvait l'aider dans ce domaine.

T'inquiètes pas je t'en pique juste un, t'as besoin de prendre des forces je crois. et j’éclate de rire, un vrai, un honnête. Lena qui met le doigt dessus sans même forcer, et le macaron à la noix de coco qui trouve grâce contre ses doigts. L’air frais fait du bien je ne le nierai jamais. C’est bien ici où je suis sortie des dizaines de fois, à l’époque où Noah n’allait pas, où tout allait trop vite, un peu comme maintenant. Le processus est différent et les aléas pareil, mais le résultat en reste le même. Quand le monde tourne et tourne encore, j’ai juste besoin de temps, de distance. Ta faculté à te retenir m’épatera toujours. et de macarons. Un autre à la pistache, et un second à la myrtille. Mieux. Beaucoup mieux.

Elles viennent naturellement, les excuses. Celle de devoir jouer les trouble-fêtes à ma propre soirée, celles d’être la gamine qui se prend trop vite pour une adulte. Ouais, les responsabilités viennent avec la galerie et oui, un jour, je crois que je serai capable de rester dans la même pièce que tous ces gens sans avoir l’impression que chaque détail, que chaque miette, que chaque parcelle de mes toiles est scrutée par eux au peigne fin. Pour l’heure, Lena fait son boulot ou du moins tente de, soupirant avec douceur ce qu’elle a de mieux comme cartes pour me rassurer. Tu rigoles j'espère ? Rassures toi, tu t'en sors très bien. J'en connais certains qui seraient partis se cacher depuis bien longtemps ! j’ignore si elle sait, mais le simple fait d’entendre son sourire solaire dans sa voix aide beaucoup.

Si t’as envie de me parler des pires hésite pas, promis je dirai rien même pas besoin de savoir leurs noms. posées côte à côte, c’est avec les fossettes qui creusent mes joues et une moquerie d’enfant espiègle qui colore mon regard que je lui chuchote son potentiel méfait du jour. Je veux juste souffler, je veux juste prendre une pause. Je veux juste me convaincre que tout ça est normal. C’est qu’elles sont loin, les dizaines de soirées guindées où on nous traînait Jill, Matt et moi, bons petits enfants, bons petits partis. Elles datent de Londres et avec elles entraînent des tas de mauvais souvenirs qui finalement me serrent la gorge sans que je ne le réalise avant aujourd’hui. Tu peux me croire, les bains de foule j'y suis habituée depuis toujours. T'apprendras à faire avec, mais tu t'y feras jamais vraiment. elle a le mérite d’être honnête, la blonde. Désolée. J’imagine que c’est comme avec tout, faut juste pratiquer... c’est pas à elle de s’excuser, c’est à moi d’inspirer, de me rouler les manches, de tenter. Ça ne doit pas être si difficile que ça, non? D’être une grande personne, toute seule? Je l’ai été une infinité de fois déjà, aujourd’hui n’est qu’une occasion de plus de prendre les responsabilités qui viennent avec l’envie, le besoin de vivre de mon art.

Mais je dois comprendre que tu as déjà prévu d'autres soirées ? elle ne perd pas le nord Lena, et c’est bien ce qui m'aide à secouer la tête distraitement le temps de chasser les mauvaises pensées qui s’y logeaient un peu trop en grand nombre pour faire de la place, du neuf. À Tokyo j’ai eu ma première expo, en sculpture. c’était pas ça la question, mais voilà que ma réponse aura besoin d’un peu plus de matière, de viande autour de l’os. Mes jambes s’allongent et mes pieds finissent par laisser de côté mes Converse pour sentir la brise chaude d’une nouvelle fin de journée en Australie chatouiller ma peau. Ça aidait de pas parler la langue, de rien comprendre du tout de ce qu’ils pouvaient bien dire. c’est ça, je pense, qui m’a motivée à aller de l’avant ici. Si là-bas tout s’était aussi bien passé, pourquoi est-ce que dans la ville qui m'a vue naître ça ne serait pas la même chose qui arriverait? La nouvelle galerie est sur deux étages, la lumière y est incroyable, surtout pour les expos de photo. nous y voilà donc. D’autres événements du genre, d’autres occasions de mettre en pratique ce que dans le jargon on appelle arrêter de jouer à l’enfant et être une vraie artiste avec un vrai coffre capable de prendre de vraies critiques et de vrais regards sur son travail. Tout ça. T’auras envie de planifier une autre soirée là-bas même si ça veut dire que dans tes tâches y’a “thérapeute” de listé sous les petits caractères? à nouveau je murmure. Et là, maintenant, je souris. Ça aide de parler, je l’ai toujours dit.

