Jamais, dans ma courte vie, je ne me suis retrouvée confrontée à la maladie d'aussi près. C'est quelque chose que l'on entend, que l'on conçoit vaguement, imagé par de trop nombreux films un brin romancés présentant le cancer comme une fin en soi, mais que nous sommes capables de parer par tant de moyens. Face à la révélation de Knox, je me sens bien plus désemparée que dévorée d'un sentiment combatif à pouvoir lui transmettre. Il en a fait sa vérité, la maladie coule entre ses veines, il semble bien trop résigné même juste là, endormi sur mon canapé. Je me perds à observer ses traits, à me demander à quoi pourra bien ressembler son quotidien, lorsqu'il sera probablement trop fatigué pour continuer à faire semblant. Naît alors ce désir de vouloir lui venir en aide, non par sentiment de pitié profonde, mais bien plus nourri par une empathie que je ne saurais expliquer. Je reste méfiante sans jamais vraiment dresser de barrière. Knox m'apparaît comme un jeune homme qui a besoin d'aide, d'une oreille pour l'écouter quand tout autour de lui semble s'écrouler. Je ne saurais expliquer la sensation, mais dans le fond, je crois que je commence à lui faire confiance. Peut-être que Megan me rappellera à l'ordre, mais en attendant, elle n'est pas là et Knox se repose.

« Désolé, je voulais pas te faire peur. » Il m'a surpris, mais je le rassure dans un sourire timide. « C'est rien, j'étais perdue dans mes pensées. » Je crois qu'il était temps que quelqu'un me ramène sur terre, à en juger par l'état du plan de travail, je me suis un peu emporté sur la confection de mes muffins. « Ça sent super bon. » Je croise le regard du jeune homme en riant un peu. « Je crois que je me suis un peu emballé. » D'un pas sur le côté, je laisse dévoiler tous les gâteaux qui s'alignent lentement sur le comptoir. « Honnêtement ? C’est toujours pas la grande forme, mais un peu plus reposer et je n’ai plus envie de vomir. » Il a repris un peu des couleurs même s’il paraît un peu faible. « Un peu de chocolat ? » que je propose tout timidement. « Je peux te reprendre un verre d’eau ? » - « Oui, oui bien sûr. » Je le laisse venir se servir et évalue sa démarche lorsqu’il s’approche de moi. Son pas est légèrement chancelant et je décide d’avance qu’il va devoir rester encore un peu à l’appartement. C’est plus prudent. « Merci encore, de me laisser rester quelque temps. » Je lui offre un sourire toujours aussi timide. « C’est normal. »

Un temps, le silence s’étire sans que je ne sache trop quoi faire de mon corps face au blond. « Tu veux goûter ? » que je propose une nouvelle fois en lui indiquant mes gâteaux. « Je suis pas mauvaise pâtissière, promis. » C’est qu’il a probablement encore la nausée le pauvre. Je m’affaire à sortir la dernière fournée avant de me tourner lentement vers le jeune homme. « Tu sais où tu pourras rester après ? » Il avait évoqué ne plus avoir de logement. « Je peux, peut-être arranger quelque chose. » Je veux juste l’aider, c’est bien tout ce qui m’anime. « Que tu puisses te reposer l’esprit tranquille. »

Il ne faut que quelques secondes à peine pour que je ne ferme les yeux et que je trouve emporter dans les bras de Morphée. Je passe beaucoup de temps à dormir ces derniers temps, mais avec la maladie j’ai presque l’impression que passer midi, je viens déjà de courir un marathon. Alors quand Shiloh m’offre de me poser cinq minutes, il n’en faut pas plus pour que je déconnecte complètement et que je me trouve à dormir profondément sur son canapé. Ce n’est que deux heures plus tard que j’ouvre à nouveau les yeux, me sentant un peu plus en forme, mais clairement toujours pas au top de ma forme. Je déteste ce sentiment de ne rien pouvoir faire, d’être fatigué à la moindre activité, moi qui ne sais pas tenir en place c’est une véritable frustration journalière. J’ai même dû en arrêter mon boulot pour un arrêt maladie indéterminé quand mon patron à remarquer que quelque chose n’allait pas avec moi. Je me frotte les yeux, baille lourdement avant de sentir la bonne odeur qui s’échappe de la cuisine et d’en deviner que Shiloh s’y est installé. Il ne me faut pas longtemps pour trouver la blonde, debout derrière le comptoir, tablier accroché autour de la taille et cela me fait doucement sourire. Elle sursaute lorsque je prends la parole et je me rends compte que j’aurais peut-être dû faire un peu de bruit pour annoncer ma présence. Je m’excuse de lui avoir fait peur et lui adresse un léger sourire. « C'est rien, j'étais perdue dans mes pensées. » « J’ai l’impression que ca t’arrive souvent de te perdre dans tes pensées. » Je lui fais simplement remarquer sans pour autant penser quoi que ce soit. Pense-t-elle a ce mec ? Lawrence, celui qui a réveillé quelque chose dans ses yeux similaire à de la peur la dernière fois que je l’ai entendu m’en parler ? « Je crois que je me suis un peu emballé. » Je laisse échapper un léger rire. « Tu devrais savoir qu’il n’y a jamais trop de gâteaux quand je suis dans les parages. » Ou du moins, avant. Pas sur que je puisse avaler autant de gâteaux qu’avant sans tout rendre quelques minutes plus tard.

