Allongé sur le lit, perdu entre les coussins et les couvertures, je me cache dans un monde qui n’appartient qu’à moi. Entre rêve et illusion, bulle de protection que je n’ai cessé d’ériger autour de moi au fil des mois passé en sa compagnie. Couper du reste du monde, musique dans les oreilles, je tente de faire le vide, de laisser les angoisses filer et les questionnements s’apaiser. Jusqu’à cette chanson en particulier, celle qui me rappellera à jamais mon frère jumeau tant on a pu l’écouter ensemble. Il me suffit de fermer les yeux pour revoir Nathan chantant à tue-tête sur une des plages de la Gold Coast. Son sourire communicatif me revient à l’esprit et un poids affreux semble s’enfoncer dans ma poitrine alors que les mots de Louisa résonnent dans un coin de ma tête. Elle lui a dit. Il sait que je suis de retour et que je n’ai pas cherché à le prévenir. Il sait et lui aussi joue au roi du silence. Il est celui qui me manque le plus, celui que je rêve d’enfin retrouver. Il est aussi celui que je redoute le plus. Son avis a toujours été le plus important et c’est moi qui me suis éloigné, moi qui est arrêter de répondre aussi régulièrement à ses messages. Il doit me détester, c’est tout ce que je ne cesse de penser alors que les jours filent depuis la révélation de Louisa et qu’il ne m’a toujours pas donné signe de vie. Je devrais être celle qui fait le premier pas, je devrais lui envoyer un message, mais quelque chose me bloque. S’il avait été encore assez simple de mentir aux autres, je sais parfaitement que je ne pourrais jamais tenir le masque face à mon frère. Il est le seul qui me connaît par cœur, il va comprendre et je ne saurais quoi lui donner comme explication. Alors, je reste dans mon coin, je me renferme sur moi-même, fixant mon téléphone dans l’espoir d’un signe de sa part.

J’aurais pu rester des heures entières dans cet appartement à peser le pour et le contre, mais j’avais promis aux filles que j’irais faire quelques courses pour remplir le frigo. Elles m’hébergent gracieusement, c’est bien la moindre des choses. C’est difficilement que je finis par enfiler une paire de chaussures et un sweat trop grand pour moi. Je me cache derrière mes fringues, remonte la capuche sur ma chevelure blonde. Passer inaperçu, c’est l’idée simple et efficace. J’attrape mon sac et quelques cabas pour ramener mes achats. Portable à la main, je sors de l’appartement, verrouille la porte et m’élance dans les escaliers. Je ne fais pas attention à la silhouette à la porte du bas. Je manque de lui passer à côté quand je sens ce regard, cette sensation que je ne pourrais pas louper. Mon regard se relève pour tomber dans les prunelles brillantes de ma moitié. « Nathan… » Il est là, dans l’entrée de l’immeuble. Il était en train de chercher les noms sur les boîtes aux lettres. Il est là et j’ai envie de fondre en larmes. La boule qui se forme dans un coin de ma gorge m’empêche d’articuler pleinement. « Hey… » que je murmure doucement, le regard soudainement planté sur le bout de mes chaussures. M’en veux pas Nate…

@nathan atkins

Si l'on devait donner un prix à la personne qui avait eu le plus de doutes dans sa vie, c'est sans doute à Nathan qu'on l'aurait donné. Depuis toujours, il doutait de tout. Trop peu confiant en lui, trop peu talentueux, toujours trop simple en somme, invisible aux yeux de tous : oui, il avait de quoi douter de tout et surtout de lui même. Malgré tout, la seule chose qu'il n'avait jamais remis en question était l'amour qu'il portait à Shiloh. Il l'aimait envers et contre tout et elle l'aimait en retour. Qu'importe les erreurs, qu'importe les échecs, qu'importe leurs chemins qui s'étaient séparés au fil des années et les nouvelles qui se faisaient toujours plus rares. Ils s'aimaient et personne ne pouvait le comprendre ; ils s'aimaient et personne ne pouvait s'immiscer entre eux. C'était ce qu'il croyait, du plus profond de son esprit. Et pourtant, il n'avait suffit que d'un message de Louisa pour que tout soit remis en question. Elle était revenue. Shiloh était en ville, à Brisbane. Elle était chez eux, depuis plusieurs jours déjà visiblement - peut être plus longtemps. Elle était là, à quelques centaines de mètres de lui à peine, et il était le dernier a avoir été mis au courant.

Il n'avait eu besoin que d'une adresse pour se décider à s'y rendre immédiatement. Tant pis pour ce qu'il avait prévu de faire dans la journée, rien ne comptait plus à présent. Rien ne comptait plus que de la voir elle. Alors il avait pris un taxi pour se rendre devant l'immeuble dont Louisa lui avait donné l'adresse, ressassant un millier de questions qui tournoyaient dans son esprit, perdu entre la culpabilité de voir que sa jumelle n'avait plus assez confiance en lui pour lui parler ou la colère de voir qu'elle gardait ses distances de cette façon. Incapable de savoir comment il devait réagir, Nate poussait pourtant les portes du bâtiment - les dernières portes qui le séparait d'elle. N'ayant pas plus d'indications, il observait autour de lui, cherchant des noms sur les boîtes aux lettres, cherchant le moindre indice qui aurait pu l'aider à la retrouver - il était prêt à y passer la journée, la nuit.

Et puis, il entendit sa voix. « Nathan… » Une seconde et il se retournait vers elle, croisant ses yeux qu'il reconnaitraît entre mille. Shiloh ! Un sourire se dessinait sur ses lèvres avant de disparaître à l'instant. « Hey… » Elle était surprise de le voir ici, lui l'était encore plus de voir que Louisa avait eu raison. Mais qu'est-ce que tu fous là ?! Il aurait pu répéter la question un million de fois car il attendait un million de réponses. Que faisait-elle là, dans cet immeuble ? Que faisait-elle là, à Brisbane ? Que faisait-elle là alors que lui n'était au courant de rien ? Il avait envie de crier sur elle comme jamais pour la réprimander de son silence ; il avait tout autant envie de l'attraper pour la serrer dans ses bras. Il n'était pourtant capable de faire ni l'un ni l'autre, restant figé face à l'image de sa sœur qui n'avait rien à faire là, qui n'avait rien de celle qu'il connaissait depuis toujours. T'es rentrée quand ? Il voulait des réponses, il les voulait maintenant.

