Il y a environ un an. En rentrant chez moi après avoir retrouvé Tessa dans ce fameux café que nous adorions fréquenter quand nous étions un couple, je m’étais étendu sur mon canapé en L tout neuf et que j’avais vite adopté. Il était beaucoup plus confortable que la majorité des canapés que j’avais squattés en voyage, quand je faisais du couch surfing ici et là - merci les parents pour ce cadeau de retour à Brisbane. Même si bon, que mes parents me paient toutes sortes de trucs comme ils l’avaient toujours fait ne me faisait pas sentir complètement indépendant, je devais avouer que j’avais cette chance que peu de gens avaient et j’en étais reconnaissant. Bref, je m’étais étendu sur mon divan et Peter Quill le chat n’avait pas tardé à me rejoindre et à s’installer sur mon ventre pour que je le caresse. Je me repassais en boucle ma rencontre avec Tessa, le sentiment qu’elle m’avait manquée s’était clairement accentué en la revoyant. Sa présence m’était si familière, si… apaisante. Je ne regrettais pas le moins du monde d’être parti en voyage pendant toutes ses années, mais je devais reconnaître qu’elle m’avait vraiment manquée et que nous étions bien ensemble, avant que je ne parte. Même mes parents étaient fou d’elle - une femme travaillante qui allait devenir vétérinaire, ils ne pouvaient être plus contents de mon “choix”. Sur mon canapé, là, maintenant, j’entendais encore Tessa me dire qu’elle me promettait qu’elle ne laisserait plus son avenir professionnel décider pour elle… j’avais penché la tête légèrement, gardant le silence le temps de longues secondes le temps de réfléchir à mes prochaines paroles. Enfin, je lui avais assuré que je ne lui en voulais pas pour ça, il n’y avait pas de problème au fait qu’elle tenait tant à se dépasser et à devenir vétérinaire. J’avais ensuite songé que nos rêves étaient seulement… différents, mais ce n’était pas pour autant qu’il y en avait un des deux qui n’était pas valide. Cet après-midi, au café, elle avait été ouverte et honnête avec moi comme elle l’avait toujours été. J’étais bien heureux que ça, au moins, ça n’avait pas changé entre nous. Par contre, elle m’avait avoué être prête à laisser un peu son travail de côté pour se sortir un peu de son quotidien… Tessa, je l’avais toujours connue ultra organisée, rangée, dévouée envers sa passion et son travail. Quand elle avait quelque chose en tête, un but par exemple, elle donnait plus de 100% d’elle-même, et c’était toujours quelque chose que j’avais admiré chez elle, même si je savais que je ne serais pas capable d’être comme elle sur ça. Mais l’idée qu’on puisse un jour partir ensemble en voyage m’enchantait, il y avait tant d’endroits où j’avais regretté de ne pas pouvoir partager ces belles vues avec elle. Je lui avais donc envoyé une tonne de photos pour tenter de compenser, c’était un peu ma manière détournée de lui dire qu’elle me manquait. Au-travers de ses propos, elle avait attrapé ma main et l’avait tenue un bon moment, c’était pratiquement comme si je pouvais encore en sentir la chaleur. J’avais fini par lui proposer des vacances un jour avec moi, une proposition qu’elle avait accepté seulement si je me croyais apte à pouvoir la supporter quotidiennement pendant une période de temps. Ça m’avait fait rire et je lui avais rappelé que je l’avais bien supportée quotidiennement pendant plusieurs années, alors c’était juste une question de reprendre les habitudes - j’avais dit ça pour la taquiner, mais ça avait quand même eu effet de me noyer dans une vague de nostalgie mélangée à un peu de tristesse. J’essayais en général de ne pas regarder vers le passé — j’avais la croyance que ça ne servait à rien de regretter quelque chose qui s’était passé il y avait longtemps, après tout —, mais c’était parfois difficile vu les belles années que j’avais passé avec Tessa comme petite amie. Peter Quill se mit à ronronner sur moi et je ris en repensant au surnom que Tessa lui avait donné. « T’as l’air bien, Chat », dis-je comme pour tester le surnom. Je pouvais très bien m’y faire. Et si ça pouvait éloigner toute confusion par rapport à son frère, c’était un bon point. Elle avait semblé trouver marrant l’idée que mon chat oublie son vrai nom au profit de son surnom - ça m’avait fait rire, mais je lui avais répondu que j’espérais que ça ne soit pas le cas. Je lui avais répliqué qu’on pourrait aussi appeler son frère Humain à la place, comme ça je pourrais garder Peter pour mon Bengal. Je grimaçai en repensant à quand Tess m’avait dit qu’un accident pouvait si vite arriver, lorsque je m’étais faussement offensé qu’elle puisse penser que je pourrais avoir un cadavre entre les mains. Au final, quand même, ça m’avait vraiment fait rire. Prions juste pour que ça n’arrive pas tout court, songeai-je. La conversation par la suite avait coulé comme de l’eau douce, on aurait presque pu croire que nous nous étions vus la veille. Je lui avais fait promettre de venir chez moi dès qu’elle le pourrait, qu’elle puisse rencontrer Peter Quill - ou Chat, comme elle avait pris soin de me préciser. « J’ai hâte que tu la rencontres », dis-je à mon félin comme s’il pouvait réellement me comprendre. Je ne croyais pas être un jour capable d’en avoir marre de Tessa, et je lui avais plutôt dit que c’était elle qui allait finir par me mettre en-dehors de mon propre appartement parce qu’elle allait s’entendre trop bien avec Peter le Chat et que je pouvais être fatigant quand je m’y mettais. Elle avait finalement dit, un peu plus sérieusement, que maintenant qu’elle m’avait retrouvé, qu’elle ne comptait pas me laisser ressortir de sa vie aussi facilement. « Ça a été tout sauf facile », avais-je murmuré, incertain si elle m’entendait ou pas. J’avais fixé mon regard dans le sien, souris, laissé les secondes s’écouler un peu. Rien qu’à y penser, je souriais encore — elle me voulait bien dans sa vie. Puis, j’avais dit que je ne comptais pas ressortir de sa vie une autre fois. Même si je voudrais sans doute repartir en voyage un jour. Mais j’étais tellement bien dans le moment présent, avec elle, même si ça voulait dire que Tess et moi ne serions que de bons amis, que je ne voyais plus trop la possibilité de partir. Penser à tout ça me donna envie d’écrire à Tessa sur le coup. Je posai un bras sur mon chat pour qu’il ne prenne pas la fuite et je me tortillai pour sortir mon téléphone de la poche de mon jean. Malgré tout, Peter trouva le moyen de se libérer de mon étreinte et je l’entendis se diriger vers les escaliers. Je soupirai. Tenant mon téléphone devant mes yeux, j’hésitai un instant avant d’écrire à Tessa, me demandant si je ne devrais pas attendre quelques jours pour lui envoyer un sms. Meh. Je n’avais jamais suivi ce genre de règles de toute manière, et je n’avais jamais réellement pu réussir à contenir mon impatience.
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Le moment présent. Environ un an a passé depuis mon retour à Brisbane et je dois avouer que je me sens bien. Certes, visiter le monde me manque et je n’ai pas vraiment pris le temps de le faire depuis mon retour, ni même pour un petit deux semaines dans un pays exotique, mais mes journées sont remplies de séances photos qui s’avèrent plus intéressantes que je ne l’aurais cru, de séances de câlins avec Peter Quill et Rocket, et de séances de fous rires et de bonnes conversations avec mes proches. Depuis cette rencontre au café, Tessa et moi avons continué de nous voir régulièrement, en tant qu’amis bien entendu. On n’a jamais parlé de se remettre ensemble; entre temps, nous voyons des personnes chacun de notre côté aussi - pour ma part, rien de sérieux en tout cas, je n’ai eu de feeling aussi fort avec personne d’autre en fait depuis ma rupture avec Tessa, et bon, je n’ai pas tant la tête à dater non plus. Parfois, il m’arrive de me dire que, de toute manière, c’est probablement mieux que Tessa et moi ne soyons que des amis, comme à nos tous débuts. Sinon, j’essaie de ne pas trop y penser, ça ne me sert à rien de me tourmenter avec ça, vraiment…
Aujourd’hui, c’est vendredi, et donc, après avoir été faire mon petit jogging que je fais à tous les matins en me levant, je prends ça plutôt relax, je n’ai rien de prévu vraiment. Je peux bien m’accorder un jour de plus au weekend. Je compte rester éloigné de mon travail, la semaine a été plutôt épuisante — le temps des fêtes est une période chargée pour beaucoup de travailleurs, dont les artistes. Après tout, l’art ne fait-il pas un beau cadeau? J’ai juste envie de décrocher, de regarder épisode après épisode à la télé alors que, d’habitude, je le fais rarement, par manque de temps surtout. Plus tard en après-midi, j’irai sans doute faire un tour dehors, je n’aime pas rester à l’intérieur trop longtemps. Et ce soir… ce soir, on verra. Justement, je pourrais peut-être inviter Tessa à faire quelque chose, ça fait quelques semaines déjà que nous n’avons pas pu nous voir à cause de la saison du temps des fêtes chargés. Pour elle, je crois qu’il y a plus de boulot à la clinique parce que beaucoup offrent des chiens, des chats ou autres animaux pour Noël, et bon, un rendez-vous de base ne peut pas faire de mal. Je suis à la moitié du cinquième épisode de la quatrième saison de How I Met Your Mother (j’ai commencé la série il y a genre trois ans, alors que j’étais au Pérou) lorsque mon téléphone vibre sur le comptoir de la cuisine. J’ai tendance à l’oublier un peu partout dans mon studio, je ne le regarde pas souvent pour être franc. Je laisse la télé allumée et je vais le chercher, curieux de voir qui peut bien m’écrire. Un sourire étire mes lèvres lorsque je vois que c’est Tessa, à qui j’avais prévu d’écrire dans un ou deux épisodes, environ.
Coucou toi ! Ça fait un moment qu'on s'est pas vus, avoue que je te manque J'ai un truc important à te dire, ça te dirait qu'on se fasse une soirée rien que tous les deux ?
S’ensuivent alors des textos dans lesquels on se taquine mutuellement, elle m’avoue avoir un truc à me dire et je détecte que ça semble plutôt sérieux. Je regrette bien vite de lui avoir proposé ce weekend — nous avons prévu une petite sortie au parc et d’aller prendre un verre plus tard —, sa potentielle mauvaise nouvelle m’inquiète, même si elle semble vouloir faire passer ça comme si ce n’est pas grave et que je vais m’en remettre. J’aurais dû lui proposer ce soir, mais entre temps Erin m’a écrit pour qu’on se voit alors je lui ai proposé ce weekend. Mais qu’est-ce qu’elle peut bien vouloir me dire? Mais je pousse ces inquiétudes au fond de moi. Si elle me dit que je vais m’en remettre, c’est que ça ne doit pas être une si mauvaise nouvelle que ça. Ça ne me servira à rien de stresser maintenant, si? Ça ne ferait que… me stresser. (Logique.) Et le stress, ce n’est définitivement pas bon pour la santé, alors voilà.
