Je suis allé la chercher chez elle. On a rempli ma voiture de toutes ses affaires et je lui ai dit au revoir. Pas adieu parce qu’on se reverra. Le bracelet dans ma paume me le confirme. Je m’y accroche avec force devant cet aéroport que je n’arrive pas à quitter. Je n’ai pas envie qu’elle parte ni elle ni sa famille qui est un peu devenue la mienne. Pourtant il n’y a pas eu d’autres solutions, ma faible tentative d’humour en voulant la séquestrer n’aura été que ça : de l’humour.  Elle me manque Jill, elle a à peine disparu de mon champ de vision que je ressens son absence comme une déchirure. Je n’ai pas eu le courage de lui avouer les sentiments que je ressens. Ca m’a semblé trop tard. Elle s’en va après tout ? Pourquoi tout gâcher maintenant ? Pourtant je ne cesse de penser à ce que j’aurais pu faire et à ce que j’aurais pu dire et mon cœur se serre à l’océan de possibilités. Mais cela n’aurait rien changé. Elle serait quand même montée dans cet avion et moi je me serais retrouvé là. Sur ce parking, à ressasser mes souvenirs et à fumer ma cigarette.  

L’aéroport ne cesse d’être en mouvement, les gens y entrant et en sortant et moi je semble bloqué sur place, prisonnier de ce moment comme si j’attendais une suite. Mais il n’y aura pas de suite, elle est partie et je dois reprendre ma vie, retourner chez moi, aller à une soirée, continuer comme si ne rien n’était. Je sors mon téléphone comme pour déjà lui envoyer un SMS mais cela me semble de trop.  Je me dis que j’irais les voir à Londres, qu’ils ne m’oublieront pas, que je le verrais bien assez tôt et je me rends compte à quel point les Mcgrath ont pris leur importance dans ma vie, leur départ laissant un vide que je ne sais pas comment combler.

@Jill Mcgrath-Fitzgerald

Elle n'est pas partie. Elle est restée à Brisbane et elle a laissé tout le monde derrière elle. Elle s’est enfuie, et, heureusement pour elle, Pete n'était pas encore parti de l'aéroport. Elle l'a retrouvé, prête à partir le plus loin possible de cet avion et du reste de la famille. Jill serait prête à ne plus voir personne pour rester dans cette ville, pour rester avec les gens qu'elle aime. Elle ne devrait pas être obligé de partir, et, comme à son habitude, elle a réussi à faire ce qu'elle voulait. Et elle n’a pensé qu’à elle encore une fois. Elle est perdue, mais un peu plus heureuse que quelques minutes auparavant. Ses parents auraient dû savoir qu’elle finirait pas ne pas les écouter, comme elle l’a toujours fait au fond.

Le trajet a été mouvementé et ils ont fini par se retrouver dans le garage de Pete. Ils n’ont pas eu d’autre choix que de sa cacher pour être sûrs qu’ils n’étaient pas suivis. Elle ne dit rien pendant de longues minutes, elle tourne autour de la voiture et pose son dos contre un mur de la piece froide. "Je suis pas partie." Ca ne veut rien dire. Rien du tout. Ils n'auront pas de longues conversations, pas d'explications, pas tout de suite du moins. Elle capte son regard, attendant de savoir ce qu'il pense de tout ça. "Combien de messages de Matt déjà ?" Jill a éteint son téléphone et l'a jeté vers l'aéroport, elle ne veut plus aucun contact avec son ancienne famille. Personne ne pourra les retrouver. Elle ne veut plus jamais monter dans un avion, et elle deteste l'Angleterre. Elle ne lâche pas le regard du jeune homme. "On va pas pouvoir rester là" ils vont les chercher partout dans la ville, et elle ne veut pas qu'ils puissent l’obliger à partir une nouvelle fois.

