Elle m’a enfin donné son adresse et je vois ça comme une nouvelle victoire. Ca veut dire qu’enfin elle me fait assez de nouveau confiance. Il n’y a plus qu’à espérer que cette fois je ne débarque plus alcoolisé dans son appartement en pleine nuit à lui reprocher des choses que je ne devrais même pas me mettre de dire.

J’arrive devant chez elle, plus nerveux que d’habitude. Les fêtes sont passées, elles ont marqué une nouvelle trêve, des nouvelles retrouvailles parce qu’elle est venue le passer dans ma famille, comme une amie cette fois. Et si on a passé la soirée à devoir rappeler à tout le monde que non on est plus ensemble et non ça n’arrivera plus, je sais au fond que c’est pour le mieux.  Je n’ai pas pensé à lui ramener un cadeau. Je fronce les sourcils terminant ma cigarette. Mais en même temps pourquoi je lui ramènerais un cadeau, elle ne vient pas d’emménager, c’est pas une crémaillère, je passe juste chez elle à l’improviste pour lui faire la surprise.  Est-ce que j’aurais dû lui dire ? Peut-être que j’ai plus le droit de passer par surprise ? Peut-être que c’est une connerie ?  Toutes ces questions me donnent une envie furieuse d’un verre qui serait le premier de la journée, pas de la nuit par contre ayant encore bu une bonne partie de celle-ci jusqu’au petit matin. Comme toujours le lendemain, j’ai un bourdonnement dans le fond de mon crane qui ne finira par partir que lorsque je prendrai mon premier verre de la journée. Mais ce n’est pas le moment alors cela devra attendre.

Je sonne à la porte de Molly et c’est au moment où la sonnerie retentit que je réalise soudain que je n’ai jamais rencontré son colocataire et évidemment lorsque la porte s’ouvre ce n’est pas une petite brune adorable qui m’ouvre la porte mais un grand brun et mon grand sourire se ternit un peu. « Ah euh…bonjour. »  Je lui tends la main d’un air un peu plus avenant. « Pete enchanté. Molly est là ? » j’enchaîne directement, observant sous toutes ses coutures l’homme que je découvre en face de moi. C’est qu’il n’est pas trop mal en plus. Suffisait pas qu’elle habite avec son mari, maintenant elle s’est trouvé un nouveau type avec qui partager son appart et clairement je n’aime pas ça.

@Kieran Halstead

(FORTITUDE VALLEY, LOGEMENTS). Sa résolution de la nouvelle année tient en un mot : insociable. L’an dernier lui a démontré à de nombreuses reprises qu’il n’était pas bon de sortir de chez lui et de tenter de se mêler aux autres ; la fin d’année, plus particulièrement, a été un véritable calvaire à supporter. Il n’aime pas les fêtes, Kieran et il espérait les passer de son côté, sans se soucier des autres et en espérant secrètement que la période où l’on vante l’amour familial serait vite derrière lui. Pourtant, il n’a jamais été autant éprouvé qu’en ce début d’année, marqué par ce Nouvel-An avec Eve autant qu’au retour d’anciens fantômes dans sa vie. Il est déstabilisé, trop ; et il se félicite tous les jours d’avoir trouvé une nouvelle colocataire aussi rapidement : il se connaît suffisamment pour savoir à quel point il est dangereux qu’il se retrouve seul sur la durée. Alors, bien sûr, cette bonne résolution ne s’applique pas entre les murs de cet appartement. Molly est la seule personne qu’il veut bien voir en ce début d’année, autant par choix dû à ce partage de domicile que le simple fait qu’elle ait la bienveillance de ne pas lui demander les raisons pour lesquelles il peut passer des jours à s’enfermer dans sa chambre ou pourquoi il se veut muet au quotidien, même lorsqu’ils partagent un repas. Il y a beaucoup trop de choses qui se bousculent dans sa tête et, en songeant aux circonstances de sa rencontre avec la brune, il sait pertinemment qu’elle peut comprendre ce qu’il se passe. Qu’il n’a pas besoin d’ouvrir la bouche pour que la peine de cœur se lise sur son visage et qu’elle ne demande pas plus d’explications, autant qu’elle lui montre qu’elle est là s’il le souhaite. Molly agit comme un pansement et si les premières semaines entre eux ont été maladroites (et qu’elles le sont encore, en réalité) ils commencent à trouver leur équilibre. Ils n’ont jamais partagé leurs histoires, mais ils savent qu’elles sont similaires : raison pour laquelle ce soutien semble naturel. Au détour d’une conversation, il a admis qu’il était perdu quant à Eve alors, que de son côté, c’est vis-à-vis de son ex qu’elle est perdue. À cet instant, le pacte était signé de manière symbolique, suggérant qu’ils seraient là l’un pour l’autre quoi qu’il advienne et qu’à défaut de se raisonner quant à leurs mauvais choix sentimentaux, ils pourraient au moins s’écouter s’en plaindre.

