« Vous avez juste à faire comme s'il n'était pas là. » C'est ce que je (tente) fais depuis des heures. L'agente d'immeuble le regarde d'un drôle d'air, alors qu'il rôde un peu partout comme un intrus - c'est ce qu'il est en ce moment un intrus indésirable. Il ne colle certainement pas dans le décor du luxueux appartement de Saül et de toi. Ça toujours été plus celui de Saül pour tout dire, lui qui venait souvent en sol parisien pour affaire. Tu ne te souviens même pas de la dernière fois où tu as mis les pieds ici. La décoration d'une chambre d'enfant en bas âge le confirme. Il y a longtemps que Cosimo n'est plus ce gamin insouciant qu'il a déjà été. Ici, c'est encore chez toi pour les prochaines heures. Pas plus. L'appartement, il est déjà presque vendu. Il ne reste que les papiers à signer. C'est la première résidence secondaire d'une longue liste que tu mettera en vente. Renflouer les coffres, voilà ton but des prochaines semaines - ce ne devrait pas être trop compliqué. Ta visite à Paris n'aura pas servis à rien, un divorce et une vente.

Tu ne sais pas où il est Jet et tu n'en as absolument rien à faire non plus - s'il pourrait s'être tiré, ce serait pas mal. Il te donne quand même une petite idée lorsque tu entends du verre se briser dans la pièce voisine. Il y a tes yeux qui se ferment, qui cherchent une zénitude que tu ne trouves pas. Il y a tes dents qui grincent, ta mâchoire qui se crispe. D'ici quelques heures, tu seras de nouveau assis dans cet avion qui te ramènera chez toi. Courage.

Tu refermes la porte derrière l'agente qui repart avec le contrat de vente signé avant de t'appuyer sur celle-ci, le regard planté dans celui de Jet. « Si je t'ai pas dit que je venais, c'est peut-être parce que je voulais pas te voir. » Au cas où il n'aurait pas compris. Il a compris. Il n'en a juste rien à chier. Ce sont pratiquement les premiers mots que tu lui dis depuis qu'il s'est invité dans ce foutu resto - et dans tout le reste de ton périple visiblement. Il n'était pas question de faire une scène en public - scène qui n'était nullement justifiable de toute façon. Encore moins quand le public est Saül et Ariane. Tu n'as dupé absolument personne avec ton faux calme. Tout le monde l'a sentit la tension palpable entre Jet et toi. Tout le monde a compris. Il y a que toi qui pige rien comme d'habitude.

Tout ce voyage à Paris est étrange et compliqué. J’ai été avec Ariane, puis on a décidé qu’on ne serait plus ensemble avant que Saül ne vienne et qu’Elise le suive. Finalement, on se retrouve tous à Paris, et je ne sais plus vraiment ce que je fais ici. Je passe régulièrement voir Ariane sans que ça ne plaise à Saül, et je me commence à réellement apprécier voir son visage se tordre de colère quand je suis dans les parages. Je dois apprécier me faire des ennemis.

Je me balade d’appartement en appartement, et, ma dernière envie, c’est de voir Elise pour lui demander ce qu’elle a, et pourquoi elle a décidé de tirer une tête d’enterrement depuis qu’elle a posé un pied à Paris. « Si je t'ai pas dit que je venais, c'est peut-être parce que je voulais pas te voir. » Je suis dans la cuisine et je fais du bruit, je sais qu’elle va finir par me rejoindre. Elle a autant envie de parler que moi, je le sais. “Tu mens.” Je me tourne vers elle, ne ramassant pas le verre cassé qui jonche le sol. “Pourquoi tu t’es déplacée jusqu’ici si tu voulais pas me voir ?” Je fronce les sourcils, elle savait que j’étais là depuis le début, je ne lui ai jamais caché. J’ai l’impression qu’elle est énervée et jalouse la brune, et ça m’amuse bien plus que ça ne le devrait.