Louisa n’avait pas menti. Elle avait tout dit à Nathan et maintenant, il était là, dans l’allée de l’immeuble de Lucia, en train de chercher des réponses. Il est là et j’aurais presque espéré pouvoir passer entre les mailles du filet pour ne pas avoir à l’affronter de suite. Ça ne devrait pas se passer comme cela. J’aurais dû être celle qui l’avait invité, j’aurais dû descendre les escaliers en courant pour lui sauter dessus et l’empoigner dans un câlin d’ours. C’était comme ça avant… C’était l’expression même d’une relation indéfinissable. Celle que l’on a laissé devenir fade au fur et à mesure des semaines passées. Il était pris par l’armée, j’ai déménagé à des kilomètres de chez nous. On aurait pu appeler cela un épisode, juste une mauvaise passe, de celle que des jumeaux doivent probablement passer pour mieux se retrouver. Je n’en sais rien… Mais je ne devrais pas être en train de flipper à l’idée qu’il se retourne. Pourtant, son prénom m’échappe comme l’évidence d’avoir retrouvé celui auprès de qui j’avais toujours pu trouver un peu d’apaisement. Est-ce qu’il comprendra cette fois ? Alors que lors de son dernier appel, Lawrence lui avait raccrocher au nez et que je n’ai jamais pu le rappeler. Alors que je suis dans cette ville depuis des semaines sans lui en avoir parlé. Tout me fait peur et mon cœur commence à s’emballer d’une manière bien trop agitée. « Shiloh ! » Il n’aura duré que le temps d’un éclair son sourire légendaire. Probablement le temps pour lui de réaliser que notre sœur avait raison. Je voudrais parler, tout lui expliquer, lui présenter toutes les excuses du monde, mais je n’y arrive pas. Je reste bloquée sur place alors que son regard se fait de plus en plus insistant. « Mais qu'est-ce que tu fous là ?! » Son ton me fait sursauter et je prends un pas de recul. La question en sous-entend mille autres et je ne sais pas si je suis prête. Louisa avait déjà été si insistante, mais Nathan… Tout est différent avec Nathan. C’est la première fois que je lui cache quelque chose. C’est bien la première fois que l’on est aussi distant également et ce n’est pas normal, ce n’est pas notre dynamique. « Je… » Je bégaye, incapable de former une phrase intelligible. On ne peut pas faire ça ici, dans le hall de cet immeuble. « T'es rentrée quand ? » Et pourtant… « Il y a quelques semaines. » Je ne saurais pas lui mentir. Pas à lui. Je ne peux pas lui faire du mal. « Je… J’avais besoin d’un peu de temps Nathan. » Et j’en aurais encore cruellement besoin tant je ne sais vers quoi me diriger. Hier, j’étais persuadé de repartir à Sydney. Aujourd’hui, je ne suis plus sûre de rien. C’est ainsi depuis des semaines, c’est éreintant, ça me bouffe un peu plus chaque jour. Alors le temps passe et je rester prostrer dans ma cachette. « C’est rien, je te promets. » C’est mon monde qui s’écroule, mais c’est ma loyauté envers lui qui prime. Encore. C’est lui contre mon frère jumeau. C’est l’enfer.

Nathan aurait pu rêver d'un meilleur contexte pour retrouver sa sœur. Dans le meilleur des mondes, il aurait été le premier informé de son retour, et ils se seraient organisés des retrouvailles en bonne et due forme. Une soirée surprise peut-être, réunissant tous leurs proches, un moment qu'ils auraient pu graver dans leur esprit et garder à jamais. Ce genre d'instants précieux qui deviennent pourtant plus rare les années passant. Elle aurait aussi pu frapper à sa porte pour lui faire une surprise, lui sauter dans les bras, lui dire qu'il lui avait manquée. Il l'aurait accueillie les bras ouverts, ils auraient passé des heures à discuter, à se retrouver. Mais rien de tout ça n'était la réalité. Ce n'était que des fantasmes désormais irréels à côté de la situation qu'ils étaient en train de vivre, dans ce hall d'immeuble, comme des inconnus. Le jeune marin était presque sûr que ce moment, aussi peu féérique qu'il ait pu être, marquerait un tournant dans leur relation, serait gravé dans leurs mémoires. Pas de la même manière que ceux qu'il s'était imaginé, mais il survivrait pour sûr longtemps dans son esprit. Restait à découvrir quelle en serait la fin, quelle en serait le terme.

Après avoir effacé son sourire, qui prouvait malgré tout la joie qu'il avait à la revoir ici, juste devant lui, Nate demandait à Shiloh ce qu'elle pouvait bien faire ici. Il voulait comprendre, voulait savoir pourquoi elle ne lui avait rien dit. « Je… » Elle bégayait, visiblement paniquée. Il l'avait prise par surprise, elle qui devait penser avoir tous ses secrets de son côté venait d'être prise au dépourvu. « Il y a quelques semaines. » Les yeux grands ouverts, il n'en revenait pas. Quelques semaines ? T'es sérieuse ? Il lui en voulait, c'était indéniable. Il lui en voulait parce qu'il ne la comprenait pas, lui en voulait de se sentir ainsi abandonné. Shiloh tentait de s'expliquer. « Je… J’avais besoin d’un peu de temps Nathan. » Du temps ? Nathan ne comprenait plus rien. Shiloh était partie à Sydney pleine de rêves et de grands espoirs de changer de vie. Elle était partie et, bien que ce fut dur à vivre pour lui, il s'était convaincu que c'était le meilleur à faire pour elle. S'il avait su qu'elle allait s'éloigner ainsi, s'il avait su qu'elle reviendrait dans cet état, jamais il ne l'aurait laissée partir. Du temps pour quoi ? Qu'est-ce qui t'es arrivé Shiloh ?  Elle était toujours elle même, sublime, douce. Elle était toujours sa moitié, celle pour qui il donnerait sa vie. Ses yeux étaient toujours aussi beaux, moins pétillants cependant. Quelque chose l'avait brisée, quelque chose s'était passé, et désormais le brun donnerait tout pour savoir ce que c'était. « C’est rien, je te promets. » Il s'approcha d'elle, voulant mettre ses bras autour d'elle, mais s'en empêcha pour une raison qu'il ignorait lui même. T'as vu dans quel état t'es ? C'est pas rien, j'le vois bien. Parles moi, s'il te plaît. Il la suppliait, ne se rendant même plus compte du ridicule de la situation, de ces retrouvailles dans ce hall d'immeuble. Rien ne comptait autour d'eux, il n'y avait plus qu'elle à ses yeux.