Le lendemain, même chose, je commence la journée avec un petit jogging. Les journées où je n’en fait pas, je remarque la différence, j’ai plus de misère à me concentrer. J’ai toujours eu le besoin de bouger et beaucoup de misère à me concentrer quand je dois rester en place. C’est peut-être pour ça que l’école a été plutôt difficile de mon côté, m’enfin. Rester des heures sur les chaises de plastique dans une salle de cours, ugh. Je profite du reste de la matinée pour tenter de cuisiner une recette que ma mère m’a envoyée, mais je la réussis plus ou moins bien parce qu’au final, il me manque pas mal d’ingrédients et que je dois trouver des substituts. Ça me sert quand même de lunch et bon, ma faim est quand même satisfaite même si ce n’est pas aussi bon que je m’y attendais. En début de soirée, il fait toujours aussi chaud, thank God, et le soleil ne se couchera pas encore pour un certain temps. J’installe Peter le Chat dans sa cage et il se met à miauler immédiatement comme chaque fois. « Ça va, ça va, Pete, on s’en va au parc, tu vas être content », je soupire en posant sa cage de transport près de la porte d’entrée. Je vais ensuite m’occuper de Rocket, l’attire dans sa petite cage de transport à l’aide de snacks, il se régale avant d’aller se cacher sous sa petite couverture à l’intérieur. Prochaine étape, je les installe tous les deux dans ma voiture et on se dirige vers le parc, celui près de rivière. Je ne vois pas encore Tessa, mais je suis (étrangement) un peu d’avance et elle m’a texté pour me dire qu’elle était en route. J’en profite pour installer une sorte de couverture de pique-nique pour pouvoir y mettre mon hérisson plus tard, mais je sors en premier mon chat de sa cage, car ses miaulements vont me rendre fou. Il n’aime pas être enfermé, et je le comprends à 100% là-dessus. Il n’aime pas vraiment la laisse que j’attache à son collier, mais je lui assure que c’est ça ou il restera à l’appartement la prochaine fois. Je passe la laisse autour de mon poignet et le laisse explorer les alentours. Rocket s’est endormi dans sa cage, je le sortirai peut-être plus tard.
Je lève la tête et vois Tessa s’approcher. Comme d’habitude, elle est jolie, rayonnante. Je me tourne vers mon sac pour en sortir le petit cupcake avec la licorne dessus que j’ai trouvé à l’épicerie cet après-midi. « Hey! » je la salue dans un grand sourire, avant de me lever pour franchir les quelques pas qui nous séparent. Je lui tends le petit gâteau. « Je suis désolé, je n’ai pas trouvé de vraie licorne pour te déclarer mon amitié, mais j’espère que ça fera », dis-je en riant. « Je travaille toujours sur les feux d’artifice », j’ajoute en haussant les épaules, un petit sourire en coin.
Voilà quelques semaines que je connaissais l’existence de ma maladie, quelques semaines au cours desquelles je n’avais pas trouvé la force d’en parler à Adriel. Ma famille, elle-même et en particulier mon frère Peter, l’avaient appris il y a peu et à part eux, seul Lawrence, qui était présent sur les lieux lorsque j’avais été emmenée à l’hôpital, avait été au courant de la situation, par la force des choses. Si je n’avais pas trouvé le courage d’en parler à Adriel, c’était bel et bien pour le préserver, ne pas lui faire de souci. Cela faisait un an à peine que j’avais eu la chance de l’avoir de nouveau dans ma vie, il était inconcevable pour moi de partager autre chose avec lui, que des moments positifs d’une complicité si rapidement retrouvée. Seulement, je ne voulais pas le blesser et je savais que s’il l’apprenait par une tierce personne, le choc n’en serait que plus grand. Après tout, Adriel était l’une des personnes de qui j’étais la plus proche et je lui devais la vérité, restait à savoir comment j’allais lui annoncer une telle chose. Lorsque j’avais osé en parler à mon frère, il s’était tout bonnement effondré en larmes dans mes bras, chose à laquelle je ne m’attendais absolument pas et donc, je craignais à présent la réaction de chacun de mes proches à qui je devrais faire cette confession. Cela faisait quelques semaines que je n’avais pas vu celui qui avait partagé mon quotidien pendant un petit moment de ma vie, il n’y avait pas une seule journée sans que je lui envoie un message pour lui dire qu’il me manquait, ou juste pour lui raconter ma journée, mais la période de fêtes était tellement chargée que nous n’avions pas eu l’occasion de passer un moment seul à seule depuis bien trop longtemps à mon goût. Même si notre relation était fusionnelle, en un an, nous n’avions pas cherché à nous remettre ensemble, pourtant, aux yeux de la plupart de personnes qui nous croisaient ensemble, une relation ou future relation amoureuses était évidente, seuls lui et moi nous n’en avions pas réellement conscience. En réalité, certains gestes et certaines paroles étaient assez équivoques pour faire planer réellement le doute, comme nos heures de conversations téléphoniques et notre façon de nous endormir chacun en écoutant la voix de l’un et de l’autre n’étais qu’une preuve supplémentaire que l’amitié n’était pas vraiment la bonne façon de considérer notre relation. Soit, je ne me posais pas réellement de questions, personnellement, j’avais du vivre avec cette idée de ne plus jamais pouvoir l’enlacer comme je l’avais fait, ni pouvoir goûter à ses baisers sucrés. Peut-être que cette épreuve psychologique, que j’avais dû affronter lors de son départ, avait mis bien trop d’obstacle pour que je puisse espérer un jour que tout redeviendrait comme avant.
Pendant quelques semaines, j’avais réfléchi à la façon dont je pourrais bien lui parler de mes problèmes de santé. C’est ainsi que je lui avais proposé un tête-à-tête, histoire de pouvoir profiter de sa présence qui m’avait si cruellement manquée ces derniers jours pour que je ne la subisse encore d’avantage, et pour pouvoir lui glisser deux mots sur les difficultés que je rencontrais depuis environ un mois, difficultés qui ne seraient bientôt plus que de mauvais souvenirs, je l’espérais sincèrement. J’ignorais pourquoi, mais à chaque fois que je retrouvais Adriel, j’avais comme une boule dans l’estomac, comme si je me rendais à mon premier rendez-vous amoureux, sans trop savoir ou je mettais les pieds. Pourtant, je n’étais jamais vraiment aussi épanouie qu’en la présence du jeune homme, ce qui était plutôt paradoxale vu l’état dans lequel je pouvais me mettre, parfois. Contrairement à d'habitude, je me sentais plutôt guillerette, oubliés mes soucis et mon état de fatigue, je me focalisais uniquement sur notre rendez-vous et le moment que j'allais passer avec lui. Nous nous étions donné rendez-vous dans un parc, que nous fréquentions aussi beaucoup lorsque nous sortions ensemble. Depuis son retour à Brisbane, nous n’avions pas perdu l’habitude de nous retrouver dans des endroits qui avaient de réelles importances lorsque nous étions en couple, des lieux qui étaient chargés de bons souvenirs, en mon sens. Rapidement, je le repérais et, sans même m’en rendre compte, je pressais le pas immédiatement pour le rejoindre. Arrivée à sa hauteur, avant même de lui laisser le temps de parler, je lui sautais au cou et lui faisais un gros câlin, comme si je ne l’avais pas vu depuis des années. Lors de nos retrouvailles, j’avais plutôt été sur la réserve par rapport à nos contacts physiques, mais les bonnes habitudes avaient vite repris le dessus. Je finissais par le lâcher et prenais finalement le cupcake qu’il me tendait, immédiatement. « T’es trop mignon Adri’ » Lançais-je, attendrie devant son geste. Adriel avait toujours été quelqu’un d’extrêmement attentionné et malgré le fait que nous n’étions plus ensemble, il n’avait pas manqué à ses habitudes. Je lui déposais joyeusement un baiser sur la joue, alors qu’il m’annonça travailler encore sur les feux d’artifice. Je pouffais légèrement de rire en le regardant, toujours aussi attendrie. « Ça va, ne te mets pas la pression, je peux supporter d’attendre encore un peu. » Je posais finalement mon regard sur Peter Quill, puis je m'abaissais à sa hauteur pour le caresser. Le chat d’Adriel commençait à bien me connaître, au vu du nombre de fois qu’il m’avait vu chez son maître. « Alors Chat, comment tu vas ? » Le félin avait d’ailleurs même prit l’habitude de m’entendre l’appeler par son surnom puisqu’il s’approcha immédiatement, pour venir se frotter à ma main, affectueusement. « Tu as l’air en forme mon gros, c’est bien, Adri’ prend bien soin de toi. S’il n’est pas gentil, il faudra me le dire, je m’en chargerai, ne t’inquiètes pas. » Je souriais en adressant un clin d’œil à Adri, puis je m’asseyais sur l’herbe, tout en faisant signe au jeune homme de prendre place à côté de moi. « Tu m’as manqué tu sais… » Commençais-je, en toute franchise. Il n’y avait pas une heure ou je ne pensais pas à mon ami, d’autant plus depuis que je traversais une période difficile, sans avoir réellement l’occasion de me confier à lui, comme je le faisais habituellement. « Alors, comment va mon cavalier à dos de licorne, préféré ? » Demandais-je, non sans une certaine ironie, par rapport à la discussion que nous avions eu par SMS quelques jours auparavant. J’avais beau être perpétuellement en contact avec lui, j’avais toujours envie d’en savoir plus sur ce qu’il vivait à présent et malgré notre proximité téléphonique, nous trouvions toujours des tas de choses à nous dire, allant même jusqu’à partir sur des sujets totalement loufoques telles que des licornes et des feux d’artifice. D’ailleurs, je croquais dans mon cupcake en ouvrant de grands yeux. « Il va falloir que tu me dises où tu l’as acheté, il est délicieux ! » Je trempais le bout de mon index dans le gâteau, puis approchais rapidement ce dernier du nez d’Adriel pour l’en barbouiller, sans le laisser le temps de me contrer. Je laissais échapper un petit rire avant de reprendre : « Pour me faire pardonner, je t’autorise à goûter à cette merveille, à condition que tu m’en laisses un morceau… » Je lui tendais alors mon gâteau pour lui faire goûter, avant qu’il ne prenne l’initiative de me l’arracher des mains et de le faire lui-même, en grand gourmand qu’il était.
i j’avais pris le temps d’y réfléchir vraiment, je me serais rendu compte que ma relation actuelle avec Tessa n’est dans le fond pas si loin de celle que nous avions quand nous étions tous les deux à l’université. C’est juste tellement naturel être en sa présence, les sujets de conversation ne manquent jamais, nous pouvons d’ailleurs rester des heures au téléphone jusqu’à ce que l’un de nous deux s’endorme en premier, je n’ai toujours aucune gêne à me promener en sous-vêtements devant elle (pas que je cherche particulièrement à le faire non plus, mais une fois elle devait venir chez moi et je sortais de la douche et je n’y ai pas plus pensé que ça en allant lui ouvrir la porte), partager la même cuillère dans un pot de glace ne nous dérange toujours pas. C’est très similaire à avant, en effet, sauf qu’aucun de nous deux ne parle de se remettre ensemble ou de faire un move qui nous sortirait de notre petite bulle d’amitié. Pour ma part, mes pensées ne vont même pas dans cette direction, comme si ça m’était interdit; revenir en couple avec elle voudrait dire que la possibilité que je la blesse encore une autre fois si je décide de repartir un jour, et je n’ai pas envie de lui faire du mal. Je voudrais bien lui promettre — me promettre — que je ne repartirai pas, que ma vie est ici, à Brisbane, mais ma nature spontanée ne me le permet pas. Je ne sais pas ce que l’avenir me réserve et je me connais assez pour savoir qu’il est mieux que je ne prévois pas trop d’avance.