Je la regarde encore, elle est belle quand elle est énervée. Je ne compte pas m’énerver moi, et j’ai hâte de savoir ce qu’elle peut bien me reprocher. “Tu m’expliques pourquoi tu fais la gueule ?” Il y a bien une raison pour laquelle elle semble être prête à me tuer pour avoir quitté Brisbane. Je suis un électron libre, je pars quand j’en ai envie avec qui je le veux. Et elle n’a pas le droit de m’en vouloir d’être partie avec Ariane alors qu’elle essayait d’arranger les choses avec son mari.

“Tu mens.”
« Je te mens jamais. » Sauf quand tu dis que tu ne fais pas de crise. Sauf quand tu dis que tu n'es pas jalouse. Sinon, tu ne lui mens jamais. Certainement pas en ce moment. C'est vrai quand tu dis que tu n'avais pas envie de le voir. Tu n'as pas fini de lui faire la gueule. “Pourquoi tu t’es déplacée jusqu’ici si tu voulais pas me voir ?” Tu es un peu parti sur un coup de tête, l'urgence de divorcer au ventre. En aucun cas, la présence de Jet ici n'a influencé ton choix. C'est un aller-retour que tu fais. Quelques papiers à signer et tu seras repartie dans la soirée. « Divorcé- » Il se tourne vers toi Jet, passe à côté du verre qu'il vient de casser comme s'il n'existait pas. « - Sérieux ? Tu vas même pas- » que tu soupires bruyamment. Ta phrase que tu ne prends même pas le temps de terminer, trop occupé à rouler les yeux exagérément, à rager intérieurement. La mèche est courte aujourd'hui alors que tu avances pour ramasser ce qu'il ne ramassera pas, visiblement. N'importe quoi pour pas que ton regard croise le sien.

“Tu m’expliques pourquoi tu fais la gueule ?” Faut vraiment que tu répondes à celle-là ? Tu pourrais juste répondre par une autre question, mais ton petit doigt te dit qu'il ne va pas démordre jusqu'à ce que tu y répondes. En fait, il connaît déjà la réponse. Il veut juste te l'entendre dire, connard. « Tout va mal. » Tu commences ton plaidoyer. Tout est parti de travers depuis qu'il est parti. Plus rien ne va. Plus rien ne fait du sens. « Mon fils me déteste. » Il ne t'a pas adressé la parole une seule fois depuis le dernier repas catastrophe. Et dans tout ce qui va mal, c'est ça le seul qui compte vraiment. « Saül s'est sauvé comme un lâche. » Il t'a laissé tout seule pour gérer ce que vous avez été deux à faire - même qu'il y est plus pour quelque chose que toi. C'est à ce moment là que tu te redresses pour mettre les débris de verres aux vidanges avant de te retourner finalement face à lui. « Dans toutes les filles du monde, c'est elle qui faut que tu décides de te retaper. » Ah tiens nous y voilà à ce qu'il a vraiment envie d'entendre. Il aurait pu choisir n'importe qui d'autre, tu aurais quand même été jalouse, mais ça l'aurait été moins humiliant. « Et je manque de sommeil. » La faute aux nombreuses heures de vol et du peu d'heures de sommeil qui viennent avec.

« Satisfait ? »
Ou il a besoin que tu continues ?

« Je te mens jamais. »
“Menteuse.” Je souris, je sais qu’elle me déteste, mais je suis persuadé que ça ira mieux dans quelques minutes déjà. « - Sérieux ? Tu vas même pas- » J’ai cassé un verre, je ne l’ai pas ramassé, et apparemment elle compte le faire. “Y’a pas des gens payés pour ça ?” Je lève les yeux au ciel, je ne ramasserai pas ce verre, alors je hausse les épaules et je m’éloigne un peu.