La sonnette résonne et il se surprend à sursauter, Kieran, alors qu’il n’attendait pas de visite à cette heure-ci. À vrai dire, la seule personne qu’il attend, c’est Molly, qui doit bientôt rentrer du travail. Il a mis les petits plats dans les grands, ayant tenté de rendre l’appartement moins impersonnel en achetant quelques fleurs, bougies et autres éléments de décorations pour lesquels il n’a pas encore trouvé d’emplacements. Ce n’est pas grand-chose, mais elle a fait des efforts pour que cet appartement soit plus vivant, alors il a décidé d’en faire à son tour même s’il ne sait pas très bien s’y prendre, c’est une certitude. Il a juste vu dans les magazines de déco que les bougies et les fleurs semblent être la solution miracle pour rendre un logement plus agréable, alors ça doit forcément fonctionner, c’est une règle universelle. Quoi qu’il en soit, c’est bien vers la porte qu’il se dirige, regardant par le judas dans un premier temps, ne reconnaissant pas cette silhouette. La curiosité l’emporte alors qu’il daigne ouvrir, et qu’il répond par un « bonjour » mal assuré. La main est tendue, Kieran est toujours sceptique, raison pour laquelle il lui faut quelques longues secondes pour réagir (c’est pas grave, il a l’habitude de passer pour un idiot au temps de réaction bien trop long). Il se saisit de la main du dénommé Peter, qu’il serre sans grande conviction avant de lui rendre sa liberté (sérieusement, qui serre encore la main des autres en 2021 ?). « Oh, euh, Kieran. » Bien, mais encore ? « Non, mais elle ne devrait pas trop tarder, hm, Pete... » Et là, le déclic se fait : Pete. Peter. L’ex. OH. « C’est important ? Je veux dire, tu veux l’attendre ? » Sa réserve l’aurait interdit de verbaliser pareille proposition en temps normal (bien que sa gentillesse l’aurait sûrement contrée), mais à cet instant, il ne pense qu’à Molly et à cette demande qu’elle lui a faite. Il veut assurer sa part du contrat quant au fait de tenter de le rendre jaloux ou, à défaut, de le convaincre de la laisser tranquille. Il ne reste plus qu’un léger détail à régler : savoir comment rendre jaloux autrui ou comment s’assurer qu’il reste à distance, justement.

@"Peter Mulligan"

Qui cet homme ? Il me parait trop grand, trop mince, trop étrange, trop peu assuré. Trop de trop. Je le regarde de haut en bas, la tête remplie de questions qui ne trouvent pas de réponses. Qui est-il ? Comment connait-il Molly ? Quelles sont ses intentions ? Comment se sont-ils rencontrés ?  J’essaye tant bien que mal de les faire disparaître, de me rappeler pourquoi je suis ici. Pour voir Molly.

Molly qui ne me doit plus rien, qui peut sortir avec qui elle veut. Je n’aurais jamais le droit de dire quoique ce soit, nous ne sommes plus un couple, j’ai laissé passer ma chance.  Je lui serre un peu trop fort la main bien malgré moi, écrasant ses doigts entre les miens, gardant pourtant le sourire, mon égo masculin reprenant le dessus, la jalousie s’infiltrant bien malgré moi.  « Oh, euh, Kieran. »Est-ce que Kieran fait partie de ce genre de personnes qui hésitent même lorsqu’ils prononcent leur prénom ? J’hausse les sourcils, attendant la suite, la réponse à ma question, celle qui m’intéresse. Où se trouve la jolie brune que je suis venu voir. « Non, mais elle ne devrait pas trop tarder, hm, Pete... » Quand il prononce mon prénom cette fois je remarque l’éclat de reconnaissance dans ses yeux comme s’il avait fait le lien manquant, ça y est il sait qui je suis. Ca veut dire que Molly lui a parlé de moi. J’imagine que ça n’a pas dû être en bien. Je ne peux m’empêcher de laisser une légère grimace étirer mes lèvres. « C’est important ? Je veux dire, tu veux l’attendre ? » Là, j’hésite. Est-ce que je veux vraiment rester dans cet appartement que je n’ai jamais vu avec un type que je ne connais pas pour attendre mon ex-copine qui ne sera probablement pas la plus heureuse en réalité de me voir sur le pas de sa porte ? Est-ce que c’est important ? Non. Pourtant je plante mon regard dans celui de Kieran. « Je veux bien l’attendre. » J’ai parlé trop vite, sans avoir réfléchi. Je suis curieux, je veux en savoir plus sur leur relation à tous les deux. J’envisage le pire. « Tu me laisses entrer ? Ca te dérange pas ? » Mon sourire est moqueur, un brin carnassier, comme si en réalité il n’avait pas vraiment le choix vu que je suis apparemment en train de m’imposer.

Je me force à calmer ce flot de question, à apaiser les traits de mon visage. Je ne connais même pas cette personne que j’essaie déjà de m’imposer.  « Du coup euh…vous vous êtes rencontrés comment Molly et toi ? »  Je me demande s’il va me proposer un café en passant l’appart. Je regarde autour de moi, attentif au moindre détail. « Sympa l’appart. » je murmure un peu distrait.