Lorsque je vois Tessa arriver, je me lève pour l’accueillir avec le cupcake et je la vois presser le pas, avant de finalement se jeter dans mes bras. Je la serre fort contre moi, avec l’impression que je ne pourrais jamais me passer de ces câlins, que je respire de nouveau. J’ai déjà le cupcake dans ma main et je fais de mon mieux pour que la pauvre petite licorne ne s’écrase pas dans ses cheveux. Lorsque Tess se recule, je lui tends le petit gâteau qui, heureusement, a survécu. « Il paraît », je réponds en battant exagérément des cils lorsqu’elle me dit que je suis trop mignon. Je lui explique que je n’ai pas été capable de trouver de vraie licorne et que les feux d’artifices viendront, tout en plongeant mon regard dans le sien, si familier, un sourire aux lèvres. Elle me répond de ne pas me mettre la pression, qu’elle peut attendre encore un peu. J’étouffe un rire. « Connaissant ta patience légendaire, je vais faire de mon mieux pour que ce soit le plus rapidement possible », je déclare, à demi-sérieux. Tess est patiente pour certains trucs, beaucoup plus que moi en fait; mais sur d’autres, c’est une autre histoire. J’ai toujours adoré lui préparé toutes sortes de surprises, que ce soient des dates ou des trucs à manger, et je dois avoue que je me régalais bien à lui dire d’avance pour laisser monter le suspens. Elle se tourne vers mon chat et se penche pour le caresser, elle l’appelle par son super surnom et il arrive immédiatement, poussant sa tête sur sa main pour qu’elle le caresse. Chat. Je suis toujours aussi surpris de la rapidité avec laquelle il s’est habitué à ce drôle de surnom. Au moins, chose certaine, il n’y a plus de confusion entre le frère de Tess et mon Bengal. Je relève le regard vers mon amie juste quand elle m’adresse un clin d’oeil, lorsqu’elle dit à Peter Quill que si je ne suis pas gentil, qu’il faudra lui dire. « Hey! » je proteste, amusé. « Bien sûr que je prends soin de lui — pas vrai, Chat? » je termine à l’adresse de mon félin. Mais il ne me regarde même pas, il n’a de yeux que pour Tessa. Soupir. Je me penche vers mon chat sans perdre la jeune femme des yeux, et je chuchote, complice: « Ne lui dis pas que je t’ai enfermé dans le frigo sans faire exprès et je te donnerais des croquettes de plus ce soir. » Je me redresse de nouveau pour offrir un petit sourire espiègle à Tessa. « Pour ma défense, c’est lui qui est allé se fourrer dedans… » Heureusement, je m’en suis rendu compte cinq minutes après. Depuis, je regarde tout le temps avant de fermer une porte quelconque. Je me laisse tomber sur la couverture de simili-pique-nique à côté de Tessa et me penche vers la cage de Rocket pour vérifier s’il dort toujours. La réponse est oui, absolument, un peu plus et il ronflerait. « Jay ne t’accompagne pas aujourd’hui? » je lui demande en regardant autour d’elle, comme si c’était possible qu’elle ait amené son chien sans que je ne l’ait vu. Un sourire se dessine automatiquement sur mes lèvres lorsque Tessa me dit que je lui ai manqué. Parce que je pense exactement la même chose, je ne pense même pas à répondre du n’importe quoi sur un ton d’humour comme je l’aurais fait normalement. « Toi aussi, tu m’as manqué… », je dis, avant de faire un geste du menton vers Peter Quill. « À Chat aussi, apparemment », j’ajoute, ne pouvant finalement pas m’en empêcher, « il ne te lâche plus ». Il semble même en avoir oublié qu’il a une laisse, il continue de se frotter sur le genou de Tess pour qu’elle le caresse encore. Encore et encore. T’en demande pas beaucoup, là, monsieur le chat? Je ris en l’entendant m’appeler son cavalier à dos de licorne préféré. « Quel honneur », je fais, «je suis ton préféré ». Je fronce les sourcils. « Attends… y’a d’autres cavaliers de licornes dans ta vie? » je demande, amusé. Ou pas. Qui le saurait, vraiment. « Ça va », je réponds finalement. « J’ai pu prendre congé hier, c’était trop bien. » J’observe Tessa croquer dans le gâteau et ouvrir de grands yeux, puis elle affirme qu’il est délicieux et qu’il faut que je lui dise exactement où je l’ai pris. « Oh… à une petite pâtisserie à côté de chez moi. Ça fait un an que je reste dans ce quartier, et pourtant, c’est la première fois que je vais à celle-là », j’admets dans un haussement d’épaules. « Je t’y amènerai si tu veux, je ne me rappelle plus du nom, ça sera plus simple. « Je suis bien content que mon petit cadeau lui fasse plaisir. « Je peux? » je demande en tendant la main vers elle pour qu’elle me partage le cupcake. Mais elle me prend par surprise en trempant son doigt dans le crémage et en l’étampant sur mon nez. « Tess! », je m’exclame sous la surprise. Mon rire se joint au sien et je sors la langue pour essayer de lécher le bout de mon nez, mais c’est peine perdue. Je suis donc contraint de l’enlever avec mon doigt, que je mets finalement dans ma bouche pour savourer le crémage. Elle me dit que pour que je lui pardonne, elle m’autorise à goûter à cette merveille, à condition que je lui en laisse un morceau. « Parce que tu crois que je pourrais ne pas t’en laisser? » je réponds, malicieux, en prenant le gâteau dans mes mains. Non, bien sûr, je n’oserais jamais. « Mais merci, c’est super généreux de ta part. » J’ouvre grand la bouche comme si j’allais en prendre la plus grande des bouchées, jetant un regard en coin à Tessa pour jauger sa réaction, pour finalement la refermer parce que, quand même, c’est son cupcake. Je fais mine de lui rendre le gâteau, mais je l’appuie plutôt sur le bout de son nez. « Oups », je fais, l’air faussement innocent. Je lui rends pour vrai le cupcake et passe mon doigt sur le bout du nez pour y ramasser le glaçage, comme si rien n’était, avant de le porter à ma bouche. « C’était ma petite vengeance », je lui explique dans un nouveau haussement d’épaules. « Et toi, comment tu vas? Qu’est-ce que tu voulais me dire au fait? » Entre le câlin, Peter Quill et les petites batailles de cupcakes, j’ai presque oublié que Tessa avait un truc important à m’annoncer. Je suis intrigué, ça c’est sûr, mais depuis hier j’ai réussi à me convaincre que ça ne devait pas être si grave si elle disait que “j’allais m’en remettre”. Tout ira bien. Mais je suis loin de m’imaginer ce qu’elle va m’annoncer.
Je savourais chaque instant, chaque minute, chaque seconde passée avec Adriel, comme s’il s’agissait des derniers. Au fond de moi, j’avais extrêmement peur qu’il reparte, parce que je savais qu’il en était capable. Je lui faisais une confiance aveugle, mais je savais à quel point il tenait à sa liberté, à quel point il aimait avoir la possibilité de partir s’il en avait envie et de revenir seulement quand il en aurait décidé. Je lui avais promis de le suivre la prochaine fois, mais s’il partait plus de quelques semaines, plus de quelques mois, je n’étais pas sûre d’être prête à cela. J’étais prête à tout quitter pour lui, mais si cela engendrait de quitter également ma famille, la tâche serait rude pour moi, je ne pensais pas en être capable, choisir entre Adriel et ma famille était simplement un choix impossible à mener. Je ne me sentais pas capable de le laisser repartir à nouveau, comme moi, je n’étais pas sûre de pouvoir changer de vie si radicalement du jour au lendemain. J’avais beau essayer de me chasser cette idée de ma tête, me convaincre que cela n’arriverait plus, qu’Adriel était bel et bien de retour définitivement à Brisbane, je savais que devoir vivre à nouveau son départ n’était absolument pas exclu et rien qu’à cette pensée, j’étais tétanisée, inquiète comme jamais. Même si nous n’avions pas envisagé de nous remettre ensemble, j’avais juste besoin de lui dans ma vie, sous n’importe quelle forme, même si ce n’était que de l’amitié. Depuis que nous nous étions retrouvés un an auparavant, j’en avais d’avantage prit conscience, mais j’avais préféré ne pas aborder ce sujet avec lui, je ne voulais pas le faire culpabiliser de quelque chose qui le faisait tant vibrer, je ne pouvais sciemment pas l’empêcher de vivre comme il le voulait. D’ailleurs, je n’étais personne pour lui demander un tel sacrifice, juste une « amie » de longue date, avec qui il avait eu une relation, avec qui il avait partagé de si bons moments. En tant que petite-amie, je m’étais refusée d’essayer de le retenir, en tant qu’amie, je ne risquais pas de changer mon comportement, malgré toutes mes craintes et mes angoisses.
