| (noanwar) one foot in front of the other |
| | (#)Mar 19 Jan 2021 - 1:02 | |
| noa & anwar one foot in front of the otherFor those doubts that swirl all around us, for those lives that tear at the seams we know we're not what we've seen, for this dance we'll move with each other there ain't no other step than one foot right in front of the other. There's so many wars we fought, there's so many things we're not, but with what we have, I promise you that we're marchin' on. ☆☆☆ Rarement avait-on aussi peu vu Anwar rechigner à rédiger un rapport, et si ce jour-là avait été jour à chronométrer ses exploits sans doute l’aurait-on auréolé d’un record pour la vitesse avec laquelle il avait tapé, corrigé et imprimé l’intégralité de sa procédure avant de descendre l’apporter au secrétariat – Charlie ayant même au passage droit à un sourire, signe que l’inspecteur Zehri n’était aujourd’hui pas de si mauvaise humeur. Lorsqu’il avait saisi son blouson derrière le crochet de la porte de leur bureau à peine remonté, pourtant, Ciara s’était étonnée « Tu t’en vas déjà ? » et l’esprit déjà ailleurs le brun avait répondu d’un air absent « Hmhm, un truc à faire, mais j’ai mon portable si y’a une urgence. » S’il y avait un cadavre, donc. Il fallait cependant reconnaitre quelque chose à sa nouvelle équipière : elle n’était pas du genre à fourrer son nez là où il n’était pas le bienvenu, et se contentant d’un haussement d’épaules avant de passer à autre chose elle avait réajusté ses lunettes sur son nez avant de se rencontrer sur l’écran de son ordinateur, se fendant simplement d’un « À demain. » à la cantonade lorsqu’Anwar avait quitté la pièce en en faisant de même. Un truc à faire, ou plutôt quelqu’un à voir, et quittant le parking du commissariat avec la délicatesse qu’on lui connaissait derrière un volant il avait parcouru les quelques kilomètres qui séparait son poste actuel de celui où il avait officié durant huit ans. Quatre années étaient passées, mais malgré tout l’inspecteur ressentait toujours en revenant traîner dans ce quartier un sentiment de familiarité qu’il ne parvenait pas à ressentir à l’égard de son nouveau commissariat … La nostalgie, sans doute, tenace malgré la certitude qu’il n’avait plus sa place ici. Pas sans Frank assis au bureau d’en face. Laissant sa vieille Ford à quelques centaines de mètres de là il avait remonté la rue sans se presser, flânant au milieu des odeurs et des bruits familiers du quartier, et se payant même le luxe d’un soupir songeur une fois arrivé devant la vitrine du Gilhooleys, pub irlandais de son état et repaire de flics depuis des lustres une fois la nuit tombée. « Oh Zehri, qu’est-ce que tu fiche là ? Tu t’es perdu ? » Depuis l’autre côté du comptoir, un barman bedonnant à la chevelure grisonnante coiffée en catogan l’avait hélé avec enthousiasme à peine avait-il passé la porte. « On peut dire ça, chef. » Traversant la salle, le policier avait tendu sa main au-dessus du bar pour faire cogner son poing contre celui du barman. « Comment va ? Et ta femme ? » Attrapant un verre, l’homme avait saisi la bouteille de whiskey en demandant l’approbation silencieuse de son ancien client fidèle, et répondu avec le ton du vieux sage « La quille gamin, dans six mois. Et après ça adieu Brisbane, bonjour les plages de Bali. Linda compte les jours. Et toi, tu nous reviens dans le coin ? Comment vont les petits ? » Se saisissant du verre et remerciant d’un signe de tête, le brun avait dodeliné la tête « Le grand va bien, toujours par monts et par vaux mais enfin, c’est de son âge. Et la petite commence déjà à crapahuter partout, j’avais oublié que ça grandissait si vite … » Encore deux ou trois mois et elle marcherait – déjà. « Mais non je suis que de passage, j’ai rendez-vous avec Derek. Il est pas encore là ? » La question n’en était pas véritablement une, Warrington aurait été du genre à l’attendre accoudé au bar et Anwar était de toute façon un peu en avance. Bavardant encore quelques instants avec le barman, l’inspecteur avait fini par le laisser retourner vaquer à ses autres clients et attrapé machinalement le journal sportif abandonné sur le comptoir. Plus que les derniers résultats hippiques cependant son attention avait été accaparée la seconde suivante par un profil familier attablé à une table non loin du bar. « Regardez qui voilà. » Se saisissant de son verre, le policier avait pivoté sur son fauteuil pour faire face à la personne moins susceptible – croyait-il – de passer la porte d’un bar à flics dans cette ville : Noa Jacobs. « Je me dépêcherais de terminer ce verre si j’étais vous : d’ici une petite heure cet endroit grouillera de flics en fin de service, un vrai poulailler. » De quoi largement hérisser le poil de celle qui ne se gênait d’ordinaire pas pour témoigner de son aversion pour la flicaille … Un bar rempli de représentants de l’ordre, cela devait un peu ressembler à sa propre vision de l’enfer.
