happy new year -- @Enoch Adelson       

☽ 31 décembre 2020. Joy avait passé les douze derniers jours à ruminer cette conversation avec Adam. « On va se laisser le temps de réfléchir à tout ça d'accord ? » C'étaient les mots d'Adam le soir du bal de Noël. La jeune femme avait préféré le laisser partir, elle n'avait pas tenté de le rattraper car il avait raison, elle avait besoin de réfléchir. Joy ne souhaitait pas d'enfants, il en avait déjà deux. Joy ne voulait rien qui se rapproche de près ou de loin à l'engagement, il voulait se marier. Joy était possessive et avait une peur incontrôlable de l'abandon, il était si proche de sa meilleure amie qu'il y a seulement quelques semaines en arrière il couchait avec... Cela faisait beaucoup de choses à prendre en compte. La brune en avait discuté avec son meilleur ami, avec sa petite sœur, avec l'homme qu'elle considérait comme un père, avec une amie, elle avait pesé le pour et le contre et pourtant elle se retrouvait là, dans cette petite pièce derrière le comptoir du service pédiatrique. Elle regardait dans le vide l'écran d'ordinateur face à elle, elle était venue ici pour checker des dossiers, et elle avait pourtant l'esprit totalement ailleurs. C'était le soir du nouvel an et il y aurait probablement des urgences, elle devait être au maximum de ses capacités et pourtant son esprit divagué... C'était encore calme, il n'était que 21h et elle tapotait son stylo du bout des doigts...

Plus tôt dans la journée, elle avait croisé Enoch qui lui avait d'ailleurs fait la remarque de sa mauvaise mine. Elle s'était contentée de lever les yeux au ciel, elle était seulement désespérée. Elle avait une idée en tête pour la suite de sa journée, du moins après son service et les douze coups de minuit... Mais elle n'osait pas se lancer, elle ne savait pas si c'était encore le bon choix et alors elle passa sa journée à ruminer, à tourner en rond, cela ne lui ressemblait pas. Joy était toujours concentrée, au contraire elle profitait d'être à l'hôpital pour se vider la tête, pour oublier ses problèmes et s'occuper de ceux qui avaient besoin d'elle. Aujourd'hui, elle n'avait fait que des post-ops, aucune opération n'avait été programmée pour elle, et elle n'était là que pour sa garde jusqu'à une heure. Elle devrait donc passer le nouvel an ici mais elle savait qu'Enoch traînait dans les parages. D'ailleurs quand elle l'avait recroisé en fin d'après midi, elle lui avait dit : « Tu as intérêt d'être là pour les douze coups, je suis assez seule dans ma vie pour l'être aussi pour la nouvelle année. » En plus, on avait offert à la jeune femme des chocolats, et elle comptait bien les manger, ça l'aiderait probablement à réfléchir... Ou pas. L'interne était donc devant cet ordinateur quand elle leva la tête vers la porte ouverte, Enoch venait de faire son apparition. Elle regarda l'heure affichée sur l'ordinateur. « C'est à cette heure-ci que t'arrives ? Tu foutais quoi ? » dit-elle en lui faisant les gros yeux. La brune était devant ses feuilles en papier blanches, elle n'avait rien écrit, elle pensait à cette idée de refaire la scène de Love Actually, Adam lui avait fait le coup pour l'inviter au bal de Noël, et elle avait trouvé cette attention mignonne. Le problème était qu'elle n'était pas romantique ni démonstrative pour un sou, du coup elle peinait à s'y mettre... Elle regardait son ami, toujours avec cet air dépité sur le visagec, en plus la boîte de chocolats était grande ouverte, et il en manquait déjà pas mal... Enoch allait finir par croire qu'elle avait envie de se pendre... Bon, elle n'en était pas encore là mais elle n'avait pas le coeur à la fête, peut-être qu'il réussirait à la faire changer d'avis.

Vacances à Noël rime avec travail pour le réveillon précédent la nouvelle année. On ne peut pas tout avoir dans la vie. Il faut faire des choix et autant dire que dans mon cas, il a été très vite fait. Je voulais passer le soir du 24 en famille, , faire des photos avec des -pas si- moches pull de noël avec mes parents, déguster les crevettes au lait de coco de ma maman (qui sont toujours autant une tuerie en passant) et dévorer le fantastique Pavlova, gâteau meringuée fondant avec des kiwis et des fruits rouges, de mon oncle. Contre toute attente, ce petit séjour ne s’était pas si mal déroulé malgré les quelques morales que l’on m’a fait sur la gestion de ma vie. Je me suis contenté de faire le dos rond et de déguster ce que j'avais dans mon assiette. Les jumeaux ont été aux anges. Aaron a même réussi à faire ses premiers pas, du moins jusqu’à ce que Siobhan s’accroche à lui et le fasse tomber. J’en connais une qui est déjà un tantinet jalouse. J’espère qu’elle ne deviendra pas comme sa mère. Au moins leur tentative de se tenir sur leurs jambes auront permis de bien faire rire le comité familial. Au moins leur premier noël est une réussite et j’ai pu filmer tout filmer avec l’appareil photo/caméra que l’on m’a offert. Vivement que les jumeaux soient ados pour leur montrer les moments glorieux de leur enfance. Je ne vous raterai pas à ce moment. Qui aime bien châtie bien. Bref, une super soirée qui restera dans ma mémoire longtemps j’espère et qui fait du bien après une année aussi chaotique. Apparemment cela se voit que je suis satisfait. Depuis quelques jours on me dit que je souris comme un con. Je n’ai simplement pas de raison de râler de la fin d’année. Hormis les couac Ariane et Léo, tout se déroule bien et j’ai eu la joie de découvrir que j’étais de garde avec Joy. Autant dire que c’était la cerise sur le gâteau de ce mois de décembre. Ma vie est loin d’être parfaite et il y a pleins de trucs que j’aimerai changer mais je pense pouvoir dire que là, en ce moment, je suis heureux.