Comme à son habitude, Adriel n’était pas venu les mains vides. Lorsque nous sortions ensemble, j’avais essayé de freiner cette petite habitude qu’il avait, en lui expliquant que je n’avais pas besoin de tout cela pour être heureuse. Bien entendu, il ne m’avait pas écouté, me précisant que cela lui faisait plaisir et que c’était normal pour lui de le faire. Adriel était sans doute la personne la plus adorable que je connaissais, mais il savait aussi se montrer très têtu quand il l’avait décidé. J’étais touchée de voir que cette habitude n’avait pas changée. Depuis que nous nous étions retrouvés, j’avais parfois l’impression que le temps avait été mis sur pause lors de son voyage et que tout était revenu comme avant, à une exception près. Finalement, maintenant qu’il était revenu, je songeais de plus en plus au fait que, pour ma part, j’aurais très bien pu supporter d’avoir une relation à distance, je n’aurais eu aucun mal à rester seule pendant tout ce temps, si c’était en sachant que nous finirions par nous retrouver. Pour moi, notre séparation avait sans doute été une erreur, mais malheureusement, personne ne pouvait revenir en arrière, parfois dans la vie, nous étions obligés de faire des choix et celui de se séparer avait sans doute était fait beaucoup trop tôt. Peut-être que nous aurions dû essayer, avant de prendre cette décision, mais nous étions jeunes et peut-être un peu trop irréfléchis à l’époque. Il précisa qu'avec ma patience légendaire, il avait plutôt intérêt à vite les trouver, ces feux d'artifices. Je laissais échapper un rire à sa réplique, consciente qu’il avait parfaitement raison. J’étais capable d’user de patience lorsqu’il s’agissait de mes études ou de mon boulot, mais pour le reste, c’était tout autre chose. Adriel me connaissait bien trop pour se laisser berner sur ma personnalité, c’était sans nul doute l’une des personnes de mon entourage qui me connaissait le mieux, j’étais donc mal placée pour essayer de lui faire croire le contraire. « Au pire, je peux toujours me contenter de quelques pétards, c’est moins difficile à trouver. » Bon, c’était moins impressionnant aussi, mais connaissant Adriel, je savais qu’il était capable de remuer ciel et terre alors que cette histoire de feu d’artifice, c’était juste une bêtise sortie comme ça, dans un SMS, au cours d’une discussion totalement lunaire. Adriel m'affirma qu'il prenait soin de son animal, en s'adressant directement à lui. Je couvrais de caresses le chat, nouvellement nommé Chat, qui ne me lâchait plus d’une semelle depuis quelques minutes. J’avais toujours eu un bon feeling avec les animaux, je n’avais pas choisi mon métier au hasard après tout et avec chat, la complicité avait été naturelle, immédiate, comme avec son maître quelques années auparavant, en fin de compte. Il se mit alors à s'adresser à son chat, en disant que s'il ne m'avouait pas qu'il l'avait enfermé dans le frigo la veille, il aurait des croquettes en rentrant. Je levais les yeux au ciel mi-amusée, mi-désespérée. « Tu sais que je t’entends ? » Lâchais-je, non sans une pointe d’humour. Il précisa que pour sa défence, c'est Chat qui avait été se cacher dans le frigo. Je soupirais, emplie d’un profond désespoir, sans être réellement surprise en réalité. « Moi aussi je vais finir par t’enfermer dans le frigo, si tu continues à ne pas prendre soin de MON chat. » Chat n’était absolument pas mon chat, mais c’était une bonne façon de le taquiner. Etant donné que l’animal m’avait adopté à la minute où j’avais passé la porte de l’appartement d’Adri, je pouvais assez jouer sur le fait qu’il m’aimait plus que de raison et que je pouvais me permettre de sous-entendre qu’il était un peu à moi aussi, même si c’était totalement faux. J’allongeais mes jambes pour lui laisser de la place et Chat s’y blottit immédiatement avant de s’endormir, tout en ronronnant. « Je crois qu’il m’a vraiment adoptée. » Laissais-je échapper, dans un petit rire, en continuant de le caresser alors qu’il était bel et bien parti au pays des songes. Lorsqu’il me demanda si Jay ne m’accompagnait pas, je lui répondais, toujours avec le sourire. « J’ai hésité à le prendre, mais si on sort boire un verre après et qu’on doit déposer tes animaux et Jay également, on n’est pas près d’avoir finis. Il m’accompagnera la prochaine fois, là il profite d’une bonne sieste, tu sais à quel point c’est l’une de ses passions premières. » Et voilà que nous partions de nouveau sur cette histoire de licorne. Comme à son habitude, Adriel n’avait pas manqué de me suivre dans mes délires, m’encourageant ainsi à continuer de partir dans mes bêtises. Quand il me demanda si j'avais d'autres cavaliers à licornes dans ma vie, je haussais les épaules. « Pas à ce que je sache. » Quel autre homme qu’Adriel pouvait être considéré comme un cavalier à dos de licorne après tout ? Il n’y en avait aucun à ma connaissance. Sans surprise, il se vengea après que je lui ai barbouillé le nez de crème apparemment surprit que je pense qu'il pourrait ne pas m'en laisser. Je riais à sa réplique. « Je me méfie, je sais à quel point tu es gourmand. » Certainement autant que moi, mais je n’étais pas prête à l’avouer. Il me demanda alors comment j'allais, en m'interrogeant également sur ce dont je devais lui parler. Tout à coup, je perdis passablement mon sourire, sans pour autant prendre un ton grave. Je détestais parler de cela, de peur de la réaction de mes proches. « Je vais un peu pourrir l’ambiance, mais puisqu’il le faut… » Je me devais d’en parler à Adriel, déjà parce que ma famille était au courant et que la nouvelle risquait de s’étendre rapidement… Mais aussi parce qu’Adriel avait une place primordiale dans ma vie et que si lui, m’avait caché une chose aussi importante, je lui en aurais voulu et j’aurais eu raison d’être en colère contre lui. « Tu as du remarquer que je ne bossais pas beaucoup en ce moment… » Commençais-je, amenant le sujet de façon un peu maladroite. « Et probablement que j’ai l’air relativement fatiguée, parfois, quand on se voit… » Je prenais une inspiration, faisant le choix de ne pas tourner autour du pot trop longtemps. « Il y a environ deux mois de cela, j’ai fait un arrêt cardiaque et j’ai été transportée à l’hôpital, avec tous les examens qui ont suivis etc… Tu t’en doutes. » J’essayais d’analyser la moindre de ses réaction, histoire de voir si je devais faire une pause le temps qu’il encaisse ou si je pouvais continuer. « Bref, ils m’ont découvert une malformation cardiaque, mon sang n’irrigue pas suffisamment mon cœur et donc… Je vais devoir me faire opérer fin janvier… En attendant, je suis censée être en repos complet, mais tu me connais. » Commençais-je avant de reprendre : « Enfin, je fais attention quand même, mais c’est une vraie torture pour moi que de rester allongée… » Je faisais une petite pause. « J’ai mis beaucoup de temps à en parler à me propre famille, maintenant il est temps que je sois honnête avec toi… Je ne voulais pas causer de l’inquiétude à mon entourage, mais bon, je vous dois quand même la vérité, surtout que la date fatidique approche… »
Toute cette historie de feux d’artifices, ça a commencé comme une plaisanterie par sms, mais je dois avouer que l’idée de le faire réellement m’a traversé l’esprit. Bon, peut-être pas réellement en faire exploser moi-même, s’entend; à moins que je ne trouve un super tutoriel sur YouTube et que je trouve l’endroit parfait, ça risque d’être plutôt compliqué. Mais l’envie de voir les yeux de Tessa briller sous toutes ces lumières est bel et bien présente. Elle suggère même de remplacer les feux d’artifices par des pétards. Non, mais. C’est pas du tout au même niveau quand même. Je secoue la tête. « Non, tu mérites beaucoup plus que des pétards, toi », j’affirme dans un léger sourire, ne sachant plus moi-même si je me prends au sérieux ou pas.
Chat ne lâche pas Tessa d’une semelle, elle a vraiment un don pour les animaux et je n’ai pas de doutes sur le fait qu’elle a choisi la bonne carrière pour elle. Et cet amour humain-félin semble réciproque, puisqu’elle ne cesse de caresser Peter Quill. Je plaisantais un peu en troquant des croquettes supplémentaires avec mon chat contre le fait qu’il ne dirait pas à Tess que je l’avais enfermé dans le frigo sans faire exprès. Du coin de l’oeil, je la vois lever les yeux au ciel et elle me rappelle qu’elle m’entend. « Ah zut… », je fais dans un sourire espiègle, jouant l’innocent. Je lui explique donc que c’est lui qui est allé s’enfermer dedans, c’est quand même pas moi qui l’ai mis de force. Faut quand même que je garde mon statut de papa de félin digne de ce nom, hein. J’écarquille les yeux lorsque Tessa me dit que c’est moi qui finira dans le frigo si je ne prends pas soin de son chat. « Ton chat? » je m’exclame, faisant semblant d’être offusqué. « Mais franchement, c’est tout comme… », je dis en roulant des yeux à mon tour. Car pour l’instant, aux yeux de monsieur Quill, je n’existe plus. Je lui fais mes yeux de chien battus à Tessa, comme pour la supplier de ne pas m’enfermer dans le frigo pour vrai. « Mais tu sais à quel point je n’aime pas le froid », je lui rappelle. Je me retiens pour ne pas ajouter qu’avec elle pour me tenir compagnie, je pourrais aller au Pôle Nord s’il le faut. Sa présence me réchauffe en tout temps. Tessa allonge ses jambes et voilà une autre preuve que Chat l’adore, il ne tarde pas à y prendre place. La laisse est toujours enroulée autour de mon poignet, mais il l’a complètement oubliée. Tant mieux, d’un sens. « On dirait bien, oui », je soupire lorsqu’elle dit qu’elle croit qu’il l’a adoptée. Mais autant je peux jouer l’agacé quand mon chat semble préférer les autres que moi, autant ça me fait vraiment plaisir de savoir qu’il aime aussi les gens dont je suis proche. Mais puisqu’on parle d’animaux, je lui demande où est son chien, c’est une belle journée pour sortir ses animaux et il est vraiment fun et mignon, le voir courir dans tous les sens pour aller chercher la balle qu’on lui lance est plutôt drôle. Je hoche la tête à ses explications, ça fait beaucoup de sens. « J’avoue que ça aurait été plus compliqué », je concède. Je ris quand elle ajoute que faire une sieste c’est une des passions premières de Jay. « C’est tellement vrai, mais avec toute l’énergie qu’il dépense, faire autant la sieste ne peut pas lui faire de mal s’il veut récupérer. » Je pointe mon chat de mon menton. « Comme lui d’ailleurs, sauf qu’il ne dépense pas autant d’énergie dans une journée, lui. On emmènera juste Jay la prochaine fois qu’on sortira pour que ça soit juste pour lui », j’ajoute. Et peut-être même Yoda, mais c’est encore un petit chaton. « Et puis, Jay n’est pas encore majeur, il ne peut pas vraiment boire un verre avec nous », j’ajoute dans un haussement d’épaules, amusé.
Je lui demande, à demi sérieux, si elle a d’autres cavaliers de licornes dans sa vie, jouant les offusqués. Autant pousser cette histoire de licorne jusqu’au bout. Peut-être que j’aimerais bien être le seul cavalier dans sa vie, peu importe ce que ça veut dire. Mais c’est plus facile de le faire passer en plaisanterie que de l’avouer pour vrai, dans un contexte plus réel. Tessa et moi, nous sommes amis, de très bons amis même; c’est bien comme ça, non? Elle hausse les épaules et répond qu’elle n’en a pas, pas à ce qu’elle sache en tout cas. « Pfiou alors, je n’ai pas trop de compétition », je réponds dans un sourire espiègle. Un peu de glaçage du cupcake se ramasse sur le bout de mon nez lorsque Tessa y pose son doigt sans prévenir. Peut-être qu’elle a un peu raison de penser que je pourrais ne pas lui en laisser, mais dans d’autres circonstances; il est déjà arrivé que je termine un repas ou un dessert en pensant qu’elle n’en mangerait plus — mais ce n’était que dans ma tête. Tess réplique qu’elle sait à quel point je suis gourmand. « Mais non… c’est relatif, c’est tout », je dis avec humour, sachant très bien qu’elle a raison. Tout dépend d’à qui on me compare. On aurait pu croire que cet appétit disparaîtrait avec l’adolescence, mais non. Hélas pour mon porte-feuille, qui doit fournir à chaque semaine en épicerie pour deux alors que je vis seul. « Toi aussi tu fais partie du club, en passant », j’ajoute dans un sourire. Quand on était ensemble, on avait pris l’habitude d’essayer tout plein de recettes qui avaient l’air délicieuses — on alternait avec le take out quand on était trop fatigués de nos études pour nous faire à manger. C’est bien là le seul temps où j’ai vraiment cuisiné, c’est à cause de Tessa.