Enfin dans un contexte un peu plus calme, les deux jeunes femmes pouvaient se détacher un peu des protocoles et faux semblants nécessaires pour survivre en société. Pour Lena, ces comportements étaient ancrés en elle, étaient une part d'elle depuis toujours. Elle avait été élevée pour ça depuis toute petite, son père l'ayant éduquée spécialement pour avoir une image et un comportement parfaits. Et, malgré une phase plus chaotique dans sa vie, elle avait petit à petit retrouvé ses habitudes. Ta faculté à te retenir m’épatera toujours. La blonde riait à sa remarque, voyant bien qu'elle ne se doutait absolument pas de tout ce qui se cachait derrière ce simple comportement. Qu'importe, il n'était plus temps d'y penser, la blonde était épanouie aujourd'hui et ce genre de moments précieux de par leur simplicité l'aidaient à être heureuse malgré le lourd passé qui lui pesait encore parfois.

Elle se voulait rassurante envers Ginny, l'écossaise. Parce que contrairement à elle, l'artiste était loin d'être une adepte de ces bains de foules et n'hésitait pas à l'avouer. Si t’as envie de me parler des pires hésite pas, promis je dirai rien même pas besoin de savoir leurs noms. Le sourire de la blonde s'illuminait un peu plus alors qu'elle songeait aux exemples qui lui traversaient l'esprit. Entre un client qui a passé sa soirée à vomir ses tripes dans les toilettes et un autre qui a fait partir tous ses invités à cause d'une crise de panique, je te jure que tu t'en sors plutôt pas mal. Elle n'en dévoilerait pas les noms, elle n'en développerait pas les détails, mais elle voyait déjà dans le regard de Ginny une lueur d'espoir s'éveiller concernant sa situation. Jusqu'alors elle n'était pas encore à la crise de panique, alors tout allait pour le mieux. J’imagine que c’est comme avec tout, faut juste pratiquer... Elle hochait la tête Lena, elle qui ne comptait plus ses heures de pratique en terme de soirées et de mondanités.

L'écossaise ne perdait pas de vu sa carrière et son avenir, mettant sur la table le sujet de futures soirées auprès de Ginny. Celle ci, pourtant, semblait plus avoir besoin de vider son sac que de se projeter pour l'instant. À Tokyo j’ai eu ma première expo, en sculpture. Surprise, la blonde gardait le silence, ses prunelles fixant la photographe qui semblait perdue dans la nostalgie de ses pensées. Ça aidait de pas parler la langue, de rien comprendre du tout de ce qu’ils pouvaient bien dire. Elle pouvait imaginer la scène Lena. J'imagine que ça doit aider à garder ses distances, oui. Qu'elle lançait en riant. La nouvelle galerie est sur deux étages, la lumière y est incroyable, surtout pour les expos de photo. Il s'agissait clairement d'une nouvelle étape dans la carrière de Ginny, d'Auden et Robin. Une nouvelle opportunité d'agrandir le cercle de leur influence dans leur domaine, de proposer de nouvelles choses aussi.  Je n'en doute pas, vous y serez bien. J'ai hâte de venir à votre première expo. Et elle y comptait bien.

T’auras envie de planifier une autre soirée là-bas même si ça veut dire que dans tes tâches y’a “thérapeute” de listé sous les petits caractères? Un ricanement clair qu'elle ne put retenir sortait de la bouche de Lena. Si assister ainsi les clients n'était pas une tâche qui lui était normalement affublée, elle le faisait de bon cœur, d'autant plus avec Ginny qu'elle avait appris à apprécier. Thérapeute serait sûrement un peu présomptueux, mais je veux bien être l'oreille attentive dont tu auras besoin entre deux discours. Un hochement de tête pour appuyer ses dires et le regard de la blonde se perdait sur la rue, les passants. D'ailleurs, sans vouloir te refaire peur... t'en as préparé un ?

Entre un client qui a passé sa soirée à vomir ses tripes dans les toilettes et un autre qui a fait partir tous ses invités à cause d'une crise de panique, je te jure que tu t'en sors plutôt pas mal. à mes yeux qui s’ouvrent très grand s’ajoute un soupir égoïstement rassuré. Elle est loin la crise de panique, derrière le besoin de juste prendre l’air et de ralentir. Oui, c’est un stress constant de sentir des paires de yeux même celles de gens que j’estime plus que tout qui s’éparpillent sur le résultat de plusieurs heures et semaines de boulot. Mais n’en reste que ça fait partie de la passion, ça fait partie des journées, ça fait partie de ce pourquoi je suis là aujourd’hui. C’est difficile mais à choisir, jamais je refuserais de recommencer. T’as jamais pensé avoir un comité de sélection pour tes clients? que je pouffe plutôt, un peu plus rassurée, m’incluant évidemment dans le lot. J’ai pas bu la moindre goutte d’alcool et j’ai pas non plus de difficulté à arrêter d’hyperventiler. Tout va bien et à force de le dire, je finirai par y croire parfaitement.