L’expression pas de répit pour les braves prenait tout son sens aujourd’hui. Déposer les petits monstres, manger en vitesse et commencer le travail à cause d’une recrudescence de gastro, c’était le feu pour éviter de vous ennuyer. Cela en dit long sur la capacité des gens à ne pas se laver la main et à appliquer les gestes d’hygiène les plus basiques. A croire que c’est tout un centre de loisirs qui connaît un problème. Trois quarts de mes petits patients, soit 6 sur 8, ont les signes de cette maladie. Autant dire que ce n’est pas ce qu’il y a de plus réjouissant. Je consacre le temps de ma pause à remplir les documents pour ma dernière année de spécialisation en pédiatrie au St-Vincent Hospital. Je serais libre après en théorie bien qu’il est peu probable que je quitte les lieux avant longtemps. L’après-midi a défilé aussi vite que le matin. J’ai à peine eu le temps de croiser Joy et d’échanger quelques mots avec elle.  “« Tu as intérêt d'être là pour les douze coups, je suis assez seule dans ma vie pour l'être aussi pour la nouvelle année. ».” “Si tu veux je te prête Aaron et Siobhan. C’est un très bon remède contre la solitude. Et t’inquiètes je serais là. Tu es bien la seule capable de me supporter à des heures aussi tardives.” Je la taquine, je sais très bien qu’elle ne souhaite pas être mère et que les enfants en dehors de l'hôpital ce n’est pas vraiment sa priorité ce qui est totalement compréhensible. Il y a un avant et un après parole de connaisseur.

En théorie, ma première partie de service devait se terminer à 20h30 et je devais rejoindre Joy après. Autant dire que lorsqu’une urgence vous tombe sous les bras en tant que médecin vous ne pouvez pas dire revenez demain -même si parfois l’envie est là, on reste humain-. Une vilaine varicelle et une maman paniquée qui a un peu -beaucoup- trop lu doctissimo ou je ne sais quel site peu recommandable. Autant dire que ce n’était pas une grande urgence mais c’était soit géré ce cas, soit se prendre la grappe pour ensuite gérer le cas. Autant dire que l’option un était de très très loin préférable. Une fois débarrassé de ce cas, j’ai de nouveau le champ libre. Après un court détour pour récupérer ma salade composée dans le frigo de l’équipe je pars rejoindre Joy.

“C'est à cette heure-ci que t'arrives ? Tu foutais quoi ?” “Une mère qui a eu son diplôme de médecin sur internet m’a un peu pris le chou en m’expliquant que son fils de quatre ans qui avait la varicelle était atteint d’un cancer de la peau. Et je suis aussi passé chercher ma salade”. Oui passionnante vie. J’observe la salle et je remarque bien vite la boîte de chocolat qui s’est vide. Mon regard croise celui de ma partenaire de travail. “J’en connais une qui a soit passé une mauvaise journée soit qui pense encore à son Adam”. Je ne connais pas cet homme. J’ai dû le voir de loin à quelques reprises et le saluer peut-être une fois et encore je n’en ai pas gardé souvenir si c’est le cas. Cependant je sais qu’il fait palpiter le cœur de Joy et qu’il a semé le doute sur certains sujets pour le meilleur et le pire. Je récupère un fauteuil et je viens m’installer à côté d’elle. Je dépose mon tupperware sur le bord du bureau. "Mademoizelle Joy, en tant que médecin traitant je vous conseille vivement une cure de chocolat et aussi de la calinothérapie”. Sous-Entendu viens là. Je tends mes bras. “Aller, raconte moi tout. Qu’est-ce qui te mine à ce point-là pour faire cette moue ce jour de fête ?” Joy avait été là pour moi lors des pires moments de ma vie. Mes problèmes avec Charlie, le procès intenable pour la garde des enfants, mes coups bas durant ce dernier pour faire passer Charlie pour la plus grande méchante que la terre, si ce n’est l’univers, ait connu. Je ne parlerai même pas de mes soucis familiaux et de ma paternité. Autant dire que si j’avais une dette envers quelqu’un, c’est bien elle et il est hors de question qu’elle tire une tête pareille pour les douze coups de minuit.

happy new year -- @Enoch Adelson       

☽ 31 décembre 2020. Cela faisait déjà des années que Joy travaillait pendant les fêtes. Même lorsqu'elle était avec Aiden, elle travaillait toujours pendant les fêtes. Elle préférait laisser ceux qui avaient des enfants, profiter de leurs proches. De toute manière, elle n'était pas connue pour avoir l'esprit de Noël même si elle adorait le passer avec les enfants malades du service. Au final, elle était très douée avec les enfants aussi longtemps que ce n'était pas les siens. L'interne voyait des familles en baver, et des enfants aussi évidemment, et elle ne voulait pas connaître ce déchirement. Elle en avait déjà assez bavé avec son frère jumeau, déjà enfant, elle en avait passé des Noëls à l'hôpital... Tout était clair pour elle, elle ne voulait pas d'enfants, elle ne voulait pas prendre le risque de ressentir cette douleur, elle en avait déjà eu assez pour toute une vie. Pourtant, cette dernière s'amourachait d'un homme veuf avec deux enfants. C'était quoi encore cette idée ? Enoch, son collègue, avec qui elle avait partagé toutes ses études supérieures, la connaissait si bien qu'il s'était étonné lui-même de la savoir attaché à un homme avec un passé si lourd. Joy avait été la première étonnée à vrai dire, et elle avait mis des semaines avant d'ouvrir les yeux. Pourtant, tout n'était pas gagné. Enoch le connaissait de loin, il était pompier et amenait parfois les patients jusqu'ici quand il s'agissait d'enfants. D'autant plus que l'été dernier, Adam avait découvert le fils jumeau de son fils, suite à une faute professionnel lors de l'accouchement de sa femme, bref une grosse histoire qui avait bien fait parler à l'hôpital. « Si tu veux je te prête Aaron et Siobhan. C’est un très bon remède contre la solitude. Et t’inquiètes je serais là. Tu es bien la seule capable de me supporter à des heures aussi tardives. » C'était ce qu'Enoch lui avait répondu un peu plus tôt dans la journée. Il savait qu'elle n'était pas contre la solitude en général, mais aujourd'hui c'était différent. Elle avait envie de passer les douze coups de minuit avec l'un de ses meilleurs amis. Elle avait ri à sa remarque car elle se doutait bien que vivre avec des jumeaux n'était pas de tout repos, et qu'au final, on ne pouvait jamais se sentir bien seul...