Dans le meilleur des mondes, il y aurait eu des cris de joies, je lui aurais sauté dessus à l’en faire tomber à la renverse, on se serait serré l’un contre l’autre à en étouffer. C’étaient nos retrouvailles, avant, quand ce n’était que lui qui partait avec l’armée et que je l’attendais encore à Brisbane. C’était avant que je décide de voler de mes propres ailes, avant que Lawrence ne prenne réellement sa place dans ma vie. C’était quand tout allait bien et ce n’est définitivement pas aujourd’hui alors que l’on laisse un espace bien trop immense à mon goût, entre nous. Il me paraît si loin mon frère, presque intouchable, lui que j’ai tant voulu tenir à distance quand je me pensais follement amoureuse. J’avais estimé qu’il ne comprendrait pas, j’avais jugé meilleur de croire mon petit ami de quelques mois au profit de celui qui a toujours partager ma vie. Aujourd’hui, je m’en mords les doigts.

« Quelques semaines ? T'es sérieuse ? » Son ton est dur. Il est incroyablement distant Nathan lorsqu’il me laisse comprendre sa déception. Je n’avais pas réfléchi aux retrouvailles avec ma famille. Je n’avais pas pensé rester si longtemps à Brisbane également. Je n’avais pensé à rien et c’est comme cela que je me retrouve devant mon jumeau, incapable de lui expliquer quoique ce soit. « C’était… » C’était quoi ? Compliqué ? Je lui ai déjà trop dit et il ne me croira pas. Il va vouloir en savoir plus Nathan, contrairement à Louisa, il ne lâchera rien. « Du temps pour quoi ? Qu'est-ce qui t'es arrivé Shiloh ? » Je tente de garder la tête haute, mais je tremble déjà de tous mes membres. Il sait comment demander les choses, il sait que je ne saurais jamais lui mentir. « Juste pour… Pour réfléchir. » Savoir si je retournais auprès de lui sans jamais rien dire ou si je restais ici. La décision n’est toujours pas prise même si les jours s’allongent et que mon téléphone ne cesse de sonner de ses appels manqués. Il me manque autant qu’il me fait peur, mais ça je ne peux pas l’expliquer à mon frère. Je tente de gagner du temps quand Nathan s’impatiente. « T'as vu dans quel état t'es ? C'est pas rien, j'le vois bien. Parle moi, s'il te plaît. » Et mes yeux s’emplissent de larmes dès l’instant où il notifie, dès l’instant où il annonce avoir déjà remarqué. Bien sûr qu’il a vu, lui qui me connaît par cœur. Il est le seul à qui je n’ai jamais rien pu cacher et pourtant les mots ne sortent pas. Planté l’un en face de l’autre, je tente de maîtriser la boule qui ne cesse de grossir dans ma gorge. « Pas ici. » que j’annonce avant d’aller glisser ma main dans la sienne, l’entraînant à ma suite dans les escaliers pour gagner quelques minutes, encore.

Une fois dans l’appartement, le silence retombe. Je rêve d’aller m’enfouir dans ses bras, mais c’est comme si une force me retenait par le col. On s’observe en silence, comme deux étrangers. « Je… On m’héberge. » que je lui annonce, ne voulant pas qu’il pense que j’ai eu le temps de me trouver un appartement et de le meubler. C’est peut-être pire, en réalité, d’annoncer que j’avais trouvé refuge ailleurs. Je n’en sais rien. Je me racle la gorge, incapable de déloger le millier de larmes qui sont prête à couler. « Je… » Je voudrais lui parler, mais c’est comme si tout m’en empêchait. J’ai peur que le regard qu’il pose sur moi change, j’ai peur de ce qu’il va dire, de ce qu’il va faire. J’ai peur de tout. Je suis terrorisé à chaque instant depuis que j’ai quitté Sydney et j’en suis épuisé. « Viens t’asseoir. » Ce sera mieux si on est assis l’un en face de l’autre. Ce sera mieux pour lui, en tout cas. Toute la pièce semble tourner tant je me sens faible, tant les mots restent coincés au fond de ma gorge. Je voudrais parler, mais rien ne sort.

Jamais personne n'aurait pu croire ce qu'ils voyaient dans cette cage d'escalier. Deux êtres qui ne faisaient qu'un, enfin réunis, mais plus éloignés l'un de l'autre qu'ils ne l'avaient jamais été. « C’était… » Il avait autant envie de la serrer dans ses bras pour la rassurer que de la secouer pour tout lui faire avouer. Il la suppliait du regard, ne reconnaissant presque plus sa moitié. Elle avait changé, son silence en était la preuve. Il lui demandait pourquoi ces secrets, pourquoi ne pas l'avoir informé de son retour en ville. « Juste pour… Pour réfléchir. » Pour réfléchir à quoi ? Qu'avait-il pu bien se passer dans sa vie pour qu'elle soit à ce point terrifiée, à ce point différente ? Il lui en voulait, Nate, de sa froideur, de sa distance. Il s'inquiétait surtout, en réalité. Chaque fois qu'elle ouvrait la bouche et qu'il espérait en entendre sortir une réponse, c'était des centaines d'autres interrogations qui fusaient dans l'esprit du jeune homme. Alors il continuait de lui poser des questions, de la toiser de haut en bas. Mais c'est la main de sa sœur qu'il sentit prendre la sienne qui constituait la seule réponse à laquelle il avait droit. « Pas ici. » La sensation de sa peau contre la sienne réussit à le calmer un peu, comme si son corps n'attendait que ça, de retrouver sa place contre elle. D'accord. Il la suivait à l'étage sans réfléchir, se laissant porter.