Elle me demande alors comment je me sens et j’hausse les épaules en lui disant que je me sens un peu mieux. Je n’irais toujours pas faire la fête jusqu’à quatre heures du matin, mais au moins je me sens prêt à faire autre chose que de rester assis sur le canapé toute la journée. « Un peu de chocolat ? » J’hoche doucement la tête avant de demander si je peux me servir d’un nouveau verre d’eau. « Oui, oui bien sûr. » J’attrape un verre et fais le tour du comptoir de la cuisine pour aller remplir un grand verre d’eau fraiche que j’avale d’une traite avant de me resservir un deuxième et de venir me rasseoir face à la blonde en la remerciant une fois de plus. Ma sœur serrait fière de moi pour être aussi poli pour une fois. « C’est normal. » Je lui adresse un nouveau sourire alors que mon regard se baisse les lignées de gâteaux qui sont présentes sur le comptoir à côté de mon hôte. « Tu veux goûter ? Je suis pas mauvaise pâtissière, promis. » « Ouais, ouais je veux bien. Je crois qu’un peu de sucre ne me fera pas de mal. » Et avec un peu de chance j’arriverais à le garder dans mon estomac. Je saisis alors le gâteau qu’elle me tend et en prend une bouchée avant de laisser échapper un son de plaisir. « Hmm… T’es définitivement bonne pâtissière. »

« Tu sais où tu pourras rester après ? » La question à mille dollars. Je pourrais repartir chez moi, dans l’appartement que je partage avec ma meilleure amie mais je ne suis pas sur de pouvoir gérer ca et je ne peux pas non plus aller chez moi mère qui va sûrement s’inquiéter. « J’sais pas trop encore. » Je réponds simplement. « Je peux, peut-être arranger quelque chose. Que tu puisses te reposer l’esprit tranquille. » Je ne comprend pas son envie de m’aider, mais je dois avouer que c’est pourtant pas si désagréable que cela. « C’est gentil mais je crois que t’en fais déjà bien assez pour moi tu sais. Je vais me débrouiller. » Je lui adresse un nouveau sourire. « Et puis t’auras surement mieux à faire que de t’occuper de moi, crois moi. Je suis pas la meilleure des compagnies ces derniers temps. » Parce que mon mal-être me rend souvent de mauvaise humeur et vraiment désagréable. « Quoi que si tu continues à faire des pâtisseries comme ca je vais peut-être être obligé de rester. » Je ris légèrement et lui adresse un clin d’œil.

« J’ai l’impression que ça t’arrive souvent de te perdre dans tes pensées. » Si la remarque se veut innocente, elle n’a que pour effet de me faire baisser la tête. J’imagine bien qu’il ne pense pas à mal, la petite remarque est lancer sur un ton neutre, sans d’agression dans le son de la voix. Ce n’est rien qu’un constat comme un autre, une vérité qui reste tout de même dur à entendre. Je n’ai jamais vraiment été tête en l’air, plutôt tout le contraire, mais depuis un certain temps, je préfère me perdre dans mon monde en silence. C’est bien plus simple de prétendre que le monde extérieur n’existe pas, de se perdre dans une existence ou la dureté des autres ne m’atteint pas. Mon mécanisme de défense ne fonctionne pas toujours, mais il a su faire ses preuves, qu’importe ce que Knox pourra bien en trier comme conclusion sur ma personnalité. Dans le fond, je préfère hausser des épaules que de devoir me justifier et surtout détourner l’attention en présentant le résultat de mon activité de l’après-midi. « Tu devrais savoir qu’il n’y a jamais trop de gâteaux quand je suis dans les parages. » J’échappe un rire sans jamais réellement croiser son regard. « Ça devrait aller, alors. »