La brune était donc perdue dans ses pensées. Elle se demandait où Enoch se trouvait, il était 21h passée, et le service était encore calme. Elle leva la tête en le voyant apparaître devant elle, enfin. Elle ne put s'empêcher de lui faire une petite remarque, à son habitude, Joy aimait toujours le taquiner, le bousculer un peu. « Une mère qui a eu son diplôme de médecin sur internet m’a un peu pris le chou en m’expliquant que son fils de quatre ans qui avait la varicelle était atteint d’un cancer de la peau. Et je suis aussi passé chercher ma salade. » Joy l'écoutait se plaindre, la clé de leur métier même s'ils ne faisaient pas tout à fait le même, était de se plaindre souvent, c'était libérateur et entre collègues, ils se comprenaient. « Je suis sûre que tu as su faire de diplomatie pour lui dire franchement qu'elle avait admirablement tort. Heureusement pour elle d'ailleurs. » rétorqua-t-elle en s'enfonçant dans son fauteuil. Elle le regardait s'installer, et se disait que parfois certains parents pouvaient vraiment être étonnants... « J’en connais une qui a soit passé une mauvaise journée soit qui pense encore à son Adam. » Elle leva les yeux au ciel, Enoch ne savait pas attendre, il mettait toujours le doigt où ça faisait mal.  « Un peu des deux, je pense. » dit-elle à demi mot, en se rapprochant du bureau, pour regarder ses feuilles encore blanches. Elle n'était pas sûre de franchir le pas ce soir. « Mademoizelle Joy, en tant que médecin traitant je vous conseille vivement une cure de chocolat et aussi de la calinothérapie » Elle leva la tête, un mince sourire vers son mari, comme elle aimait l'appeler. « Tu vois pas que tout est déjà dans les fesses... » dit-elle faisant référence aux chocolats... Elle s'était laissée quelque peu aller cette dernière heure en l'attendant en réalité. « Aller, raconte moi tout. Qu’est-ce qui te mine à ce point-là pour faire cette moue ce jour de fête ? » Enoch et Joy étaient très proches, Joy le considérait comme l'un de ses meilleurs amis, il avait toujours su la soutenir même quand beaucoup de l'hôpital lui avait tourné le dos à cause de cette rupture soudaine avec Aiden, l'un des meilleurs chirurgiens de l'hôpital. Ils avaient grandi ensemble, et elle aussi avait vu Enoch traverser beaucoup d'épreuves... Et pourtant, ils étaient encore là l'un pour l'autre. Elle se mordait l'intérieur de la joue, toujours en train de se miner le moral. « Tu sais très bien que ce n'est jamais pour mois les fêtes de fin d'année ! » commença-t-elle en levant la tête pour le regarder, elle fronçait les sourcils en le regardant manger son plat, il avait eu le temps de se préparer un truc chez lui et de le ramener ici ? Dis-donc, c'était vraiment un jour de fêtes. « La dernière fois que j'ai vu Adam, on a passé un moment plutôt... torride. » dit-elle enfin, cherchant ses mots, ce n'était pas comme si elle était gênée de parler de sexe avec Enoch, après tout ils avaient déjà pu parler de bien plus intimes que ça depuis le temps... « Et il a fini par partir en me disant de réfléchir à ce que je voulais vraiment. » ajouta-t-elle enfin pour être concise, elle n'allait pas tout lui expliquer même si Enoch en savait déjà pas mal, il savait par exemple qu'Adam était veuf et qu'il avait, lui aussi, des jumeaux. L'interne tapotait encore son doigt avec le stylo en fixant, quelque peu dans le vide, son ami. Cela faisait déjà douze jours que cet épisode s'était produit, et elle n'était toujours pas sûre d'elle.

Les fêtes de fin d’années offrent toujours une ambiance un peu particulière à l'hôpital. Je trouve qu’elles humanisent des lieux qui ne sont pas forcément toujours des plus accueillants et permettent de rendre l’atmosphère plus respirable et légère. C’est peut-être idiot et un peu naif, mais j’ai l’impression que cela fait du bien aux patients et malades qu’importe leur âge. Le tout ne dure qu’un petit mois et je pense que cela doit rester de l’exception sinon on y perdrait goût à cause de la force de l’habitude. L’on fait moins attention à certains détails lorsqu’on pense trop bien connaître quelque chose, ce qui est totalement normal. De là en résulte les nombreux tracas domestiques ou encore les accidents de voiture proches du domicile. C’est lorsque l’on se pense justement en terrain conquis que les erreurs se multiplient et ce qui peut-être banal à l'origine peut devenir brutalement un enfer. C’est entre autres pour cette raison que je redouble de méticulosité dans mes approches avec les jeunes malades et que je préfère perdre une demie heure avec une mère un peu chiante que de risquer de commettre une erreur.

J’atteins la salle de garde où Joy m’attend. Elle m'apostrophe pour mon retard pour chercher à me taquiner. “ Je suis sûre que tu as su faire de diplomatie pour lui dire franchement qu'elle avait admirablement tort. Heureusement pour elle d'ailleurs.” “Si jamais besoin de reconversion il y a, la diplomatie semble être la voie royale tout désignée.” Je ris. “Imagine si on en avait vingt par jour des comme ça ? On finirait bien vite en hôpital psy”. Après tout, on dit bien que l'hôpital lambda est un monde de fous alors pourquoi pas. Je remarque bien vite que mon interlocutrice n’a pas l’air dans son assiette, et aussi qu’elle ne m’a pas attendu pour ouvrir la boîte de chocolat mais c’est secondaire. Je ne suis pas vraiment du style à tourner autour du pot et je la questionne directement pour connaître la source de son tracas tout en émettant une hypothèse. “ Un peu des deux, je pense.” J’espère que rien de trop grave n’est arrivé ou qu’elle n’a pas reçu une mauvaise nouvelle ou quelque chose du genre. “ Tu vois pas que tout est déjà dans les fesses...” Je fais mine de prendre un air faussement sévère. “Primo tes fesses sont parfaites et secondo, si tu es pas contente je me sacrifie corps et âme pour manger tous ces chocolats à ta place.” Cela serait idiot de gâcher et surtout si j’arrive avec ma bêtise habituelle à lui faire décrocher quelques éclats de rire, cela serait gagné.