Son cupcake rendu, je lui demande la raison de cette rencontre d’aujourd’hui. Parce que bon, on n’a pas besoin de raison pour nous voir, mais elle m’a bel et bien écrit hier pour me dire qu’elle avait quelque chose à me dire, et je suis curieux. Une pointe d’inquiétude s’est faufilée au travers de cette curiosité, mais je me dis que ça ne sert à rien de me stresser. Je fronce les sourcils lorsque Tessa me dit qu’elle va un peu pourrir l’ambiance. Je scrute son visage du regard dans l’espoir de déceler qu’elle est sarcastique, mais elle m’a l’air plutôt sérieuse. Je pose ma main sur la sienne dans un geste automatique et je n’y repense pas à deux fois. J’attends patiemment la suite et je hoche la tête lorsqu’elle dit que j’ai dû remarquer qu’elle ne bossait pas beaucoup. Oui, je suppose; depuis un certain temps, lorsque je lui demandais ses disponibilités pour qu’on se voit, elle m’en donnait tout plein; et surtout, elle m’en donnait qu’elle ne m’aurait jamais donné d’habitude. J’ai juste assumé qu’elle avait des journées de congé d’accumulées qu’elle devait prendre avant la fin de l’année. Mais en quoi ça a un lien avec ce qu’elle a à me dire? Et la voilà qui me dit avoir l’air être fatiguée… ce qui est vrai, je l’ai bien remarqué. Oh my God. Elle est pas enceinte quand même? Même si ce n’est qu’une hypothèse, qu’une seule théorie parmi une infinité de théories, j’ai l’impression d’arrêter de respirer. Nous ne sommes plus en couple, avoir un enfant n’était clairement pas dans nos priorités quand nous l’étions, mais qu’avec quelqu’un d’autre… Ça suffit, Adriel. Ça ne servira à rien que je me fasse des histoires alors qu’elle s’apprête à me révéler la vérité. Puis… Un arrêt cardiaque. Elle a fait un arrêt cardiaque. J’ai l’impression que le monde s’arrête autour de moi. Je cligne des yeux. Une fois, deux fois. Je serre sa main d’avantage. « Qu… quoi? » je bégaie. Dites-moi que ce n’est pas vrai, que c’est qu’un rêve. Un cauchemar. Tess m’explique davantage ce qu’est sa condition, qu’elle doit se faire opérer fin janvier. Un rire nerveux, dénué de joie, s’échappe malgré moi. Oui, je la connais, être au repos complet ne lui plaira pas, c’est un fait. Elle a toujours eu besoin de faire quelque chose. Même quand nous regardons des films ensemble, elle finit souvent par faire autre chose en même temps. Alors je doute qu’elle reste vraiment au repos complet, même si elle y est obligée. Une panoplie de pensées indistinctes envahit mon cerveau, je pense à trop de trucs en même temps même si je ne suis pas capable de comprendre ce à quoi je pense. Je sais juste que c’est le chaos dans mon esprit. « Ça fait deux mois que tu le sais, Tess? » je dis, essayant de garder mon visage neutre, mais c’est quasi impossible. Je ne sais pas trop quoi ressentir, là, par rapport à cette nouvelle, mais aussi par rapport au fait que ça fait deux mois qu’elle le sait et que ce n’est que maintenant que je l’apprends. Pas qu’elle est obligée de me le dire de base non plus, ou que ça change vraiment quelque chose que je le sache deux mois plus tard. Mais je ne peux m’empêcher de me sentir… de me dire que j’aurais aimé savoir avant. Mais ses explications, bien entendu, font du sens. Elle a d’abord mis beaucoup de temps à en parler à sa famille, et ils sont bien entendu la priorité pour le savoir. Je ne peux m’empêcher de me demander brièvement si ça aurait été différent si nous avions été en couple. Me l’aurait-elle dit dès le départ? Et Lawrence, lui a-t-elle dit? Et à son copain (dont je ne sais pas grand chose, d’ailleurs? Adriel, stop. Ça suffit. Je tente de calmer mes pensées, de ramener de l’ordre dans ma tête un peu. Je prends une grande inspiration. Je me lève rapidement, regarde autour de moi. J’ai envie de bouger, de marcher, d’évacuer ce que je ressens, là, présentement. Ma Tessa qui a des problèmes de coeur. Je me ravise et me rassois tout aussi rapidement, lève le regard vers elle. « L’inquiétude est inévitable, Tess, parce qu’on t’aime », je lance finalement après un moment de silence. « Et au moins, là, tu ne seras pas toute seule à passer au-travers de ça. » Dans ma tête, c’est clair. Je serai là aussi longtemps qu’elle aura besoin de moi. Et même plus. C’est plus fort que moi, je me penche pour la prendre dans mes bras, un moyen pour calmer mes pensées, mais surtout pour lui dire que je suis là. Du moins, si elle veut bien de moi. Je la serre fort, pose ma main sur ses cheveux, ne résiste pas bien longtemps avant de passer mes doigts dedans. « Est-ce que cette opération… genre après, est-ce que tout sera correct? » je demande en me détachant, repensant au sms dans lequel elle me disait qu’elle ne savait pas ce que l’avenir lui réserverait, mais qu’elle était coriace. « Je peux faire quelque chose Tess? » Je laisse un petit sourire s’esquisser sur mes lèvres. « Si tu t’ennuies trop à rester allongée, appelle-moi — okay? J’accourrai à dos de licorne. Dès que j’en aurai trouvé une. Mais d’abord, ma voiture devra faire l’affaire. » Ce qui est pratique, c’est qu’en tant que travailleur autonome, je peux me mettre disponible pratiquement quand je le veux.
Il refusa de se contenter de quelques pétards, comme je lui avais suggéré, en disant que je méritais mieux que ça. Je lui souriais doucement, en plongeant mon regard dans le sien, touchée par ces simples paroles, en sachant pertinemment qu’Adriel ne les avait pas prononcés à la légère. Parmi toutes les personnes que j’avais rencontré dans ma vie, Adriel était sans aucun doute l’homme le plus gentil que j’avais été amenée à côtoyer. Au moment même de notre rencontre, j’avais été consciente de cette gentillesse qui émanait du jeune homme, il le portait sur lui, il avait cette espèce d’aura qui faisait que vous pouviez lui faire confiance à une vitesse record, et mon pressentiment ne m’avait pas trompé. J’aurais, sans aucune hésitation et depuis bien longtemps déjà, confié ma propre vie entre les mains d’Adriel. Lorsque nous étions en couple, il n’y avait pas un jour où je ne me répétais pas à quel point j’avais de la chance de l’avoir dans ma vie, qu’il m’ait choisie moi et pas une autre… Aujourd’hui encore, je mesurais tout ce qu’il m’avait apporté et m’apportait encore et j’étais heureuse de l’avoir auprès de moi, même si ce n’était pas de la même façon que quelques années auparavant.
Adriel ne manqua pas de m’avouer qu’il avait déjà enfermé notre chat dans le frigo sans le vouloir, j’étais aussi désespérée qu’amusée par la situation. Jay, lui aussi, m’en avait fait voir de toutes les couleurs, intérieurement je compatissais totalement, mais extérieurement, le fait de jouer la fille choquée m’amusait beaucoup trop. Il fut surpris que je parle de son animal comme étant le mien. Je haussais les épaules, un léger sourire au coin des lèvres. Puis, il fut forcé d'avouer que c’était tout comme… J’étais amplement satisfaite d’entendre cela de sa bouche, tellement satisfaite que je ne manquais pas d’en rajouter une couche, juste pour le plaisir. « En plus, moi je n’ai même pas besoin de le nourrir pour qu’il m’aime… » Sous-entendant que, comme tout chat qui se respectait, ce que Chat aimait sans doute le plus chez son maître, c’était sans conteste, lorsqu’il lui donnait à manger. Ce qui n’était pas mon cas à moi, moi, il m’aimait d’un amour sincère. Je le menaçais alors de l’enfermer lui aussi dans le frigo s’il ne faisait pas attention à son animal, ce à quoi il n’hésitait pas à rétorquer que je savais pourtant à quel point il n'aimait pas le froid. Les yeux de chiens battus d’Adri firent leur petit effet, mais j’essayais un maximum de le cacher, pour éviter qu’il n’utilise cette technique fourbe trop souvent. Je soupirais bruyamment, bien volontairement bien sûr, puis portais mon attention sur Chat, comme s’il s’agissait d’un mignon petit bébé humain. « Chat non plus n’aime pas le froid, je te signale ! » Nous en venions finalement à parler de Jay et du fait qu’il n’était pas présent avec nous. J’avais hésité à le prendre, mais j’avais fini par me résigner, histoire de ne pas devoir écourter notre rendez-vous, sachant que nous ne pourrions pas l’emmener partout. Cela faisait bien trop longtemps que je n’avais pas passé ce genre de moments avec Adriel, je ne comptais pas prendre le moindre risque que cette journée se termine trop rapidement, surtout après l’annonce que je m’apprêtais à lui faire. Heureusement que Chat compensait un peu l’absence de mon compagnon de toujours, puisque dans un moment comme celui-là, Jay était toujours avec moi, habituellement. Si mon chien n’avait pas eu un passé facile, je ne doutais pas du fait qu’il était pleinement heureux et épanouis à présent et je comptais tout faire pour que ce soit toujours le cas, quitte à le traiter un peu comme un enfant, parfois. Je hochais vigoureusement la tête lorsqu’Adriel proposa de sortir avec mon chien la prochaine fois, heureuse de pouvoir passer un autre moment avec mon toutou (même si nous étions ensemble 95% du temps depuis quelques semaines. « Il t’aime bien Jay, en plus… » Commençais-je, avec un petit air taquin. « Peut-être pas autant que Chat m’aime, mais il t’aime bien quand même. » Et pourtant, mon chien avait adopté Adriel au moins aussi rapidement que Chat m’avait adopté. A peine l’apercevait-il qu’il lui faisait la fête comme s’il ne l’avait pas vu depuis dix ans, j’en étais presque jalouse.
