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 linger on your pale blue eyes | willer #41

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Message(#)linger on your pale blue eyes | willer #41 EmptyMar 5 Jan 2021 - 4:23

Ils sont rentrés et pour de vrai. Le salon sentait la moisissure, odeur des fraises abandonnées par Saül le jour où Ariane est partie pour Paris. Tout est resté exactement en place, jusqu’aux draps jetés en vitesse sur le lit. Maintenant, tout a retrouvé sa juste place. Même la montre, qui a retrouvé le poignet d’Ariane. Saül n’a de cesse de jouer avec le cadeau offert à Paris - symbole de leur alliance nouvelle - comme un jeune marié qui ne s’habitue pas à porter un anneau doré à l’annulaire. « C’est trop salé. » C’est juste parfait et il n’a pas vraiment grand chose à redire, le grincheux qui tire la couverture sur Ariane par dessous le plat qu’ils partagent. Ils ont élu domicile sur le canapé, blottis l’un contre l’autre pour regarder un film que Saül déteste déjà. L’italien doit pourtant se plier au choix de sa compagne, lui qui a perdu la bataille autant sur ce terrain là que sur celui du repas du soir.

Ils sont rentrés mais ce n’est pas pour autant qu’ils reprennent de mauvaises habitudes. Saül a finalement adapté ses horaires et a fait retirer le canapé de son bureau. Il ne passera plus une nuit là-bas, jamais. D’autres habitudes ont la vie dure, en revanche. C’est bien un verre de whisky que Saül porte à sa bouche, les yeux fixés sur l’écran de la télévision sans qu’il ne la regarde avec beaucoup d’attention. « C’est du mauvais cinéma. Notre séance de l’année passée sur la route me manque. » Quand ils n’étaient rien et qu’ils s’échappaient déjà, bagues d’une autre alliance au doigt. Ils porteront bientôt la même marque, celle que les fiancés portent pour s’engager sur le chemin du mariage. La bague d’Ariane n’est arrivée qu’hier et Saül veut s’assurer de pouvoir la lui offrir dans de bonnes conditions.

Les doigts de Saül ont retrouvé, comme d’habitude, le giron d’Ariane. L’italien guette le moindre signe de vie de leur petite merveille. Son esprit est dans le même temps occupé à penser à la couleur de la chambre du bébé à naître. Bleu, toutes les déclinaisons de bleu. La chambre sera bleue et ça ne pourra être qu’un excellent choix, n’en déplaise à Ariane qui fera probablement brûler le papier peint dans la nuit s’il venait à Saül l’idée de s’occuper de la couleur des murs tout seul. Sur la table basse, le téléphone de l’auteure vibre et Saül peut lire un prénom qui apparaît de plus en plus, ces derniers temps. « Fais attention, elle va bientôt te demander en mariage. » qu’il glisse avant d’embrasser la française dans le cou. Oui, ils sont rentrés et pour de vrai - pour ne garder d’avant Paris que les habitudes qui ne les consumaient pas vifs.
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Message(#)linger on your pale blue eyes | willer #41 EmptyMar 5 Jan 2021 - 15:58

« C’est trop salé. »
« T’as peur pour tes artères? C’est parfait. »

Lui, il est parfait. Mais si je le lui dis une foutue et maudite fois c’est assuré qu’il va brandir le tout comme sa seule et unique carte joker. Saül et son égo dans toute sa splendeur, que je nargue comme l’éternelle ingrate que je suis en ces murs, avec lui. On est revenus à la maison et on est revenus ensemble, pour une fois. Même si mes yeux fixent ailleurs le temps que ses dents grincent, mes doigts eux, le lâchent pas.

Ils ont investi sa chemise, son collet. Ses mèches parfaites-plus-si-parfaites que ça. Sa cravate a volé ailleurs, ils jouent maintenant avec l’alliance autour de son annulaire que je tourne et retourne au rythme des soupirs las et blasés qu’il lâche à chaque nouvelle scène à l’écran. Ce soir, j’ai tout gagné. La cuisine, le canapé, le film, le mari qui grogne, le bébé qui fait sa vie. Ce soir j’ai gagné tout court et mon sourire n’en finit plus de grandir. Oh qu’il va détester. « C’est du mauvais cinéma. Notre séance de l’année passée sur la route me manque. » le whisky qu’il porte à ses lèvres me fait foutument envie mais j’ai évolué, grandi. J’ai pas touché à quoi que ce soit de la blacklist depuis Jet et Paris, depuis l’avant et ses habitudes à conjuguer au passé qui désormais ne font pas partie d’aucun avenir. Saül boit pour deux de toute manière, qu’il se gâte le merdeux, il le mérite. Au moins, ses bonnes bouteilles restent à la Serre et ne voient plus son bureau, en pleine nuit. « Si tu bois embrasse-moi après au moins, que je goûte. » bon okay une goutte de rien du tout, c’est pas un crime. Surtout pas lorsque mes lèvres volent les siennes de passage entre ma nuque et ma tempe, et qu’il devient par la bande le meilleur partenaire de crime ever.