Avec Joy le courant est toujours bien passé et ceci dès le départ ce qui est assez rare pour être notable. On a eu nos lots de désaccord et de disputes mais on a encaissé la plupart des épreuves ensemble. Que cela soit sa relation toxique avec Aiden, la mienne avec Charlie, nos patients les plus difficiles, les quelques situations de crises qu’a connu le St-Vincent mais aussi les fêtes des internes encore étudiants, les célébrations de différents évènements festifs avec le personnel et les patients et les joies de voire des personnes malades sortir guérir. On a toujours été là, l’un pour l’autre dans le meilleur et le pire. Et aussi dans nos conneries lorsqu’on était pas de services.  “ Tu sais très bien que ce n'est jamais pour mois les fêtes de fin d'année !”, jusqu’ici rien de vraiment nouveau alors que son regard croise le mien alors que j’entame mon plat, de la  roquette, de la feta, des noix de cajou et des betteraves. Je ne l'interromps pas. "La dernière fois que j'ai vu Adam, on a passé un moment plutôt... torride." Soit ils sont allés dans le bush australien soit c’est autre chose. Je ne savais pas que tu faisais preuve d’autant de retenu avec moi, mais je me retiens bien de faire une remarque. ” Et il a fini par partir en me disant de réfléchir à ce que je voulais vraiment.” Il ne fallait pas un doctorat pour comprendre que Joy ne savait pas encore ce qu’elle voulait.

“En somme, tu te demandes si tu dois te laisser éperdument tomber dans ses bras.” Je prends quelques instants pour réfléchir à la question. Je n’ai pas de réponse toute faite à lui apporter et ce n’est certainement pas à moi de lui dire oui ou non. Je dépose mon tupperware et récupère un stylo et une feuille imprimée qui traîne dans la poubelle de recyclage du papier. Je sèque la feuille en deux par une ligne bleu très approximativement droite. D’un côté je marque un + et de l’autre un -. “Le plus simple pour commencer va être de peser le pour et le contre. Qu’en dis tu ?” Dans le fond, je ne lui laisse pas vraiment le choix. Elle connaît ma logique cartésienne parfois un peu trop jusqu’au-boutisme. Toutefois cela a l’avantage de mettre en exergue les avantages et les défauts de manière explicites. Je me doute bien qu’elle a dû faire cela plusieurs fois dans sa tête mais une fois de plus ne fera pas de mal. Je prends l’initiative. “ Je cite, des moment torrides” j’insiste sur chaque syllabe du dernier mot en lui faisant les gros yeux, ce qui me fait rire. “Inconvénient : deux boulets de gosses. Avantage : Il a bon fond. Défaut : Il a eu une histoire avec sa meilleure amie récemment”. Je pourrais continuer mais je veux terminer sur un point particulier. “Point positif, tu l’aimes non ? Et je te parle pas d'engagement, de sexe, et de tout le reste. Simplement de tes sentiments.” Je lui sors mon regard le plus enfantin et innocent possible. Car finalement c’était ce point qui importait le plus. C'était naïf certainement de ma part, mais je crois encore que si les sentiments sont sincères et purs au départ, alors cela peut fonctionner.  

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☽ 31 décembre 2020. Joy n'était ni famille ni fêtes de fin d'année. Pourtant, elle adorait les fêtes de Noël à l'hôpital, surtout au service pédiatrique où elle passait le plus clair de son temps. Joy avait beau ne pas vouloir être mère, ce n'était pas pour autant qu'elle n'aimait pas les enfants. Bien au contraire, elle était très douée avec eux et lorsqu'elle avait essayé tous les services lors de son année de spécialité, elle était tombée amoureuse du service pédiatrique. Tout cela lui rappelait son frère et elle avait l'impression qu'il était encore là quelque part, fier d'elle.

La brune voyait son collègue préféré débarquer, enfin. Il n'était pas trop tôt. Elle s'empressait de lui faire la remarque d'ailleurs. « Si jamais besoin de reconversion il y a, la diplomatie semble être la voie royale tout désignée.» Joy sourit à cette remarque, Enoch était connu pour être très patient, ça ne l'étonnait même pas.  « Imagine si on en avait vingt par jour des comme ça ? On finirait bien vite en hôpital psy » Elle leva la tête vers lui. « Imagine si on en avait vingt par jour des comme ça ? On finirait bien vite en hôpital psy » Enoch n'avait pas tort, mais son travail était la seule échappatoire où Joy arrivait à se changer les idées, même si ces derniers jours, elle avait eu dû mal...  « Par pitié, non. On en a déjà assez avec nos vies personnelles, pour se rajouter un fardeau pareil au boulot. » rouspéta-t-elle en soufflant, après tout elle avait raison. La fin d'année avait été difficile pour Joy, et l'année 2020 n'avait pas été non plus très brillante pour Enoch bien qu'il semblait aller mieux maintenant.

Joy s'enfonçait dans son siège en expliquant le fond de sa pensée. Elle s'était gavée de chocolats et n'avait plus faim pour autre chose, à la place elle préférait mordiller le bout de son stylo et jouer avec... Elle lui reparlait d'Adam, à force il allait finir par le connaître mieux qu'elle. « En somme, tu te demandes si tu dois te laisser éperdument tomber dans ses bras. » Joy tourna ta tête, il mangeait son plat comme s'il était au cinéma, écoutant les derniers potins... Elle eut un petit sourire amusé le voyant agir ainsi mais n'en fit pas de remarques, elle était bien trop perturbée par tout ça. Elle haussa simplement les épaules, une moue dubitative sur le visage pour lui faire part de son désarroi. Elle était paumée.  « Le plus simple pour commencer va être de peser le pour et le contre. Qu’en dis tu ?» Joy fit les gros yeux. « Il est hors de qu- » commença-t-elle alors qu'Enoch avait déjà pris une de ses feuilles blanches devant elle pour la séparer en deux d'un trait, elle le fixait d'un air agacé. C'était une solution pragmatique. « Je cite, des moment torrides » La jeune femme ne put s'empêcher de rire, presque gênée face à lui.  « Inconvénient : deux boulets de gosses. Avantage : Il a bon fond. Défaut : Il a eu une histoire avec sa meilleure amie récemment. Elle le regarda prendre notes, et leva la tête vers lui. « Tu peux souligner, surligner et entourer "récemment". » insista-t-elle, l'histoire aurait daté d'il y a cinq ans, l'impact n'aurait pas été la même. Comment être certain que l'un et l'autre sont passés à autre chose ? Joy qui était une vraie insecure girl n'avait vraiment pas besoin de ça...« Point positif, tu l’aimes non ? Et je te parle pas d'engagement, de sexe, et de tout le reste. Simplement de tes sentiments. » Joy trépignait sur place, Enoch lui en demandait beaucoup et pourtant, il avait raison, c'était la réponse la plus important mais Joy ne parlait jamais de ses sentiments. Elle était une femme impassible, et Enoch la poussait dans ses retranchements. « Il est peut-être probable que j'ai des sentiments pour lui, oui. » Voilà tout ce qu'il réussirait à lui faire dire, elle ne pouvait pas en dire plus, c'était trop dur pour elle. Enoch savait pertinemment qu'elle n'était pas friande des démonstrations d'amour pourtant elle était bel et bien en train de réfléchir à refaire cette même scène qu'il lui avait fait quelques jours plus tôt... « Point positif, on peut ajouter qu'il est honnête. » Joy pouvait peut être trouver des défauts mais il était clair qu'Adam était honnête, il avait été sincère avec elle même si la vérité l'avait blessé, et lui avait donné énormément de doutes... « Point négatif, il porte toujours lson alliance. » réfléchit-elle alors, il portait toujours la bague de son mariage, de la femme de sa vie qui était décédée deux années plus tôt... C'était donc difficile de passer après une telle histoire d'amour, elle n'aurait jamais l'impression d'être la femme de sa vie.