Adriel m’avait demandé, avec inquiétude, si j’avais d’autres cavaliers de licornes dans ma vie. Ma réponse fut négative, bien évidemment, qui d’autre qu’Adriel était assez fou pour se qualifier de la sorte. Ce genre de délires dans lesquels je pouvais m’embarquer parfois, étaient réservés au jeune homme et à personne d’autre. Heureusement d’ailleurs, lui seul était apte à entendre ce genre de chose sans me prendre pour une folle, bonne à être enfermée dans un hôpital psychiatrique. « Ne t’inquiète pas, même si un jour je rencontre un autre cavalier de licorne, tu seras quand même toujours mon préféré… » Même si j’étais sincère en lui faisant part, de façon voilée, que j’étais particulièrement attachée à lui, je ne prenais pas beaucoup de risque en lui promettant ce genre de choses. Forcéement, la gourmandise du jeune homme revint sur le tapis. Adriel avait toujours été particulièrement gourmand, un défaut que je partageais très certainement avec lui. Je levais donc les yeux au ciel à sa réplique. « C’est relatif ? Crois-moi, en cas d’apocalypse, jamais je resterais avec toi, je mourrais de faim au bout de deux jours ! » A deux, en cas de fin du monde, ce n’était même pas la peine d’y penser, nous ne vivrions certainement que pour nous chercher à manger, quitte à prendre des risques inconsidérés pour cela. « Moi je ne suis pas gourmande du tout, il n’y a qu’à voir ma silhouette de rêve. » J’avais surtout beaucoup de chance de ne pas prendre de poids et d’être plutôt sportive, il fallait l’avouer. « Bon, j’aime quand même bien les pâtisseries, mais c’est de ta faute aussi, tu m’en achètes tout le temps. » C’était beaucoup plus simple de rejeter la faute sur Adriel après tout, bien plus simple que d‘avouer que si je pouvais manger à longueur de journée, je le ferais avec grand plaisir et sans l'aide de personne.
Adriel avait finalement demandé ce que j’avais de si important à lui annoncer. En réalité, même si la présence d’Adri ne pouvait m’être que bénéfique lors de cette épreuve, je n’avais aucune envie d’aborder ce sujet, j’avais bien trop peur. Peur de lui faire du mal, peur qu’il se focalise bien trop là-dessus, peur de le tracasser plus que de raison. Pourtant, il fallait bien que je passe par là, j’avais le devoir de lui dire, je ne pouvais pas lui cacher une chose pareille, ni l’empêcher d’être présent pour moi pendant cette période. J’avais longuement réfléchi à la façon dont je pourrais lui annoncer les choses et j’avais choisi de ne pas tourner autour du pot, simplement parce que si je l’avais fait, je ne l’aurais que fait angoisser d’avantage, alors que le résultat final restait le même. Rapidement, Adriel avait compris la gravité de la situation, puisqu’il avait posé sa main sur la mienne. Avec Adri, nous avions toujours eu la faculté de nous comprendre par de simples gestes, de simples regards et je ne pouvais que constater, une fois de plus, que cette particularité que nous avions ne s’était pas atténuée avec le temps. Ce geste, aussi anodin pouvait-il être, me donnait du courage supplémentaire pour tout lui dire, pour arrêter de réfléchir et poursuivre mes explications, sans paraître trop touchée par la situation. J’avais beau ne pas avoir peur, ne pas spécialement avoir conscience des risques que j’encourrais, préférant me voiler la face que de prendre conscience de la réalité, cela n’empêchait pas que je traversais une période des plus compliquées et que savoir qu’à présent, Adriel pourrait être là pour m’aider à tout surmonter me rassurait grandement. Je le sentais rapidement resserrer ma main avec la sienne, visiblement sous le choc de mon annonce. J’aurais aimé le préserver d’avantage, mais si pour cela je devais mentir, je n’en étais tout bonnement pas capable. Il sembla surpris d’apprendre que cela faisait deux mois que j’étais au courant, sans pour autant lui avoir dit. C’était plus ou moins ce que je craignais, même si je savais qu’Adriel n’était pas du genre à me faire un scandale pour ce genre de choses, je savais que le choc devait être d’autant plus important en sachant cela. « Oui… Je suis désolée… J’ai voulu te protéger, te préserver mais… Je me dis que c’était ridicule de ma part, je ne peux pas te mentir plus longtemps, je te dois la vérité, même si ce n’est pas facile… » Il commença à se lever, je sentais sa main lâcher la mienne et mon cœur manqua un battement. J’aurais aimé atténuer les choses, mais la situation était malheureusement telle qu’elle était et maintenant que je m’étais lancée dans mon récit, je ne pouvais plus faire autrement. Il se rassied rapidement, avant de m’avouer qu’il se ferait forcément du souci puisqu’il m’aimait sincèrement, ce qui rendait son inquiétude inévitable. « C’est justement parce que moi aussi je t’aime, sincèrement, que j’ai essayé d’éviter de te dire tout ça, pendant si longtemps… » Dans un même mouvement qu’Adriel, comme si nous nous étions concertés sans que ce ne soit réellement le cas, je me blottissais dans ses bras, en prenant une profonde inspiration. Jusqu’à présent, je n’avais jamais craqué, que ce soit en l’annonçant à ma famille ou en apprenant la nouvelle, mais étrangement, la situation, ma proximité avec Adriel, me suffit à baisser mes armes et une larme perla le long de ma joue, sans que je ne trouve suffisamment de forces pour la contenir. Brusquement, je me rendais compte à quel point le jeune homme était important pour mon équilibre, bien plus que je n’aurais pu l’imaginer, et surtout, à quel point j’avais souffert d’être loin de lui si longtemps, de ne plus avoir la possibilité de partager ce genre de moments, de me sentir si bien dans ses bras, que je n’étais même plus capable de me cacher derrière ma façade qui masquait pourtant si souvent mes émotions. Je ne bougeais plus, je n’avais plus envie de bouger, j’essayais de combattre mes émotions qui s’étaient brusquement amplifiées par le geste de réconfort d’Adriel. Moi qui je ne voulais pas que cette annonce prenne de trop grandes proportions, je venais littéralement de perdre pied. Il me demanda si après cette opération, ma vie allait reprendre son cours, tout en se détachant de moi. J’essuyais mes quelques l’armes d’un revers de main, en lui adressant un sourire timide, cherchant à rester rassurante malgré tout. « Oui, il me faudra juste le temps de me remettre de mon opération et tout ceci ne sera qu’un mauvais souvenir. » Presque inconsciemment, je cherchais sa main pour la serrer dans la mienne. J’avais juste besoin de ce contact physique, besoin de le sentir là, avec moi, avant que la brutalité de notre nouvelle séparation m’envahisse à nouveau. Si j’avais pu être avec Adriel perpétuellement, ou du moins, la plupart du temps, j’aurais, sans nul doute, été la plus heureuse des femmes. Malheureusement, c’était impossible, malheureusement, la situation ne s’y prêtait pas, il fallait bien que je me fasse une raison. « Tu es adorable, je ne dirais pas non pour quelques soirées au calme chez moi, parce que même si je ne te le dis pas forcément… » Je lui souriais doucement, sincèrement, tout en marquant une petite pause, avant de reprendre, soudainement plus sereine : « Tu me manques beaucoup… Et ce n’est pas que par rapport à ma maladie, je parle de manière générale, même si je ne te le dis pas forcément… » Je voulais éviter de le contraindre à quoique ce soit, qu’il s’empêche de faire des choses pour passer du temps avec moi, mais j’avais besoin de lui dire, parce que plus le temps passait et plus je prenais conscience de ce que je pouvais ressentir lorsque nous ne nous voyions que trop peu. Je tenais énormément à Adriel et je tenais à ce qu’il le sache, c’était le moment où jamais après tout.
Lorsque Tessa appelle mon chat son chat, je joue aux offusqués, un peu surpris, même si je suis forcé d’admettre par la suite que c’est tout comme, vu leur affection mutuelle. Je peux bien jouer aux offusqués, mais ça ne me dérange pas réellement, même au contraire, ça me fait plutôt plaisir. J’affiche une moue boudeuse lorsqu’elle affirme qu’elle, elle n’a pas besoin de le nourrir pour qu’il l’aime. Je marmonne du n’importe quoi inintelligible, juste pour bouder un peu plus, mais au fond, ça m’amuse. C’est clair que ma relation avec Chat a commencé par le fait que je suis celui qui le nourrit le plus souvent, mais je sais que c’est allé plus loin que ça depuis. Si Tessa ou Erin ne sont pas dans les parages, il ne se gêne pas pour me donner de l’affection, loin de là. Il dort avec moi la majorité des nuits. Mais lorsqu’une des deux est présente, je redeviens le maître qui donne de la bouffe et that’s it. L’épisode du frigo, il faut avouer, m’a fait peur sur le coup — et si je ne m’en étais pas rendu compte? —, mais avec un peu de recul, je trouve ça plutôt drôle. C’est avec mes yeux de chien battu que j’affirme à Tess que je n’aime pas le froid lorsqu’elle dit vouloir m’enfermer, moi, dans le frigo; mais, hélas, ça ne semble pas fonctionner. Peu après, elle soupire exagérément (si vous voulez mon avis) et elle réplique que Chat aussi n’aime pas le froid. Okay, je suis forcé d’admettre qu’elle a raison, mais ce n’est pas pour autant que je vais le faire tout haut. « C’est lui qui s’est mis dedans, je te dis », je lui répète en riant. Tess et moi avons l’habitude de pousser nos délires loin, nous nous connaissons si bien et depuis si longtemps que nous n’avons pas peur de plaisanter l’un avec l’autre. C’est libérateur, sentir que je peux être moi-même à 1111% avec elle. Je mentionne son chien et, puisqu’il a dû rester chez elle pour aujourd’hui, je propose qu’on l’amène juste lui pour une prochaine fois, histoire que ça soit égal. Comme deux parents qui cherchent à égaliser le temps qu’ils passent avec leurs enfants — dans ce cas, nos fur babies. Tessa semble ravie à cette idée, je sais à quel point elle voue un amour inconditionnel à Jay. Elle ajoute qu’il m’aime bien aussi. Je me désigne d’un geste de la main, une lueur espiègle dans les yeux. « Il m’aime plus que bien, tu veux dire! » je corrige. Jay est un chien ultra affectueux et je crois qu’il m’a vraiment adopté. Chaque fois que j’entre chez sa maîtresse, il se rue vers moi et me fait comprendre qu’il veut que je joue avec lui. Tess ajoute qu’il ne m’aime pas autant que Chat l’aime et je roule des yeux. « Pfff, pas vrai », je dis dans un sourire amusé. Comme pour prouver son point à elle, Peter Quill se frotte la tête contre sa cuisse. Traître.