Madison est en feu ce soir. « Fais attention, elle va bientôt te demander en mariage. » elle texte et elle appelle, elle envoie des mails et elle spam de notifications. Finalement, avoir un pion c’est top. L’avoir qui gère les relectures et qui corrige les manuscrits, qui organise les marges et qui retravaille la ponctuation, c’est aussi ingrat pour elle que satisfaisant pour moi. Elle est douée la gamine, mais elle ignore à quel point. Mon karma est déjà merdique, il ne va pas mieux depuis que je la sous-paie et qu’elle ne le sait même pas. « Tu penses qu’elle me ferait son boulot à rabais si j’accepte? » gratter chaque sous est devenu mon passe-temps préféré, un hobby de couple diraient les plus cyniques. Qu’ils crèvent tous, nous on économise.

« T’as râlé sur tout ce que tu voulais ou y’en reste? » ma tête s’est calée sur ses cuisses, mes doigts jouent avec ceux qu’il a nichés sous mon t-shirt à même ma peau. L’héritier de Satan n’est pas trop loquace ce soir, tout semble rester calme et silencieux à l’intérieur. « Parce que si t’as fini dis rien sur le fait qu’elle vient passer la journée ici demain. » demain comme dans samedi, demain comme dans c’est le week-end Ariane on fait un truc tous les deux le boulot m’emmerde moi aussi Saül okay on improvise un bed-in parfait deal. « Je bloque sur un chapitre, j’en ai besoin. » les justifications viennent avec des pincements de paume, d’avant-bras. Le cocon de solitude à deux de demain n’est plus, alors on maximise celui au plat partagé trop salé et au film à chier de ce soir.
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Message(#)linger on your pale blue eyes | willer #41 EmptyMar 12 Jan 2021 - 23:09

« T’as peur pour tes artères? C’est parfait. »
« On est pas encore mariés, tu n’auras rien de ma fortune si je meurs. »

Même si “fortune” n’est qu’un joli mot pour les derniers sous qu’il reste, ceux qui ne servent pas à couvrir les dettes contractées durant des mois passés à jouer à perte. Le salaire que Saül touche à la fin de chaque mois ne fera que rassembler les pots cassés, sans même parvenir à en réparer les plus gros morceaux. Au moins, ils ont un toit sur la tête et des moments à partager, moments qui ne sont plus rythmés par les cris ou par les silences encore plus meurtriers. Des moments précieux, dont Saül savoure la teneur.

Le film est nul, mais ça n’a pas vraiment d’importance. Saül n’est plus vraiment attentif, plus depuis les dix premières secondes. « Si tu bois embrasse-moi après au moins, que je goûte. » Ses lèvres piquent celles d’Ariane dans un rire. Saül boit pour deux, pour trois, pour dix. Il y a encore une bouteille au bureau, réservée pour les invités qui le méritent - mais officieusement, elle est la détente à presser en cas d’urgence. Pour l’italien, elle n’est rien d’autre qu’un objet d'apparat, bien sûr. Elle le rassure probablement un peu, dernier pont vers le monde d’avant qu’il s’efforce pourtant de quitter. Cette fois-ci, c’est pour de vrai. La lutte est encore dense, mais tout ira bien, bientôt. Ariane et lui seront prêts à accueillir ce bébé comme il se doit.

C’est une femme qui traîne un peu trop dans l’entourage de l’auteure. Un truc professionnel comme Saül peut en avoir des tas. Ariane n’en a jamais fait une histoire, ce n’est pas à lui de chercher des noises à la française maintenant qu’elle a ses propres petits pions à elle. « Tu penses qu’elle me ferait son boulot à rabais si j’accepte? » « Je pense qu’elle te payerait pour avoir le privilège de cirer tes chaussures. » Des investis, Saül en a déjà croisé des tas. Il en a eu sous sa coupe, n’a longtemps travaillé qu’avec ces gens passionnés avant de les reléguer aux autres niveaux de la pyramide. Ils sont trop difficiles et coûteux en énergie à gérer, ces gens là. Jamais Saül n’a croisé personne comme Madison, qui s’est faufilée partout dans l’agenda d’Ariane.

« T’as râlé sur tout ce que tu voulais ou y’en reste? » Le plat est posé sur la table basse, Saül est trop occupé à démêler - ou à emmêler, selon les versions - les cheveux d’Ariane. « J’ai eu mon content. » Ou pas encore tout à fait, mais il serait injuste de râler à propos de la manière qu’a Madison à interrompre tous leurs moments, ces derniers temps. D’accord, pas tous - mais c’est du pareil au même. « Parce que si t’as fini dis rien sur le fait qu’elle vient passer la journée ici demain. » Oh qu’il est lourd de sens, le soupir de l’italien qui termine son verre. « Je bloque sur un chapitre, j’en ai besoin. » Les cheveux puis le verre et maintenant, c’est sur la joue d’Ariane que Saül pose ses doigts froids. « Tant qu’elle part avant vingt heures, c’est d’accord. » Vingt heures sonne comme un bon moment pour aller au restaurant, pour lui offrir la bague planquée dans un tiroir de son bureau, à la Serre.