Elle l'emmenait jusqu'à un appartement, qu'il observait consciencieusement, dans les moindres détails. Était-elle en ville depuis si longtemps qu'elle avait réussi à refaire sa vie ? S'était elle éloignée de lui à ce point ? Elle brisa le silence. « Je… On m’héberge. » Rassuré d'une part, Nate ne pouvait s'empêcher de se dire qu'il y avait encore une personne de plus en ville au courant de son retour avant lui. Danika, Louisa, c'était déjà difficile à comprendre, mais elles étaient de la famille. Oakley, c'était déjà autre chose. Mais le fait qu'une parfaite inconnue - vu les chaussures qui trainaient dans l'entrée, ce devait être une femme - le sache avant lui aussi le rendait fou de rage. Je vois. Qu'il se contentait de répondre, attendant en silence des explications qui n'arrivèrent pas. Un soupire et il reprit ses supplications. Dis moi ce qui se passe Shiloh. Je peux tout entendre. Il essayait de se rapprocher d'elle mais sentait qu'à chaque seconde elle s'enfermait un peu plus derrière un mur infranchissable. « Je… » L'attente était interminable, la situation inconcevable. « Viens t’asseoir. » Le brun secoua la tête, perdant patience. Il était hors de question qu'il ne fasse un pas de plus, hors de question qu'elle ne gagne encore du temps. Arrêtes de tourner autour du pot, s'il te plaît, dis moi ce qui va pas. Il ne savait pas choisir entre la colère et l'inquiétude, entre l'impatience et la nervosité. Et puis, il s'installait finalement en face d'elle, abattu. J'ai fait quelque chose de mal ? Tu.. tu m'en veux pour quelque chose ? Il murmurait presque, désormais sûr et certain que si elle ne lui parlait pas, c'était qu'elle lui en voulait pour quelque chose. Pour quelle autre raison, sinon ? Si c'est ça dis le moi, je me ferais pardonner, je te le promet.

Je cherchais à gagner du temps. Tout simplement. Assez de minutes pour monter les escaliers et prendre le temps de souffler. Encore quelques précieuses secondes pour lui laisser réaliser que je n’étais pas complètement à la rue. Du temps pour trouver les mots, pour lui donner une explication, mais dans mon esprit tout semble se mélanger sans fin. Je grappille les minutes comme des pierres précieuses, incapable de savoir où va bien pouvoir me mener cette conversation avec mon jumeau. Il semble inquiet Nathan, cela se lit dans chacun de ses traits. Bien heureux de voir que je ne suis pas complètement seul, il n’en reste néanmoins complètement concentrer sur ma personne. Il veut savoir et j’ai tellement peur de toutes les réponses que je pourrais lui apporter. Alors, je brode encore, je cherche des minutes de survie pour ne pas lui parler de la réelle raison de mon retour précipité, mais cela ne prend pas. Il me connaît si bien, après tout… « Dis-moi ce qui se passe Shiloh. Je peux tout entendre. » Je voudrais rire nerveusement tant, je sais d’avance qu’il ne sera pas capable d’entendre ce que j’ai à lui dire. Comment pourrait-il ? Un homme a levé la main sur sa sœur. C’est ce qu’il a fait, Lawrence et cela fait toujours aussi mal de se l’avouer. Il m’a frappé et je l’aime. La conclusion est toujours la même, toujours aussi douloureuse.

Je lui demande de s’asseoir et Nathan perd sa patience légendaire. « Arrête de tourner autour du pot, s'il te plaît, dis-moi ce qui va pas. » Il n’a presque pas crié, ce n’était qu’un son un peu plus fort que ses dernières paroles et pourtant, c’est plus fort que moi, je sursaute. Instinctivement, je croise mes bras sur ma poitrine, cherchant la moindre protection au coup de colère qui semble désormais inéluctable. « J'ai fait quelque chose de mal ? Tu.. tu m'en veux pour quelque chose ? » Je secoue la tête détestant l’idée même qu’il se tienne responsable de tout cela lorsqu’il a toujours tout fait pour être présent. « Si c'est ça dis le moi, je me ferais pardonner, je te le promets. » Il a l’air si triste soudainement que j’en aurais presque la nausée. « Tu as rien fait de mal Nathan. » Jamais. Il a toujours été là pour moi, il est le meilleur frère qui soit. À nouveau les larmes commencent à monter, alors que je réalise à quel point, je vais devoir lui parler si je ne veux pas le perdre pour toujours. « C’est uniquement de ma faute. » Ça n’a toujours été que de ma faute. Lawrence, c’est emporter à cause de moi, parce que je lui ai manqué de respect et désormais, Nathan s’inquiète de trop et c’est encore à cause de moi. J’en tremble presque à l’idée de lui parler, mais je ne supporterais pas de voir mon frère me tourner le dos, alors que c’est exactement ce que j’ai pu lui faire ces dernières années. « Promets-moi de ne pas t’emporter. » que je lui demande alors en baissant la tête. « Je… Il faut pas que tu te mettes en colère. » Je ne saurais pas gérer, s’il s’emporte, si les mots dépassent sa pensée. C’est si difficile que j’en suis à chercher l’air pour mieux articuler. Je le sens s’agiter face à moi, je sens son regard se poser sur ma silhouette et j’ai peur. Mais je crois que j’ai besoin qu’il sache, je crois qu’il est temps d’en parler.

« Il m’a frappé. » que je murmure si bas que l’on ne pourrais presque pas m’entendre. « J’ai rien dit la première fois… » Penser à ce moment me fait réellement mal, partager entre l’amour que je porte à Lawrence et ce sentiment de dégoût que j’associe aux gifles qu’il a su me distribuer. « Mais ça a été trop. » Et j’ai peur tous les jours désormais…

L'absence et le silence de Shiloh avaient fait beaucoup de mal à Nate. Tellement qu'il pensait être fautif de la distance qu'elle avait mise entre eux, tellement qu'il en était venu à douter de toutes les certitudes qu'il avait eu jusqu'alors. « Tu as rien fait de mal Nathan. » Un léger sourire s'affichait sur son visage, un sourire de soulagement. Il fut de courte durée cependant. « C’est uniquement de ma faute. » Il était surpris mais aussi inquiet, le brun voulait essayer de comprendre. Mais alors qu'il savait en général deviner ce qu'il se passait pour sa jumelle, il ne savait pas comprendre aujourd'hui ce que sa mine déprimée voulait dire. « Promets-moi de ne pas t’emporter. » Elle commençait mal en commençant ainsi, mais il lui promit de faire un effort. J'essayerais. Dis moi tout, s'il te plaît. Il mourrait d'impatience, de stress, d'incompréhension. « Je… Il faut pas que tu te mettes en colère. » Le fait qu'elle insistait à ce point ne cessait de faire augmenter son angoisse. Shiloh, qu'est-ce qu'il y a à la fin ? Qu'il lançait, pressant quelques peux sa sœur.