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| | | | (#)Mer 17 Mar 2021 - 16:11 | |
| « Je vais profiter de la wifi du bar pour aller terminer de lire mes mails et répondre à quelques-uns. Ensuite, je rentre, vous pouvez prévenir Hannah ? », je raccrochais après avoir prévenu la secrétaire de l’association. Parce que je n’avais pas envie de retourner si tard au bureau et que cette réunion à l’autre bout de la ville avait suffi pour m’achever. Il était question depuis ma prise de poste à la direction de l’association que James s’occuperait des financements, des recherches de fonds et des liens avec les grandes institutions mais tout ce mois-ci, il était resté à Sydney et n’avait pas la disponibilité d’être présent à Brisbane ce qui fait qu’il m’avait délégué quelques tâches. Une responsabilité que je n’avais jusqu’à présent jamais eu à porter et je devais le dire : j’étais terrifiée à l’idée de faire une boulette, de dire un mot de travers, de ne rien comprendre au jargon, d’être à côté d’la plaque. James, comme toujours, avait su trouver les mots pour m’apaiser et me faire reprendre confiance en moi. C’était alors un peu moins terrifiée, mais toujours un peu flippée, que je errais dans le Central Business District, à la recherche de la tour G où s’était déroulée notre réunion d’affaire. Finalement terminée, le contrat était signé et nous voilà repartie pour trois ans de soutien et de financement afin de renouveler tout le matériel médical pour être à la pointe des nouvelles technologie, des moyens financiers colossaux que je n’avais pas le droit de laisser passer. James en serai informé aussitôt par mail et lorsque j’aurai terminé mon verre de gin, je pourrai enfin rentrer chez moi, avec ce sentiment de mission accomplie. Non, je n’étais pas si pire dans ce nouveau rôle, mais je laissais volontiers cette place à mon mentor. La tête dans l’guidon, la liste des mails que j’avais reçus en l’espace de trois heures étaient terrifiante. James m’avait renvoyé un briefing que je n’avais pas eu le temps de lire et en relisant point par point ses recommandations, je me rendais compte que ça collait à peu près à ce que j’avais fait. En soi, pas si pire pour une première et de toutes façons, le résultat était victorieux, donc j’avais fait mes preuves. Je lui renvoyais le compte rendu rapidement et jetais un œil très rapides aux autres mails. Rien de bien important, des newsletters et de la veille sociale et médicale pour la plupart. Quelques infos de la part de mes collègues mais surtout, celui qui retenait le plus mon attention : un mail de Lily McGrath sollicitant un rendez-vous, avec pour pièce jointe une lettre de motivation et un CV… elle postulait au poste d’assistante de direction qui était vacant depuis trois semaines à peine. Piquée par la curiosité, je ne pu attendre avant d’ouvrir les pièces jointes mais me voilà interrompu dans ma lecture par une voix qui me semblait familière. « Regardez qui voilà. » Je quittais l’écran des yeux pour poser mon regard sur l’inspecteur Zheri. Je me redressais, déjà sur la défensive. « Je me dépêcherais de terminer ce verre si j’étais vous : d’ici une petite heure cet endroit grouillera de flics en fin de service, un vrai poulailler. » je croisais les bras sur ma poitrine, jetant un œil à mon écran à nouveau, cette lettre mérite sans doute plus de considération que d’être lu sur une table dans un bar. Je refermais l’ordinateur sans l’éteindre totalement, je me pencherai dessus plus tard. Je regardais alors autour de moi. « C’est donc ça cette odeur de poulet grillé qui me titille depuis un moment. » sourire en coin, je me concentrais à nouveau sur l’inspecteur, dont j’oubliais qu’il pouvait parfois avoir une vie privée. Il me semblait avoir entendu des brides de conversations plutôt sans être plus attirée par sa voix, mais maintenant, c’est bien lui que j’avais entendu parler de mômes. « J’suis là pour une études anthropologique , pour voir comment se comportent des flics en communauté. J’vais sans doute rester encore un peu. » Parce que j’avais pas terminer mon verre. « C’est donc ça, votre QG. » un pub irlandais, c’était sans doute mieux que ce que j’imaginais d’un repère de flic, me faisant la remarque que j’ignorais si Greg fréquentait ce genre d’endroit aussi. « J’vais vous faire une confidence inspecteur. » je lui fis signe de se rapprocher un peu de moi. « Je suis ici en paix. » scoop ? |
| | | | (#)Jeu 8 Avr 2021 - 5:03 | |
| Il fallait reconnaître quelque chose au patron du Gilhooleys : il avait une patience folle avec la flopée de policiers qui venaient chaque soir au choix décompresser bruyamment entre deux peintes, ou noyer la peine d’une journée de travail trop lourde pour leurs épaules. Il savait les brosser dans le sens du poil, se faire suffisamment apprécier pour pouvoir les remettre à leur place si besoin, et suffisamment respecter pour que la plupart ne mouftent pas lorsqu’il leur refusait le verre de trop ou le droit de protester s’il leur appelait un taxi pour rentrer. Et au fond c’était de bonne guerre, tous les habitués connaissaient son côté filou, son passé de chahuteur et sa tendance à utiliser son âge comme excuse aux erreurs dans ses livres de comptes, alors c’était un peu donnant-donnant … Chacun y trouvait son compte, et depuis quatre ans qu’Anwar ne traînait plus sa carcasse ici aussi régulièrement qu’avant les choses ne semblaient pas avoir tant changé. À l’exception peut-être de la présence de Noa Jacobs dans un coin du bar, cliente anonyme comme le pub en comptait des pour d’autres, mais désormais vestige pour l’inspecteur d’un échec comme on tentait de ne pas trop en cumuler au cours d’une carrière. « C’est donc ça cette odeur de poulet grillé qui me titille depuis un moment. » Un sourire narquois s’étirant sur ses lèvres – et Dieu sait qu’Anwar n’avait pas souvenir d’avoir déjà vu sourire