« J’ai l’impression qu’elle prend beaucoup de ton temps, en ce moment. » Et par “son”, Saül entend “leur”. Ce sont ces instants là dont il se sent privé, quand Madison passe la porte de l’appartement et qu’elle outrepasse son rôle professionnel au profit d’autre chose. Mais après tout, il faut lui laisser une chance. Elle a le droit de s’investir, elle a le droit de faire du zèle. Les choses se calmeront bientôt. « Mais si elle t’aide à écrire un autre livre à mon sujet, tout va bien. » qu’il plaisante, sourire aux lèvres et ton goguenard. Madison est dans les parages mais elle prend une place normale. Après tout, Marcus et Saül ont une relation qui dépasse le professionnel, bien que l’on dise qu’il soit impossible de faire d’un chef son ami.

Le film était mauvais mais au moins, le film est terminé. « Je n’épouserais pas un type comme lui. On doit se faire chier. » Oui, on s’emmerde avec tous les amoureux transis, à l’exception de ceux qui fusionnent présentement avec le canapé de leur salon.
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Message(#)linger on your pale blue eyes | willer #41 EmptyMer 13 Jan 2021 - 16:58

« On est pas encore mariés, tu n’auras rien de ma fortune si je meurs. »
« Ta fortune sert à rien tant que t’as pas ton jet privé. »

De toute façon c’est un fait établi, une licorne d’avion VIP. Faut croire que les mois à vivre sous la tutelle que je traînais dans ses parages rien que pour son fric se sont envolés aussi rapidement que mes beaux yeux quand il m’amenait le week-end célébrer le nouvel an à Monaco. C’est une phase, un entre-deux, un monde d’avant. Les hôtels et le champagne avaient le dos large lorsqu’ils étaient des excuses de plus. Aujourd’hui les artifices servent à rien parce qu’on est enfin véritablement moins cons pour voir la vérité en face. Fric ou pas je l’aime et lui, il en abuse.

Il en abuse en piquant la dernière bouchée, il en abuse en buvant mon whisky préféré. Il en abuse jusqu’à ses lèvres qui volent les miennes, ou alors c’est l’inverse. L’important, c’est que c’est moi qui a toujours le dernier mot, celui-ci sous forme de morsure sur sa mâchoire pour laquelle il râlera encore demain. « Je pense qu’elle te payerait pour avoir le privilège de cirer tes chaussures. » « L’autre fois j’te jure elle faisait même la femme de ménage pour m’impressionner. Elle est pâmée devant moi qui ça étonne. » oh qu’elle est ridicule. Madison qui fait ses premiers pas dans le domaine, qui se colle à Ariane l’auteure à genre de succès comme une mouche sur du miel. À tout scruter, tout noter, tout apprendre. Elle range sur mon passage papiers et crayons, s’assure que mon mess soit intact autant qu’il disparaisse dès que j’ai le dos tourné. Pâ-mée.

« J’ai eu mon content. »
« Mais? »
« Tant qu’elle part avant vingt heures, c’est d’accord. »
« Je pensais qu’on avait aboli ça, les couvre-feux. »

Mes yeux sont rivés vers la télé, mes doigts ne l’ont pas lâché. Je sens son souffle alcoolisé qui brûle ma peau déjà bouillante, les contrastes s’envolent maintenant qu’on est toujours scotchés l’un à l’autre. Si j’ai l’air de me plaindre c’est pas du tout le cas. Au point où je resserre son bras autour de moi. « J’ai l’impression qu’elle prend beaucoup de ton temps, en ce moment. » à son soupir se joint le mien, distrait, amusé quand même. « J’ai l’impression qu’il va falloir que je t’apprenne à partager en même temps que lui. » lui, lui, lui. On ne connaît pas encore le sexe mais ce n’est qu’une question de temps avant qu’on confirme que ce soit bel et bien un garçon que j’attends. Saül a parié sur la fille, évidemment que je vise le p’tit mec. « Mais si elle t’aide à écrire un autre livre à mon sujet, tout va bien. » il perd pas le nord, je ne perds pas ma mission de grignoter la peau de son poignet, celui qui m’a prêté la montre aujourd’hui. « Le suivant sera sur toi. Celui-là il est sur mon amant qui parle pas pendant la fin tragique du film. » j’ai pas d’amant mais si j’en avais un, il me ferait pas rater le monologue de merde plein de larmes et sous la pluie duquel je pourrai me moquer la prochaine fois où on décidera d’être dramatik en pleine rue à Paris. Les souvenirs sont loin, maintenant qu’on est enfin et véritablement bien. « Je n’épouserais pas un type comme lui. On doit se faire chier. » s’il s’attend à ce que je dise que moi j’épouserais un type comme lui, que je me fasse chier ou non c’est exactement ce qui va se passer une fois que mes lèvres ont décidé d’embrasser sa nuque, sa joue, sa tempe, leurs homologues. Et rien que pour m’assurer qu’il comprenne le message parce qu’il est vieux et que c’est dur la sénilité sur l’ouïe et la lecture entre les lignes, mes baisers refont le trajet à l’inverse la seconde d’après.