“ Par pitié, non. On en a déjà assez avec nos vies personnelles, pour se rajouter un fardeau pareil au boulot.” Elle rouspète amicalement. Elle me fait rire mais elle n’a pas tort d’autant que l’on a tous les deux un schéma similaire pour le travail. C’est un moyen pour l’un comme pour l’autre d’évacuer les mauvaises pensées loin de nous en temps normal. On se donne pleinement dans nos carrières pro sans s’attarder sur les problèmes de nos vies pour nos patients. Et parfois on oublie de se préserver et finalement ce qui était notre abri pour nos tracas pouvait devenir une prison lorsque nos ennuis parvenaient à émerger dans notre conscience ici, au St-Vincent Hospital. Dans ce cas, c’était au plus en forme de nous deux d’aider celui ou celle qui était le plus mal en point. Notre tandem n’est pas forcément des plus efficaces en termes de valeurs de soutien brute mais il permet au moins d’éviter à l’autre de merder pour rien.

Si je prends de nombreuses pincettes avec les patients, je sais que je peux me montrer plus direct avec Joy.  Je lui propose un exercice simple et basique. S’il y a bien une chose que la vie m’a appris ces derniers temps, les méthodes les plus simples résolvent les problèmes les plus complexes. Même si j’applique pas vraiment cette doctrine mais le problème n'est pas là pour le moment. La brune essaye d’objecter mais je lui coupe l’herbe sous le pied rapidement. Je sens bien son regard se poser sur mes épaules et me juger un peu sévèrement, là encore je casse la chose en sortant l’une de ses propres citations. Je l’entend rire à ma connerie, ce qui me fait dire que je peux continuer sur ma lancée. Je poursuis ma liste. “Tu peux souligner, surligner et entourer "récemment". ” ça c’est un gros point négatif. “C’est fait cheffesse.” Je cherche ensuite à la pousser dans un terrain peu appréciable. Ce n’était certainement pas la chose la plus habile à faire mais il y avait un compte à rebours à prendre en compte. “ Il est peut-être probable que j'ai des sentiments pour lui, oui.”. Je sais que je lui en demande beaucoup et surtout soudainement. Sa réponse à demi-mot est surtout un moyen de savoir comment je dois me placer. Être précautionneux et confirmer ses doutes ou au contraire me montrer plus leste et soutenir la chance qu’elle a de passer avec l’homme qu’elle apprécie. A ses dires, je ne pouvais que soutenir l’option deux. Je ne sais pas si ce que je pourrais dire par la suite la fera changer d’avis, mais de ce que je vois elle va probablement regretter un moment de ne pas y être aller.    

“ Point positif, on peut ajouter qu'il est honnête.” Une vertu rarissime dans le monde très superficiel dans lequel nous vivons. De ce que Joy avait pu me dire sur lui, on ne pouvait pas lui reprocher un manque de franchise. Peut-être même avait-il besoin de taire certaines choses mais passons. “ Point négatif, il porte toujours son alliance.” Ce n’est pas glamour certes et c’est totalement compréhensible que cela soit un véritable repoussoir. “ Je ne suis pas psy mais il est peut-être envisageable que son alliance ne soit pas un frein pour lui au contraire.” Je l’observe afin de voir si elle comprend ce que je veux dire et surtout je cherche à clarifier ma pensée. “ Ce que je veux dire, c’est que certains processus de guérison nécessitent le maintien d’un lien avec le passé. Je ne connais pas la tragédie qui a frappé Adam ou même son histoire. Cependant de ce que tu me dis, et je te cite en disant qu’il est honnête, il cherche vraiment à construire quelque chose avec toi. Si c’est le cas, et ça l’est, sa bague doit être un moyen de le rassurer. ” Je ne sais pas vraiment si je suis clair ou si j’en fais trop et je ne veux pas paraître jouer contre elle. “ Cela n’empêche pas tes incompréhensions d’être fondées au contraire. Sinon je me serais inquiété...” Je ne peux m’empêcher de lâcher un petit rire étouffé. “...mais de ce que je vois, la balance du positif semble être plus forte que celle du négatif. Sauf si tu veux rajouter d'autres éléments  ” Ce n’est pas la quantité qui compte. Un kilo de plume est aussi lourd qu’un kilo de plomb, cependant il va falloir beaucoup de plumes pour peser aussi lourd qu’une simple bille de métal. “Puis je pense que tu mérites de profiter. ” Je la regarde de manière bienveillante, elle connait ma doxa de profiter du jour le jour.

