Cela faisait des semaines que les frères Strange ne s’étaient pas adressé plus que quelques formalités. Cela faisait des semaines qu’ils n’avaient pas échangé un sourire, ou même un regard amicale. La tension était à son comble et plus les jours passaient, plus leur relation fraternelle passait aux oubliettes. Mitchell se retrouvait seul, plus que jamais. Il avait perdu Raelyn puis son frère. Les seules personnes en qui il portait une confiance aveugle. Il avait personne à qui se confier –bien que les confessions se faisaient rares ces derniers temps- son seul confident c’était son verre de whisky, un verre qui l’accompagnait assez souvent et qui ne cessait de se remplir. Il tentait d’un côté de rattraper ses nombreuses erreurs, de reprendre le pouvoir qui s’était estompé au fil des ans. Il faisait face à sa guerre contre Lou Aberline, une guerre sans fin. Il ramait, sans fin. Son frère avait été son allié, son pilier durant toutes ces années et il n’était plus là pour l’épauler dans sa descente en enfer. Ce soir, alors que l’Américain se trouvait assis au bar du Club, il accumulait les verres sans modération, il noyait son chagrin dans l’alcool, une facette qu’il n’avait pas montrée. Montrer la tristesse qu’il portait était une faiblesse et il ne pouvait pas en ce moment se montrer faible. Il faisait le fier, faisait comme si l’absence de son frère à ses côtés au quotidien ne l’atteignait pas et pourtant, il ne souffrait pas, bien trop. S’allumant une cigarette, il tourna la tête vers les escaliers en entendant des bruits de pas. Il resta silencieux quelques secondes en regardant son frère descendre puis replongea son regard dans son verre. « Comment, c’était ce soir ?» Qu’il lui demandait, faisant référence au restaurant. « Je te sers un verre ?» Poursuivait-il en croisant les bras, d'un air comme si de rien était, il lui montrait le siège à côté de lui d'un geste de la tête.
À quel moment tout était devenu trouble dans l'esprit de l'Américain ? À quel moment était-il devenu si pitoyable ? À quel moment avait-il perdu une des rares qualités qui lui restait qu'était la loyauté. Il avait tourné le dos à son frère alors qu'il lui reprochait tout le mal qu'il a semé au fil de ses dernières années, qu'il lui en voulait de ne pas avoir pu vivre la vie qu'il aurait souhaitée par pure loyauté envers lui. Mitchell avait senti son cœur se briser d'avantage en entendant tout cela, des mots qui raisonnait toujours dans son esprit. Alec avait enfin ouvert les yeux, et ce, pour le plus grand désespoir du brun. Il ne pouvait pas prétendre l'avoir manipulé depuis le début, non, ce n'était pas son but, puis Alec avait choisi de rester à ses côtés, mais il ressentait toute une grande culpabilité à son égard. Il avait ce sentiment de l'avoir embarqué de force dans ce merdier et qu'aujourd'hui, il le lui reprochait. C'était beaucoup plus complexe que ça, mais pour Mitchell, c'était assez simple. Son frère lui avait tourné le dos et l'avait laissé seul face à ses nombreux démons. Ils avaient tant bien que mal essayé de sauver les meubles, ne montrant pas le froid présent entre eux aux yeux de tous, du moins ouvertement, mais les bruits de couloirs n'avaient pas tardé à prendre place et c'était sans compter sur les affaires du Club qui était en chute libre. Le boss avait beau tout faire pour remonter le gang-là où il était auparavant, il n'y parvenait pas. Il avait perdu la confiance de beaucoup de ses alliés et devait se farcir en plus la présence de la Ruche dans les rues menées par Lou Aberline. Il grinçait des dents rien qu'en pensant à la jeune femme. Il repensait brièvement au soir ou il avait failli la tuer une bonne fois pour toute. Il débordait de colère ce soir-là et pour lui sa vendetta devait prendre fin, mais comme toujours, il n'y était pas parvenu et il en gardait un goût amer, noyant tous ses problèmes dans du whisky.