« C’est à ça que ça ressemble. » j’ai triché, j’ai parlé, je me suis levée. Mes mains tirent sur les siennes, gamine gâtée qui taperait presque du pied s’il fait son lourd à vouloir aller cocher des tâches d’adulte sur sa liste genre nettoyer la vaisselle. « Quand on a un couvre-feu et qu’on le tient. » mes sourcils se haussent, j’ai le sourire de celle qui nargue en permanence de nouveau bien accroché sur les lèvres. Un pas derrière et un autre, son élan tarde à venir alors je sors l’artillerie lourde. « Pas comme demain. » blablabla qu’elle parte à vingt heures gnagnagna. « Viens, sinon c’est pas que sur Madison que tu vas avoir matière à râler. »

***

Il râle, mais pas pour ça. Il râle et il est brûlant et il me réveille en sursaut et moi, je ne râle pas du tout. Quand mes prunelles attrapent les siennes dans la pénombre de la chambre, j’en ai rien à foutre que le côté gauche soit trempé, qu’il m’ait arrachée à ma nuit fort probablement sans jamais l’avoir voulu. « Hey, hey, oh, il se passe quoi là? » la question est conne ; Saül a pas du tout l’air d’être en mesure de parler.
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Message(#)linger on your pale blue eyes | willer #41 EmptyMer 13 Jan 2021 - 17:57

« L’autre fois j’te jure elle faisait même femme de ménage pour m’impressionner. Elle est pâmée devant moi qui ça étonne. » Elle est terrifiante, voilà ce qu’en pense Saül. « Elle va bientôt fouiller tes ordures pour savoir ce que tu manges. » Elle n’irait pas jusque-là, pas vrai ? La cinglée de passage, celle que Ariane va bientôt congédier. Bientôt, elle manquera d’air. Ce pion là est trop invasif et il faut savoir couper court aux obsessions d’un travailleur trop acharné. Pour son propre bien ? Non, pour celui de la personne qui signe sa fiche de paie. Saül ne râlera pas trop au sujet de Madison, il sait combien Ariane a besoin d’elle en ce moment. Mais… « Mais? » Mais Madison ferait mieux de ne pas trop empiéter sur un terrain que le couple retrouve tout juste. Saül n’est pas prêt à en céder ne serait-ce qu’une toute petite parcelle, bien trop attaché au fait de ne pas répéter les erreurs qui ont failli leur coûter un bonheur durement acquis. « Je pensais qu’on avait aboli ça, les couvre-feux. » « Tant pis. » Les couvre-feux, ils ne les ont jamais vraiment respectés de toute façon.

Saül fait toujours en sorte de la croiser au minimum, même s’il faut avouer que Madison est dans les faits assez inoffensive. Quelque chose chez elle met l’italien mal à l’aise, mais probablement est-ce parce qu’il n’a pas l’habitude de voir qui que ce soit débarquer ici, dans la Serre. Madison s’y est sentie comme chez elle dès le premier passage, c’est ça qui dérange d’autant plus l'homme d’affaires. « J’ai l’impression qu’il va falloir que je t’apprenne à partager en même temps que lui. » Lui, la petite merveille qui pointera bientôt - d’accord, “bientôt” est relatif - le bout de son nez. La mère Williams n’est pas parvenue à enseigner le partage à tous ses enfants, son plus grand échec est probablement l’aîné de la fratrie, qui grinçait des dents rien qu’à l’idée de prêter une gomme à ses camarades de classe. Oops. « Bonne chance. » Oh non, il ne la partagera pas avec l’envahisseuse, celle qui bouleverse leurs weekends et passe un peu trop souvent la porte de l’appartement au goût de l’un des propriétaires.

« Le suivant sera sur toi. Celui-là il est sur mon amant qui parle pas pendant la fin tragique du film. » « Oh, Jet ? » Prononcé sourire aux lèvres, sans rancœur et sans amertume, comme une vraie plaisanterie cette fois-ci. Plus d’arrière-pensée, même si Saül casserait bien le nez et les deux tibias de l’artiste avec une barre de fer. Les crédits du film défilent sur l’écran et Saül se redresse, le bras gauche engourdi. C’est certainement la fatigue, quoi d’autre. Ariane s’est levée et Saül s’étire, soudain pris d’une douleur qui s’est probablement installée à cause de l’immobilité. « C’est à ça que ça ressemble. » Le quarantenaire la suit, les yeux levés au ciel - pour changer un peu. « Quand on a un couvre-feu et qu’on le tient. » « Tu vas vraiment me reprocher de vouloir la virer en fin de journée ? » Mais il la suit, les épaules courbées et des petits points noirs et blancs dans le champ de vision. « Pas comme demain. » « Je la passerai par la fenêtre, je te préviens. » Il n’est qu’à moitié en train de plaisanter, sourire toujours accroché aux lèvres. Saül a lâché sa main, occupé à masser sa clavicule gauche qui le fait souffrir le martyr. Il est temps d’abandonner le salon. « Viens, sinon c’est pas que sur Madison que tu vas avoir matière à râler. » Là c’est lui qui se tait, sans oublier de rouler des yeux en soupirant.