Je fumais ma troisième cigarette devant l’aéroport, incapable de remonter dans la voiture, incapable de partir, de rentrer chez moi, de me dire que mes meilleurs amis étaient partis, que j’étais seul. C’était là pourtant que je l’avais vue arriver, Jill en train de courir, comme si sa vie en dépendait. Sa vie peut être pas, mais leur futur à Brisbane si. Je n’avais pas pu m’empêcher de la regarder éberlué incapable de réellement comprendre la scène qui se déroulait devant mes yeux. Venait-elle de quitter l’avion, de fuir Londres, ses parents, Matt ? C’était l’instinct qui avait suivi.  J’avais démarré la voiture, elle avec et on est partis.  Il n’avait pas fallu cinq minutes pour que mon téléphone se mette à sonner. Cinq minutes pour que Matt me laisse des dizaines de message pour savoir si j’étais toujours à l’aéroport, si je l’avait vue, si Jill m’avait dit où elle allait.  Cinq minutes et j’étais déjà en train de mentir à mon meilleur ami par omission, incapable de lui révéler où se trouvait sa sœur quand elle compte sur moi pour sa fuite.


A présent on est dans mon garage et il n’y a plus qu’elle et moi de nouveau dans cette pièce.  Le silence revient et soudain je ne sais pas quoi dire. Elle n’est pas partie. « T’es pas partie. » J’acquiesce, je répète ses mots, mon regard dans le sien, un léger sourire sur le visage et un cœur qui bat à la chamade parce que c’était tout ce que je voulais.  Mon téléphone sonne encore une fois et je grimace à sa question. « Au moins trente. Tes parents ont essayé de m’appeler. Tout le monde te cherche. » Mais elle le sait. Elle sait aussi que je ne dirais rien, parce que j’ai menti avec le plus grand calme du monde au téléphone sur la route dans un silence pesant dans la voiture en précisant que j’étais déjà loin et que je n’avais aucune d’idée d’où elles étaient. « Non, c’est le premier endroit où ils vont venir. »  Parce que j’étais l’option la plus évidente quand on cherchait l’un de leur plus proche ami toujours prêt à faire des conneries.« Pourquoi ? » Je lui demande doucement.  Pourquoi elle a quitté l’avion, pourquoi elle a changé d’avis, pourquoi elle est là avec moi ? Et surtout pourquoi mon coeur tambourine dans ma poitrine quand je pose mon regard sur elle ? Mais ça elle n’y répondra probablement pas.

@Jill Mcgrath-Fitzgerald

« T’es pas partie. » Elle ne sait pas quoi dire, et elle ne bouge pas de son coin du garage. Elle capte le regard de Pete, a encore du mal à réaliser qu'elle n'est vraiment pas partie. Elle est restée dans la ville qu'elle aime, elle s’est sauvée et elle a retrouvé son meilleur ami. Elle est enfin bien la jeune femme, elle respire un peu mieux depuis qu'elle a decide de fuir sa famille. Ils mettent du temps avant de s'adresser un mot, et c'est Jill qui commence. Comme si aucun des deux n'arrivait vraiment à réaliser ce qu'il était en train de se passer. « Au moins trente. Tes parents ont essayé de m’appeler. Tout le monde te cherche. » "Tu leur as répondu ?" Il devrait. Au moins une fois de plus. Matt va se douter de quelque chose, et Jill commence à paniquer. Elle ne veut pas qu'ils la retrouve, elle veut vivre sa vie comme elle l'entend. "Matt va te détester" et elle se demande au fond, pourquoi il continue de la couvrir et trahir son meilleur ami. Elle devrait se poser des questions et lui en poser aussi. Mais pas maintenant, ils n'ont pas le temps pour ca. « Non, c’est le premier endroit où ils vont venir. » Ils sont d’accord sur ce point, ils ne peuvent pas rester là.