@Kieran Halstead

Il a l’impression d’être un bout de viande devant un animal affamé ou, à défaut, une valise pleine d’échantillons liquides de cosmétiques qui passe la sécurité à un aéroport ; la métaphore est peu importante, mais le résultat est le même : le regard que ce type passe sur lui le fait basculer dans l’inconfort, lui qui n’avait pas grand-chose à se reprocher en ouvrant cette porte et qui se sent désormais mal à l’aise. Il lui faut quelques instants (et une hésitation au moment de se présenter, ne faisant qu’accentuer son ridicule) pour percuter que ce Pete n’est pas n’importe quel Pete. C’est le Pete de Molly, celui dont elle lui a parlé sans pour autant entrer dans les détails. Cet ex qu’elle semble fuir et qui l’oblige à devenir un alibi pour la jeune femme. Il ignore tout de la relation qui a pu unir sa colocataire et ce type, il ne veut pas réellement le savoir, mais les grandes lignes dessinées par Molly suffisent pour qu’il comprenne que s’il doit prendre parti dans tout ceci, sa loyauté va évidemment à sa colocataire. Il ne dirait pas qu’il ne le sent pas, ce Pete, il ne dirait toutefois pas l’inverse ; mais la concilliance dont il fait preuve en toutes circonstances l’empêche d’avoir un avis bien arrêté sur le jeune homme, autant que celle-ci l’empêche de prendre une décision à la place de Molly. Un coup d’œil à l’heure lui indique qu’elle ne devrait effectivement pas tarder et ce n’est pas à lui de décider qui peut lui rendre visite ou non, quand bien même il a une mauvaise impression sur cet inconnu. Son instinct lui a trop souvent fait défaut pour qu’il l’écoute, peut-être est-ce là une autre explication quant au fait qu’il finit par l’inviter, même si cela implique que son malaise s’accentue, lui qui n’est jamais le dernier à être nerveux face à un inconnu. Il faut croire qu’il n’apprend jamais des précédentes leçons et qu’il aime se rendre ridicule, puisque l’on peut aisément parier que c’est ce qui risque d’arriver lorsque le silence se fera trop oppressant et qu’il tentera (avec sa maladresse habituelle) de relancer une conversation qui ne devrait pas l’être.

La concrétisation de son rôle de bout de viande intervient lorsque ce Pete semble convaincu qu’il doit lui couper la circulation sanguine et malgré l’impression d’y laisser un ou deux doigts, Kieran se contente de sourire poliment alors que sa peau s’est rougie sous la force de l’individu. « Non, t’inquiète, j’aurais pas proposé si c’était le cas. » Si, en réalité Kieran l’aurait proposé même s’il était outré par cette apparition, mais le confort des autres prime toujours sur son propre confort ; si Pete veut voir Molly, alors Kieran supportera cette intrusion. « Oh, euh, à... » Un groupe de paroles pour dénoncer le comportement respectif de nos exs. Il se mord la lèvre ; ce n’est pas la meilleure entrée en matière. « C’est une longue histoire. » Une longue histoire sur laquelle ils doivent accorder leurs versions pour que cette question soit aisément répondue, ce qui n’est pas le cas à cet instant. « On était sur un projet bénévole de soins, tous les deux. » Il finit par répondre, considérant qu’il s’agit de la vérité (seulement un poil embellie). Le projet est bénévole puisqu’ils ne sont pas payés pour se rendre à ces groupes de parole et c’est bien eux qu’ils essaient de soigner, alors il n’est pas si loin des faits. « Et vous deux ? » Technique de small talk connue, mais néanmoins approuvée : toujours retourner la question. « Oh, je dois remercier Molly pour ça, c’est elle qui a tout embelli. » En amenant quelques affaires et son bordel, il faut le dire, mais cela permet de rendre l’appartement bien moins impersonnel que lorsqu’il y vivait seul. « Je te sers quelque chose à boire ? » Il finit par demander, la tête plongée dans le frigo pour éviter d’avoir à croiser le regard de Pete.

@Peter Mulligan

J’écrase ses doigts entre les miens, laissant un peu trop ressortir un côté jaloux qui cherche à marquer une supériorité inexistence. Cette poigne de main dirait presque, souviens toi de qui je suis, parce que je ne bouge pas. Mais mon rôle dans la vie de Molly ne devrait plus avoir d’importance, je ne suis plus que cet ex qui l’a mal traitée pendant des années. Je ne devrais même pas être là dans cet appartement. Je devrais au fond, même pas essayer d’être ami avec elle quand tout me semble encore bien trop compliqué et bien trop ambigu et que je n’arrive pas vraiment à passer à autre chose, le maigre espoir qu’elle me reprenne un jour et qu’elle pardonne tous mes torts un peu trop présent.