***

Elle n’est pas partie, la douleur sous la clavicule. Pas plus que celle dans le bras gauche, accentuée par la sensation d’embrasement qui irradie dans la poitrine de l’italien. Ariane s’est endormie contre lui mais Saül ne parvient pas à faire de même. Il est occupé à compter ses respirations, coûteuses en énergie. La fatigue, probablement. C’est une sensation étrange, qu’il a pourtant l’impression de connaître. C’est le surmenage, voilà tout. Les dernières semaines ont été éprouvantes, le séjour à Paris n’a pas été non plus de tout repos. L’entrevue avec Damon, la visite rendue à Anastasia, le bébé qui arrivera dans les prochains mois…

Ariane dort et pour de bon, quand Saül essaie de trouver de l’air dans la pièce. Sa main droite se porte à sa gorge, d’abord, alors que la douleur est devenue depuis un moment déjà un poids pour sa poitrine. Les environs sont totalement silencieux et le voilà qui tente malgré tout de caler sa respiration sur celle de l’auteure, persuadé que quelques minutes de calme feront l’affaire pour trouver le sommeil.

« Hey, hey, oh, il se passe quoi là? » Un mouvement après l’autre, Saül se redresse dans les oreillers. La position n’est pas plus confortable. Ses yeux trouvent ceux d’Ariane, quand il prend une autre grande respiration. « Rien. C’est la fatigue. » Et le stress, l’angoisse des derniers jours, les papiers du divorce, la vente de tous les souvenirs - les bons comme les mauvais - à l’autre bout du monde, les comptes dans le rouge, les dettes, le temps, la famille, les rendez-vous pour signer d’autres papiers, toujours plus de papiers, qui n’en finissent plus. Dans la pénombre, les traits crispés de douleur marqués sur le visage de Saül se mélangent à ceux de la fatigue. Saül est épuisé par son propre souffle. « Je prendrai rendez-vous chez le médecin demain. » Juste pour la rassurer, avant qu’elle ne se mette à râler. Le quarantenaire voudrait se lever, tout ce dont il a besoin c’est d’un verre. De whisky. « Rendors-toi. » La nuit est jeune. Les douleurs aussi. Ils ont encore le temps - le temps de quoi ?
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Message(#)linger on your pale blue eyes | willer #41 EmptySam 16 Jan 2021 - 20:29

« Oh, Jet ? » et une autre morsure, rien que pour la forme. Il le dit en riant alors je ricane aussi, les dents occupées à tracer un territoire de gamine sur ses mains d’homme d’affaires au genre de responsabilités sérieuses. Ses chevalières m’embêtent, son alliance bien moins. Elle s’agence parfaitement à la mienne faut dire. « Non, un autre. Sois créatif. » y’en a pas d’autres, mais comme il l’a amené de lui-même et tout seul comme un grand ce serait impoli de le laisser pantois dans son récit de merde, n’est-ce pas?

Demain en tout cas, on ne sera pas seuls. « Tu vas vraiment me reprocher de vouloir la virer en fin de journée ? » Madison est bizarre à ses yeux. Aux miens elle est juste assez pâmée sur mon travail et sur mes idées pour mériter ma considération, et suffisamment honnête et tranchante pour que son attitude de lèche-cul ne m’emmerde pas après une poignée d’heures dans les parages. Bref pour le moment, elle a la vie sauve. « Entre autres. » il veut la virer en fin de journée et il voudra me pointer la totalité de ses tares durant toute la journée. Saül le territorialiste des couloirs de Las Vegas l’est désormais encore plus entre les murs de La Serre. Je jurerais que ses lèvres se pressent un peu plus sur les miennes d’ailleurs, que sa main se serre encore plus fort au creux de mon ventre juste pour mieux appuyer ses paroles. « Je la passerai par la fenêtre, je te préviens. » « Ter-ri-fiant. » pas du tout. Encore moins lorsque je l’achève d’un baiser aussi insistant que mes doigts le sont à l’entraîner vers la chambre. Pauvre gars et pauvres petites souffrances d’amoureux transis prêt à tout pour me séquestrer comme ils le font tous, les puissants italiens mafieux, dans les films ces jours-ci.

***

On y revient donc. « Hey, hey, oh, il se passe quoi là? » à Saül qui perd le souffle, à son regard qui brille dans la pénombre et pas à cause d’un nouveau coup que l’héritier a bien pu donner et qui résonne contre sa paume lovée autour de moi. « Rien. C’est la fatigue. » « Dors alors » ou en somme, ta gueule. Il me prend pour une enfant et il sait que je déteste ça, il se cherche des tas d’excuses et je l’entends penser, là, parfaitement. Il énumère toutes les justifications, en fait une liste exhaustive qu’il dégainera à la seconde où j’ouvrirai la bouche pour le relancer. À la place je me redresse dans le lit, allumant la lumière de la table de chevet avec une retenue phénoménale pour ne pas la lui braquer direct dessus le temps de le scruter comme le médecin que je ne suis pas.