la jeune femme, même à ses dépends – elle avait refermé son ordinateur portable et reposé les yeux sur lui. « J’suis là pour une étude anthropologique, pour voir comment se comportent des flics en communauté. J’vais sans doute rester encore un peu. » Faisant mine de la prendre au mot il avait rétorqué « Vous m’en direz tant. » et s’était autorisé une gorgée de whisky avant de rajouter « Enfin je suppose que c’est comme pour n’importe qu’elle phobie, on s’y confronte pour tenter de s’en guérir. » du même ton qu’elle, mordant mais pas incisif. On pouvait néanmoins de demander avec raison si elle aurait poussé la porte du pub et posé son séant sur l’un des fauteuils si elle avait su dès le départ qu’elle clientèle y avait des habitudes une fois l’heure de la débauche arrivée. « C’est donc ça, votre QG. » Dodelinant la tête, il avait nuancé « C’est pas le seul … Mais c’est ici qu’on trouve les joueurs de billard les plus redoutables. » avec une pointe d’amusement. « Cliché, j’en conviens. » N’était-ce pas l’image que l’on se faisait du policier de base, un donut dans une main et un mauvais café dans l’autre durant la journée, plus souvent à lambiner qu’à faire son travail, et s’enivrant à la bière bon marché une fois le soir venu ? Oh, mais les clichés venaient bien de quelque part, dirait-on. Surpris qu’elle lui fasse signe d’approcher, il ne s’était pourtant pas fait prier et avait embarqué son verre avec lui pour investir la chaise vide face à la jeune femme. Si c’était un piège il sautait dedans à pieds joints. « J’vais vous faire une confidence inspecteur. » Allons bon. « Je suis ici en paix. » Répondant d’un sifflement admiratif, il avait levé son verre à cela et englouti ce qui en restait avant de le reposer vide et d’interpeller le barman « L’ancien tu m’en sers un autre ? Je fête pas la résurrection de Jésus, mais pas loin. » Un miracle restait un miracle. « Et un verre plein pour Miss Jacobs aussi, si elle en a envie … Un flic qui boit seul c’est mauvais pour les apparences, même quand il n’est pas en service. » La fin de la phrase prononcée à l’intention de la jeune femme, le brun s’était calé un peu mieux contre le dossier de sa chaise avant d’ajouter « J’ai une confidence à vous faire moi aussi : sortis de notre habitat naturel on est des gens normaux. Avec des hobbies, une famille … » Ouf, pas vrai ? « Mais je suppose que c’est un peu comme croiser son instit' au supermarché le samedi quand on est enfant : on n’en croit pas ses yeux de découvrir qu’il ne passe pas le week-end enfermé dans sa salle de classe à attendre le retour des élèves. » Et si on le croisait avec son ou sa moitié ? Alors là il y avait de quoi alimenter les ragots de cour de récréation pour une semaine au moins.
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| | | | (#)Sam 24 Avr 2021 - 15:20 | |
| « Enfin je suppose que c’est comme pour n’importe qu’elle phobie, on s’y confronte pour tenter de s’en guérir. » le mot phobie, il n’y avait que lui qui l’avait utilisé. C’est assez drôle de voir comment l’inspecteur Anwar n’avait jamais tenté de se mettre à ma place deux secondes et n’avait jamais compris, ne serait-ce qu’à un cinquième, pourquoi j’avais refouler toute sa caste et tout ce qu’il pouvait représenter alors même qu’il était la cause de mes traumatismes récents. Des traumatismes qui s’amenuisaient petit à petit, qui étaient presque derrière moi aujourd’hui d’ailleurs, mais un chemin qui n’aurait pu être fait sans me rendre régulièrement chez un psychologue. De manière très rapprochée dans un premier temps, puis beaucoup moins, j’avais même arrêté mes rendez-vous pendant un temps, forcée de constatée que ce n’était pas forcément une bonne idée. Ce soutien psychologique m’était encore utile à ce jour, même si ca se limitait à un rendez-vous tous les deux mois. Je n’avais jamais vraiment réalisé comme il pouvait être utile et important de parler. Soigner les maux par les mots, comme on dit. Et maintenant, cette phobie, comme il disait, m’apparaissait comme ridicule, certes, mais pas à minimiser pour autant. Aujourd’hui j’étais mieux dans mes pompes qu’à ma sortie de prison, mieux dans ma tête, mieux tout court, forcément, j’étais en paix. Et Greg avait participé à ces efforts, me rendant bien compte qu’il était illégitime de m’en prendre à toute la police, à toute la justice, à toute force judiciaire qu’il soit. J’avais été victime d’une erreur, moi ou d’autres, et même lorsqu’il s’agit de vie humaine, l’erreur fait partie de nous. J’avais gagné réparation, et même si cet argent pouvait m’être utile, il ne compenserait en rien ces mois perdus, cette estime bafouée, cette confiance heurtée, mais il semblerait que la justice et moi soyons quittes. J’avais été joueuse, sa remarque était le simple retour de bâton, après nos échanges tendus sur son bateau, il y a bien un an à présent, il était temps de passer à autre chose. « Soigner le mal par le mal. » J’observe, le QG, peut être que j’aurai pu m’en rendre compte avant qu’il ne me le dise si je n’avais pas eu le nez plongé sur mon ordinateur. Car effectivement, il y avait plusieurs hommes et quelques femmes en uniforme, je n’avais rien vu venir. « C’est pas le seul … Mais c’est ici qu’on trouve les joueurs de billard les plus redoutables. » c’est donc à ça que s’adonnent les policiers pendant leurs pauses. Manger des Donuts ne devait être qu’un attribue des recrues américaines, ici, c’était le billard. Ca me rappelait mes longues heures à m’essayer avec une queue en main alors que je n’étais qu’étudiantes. Il fallait bien passer le temps lorsque les formateurs étaient absents ou lors des créneaux réservés à la veille documentaire… hm. « Cliché, j’en conviens. » j’haussais les épaules, n’ayant en réalité, jamais trop baigné dans les clichés de nos forces de l’ordre si ce n’est les bonnes vieilles séries des nineties. Après