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☽ 31 décembre 2020. Joy était d'humeur râleuse aujourd'hui, enfin, en ce début de soirée. Elle avait passé la journée à ruminer dans son coin, ne sachant quoi faire avec Adam. Elle savait que lorsque cela se calmerait un peu, elle se retrouverait avec Enoch pour faire leurs dernières heures de service... Elle pourrait peut-être lui en toucher deux mots même si c'était toujours difficile pour elle de s'ouvrir aux autres. Elle savait, dans tous les cas, qu'elle pouvait compter sur lui pour surmonter cette soirée. D'ailleurs, Enoch ne mit pas longtemps à se rendre compte de la situation : air dépité, boîte de chocolats à moitié manger, râleuse... bref il savait qu'il devait intervenir et il ne tarda pas à le faire en lui imposant de monter un tableau pour ou contre une relation avec Newman. « C’est fait cheffesse. » Joy tenait à insister sur le fait que récemment, Adam avait couché avec sa meilleure amie, partiellement ennemie jurée de la brune, si on pouvait appeler ça comme dans la vie de tous les jours parce qu'au fond, elle s'en fichait bien de cette femme, mais surtout, il avait eu des sentiments pour elle. Comment pouvait-on être sûr qu'il soit passé à autre chose ? En plus, elle serait constamment dans l'équation et Joy devrait le supporter. La jeune femme se prêta de plus en plus au jeu, se demandant ce qui pourrait l'attirer ou la rebuter. Il était clair qu'Adam était honnête, on ne pouvait pas le lui retirer. Le pompier avait su être franc même si la vérité n'était parfois pas agréable à entendre... Il ne lui avait pas menti et avait confirmé ses doutes concernant Mia. Puis, il y avait cette histoire d'alliance, malheureusement Adam était veuf, c'était un fait. Joy avait connu sa femme, c'était sûrement encore plus difficile pour elle d'arriver donc après... De prendre cette place... « Je ne suis pas psy mais il est peut-être envisageable que son alliance ne soit pas un frein pour lui au contraire. » Joy se redressa pour l'écouter, Enoch semblait avoir une idée arrêtée sur ça. « Imagine si on en avait vingt par jour des comme ça ? On finirait bien vite en hôpital psy » Enoch n'avait pas tort, mais son travail était la seule échappatoire où Joy arrivait à se changer les idées, même si ces derniers jours, elle avait eu dû mal...  « Ce que je veux dire, c’est que certains processus de guérison nécessitent le maintien d’un lien avec le passé. Je ne connais pas la tragédie qui a frappé Adam ou même son histoire. Cependant de ce que tu me dis, et je te cite en disant qu’il est honnête, il cherche vraiment à construire quelque chose avec toi. Si c’est le cas, et ça l’est, sa bague doit être un moyen de le rassurer. » Elle l'écouta, et elle n'aimait pas quand il avait raison. Enoch était sage, réfléchi, pragmatique, il avait souvent réponse à tout et ça mettait Joy dans la position de celle qui avait tort. C'était parfois frustrant.  « Tu m'énerves. » souffla-t-elle en levant les yeux au ciel, tournant son siège vers le bureau pour éviter d'être encore face à lui, sa tête de premier de la classe pourrait d'autant plus l'énerver. Gentiment, bien sûr.  « Cela n’empêche pas tes incompréhensions d’être fondées au contraire. Sinon je me serais inquiété...» L'interne lui adressa un air en biais, essayait-il de se rattraper là ? « ..mais de ce que je vois, la balance du positif semble être plus forte que celle du négatif. Sauf si tu veux rajouter d'autres éléments » Il semblait satisfait de lui-même, elle se tourna à nouveau vers lui, le fixant un instant. « Puis je pense que tu mérites de profiter. » La jeune femme l'écoutait faire un bilan pragmatique de toute son énoncé, tel un problème de maths, Enoch avait pour lui résolvé tous ses problèmes. Si c'était aussi simple, ça se saurait...  « Tu sais très bien que ce n'est pas aussi simple hein ? » Le retour de la chieuse, elle fait rouler sa chaise jusqu'à la boîte de chocolats, pour s'empiffrer d'un nouveau chocolat. Elle mâchait grossièrement en le regardant, réfléchissant à tout ce qu'il venait de dire. Elle devint, tout à coup, plus sérieuse. Elle regarda dans le vide. « Et si.... » commença-t-elle... « et si, je me plantais, encore? et si, ça marchait pas, encore ? » finit-elle par bafouiller, un peu apeurée à l'idée de se lancer encore dans une relation qui finirait mal. Elle perdrait en plus de ça un ami de qualité. Elle avait peur d'avoir plus à perdre qu'à y gagner, elle avait peur que sur le long terme leur désir respectif très différent pour l'avenir les guiderait doucement vers un précipice inévitable... Elle leva enfin la tête pour regarder dans les yeux Enoch, il pouvait lire en elle comme dans un livre. Et là, elle était complètement apeurée.

La situation n’est pas facile et je ne sais pas vraiment où mon exercice avec le tableau va nous emmener. Peut-être loin ou peut-être pas assez. Je ne sais pas vraiment. J’annote des arguments et le positif semble avoir un poids, uniquement numérique, plus important que le négatif. Cependant cette comparaison de chiffres n’est pas la solution sinon cela serait beaucoup trop simple. Le tout fonctionnerait si chaque argument pesait la même valeur mais ce n’est point le cas. Après tout, l’on narre bien que le cœur a ses raisons que la raison ignore. Les sentiments peuvent faire tourner la tête et alors que notre esprit nous dit de fuir, nos émotions nous font avancer. Pour le meilleur, et dans mon cas, surtout le pire. Je ne connais qu’Adam par le prisme des dires de Joy et mon jugement ne peut qu’être biaisé. Là par exemple, ma collègue insiste longuement sur le fait que son amant ait couché avec une autre. Un argument somme toute logique qui ne peut qu’éveiller la crainte d’être trompé et montrant chez le dit personnage une certaine versatilité sentimentale ou du moins c’est ce que j’en perçois. D’autant plus que si c’est la meilleure amie, alors Joy devrait la côtoyer et je suppose que si cet argument est là, c’est que cette hypothèse probable la gêne. Au final pour le moment mon rôle se borne uniquement à compter les points et à tenter d’évaluer une situation où je n’ai que peu de légitimité vu mon passif relationnel. Je réfléchis. Certainement trop. Je décide de sortir de mon simple rôle d’arbitre, et juge d’une certaine manière, pour apporter mon point de vue sur l’alliance que porte Adam. “Tu m'énerves.” Je ris à phrase en haussant les épaules alors qu’elle me tourne le dos sachant qu’elle me charrie, enfin je suppose.. “ Pour pas changer. ” Pour équilibrer mon jugement qui est peut-être trop en faveur de sa visite nocturne à Adam, je montre mon soutien à ses doutes qui restent naturels et encore heureux d’une certaine façon. Je sais que mon enquiquineuse d’amie est sincère dans sa démarche et ne fait pas les mêmes conneries que moi. Oui de mon avis la balance penchait plus d’un côté mais uniquement par cartésianisme ce qui ne voulait pas dire que la solution était trouvée bien au contraire. C’est d’ailleurs ironique que j’applique une méthode que je n’ai pas usité sur moi-même. “ Tu sais très bien que ce n'est pas aussi simple hein ?” “Si c’était une équation dans une fiche j’aurais dis oui. Mais nos jobs nous ont bien montré qu’entre la théorie et la pratique il y a un gouffre saillant. Puis je me serais inquiété que tu avales les conseils amoureux d’un type ayant connu des relations désastreuses.” J’en ris aujourd’hui car c’est fini. Puis Joy ne sait que trop bien tout ce qui se cache derrière le terme relation désastreuse puisqu’elle en avait connue une également. En parlant d’avaler, la voilà qui reprenait sa boîte de chocolat.  “ Ehh, tu comptes m’en laisser j’espère ? ”. Je tente en vain de récupérer la boîte. Oups, trop lent.