« Pourquoi ? » Jill grimace, elle fronce ses sourcils et elle pince les levres. Ils ne peuvent pas rester là longtemps, c'est bien trop risqué. Elle ne sait pas répondre à son pourquoi, elle ne sait pas. Alors, comme a son habitude, elle utilise le second degré, l'humour, ce qui caractérise le mieux cette relation qui les uni. "J'ai perdu mon bracelet" c'est lui qui l'a, et elle n'a aucune envie de le récupérer. Mais c'était ça l'excuse pour qu'elle revienne. "Pourquoi t'es pas parti ?" Ca faisait de longues minutes que Jill était partie pour grimper dans l'avion, et, pourtant, il était toujours devant l'aéroport. Il trouvera une réponse qui minimisera ce qu'il ressent, il le fait toujours.

J’ai l’impression que le monde va à cent à l’heure autour de nous et que nous ne bougeons pas, que ce garage est une bulle, bulle nous protégera du reste. « J’ai dit que tu m’avais dit que vous étiez planquées à Fortitude Valley, pas loin de ce bar où on va tout le temps. J’ai dit que j’étais en train d’aller voir. Que je te ramènerais si t’étais là-bas. » Un sourire s’esquisse sur mon visage. Tout le monde était inquiet et moi j’avais menti dans le plus grand des calmes, plutôt doué en vérité, peut-être parce que j’avais toujours été égoïste et que l’important finalement était que Jill soit là, avec moi. Elle a raison. Matt va me détester. Pourtant je ne peux pas m’empêcher de jouer au con, de laisser un sourire narquois étirer mes lèvres. « Mais noooon, il va voir mon air d’ange et il va se dire que jamais je n’aurais pu faire ça. » Je cherche à la rassurer, à dédramatiser la situation mais on sait tous les deux que c’est faux. Que lorsque Matt allait réaliser qu’on était déjà loin il ne douterait probablement pas un instant que j’étais avec sa soeur.. Parce que s’il avait bien un pote assez con pour faire ce genre de connerie c’était moi. Je culpabilisais bien sûr, je détestais l’idée de lui mentir, de le mener en bateau comme le fait de l’avoir laissé derrière moi. Mais je me répétais que je n’avais pas eu le choix, que j’avais vu le visage des deux sœurs qui sortaient en courant de l’aéroport et que j’avais agi d’instinct.

Jill ne répond pas évidemment. Ca me fait sourire, bien qu’un peu tristement. Parce qu’il y avait sans doute une raison pourquoi on était tous les deux dans ce garage. Pourquoi elle n’était pas partie, pourquoi j’étais là avec elle. Mais aucun de nous deux n’allait en parler de cette raison.  Alors mon regard pétille de malice et je fais l’idiot. « Mince, en plus je l’aime bien ce bracelet. Je ne vois vraiment pas où il peut être, je crois que je l’ai perdu, va falloir que tu restes, qu’on le cherche. Ca risque de prendre du temps tout ça. » Tant pis pour l’avion. Tant pis pour Londres.  J’ai vite droit au retour de bâton, sa question me prenant de court.  Moi aussi je peux jouer au même jeu qu’elle, à vrai dire on avait toujours été aussi doué l’un que l’autre pour éviter ces conversations trop sérieuses. « J’regardais le bâtiment et j’étais en train de me dire, putain qu’est ce qu’il est moche, il aurait mieux faire de m’embaucher pour le faire construire. J’allais aller en toucher un mot au directeur quand vous avez débarqués. Timing parfait ! » Je ris. Je cache le fait que je n’ai pas réussi à partir, que mon cœur était trop déchiré, que l’idée de monter dans ma voiture sans un regard en arrière m’avait donné envie de vomir.  Je m’adosse au mur à côté d’elle. Je sors mon paquet de cigarette et je le lui tends. « C’est quoi le plan Jill ? »