« Je prendrai rendez-vous chez le médecin demain. » parlant de médecin - et ça, ça aurait dû me rassurer. S’il l’avait pas dit avec la voix qui gratte, si associé à ça y’avait pas ses doigts qui ne savaient pas trop quoi faire, ni où aller par-dessus les draps. « Minuit est passé déjà. » et donc on est demain. Et donc mon bras se dégage, cherche mon portable, rage de l’avoir laissé au salon dans un autre excédent de compromis pour Saül qui ne veut pas de technologie dans la chambre aka si Madison te texte jusqu’ici je fais une autre crise je te le dis.

Là, c’est moi qui crise. « Rendors-toi. »
« Ouais non. » absolument pas.

L’instant d’après, je suis debout. Son (seul) t-shirt de touriste de Paris sur les épaules, ce sont sur les siennes que mes doigts s’ancrent comme des crocs de plus, le sommant à venir près de la fenêtre, à prendre un peu d’air maintenant que je dégage furieusement les rideaux, ouvre à grand vent les carreaux. Dehors on suffoque et l’été australien ne m’a jamais autant fait chier, mais je ne le laisserai pas seul pour aller lui chercher un verre d’eau glacée dans la pièce d’à-côté. « Si t’es pas mieux dans cinq minutes on y va. » cinq minutes comme cinq secondes plutôt. D’où le fait que j’enfile déjà un de ses pantalons de bourgeois ramassé à la va vite.
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Message(#)linger on your pale blue eyes | willer #41 EmptyMer 27 Jan 2021 - 22:20

Madison est oubliée depuis un moment déjà. Saül n’est plus que concentré sur sa respiration et les tiraillements qui pointent tous en direction de sa poitrine. Sa main libre s’est crispée par dessus son tee-shirt, alors que Ariane s’agite. « Dors alors » Il en rirait presque, plutôt concentré sur un mouvement pour se tirer hors des draps. L’air n’y est pas plus respirable. La douleur n’est pas moindre. Ariane a allumé la lumière comme le ferait un chirurgien paré à opérer. Le voilà qui s’apprête à râler, d’inconfort plus que de douleur. Tout sera passé dans quelques heures, c’est sûr. A un prix peut-être déraisonnable, cependant. « Toi, dors. » Il pourrait lui renvoyer la balle un moment encore, même piqué d’un aiguillon dans le flanc gauche. Même s’il est immobile, la douleur finit par remonter jusque dans son cou, par dessus la clavicule. La traîtresse grimpera jusqu’à la mâchoire, d’ici quelques temps. Elle ne manquera pas d’étouffer sa respiration, à moins que l’angoisse ne s’en charge avant. Elle est en bon chemin, en tout cas, elle qui coince la gorge de l’italien, pire qu’un étau.

« Minuit est passé déjà. » « Mon médecin ne me recevra pas à cette heure-ci. » Il aurait mieux fait de boire un peu plus. Ou de prendre un lexomil - ou son homonyme australien lexotan - pour dormir un peu mieux, un peu plus tranquillement. Saül voudrait retenir la main d’Ariane qui cherche, efficace, le téléphone qu’elle a laissé au salon. Lui ne reçoit plus d’appels lorsqu’il a passé la porte de la Serre. Son téléphone doit être déchargé dans la poche de l’une de ses vestes de costume. « Rendors-toi. » « Ouais non. » « Ariane rendors-toi par pitié, je suis juste un peu fatigué. » Quelque chose ne va pas. C’est la nausée qui le prend bientôt, alors que la douleur à la mâchoire tarde à remonter. Peut-être la nausée a-t-elle toujours été là, depuis la fin de la soirée, depuis qu’il s’est levé de ce maudit canapé. Ce devait être le whisky, pas la crise d’angoisse qui arrive, sournoise.

Il s’est levé trop vite. Le nœud de la douleur est identifié depuis quelques minutes déjà, alors que les doigts de Saül se serrent juste sous son cœur. Ce doit être musculaire. A force d’être avachi sur un siège de bureau, on finit par attraper de vilaines courbatures. « Si t’es pas mieux dans cinq minutes on y va. » « Ariane. » Il n’attendra pas cinq minutes, les doigts crispés sur la douleur comme s’il s’apprêtait à mettre un genoux à terre. L’air est chaud, dehors. Rien de réconfortant, rien qui n’aide beaucoup. Saül a fermé les yeux en s’installant à la fenêtre. Assis sur le chambranle, il penche en avant comme s’il s’apprêtait à tomber. « Je ne suis pas sûr. » Sa voix est réduite à un chuchotement dans la pénombre, peut-être un peu pour ne pas inquiéter Ariane. Peut-être aussi pour ménager ses poumons, qui font tous les efforts du monde pour se remplir d’air. Quelque chose est fatigué, à gauche. Quelque chose va bientôt s’arrêter pour prendre une pause bien méritée - ou pas vraiment, tout dépend du point de vue. « Pour les cinq minutes. »