« Tout va mal. » C’est qu’elle parle bien plus facilement que je n’aurais pu l’imaginer. Je m’appuie contre le mur et je la regarde faire sans l’interrompre. « Mon fils me déteste. Saül s'est sauvé comme un lâche. » Son fils la déteste donc, mais à mon sens, les jeunes garçons détestent tous leur mère, mais on ne peut pas dire que j’ai eu un bon exemple de famille. Saül s’est sauvé, et qui ça étonne, je pense que cet homme est incapable de prendre une réelle décision ou d’assumer ses choix face au monde. Mais ce n’est pas mon problème, et ce n’est plus celui d’Elise non plus. « Dans toutes les filles du monde, c'est elle qui faut que tu décides de te retaper. » A ça, je pouffe de rire et hausse un sourcil. Elle est jalouse, et ça m’amuse bien plus que ça ne le devrait. « Et je manque de sommeil. » Ca, ils peuvent facilement y remédier. « Satisfait ? »  Je hoche la tête, et réfléchis une seconde pour savoir par quoi je vais commencer. “Ton fils te déteste pas, c’est pas de ta faute tout ça.” Si j’étais lui, je détesterais le type qui s’est barré et qui a mis sa nouvelle copine enceinte sans même réfléchir à ce que ça pourrait lui faire. “Saül est un abruti et t’aurais pu t’en rendre compte bien plus tôt.” Je ne la quitte pas des yeux, et même si mes mots l’énervent je ne compte pas m’arrêter là. “Belle leçon venant de celle qui est retourné avec son mari. Mais j’avais besoin d’une vraie fin avec Ariane.” Et c’est exactement ce qu’il s’est passé. “Et pour le sommeil ça peut s’arranger, tu comptes rester jusqu’à quand ?” Je fronce les sourcils, à mon sens, elle est déjà sur le départ.

“Donc la seule raison pour laquelle tu me fais la gueule à moi c’est que je suis venu retrouver Ariane à Paris ?” Parce que, dans toutes les reproches qu’elle a pu faire, c’était la seule qui m’était directement adressée.

“Ton fils te déteste pas, c’est pas de ta faute tout ça.” Bien sûr que si. C'est entièrement de ta faute. Enfin, celle de ton (ex) époux aussi. Le problème, c'est que tu es la seule à en assumer les conséquences en ce moment. Alors que tout ton monde s'écroule doucement, Saül, lui, le reconstruit encore plus solidement que le précédent. « Il vient d'apprendre que je suis pas sa mère. Il ne m'a pas adressé un mot depuis. » Pas un mot. Pas de méchanceté non plus. Cosimo est trop bien élevé pour agir autrement. Tu préférerais quand même les insultes au silence qui plane entre vous deux. “Saül est un abruti et t’aurais pu t’en rendre compte bien plus tôt.” « Tu ne le connais pas. » que tu le coupes presque dans ses paroles en détournant légèrement le regard. Bien sûr qu'il est idiot et sans cœur, mais il n'est pas que ça. Il a été un vrai pilier pendant des années. Il en a des millions de défauts - toi aussi - mais ses forces sont précieuses. Elles l'ont été du moins. Il a juste cessé de les partager avec toi. “Belle leçon venant de celle qui est retourné avec son mari. Mais j’avais besoin d’une vraie fin avec Ariane.” Tu roules les yeux. Une vraie fin. N'importe quoi. Il va toujours retourner vers elle. Tu le savais déjà. Il n'a fait que confirmer le tout. « Il sait rien passé avec Saül. » L'idiote qui se justifie comme si elle lui devait quelque chose, comme s'il en avait quelque chose à faire. Il se passe rien avec Saül depuis des années. Rien de nouveau. Tu veux même pas savoir ce qui s'est passé entre lui et Ariane. Sûrement pas juste une petite discussion de rupture. “Et pour le sommeil ça peut s’arranger, tu comptes rester jusqu’à quand ?” « Ce soir. » Il n'y a qu'une poignée d'heure entre maintenant et ton départ.

“Donc la seule raison pour laquelle tu me fais la gueule à moi c’est que je suis venu retrouver Ariane à Paris ?” Et il en est très fier avec son sourire à tout fendre. Tu ne l'admettra jamais à voix haute, mais le silence parle de lui-même. Bien sûr que tu es jalouse. Encore plus parce que c'est Ariane de qui tu te sens l'éternelle deuxième visiblement. « Assis-toi là au lieu de dire n'importe quoi » que tu lui dis en venant pointer la chaise à quelques mètres seulement de lui. Pendant qu'il s'installe, tu fais un aller-retour à la salle de bain prendre le restant d'une trousse de premier soin probablement expiré - c'est mieux que rien. Vous ne venez jamais ici, rien n'est renouvelé. « Tu devrais survivre. » que tu lui annonces en attrapant son menton pour évaluer l'étendue des dégâts. Ça va. Même pas de nez à replacer. « Pourquoi tu l'as frappé ? » Pour elle, bien sûr, t'imagines pas des choses. C'est toute en délicatesse que tu viens essuyer, désinfecter, le sang qui a eu le temps de sécher depuis le temps au niveau de son arcade sourcilière.