Le Japon me manque. Auden qui m’y empêchait de manger des sushis aussi. J’y retournerais demain matin avec lui, et Lena le voit probablement passer au creux de mes prunelles relevées vers les siennes. J'imagine que ça doit aider à garder ses distances, oui. à ça s’ajoute les souvenirs de l’expo de là-bas, différente d’ici. Quand on est anonyme tout se passe toujours plus facilement. Personne n’a d’attente, personne ne nous voit comme ce qu’on a accompli mais bien plus comme ce qu’on pourrait accomplir. C’est une impression de libération que de recommencer d’un canevas blanc. Je n'en doute pas, vous y serez bien. J'ai hâte de venir à votre première expo. recommencer comme avec la galerie qui nous attend à Spring Hill. Si t’es sympa et que tu donne un bon mot à mon sujet à la pâtissière de ce soir je pourrai même t’organiser une visite privée. j’éclate de rire, franchement bien plus à l’aise qu’il y a une poignée de minutes seulement. Le tempo avait juste besoin d’être plus doux, plus calme. Quand c’est le cas, je retrouve toujours mieux mes forces.

Et mine de rien elle y est pour quelque chose. Thérapeute serait sûrement un peu présomptueux, mais je veux bien être l'oreille attentive dont tu auras besoin entre deux discours. oh, oh que je la vois venir. Sa transition était si smooth, elle tentait tellement de bien faire. Mais la voilà qui inspire et derechef je me relève, sachant que mine de rien ce sera à mon tour pour de vrai, d’éventuellement reprendre les rennes et d'être un semblant d’adulte à ma propre soirée. D'ailleurs, sans vouloir te refaire peur... t'en as préparé un ? Je me disais que ça viendrait sûrement sur le moment. Ginny, Ginny, Ginny. La gamine désorganisée par excellence, celle qui laisse traîner des pinceaux et des livres et des miettes de gâteau dans son sillage depuis 1990. Moment ou pas ça viendra pas, hen? qu’elle soit honnête, je sais très bien que ma grande naïveté et que mon éternel optimisme ne me sauvera pas lorsque les quelques dizaines de personnes présentes braqueront leur attention sur moi. Sinon je peux faire ça bref, et touchant. Genre Merci d’être là. pause, moment de silence, sourcils froncés et espoir vite envolé. C’est pas une larme, que je vois apparaître dans tes yeux, là? du tout. Et un coup d’œil pour constater l’heure ne fera que me confirmer qu’il me reste (très) peu de temps pour arrêter de me défiler. Faudra que tu t’assures que personne ne m’enregistre, mais je devrais être capable d’improviser.  devrait ici est le bon terme.

T’as jamais pensé avoir un comité de sélection pour tes clients? Ginny se mit à rire, Lena pouffait avec elle. Qu'il était bon ce moment hors du temps, hors du tumulte de la soirée, hors de tout ce monde réuni dans l'espoir de tirer un potin de la soirée. Un moment pour souffler n'était jamais de trop dans cette vie où tout allait toujours trop vite. Tu rigoles ? J'aurais pas toutes ces histoires à raconter aujourd'hui. Car s'il y avait une chose dont elle était certaine, la blonde, c'est l'adage qui disait que les pires expériences créaient les meilleurs souvenirs. Et si pouvoir se remémorer ces expériences l'amusait énormément, l'écossaise, elle se doutait bien qu'elles devaient sonner d'une manière bien plus amer dans l'esprit de ceux qui les avaient réellement subis. Elle ne pouvait qu'espérer que rien n'entacherait les mémoires de cette dernière soirée dans cet atelier pour Ginny qu'elle trouvait particulièrement touchante au milieu de ses mille émotions, et surtout avec ses yeux emplis de nostalgie. Si t’es sympa et que tu donne un bon mot à mon sujet à la pâtissière de ce soir je pourrai même t’organiser une visite privée. Un sourire ensoleillait son visage. Je n'y manquerais pas, j'ai bien compris que tu avais ad-o-ré son travail. Qu'elle lançait d'un air taquin en désignant les quelques macarons qui n'avaient pas encore été engloutis par l'artiste.