***

Lorsque Saül reprend connaissance, le jour est levé depuis un bon moment déjà. Il est probablement de nouveau sur le déclin. La pièce sent le désinfectant et les vrombissements réguliers des machines qui l'entourent n’ont pourtant rien de rassurant. La dernière fois qu’il a vu les murs d’un hôpital, c’était pour l’accident de voiture. Avant Grenade. Avant l’orage et avant Paris. La nouvelle année commence bien. Lorsque les yeux de Saül attrapent ceux d’Ariane, il sait qu’il n’est pas le seul à avoir passé une nuit infernale. « Chacun son tour. » Elle devrait être chez eux, à râler après Saül qui ronfle, Saül qui fait trop de bruit en préparant le petit déjeuner ou Saül qui s’apprête déjà à partir travailler. « Tu écriras ça, dans ton livre ? » Écrire quoi ? Si la douleur s’est faite plus petite, elle est pourtant toujours stagnante. Le médecin est long à venir, trop long. « C’est ridicule, on ne va pas me garder ici pour une petite crise d’angoisse. » Non, mais pour le reste, oui.
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Message(#)linger on your pale blue eyes | willer #41 EmptyJeu 28 Jan 2021 - 5:08

« Toi, dors. » ça, c’est la blague de l’année.
« Ah-ah. » encore heureux, pas d’autre surprise ici, je sais à quel point son sens de l’humour est à chier.

Il reste là, dans le lit, et je me convaincs de toutes les fibres de mon corps qu’il bouge pas juste parce qu’il est con et pas parce que la douleur le garde immobile. Je m’énumère mentalement toutes les fois où il a bien pu m’imiter à scander de ne pas lui dire quoi faire, j’aligne ses comportements d’enfant gâté d’un côté et l’autre alors que ma silhouette sillonne la chambre à la recherche de vêtements à enfiler et de conneries de vases à éclater. « Mon médecin ne me recevra pas à cette heure-ci. » « Il est pas le seul qui existe. » j’en ai donné des heures de ma vie, à essayer de convaincre Levi d’arrêter d’être un imbécile doublé d’un lâche pour finir par le traîner aux urgences entre deux toux ensanglantées. C’est un aller simple vers mon passé d’ancienne femme mariée à un cancéreux qui remonte, et c’est certainement pas pour me plaire que je passe en mode pilote auotmatique.

Il n’a toujours pas bougé, je pourrais le tuer s’il était pas déjà en train de ; ta gueule Ariane. Juste, ferme-la. « Ariane rendors-toi par pitié, je suis juste un peu fatigué. » ah non, maintenant, c’est à Saül de la boucler. Encore heureux que les fenêtres ne cèdent pas de leurs gonds sous mes mains rageuses. Ses mains à lui, elles se referment un peu trop fort sur la rambarde. Ses jointures en sont devenues blanches.

« Ariane. »
« Si tu dis que t’es fatigué encore une putain de fois je - »
« Je ne suis pas sûr. »
« Pour les cinq minutes. »

Stop, arrêt sur image. Son air est gravé dans ma mémoire pour toujours, ses yeux aussi. Sa voix, sa foutue voix cassée, des excuses à travers qu’il n’assumera jamais. Et les urgences que j’appelle aussi vite qu’il cède conscience à la seconde où je raccroche.

***

Ils l’ont traité comme un vulgaire paysan alors je les ai tous traité comme de la merde ambulante. J’ai crié pour que ça avance plus vite, j’ai menacé pour qu’ils ne lui fassent pas la moindre mauvaise marque brusque. J’étais dans leur air à chaque micro de minuscule seconde, je respirais derrière leurs nuques et je sabotais leurs tympans. Personne ne savait comment conduire une ambulance sans que son brancard ne grince aux moindres tournants, personne ne savait comment faire circuler la civière dans les couloirs de l’hôpital sans que sa tête ne se tourne d’un côté et de l’autre comme celle d’un vulgaire pantin de chiffon. Personne n’a été foutu de lui apporter assez d’oreillers non plus, alors j’ai été en voler à qui que ce soit ayant le malheur de vivre dans les chambres avoisinantes. Quand il se réveille, j’ai même pas vu l’heure passer, j’ai la gorge sèche, les jointures en sang et l’intérieur des joues avec.

« Chacun son tour. » « J’ai rien dit. » encore. « Tu écriras ça, dans ton livre ? » le verre d’eau qu’un pauvre infirmier en stage a eu la lourde mission de venir me porter est toujours plein, sur la table de chevet. Je me redresse de quelques centimètres sur la chaise dégueulassement inconfortable que j’ai calée à côté de lui pour le lui tendre. « C’est ridicule, on ne va pas me garder ici pour une petite crise d’angoisse. » une, petite, crise, d’angoisse. Ouais essaie encore, essaie plus fort gars. « Si ça t’en prend plus que ça je te casse les dents et je te crève les yeux, même pas besoin de demander. » prompt rétablissement Saül, rebienvenue dans le monde des vivants. Alors, c’est vrai l’histoire de la lumière au bout du tunnel? T’as vu quoi, défiler devant tes yeux? Conneries.