Rien ne va pour Elise, et je n’ai pas aidé à arranger les choses. Je ne sais pas ce qu’elle veut, mais elle fait partie des seules personnes que je me sens capable d’aider. « Il vient d'apprendre que je suis pas sa mère. Il ne m'a pas adressé un mot depuis. » Sa vie est compliquée, et j’ai du mal à m’imaginer la galère que peut être sa vie. “Ca passera.” Je n’en ai aucune idée, moi je n’ai jamais pardonné à ma mère. « Tu ne le connais pas. » “Et j’en ai pas envie.” Je ne veux vraiment pas avoir à faire à Saül, ce n’est pas le genre de personne que je trouve intéressante. Et il m’a frappé ce soir, moi aussi je l’ai amoché, mais je sens que mon arcade gonfle et saigne. « Il sait rien passé avec Saül. » “Ca c’est dommage pour toi.” Elle n’avait qu’à pas partir avec lui. Moi j’ai profité de la vie avec Ariane, et maintenant tout est au clair entre nous. « Ce soir. » “T’es pas drôle.” Elle s’en va bien trop vite, et je ne vais même pas pouvoir en profiter. Elle est vexée et ça se sent.

Elle est jalouse et ça me fait sourire. « Assis-toi là au lieu de dire n'importe quoi » “Tu évites la réponse.” Et c’est comme ça que je sais qu’elle me donne raison. « Tu devrais survivre. » “J’en suis pas sûr tu devrais mieux vérifier.” Je la taquine, parce qu’elle est de mauvaise humeur et que j’aime bien l’énerver. « Pourquoi tu l'as frappé ? » “Depuis quand j’ai besoin d’une raison pour frapper les gens ?” Je n’ai pas besoin de me justifier habituellement. “Il le méritait.” Parce que c’est un abruti de première et qu’il ne changera jamais. Parce qu’elle, elle était incapable de lui rendre la monnaie de sa pièce. Je fronce le nez quand elle dépose je ne sais quoi sur mon arcade sourcillière, quelque chose qui pique et je grogne légèrement. “Ariane aurait très bien pu le frapper seule si elle en avait eu envie. Et c’est plutôt moi qu’elle aurait voulu frapper ce soir je crois.” Ca vaut pour un ça a bien plus à voir avec toi qu’avec Ariane ces coups de poings, mais elle comprendra seulement si elle le veut.

“Ca passera.” Facile à dire. « Et si ça passe pas ? » Parce qu'il est tout ce que tu as, tout ce qu'il te reste. Il est le seul a véritablement compter. Tu as l'impression de ne rien pouvoir faire pour réparer vos mensonges. Tu peux pas le forcer à te pardonner. Il te doit rien le gamin. T'es pas sa mère. Tu ne le seras jamais. Il n'y a rien de légal dans ses papiers de naissance où stipule ton nom et celui de ton ancien époux. “Et j’en ai pas envie.” Ancien époux dont Jet n'a pas envie de connaître. Qui ça étonne ? Lui non plus il n'en a pas envie. Ça leur fait ça en commun. “Ca c’est dommage pour toi.” Oh oui vraiment dommage pour toi que tu n'es pas concéder à ton devoir conjugal avec quelqu'un qui n'en a rien à chier de toi. Tu aurais sûrement dû en profiter une dernière fois. Va chier Jet. “T’es pas drôle.” T'es jamais drôle. Tu es beaucoup trop sérieuse. Il te le répète sans arrêt. Tu sais pas t'amuser gnagnagna « T'avais juste à pas partir si tu voulais me voir. » Ou il a juste à revenir en même temps que toi c'est selon.