« Il m’a frappé. » Sa respiration s'accélérait soudain jusqu'à devenir saccadée. Il n'était pas sûr d'avoir bien entendu Nathan - il aurait préféré ne pas avoir entendu, en fait. « J’ai rien dit la première fois… » Il voyait toute la douleur sur le visage de Shiloh, il voyait la tristesse qu'elle avait dû enfouir en elle pendant tout ce temps. Il se détestait lui même de ne pas avoir été là pour elle, de ne pas avoir défendu sa moitié ; d'avoir laissé un monstre lui faire ainsi du mal. Comment avait-elle pu ne rien dire la première fois ? Combien de fois s'était-elle laissée faire avant de n'oser hausser le ton, avant d'oser le fuir ? « Mais ça a été trop. » Il avait des milliers de questions, et autant d'émotions qui se mêlaient dans son esprit. Mais la seule chose qu'il réussissait à répondre, dans un élan de colère, fut : Je vais le tuer. Il voyait rouge Nathan. Il n'avait jamais été si en colère de sa vie qu'en cet instant. Dis moi où il est, j'y vais, je te jure Shiloh je vais le tuer. Il n'avait plus qu'une idée en tête : lui faire du mal autant - ou plus - que ce qu'il n'avait fait subir à sa sœur. Il ne méritait que ça. Il tournait désormais comme un loup, cherchant une surface à frapper pour faire passer sa rage, mais s'en empêcha parce qu'il venait de promettre à sa jumelle d'essayer de rester calme. Alors il se contentait de se mordre l'intérieur de la joue, frustré, avant de se rendre compte que sa colère ne faisait que rendre la mine de Shiloh un peu plus triste encore. S... viens là. Je suis désolé que t'aies traversé tout ça... seule. Il l'attrapa pour la serrer dans ses bras, un geste qu'il aurait aimé pouvoir faire en d'autres circonstances que pour la réconforter.

J’aurais aimé que tout se passe différemment. J’aurais aimé lui faire la surprise d’aller le chercher à la fin d’une journée de travail. J’aurais aimé lui sauter dans les bras en criant ma joie de le retrouver. J’aurais tant aimé que tout se passe normalement, que mon retour ne soit que signe de joie et d’amusement. C’est ce qui aurait dû se passer, mais la réalité est bien plus sombre, teintée d’un gris que je ne saurais approuver. Tout me semble compliqué, la proximité même avec mon frère me rend nerveuse. « Shiloh, qu'est-ce qu'il y a à la fin ? » Et il s’impatiente alors que je cherche à gagner du temps. Il s’impatiente et je vois la colère monter sur son visage habituellement bien plus apaisé. Il se fait pressant et je sais que je ne pourrais plus reculer. Je ne pourrais pas inventer un mensonge de toutes pièces en quelques minutes seulement. Je ne pourrais pas regarder mon frère dans les yeux en lui mentant encore plus longtemps. J’ai essayé de le préserver de tout cela, j’ai voulu le protéger en lui cachant ma vie à Sydney. C’était mieux ainsi, il devait se concentrer sur lui, je croyais pouvoir m’en sortir. Et nous voilà, dans cet appartement qui n’est pas le mien, dans cette configuration qui me serre le cœur.

Et les mots s’échappent dans un murmure fragile.

Pour la première fois, j’ose réellement le dire. En parler avec Lucia n’avait pas le même impact, la même résonance. Elle n’était personne, il est mon tout. Et il ne faudra que quelques secondes pour que Nathan explose, pour que la colère habite chaque trait de son visage, pour qu’il perdre pied. Il bout de l’intérieur mon jumeau, alors que je tente de lui expliquer tant bien que mal, alors que je laisse bien trop de détails au placard. Je n’ose croiser son regard et sursaute jamais dès l’instant où il n’est plus en capacité de se retenir. « Je vais le tuer. » Il n’a jamais été un violent Nathan, ce n’est pas dans son tempérament. Pourtant, lorsque son regard croise le mien, je comprends qu’il n’a jamais été aussi sérieux. « Dis moi où il est, j’y vais, je te jure Shiloh, je vais le tuer. » Et c’est l’angoisse qui monte à l’idée même qu’il se retrouve nez à nez avec Lawrence. « Non Nathan… » C’est tout mon corps qui tremble alors que la colère de mon frère est désormais omniprésente. « T’énerve pas… » Et pourquoi j’ai peur ? Pourquoi j’ai peur de l’éclat de voix de trop ? Pourquoi je surveille ses mains sans arrêt ? Il est mon frère, je sais qu’il ne pourra jamais lever la main sur moi. Je pourrais lui confier ma vie en un claquement de doigts et pourtant… Son éclat de voix m’effraye, cette soudaine pulsion me rend craintive. « S’il te plaît… » que je le supplie la voix tremblante.

Il faudra quelques minutes, juste un instant, pour retrouver son calme, pour redevenir mon frère aimant. Une seconde, un soupire et c’est mon Nathan que je retrouve enfin. « S… viens là. Je suis désolé que t’aies traversé tout ça… seule. » Et alors que ses bras m’attrapent, alors que mon corps vient se blottir contre le sien, je finis par craquer. Il suffira d’une étreinte de sa part, pour que mes sanglots se libèrent aussi bruyant que douloureux. Je m’accroche à ses épaules, cache mon visage dans le creux de son cou. Par tous les moyens, je tente de me fondre dans son étreinte, dans cette sécurité qui m’avait tant manqué. « Je suis désolée… » que je ne cesse de répéter entre deux sanglots et une centaine larmes noyées contre son tee-shirt. Je m’accroche à ma moitié, lui demandant de me pardonner tout autant que de me sauver. « Je savais plus quoi faire. » Quand il m’a tout pris Lawrence, quand il m’a isolée avant de me frapper. Je ne savais plus où j’en étais. Je suis perdue et j’ai tant voulu le cacher. Jamais, je ne m’étais sentie aussi vulnérable qu’en cet instant, a finalement tout lâcher sur les épaules de mon frère.