Je suis rassuré lorsque Tessa me confirme que je suis le seul cavalier de licorne qu’elle a — à ce qu’elle sache — et elle me somme de ne pas m’inquiéter, que je serai toujours son préféré si elle en rencontre un autre. Il n’y a pas juste pour ça que j’aimerais être ton préféré. Aussitôt qu’elle me vient en tête, je bloque cette pensée. Non, Tessa et moi, amis, c’est parfait comme ça. Elle est en couple. Tout ce que je veux, c’est qu’elle soit heureuse, voilà. « Me voilà rassuré », je tente de dire le plus sérieusement du monde, mais c’est raté. Dans les concours du genre “le premier qui rit perd”, je suis le premier à perdre. Puis, elle me traite de gourmand et, pour ma défense, je déclare que c’est relatif, tout dépend d’à qui on me compare pour la gourmandise — elle l’est pas mal aussi, t’sais. C’était un de nos nombreux hobbies quand nous étions ensemble que de découvrir des nouveaux restaurants de partout dans le monde (mais à Brisbane). Une fois, persuadés qu’on avait fait le tour dans notre ville, nous étions allés dans la ville d’à-côté pour en découvrir d’autres. Nous étions revenus à Brisbane le ventre tellement plein qu’on n’avait même pas pu terminer le film qu’on a commencé en revenant parce qu’on s’est endormis. Tessa parle maintenant d’apocalypse et qu’elle ne resterait pas avec moi si ça arrivait parce qu’elle mourrait de fain. « Hey! » je m’exclame en fronçant les sourcils. « Tant pis, moi qui voulais te protéger avec mes gros muscles… », je réponds en fléchissant le biceps. Je me tiens en forme, mais je ne fais pas de poids haltères et donc je suis loin d’être Dwayne Johnson, disons. Et maintenant, la voilà qui utilise comme argument qu’elle n’est pas gourmande et qu’elle a une silhouette de rêve. Je me force à garder les yeux sur son joli visage, alors que je suis bel et bien tenté de parcourir son corps en entier… C’est vrai qu’elle a une silhouette de rêve, je l’ai toujours trouvé tellement belle de la tête aux pieds. « Tu sais très bien que ça ne veut rien dire, Tess, c’est pas parce que tu as une silhouette de rêve que tu ne manges pas grand chose… », je réponds en riant. « J’en suis la preuve, avec mon corps de rêve, t’sais », j’ajoute avec un clin d’oeil. La modestie, c’est ma spécialité. Elle avoue finalement qu’elle aime bien les pâtisseries, mais que c’est de ma faute parce que je lui en achète tout le temps. « Pff, j’ai compris, je ne t’en achèterai plus », je fais, taquin. « Mais je pouvais pas résister en voyant la petite licorne. » Bien entendu, c’est oublier le fait que je suis allé spécifiquement à cette pâtisserie pour lui acheter un dessert quelconque.
La conversation devient plus sérieuse lorsque je lui rappelle qu’on devait se voir aujourd’hui spécifiquement parce qu’il faut qu’elle me dise quelque chose. Je ne tarde pas à poser ma main sur la sienne pour l’encourager à poursuivre, sentant que ça doit être plus grave que ce que je ne l’aurais cru. Fidèle à mon habitude, j’essaie de ne pas me stresser avant que la vérité ne sorte parce que je sais très bien que ça ne sera pas utile pour personne. Le non-verbal, entre Tessa et moi, a toujours été plutôt fort et nous avons appris à nous décoder à force de passer autant de temps ensemble. Mon ventre se sert lorsqu’elle m’avoue avoir fait un arrêt cardiaque, j’étais loin de m’attendre à un truc du genre. Mais aussi, je suis surpris qu’elle ait attendu deux mois pour me le dire et un peu fâché contre moi-même de réaliser que je n’ai rien remarqué. Il faut dire que je suis un peu blessé qu’elle ne me l’ait pas dit avant, mais je tente de me raisonner en me mettant dans ses souliers; elle affirme avoir eu de la difficulté à le dire à sa famille et qu’elle a voulu me protéger. Je hoche la tête doucement, tentant de faire de mon mieux pour comprendre. Au final, elle me l’a dit, c’est l’important. « Je comprends… » je murmure. Pris d’un énorme besoin de bouger comme chaque fois que j’ai trop d’émotions en moi et que je ne sais pas quoi faire avec elles, je me lève, avant de me rassoir aussitôt. Non, pour l’instant, je dois me concentrer sur Tessa, sur ses émotions à elle. J’affirme avec certitude que c’est parce qu’on l’aime qu’on s’inquiète pour elle, c’est inévitable. Je lève le regard sur elle lorsqu’elle me dit que c’est parce qu’elle m’aime sincèrement qu’elle a essayé d’éviter de me le dire. Je lui offre un petit sourire triste, même si ça me fait chaud au coeur d’entendre qu’elle m’aime. Il n’y a pas de doute, on n’est peut-être plus en couple, mais on va toujours s’aimer, elle et moi — même si ce n’est pas amoureusement. Elle est trop importante pour moi pour que j’arrête de l’aimer d’une quelconque manière que ce soit. J’ai envie de lui répondre que moi aussi je l’aime, de manière plus spécifique, alors qu’il y a deux secondes je généralisais ça pour sa famille et moi pour éviter de lui dire directement que je l’aime. Je n’ai jamais eu de misère avec ces mots-là, pourtant, mais là je bloque. Parce que j’ai l’impression que si je lui dis moi aussi, je t’aime, Tessa, que je vais me trahir — qu’elle saura immédiatement que je l’aime plus que comme amis. Et je ne suis même pas certain que moi, je sois prêt à ça… Je l’attire plutôt à mes bras et je les resserre autour d’elle. Je colle mon visage près de son cou, ferme les yeux un moment. Je l’entends prendre une grande respiration et je resserre un peu plus mon étreinte. Pour la connaître autant, je sais qu’elle a tendance à retenir ses émotions pour que, de l’extérieur, elle ait l’air d’aller bien. C’est sa manière de protéger ses proches, je crois. Mais je ne peux qu’imaginer que ça n’a pas dû être facile après sa condition. Je ne le réalise même pas encore tout à fait, je crois. Mon coeur bat la chamade, mes pensées se bousculent. Juste avant de me détacher, je colle mon front contre le sien et laisse nos souffles s’entremêler le temps de deux secondes… avant de me détacher un peu plus rapidement avant que je ne fasse une bêtise. Je lui demande si cette opération va tout régler et je l’observe sécher ses larmes du revers de la main. La voir comme ça me brise le coeur. Je repère une larme qui n’a pas été essuyée et je la balaie de mon pouce, doucement. Tess m’adresse un tout petit sourire et me répond que oui, la vie va reprendre son cours, mais que ça va lui prendre un moment pour se remettre de son opération. Je ne peux qu’imaginer… une opération au coeur. Ça me terrifie rien que d’y penser. Ça va aller, ça va aller. Je sens sa main trouver la mienne, je mêle mes doigts aux siens sans hésiter. Je fais de mon mieux pour que mes inquiétudes ne transparaissent pas sur mon visage, pour ne pas l’inquiéter, elle, davantage. Je lui demande si je peux faire quelque chose et je lui propose même de venir la voir si elle s’ennuie trop. La pauvre, elle risque de trouver le temps vraiment long si elle doit rester allongée le temps qu’elle se rétablisse. Elle ne dirait pas non pour des soirées au calme chez elle — je ne peux pas m’empêcher de me demander comment ça va être possible avec nous deux qui avons constamment besoin d’être en mouvement, mais on verra rendus là —, et sa phrase se perd alors qu’un sourire se pose sur ses lèvres. Mon coeur fait des sauts dans ma poitrine lorsque Tess me dit que je lui manque beaucoup, de manière générale. Je lui manque. Je lui offre un regard tendre, un sourire se dessine également sur mes lèvres, mon coeur bat un peu plus vite. « Toi aussi, mais… » Je laisse un peu de suspens, incapable de rester trop sérieux aussi longtemps. « Tu manques beaucoup à Rocket, il n’arrête pas de me parler de toi, tu sais. » Et pour soutenir mes propos, j’ouvre la petite cage de mon hérisson et soulève délicatement la couverture sous laquelle il est caché pour le mettre à découvert. Il ouvre les yeux et je tends une main pour le caresser doucement sous le museau, qu’il puisse reconnaître mon odeur avant de le sortir de la cage. Je le pose entre Tessa et moi, il regarde un peu partout pour prendre ses repères. Deux secondes après, il a déjà repéré Tessa (ou plutôt le parfum qu’elle dégage, qui doit lui être assez familier depuis le temps) et il essaie de grimer sur sa jambe, près de Peter Quill. « Tu vois à quel point tu lui manquais », je lui fais remarquer dans un haussement d’épaules. « Au fait, qui va s’occuper de Jay et Yoda quand… » Je marque une pause, ma voix diminuant pour la suite. « … tu vas te faire opérer? » Ça me semble surréel dans ma tête.
Je n’avais jamais douté de la façon dont Adriel s’occupait des animaux, bien au contraire, s’il y avait une personne à qui je confierais Jay et Yoda les yeux fermés, c’était bien lui. C’est pourquoi je m’amusais à le taquiner sur le sujet, un sujet qui ne m’amusait absolument pas s’il était abordé sérieusement. Il n’y avait qu’à voir l’émotion sur mon visage lorsque mon regard avait croisé celui de Jay pour la première fois. J’avais senti tant de souffrances, de méfiance envers l’humain, ce simple regard m’avait totalement meurtrie et il m’avait suffi pour me décider à le sortir du refuge. Après un an, le regard de Jay avait radicalement changé, tout autant que son comportement et c’était très certainement la réussite dont j’étais le plus fière, bien plus que ma réussite professionnelle. Maintenant qu’Adriel et moi en étions venus à débattre sur cette histoire de Chat enfermé dans le frigo du jeune homme, je n’étais pas prête de le lâcher avec cette histoire, je risquerais même grandement de lui en parler pendant encore des années durant. Il me précisa, une fois de plus, que c’était Chat qui s’était mis tout seul dans ce pétrin. Je levais les yeux au ciel avec exagération, volontairement. Je n’en doutais pas une seconde, mais je ne comptais pas le laisser s’en sortir si facilement pour autant. « Ah oui ? Et c’est Chat qui a fermé la porte du frigo peut-être ? » Je le fixais, en essayant de garder mon sérieux, mais cela ne dura pas, rapidement, je me mis à pouffer de rire, malgré le fait que j’avais tenté, en vain, de me mordiller la lèvre inférieure pour me retenir. Parce que clairement, j’avais beau avoir vu un nombre incalculable d’animaux défiler dans le cabinet vétérinaire dans lequel j’avais travaillé, jamais je n’avais vu un chat capable de fermer une porte de réfrigérateur et encore moins, de l’intérieur de celui-ci. Autant dire donc, qu’à moins que Chat ait des pouvoirs magiques, c’était juste invraisemblable… Ou alors, peut-être s’était-il mis de mèche avec Rocket, mais encore une fois, je n’avais jamais entendu parler de hérissons capables de fermer une porte… Peut-être alors que c’était bel et bien le hérisson qui avait des pouvoirs, peut-être que c’était une sorte de super héros des hérissons, que sais-je. Après tout, cohabiter depuis si longtemps avec Adriel n’était pas déjà un super pouvoir, en soi ? Lorsque le sujet de Jay était abordé, je haussais les épaules à la remarque d’Adriel, bien forcée de constater que, contre toute attente, il avait raison. Les animaux avaient cette espèce de sixième sens qui faisait que, parfois, ils pouvaient s’attacher très vite à une personne, comme être très méfiants avec d’autres. Jay avait toujours adoré Adri et le fait que le jeune homme et moi soyons aussi proches n’était certainement pas passé inaperçu aux yeux de mon plus fidèle compagnon.