« Non, t’inquiète, j’aurais pas proposé si c’était le cas. »   Ce Kieran a un sourire poli sur le visage et je me dis qu’il est tout à fait le genre de personne qui aurait proposé dans tous les cas, qui aurait fait passer les envies des autres au-dessus des siennes.  L’opposé de ce que j’étais et ne serait sans doute jamais.

Je lui demande où ils se sont rencontrés, toujours intrigué du pourquoi et du comment ces deux-là ont décidé de faire une collocation. Cela ne va sans dire, j’aurais préféré qu’après avoir quitté l’appartement d’Ivywreath, elle se décide à habiter seul. Ou avec une fille à la limite. Même Hannah Whitemore qui me déteste aurait été une meilleure option que ce type.   « Oh, euh, à... »  Il hésite ne répond pas directement et je fronce les sourcils.   «  C’est une longue histoire. »  Ça me dit rien de bon qui vaille.   « On était sur un projet bénévole de soins, tous les deux. » Un projet bénévole de soins ? Mes sourcils deviennent une seule et même ligne. « C’est-à-dire ? » Je demande d’un ton un peu trop détaché, parce que je ne comprends pas où il veut en venir, qu’est ce que ce projet de soins.  

  « Et vous deux ? »  Mon regard océan se pose sur ce Kieran, y reste arrêté un instant. Cela veut dire je suppose, que Molly n’est peut-être rentré dans le détail sur leur relation. «  A une fête à la fac il y a longtemps. Elle venait d’arriver à Brisbane. » J’hausse les épaules, toujours un peu impressionné que notre relation et non relation aient duré aussi longtemps à vrai dire.

Entré dans l’appartement, je regarde autour de moi, commentant la décoration.   « Oh, je dois remercier Molly pour ça, c’est elle qui a tout embelli. »  Mes mains se plongent dans mes poches. Ca ne devrait pas me déranger autant. Elle et moi ne sommes plus ensemble, elle peut bien faire ce qu’elle veut de sa vie. « Ah…cool. »  Je tente un sourire qui ne mettra personne à l’aise.

« Je te sers quelque chose à boire ? »   Un verre de vodka ?   « Euh je veux bien un café si t’as s’il te plait. »  Je le suis dans l’appartement. « Du coup c’était quoi, t’avais besoin de quelqu’un pour t’aider à payer le loyer ou quoi ? » Tout sera toujours mieux que de m’imaginer que c’était tout ce qu’elle voulait ou pire qu’il se passe quelque chose entre eux.



@Kieran Halstead

Beaucoup de choses se bousculent dans l’esprit de Kieran à cet instant ; la première de toute étant de constater que ce type semble porter ses couilles dans ses mains en vue de la manière dont il lui écrase les doigts. Probablement qu’il n’échappera pas à l’amputation si ce dernier ne daigne pas cesser très vite cette démonstration de virilité ; et Kieran peut se permettre de juger puisqu’il ne l’exprime pas. Bien sûr que non, jamais, puisque c’est bien un sourire qui s’affiche sur ses lèvres, façon d’affirmer qu’après tout, qui a besoin de conserver ses doigts ? Pas lui, assurément, alors qu’il en fait le deuil à mesure que les secondes défilent. Pour autant, lorsque ce Peter lui laisse enfin sa liberté, le dessinateur ne peut s’empêcher de respirer à nouveau – bien que son malaise soit toujours perceptible quand il comprend que le Pete qui se présente devant lui et celui dont lui a brièvement parlé Molly à quelques reprises. Loin de s’être épanchée sur le sujet, cela n’empêche pas Kieran de se faire une idée de l’individu devant lui ; et elle ne lui est pas favorable. Et pourtant. Le voilà qui l’invite à entrer, bien que cette petite voix dans sa tête ne cesse de lui dire que ce n’est pas une bonne idée. Il aurait simplement pu lui demander de repasser plus tard ; mais sa politesse l’en empêche autant que le fait de prendre la décision pour Molly. Après tout, malgré ce qu’elle a pu dire, peut-être a-t-elle envie de voir ce fameux Pete, ce n’est pas à lui de l’inviter à partir même si cela résulte d’une attente gênante entre les deux hommes en attendant que la vétérinaire soit libérée de son travail. Et pour une fois, si Kieran doit rejeter la faute sur quelqu’un, elle serait adressée à ce Pete : nous sommes en 2021, qui débarque encore chez des gens sans prévenir au préalable de sa visite ?