avoir confié à l’inspecteur qu’il ne craignait pas que je lui saute dessus en s’approchant, maintenant que j’avais sorti le drapeau blanc avec lui et ses congénères, il n’hésitait plus à venir en face de moi, comme s’il avait lui aussi gagné une victoire. « L’ancien tu m’en sers un autre ? Je fête pas la résurrection de Jésus, mais pas loin. » toujours plus Zehri. « Et un verre plein pour Miss Jacobs aussi, si elle en a envie … Un flic qui boit seul c’est mauvais pour les apparences, même quand il n’est pas en service. » J’espérais bien qu’il n’allait pas rester égoïste à ne demander qu’un seul verre pour lui et je comptais bien me faire inviter également. « J’accepte volontiers. La même chose. » ce qui a l’air de ressembler à de la bière, si je ne me trompe. « J’ai une confidence à vous faire moi aussi : sortis de notre habitat naturel on est des gens normaux. Avec des hobbies, une famille … » mon corps lourds contrebalance sur le dossier de ma chaise, me voilà surprise par une telle confession. « Mais je suppose que c’est un peu comme croiser son instit' au supermarché le samedi quand on est enfant : on n’en croit pas ses yeux de découvrir qu’il ne passe pas le week-end enfermé dans sa salle de classe à attendre le retour des élèves. » « J’ai cru comprendre que vous aviez un semblant de vie, lors de notre rencontre, au port. » sur un bateau qui plus est, plutôt pas mal. Je rangeais mon ordinateur dans sa sacoche, il ne me serrait plus utile à présent. « Et alors, à quoi ressemble la vie normale de Monsieur Zehri, lorsqu’il ne porte plus son enseigne ? » question indiscrète ? Possible, il avait mis le sujet sur la table, m’offrant donc une petite ouverture. Il n’était pas forcé de me répondre d’ailleurs. Je me demandais aussi où en était l’enquête à propos du décès de Lauren… ma curiosité mal placée patientera… |
| | | | (#)Mar 29 Juin 2021 - 22:11 | |
| « Soigner le mal par le mal. » Entre deux sarcasmes échangés, peut-être y’avait-il malgré tout un fond de vérité chez l’un et chez l’autre. Contrairement à leur dernière entrevue et au cadre strictement professionnel dans laquelle celle-ci s’était déroulée, il n’y avait aujourd’hui chez elle et chez lui aucune obligation à la courtoisie – autre que celle de prouver (à l’autre ou à eux-mêmes) qu’ils savaient se conduire en adultes civilisés. L’inspecteur restait surpris, malgré tout, tant de trouver la jeune femme dans ce bar que de la voir moins réticente que prévu à un brin de conversation : elle ne l’avait pas directement renvoyé dans les cordes, et n’avait pas non plus sourcillé lorsqu’il avait pris la liberté de venir occuper la chaise face à la sienne. La surenchère ne l’amusant d’ailleurs que brièvement, il avait montré patte blanche en proposant par des moyens détournés de lui offrir un verre, mais pas entièrement su camoufler le sourire satisfait que lui avait inspiré le « J’accepte volontiers. La même chose. » obtenu en réponse. Comme quoi, tout arrivait un jour … Même le plus improbable. Le tenancier s’attelant à leur servir deux pressions, Anwar avait remis le doigt sur l’excuse anthropologique derrière laquelle Noa avait décidé, sans sérieux, de justifier sa présence et cru bon d’enfoncer une porte ouverte en faisant remarquer que même cette profession qu’elle méprisait tant était faite d’individus qui, le soir venu et leur uniforme au placard, s’efforçaient au mieux d’être des citoyens comme les autres. « J’ai cru comprendre que vous aviez un semblant de vie, lors de notre rencontre, au port. » Et quelle rencontre, avait-il failli ironiser en se rappelant des noms d’oiseau dont elle l’avait gratifié au passage ce jour-là … Mais difficile de reprocher quoi que ce soit à la jeune femme s’il n’y mettait pas aussi un peu du sien, aussi avait-il gardé sa remarque pour lui. « Ça m’arrive, oui. » avait-il préféré rétorquer, avec dans la voix un brin amusé d’ironie. Et pourtant, le temps passant le brun perdait peu à peu une bonne partie de ce qui faisait de lui autre chose d’un flic avalé par son propre travail : Tarek était grand, son mariage n’était plus, les Street Cats non plus … Lui restait Alma, lorsqu’elle n’était pas chez sa mère. Et son bateau, donc. Amer constat que le « Et alors, à quoi ressemble la vie normale de Monsieur Zehri, lorsqu’il ne porte plus son insigne ? » posé par Noa tandis qu’on leur apportait leurs bières n’avait fait que lui renvoyer en pleine figure, la tête du brun dodelinant comme pour lui laisser le temps de trouver une parade. « J’essaye d’expier mes pêchés en étant guide touristique. » Mensonge ? Même pas … pas totalement. « Je suis très sérieux. Mon rafiot ne sera jamais rentabilisé si je suis le seul à en profiter. » Et ce qu’il s’était bien gardé de confier à qui que ce soit, c’était que cette seconde rentrée d’argent l’avait sauvé de bien des galères lorsque sa mise à pied de l’année précédente l’avait privé d’une partie de son salaire. « Mais en dehors de ça Monsieur Zehri n’est qu’un quarantenaire ennuyeux qui s’occupe de ses enfants et de ses animaux de compagnie comme n’importe quel habitant de cette ville … J’ai dit que les policiers étaient des gens normaux, pas que leur vie était intéressante. » Haussant les épaules à la fin de sa tirade, il avait saisi son verre et y avait trempé ses lèvres avant d’imiter Noa, s’appuyant un peu mieux contre le dossier de sa chaise en la jaugeant d’un regard. « Et vous ? C’est à ça que ressemble votre bureau quand vous êtes trop las de la décoration de l’officiel ? J’aurais pas cru. » C’était du moins ce qu’il déduisait du fait qu’elle avait le nez vissé à l’écran d’un ordinateur lorsqu’il l’avait remarquée. « À moins que vous attendiez quelqu’un. » Était-il en train de chauffer la place d’un ou d’une autre sans le savoir ? « Ne me dites pas que c’est un de mes collègues ? Je supporterais mal d’être remplacé. » Ou si peu.