Les mots de Shiloh avaient sonné comme des coups de fusil tirés en l'air, résonnant dans l'esprit de Nathan d'une manière douloureuse. La distance qu'avait instauré sa jumelle entre eux n'était en rien sa faute, mais il s'estimait pourtant coupable de ce qu'elle avait vécu alors qu'il était trop loin d'elle pour la soutenir, pour la protéger. Il s'en voulait de ça, mais c'est surtout la colère d'imaginer un homme lever la main sur sa précieuse moitié qui le fit sortir de ses gongs comme jamais il ne l'avait fait auparavant. A leur première rencontre, Lawrence avait paru être un homme bon, simple. Il avait paru être celui qui rendait heureux Shiloh, celui qui l'aimait sincèrement. Nate avait cru à tout ça, il avait espéré que leur relation perdure, il avait foi en un avenir où sa jumelle trouverait le bonheur dans les bras de celui dont elle était tombée amoureuse. Lawrence n'était plus qu'un déchet désormais, aux yeux du jeune marin. Lawrence méritait de souffrir. Il méritait de mourir sous ses poings, il méritait les pires atrocités qu'on pouvait souhaiter à quelqu'un. De nature calme, Nate n'était plus lui même l'espace d'un instant, le temps de se concentrer sur l'essentiel : celle qu'il devait à présent rassurer, celle qu'il devait sauver. « Non Nathan… T’énerve pas… » Elle semblait effrayée, semblait perdue. Elle n'était plus elle même Shiloh et Nate comprenait un peu plus pourquoi. Il plongea son regard dans le sien, et, y voyant une profonde détresse, il se calmait peu à peu. « S’il te plaît… » Le réflexe qu'il eut fut de l'attrapée pour la serrer contre lui, pour la mettre à l'abri dans ses bras. Rien n'allait dans cette situation, et il ne comprenait pas encore ce qu'il ressentait. Ces derniers jours avaient été bien trop chargés en émotions, bien trop pour qu'il ne puisse en tirer des conclusions. Le plus important était la présence de Shiloh auprès de lui, saine et sauve - autant que possible du moins. « Je suis désolée… » Elle était totalement brisée, il le voyait désormais Nathan. Elle était complètement abattue et il se mordait l'intérieur des joues pour réussir à contenir sa rage, pour être celui dont elle avait besoin à l'instant. Il laisserait sa colère s'extérioriser une autre fois, ailleurs, auprès de quelqu'un d'autre. La blonde n'avait pas besoin de plus de violence dans sa vie, elle avait dû y faire face bien trop souvent, bien trop tout court. C'est pas ta faute, t'as rien à te reprocher. Qu'il lui murmurait de sa voix la plus douce, déposant un bisous sur son front. « Je savais plus quoi faire. » Il n'arrivait pas à imaginer toute la peine et la solitude qu'elle avait pu ressentir. Doucement, il poussait le corps de sa sœur en arrière, prenant son visage entre ses mains pour pouvoir la regarder dans les yeux. Il t'arrivera jamais plus rien Shiloh, je te le jure. Personne te fera plus de mal, je les laisserais pas faire. Et c'était une promesse qu'il aurait voulu pouvoir sceller dans le marbre, une de celles qu'il aurait voulu pouvoir garantir à vie. Même s'il savait bien qu'il ne pourrait la surveiller tout le temps, même s'il savait bien qu'il ne pourrait la sauver du monde entier. Il ferait tout son possible pour que ce soit le cas, en tout cas. Il ferait en sorte de ne plus la laisser s'enfuir, pour pouvoir garder un œil sur elle. Il enlevait ses mains d'elle, reculant d'un pas pour lui laisser de l'espace. Pourquoi tu m'as rien dit avant ? Pourquoi tu m'as pas appelé ? J'aurais traversé la terre entière pour venir t'aider. Et elle devait le savoir, elle aurait dû en être consciente, car c'est ainsi qu'il avait toujours fonctionné.

Les mots ont été sortis. La vérité vient d’éclater dans un silence détonnant alors que mon jumeau prend soudainement conscience de ce que j’ai pu vivre durant mon long silence. Sa réaction ne se fait pas attendre et la violence qui s’en dégage me rappelle brutalement les raisons de mon silence. Je refuse que Nathan s’abîme à cause de moi. Je ne supporterais pas de le voir sombrer dans une noirceur qui ne lui ressemble en rien par pur esprit de vengeance. Ce n’est pas ce que j’attends de lui, ce n’est pas ce qui pourra me rassurer, loin de là.  

Dès l’instant où il me serre dans ses bras, les vannes s’ouvrent en pleins. Pour la première fois depuis des mois, je relâche la pression, je laisse s’évacuer la tristesse que j’avais emmagasinée seule dans mon coin. Je comprends, enfin, que je suis en sécurité. Je ne savais comment l’aborder, mais il était grand temps que je lui dise la vérité, que je me libère de ce poids qui étouffait ma poitrine, qui m’empêchait d’avancer. Il fallait que j’en parle à Nathan, à ma moitié. Pendant trop longtemps, j’ai voulu me cacher de son regard, persuadée que jamais il ne pourrait comprendre, qu’il rejetterait la faute sur moi, qu’il était devenu cette image tant éloignée de la vérité que Lawrence s’était efforcer à imprégner au creux de mes pensées. Blottie contre le torse de mon jumeau, je redécouvre le véritable sentiment de sécurité, celui qui m’a toujours bercé. Elle est encore là, cette connexion qui était la nôtre. « Il t'arrivera jamais plus rien Shiloh, je te le jure. Personne te fera plus de mal, je les laisserais pas faire. » Et je veux le croire, je veux me raccrocher à cette vérité autant que je m’accroche à lui. Ses pouces viennent essuyer mes larmes tandis que notre regard s’attrape à nouveau. « Je suis désolée… » Tellement qu’il en a probablement aucune idée.