“Tu évites la réponse.”
« Tu connais la réponse. » Pas besoin de s'humilier à le dire à voix haute. Pas besoin de dire des choses que ça ne sert à rien de lui dire si ce n'est pour ajouter des millimètres à son sourire de merdeux. “J’en suis pas sûr tu devrais mieux vérifier.” Quoique même si tu dis rien, il s'agrandit quand même. Tu roules les yeux alors que tu relâches son menton pour t'appliquer à nettoyer sa blessure. “Depuis quand j’ai besoin d’une raison pour frapper les gens ?” Depuis quand une personne en frappe une autre sans raison ? Il y a toujours une raison. Il n'a pas l'air de vouloir te dire la sienne. “Il le méritait.” « Il t'a cherché et tu as mordu à l'hameçon, c'est pas pareil. » Il l'aurait mérité a bien des occasions sûrement, mais aujourd'hui, il n'a rien fait de mal. On peut même dire qu'il t'a rendu un énorme service en signant ses papiers. C'est un énorme poids de vingt ans qu'il te retire des épaules par cette simple signature. “Ariane aurait très bien pu le frapper seule si elle en avait eu envie. Et c’est plutôt moi qu’elle aurait voulu frapper ce soir je crois.” Donc, il croit que tu n'es pas capable de te défendre toute seule, mais Ariane oui. Toujours elle qui a le beau rôle autant avec Jet qu'avec Saül. Tu redéposes les tampons et le désinfectant sur la table à côté de lui. « C'est plutôt à moi qu'elle avait envie de sauter à la gorge. » Et oh, oh, que voyons-nous là ? Ne serait-ce pas un sourire qui vient de s'immiscer sur ton visage ? Il est petit, mais il est bien là. « Tu n'avais pas à prendre ma défense. Je sais me débrouiller. Pas besoin de frapper personne pour faire du mal. » C'est plus dans la violence silencieuse et sournoise que tu es experte. Un physique ça guérit. Un mental, ça se détruit.

Je suis venu la voir. Je savais qu’elle me ferait la tête après que je sois parti de Brisbane sans rien dire à personne. Mais elle devrait me connaître depuis qu’on se fréquente, elle ne devrait pas m’en vouloir pour une chose pareille. « Et si ça passe pas ? » Je fronce les sourcils, “Ca finit toujours par passer.” Un jour ou l’autre, elle n’y pensera plus tout le temps et tout ira mieux. « T'avais juste à pas partir si tu voulais me voir. » Je lève les yeux au ciel, elle compte me le reprocher encore combien de temps ? “Pourquoi je serais resté ?” Parce qu’elle a son musicien, son fils, et sa vie de bourgeoise qui évite de faire des vagues, vie dans laquelle je n’ai pas une réelle place. Je ne sais pas ce que je suis pour elle ni ce qu’elle est pour moi, et on ne mettra sûrement jamais de mot là-dessus.

« Tu connais la réponse. » Je hoche la tête, je sais qu’elle est jalouse et je n’en comprends pas vraiment la raison. Elle n’a parlera pas, et je n’ai pas envie de pourrir encore cette soirée à lui poser dix questions à la minute. Elle me parle de Saül, et de ce qui lui est arrivé. Il méritait ces coups, et je l’ai à peine touché. Elle ne devrait pas se prendre la tête pour quelque chose d’aussi insignifiant. « Il t'a cherché et tu as mordu à l'hameçon, c'est pas pareil. » Je grogne alors qu’elle passe son chiffon sur une zone sensible. Je grimace et fronce le nez avant de réfléchir à une réponse. “J’avais besoin de me défouler sûrement.” Et ce n’est quand même pas de ma faute si j’ai une envie irrépressible de le frapper à chaque fois qu’il se place face à moi. « C'est plutôt à moi qu'elle avait envie de sauter à la gorge. » “Les hormones la rendent encore plus folle qu’avant.” Je hoche la tête, “Elle t’aurait pas sauté dessus.” Elle aurait pu essayer, mais son ventre l’aurait sûrement empêché de lui faire trop mal. « Tu n'avais pas à prendre ma défense. Je sais me débrouiller. Pas besoin de frapper personne pour faire du mal. » “J’ai pas aimé sa façon de te traiter.” Comme si je traitais les personnes mieux qu’il le fait. “T’as pas assez de force dans les bras tu peux pas faire aussi mal avec tes poings qu’avec tes bras.” Je hausse les épaules et cherche à capter son regard. “T’es allée dans la maison ?” Notre maison en réalité, encore quelque chose de bizarre qu’il ne vaut mieux pas qu’on cherche à expliquer.

