@Min-Jun Joon
- - - - - - - - - -

Les souvenirs sont vagues, ils sont flous, Dani ne s’en souvenait plus. Elle avait toujours détesté cette période de l’année.  Pourquoi ? Car il lui rappelait la disparition de son grand-père, il lui rappelait qu’elle n’avait pas été là pour lui au moment fatidique de sa vie. Elle ne se l’était jamais réellement pardonnée. Dani dormait mal, Dani dormait peu. Cette période de l’année était charnière pour l’œnologue. Elle éprouvait un immense stress avec l’arrivée des premières vendanges de son domaine viticole. Elle voulait réussir, mais elle se mettait une pression de titan. Elle voulait réussir pour lui, elle voulait lui faire un bel hommage. C’est lui qui lui avait transmis son amour pour le vin, sa passion pour l’œnologie. C’était sa façon à elle de soigner sa culpabilité. C’était sa manière à elle de le rendre fier malgré son absence qui pesait terriblement dans le cœur de la coréenne. Dani n’en parlait à personne, pas même à ses propres parents, pas même à son meilleur ami Eddie. Il connaissait très bien sa famille, encore mieux son défunt grand-père, mais le jour de sa mort, Dani n’avait plus osé aborder à voix haute le souvenir de son grand-père. Ce n’est pas faute que son entourage proche lui en avait donné l’opportunité mais elle refusait d’en parler, celui lui faisait trop mal au cœur. On lui avait appris à être forte, donc il était impensable pour la coréenne de montrer le moindre signe de faiblesse.

Dani s’était couchée le ventre vide après s’être disputé une énième fois avec sa mère au téléphone. Sa maman s’inquiétait, elle s’inquiétait que sa fille ne se prenne pas en main. Sa mère se sentait impuissante car elle était à des milliers de kilomètres de sa fille, son unique enfant. Dani refusait toute forme d’aide extérieure. Elle pensait y arriver seule, elle pensait soigner ce traumatisme toute seule comme une grande. Elle était effrayée à l’idée d’aller consulter et partager ses maux.

Dani se réveilla en sursaut. Elle venait de faire un nouveau cauchemar qui lui avait glacé le dos. Elle était paralysée dans son lit, elle avait un mal de crâne et les membres de son dos complétement tendus par la peur. Elle n’arrivait pas à retrouver le sommeil, elle redoutait de faire un nouveau mauvais rêve. Elle en faisait chaque soir depuis une semaine. Dani ne savait même plus combien d’heures elle avait réellement dormi. L’œnologue se leva péniblement de son lit, elle a cette mauvaise idée de se diriger vers la cuisine et sortir la bouteille de vin entamée un peu plus tôt dans la semaine. C’était clichée pour une œnologue mais voilà le seul liquide qu’elle arrivait à avaler alors qu’elle avait le ventre vide. Habituellement Dani supportait parfaitement le vin mais ce fut la goute de trop. L’alcool lui donnait des terribles crampes au ventre, elle se précipita aux toilettes et eut tout juste le temps d’appeler les secours avant de tomber dans les pommes.

Pour une fois, la jeune coréenne eut l’impression de faire un rêve un peu plus doux, un peu plus serein, moins agitée. Elle entendait une voix apaisante, presque rassurante lui parler. Elle ne savait pas si c’était le fruit de son imagination ou la réalité. Elle n’était pas envie d’y retourner, elle se sentait affaiblie. Pourtant, elle sentait une lumière peser sur ces yeux. Doucement avec un poil de difficulté, elle ouvrit ses paupières en découvrant les traits d’un homme face à elle. Il était vêtu de son habit de travail, mais ce qui lui perturba le plus était qu’il avait les mêmes traits qu’elle. Dani était persuadée qu’il s’agissait d’un rêve, à part Eddie, elle ne connaissait pas de personnes aux traits asiatiques. L’œnologue eut un moment d’incompréhension. Elle n’avait pas pu retourner en Corée par magie alors que dans ses souvenirs elle avait emménagé à Brisbane en Australie. Dani essaya de se concentrer et comprit qu’un médecin était face à elle. « Où je suis ? » qu’elle demanda d’une voix affaiblie. L’homme lui demanda de lui parler, de lui expliquer sa venue. Dani ne savait pas trop elle-même, ou alors qu’elle refusait de s’en rappeler volontairement car elle ne voulait pas en parler. Elle ne voulait pas raviver de douloureux souvenirs. « Pourquoi je suis ici ? » Dani ne se sentait pas à l’aise, elle voulait juste se rendormir et se réveiller à nouveau dans son lit, chez elle.