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| | | | (#)Sam 17 Juil 2021 - 17:47 | |
| Baisser les armes, forcée de constater que l’inspecteur Anwar n’avait plus son rôle de justicier sur le dos et j’imagine que s’il avait fait un pas vers moi, c’était sans doute parce que les excuses que je n’avais jamais voulu entendre de sa part avaient une part de sincérité. Le nez dans le guidon, la rancœur tenace, il avait été impossible pour moi de prendre du recul sur cette enquête dont j’avais été aussi victime et tout ce qui avait découlé ensuite. Aujourd’hui, j’étais apaisée et aujourd’hui je pouvais reconnaitre que ma réaction envers Zehri n’avait pas totalement été juste. Dans mon propre métier, il m’arrivait de faire des erreurs et aussi de ne pas toujours être maitre de mes propres décisions, sous contrainte d’une institution, quelle qu’elle soit. En faisant un bon en arrière, je ne pouvais que reconnaitre que si j’étais aussi sortie de tout ça, il en était également en partie responsable. S’il n’avait pas poursuivi son enquête, malgré l’affaire classée, sois disant, s’il n’avait pas suivi son instinct jusqu’au bout, je ne serai peut-être pas là aujourd’hui. L’admettre et me confondre en excuse n’étaient pas encore au programme, mais accepter ce verre était un premier pas et une façon de le dire aussi. Et puisque nous allions passer quelques temps assis à cette même table, autant rendre les choses plus agréables. Amorcer une discussion détendue et qui sortait du cadre habituel de nos échanges. Ma fonction de directrice n’avait pas lieu d’être ici et lui, n’était pas là pour me passer les menottes aux poignets ou pour m’interroger à propos d’une quelconque enquête. D’ailleurs, je me demandais où en était l’affaire à propos de Lauren Barrow, mais là, ce n’était pas le moment de plomber l’ambiance. La question arrivera en temps et en heure. Surement pas aujourd’hui. « J’essaye d’expier mes pêchés en étant guide touristique. » La surprise pouvait se lire sur mon visage. Qu’entendait-il par-là ? Si je ne doutais pas qu’il connaissait sans doute Brisbane comme sa poche, pour un inspecteur de police, cette activité était pour le moins surprenante. « Je suis très sérieux. » qu’il ajoute, remarquant sans doute mon étonnement. « Mon rafiot ne sera jamais rentabilisé si je suis le seul à en profiter. » sur les flots, balades sur les vagues, pourquoi pas. L’idée n’était pas déconnante. « Mais en dehors de ça Monsieur Zehri n’est qu’un quarantenaire ennuyeux qui s’occupe de ses enfants et de ses animaux de compagnie comme n’importe quel habitant de cette ville … J’ai dit que les policiers étaient des gens normaux, pas que leur vie était intéressante. » cette fatalité, à la fois dans sa voix et dans ses paroles. S’il jugeait sa vie inintéressante, ça en avait l’air cynique et d’une tristesse. Me voilà empathique. « Et vous ? C’est à ça que ressemble votre bureau quand vous êtes trop las de la décoration de l’officiel ? J’aurais pas cru. » je lève le nez et regarde le décor dans lequel j’avais posé mes affaires pour terminer ma journée. « À moins que vous attendiez quelqu’un. Ne me dites pas que c’est un de mes collègues ? Je supporterais mal d’être remplacé. » Cette dernière remarque ne manquait pas de m’arracher un rire. Personne ne pourrait remplacer la place qu’il tenait dans ma vie depuis quelques années maintenant. « Je ne changerai pour rien au monde. » dans la crainte de trouver bien pire en échange. « J’avais une réunion dans le coin, si vous voulez tout savoir, et puisque le bar me semblait accueillant, j’en ai profité pour boucler quelques dossiers avant de finir ma journée. Une perte de temps que de rentrer à l’association. » et finir cette journée éprouvante à pas d’heure. « C’est l’avantage, d’être directrice. » pas de compte à rendre, si ce n’est à James mais ici, personne n’avait besoin d’attendre mon retour pour m’assurer que le travail soit bien fait. « Et je n’attends personne. Je pensais pouvoir lire quelques mails manqués durant l’après-midi, mais quand je vois l’état de ma boite de réception, j’en ai la tête qui tourne. » Et l’ordinateur finira dans sa sacoche pour la fin de la journée. « Et alors, quand vous décidez de faire découvrir le littoral, vous revêtez votre marinière et votre bonnet de moussaillon ? » dis-je amusée de l’imaginer dans un tel accoutrement. « Vous envisagez la reconversion professionnelle ? » ne pouvant m’empêcher de faire le lien avec Gregory qui lui-même avait rendu son insigne, dépassé par ce métier qui lui avait bouffé bien trop d’heure de sommeil depuis ces longues années. « Mon compagnon a quitté le navire, pour ouvrir un bar à saucisson. » aussi surprenant que ça puisse paraitre et ça m’en arrache un sourire. « Et je ne peux que constater que la cape de justicier ne lui manque pas vraiment. » ou du moins, si elle lui manque, elle ne lui fait plus tant envier que ça, sure qu’il ne regrette pas son choix.