"Je savais pas que les anges avaient une tête de con" elle hausse les epaules avant de pouffer de rire. « J’ai dit que tu m’avais dit que tu étais planquée à Fortitude Valley, pas loin de ce bar où on va tout le temps. J’ai dit que j’étais en train d’aller voir. Que je te ramènerais si t’étais là-bas. » Elle essaie d'oublier son frere, Matt qui est indispensable a sa vie en temps normal. Elle ne veut pas penser a lui et à cette trahison. « Mais noooon, il va voir mon air d’ange et il va se dire que jamais je n’aurais pu faire ça. » Elle n'arrive toujours pas à réaliser qu'il ait pu faire un truc pareil. Mais Pete l'aide à penser à autre chose. À se retrouver dans une bulle de tranquillité pendant de longues minutes. Elle oublie qu'ils préparent une fugue. Elle ne fait que plonger son regard dans celui de Pete en attendant qu'il parle et qu'il lui reponde. Au fond, elle espérait qu'il soit sérieux pendant un quart de seconde et qu'il parle vraiment. Mais c'est trop leur demander aux jeunes gens. Ils sont indépendants et cons, et ils auront des années pour regretter de ne pas avoir profité plus tôt.

Elle secoue la tete et le regarde se rapprocher du mur. Son regard ne quitte pas le sien et son sourire s'agrandit toujours un peu plus alors qu'il continue de lui parler.« Mince, en plus je l’aime bien ce bracelet. Je ne vois vraiment pas où il peut être, je crois que je l’ai perdu, va falloir que tu restes, qu’on le cherche. Ca risque de prendre du temps tout ça. » "Je pense que je vais devoir aller chercher dans d'autres villes au cas où un de mes admirateur me l'ait volé ait décidé de voyager avec pour pas m'oublier." Elle pince les lèvres et attrape une clope qui dépasse du paquet qu'il lui tend. Elle n'a plus d'affaires Jill. Aucun vêtement ni papier d'identité. Elle part à l'aveugle, et pourtant, elle ne s'inquiète pas pour l'instant. Elle attend qu'il reponde et bien evidemment il est aussi bon qu'elle pour eviter les sujets compliqués. « J’regardais le bâtiment et j’étais en train de me dire, putain qu’est ce qu’il est moche, il aurait mieux faire de m’embaucher pour le faire construire. J’allais aller en toucher un mot au directeur quand vous avez débarqués. Timing parfait ! » "Ils ont dû prendre exemple sur tes croquis pour le faire. Il paraît que t'es pas bien doué." Elle fait la moue en se tournant vers lui. Elle pique puisqu'il ne répond pas, c'est tout ce qu'elle trouve à faire pour ne pas relancer de questions. Pas tout de suite. « C’est quoi le plan Jill ? » "J'en ai aucune idée." Elle n'a aucun plan, son plan de base, c'était de partir avec toute sa famille. "T'as des idées ?" Elle lui demande sérieusement, peut-être que lui a reflechit à tout ça. "Je veux juste me barrer loin, le plus longtemps possible." Et elle en a une nouvelle de question, une qu'elle n'a même pas vraiment besoin de poser. "Tu viens ?"

Elle rit Jill et c’est tout ce qui m’importe, qu’elle pense à autre chose, qu’elle n’ait plus cet air inquiet sur le visage. On continue de se sourire comme deux gamins idiots, sans parler des choses sérieuses. De pourquoi elle n’est pas partie et pourquoi je suis resté devant cet aéroport. Je me dis que je pourrais lui dire tout ce que je n’ai pas eu le temps de lui dire avant qu’elle ne parte. Mais je n’ai pas le courage, je ne sais pas prononcer les mots. Une part de moi n’arrive pas à totalement réaliser qu’elle n’ait pas dans l’avion, qu’elle n’est pas en direction de Londres mais à côté de moi à fumer la cigarette que je viens de lui allumer.  On parle de tout et de rien et comme toujours, on fuit elle et moi.