“Ca finit toujours par passer.” Facile à dire ça. Ces paroles sont bien loin de t'aider à aller mieux. Personne d'autre que Cosimo auront les bons mots pour t'aider à tourner la page sur cette horrible histoire. Et si vous restiez pris à jamais sur cette page là ? “Pourquoi je serais resté ?” Tu hausses les épaules. Il n'avait aucune raison de rester, ou il attend que tu lui en donne une. « Pourquoi tu l'as déteste plus ? » C'était plus facile quand vous aviez ce point là en commun; la haine contre Ariane. Pourquoi il lui a pardonné ? Elle le quitte encore pour Saül, une deuxième fois. Pourquoi est- il ici avec elle ? “J’avais besoin de me défouler sûrement.” Tu lèves les yeux au ciel. Il tourne autour du pot, mais visiblement, il ne te dira pas la vraie raison qui l'a poussé à lever les poings. “Les hormones la rendent encore plus folle qu’avant. Elle t’aurait pas sauté dessus.” Pour ça vous êtes d'accord. Ils lui trouvent quoi à Ariane ces deux idiots ? Tu veux une liste en ordre alphabétique ou ça va aller ?

“J’ai pas aimé sa façon de te traiter.” Ton regard se pose automatiquement dans le sien, alors qu'une boule vient élire domicile au creux de ton ventre. Il lui a cassé la gueule, parce qu'il n'a pas aimé de te traiter. Oh Jet, c'est un peu trop tard pour ça. Ce soir, c'était une bonne soirée. Saül a déjà été pire avec toi. “T’as pas assez de force dans les bras tu peux pas faire aussi mal avec tes poings qu’avec tes bras.” Tes doigts cherchent désespérément à s'accrocher aux siens. Depuis quand ça tourne aussi sentimentale entre vous deux ? “T’es allée dans la maison ?” C'est sa manière à lui de savoir comment tu vas, sans réellement le demander. « Non. » Tu n'y es pas allé. Tu n'as pas eu le courage de quitter ta maison. Chaque jour, espérant que ce soit celui où Cosimo brisera le silence entre vous deux. Ça ne veut pas dire pour autant que les derniers jours ont été faciles. « Rentre avec moi. » que tu lui demandes dans un souffle alors que ton front vient s'ancrer au sien, alors que tes doigts glacés s'égarent contre sa nuque. Saute dans le prochain avion en direction de Brisbane avec moi. Vous pourrez passer le nouvel an dans la maison. Tous les deux. Oh, Elise, qu'est-ce que tu racontes là ? Et Jack qui est sensé venir te prendre à l'aéroport demain dans tout ça ?

Je suis blessé et je ne sais pas quoi faire avec elle. Je tente de la calmer, on ne s’est jamais rien promis, et pourtant, j’ai l’impression d’avoir commis un crime en partant à Paris. Elle est jalouse, et jamais personne ne saura pourquoi. « Pourquoi tu l'as déteste plus ? » La question est étrange, et elle n’a pas l’air de vouloir s’arrêter d’en poser de sitôt. Je réfléchis un peu. “Je la détesterai toujours, c’est pas ça.” Je soupire et je capte son regard. Je ne lui dois rien, mais pourtant, je cherche une vraie explication. “J’avais besoin de bouger, elle était seule, et voilà.” C’était aussi simple que ça, on était toujours là l’un pour l’autre, et ça serait sûrement comme ça jusqu’à la fin des temps. La soirée a été mouvementé, et je tente d’expliquer pourquoi on était tous dans un tel état.