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| | | | (#)Ven 20 Aoû 2021 - 1:00 | |
| La chose n’était pas systématique, mais les policiers cumulant un second emploi sur leur temps « libre » étaient plus répandus qu’on le pensait et Anwar était loin de représenter une exception. Les raisons à cela étaient multiples, mais en tête se trouvait sans aucun doute le pourcentage élevés dans la police de personnes divorcées, des divorces qui rimaient souvent avec pension alimentaire et donc budget supplémentaire au portefeuille. Les enfants également, et surtout leurs études, représentaient une dépense non négligeable – la demi-année de cours par correspondance de Tarek et son internat au Queensland Ballet avant d’y être employé en étaient des exemples, et parce qu’il souhaitait à Alma de pouvoir faire les études qui lui plairaient mieux valait que Lene et lui commencent à économiser dès maintenant tant l’université était coûteuse. Plus rare en revanche était le domaine dans lequel Anwar avait décidé d’exercer sa seconde activité : bon nombre de policiers qui choisissaient un second boulot restaient dans le même domaine de compétences, ils donnaient des cours d’auto-défense, faisaient du conseil en sécurité où jouaient les vigiles. Le brun, lui, avait préféré mettre à profit sa passion pour la mer et le rêve qu’il avait depuis l’adolescence de posséder un jour son propre bateau. Au moins pourrait-il se vanter d’être parvenu à l’exaucer bien avant ses quarante ans – l’objectif qu’il s’était initialement fixé – mais pour rembourser le crédit qui allait avec les quelques billets que lui garantissaient chaque balade touristique dans la baie n’étaient clairement pas de trop. Son voilier, ses enfants, voilà à quoi se résumait la majeure partie de son temps libre, lorsqu’il quittait la casquette d’inspecteur de police à laquelle son interlocutrice était habituée – et comment. « Je ne changerai pour rien au monde. » Un peu surpris (mais pas désagréablement) de la voir saisir la perche tendue, il avait répondu par un sourire entendu et trempé ses lèvres dans son verre. « J’avais une réunion dans le coin, si vous voulez tout savoir, et puisque le bar me semblait accueillant, j’en ai profité pour boucler quelques dossiers avant de finir ma journée. Une perte de temps que de rentrer à l’association. C’est l’avantage, d’être directrice. » Il fallait bien qu’il y en ait malgré son caractère qui supportait difficilement qu’on lui dicte sa conduite Anwar n’enviait pas la place de grand manitou du commissaire … La bureaucratie et les ronds de jambe avec le gratin de la politique et de la justice ? Très peu pour lui. Il était et resterait un homme de terrain. « Et je n’attends personne. Je pensais pouvoir lire quelques mails manqués durant l’après-midi, mais quand je vois l’état de ma boite de réception, j’en ai la tête qui tourne. » Mweh, de la paperasse. « Vous êtes sûre que ce n’est pas plutôt l’effet de ce verre vide ? » s’était-il alors permis de plaisanter en désignant le verre qu’elle avait consommé avant qu’il ne lui en offre un second. Sur le même ton elle avait rebondi à nouveau sur son attrait pour la navigation, visiblement fascinée par l’idée qu’il puisse ne pas être que flic (et donc emmerdeur professionnel). « Et alors, quand vous décidez de faire découvrir le littoral, vous revêtez votre marinière et votre bonnet de moussaillon ? Vous envisagez la reconversion professionnelle ? » La vérité ? Il ne pouvait pas nier ne pas y avoir déjà songé. Les remises en question étaient fréquentes lorsque l’on faisait un boulot comme le sien, et la tentation d’opter pour quelque chose de moins prenant, de moins chronophage, de moins dangereux ou qui simplement ne vous renvoyait pas systématiquement au visage ce que l’être humain avait de mauvais revenait par vague, comme le printemps et la saison des moustiques. Mais jamais longtemps, et jamais assez fort pour l’avoir persuadé de sauter le pas. « Ça vous semble si difficile à concevoir que je puisse vraiment aimer mon boulot … ? » avait-il alors questionné, de façon purement rhétorique mais sans en faire une accusation. « Pas de reconversion, non. Ou peut-être pour mes vieux jours, qui sait. » Lorsqu’il serait trop vieux pour courir après les malfrats, ou trop usé pour savoir encore se persuader que le monde n’était pas aussi mauvais que le milieu de la police ne tendait à le faire croire. « Mon compagnon a quitté le navire, pour ouvrir un bar à saucisson. » Arquant un sourcil, indécis quant à l’information à analyser en premier parmi toutes celles que contenait cette simple phrase, il avait questionné « Il était marin ? » avant que le « Et je ne peux que constater que la cape de justicier ne lui manque pas vraiment. » ajouté aussitôt par Noa ne réponde pour elle à sa question. « Intéressant. Il me semble pourtant me rappeler que nous étions tous les mêmes, à vos yeux. » Eux, les flics. S’il y avait bien une profession sur laquelle Zehri n’aurait pas parié un copeck si on lui avait demandé de deviner le métier de celui qui partageait la vie de Noa Jacobs c’était celle-ci … Et en même temps la question ne semblait plus se poser, puisque le malheureux avait semble-t-il décidé de raccrocher les menottes une bonne fois pour toutes. « J’suis végétarien, alors la cape de justicier me sied mieux que le bar à saucisson, j’dois vous avouer. » avait-il en tout cas repris, un brin amusé. « Mais tout est toujours une question d’équilibre, dans ce boulot. Quand il commence à nous prendre plus que ce qu’il nous apporte, c’est qu’il est temps de raccrocher. » Soit en changeant de service, soit en quittant définitivement la maison comme avait choisi de le faire l’homme que fréquentait la jeune femme. « Et en ce qui me concerne, il m’apporte toujours plus que ce qu’il a pu me prendre. » Il lui avait pris Frank, pourtant.