@Min-Jun Joon
- - - - - - - - - -

Habituellement lorsque l’œnologue se trouvait à l’hôpital, c’était dans le cadre de l’association du Royaume Enchantée. Sous ses traits coréens, elle incarnait la princesse Mulan et contait des histoires aux enfants du Vincent’s Hopital. Elle était dynamique et portait un sourire radieux sur les lèvres, tout l’inverse d’aujourd’hui. Elle n’était pas clouée à ce lit d’hôpital se réveillant avec difficulté et n’ayant que très beau de souvenirs des événements de sa soirée. En ouvrant les yeux, elle découvre un jeune homme. Il avait l’air incroyablement jeune pour un médecin. Pourtant elle savait mieux que quiconque que les gènes asiatiques pouvaient être trompeur sur vos âges réels. Elle en était la preuve vivante, elle ne connaissait que trop par cœur les réactions qu’elle pouvait engendrer lorsqu’elle révélé son âge véritable. Les pupilles féminines s’habituaient doucement à la lumière de la chambre où elle avait été disposée. Il y avait toujours cette lumière blanche, presque aveuglante dans les hôpitaux. Dani n’était pas spécialement à l’aise avec ce type d’environnement. Elle ne savait pas si c’était le fruit de son imagination, mais elle avait cette impression d’avoir déjà vécue cette scène, que ce n’était pas la première fois qu’elle posait ses yeux sur ce visage. S’étaient-ils déjà vus ? Elle doutait que le médecin se rappeler de tous les visages qu’il soignait, encore moins dans le secteur des urgences.

Après quelques minutes, Dani trouva la force de parler en demander où et pourquoi elle était ici. Elle apprit de la part du médecin qu’elle était aux soins intensifs suite à un second malaise. Elle se pinça doucement les lèvres à cette nouvelle. Elle ne savait pas si elle était plus inquiète pour son état de santé ou bien par l’inquiétude que cette nouvelle pouvait engendrer auprès de ses proches. Entre ses parents et Eddie sont meilleurs amis. Elle chassait cette pensée de sa tête d’un mouvement de tête. Elle ne voulait pas réfléchir à cela, elle y pensera demain, pour l’instant elle pouvait gérer seule. Enfin c’est ce que croyait naïvement la coréenne.

Le jeune docteur prit alors une chaise, venant s’installer au chevet de Dani. Il avait ce sourire qui ne quittait pas ses lèvres et cette voix bienveillante qui ponctuait chacun de ses mots. L’œnologue jugeait qu’il savait y faire avec ses patients et qu’il était loin d’être un médecin insensible comme certain. Même si elle n’était pas entourée de ses proches pour la soutenir, cette simple présence eut le don de la rassurer. Elle se sentait en sécurité malgré l’atmosphère pensante et la froideur des murs de l’hôpital. Le jeune homme lui proposa alors de se confier, de lui parler si elle en ressentait le besoin. Dani sentit doucement ses doigts se crisper sous les draps de son lit. Elle ne m’aimait pas remuer le couteau dans des vieilles blessures. Elle n’aimait encore moins parler de ses faiblesses. Elle était sacrément têtue la miss.

« Je ne me sens pas d’en parler maintenant, pas ce soir. » c’est la meilleure échappatoire que trouva Dani à ce moment précis. Elle espérait que ces paroles ne contrarient pas le médecin. Ce n’était pas contre lui, juste elle ne voulait pas en parler. Elle ne voulait pas admettre qu’elle n’avait jamais pris le temps de soigner correctement son deuil. Son regard s’égara dans celui de médecin, qui n’arrêtait pas de la regarder, sans la quitter des yeux. « Pourquoi vous me fixez ainsi ? J’ai une mine aussi horrible que ça ? » qu’elle rigola doucement essayant de rire de sa propre situation. Dani avait beau avoir un teint porcelaine, aujourd’hui il devait être macabre. Elle n’osait pas imaginer les cernes qui pouvaient orner ses yeux. « On se connait ? » qu’elle finit par demander essayant de percer le mystère. Après tout, l’homme possédait les mêmes traits de la coréenne. Peut-être s’étaient-ils croisés dans une vie passée ?