Et puis elle amenait sur la table un sujet auquel l'hôte de l'évènement aurait dû s'attendre, un détail qu'elle avait visiblement retardé jusqu'ici au vu de son air inquiet rien qu'à l'énoncé du mot "discours". Je me disais que ça viendrait sûrement sur le moment. L'influenceuse lui offrait ses meilleurs yeux écarquillés, son meilleur air surpris et inquiet à la fois. Moment ou pas ça viendra pas, hen? Elle aurait aimé savoir que Ginny avait réfléchi à la question, mais comprenait bien que la situation était bien plus complexe que d'apparence. Bien sûr, oui.. je crois. Elle se voulait rassurante au possible, mais son hésitation et le rire qui avait accompagné la fin de sa phrase en donnaient un tout autre effet. Sinon je peux faire ça bref, et touchant. Genre Merci d’être là. Et là l'écossaise ne pu s'empêcher de rire face à l'innocence de la jeune femme. C’est pas une larme, que je vois apparaître dans tes yeux, là? Sans arrêter de s'esclaffer, elle hocha la tête pour tenter d'acquiescer, sans succès. Ah non mais c'est sûr, on tient quelque chose là. Qu'elle s'amusait à la charrier. Mais l'humour ne faisait pas tout, elle devrait faire face à cet instant bientôt, la photographe. Non, le passage du discours n'était pas facultatif dans ce genre de soirées. Faudra que tu t’assures que personne ne m’enregistre, mais je devrais être capable d’improviser. Elle opina du chef, mimant une bonne soldate loyale aux ordres de sa hiérarchie. Promis, je veillerais à ce que rien ne sorte de la salle. Confidentialité garantie. Qu'elle appuya d'un clin d'oeil. Au pire, si vraiment ça se passe mal, t'auras qu'à me faire un signe discret et j'activerais l'alarme incendie. Tu pourras pas faire meilleur sortie que ça. Souvenirs garantis.

Bien sûr, oui.. je crois. oh qu’elle aurait pu être rassurante, si elle ne s’était pas mise à rire la seconde d’après. Dans les faits, j’éclate de rire moi aussi alors rien n’est vraiment mauvais, rien n’augure mal. Ce qui reste par contre, c’est une drôle d’impression sur ma langue. Mes mains sont moites mais glacées, ma voix pique même si j’essaie d’avoir l’air désabusée.

Le cliché de l’artiste la tête en l’air. De la gamine aux ongles tachés de peinture qui essaie des trucs, qui tente de monter une expo pour la beauté de la chose et pas pour la réception du public ou même pour faire la moindre vente. J’ai vendu des toiles ce soir d’ailleurs? Je sais même pas, je sais même plus. Si on me fait le topo, ça risque d’être bien plus stressant que tout le reste. Oh que je déteste devoir parler devant les gens. Ah non mais c'est sûr, on tient quelque chose là. on ne tient rien du tout mais son sourire m’en occasionne un. Elle est douée, Lena. Elle est solaire. J’inspire un peu plus facilement rien qu’à l’entendre narguer, ses fossettes rendant son visage de porcelaine encore un peu plus adorable si c’est possible. Promis, je veillerais à ce que rien ne sorte de la salle. Confidentialité garantie. petit soldat plein de confiance, grande alliée qui est exactement la bouffée d’air dont j’avais besoin pour l’heure. Qu’elle reste proche, qu’elle ne parte pas trop loin, qu’elle me donne l’élan qu’il faut pour la suite peu importe quelle qu’elle soit. Au pire, si vraiment ça se passe mal, t'auras qu'à me faire un signe discret et j'activerais l'alarme incendie. Tu pourras pas faire meilleur sortie que ça. quand j’éclate de rire, c'est aussi le signal de ma silhouette pour se redresser. Il est temps d'être une adulte, Ginny.

Mais pas tout à fait. Des miettes tombent au sol, c’est d’un chic de voir comment manger des macarons en cachette est devenu ma marque de commerce à des événements du genre. C’est bon, je suis prête. Je crois. que j’annonce, après une longue inspiration et un coup d’oeil soutenu avec elle. Réutiliser ses mots est fait exprès, comme l’est le clin d’oeil que je lui dédie alors que mes pas nous guident jusqu’à l’intérieur de la galerie. La suite, donc? J’irai comme je le sens et et et et et - et on verra bien. Lena a promis qu’il n’y aura pas de preuves de toute façon, n'est-ce pas?

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