Je prends un air offusqué. « Pas bien doué ? Non mais, aucun respect, je viens te sauver à l’aéroport tel un prince sur son destrier et toi tu oses insulter mon talent incroyable ? » Je pouffe de rire, celui-ci me venant facilement peut-être parce que la situation est trop tendue, qu’on est perdu, qu’on a sûrement fait une connerie mais que cela n’a pas vraiment d’importance. Parce que l’avion est parti à présent et que Jill est toujours là avec moi. Elle ne sait pas ce qu’elle va faire.  Moi non plus à vrai dire.

« J’ai toujours des idées. Mais je dis pas qu’elles sont toutes bonnes. » Un air de défi, des centaines de plans possibles.  Mon téléphone qui retentit encore, je le mets en silencieux, je tire sur ma cigarette, j’ignore les messages. Est-ce que je viens ? Elle connait déjà la réponse j’en suis sûre. Pourtant je redeviens un peu plus sérieux malgré mon air de petit con toujours ancré que les traits de de mon visage.  Je lui donne un coup d’épaule en plongeant mon regard dans le sien à ma droite. « Jill, si ta question est ce que tu veux fuir la vie avec moi, tu peux être sûre que je dirais toujours oui. »  Maintenant, probablement même dans dix ans à vrai dire. Il y avait des gens qui arrivent à laisser leur marque sous la peau. Jill était un tatouage indélébile que j’aurais été incapable d’effacer. Je le savais sans doute déjà depuis un moment. Ma main libre est venue chercher la sienne. Lier doucement mes doigts aux siens. « Ca va aller. » Je tire sur ma clope sans la regarder, mon autre main toujours dans la sienne. On n’a pas l’air idiot tous les deux. Deux gamins incapables de se parler et pourtant capable de se dire tout et n’importe quoi. « On pourrait prendre ma voiture. Et partir ; Prendre la route. Pas de destination. On peut acheter des affaires en chemin. » Moi non plus je n’ai aucune affaire. Mais cela semble peu essentiel aujourd’hui, comme si la seule chose qui importait à mes yeux finalement était qu’on soit ensemble.

Elle laisse son dos contre le mur, et, comme elle pouvait l’attendre, c’est lui qui finit par se rapprocher d’elle. Ils ne restent que très rarement éloignés l’un de l’autre, et cette fois elle ne lui fait pas remarquer qu’elle est indispensable à sa vie. Elle le laisse faire, attrape une cigarette et le laisse l’allumer en continuant de le regarder. “J’aurais pu trouver un autre chauffeur.” C’est ça le jeu non ? Faire croire à l’autre qu’il est remplaçable même si elle a été incapable de partir de sa ville natale et qu’il aurait pu rester des heures devant cet aéroport bondé.

“C’est quoi celle qui est en train de tourner dans ta tête là ?” Elle veut se changer les idées, penser à tout sauf au fait qu’à partir de maintenant ils ne gèrent plus rien. Ils ne sait pas où ils vont, ni combien de temps ils vont réussir à duper l'entièreté de la famille McGrath. Mais elle sait qu’elle veut partir Jill, ils vont s’enfuir, et elle lui demande quand même s’il compte la suivre. Elle connaissait déjà la réponse, mais elle a voulu s’assurer qu’elle pourrait compter sur lui pour être une constante de cette aventure. “Merci.” De la suivre alors que le commun des mortels aurait eu bien trop peur de Matt et des parents McGrath pour rester aussi proche d’elle et l’aider à partir le plus loin possible de cette ville. Ils avanceront tant qu’ils le pourront.

Ses doigts s’enlacent à ceux de Jill et elle ne fait que resserrer l’étreinte un peu plus en fumant sa cigarette bien trop vite. Il vient, ils n’ont pas de plan. Elle sait que c’est soit ils bougent à deux soit ils restent là quelques jours ou quelques heures avant que quelqu’un ne les retrouve. Elle soupire et se tourne de nouveau vers Pete. “Je crois que c’est le mieux à faire.” Elle hoche la tête et écrase sa cigarette sous sa chaussure avant de regarder un peu autour d’elle. “On a qu’à vivre nu ça fait plus nature !” Elle hoche la tête, faussement sérieuse. “J’ai rien sur moi. Même pas mes papiers.” Et ça, ce n’est pas quelque chose qu’ils peuvent acheter sur le chemin.