@Min-Jun Joon
- - - - - - - - - -

Elle n’avait pas la force de se confier ce soir. Ce n’était pas contre le médecin, qui semblait incroyablement bienveillant envers elle. Juste Dani n’avait pas la force physique et mentale de secouer une ancienne blessure du passé. Elle fut soulagée en entendant les paroles masculines. Il était compréhensif et n’insista pas plus. Un mince sourire se dessina sur son visage. Le médecin semblait inquiet, mais à cet instant Dani ne se rendait pas compte de l’impact que cette nouvelle crise aurait sur son futur. Elle était juste fatiguée et elle avait cette impression de se réveiller d’un mauvais rêve. Un rêve où elle s’était éveillée dans une nouvelle pièce, un nouveau lit. L’atmosphère ne lui était pas familière, la décoration colorée de son appartement avait laissé place à une ambiance froide et glaciale de l’hôpital. Il y avait juste cet homme à son chevet qui apportait un peu de chaleur humaine à ce décor. Cet homme dont elle ignorait le nom lui semblait étrangement familier, mais l’esprit assombri de la coréenne l’empêchait de voir clair. Aux mots du médecin, elle comprit que lui aussi avait cette impression de « déjà vu ». Pourtant ni l’un et ni l’autre ne semblait trouver une réponse à leur questionnement. Finalement, le brun lui conseilla de se reposer un peu, histoire de récupérer un peu d’énergie. Dani se mordit légèrement les lèvres à l’idée de fermer les yeux à nouveau. Elle avait peur de faire un énième cauchemar. Elle avait peur que ses vieux démons viennent lui murmurer de douloureux souvenirs à son oreille. En plein dilemme dans ses pensées, Dani regardait le médecin se lever afin de répondre à un appel quand soudainement il fit tomber son téléphone sur les draps du lit de Dani. Une image d’une jeune enfant, une petite fille aux traits asiatiques apparue en fond d’écran. A cette vision, Dani fronça les yeux et eut un flashback.

Le jeune père de famille venait de donner les dernières informations à la jeune coréenne avant de quitter son domicile pour aller rejoindre son travail. A cette époque, les traits de Dani étaient plus enfantins. Du haut de ses seize ans, voilà quelques temps qu’elle faisait du babysitting. En ce moment, elle s’occupait de la petite Illya. Elle lui rappelait Dani lorsqu’elle était encore plus jeune. Mais ce dont elle se rappelait en particulier, c’était de la beauté de son père. A chaque fois qu’elle se retrouvait dans cet appartement et qu’elle regardait les photos de son père et de sa fille, elle était toujours troublée par le charme de son père. Cependant l’adolescente avait toujours tue cette pensée qui n’était pas raisonnable pour son âge. Elle s’était toujours demandée comment cet homme était resté seul, elle n’avait jamais osé se mêler de la vie privée de son ancien employeur.

« Je connais cette fille. » qu’elle sortit après quelques secondes de flottement. Elle releva ses prunelles vers le médecin, observant plus attentivement son visage qui devenait comme une évidence à présent. « Avez-vous vécu à Séoul ? » qu’elle demanda comme pour confirmer ses hypothèses. Elle était presque certaine qu’il s’agissait de ce père de famille dont elle gardait la petite fille.

@Min-Jun Joon
- - - - - - - - - -

Il avait donc vécu à Séoul, tout comme elle. Était-ce possible après tout ce temps de le recroiser, ici à Brisbane ? Ce n’était pas possible. Dani était persuadée, elle était encore la victime de l’un de ses rêves, l’une de ses illusions. Allait-il se transformer en cauchemars ? Elle ne voulait pas, elle avait peur de se laisser porter par les bras de morphée une nouvelle fois. Elle n’était pas très gentille avec la coréenne ces derniers temps. Elle refusait de fermer ses paupières, malgré la fatigue qui tiraillait son corps de l’intérieur. Dani était très affaiblie, mais elle ne voulait pas l’accepter. Pourtant, elle n’avait rien mangé depuis presque vingt-quatre-heures. Elle avait seulement bu et pas que de l’eau. C’était le contre-coup de tout ce stress accumulé. De ce stress qu’elle n’avait réussi à exotériser en faisant son sport hebdomadaire.