Il a encore le teint pâle, mais il accepte de croquer dans une des pâtisseries. Comme la meilleure hôtesse que je puisse être, je lui présente le cupcake sur une petite assiette et m’en prends un également que j’accompagne de ma tisane qui a probablement refroidie depuis le temps. Ce n’est pas parfait, mais cela reste malgré tout réconfortant, lui qui semble traverser une épreuve bien trop éprouvante. « Hmm… T’es définitivement bonne pâtissière. » Un sourire se dessine sur mes lèvres alors que je sens le rouge me monter aux joues. « C’est pas grand-chose. » Juste quelques ingrédients savamment mélanger et une cuisson parfaitement chronométré. Lawrence avait pour habitude d’adorer mes gâteaux lui aussi. Arrête de penser à lui ! Désespérer, je lève les yeux au ciel et tente de relancer la conversation autrement. Il faut que je reste occupé, qu’il me distraie. « J’sais pas trop encore. » Il ne sait pas qu’elle sera la prochaine étape pour lui et bizarrement cela m’inquiète, même si je le connais à peine, Megan serait folle si elle me voyait. « C’est gentil, mais je crois que t’en fais déjà bien assez pour moi, tu sais. Je vais me débrouiller. Et puis t’auras sûrement mieux à faire que de t’occuper de moi, crois moi. Je suis pas la meilleure des compagnies ces derniers temps. » Une nouvelle fois, je hausse les épaules. Ce n’est pas comme si ma vie sociale était bien remplie ces derniers temps, bien au contraire. « Je peux quand même te donner un coup de main si tu as besoin. » que je dis doucement, ne cherchant pas à le brusquer. « Tu as mon numéro de toute façon. » Peut-être que c’est mieux, s’il choisit en ses propres termes. « Quoi que si tu continues à faire des pâtisseries comme ca je vais peut-être être obligé de rester. » - « Ah ! Je tiens peut-être quelque chose alors ! » Je plaisante quelque peu, avant de me lever pour aller lui chercher un autre gâteau. « Tu as le droit à un deuxième dans ce cas. »

Le silence retombe un peu alors que je l’observe manger avec un peu plus de douceur. Les cernes sous ses yeux commencent à se creuser et c’est plus fort que moi lorsque je finis par dire : « Fait attention à toi, d’accord ? »

J’ai bien remarqué que la jeune femme semble ailleurs lorsque je débarque dans la cuisine, et je lui fais d’ailleurs doucement remarquer. Ce n’est pas un reproche, pas quelque chose de méchant, simplement une constatation qui me vaut simplement un léger haussement d’épaule de sa part. Si je peux être un parfait connard, avec la blonde il y a pourtant quelque chose qui fait que je n’ai pas envie de l’être. Je ne sais pas pourquoi, mais il y a quelque chose dans son regard, dans son visage qui me donne plus envie de la protéger, ou de discuter calmement avec elle plutôt que de lui montrer le visage que je montre habituellement aux gens. Je me pose alors sur le tabouret du bar de la cuisine face à elle, lui faisant remarquer qu’il n’y a jamais trop de gourmandise quand je suis dans les parages. « Ça devrait aller, alors. » Effectivement vu la dose de cuisine qu’elle vient de faire, je doute que l’on manque de petits gâteaux à manger.

Je lui adresse un sourire avant de croquer dans une pâtisserie. Même si je ne suis pas encore au meilleur de ma forme et que je me sens encore un peu nauséeux, je ne peux résister à l’envie de manger ce qui sent si bon. Je laisse échapper un léger grognement de plaisir. Oui, elle se débrouille définitivement bien en pâtisserie et ce petit gout dans le cupcake me rappel ceux que ma mère faisait toujours lorsque j’étais gamin. « C’est pas grand-chose. » Je lui adresse un léger sourire. « Peut-être, mais c’est vraiment très apprécié et très bon pour mon moral et mon ventre à cet instant. » Peut-être que cela ne sera pas le cas dans quelques minutes, lorsque je commencerais à digérer, mais j’apprécie le goût sucré qui emplit ma bouche. Je finis mon cupcake alors que la blonde en face de moi me demande ou je vais rester et, la vérité, c’est que je n’en sais strictement rien. Je pourrais retourner à mon appart, mais je n’ai pas envie de me prendre la tête avec Mia et je n’ai pas non plus envie d’aller en famille car je sais qu’il ne faudra pas longtemps pour que ma mère ou ma sœur se rende compte que quelque chose ne va pas. « Je peux quand même te donner un coup de main si tu as besoin. Tu as mon numéro de toute façon. » J’hoche la tête. « Je retiens, mais je vais essayer de me débrouiller. Je vais aller crasher chez des potes sûrement. » Je lui réponds simplement, prenant une gorgée de ma boisson avant de tenter un peu d’humour en lui disant que si elle continue à cuisiner comme cela je vais cependant devoir rester. « Ah ! Je tiens peut-être quelque chose alors ! » Je laisse échapper un petit rire alors que la blonde finit par me tendre un deuxième cupcake. « Tu as le droit à un deuxième dans ce cas. » « C’est gentil, mais je crois que pour le moment, je vais voir si mon estomac garde déjà le premier. » Je refuse poliment.

Je discute encore un peu avec la blonde, une conversation simple, agréable, qui ne tourne pas autour de ma maladie et cela fait du bien. Au bout d’un moment, me sentant un peu mieux, je décide cependant qu’il est tant que je parte et que je laisse Shiloh tranquille. « Fait attention à toi, d’accord ? » Une lueur d’inquiétude passe sur son visage et j’hoche doucement la tête. « Promis. » Je lui fais un petit clin d’oeil. « A une prochaine peut être. » Je lui dis avant de quitter son appartement.

- FIN -