Après ce bref aparté, les choses redeviennent plus sérieuses. « Et si.... » Je la laisse réfléchir à la formulation ou doute qu’elle souhaite exprimer.  « et si, je me plantais, encore? et si, ça marchait pas, encore ? » Nos regards se croisent, ces yeux montrent toute l’importance de sa perplexité qu’elle jette sur la situation. La seule chose qui me paraît évidente, c’est que ce que la dévoreuse de chocolat ne l’aime pas d’un amour platonique. “ Je vais te paraitre très con, mais on ne peut pas savoir si quelque chose marche si on ne l’essaye pas.” Merci captain obvious après cette intervention. “ Ce que je veux dire c’est que tout n’est pas obligé d’aller vite. Tu as ton mot à dire. S’il tient à toi, il acceptera tes doutes et que tu veuilles y aller lentement. Je vais prendre l’exemple le plus grossier qui soit. Mais tu n’as pas envie de te fiancer tu ne te fiances pas. ” J’essaye une nouvelle fois de chopper un chocolat, en vain.  “ Je pense qu’il est important que tu t’affirmes plus. S’il n’est pas capable d’accepter tes doutes et le fait que tu n’es pas totalement les mêmes projets que lui pour une vie de couple, c’est qu’il ne te mérite pas vraiment et alors la relation d’amitié sera à privilégier. Et s’il ne parvient pas à comprendre ça, alors ce n’était pas un vrai ami. L'important c'est d'accepter la différence de l’autre. ” Elle pourrait me rire au nez sachant que la tolérance vis-à-vis du partenaire n’était vraiment pas mon point fort. J’avais très largement essayé de conformer Charlie à mes attentes durant notre non-relation. “ Puis au pire si cela ne marche pas entre vous, tu pourras dire que c’est ma faute. ” Je fais mon plus grand sourire de benêt en manquant de tomber de ma chaise pour attraper la sacrée boîte. Gamin et boulet.

happy new year -- @Enoch Adelson       

☽ 31 décembre 2020. Joy et Enoch se connaissaient depuis si longtemps, ils avaient grandi ensemble et avaient appris le métier ensemble. Ils avaient eu des hauts et des bas, autant dans leur vie professionnelle qu'amoureuse. Ce soir, à l'aube de la nouvelle année, l'interne était complètement perdue elle ne savait pas quoi faire, et elle espérait qu'Enoch lui partage ses meilleurs conseils. Elle était tout à fait consciente que ce n'était peut être pas la meilleure personne à qui demander mais elle savait pertinemment qu'Enoch était un homme sage, beaucoup plus réfléchi que l'impulsive qu'elle était. Pour une fois, Joy avait pourtant fait preuve de sagesse, elle n'avait pas répondu de suite aux questions d'Adam, lui demandant du temps avant tout. « Pour pas changer. » Joy lui tirait la langue car il se montrait toujours très -trop- réfléchi, lui prouvant par A + B une vérité qu'elle n'avait pas envie d'entendre. Il la convainquit tout doucement de faire cette folie, de partir après son service en route pour l'amour. « Si c’était une équation dans une fiche j’aurais dis oui. Mais nos jobs nous ont bien montré qu’entre la théorie et la pratique il y a un gouffre saillant. Puis je me serais inquiété que tu avales les conseils amoureux d’un type ayant connu des relations désastreuses.» Joy ne put s'empêcher de rire à cette remarque. Les deux collègues avaient appris à rire de leur malheur, avec le temps, cela devenait plus simple de prendre du recul. Les deux dernières années avaient été plutôt compliquées pour eux deux mais ils étaient toujours là pour se soutenir. « Ehh, tu comptes m’en laisser j’espère ? » Joy sortit de ses pensées en le fusillant du regard alors qu'elle reprenait un chocolat.  « Mmmh je ne sais pas si tu le mérites. » dit-elle en éloignant la boîte de lui. « Si ça trouve tu me fais courir droit au mur. » ajouta-t-elle pour se justifier.