J’ai pas aimé la manière de parler de Saül, je ne l’aime pas, et je pourrais choisir n’importe quelle raison pour lui mettre mon poing dans la figure. « Non. » Je ne suis pas retourné à la maison depuis un moment moi non plus. On devrait y aller ensemble, se retrouver là-bas et pas dans un hôtel de Paris. « Rentre avec moi. » Mon regard se perd dans celui d’Elise et je me demande si elle est sérieuse, et si elle sait que je ne peux pas faire une chose pareille. J’ai prévu de voyager encore et de ne revenir que bien plus tard. “Je rentre pas en Australie.” Ce n’est pas dans mes projets, j’ai des choses à faire et je ne pense pas qu’elle veuille me suivre. “Je suis pas fait pour me poser quelque part, je peux partir du jour au lendemain sur un coup de tête, tu me connais.” Elle me connaît, et elle doit m’accepter comme je le fais avec elle. “A quoi ça pourrait bien servir que je rentre avec toi ? T’as besoin d’un chauffeur pour aller jusqu’à la maison de ton musicien ?” Elle n’a pas besoin de moi, et moi j’ai besoin de prendre le large.

“Je la détesterai toujours, c’est pas ça.” Ouais bah pour quelqu'un qui la déteste… ça ne paraît vraiment, mais vraiment pas. Qu'il ne vienne pas te sortir un truc du genre tenir ses ennemis plus proche que ses amis. Il y a toujours bien des limites à se taper ses ennemis. “J’avais besoin de bouger, elle était seule, et voilà.” Quel con. « Et voilà ? » C'est un rire moqueur qui sort d'entre tes lèvres alors que tes bras se croisent contre ta poitrine. Tu vas le buter. C'est pas une réponse ça. Ça ne veut absolument rien dire. Il aurait pu demander à n'importe qui d'autre, à n'importe quelle pimbêche prête à le suivre partout dans le monde (ça t'aurait quand même fait chier, mais moins). Mais non, il part à l'autre bout du monde avec la fille dont il est sûrement encore amoureux.

Tu tentes quand même de passer par dessus ça, d'oublier le facteur Ariane. Tu tentes quand même de l'amadouer, de le convaincre de rentrer à Brisbane avec toi, ou peu importe où il veut aller. Tu iras avec lui. “Je rentre pas en Australie.” Et, paf, tu rentres en plein dans le mur. “Je suis pas fait pour me poser quelque part, je peux partir du jour au lendemain sur un coup de tête, tu me connais.” Et il est brutal en plus le mur. Il est clair, net et précis le non dans ses paroles. Tes doigts quittent son épiderme aussi rapidement qu'ils l'avaient trouvé. Tu te sens idiote, humiliée. Tu n'aurais pas dû lui demander ça. Tu aurais du te la fermer. Qu'est ce que tu as cru de toute manière ? “A quoi ça pourrait bien servir que je rentre avec toi ? T’as besoin d’un chauffeur pour aller jusqu’à la maison de ton musicien ?” Il y a tellement de choses que tu devrais lui répondre. Il comprend rien Jet. Ça tombe bien, toi non plus tu n'es pas certaine de comprendre. « T'es qu'un connard. » que tu lui craches au visage. Tellement de choses à se dire, mais c'est plus facile de laisser sortir le méchant que n'importe quoi d'autre.

« J'ai un avion à prendre. Toute seule. » Parce qu'il ne veut pas venir. Qu'il ne vienne pas se plaindre que tu vas rejoindre Jack, c'est lui qui te pousse dans ses bras. C'est sûrement pour le mieux de toute manière. « Amuse toi bien. » Et c'est lancé sur un ton très sarcastique. Tu espères son périple seul et ennuyant à mourir. Tu veux même qu'il regrette de rester. En moins d'une minute, tu as ramassé toutes tes choses et tu l'as laissé là tout seul comme un con. Tu aurais quelques heures encore à attendre à l'aéroport. C'est toujours mieux ça que de t'humilier auprès de Jet.