 Elle aurait pu trouver un autre chauffeur, sans doute. Ca me fait sourire. J’aurais pu croire avoir une place de la plus haute importance auprès de Jilll. Je savais qu’elle tenait à moi, que j’avais ma place malgré tout, mais je ne me faisais pas d’illusions, elle était libre, à vrai dire tout comme je l’étais. « T’aurais pu. » Mais ça n’aurait pas été pareil on le sait tous les deux. Parce que malgré tout je pense qu’on était tous les deux conscients du lien qui nous unissait à défaut d’en avoir défini la nature.  

Des idées il y en a des milliers qui tournent dans ma tête. Parmi les plus folles, moi qui lui propose de rester avec moi, dans mon appartement comme si c’était une possibilité envisageable. Tous les plans que j’envisageais en vérité finissaient mal, se terminaient toujours par son départ pour Londres. Alors je me contente de rire. « Changer d’identité, partir au Bahamas c’était pas mal non ? Sinon je peux te proposer un petit voyage dans l’espace on vole une fusée ça me paraissait un bon plan aussi. » Encore des conneries, toujours des conneries. Il n’y a finalement que ma main dans la sienne qui est bien réelle, qui montre la réalité de mes sentiments pour elle, que je serais toujours là.   Je la regarde écraser sa cigarette, elle a fumé bien plus vite que moi, il faut dire que je suis trop occupé à parler pour calmer la panique liée à l’absence totale de plans.

Mon regard moqueur parcoure son corps de haut en bas, toujours un peu séducteur malgré la situation. « Si on vit nu comme des vers on va pas aller bien loin, je vais être trop occupé à vouloir te sauter dessus, ça va être une trop grosse distraction. » Elle n’a pas de papiers, moi j’ai ceux dans mon portefeuille. Je termine enfin ma cigarette et je plante mon regard de nouveau dans le sien, me rapprochant un peu plus d’elle, comme si je cherchais à nous rassurer tous les deux. « C’est pas grave. On va trouver une solution. On va faire ce que tu as envie de faire. » Soudain je fronce les sourcils doucement, envisageant malgré tout une autre option. Je serre sa main dans la mienne. « Tu le regrettes pas ? De pas être partie ? »

Elle aurait pu trouver quelqu’un d’autre pour la conduire. Un inconnu, qui l'aurait emmené loin et elle aurait eu moins de chances qu’on les retrouve. Et pourtant, elle est toujours à Brisbane, sa main dans celle de Pete en attendant que le temps passe, se demandant s’ils vont finir par les retrouver ou si elle va pouvoir vivre sa vie comme elle l’entend. Elle la connait la réponse la McGrath, et pourtant, elle garde espoir cette fois. Elle se tait, parce qu’elle n’aurait pas voulu que ce soit quelqu’un d’autre qui la conduise jusqu’ici et qui l’accompagne pour cette aventure improvisée.

Il tente de détendre l’atmosphère, et elle doit avouer que ça marche un peu. A peine. Mais ça lui arrache un sourire et un rire de temps en temps. Elle finit sa cigarette en un temps record et elle le regarde. “T’as moyen d’avoir une fusée sous la main dans les heures qui viennent ?” Même si elle partait sur la lune, elle est sûre que ses parents finiraient par les retrouver. Elle serre les dents, ne pouvant pas s’empêcher de penser à ses parents et Matt qui sont sûrement en train de fouiller à travers toute la ville pour la retrouver. Ezra devrait recevoir de la visite, c’est pourquoi personne d’autre que Pete n’aura des nouvelles de la jeune femme. Elle pouffe de rire et le regarde à son tour de haut en bas. “T’es intenable.” Et elle finit par lever les yeux au ciel. “T’es pas capable de me résister.” Et ça ça sonne comme un défi. Elle se tourne vers lui pour le regarder en attendant qu’il termine sa cigarette sans lâcher sa main.