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| | | | (#)Mar 7 Sep 2021 - 19:21 | |
| Les conditions qui nous avaient mis sur le chemin de l’un et l’autre ne nous avaient pas vraiment permis de nous connaitre de façon spontanée et naturelle. Il avait sa posture d’inspecteur qui avait l’autorité sur la présumée coupable que j’étais, forcément, accusée de meurtre, il n’allait pas se montrer tendre avec moi. L’humour n’avait pas sa place dans une telle situation. Aujourd’hui, plus apaisés, il était peut-être temps de se l’autoriser. Jamais je n’aurai pensé à devoir recroiser sa route et pourtant, en quelques mois, le destin nous avait fait nous revoir à plusieurs reprises. Le hasard, à chaque fois, sauf peut-être lors qu’il est venu à l’association, toujours avec sa cape de justicier, et là encore, ce n’était pas calculé, bien au contraire. « Vous êtes sûre que ce n’est pas plutôt l’effet de ce verre vide ? » mes yeux se posent sur le verre, vide, effectivement. Je souris à sa remarque mais je n’étais pas fatiguée à ce point pour me sentir patraque au bout d’un premier verre. Mais la plaisanterie est de bon ton et ce n’était pas le moment de lui faire voir de quoi j’étais capable, bien que la petite voix de Matt dans ma tête me disait de ne pas me laisser faire et de le défier de voir qui allait tomber en premier. J’avais de l’exercice avec nos virées nocturnes dans les rues de Brisbane, mais ce soir, j’allais rester sage. J’étais ok pour faire un pas vers l’inspecteur, pas pour commencer à avoir cette complicité au point de finir ivre morte avec lui. Allons-y tranquillement. « Ça vous semble si difficile à concevoir que je puisse vraiment aimer mon boulot … ? » j’hausse les épaules, ca me semble pas difficile à concevoir, en réalité, mais le fait qu’il ai un deuxième boulot, qui me semble moins lourds à vivre au quotidien me fait dire qu’il cherche à s’évader de tout ça aussi. « J’me dis juste que pour avoir envie de prendre le large, c’est que ca vous pèse peut être. Ca veut pas dire que vous n’aimez pas votre boulot. » j’imagine que rare sont ceux qui s’engage dans ce corps de métier, juste pour en découvre avec les vilains méchants ou pour jouer au ripoux. Les films et les clichés qu’on peut y voir ne sont pas monnaie courante, du moins, j’ose l’espérer. « Pas de reconversion, non. Ou peut-être pour mes vieux jours, qui sait. » « Ca arrivera alors peut être plus vite que vous ne le pensez. » bon, c’est gratuit mais drôle quand même, non ? Bon et en réalité, j’ignore quel âge peut bien avoir l’inspecteur, mais on doit pas être loin lui et moi, j’en prends aussi pour mon grade alors. Je fais rapidement le parallèle avec Greg, forcément, ça fait écho cette conversation, et je ne manque pas de le souligner. Le fait qu’il pense d’abord que Greg soit marin me fait rire, mais je lui fais comprendre que c’est de l’autre navire dont je parle. « Intéressant. Il me semble pourtant me rappeler que nous étions tous les mêmes, à vos yeux. » un méa culpa se lit sur mon visage. « On va dire que c’était un syndrome post traumatique et que maintenant, tout va bien, je suis soignée.» et j’en étais d’ailleurs la première surprise, mais je n’ai en réalité, pas de raison objective d’en vouloir à tous les flics de la terre. « J’suis végétarien, alors la cape de justicier me sied mieux que le bar à saucisson, j’dois vous avouer. » effectivement, je garderai la carte du restaurant pour moi alors. « Mais tout est toujours une question d’équilibre, dans ce boulot. Quand il commence à nous prendre plus que ce qu’il nous apporte, c’est qu’il est temps de raccrocher. » comme tous les jobs, au final. J’avais moi-même déjà fait une première reconversion en quittant le domaine du tourisme pour me tourner vers le social. Ça sert à rien de s’accrocher quand on est plus épanouie et que tout ne devient que du stress et contrainte. « Et en ce qui me concerne, il m’apporte toujours plus que ce qu’il a pu me prendre. » « Depuis quand est-ce que vous êtes inspecteur ? Et plus largement, dans la police ? » j’ignore un peu les parcours qui peuvent mener jusqu’à ce poste, j’imagine, qu’avant ça, il a pu être agent… je manquais cruellement de connaissance sur le sujet et ce, même en étant avec Greg depuis plusieurs mois à présent. « c’était un rêve de gosse ? » |
| | | | (#)Jeu 30 Sep 2021 - 5:08 | |
| Il se posait la question parfois : il se demandait à quoi ressemblerait sa vie s'il n'avait pas intégré la police (presque) vingt ans plus tôt. Deux décennies de ce métier avaient forgé l'homme qu'il était, le père qu'il était même … Les rencontres qu'il avait faites et les situations auxquelles il avait été confronté, bonnes ou mauvaises dans les deux cas, avaient pesé trop lourd dans la balance pour qu'il possède encore la moindre certitude quant à ce qu'il serait devenu s'il avait choisi un autre chemin de vie. Il aurait peut-être divorcé plus tôt, ou peut-être pas. Il n'aurait jamais rencontré Frank, et peut-être ne se seraient-ils pas retrouvés tous les deux dans cette épicerie de Redcliffe ce soir d'Halloween 2016 – Frank serait peut-être encore vivant, ou peut-être pas. Il aurait peut-être rencontré Lou, ou peut-être pas … Elle n'aurait probablement pas vécu assez longtemps pour qu'il rencontre Lene, en tout cas, et Alma ne serait jamais née. Il y aurait peut-être eu un autre bébé, d'une autre relation. Au fond rien n'illustrait aussi bien l'effet papillon que toutes ces suppositions, tous ces "Et si ?" mis bout à bout, mais qui ne changeaient rien à ce qu'était sa vie. Des regrets il en avait quelques uns, bien sûr, mais trop peu pour s'imaginer vivre d'autre chose. « J’me dis juste que pour avoir envie de prendre le large, c’est que ça vous pèse peut-être. Ça veut pas dire que vous n’aimez pas votre boulot. » avait finalement corrigé la jeune femme, tandis