L’amour, c’est d’attendre qu’il ait expiré genre deux bonnes fois, que le verre d’eau soit fini et que sa main se resserre un peu plus naturellement autour de la mienne avant que ma voix ne reperce le silence de la chambre à nouveau. « Okay t’en fais pas je serai brève. » ce qui, entre vous et moi, n’est jamais une bonne chose. « Tu peux être vieux et sénile et croûlant, mais ça, ça se passera juste pas. » à défaut d’être le genre de personne qu’on souhaite avoir à son chevet pour se faire raconter de belles histoires et s’aider à redonner un portrait plus doux et plus encourageant sur le potentiel diagnostic à venir, j’ai au moins le mérite d’être honnête. « T’as pas le droit de crever avant moi. » et c’est dit dans le plus simple et sans équivoque des tons. « T’arrives dans ma vie et tu prends tout comme si t’en avais tous les droits et tu me fais tomber amoureuse de toi comme une folle et t’es qu’un connard d’égoïste et je te le dis et je te le jure et j’te le répète encore mais si tu meurs le premier je te le pardonnerai jamais. » je peux pas revivre ça, je peux égoïstement pas me remettre à cette place-là. Ni aujourd’hui, ni dans cinq minutes, ni dans cinq ans, ni dans quinze. Ni jamais.

« T’étais pas obligé de faire tout ça pour que Madison vienne pas. » on passe à autre chose, l’entente est prise. Qu’il le veuille ou non de toute façon.
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Message(#)linger on your pale blue eyes | willer #41 EmptyVen 2 Juil 2021 - 13:42

« Si ça t’en prend plus que ça je te casse les dents et je te crève les yeux, même pas besoin de demander. » Saül étouffe un rire avant de se tourner vers la porte de la chambre. Oui, c'est réel. Il est bien allongé dans ce lit, sous ces draps rêches. Une batterie de fils et autres tuyaux le retiennent installé, de force, contre le matelas inconfortable. Dans cette chambre aseptisée, Saül suffoque à nouveau. La douleur dans sa poitrine s'est un peu calmée mais elle n'est pas totalement apaisée. Elle ne le sera jamais plus, maintenant qu'une nouvelle peur s'est installée dans l'esprit de l'italien. Il restera toujours à l'affût, toujours conscient que son organe le plus noble peut désormais lui faire défaut. Si on ne peut plus compter sur soi-même...

En tout cas, il peut compter sur Ariane pour remettre les points sur les -i. Pour ne pas perdre une miette de la trêve, Saül s'attarde sur son verre d'eau. « Okay t’en fais pas je serai brève. » C'est un autre soupir de l'homme d'affaires qui perce le silence. « Tu peux être vieux et sénile et croûlant, mais ça, ça se passera juste pas. » « Ariane... » Pour une fois, elle ne le dit pas en plaisantant. Pour une fois, il ne prononce pas son prénom en souriant, prêt à l'assaillir des pires remarques. Prêt à se moquer d'elle et de la naïveté de la jeunesse. Prêt à tout, en fait. Pour l'heure, il n'est prêt qu'à écouter et à soutenir le regard de la française. « T’as pas le droit de crever avant moi. » « Je ne vais pas- » « T’arrives dans ma vie et tu prends tout comme si t’en avais tous les droits et tu me fais tomber amoureuse de toi comme une folle et t’es qu’un connard d’égoïste et je te le dis et je te le jure et j’te le répète encore mais si tu meurs le premier je te le pardonnerai jamais. » La réplique le souffle plus encore que s'il en avait été l'instigateur. Ses doigts se crispent sur les draps alors qu'il cherche des mots pour la rassurer. « Ils vont me donner des médicaments et tout ira bien. » Bien sûr qu'il n'en a aucun. Bien sûr qu'il ne sait pas comment faire, lui qui a pour toujours intégré que de se moquer de tout ça, c'est la plus belle chose qu'on puisse faire pour ne pas que ça arrive de nouveau. En parler, c'est rendre l'évènement tangible. En parler, c'est rendre les choses vraies.

« T’étais pas obligé de faire tout ça pour que Madison vienne pas. » « C'était pour te rappeler que tu es avec un vieil homme et qu'il faut le ménager. » qu'il marmonne doucement. Les mots précédents d'Ariane tournent en boucle, dans son esprit. Lui aussi l'aime comme un fou. Lui aussi crèverai de la savoir ici. Lui aussi voudrait pouvoir l'emmener à nouveau à Grenade, sans que cela ne soit pour y revoir, avant, les murs de cet hôpital. Et le bébé, dans tout ça ? Saül tend sa main vers Ariane. Sur son bras serpente un petit conduit transparent. Il refuse de finir ainsi, allongé dans un lit d'hôpital. Ce n'est pas une vie pour lui et ce n'est certainement pas une vie pour elle. « Viens dormir. Je vais bien. » Il lui fait déjà de la place, tout contre lui.
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