Mais elle finit par penser à ses papiers, et Pete peut être là pour les sujets sérieux aussi de temps à autre. Elle le regarde et serre sa main en retour. Elle le regarde vraiment cette fois, il pense vraiment qu’elle pourrait regretter d’être restée ? “C’est si j’étais partie que j’aurais regretté.” Et là, elle a tenté le tout pour le tout. Quitte à ne plus jamais voir son grand frère, elle a tenté sa chance.

 Évidemment que je suis incapable de lui résister. Je pense que ce point est assez clair depuis longtemps. Pourtant j’ai toujours fait au mieux, bataillant avec moi-même pour ne pas céder aussi souvent que je l’aurais voulu. Ca j’avais réussi. J’étais resté un défi car je n’avais jamais craqué trop facilement, tentant toujours de respecter ma loyauté pour Matt malgré le nombre de fois où on avait fini dans le même lit malgré tout.  Alors que pourtant j’aurais pu passer des heures à l’embrasser. A vrai dire, même là, sobre, je n’avais qu’une envie l’embrasser. J’avais beau prétendre que c’était les efforts de l’alcool, que j’avais craqué à chaque fois parce que j’étais ivre, ce n’était pas le cas, je le savais.  Pourtant je gronde malgré tout, le regard assombri par le désir alors mes lèvres s’étirent moqueusement. « Me lance pas des défis comme ça, tu vas regretter après. » Ce n’est pas le moment. Pourtant mon regard s’attarde sur ses lèvres et je lance, comme un défi à mon tour. « Toi non plus t’es pas capable de me résister. » Après tout elle revenait toujours non ?  Je n’étais pas le seul à être au moins un petit peu accrocs. Une part de moi pourtant était persuadée qu’elle ne faisait ça que pour emmerder son frère. Mais je n’allais pas m’en plaindre.

On parle trop vite de choses sérieuses. Jill ne regrette pas et c’est tout ce qui importe finalement. Parce qu’en réalité elle n’aurait eu à dire qu’un mot pour que je la conduire à l’aéroport de nouveau. Cela m’aurait sans doute brisé le cœur, mais cela n’avait pas d’importance. Mes yeux ne quittent pas les siens. Il y a tant de choses que j’aimerais lui dire, tant de sentiments qui débordent et que j’aimerais exprimer. Je me contente de lui dire doucement. « Tu veux savoir pourquoi je suis pas parti de l’aéroport ? Je crois qu’une part de moi espérait que tu ne partes pas, que tu changes d’avis. Parce qu’il n’y a que toi pour faire un truc aussi dingue que ça. » Je lui souris doucement, tendrement cette fois. Évidemment que j’avais espéré, j’aurais sans doute continué jusqu’à ce que je vois l’avion s’envoler dans le ciel. Parce que je n’avais pas eu envie qu’elle s’en aille. Matt aurait trop cherché à montrer l’exemple devant ses parents, Ginny était trop perdue pour prendre ce genre de décisions, il n’y avait qu’elle, la rebelle de la famille, ma rebelle préférée, mon partenaire de crime favori en vérité pour prendre ce genre de décision sans un regard en arrière.

Un défi, et il sait qu’il ne devrait pas utiliser ce genre de mots face à la jeune femme. Elle hausse un sourcil, il craquera avant elle, c’est toujours lui qui a fini par craquer le premier. Elle le connait trop bien, elle sait sur quoi jouer pour l’avoir de nouveau uniquement pour elle. “Je vais regretter ?” Parce qu’elle l’a vraiment lancé le défi finalement. Elle se penche vers lui et son regard est joueur. C’est une petite parenthèse dans cette journée de folie, dans les jours compliqués qui les attendent. “Tu paris ?” Elle ne sait pas quoi, mais ils trouveront bien. Si tout se passe bien, ils devraient avoir quelques jours de tranquillité pour jouer à tout ce qu’ils voudront pour s’occuper et ne pas penser à Matt ni au McGrath.