qu'il pointait du doigt la difficulté qui semblait être là sienne à imaginer qu'il puisse voir son métier par le prisme de ce qu'il lui apportait plutôt que par celui de ce qu'il lui coûtait. Et cela lui pesait bien un peu, parfois … Mais ces doutes-là il ne les partageait pas avec ses proches, et les partagerait donc d'autant moins avec l'une de ses (anciennes) détractrices. Tout juste consentait-il à admettre que s'il fallait se reconvertir un jour la réponse se trouverait effectivement sans doute du côté de son voilier. « Ça arrivera alors peut-être plus vite que vous ne le pensez. » L'initiative de la plaisanterie l'avait plus pris par surprise que l'affront fait à son âge, mais saisissant la perche il avait porté la main à son cœur avec théâtralité. « Un partout. » Le verre vide pour lui, l'âge avancé pour elle – et pour les deux l'exploit de la plaisanterie, compte tenu de comment avaient commencé les choses entre eux. La véritable surprise était de toute façon venue un peu plus tard, lorsqu'au détour d'une phrase dont le but était sans doute ailleurs la jeune femme avait laissé échapper le fait que l'homme qui partageait sa vie exerçait ce métier de policier qu'elle avait pourtant décrié si fort quelques années en arrière. Il ne la connaissait pas réellement, bien sûr, mais malgré tout s'il y avait bien une personne que l'inspecteur n'aurait pas imaginée s'enticher d'un représentant de l'ordre, c'était Noa Jacobs. « On va dire que c’était un syndrome post-traumatique et que maintenant, tout va bien, je suis soignée. » s'en était-elle alors justifiée avec calme, là où Zehri était certain qu' avant elle l'aurait fait avec méfiance. « Vous m'en voyez ravi. » Et en cela il était véritablement sincère et premier degré, compte tenu du mauvais rôle qu'il avait même involontairement joué dans toute cette affaire. « Même si je ne doute pas que vous l'êtes tout autant à l'idée qu'il ait remisé l'uniforme. » n'avait-il néanmoins pas pu s'empêcher d'ajouter avec un brin de taquinerie. C'était un choix qu'il respectait – lui n'en était absolument pas là, et n'imaginait pas rendre son badge avant que ne sonne l'heure de la retraite, mais il ne jetait pas la pierre à ceux qui décidaient de sauter le pas. On savait trop bien ce que ce boulot pouvait faire de quelqu'un, à la longue. « Depuis quand est-ce que vous êtes inspecteur ? Et plus largement, dans la police ? » Un peu surpris que la réponse puisse un tant soit ou l'intéresser, il avait d'abord dodeliné la tête « Vous avez vraiment décidé de me faire me sentir vieux aujourd'hui, uh ? » Marquant une pause le temps de s'autoriser une gorgée de bière plus que bienvenue, il en avait profité pour faire un rapide calcul mental afin de pouvoir fournir une réponse. « Ça fera dix-huit ans cette année. Sept pour le grade d'inspecteur. » Sept ans, déjà ? Il n'avait pas réalisé comme le temps filait … Cela lui semblait être presque hier, Frank, Derek, le reste de l'unité et lui attablés à la table du fond dans ce même bar, les pintes de blonde s'entrechoquant pour fêter sa nomination. « C’était un rêve de gosse ? » Un ricanement nerveux et involontaire lui avait instantanément échappé, tant elle était loin du compte. « Pas vraiment, non. » Il restait là par vocation, mais c'était clairement le hasard qui l'y avait mené en premier lieu. « Non, mon ambition à l'époque c'était plutôt fumer des joints et devenir le Biggie Smalls australien. » On ne connaissait pas la demi-mesure, à l'adolescence. « Finalement j'ai eu mon fils, et passé le concours de police pour accompagner un ami. Comme quoi la vie, parfois. » Il se préférait mille fois père comblé et inspecteur de police que rappeur talentueux mais précocement assassiné, c'était une certitude. De son verre de bière ne restait désormais plus qu'un fond de mousse. S'il n'envisageait pas d'en commander un second avant l'arrivée de son ancien chef de brigade, le fait d'avoir terminé le premier lui avait fait prendre conscience du retard qu'avait ce dernier sur ce rendez-vous. Et s'il ne s'en agaçait pas c'était parce qu'il n'était pas dans les habitudes de Warrington de poser des lapins sans raison : mais l'imprévu, aux stups, était un classique de genre. « Oh, Zehri ! » Quand on parlait du loup. Flanqué de son blouson de motard, son éternelle barbe de trois jours et le gris prenant chaque jour un peu plus le pas sur le brun dans sa tignasse, Derek Warrington l'avait interpellé depuis l'entrée dont il venait de passer la porte. « On dirait que les poulets font retour au poulailler. » avait alors insinué Anwar en reposant les yeux sur Noa, après avoir fait signe à son collègue de commander à boire et de lui donner deux minutes pour prendre congé. « Je vais vous laisser retourner à votre amateur de saucisson. Vous n'aurez qu'à lui dire que la maison lui passe le bonjour. » Il aurait pu demander plus clairement l'identité du bougre, au fond le milieu de la police était petit à l'échelle d'une même ville et en bientôt deux décennies de service Anwar et lui s'étaient probablement déjà croisés … Mais il préférait ne pas franchir la ligne blanche de l'indiscrétion, et ne pas de laisser la possibilité de se faire un avis sur le sujet. « Au plaisir ? » Si le hasard décidait à nouveau de les mettre sur la même route. Pour l'heure ils avaient pris congé en échangeant un sourire, autre preuve s'il en fallait que le temps était passé et que l'eau avait coulé sous les ponts, et profitant de repasser au bar pour régler la note de la jeune femme en même temps qu'il commandait sa seconde bière, l'inspecteur avait rejoint son collègue pour une conversation qui, elle, s'annonçait beaucoup moins bon enfant.
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| | | | | | | | (noanwar) one foot in front of the other |
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