« Pourquoi tu m'as rien dit avant ? Pourquoi tu m'as pas appelé ? J'aurais traversé la terre entière pour venir t'aider. » Mon cœur se serre à l’idée de l’avoir tant blessé par mon absence. « C’est compliqué. » que je murmure lentement. Notre séparation s’était faite dans une lenteur déconcertante. La distance faisait qu’il était plus compliqué de se voir régulièrement, son métier était devenu l’excuse pour les empêchements. « Au début, je vivais juste ma relation passionnément. » Puis les choses ont commencé à changer petit à petit. Il maîtrisait son sujet à la perfection Lawrence. « Il n'aimait pas vraiment que je parle de toi constamment ou que tu sois toujours au courant de tout. » Il m’en avait fait mille reproches. « Je… Je l’aimais. » Un instant, je bloque sur ma formulation et me reprends. « Je l’aime et je voulais privilégier notre relation. » que je souffle doucement. Il est le premier petit ami avec qui j’ai aménagé, le premier qui m’a tant aimé, le premier pour beaucoup de choses en réalité. « Puis tu n’avais jamais le temps et au final, moi non plus… » Cela s’était fait naturellement, ce n’était rien d’étrange, j’étais bien incapable de le comprendre autrement pour le moment. « Mais le soir où il t’a raccroché au nez alors que c’était le seul appel que tu pouvais passer… » Mon corps tremble rien qu’au souvenir de ce moment. « Je me suis un peu énervé parce que tu me manquais et j’avais besoin de te parler. » Déjà à l’époque, je commençais à me sentir malheureuse. S’il m’en avait laissé l’opportunité, j’aurais pu en parler à mon frère. « Je lui ai dit qu’il était con alors il m’a giflé. » Un silence et je renifle lentement. « Je l’avais bien mérité. » Et ça, juste là, ce sont ses mots à lui, ceux qu’il a réussi à ancrer en moi au point que cela en devienne ma propre vérité.

Il avait attendu cet instant depuis si longtemps que lui même n'était pas en mesure de dire depuis quand exactement. Il ne se souvenait pas de la dernière fois qu'ils s'étaient pris dans les bras l'un l'autre. Ce qu'il savait, en revanche, c'est qu'il n'aurait jamais imaginé devoir serrer sa sœur contre lui pour une raison aussi horrible, pour une souffrance aussi profonde. Et si la colère envers ce taré de Lawrence était indéniable, Nathan ne pouvait montrer la haine qu'il lui portait alors que la blonde, encore trop touchée par ces évènements, lui suppliait de rester calme. Pour une fois, sa capacité à absorber ses émotions était utile, et, bien qu'il devrait trouver une autre source de distraction pour expulser cette animosité, il savait en faire abstraction pour sa jumelle. « Je suis désolée… » Il aurait voulu trouver les mots, le brun, pour lui dire qu'elle n'avait pas à l'être. Il aurait voulu lui dire que rien n'était de sa faute, qu'elle nde devait rien se reprocher, qu'elle n'était que la victime de ce violent personnage. Et pourtant, un part de lui l'empêcha de lui dire tout ça, ayant besoin d'entendre ces excuses. Pour son absence. Pour son silence. Pour son retour discret. Pour toutes ces choses qu'il aurait aimé pouvoir comprendre, pour toutes ces choses qui l'avaient blessé, lui. Il regretterait sans doute d'avoir gardé le silence et de s'être éloigné d'elle à cet instant, mais Nate avait besoin de réponses. Son regard accroché à celui de sa moitié, il voulait savoir pourquoi elle s'était tant éloignée - alors qu'il aurait tout fait pour elle. « C’est compliqué. » Il en avait bien conscience, mais il était déçu, le jeune homme. Lui qui pensait qu'à deux ils pouvaient tout affronter faisait désormais face à une toute autre réalité. « Je… Je l’aimais. » Il l'écoutait attentivement, essayait de ne pas la couper, trop heureux qu'elle ait enfin décidé de se livrer à lui. « Je l’aime et je voulais privilégier notre relation. » Les poings du marin se serraient, sa mâchoire se crispait. Elle l'aimait toujours, plus qu'elle ne l'aimait lui. Sinon elle n'aurait pas disparue, sinon elle se serait battue pour garder leur lien. « Puis tu n’avais jamais le temps et au final, moi non plus… » Il voulait bien admettre que ses absences dues à sa carrière compliquaient la situation, et une lueur de culpabilité pointait à nouveau le bout de son nez. « Mais le soir où il t’a raccroché au nez alors que c’était le seul appel que tu pouvais passer… » Elle était nerveuse, elle était tremblante Shiloh, et il détestait la voir dans cet état. « Je me suis un peu énervé parce que tu me manquais et j’avais besoin de te parler. » Il n'avait pas compris, Nate, ce qu'il s'était passé ce jour là. Il aurait dû insister, il le comprenait désormais. « Je lui ai dit qu’il était con alors il m’a giflé. » Il s'empêcha de faire une remarque qui aurait ajouté de la peine à celle qu'elle ressentait déjà. « Je l’avais bien mérité. » D'un coup il s'approchait à nouveau d'elle pour prendre son visage entre ses mains. T'as interdiction de répéter ça, t'entends ? Jamais. C'est pas ta faute Shiloh. Son ton était presque autoritaire, il n'avait pas supporté d'écouter sa jumelle se culpabiliser ainsi. Comment avait-elle pu tomber aussi bas ? Comment avait-il pu la manipuler ainsi ? C'est pas ta faute. Il se répétait, presque en murmurant cette fois, comme pour l'ancrer dans son esprit. Comment tu peux croire ça... il t'as fait du mal, il t'as éloigné de moi, de nous... Et bien qu'une infime partie du jeune homme lui en voulait toujours à elle d'avoir gardé le silence, sa haine se concentrait sur Lawrence, et uniquement sur lui. Promets moi de plus jamais me mettre à l'écart Shiloh, je t'en prie.

Le regard de Nathan me renvoie une image que jamais je n'aurais imaginé apercevoir dans les yeux de mon jumeau. Un mélange de colère, d'incompréhension et beaucoup trop de questions qui semblent flotter tout autour de nous. Il ne comprend pas, j'ai bien trop de mal à trouver les mots pour lui expliquer vraiment. Comment lui expliquer que sa sœur a pu être aussi naïve ? Comment lui dire que je n'avais rien vu venir, que je m'étais laissé accaparer par les belles paroles de Lawrence au point de ne plus être que l'ombre de moi-même. Ce n'est pas des confessions que l'on fait aisément, ce n'est pas quelque chose dont j'aimerais discuter longtemps. S'il s'interroge, c'est qu'il veut comprendre.