Il aurait été préférable que Pete fasse cet effort, sans quoi Kieran se serait abstenu d’être mal à l’aise au moment d’évoquer sa rencontre avec Molly. Il a bien conscience de ne pas pouvoir dire la vérité ; cela mettrait la brune dans une situation inconfortable et il s’en voudrait énormément de la confronter à cela. Et si Kieran pensait s’en sortir avec son mensonge, c’est sans compter sur l’interrogatoire que semble prêt à lui faire passer Pete, comme un père qui aurait besoin de connaître les intentions d’un inconnu envers sa fille. « C’est-à-dire qu’on s’est retrouvé dans le même groupe de bénévoles qui viennent en aide à des gens qui en ont besoin au niveau de leur santé mentale. Une sorte de soutien, quoi. » Il hausse les épaules, d’un air à son tour détaché, il pourrait ajouter quelques détails sans importance qui permettent de donner du crédit à un mensonge ; mais il ne le fera pas. Il ne veut pas obliger Molly à se retrouver dans cette situation, raison pour laquelle il reste au plus près de la vérité alors qu’il aurait pu évoquer une rencontre hasardeuse au détour d’un taxi ou encore des intérêts communs qui leur auraient permis de sympathiser. « Enfin, tu connais Molly. Je t’apprends rien, tu sais qu’elle est bénévole. » Il glisse avec un léger sourire qui se veut chaleureux. Il a peut-être menti, peut-être qu’il va inclure quelques blabla d’usage pour parfaire le tout, finalement.

Parce que la bienséance veut qu’il retourne les questions, Kieran ne tarde pas à s’exécuter, néanmoins curieux de connaître les raisons de leur rapprochement : à première vue, Pete et Molly n’ont rien en commun. « Ah oui, ça fait... longtemps. » Il vient de le dire, merci Kieran. Mais le regard perçant du type qui le détaille le met mal à l’aise, raison pour laquelle il s’empresse de trouver un sujet sur lequel rebondir et il lui semble tout trouvé : « Et elle était comment, plus jeune ? » Du small talk tout ce qu’il a de plus ordinaire, mais qui, il l’espère, saura faire dériver le regard du type sur la fenêtre ou sur toute autre chose dès lors qu’il se replongera avec nostalgie dans le passé. Le dessinateur est aussitôt soulagé quand le visiteur s’intéresse à l’appartement, qui a gagné en chaleur depuis que Molly a emménagé. Il faut dire qu’avant son arrivée, c’était Fiona, sa meilleure amie et précédente colocataire, qui s’était chargée d’en faire un cocoon. Ce n’est pas Kieran et ses maigres possessions qui peuvent faire quelque chose pour rendre agréable cet endroit, heureusement qu’il a su s’entourer d’amies qui parviennent à donner vie à l’endroit. Il répond au sourire de Pete avec un du même acabit, gêné, alors qu’il s’empresse encore une fois d’enchaîner sur un autre sujet – le silence est synonyme de gêne et Kieran l’est déjà bien assez. « Oui, bien sûr. » Il le remercie silencieusement de ce choix qui lui permet de lui tourner le dos quelques instants autant qu’il se maudit de ne pas savoir faire du café à la cafetière qui lui ferait gagner quelques minutes supplémentaires. Non, il sait simplement mettre une capsule dans une machine et en à peine une minute, Pete est servi. « Tu veux du lait ou du sucre ? » Ou un quelconque aliment allergène que je pourrai ajouter et qui justifierait un détour par l’hôpital pour qu’on s’arrête là ? « Euh, oui, en fait. » Il répond par la suite à sa question tandis qu’il ouvre le réfrigérateur, fait mine d’y chercher quelque chose, n’en ressort qu’avec la bouteille de coca bien en évidence depuis le début dans la portière. Mais ce sont toujours quelques secondes de gagnées qui n’ont pas de prix. Il manque de souligner qu’il s’agit généralement du but d’une colocation, mais il n’a aucune envie de s’épancher sur ses dettes. « Et j’aime pas vivre seul. » Il ajoute toutefois, s’imaginant que cela peut potentiellement être un sujet sur lequel Pete peut rebondir. Mais pour ça, il faut qu’il maîtrise un peu plus le blabla inutile et il y met toute son énergie, Kieran. « Il faudrait peut-être que j’essaie, tiens. » Oui, sûrement. Et sûrement que Pete s’en fiche, mais qu’il se prépare : il va entendre beaucoup de choses dont il se fiche. « Je crois que j’ai jamais vécu plus d’un mois seul et là, ça allait faire deux mois depuis le départ de ma précédente coloc. T’imagines un peu le truc, ah ah. » Un rire nerveux glisse sur ses lèvres. « C’était un truc à devenir cinglé, heureusement que Molly cherchait un nouvel appartement au même moment, elle m’a sauvé la vie, ah ah ah. » Il accentue un peu son rire, toujours aussi gêné. « Et hum, voilà, quoi. C’est sûr que partager le loyer c’est un argument non négligeable, j’aime bien cet appartement et j’avais pas envie de le quitter. » C’est plus le fait d’y être habitué que de réellement être triste à l’idée de le quitter qui est recevable, mais là aussi, Pete n’a pas à le savoir. « En plus, de nos jours, c’est galère à trouver un nouvel appart’. Rien que d’imaginer, pfiou, non, en fait, je préfère pas. » Il devrait se taire, il n’y arrive pas, Pete ne semblait pas aussi bavard que lui et c’est fortement dérangeant pour un Kieran qui ne supporte pas le silence ; alors c’est à lui que revient la tâche de le meubler. « Enfin. T’as l’air d’être ici depuis longtemps, tu dois connaître le truc. » Allez, parle, maintenant, Pete et peut-être que... plus de cinq minutes passeront, alors que le regard de Kieran se pose sur l’horloge qui ne semble pas avoir bougé d’une aiguille alors qu’une décennie a passé. Presque.