Ils reviennent vite aux choses sérieuses. Les cigarettes sont finies et du bruit se fait entendre à l’étage. Auden et Ginny ont peut-être eu la même idée qu’eux. C’est le plus censé de se dire qu’ils doivent partir pour s’éloigner le plus possible de ce foutu aéroport. Elle ne bouge pas, garde sa main dans celle de Pete et leurs regards ne se lâchent pas pendant de très longues minutes. Ils ne parlent plus beaucoup, il n’y a pas besoin de mots pendant ce genre de moments. Jill ne veut pas écouter, elle ne veut pas voir l’évidence, pas là. C’est son meilleur ami, et, quoi qu’il arrive, ça sera toujours comme ça. Elle penche légèrement la tête sur le côté, elle ne regrette pas d’être partie, elle est heureuse de l’avoir retrouvé mais ça elle ne le dit pas. Elle sourit à son aveu. “Donc finalement c’était pas le bâtiment qui était sublime.” C’était elle la plus belle de cet aéroport certainement. Elle le taquine, mais sa main libre glisse sur la joue du jeune homme. “Tu vas regretter d’avoir trahi Matt ?” Il l’a déjà fait quelques fois, mais c’était innocent jusque là. Aujourd’hui, c’est autre chose.

Je ne suis qu’un idiot à lancer des défis que je vais perdre, parce que si j’ai toujours été doué pour gagner elle l’est tout autant que moi et elle a un net avantage sur moi. Elle a mon cœur entre ses doigts et je ne sais pas si elle le sait, sûrement un peu, parce que son regard est joueur, parce qu’elle me connait trop bien. Du moins j’en suis persuadé. Pourtant toujours comme un idiot je ne peux m’empêcher de répondre « J’paris. » Jeux de gamins, parce que c’est ce qu’on est. Mon regard ne la lâche pas en réponse à son air de défi. Je vais déjà le regretter pourtant comme toujours je me laisse entraîner comme une habitude bien trop ancrée en moi. Elle est bien trop belle Jill, elle a un caractère bien trop similaire au mien mais parfois je me dis qu’elle est en réalité bien plus cruelle. Parce qu’elle sait qu’elle gagnera et pourtant à chaque fois elle me pousse à la bataille et je m’y lance persuadé d’avoir une chance face à ce regard sombre plein d’une folie qui fait écho à la mienne.

Je lève les yeux au ciel, m’empêchant de constater que non effectivement ce n’était pas le bâtiment qui était sublime. C’est sa main qui se pose sur ma joue qui pourtant m’empêche de répliquer une phrase pleine de sarcasme. Mon regard bleu se pose dans le sien si sombre avant de se fermer comme si je réfléchissais un instant à sa question ma respiration plus lente. Je pourrais rire de nouveau, trouver une énième parade, parler du fait que Matt me pardonnera toujours. Mais je n’en suis pas si sûr cette fois. Alors je choisis l’honnête, chose rare chez moi et le sérieux, chose encore plus rare. « Sûrement. » Un souffle, un aveu et ma main se pose sur la sienne sur ma joue. « Mais je ne regretterais pas de partir avec toi. Ni d’être resté à l’aéroport un peu trop longtemps. » Non ça je ne pourrais pas le regretter, parce que ça voulait dire qu’elle était avec moi et pas dans les airs en direction de Londres à des milliers de kilomètres. Soudain l’air est plus lourd et mon regard s’attarde sur ses lèvres. Je pourrais l’embrasser, après tout c’était ce qu’on était en train de faire pendant de longues minutes avant qu’elle ne parte. Pourtant j’ai le sentiment que si je l’embrasse maintenant, cela voudra dire autre chose, cela voudra dire plus. Alors comme à mon habitude je fuis, mon regard se détournant, mon sourire revenant.