Elle ne l'accuserait jamais d'une telle chose c'était juste pour l'embêter. Elle l'écoutait, comme elle écoutait les rares amis avec qui elle avait partagé ses doutes sur cette relation qui démarrait mal. « Je vais te paraitre très con, mais on ne peut pas savoir si quelque chose marche si on ne l’essaye pas.» En soit, il valait mieux avoir des regrets que des remords ? Ou c'était peut être l'inverse. Il valait mieux qu'elle tente quelque chose sinon elle ne le saurait jamais et ça pourrait la bouffer. Joy écoutait Enoch lui donner son point de vue. « Ce que je veux dire c’est que tout n’est pas obligé d’aller vite. Tu as ton mot à dire. S’il tient à toi, il acceptera tes doutes et que tu veuilles y aller lentement. Je vais prendre l’exemple le plus grossier qui soit. Mais tu n’as pas envie de te fiancer tu ne te fiances pas. Je pense qu’il est important que tu t’affirmes plus. S’il n’est pas capable d’accepter tes doutes et le fait que tu n’es pas totalement les mêmes projets que lui pour une vie de couple, c’est qu’il ne te mérite pas vraiment et alors la relation d’amitié sera à privilégier. Et s’il ne parvient pas à comprendre ça, alors ce n’était pas un vrai ami. L'important c'est d'accepter la différence de l’autre. » Elle soupirait, il avait raison mais elle ne savait pas si Adam serait prêt à aussi faire des concessions de son côté... Elle avait l'impression d'en faire beaucoup pour lui, entre accepter sa meilleure amie-ex, ses enfants, son passé, bref la brune était paumée et pourtant son coeur lui disait de foncer. « En outre, vaut mieux foncer tête baissée et voir ce que ça donne sinon je vais passer ma vie à me dire "et si"... » conclut-elle en dévorant un nouveau chocolat, elle était arrivée à un point où elle ne les comptait plus...« Puis au pire si cela ne marche pas entre vous, tu pourras dire que c’est ma faute. Elle eut un petit rictus amusé. «Mmh, c'est réconfortant pour moi ça. » dit-elle pour le taquiner, c'était toujours plus facile quand on avait quelqu'un à blâmer pour nos propres erreurs. « Tiens, tu l'as mérité. » dit-elle en tendant la boîte où certains chocolats avaient encore survécu... « D'où sors-tu cette sagesse d'ailleurs ? Cette histoire avec Charlie t'a fait grandir, ou c'est moi ? » finit-elle par dire, en s'enfonçant à nouveau dans son siège, elle le fixait, le regardant heureux de manger un chocolat. L'interne remarquait qu'il avait parcouru du chemin depuis tout ce temps, et c'était aussi l'occasion de détourner le sujet de conversation sur lui... Assez parler d'elle...

Faire appel à la logique la plus brute n’est pas forcément la manière la plus efficace d’aiguiller quelqu’un qui se pose des questions amoureuses j’en ai bien conscience, cependant c’est ma manière de fonctionner la plupart du temps. Raisonner me rassure et me permet d’écarter temporairement des éléments insondables qui me gênent. Soit pour mieux tenter de les analyser soit pour simplement les ignorer. Actuellement ce que je vois c’est une Joy hésitante et je n’ai pas envie qu’elle gâche une occasion de trouver le bonheur. Cependant je ne désire pas non plus l’envoyer au casse-pipe et je tente de plus ou moins clarifier la situation tout en essayant d’attraper, tel le gamin que je suis, un chocolat. Je suis aussi doué pour choper des choses que pour donner des conseils visiblement.   “Mmmh je ne sais pas si tu le mérites.” Je la regarde avec un air de chien battu. “ Gneuhgneuhgneuh, je ne sais pas si tu mérites.” que je répète sur un air un peu attardé. “ Si ça trouve tu me fais courir droit au mur. ” “ Ou alors je t’envoie passer l’une des soirées les plus mémorables de ta vie qui sait ?”Bon okay, je suis certainement un peu beaucoup trop optimiste sur le sujet mais qui ne tente rien n’a rien non ? Certes je concède que c’est facile de dire ça de puisque ce n’est pas moi qui vais me retrouver face à Adam si mon égoïste partenaire décide d’aller à cette soirée.  

Oui je lui fais une ample démonstration de mon point, faire court ? Je sais pas faire, non. Je prends à cœur mon rôle éphémère de doctor love en agrément mes paroles de gestes comme si je venais présenter un produit totalement révolutionnaire -inutile- lors d’une réunion staff. Néanmoins bien conscient que je n’ai aucun intérêt à aller dans la grandiloquence, je calme de moi-même mes ardeurs pour me montrer sérieux, ce qui me surprend moi-même. Je termine mon presque-monologue en prenant soin de considérer les réactions de mon interlocutrice. « En outre, vaut mieux foncer tête baissée et voir ce que ça donne sinon je vais passer ma vie à me dire "et si"... » “ Je n’emploierai pas le terme tête baissée, mais c’est sommairement ça. Essaye de voir où votre relation peut aller tout en gardant à l’esprit qu’il faut que tu te préserves. ” Je rajoute avec une pointe d’humour que si cette soirée vire à la cata, Joy pourra me remettre la faute dessus puisque c’est tout de même moi qui joue le rôle de catalyseur dans cette histoire. «Mmh, c'est réconfortant pour moi ça. » “ Ouais, alors je te préviens. Si tu décides de me taper, c’est limité à trois ou quatre coups et doucement, pas plus. ” Je ne connais que trop bien la force de la brune pour m’être entraîné avec elle à plusieurs reprises au dojo. Son punch est dangereux, croyez-moi.  

Finalement j’obtiens ma récompense suprême. J’hésite entre la remercier ou lui dire pas trop tôt mais je préfère privilégier la seconde option. Je récupère un chocolat et je l’observe comme s’il s’agissait de mon plus précieux bien alors qu’un large sourire s’affiche sur mon visage. « D'où sors-tu cette sagesse d'ailleurs ? Cette histoire avec Charlie t'a fait grandir, ou c'est moi ? » Je finis de savourer le chocolat que je fais fondre dans ma bouche avant de répondre. C’est vrai que ces petites conneries sont rudement bonnes et addictives. “ Non, je suis simplement né mature et sage.” Je n’arrive pas à me retenir de pouffer de rire tant mon comportement peut être à l’antagonisme de mon propos. Malgré le fait que je joue l’idiot, la brune tape dans le mille. “ C’est certains que ma relation avec Charlie m’a fait prendre conscience de pas mal de choses dont profiter des opportunités.” Il fallait dire qu’avoir des enfants en bas âge est d’une grande aide pour profiter de chaque instant de la vie. “ On en aura parcouru du chemin quand même tous les deux, des bas et des hauts.” J’ai l’impression de prendre 10 ans de ma vie dans la gueule soudainement, sentiment que j'exècre particulièrement ces derniers temps alors que la trentaine approche à pas de loup.

Par chance, mon regard pointé sur l’horloge numérique remarque l’heure et me permet de chasser ces biens mauvaises pensées. “ Dis-donc cendrillon tu as vu l’heure ? Il va peut-être falloir commencer à te préparer si tu penses aller le voir. ”