@Peter Mulligan

Il m’agace à sourire, à être aussi poli et à être aussi gêné. Ni lui ni moi ne savons véritablement sur quel pied danser ici.   « C’est-à-dire qu’on s’est retrouvé dans le même groupe de bénévoles qui viennent en aide à des gens qui en ont besoin au niveau de leur santé mentale. Une sorte de soutien, quoi. »  Je le regarde d’un air dubitatif.  Molly ne m’a jamais parlé de ce groupe de soutien.  J’ai également le sentiment qu’il ne me raconte pas la vérité mais peut-être est-ce une paranoïa mal placée, créée par une jalousie bien présente.  Jalousie que je n’aimerais ne pas ressentir, mais il est un inconnu qui habite avec mon ex petite amie. Un inconnu dont je n’ai jamais entendu parler, qui n’est pas un ami de longue date dont j’aurais pu croire les intentions tout à fait fraternelles ou amicales. Je ne le connais pas et je ne lui fais pas confiance.   «  Enfin, tu connais Molly. Je t’apprends rien, tu sais qu’elle est bénévole. »    Je plante mon regard dans le sien, mon sourire sonnant tout sauf sincère. « Oui je sais. » Non je ne sais pas, je me rends compte que je connais de moins en moins de détails de sa vie. « Vous y allez souvent à ce groupe ? Ca a l’air intéressant ? » Je ne suis absolument pas intéressé, j’ai peu d’intérêt pour ce groupe en question mais je souhaite avoir plus de détails, essayant de joindre les pièces du puzzle de leur relation.

Il me retourne la question, s’intéressant à depuis combien de temps Molly et moi nous connaissons. Change pas de sujet Kieran. On parle de toi non ?  Mais je ne dit rien, restant poli.   « Ah oui, ça fait... longtemps. Et elle était comment, plus jeune ? »  Mon regard dérive sur la décoration, observant la couleur du mur, l’agencement des meubles, la lumière qui éclaire la pièce. « Gentille. Adorable. Un peu plus naïve. » J’hausse les épaules, malgré un petit sourire bien plus sincère qui étire mes lèvres.  La Molly que j’avais séduite à sa première soirée avait le cœur sur la main et des rêves plein aux yeux. Elle était innocente, pas encore abimée par notre relation.  

Il me propose quelque chose à boire et je regrette déjà de ne pas être parti, acceptant un café alors qu’il met une capsule dans la machine. Une quarantaine de secondes s’écoulent, déjà bien trop longues à mon goût.    « Tu veux du lait ou du sucre ? »  « Non merci ça ira. » Je regrette presque de ne pas avoir dit oui, le temps qu’il ouvre une bouteille de lait ou cherche le sucre on aurait pu gagner de précieuses secondes, mais j’apprécie bien trop le café pour le gâcher avec un de ces deux ingrédients même pour le prix d’un temps qui s’écoulerait plus vite.   « Et j’aime pas vivre seul. »  Je fixe ma tasse de café. Ca c’est quelque chose que je peux comprendre, mais est ce qu’il fallait qu’il se décide à habiter avec Molly ? N’avait-il pas d’autres amis ?


Il se met à me parler de son incapacité à vivre seul, mentionne son ancienne colocataire. Ses phrases sont ponctuées de rire nerveux et je le regarde d’un air faussement intéressé alors qu’au fond je me fiche royalement de tout ce qu’il peut me raconter.  Molly lui a sauvé la vie en voulant partager cet appartement qu’il n’avait pas envie de quitter.  Kieran ne s’arrête plus de parler et je ne cache plus l’agacement dans mon regard et lorsqu’enfin il s’arrête je me rends compte que c’est à moi de m’exprimer sauf que je n’ai absolument aucune envie de lui raconter ma vie.

« Ouais je connais le truc. J’aime pas vivre seul non plus. » Je peux en temps normal être le roi des conversations inutiles, mais aujourd’hui je n’en ai pas le goût, j’ai envie que Molly arrive, j’ai envie de savoir quel est leur lien exact, je veux connaître tous les détails de leur relation et m’assurer qu’il ne se passe rien entre eux.