Ils sont durs les mots qui s'échappent d'entre mes lèvres. Elles sont violentes les pensées qui m'assaillent alors que je revis la scène. Lawrence qui s'impatient parce que je mets bien trop de temps dans la salle de bain, mon téléphone qui sonne et lui qui s'empresse de raccrocher dès qu'il comprend que c'est Nathan. Je ne l'avais pas vu comme cela immédiatement. Ce n'était qu'une erreur qu'il avait faite, mais avait-il besoin de me gifler lorsque je lui ai notifié ? J'aurais encore tendance à dire que oui, je pourrais lui trouver des excuses à la chaîne. Il était fatigué, il n'avait jamais été très patient, il voulait simplement pouvoir passer une soirée en tête-à-tête avec moi. Tout se mélange, tout va bien trop vite. Les mots m'échappent, je tente de tout justifier autant que je laisse entrevoir la peur qui ne m'as plus jamais quitté. Nathan est là, il prend les coups, il encaisse, mais plus les minutes s'allongent, plus il impose la distance entre nous.

Jusqu'à ce qu'il s'approche de nouveau, presque brusquement, surtout sans prévenir. Mon cœur s'emballe alors que ses mains viennent se poser sur mes joues. Je ne devrais pas, c’est mon frère, mais le mouvement de recul est là. Ce n'est pas lui, mais le geste. C'est toujours moi le problème. « T'as interdiction de répéter ça, t'entends ? Jamais. C'est pas ta faute Shiloh. » Je voudrais dire oui, approuver avec anticipation, lui assurer que j'avais bien compris, mais les mots restent coincés au fond de ma gorge. T'es vraiment idiote Shiloh. « C'est pas ta faute. » Alors c'est la sienne ? Je hausse les épaules, tente de retenir les larmes alors que pour la première fois depuis ce qui me semble être une véritable éternité, nos regards se croisent enfin. Il n'existe plus rien que la bulle qu'il tente de recréer autour de nous. « Comment tu peux croire ça... il t’a fait du mal, il t’a éloigné de moi, de nous... » Il ne reste plus que les larmes qui coulent sur mes joues alors que la vérité semble me heurter de plein fouet au travers des mots de mon frère. Lawrence ne voulait pas que je revienne à Brisbane, il était bien plus en colère ou de mauvaise humeur lorsque je parlais de Nathan. Ce sont des choses que je ne réalisais pas sur l’instant, mais qui m’apparaissent désormais différemment. « Promets moi de plus jamais me mettre à l'écart Shiloh, je t'en prie. » C’est mon corps qui répond en premier, alors que ma tête signe oui et que je pars me réfugier dans le creux de ses bras. « Je te promets… Je suis désolée. » Les mots sont entrecoupés de sanglots incontrôlables désormais. « Tu m’as tellement manqué Nathan. » Plus que je ne saurais jamais réellement l’exprimer. « J’ai besoin de toi. » Et il était temps que je les formule ces mots-là. « S’il te plaît… » Je n’ai jamais eu autant besoin de lui.

Nathan avait voulu montrer à sa soeur qu'il était là pour elle. Son visage entre ses mains, il voulait qu'elle entende chacun de ses mots, il voulait qu'elle remarque son air si sérieux. Leurs retrouvailles faisaient écho à des tonnes de promesses qu'ils s'étaient déjà faites maintes et maintes fois, plus jeunes. Ne pas se séparer était leur règle sacrée, elle aura été bafouée pour maintes et maintes raisons. Il était temps de régler les choses à présent. « Je te promets… Je suis désolée. » La façon dont ses mots se mêlaient aux sanglots brisait le coeur de Nathan. Lui qui avait toujours vu Shiloh comme la plus forte d'entre eux se retrouvait dépourvu de solutions de la voir dans un tel état. Elle s'excusait de l'avoir écarté de sa vie, et le brun n'avait attendu que ça. Tous deux, ils auraient besoin de temps pour s'apprivoiser et se comprendre à nouveau, mais rien n'était impossible pour ces inséparables. Nate se souvenait à quel point être séparés enfants était une torture pour les deux Atkins, et il avait retrouvé cette sensation brûlante au fond de lui lorsqu'elle était partie de Brisbane. Mais au fond, s'il avait été si dur de gérer leurs vies respectives tout en gardant un lien, elle n'était pas la seule responsable et il le savait bien. « Tu m’as tellement manqué Nathan. » Qu'elle lançait, sa voix étouffée par les larmes, par son visage écrasé contre le torse du brun. Tu m'as manquée aussi. Et les mots n'auraient su expliquer à quel point. « J’ai besoin de toi. » Attristé de la voir ainsi fragilisée, il était pourtant rassuré de voir que sa jumelle comptait sur lui pour traverser ces épreuves. Son retour en silence à Brisbane avait eu l'effet de lui faire se sentir inutile et indésirable : aujourd'hui il savait toute la complexité que la situation cachait. « S’il te plaît… » A ses suppliques il était sur le point de verser une larme à son tour. Il s'en empêchait, préférant passer sa main dans les cheveux de sa sœur, tentant d'être réconfortant. J'te lâcherais pas Shiloh. J'te lâcherais plus jamais. Il aurait aimé pouvoir faire en sorte que cette promesse ne soit jamais rompu, au sens propre comme au figuré. Nate devait pourtant fair face à l'évidence : c'est sa sœur qui était à l'origine du grand vide qui s'était immiscé entre eux. Et s'il aurait voulu ne pas lui en tenir rigueur, surtout pas après tout ce qu'elle avait pu vivre, il ne pouvait empêcher son esprit de voguer entre toute la compassion du monde et une once de rancœur. Il s'était parfois senti abandonné au détriment de la nouvelle vie qu'elle s'était construire avec son Lawrence. Malgré le crève-cœur que c'était d'en connaître à présent les détails sombres, ces sentiments, le brun ne les contrôlaient pas - au même titre que cette jalousie inconsciente qu'il avait nourri toutes ces années lorsque Shiloh seule réussissait dans ses projets. Il s'en voulait d'entretenir des pensées aussi égoïstes, d'autant plus lorsqu'il voyait la fragilité de sa moitié qu'il tenait dans ses bras comme la chose la plus précieuse au monde. Qu'importe, il comptait bien passer outre tout ça pour la soutenir, comme il savait si bien le faire, comme il le faisait toujours. Qu'il continuait, sa jumelle toujours blottie contre lui. Ça va aller, j'te le jure, ça va aller. Les mots ne pourraient l'apaiser totalement, mais il voulait montrer à Shiloh à quel point rien de ce qu'elle avait vécu n'était normal et à quel point elle se sortirait plus forte de cette épreuve. Elle était forte, et avec lui à ses côtés, tout irait mieux, il en était convaincu.