« Vous êtes gonflé… » qu’elle répliqua d’une voix froide cette fois-ci. Elle croisa ses bras sur sa poitrine tout comme le médecin. Elle était comme une enfant qui montrait son opposition face à une autorité supérieure. Dani n’était pas chez elle à cet instant. Elle n’était pas à l’aise dans ces lieux qu’étaient l’hôpital. Il s’était levé et la regarder toujours. « D’abord vous me conseillez de parler… » certes, il ne s’agissait pas de ses problèmes. « Ensuite, vous me dites que je vous suis familière.. » et maintenant, que la coréenne pensait avoir mis le doigts sur un possible hypothèse qui tenait la route, il faisait marche arrière. « Je n’ai pas envie de dormir, je n’arrive pas à dormir ! » qu’elle commença à s’énerver et à ouvrir une porte sur ses insomnies, sur ses affreux cauchemars qu’elle faisait en répétition. Son palpitant commença à s’agiter dans sa poitrine. Sa respiration se faisait de plus en plus rapide. Dani était fatiguée, mais elle luttait contre ses démons du passé en refusant de se reposer. Dani devenait de plus en plus irritable sans le vouloir et finalement, elle finit par lâcher cette petite bombe. « Cette fille s’appelle Illya, je me trompe ? » Elle tentait le tout pour le tout, quitte à se faire taper sur les doigts de ne pas sagement se reposer comme il le conseillait. Dani trouvait surtout un stratagème à cet instant de ne pas retourner dans le labyrinthe de ses sombres nuits hantées par ses cauchemars.

@Min-Jun Joon
- - - - - - - - - -

Les nerfs de la coréenne commencèrent à doucement s’agiter dans son petit être encore fragilisé par les récents événements. Elle puisait dans ses dernières ressources d’énergie. Elle n’en faisait qu’à sa tête, elle n’était pas un bélier pour rien. Dani croyait énormément à l’astrologie, et le tempérament têtu des béliers lui allait comme un gant. Alors qu’elle rouspétait contre le médecin qui était en charge d’elle, elle avait croisé ses bras fermement contre sa poitrine.

L’homme en blouse blanche faisait son travail, tout en tant d’esquiver habillement les questions de la coréenne. Il effectua plusieurs tentatives en lui proposant à manger ou des oreillers afin d’améliorer son confort. Mais la brunette déclina ses propositions d’un mouvement négatif de la tête, agitant ses cheveux noir ébène. Elle préservait son peu d’énergie, en minimisant ses paroles et en les utilisant seulement lorsque cela était nécessaire. Notamment, pour lancer sa bombe, sa révélation. Dani sortait la carte joker de son jeu afin de surprendre son adversaire. D’une main de maître, l’œnologue avait réussi à piquer le médecin en plein cœur. A piquer son point sensible qu’était sa fille. Illya. Dani se souvenait de chacun des enfants qu’elle avait pu garder lors de son adolescence. Elle avait toujours été une babysitter consciencieuse et appliquée dans son travail. Le père et la fille avaient marquaient l’esprit de la jeune coréenne. Comment les oublier ? A cet instant, tout devint nettement plus clair dans son esprit. Le voile de ce tableau de sa vie avait été enlevé, laissant place à ces retrouvailles des plus inattendues.

Ce qu’elle n’avait pas non plus prévu, fut la réaction du médecin. Surpris par les mots de la coréenne, il s’était soudainement approché de Dani. Son visage n’était qu’à seulement quelques centimètres de la coréenne, qu’elle pouvait sentir le souffle masculin contre sa peau. Elle pouvait observer avec une grande précision la couleur des yeux du médecin qui la regardait d’un peu trop près à son goût. Dani poussa un grand soupir de désapprobation avant de le repousser avec sa main d’un geste ferme et précis. « Je… poussez-vous ! ça va pas de vous approcher si près de vos patients ? Il est où votre soi-disant professionnalisme ? » qu’elle répliqua d’une voix furieuse. Bon Dani était clairement de mauvaise foi, elle l’avait poussé à parler, mais elle avait cette manie de retourner la situation à son avantage. Il s’excusa reculant d’un pas. Dani le regardait d’un être méfiant. « Je suis pas une espionne… on est pas dans un film de James Bond. » qu’elle râla. Ces allusions, elle les gardait seulement pour l’héritier Walker. C’était leur petit jeu entre eux. « J’étais la babysitter de votre fille, il y a plus de dix ans maintenant. » qu’elle lâcha finalement avec un soupir, s’enfonçant dans son oreiller. « Tout cela m’a fatigué. » Il l’avait fatigué. Elle était têtue et bornée. « Je vais me reposer. Content ? » qu’elle finit par annoncer en fermant ses yeux. Elle serra les poings sous ses draps. Elle était tendue et priait intérieurement de ne pas refaire des mauvais rêves. Elle voulait juste dormir en paix. C’était trop demandé ?