« J’habite en colloc avec une amie à moi. C’est un peu plus vivant. » Et un peu moins de solitude. J’hausse les épaules buvant une gorgée de café. « Tu fais quoi dans la vie ? J’peux fumer ? » Je demande en sortant mon paquet de cigarette, nerveux, mon regard se fixant de nouveau sur l’horloge. « Tu as dit qu’elle revenait dans combien de temps ? » Les minutes passent bien trop longtemps et je regrette chaque instant de cette conversation qui ne mettrait personne à l’aise.  J’en ai assez de ce small talk qui ne m’apporte aucune réponse concrète. Je me redresse un peu,  serrant ma tasse de café entre mes doigts. « Il se passe un truc entre toi et Molly ? » On ne fera pas plus direct et je plante mon regard océan dans le sien, le ton un peu trop sec pour être détaché.





@Kieran Halstead

Comme souvent lorsqu’il s’agit de dire la vérité, Kieran préfère broder pour s’abstenir de la partager. Et si d’ordinaire il n’est question que de lui, lui offrant ainsi une liberté certaine quant aux mensonges qui peuvent s’échapper d’entre ses lèvres, aujourd’hui ils incluent Molly et, par conséquent, sa marge de manœuvre n’est pas aussi libre qu’elle ne le serait en temps normal. Il est obligé de faire attention au choix de ses mots pour ne pas mettre son amie dans l’embarras – parce qu’il n’a absolument pas l’assurance de parvenir à intercepter ce Peter avant Molly pour lui faire un résumé de leur conversation (qui sera en réalité très vite résumée puisqu’elle consiste majoritairement en Kieran qui parle tout seul pour ne pas être perturbé par ce silence qu’il déteste). L’autre type le regarde d’un air dubitatif qui ne surprend même pas Kieran, y étant habitué et qui le pousse ainsi à poursuivre dans un enchaînement de petits détails qui visent à rendre crédible sa grande histoire, finissant par ponctuer le tout d’un fait : Peter est supposé connaître Molly, par conséquent, rien de tout ceci ne devrait l’étonner. Il sait et il enchaîne sur une question qui, cette fois-ci, rend Kieran dubitatif. Est-ce qu’il est sérieux ? « Régulièrement, oui, et... » Il se retient à la dernière seconde quand sa réflexion manque de chaleur et pourrait s’apparenter à une agression – ce n’est pas ce qu’il souhaite, alors il affiche, dans un premier temps, un maigre sourire, tandis qu’il adoucit volontairement sa voix pour poursuivre : « C’est pas le mot que j’emploierais pour qualifier les difficultés des autres. » Nos traumatismes serait plus appropriés, mais puisqu’il n’a pas l’intention de dévoiler à Peter ce pan de vie de Molly – et le sien, par extension – il en restera à cette simple remarque qu’il veut le plus bienveillante possible, au point de ponctuer le tout d’un léger rire nerveux, même s’il s’avère quelque peu touché par la maladresse verbale de Peter qui, à vrai dire, ne lui semble pas réellement intentionnelle.

Mais comme souvent, il s’évite un quelconque jugement hâtif, même si l’attitude de ce type ne lui inspire aucune confiance – c’est le comble, quand il est en réalité capable de l’accorder à quiconque les yeux fermé. Il pose trop de questions, il a une attitude trop fermée, que des éléments que Kieran ne sait interpréter comme il se doit. D’ordinaire, il tente de se calquer sur l’attitude des autres pour trouver la sienne ; à cet instant il ne sait pas comment réagir quand Peter ne lui donne aucun indice quant au comportement à adopter. « Gentille. Adorable. Un peu plus naïve. » Il pince les lèvres en tentant de sourire, un peu surpris du dernier terme employé comme un trophée ; oh, Kieran, encore une fois il ne faut pas faire d’interprétation hâtive, si cela se trouve ce type est agréable et le discours de Molly est biaisé par la relation conflictuelle et intense qu’ils ont pu partager. Mais Molly est son amie, Molly le comprend mieux que personne sur ce sujet-là et par extension, son avis sur Peter est en réalité déjà scellé depuis longtemps. Il n’en montre rien alors qu’il fait preuve d’une hospitalité qu’il n’est pas sûr que ce dernier mérite. Pete se plonge dans le silence et Kieran tente de meubler celui comme il peut, en enchaînant les détails sans importance quant aux raisons qui l’ont amené à trouver une colocataire en la personne de Molly. Lui-même n’est guère intéressé par son récit, alors il imagine sans peine que le type face à lui n’en a rien à faire ; et il commence un peu à le cerner quand il ne l’interrompt pas malgré son désintérêt évident. Il pue le cynisme ce gars, mais il y a une volonté de ne pas aller au conflit inutilement – ce sont des éléments qui peuvent lui servir. Des tendances passives-agressives évidentes et c’est bien le problème ; on ne sait jamais sur quel pied danser avec ces personnes-là. Sa réponse est concise, son air toujours aussi peu aimable, le malaise ne cesse de s’installer. Il prend note, Kieran, éviter de parler pour ne rien dire (plus que d’ordinaire, s’entend), privilégier les réponses courtes et s’éviter d’être trop expressif, voilà la clé pour ne pas agacer Peter.