J’affirmais clairement à Adriel qu’il était mon cavalier de licorne préféré, ce qui n’était pas bien compliqué en soit, puisqu’il était le seul et unique que je connaissais. Pourtant, il semblait en être plutôt fière et c’était tout à son honneur. Ne voulant pas briser son moment de fierté intense, je haussais les épaules, avec un léger sourire aux coins des lèvres. « J’espère que tu te rends au moins compte de la chance que tu as… C’est quand même la plus grande marque d’affection que je pouvais te donner en t’offrant ce titre. J'espère que tu en seras digne.» Je tournais le sujet à la dérision, comme je le faisais souvent en présence du jeune homme, mais s’il y avait bien une chose qui était réelle, masquée par mes plaisanteries, c’était bien l’importance qu’Adriel était dans ma vie. C’était fou comme, après des années en ne se voyant que trop peu, nous avions pu retrouver notre complicité d’antan en l’espace d’un an. Adriel avait toujours eu une place de choix dans ma vie, même quand il n’en faisait plus complètement parti au vu de la distance qui nous séparait. Grâce à lui, ma vie avait, sans conteste, prit une toute autre saveur, dès qu’il avait commencé à prendre de la place dans mon quotidien. Il avait été mon premier amour, mais aussi un ami d’une extrême fidélité. A ce jour, encore, j’étais tout bonnement incapable de mettre un mot sur ce que je ressentais le concernant, parce qu’il était bien plus qu’un simple ami et que, même si nous ne sortions plus ensemble, il avait gardé cette importance dans ma vie qui m’était chère, peut-être encore plus qu’elle ne l’avait été lorsque nous étions officiellement ensemble. Adriel, c’était simplement LA personne que je ne supporterais jamais de perdre, au même titre que les membres de ma famille. Il m’avait prouvé plus d’une fois que jamais il ne me laisserait tomber et c’est pourquoi je n’avais aucune crainte à ce propos, aucune peur de le voir disparaître un jour, parce que ce qui nous liait était trop fort pour que quoique ce soit, ou qui que ce soit, puisse y mettre un terme. Il m’avoua qu’en cas d’apocalypse, il comptait me protéger avec ses gros muscles. Je pouffais de façon exagérer alors qu’au fond, je n’en doutais pas une seule seconde. « C’est peut-être moi qui serais chargée de te protéger, qui sait ? » J’avais peut-être un caractère impulsif, qui me mettait parfois dans des situations cocasses, je ne savais absolument pas me battre ou quoique ce soit d’autre, j’avais tout bonnement une force de mouche. Heureusement pour moi, je n’avais jamais eu l’occasion d’en venir réellement aux mains, une fois dans ma vie, sinon je me serais probablement ridiculisée. Nous changions finalement de sujet de conversation. Tous deux, nous avions, sans conteste, la gourmandise en commun et depuis des années, nos plus grands débats tournaient autour du fait qu’aucun des deux ne pouvait départager qui d’Adri ou de moi était le plus gourmand (même si je savais au fond de moi que c’était Adriel, bien entendu.) Je lui affirmais que je ne pouvais pas être si gourmande que cela, compte tenu de ma silhouette de rêve, ce à quoi il n'hésita pas à répliquer que lui aussi, avait un corps de rêve. Je haussais les épaules, forcée d’avouer que ce n’était pas faux, même si je n’irais pas jusqu’à le clamer haut et fort, bien entendu. « Oui et ben, en attendant, tu manges quand même beaucoup plus que moi. » J’étais clairement à court de répartie, Adri me connaissait bien trop pour pouvoir démonter mes arguments les uns après les autres. Il me menaça de ne plus m’acheter de pâtisseries. J’ouvrais de grands yeux, choquée par son annonce, c’était presque comme si on venait de m’annoncer que la terre venait d’arrêter de tourner. « Non, surtout pas ! » Lançais-je, avant de tenter de me reprendre : « Enfin, même si je pourrais m’en passer, bien entendu. » La mauvaise foi absolue.
Forcément, Adriel n’avait pas manqué de me demander quelle était l’annonce que je devais lui faire. Même si je savais que le jeune homme n’était pas vraiment du genre à s’énerver ou à prendre la mouche pour peu de choses, j’avais peur qu’il m’en veuille de ne pas lui avoir avoué la vérité avant. Plus le temps passait et plus je me rendais compte que j’avais merdé avec mon entourage. A vouloir protéger tout le monde, à vouloir préserver ceux que j’aimais, j’avais fait bien plus de mal que si je m’étais contentée de tout dire directement. Pourtant, cela aurait été bien plus simple pour moi de téléphoner à mes plus proches amis, ainsi qu’à ma famille, lorsque j’avais été hospitalisée la première fois et d’en faire de même, pour les personnes qui m’étaient moins proches, lorsque j’avais été de retour chez moi. Cela aurait été plus simple pour mes proches, mais aussi pour moi, qui aurait été davantage entourée et qui aurait certainement mieux vécu la chose. Fort heureusement, Lawrence avait été là dès le départ, à l’arrivée de pompiers, pendant mon hospitalisation, puis régulièrement lorsque j’étais rentrée chez moi. En plus d’avoir été là, il avait gardé précieusement mon secret, ce qui, en fin de compte, ne m’avait pas arrangé tant que cela. Seulement, maintenant, je regrettais de ne pas avoir averti plus de monde, dont Adriel. Je ne doutais pas que le jeune homme aurait été particulièrement présent et en plus du fait que cela m’aurait permis de le voir plus souvent, j’aurais très probablement eu davantage le moral. Maintenant, je payais les conséquences de mes actes. J’aurais dû ne pas réfléchir autant que je l’avais fait, j’aurais simplement dû agir, comme il était normal d’agir dans une pareille situation. Je voyais bien que mon annonce le perturbait mais pourtant, il gardait le plus grand des calmes, me rassurant, sans avoir besoin d’employer le moindre mot. Ses gestes tendres et délicats m’apaisaient instantanément. Pour la première fois depuis longtemps, je me sentais totalement sereine, comme si tout le négatif venait brusquement de partir en fumée. Adriel m’avait toujours fait cet effet-là, ce qui m’avait longuement convaincu du fait qu’il était sans conteste l’homme qu’il me fallait, celui qui partagerait mes jours pour les dizaines d’années à venir. Pourtant, maintenant que nous n’étions plus ensemble, cela me procurait toujours le même effet, me perdant dans une totale incompréhension. Comment était-il possible que je ressente toutes ses choses en étant censée ne plus être amoureuse de lui ? Comment ne pas culpabiliser de me sentir si bien sans ses bras alors que je partageais une relation si complice avec Andrew ? Alors que nous restions collés l’un à l’autre le temps d’une étreinte réconfortante, il se détacha de moi avant de poser son front contre le mien. Je prenais une nouvelle inspiration tout en fermant les yeux. J’avais brusquement l’impression d’être projetée à des années en arrière, à cette fameuse époque où notre inconscience nous faisait oublier les difficultés de la vie, lorsque nous étions juste bien, tous les deux, prêts à déplacer des montagnes ensemble, lorsque je ne pouvais m’imaginer construire une famille, acheter une maison, me marier que sais-je ? Sans l’ajouter dans l’équation. J’ignorais toujours pourquoi j’avais accepté de rompre, j’ignorais toujours pourquoi j’avais laissé ce réel bonheur, celui que je n’avais jamais réussi à atteindre pleinement de nouveau, s’évaporer sans chercher à me battre contre cela. Chaque personne avait fait des erreurs au cours de sa jeunesse, des erreurs que l’on pouvait parfois amèrement regretter. On pouvait croire que j’avais toujours eu une vie parfaite, contrôlée et si enviée, pourtant, ma plus grosse erreur, celle que je regrettais le plus amèrement, c’était tout bonnement d’avoir laissé filer l’homme que j’avais toujours aimé et pour qui, encore aujourd’hui, j’avais encore tant de sentiments. J’ouvrais à nouveau les yeux, je me battais intérieurement pour ne pas flancher, pour ne pas laisser mes lèvres se poser sur les siennes, comme au bon vieux temps. Retrouver cette insouciance, cette force qu’il avait pu me donner et oublier qu’en réalité, la vie était bien différente de celle que j’aurais voulu espérer. Lorsqu’il se recula, je fus partiellement soulagée, mais mon cœur se brisa en mille morceaux. J’essayais de me reprendre, de me dire que tout cela, c’était fini. J’avais beaucoup de chance d’avoir Andrew dans ma vie, j’étais loin d’être à plaindre, ce n’était sûrement pas le moment de faire une erreur que je risquais de regretter, une erreur qui, en plus de briser le cœur d’Andrew, pourrait rompre la relation qui me restait avec Adriel et à laquelle je m’accrochais, sans relâche. Rapidement, Adriel changea de sujet de conversation, sans doute un peu troublé par la situation, ce qui n’avait rien de vraiment étonnant. J’attrapais Rocket pour le poser sur mes jambes, à côté de Chat et le caressais doucement. Adriel m’affirma que je lui avais manqué, ce à quoi je répondais, avec un sourire : « Tes animaux sont totalement accro à moi, je crois que tu ne pourras jamais lutter contre ça. » Il me demanda alors qui ‘allait s’occuper de Jay et Yoda pendant mon absence. J’étais tellement perturbée depuis plusieurs semaines que je n’avais même pas songé réellement à cela. Je haussais les épaules. « Je t’avoue que, pour une fois, je ne me suis pas vraiment organisée sur ce point… » Commençais-je, avant de lui sourire. « Si ça ne te dérange pas, tu veux bien t’en charger ? Je sais qu’ils t’adorent et qu’ils seront entre de bonnes mains… » Je ne doutais pas du fait qu’il accepterait, sachant très bien que dans la mesure du possible, Adri était toujours là pour me filer un coup de main et dans ce genre de situations, il était impossible qu’il refuse, même si je ne lui en voudrais pas s’il m’avouait ne pas avoir le temps en ce moment, bien évidemment.
Malgré cette bataille intérieure qu’il fallait que je livre contre moi-même pour ne pas céder face à cette complicité qui n’avait fait que s’accroit à la suite de cette annonce, nous avions continué à discuter, de façon un peu plus légère, dédramatisant ainsi une situation qui n’était absolument pas facile à vivre. Ce temps passé au parc nous mena ensuite un instant chez Adriel, le temps qu’il dépose ses petits compagnons, puis nous avions fini la soirée autour d’un verre, après avoir fait disparaitre ces histoires de maladie et d’opération de notre discussion. Lorsque fut le moment de nous quitter, je l’avais serré très fort dans mes bras, avant de lui déposer un baiser sur la joue, prenant volontairement le temps de faire perdurer ce contact physique qui, je le savais déjà, me manquerait si cruellement le temps de notre séparation. « Merci pour ce moment, je ne sais pas comment je ferais sans toi… » Avais-je commencé. « On se voit bientôt. Ce n’est pas une question mais une affirmation, quelques jours sans toi, c’est déjà bien trop long. » Nouveau bisou sur la joue, je lui souriais doucement. « Dans tous les cas, tu vas me manquer… » D’ailleurs, ce fut malheureusement le cas et ce, à la minute même où le jeune homme eut disparu de mon champ de vision. Heureusement, je savais que cette séparation serait éphémère, je n’avais plus qu’à prendre mon mal en patience.