Il sourit très légèrement en guise de réponse quand Peter en dit un peu plus, le remerciant silencieusement de poursuivre la conversation. « Je suis dessinateur et oui tu peux. » Il obtempère à ses propres recommandations ; être concis, alors que son regard suit le paquet de cigarettes. En réalité, il n’a aucune envie que ce type fume à l’intérieur, mais il vaut mieux ne pas l’énerver, s’assurer d’être (à peu près) dans ses bons papiers et il n’est pas certain qu’en l’interdisant d’avoir sa dose de nicotine ce soit en sa faveur. « Bientôt. » Il n’en sait rien. « Et toi, tu... » fais quoi dans la vie ; mais il n’aura pas le temps de terminer sa question que celle de Peter le laisse interdit et il manque de s’étouffer, Kieran. Éviter le conflit, vraiment ? Mauvaise analyse et il doit cogiter pour trouver une nouvelle façon de faire. Son regard fuit celui de Peter, le ton de celui-ci lui colle des frissons dans le dos alors qu’il doit réagir et vite. Il sait que Molly aimerait qu’il servie d’alibi, mais il n’a aucune envie de prendre le risque d’agacer ce type plus que de raison, il semble évident désormais qu’il bascule plus de côté agressif que passif. « On est colocataires. » Sa franchise appelle celle de Kieran, dans un premier temps il s’agit de poser un fait : Molly est sa colocataire, que ça lui plaise ou non. Ensuite, il s’agit de ne pas lui offrir ce qu’il veut, même si pour cet aspect-là, ça n’a rien à voir avec Peter et tout avec Molly et l’accord qu’ils ont passé. « Pourquoi cette question ? » Il ajoute par la suite, en tentant de relever le regard. Enfin, il s’agit de laisser l’autre poursuivre la conversation ; et il retient déjà très bien les nouvelles leçons concernant Peter.

@Peter Mulligan  

  « Régulièrement, oui, et... »   Le ton a perdu en chaleur et je me demande soudainement si l’homme en face de moi va morde cette fois ? S’il va perdre sa politesse pour répliquer avec froideur, j’observe son visage dans l’espoir d’arriver à le cerner.  « C’est pas le mot que j’emploierais pour qualifier les difficultés des autres. » J’hausse un sourcil, non il n’a pas mordu, la voix est restée douce. Je ne me rends pas compte de ma maladresse, tout comme je n’envisage pas qu’il puisse le prendre personnellement tout simplement parce qu’à mes yeux il est un simple bénévole.

« Je suis dessinateur et oui tu peux. » son métier me donne envie de lui poser des questions et tout de suite cela m’agace, car je n’arrive pas à cacher la sincérité plus sincère qui brille dans mon cœur, celle qui me donne envie de me lancer dans un flot de questions cette fois. Tu dessines quoi ? Pour qui et pour quoi ? Montre moi ? Mais je retiens le flux de questions, je ne veux pas de raisons de l’apprécier, pas de raisons d’être plus sympathique, de baisser ma garde. Je m’allume une cigarette à défaut de pouvoir demander plus d’informations, ne voulant pas lui faire croire que je suis intéressé.  « Bientôt. »   Elle devrait arriver et pourtant l’absence de Molly se fait un plus sentir à chaque seconde qui passe. Je regarde ma montre, bientôt est bien trop loin mais aussi bien trop court.  Si je veux poser la question c’est maintenant. Je peux arrêter les faux semblants,  lui demander s’il se passe quelque chose entre eux.  Les mots ont à peine franchi ses lèvres que Kieran manque de s’étouffer. « On est colocataires. »   Mes yeux roulent dans leur orbite. Non sans blague. Ca ne répond pas à ma question, ne veut pas dire oui ni ne veut dire non et le doute devient une certitude. Il se passe quelque chose entre eux, sinon il m’aurait dit qu’il n’y avait rien. « Ca répond pas à ma question. » Je réplique d’un ton qui se veut neutre, qui retient ma colère et ma jalousie, je ne comprends pas ces sentiments et sait pertinemment que je n’ai aucun droit de les ressentir. Molly ne m’appartient pas et ne m’a jamais appartenu, Molly n’est certainement plus ma copine, elle ne me doit rien.  Pourtant l’idée qu’elle soit avec quelqu’un d’autre me fait plus de mal que je ne veux l’admettre.

 « Pourquoi cette question ? » « Pour rien » je réplique avec un sourire qui se veut nonchalant et amusé et qui pourtant a dû mal à rester affiché bien longtemps. « Je vais y aller. Tu lui diras que je suis passé ? »  Ce type ne m’apportera aucune réponse, je n’ai aucune raison de subir ce malaise plus longtemps. Je ne sais pas s’il lui dira réellement, ou non, à vrai dire je ne suis même pas sûr d’en avoir quelque chose à faire.  Je quitte cet appartement précipitamment pour ne pas avoir à supporter une seconde de plus de cette conversation qui ne mènera à rien. Mais je pars avec la certitude que Kieran et Molly ne sont pas que des colocataires.

@Kieran Halstead