Il observait son petit frère prendre place à ses côtés, le gratifiant d'un bref sourire pour le remercier, choisissant d'ignorer sa remarque au sujet des bouteilles. Il n'avait pas envie de se prendre la tête avec lui encore une fois, pas ce soir. Alec montrait clairement sa non-motivation à avoir une discussion avec son grand frère et ça n'aidait pas, mais après avoir pris quelques gorgées d'un énième verre Mitchell se lança. « Je sais que j'ai merdé pas mal de fois, que j'ai un caractère qui est difficile à supporter, mais j'espère que tu ne penses pas que j'en ai rien à foutre.» Faisant référence au fait qu'ils ne partagent plus leur relation fraternelle d'antan. Il s'adossait en soufflant. « Je me dis des fois que cette course à l'or nous a apportées que des emmerdes.» Il ne pouvait pas prétendre le contraire. Au début, tout était beau, puis au fil du temps tout était devenu fade. « À quel moment tout à basculé mon frère ? »
Est-ce qu’il regrettait d’être partie sans un mot l’autre soir ? Regrettait-il de ne pas s’être battu pour préserver sa relation avec son frère ? Oui amèrement. Il avait laissé sa fierté prendre le dessus, comme toujours à vrai dire. Son petit frère lui reprochait tellement de choses, une de plus ou de moins. Pourtant au fil des jours, il avait broyé du noir l’Américain, il s’était retrouvé seul sans avoir quiconque vers qui se tourner. Il réfléchissait à comment il allait pouvoir réparer le mal qu’il avait commis, mais ne trouvait aucune réponse. Il tentait de se convaincre qu’il n’était pas le seul coupable dans cette histoire, que son frère n’avait pas un couteau sous la gorge et que s’il le souhaitait vraiment, il aurait dit non à cette vie depuis le début. Toute sortes de pensées se bousculaient dans sa tête et lorsque Alec s’installa à côté de lui au comptoir du bar, il ne pu s’empêcher de lui dire ce qu’il pensait vraiment. Qu’il n’en avait pas rien à foutre contrairement à ce qu’il montrait. Le dialogue était difficile, l’ainé avait beau montrer une volonté à améliorer la situation il faisait face à un mur de briques, à un frère qui avait l’air d’avoir oublier qui était vraiment son grand frère, il retenait que le mauvais de lui et ne manquait pas de le lui faire comprendre. Mitchell poussait un léger soupire en entendant son frère qui disait que ça ne changeait plus rien à présent. Mitchell pouvait faire tous les mea culpa possible, il était trop tard pour un retour en arrière. Il y en avait des fois ou l’Américain pensait au passé, à ce qu’ils auraient pu accomplir tous les deux sans pour autant tremper dans ce monde qui les avaient finalement plus détruits qu’autre chose. Certes, c’était trop tard pour avoir des regrets, trop tard pour vouloir se racheter une conduite. Le mal était fait, le sang avait coulé et leur vie était déjà gâché. « Je ne vais pas réécrire le passé ça c’est certain, mais putain, après tout ce qu’on a traversé … » Il se pinçait les lèvres tout en grimaçant. Ils en avaient vécu des emmerdes et pourtant jamais ils n’avaient été brouillé à ce point. « Il faudrait quand même que tu m’explique pourquoi après plus de quinze ans tu me tourne le dos ? Car oui, c’est toi qui m’a tourné le dos et pas l’inverse ! » Même si en guise de réponse Mitchell lui avait tourné le dos sans un mot l’autre soir. « Si cette vie te déplaisait tant, pourquoi être resté ?» Il n’arrivait toujours pas à comprendre son petit frère et ce même s’ils avaient déjà eu cette conversation, il se permettait de lui reposer la question, se disant que peut-être l’alcool l’aiderait à mieux comprendre.
La distance était de mise, une distance créer par le cadet uniquement qui ne manqua d’utiliser à nouveau ce prénom qu’Alex s’était choisis en quittant Las Vegas. Mitchell. Encore quelque chose de faux. Il l’avait ignoré du regard depuis le départ et d’un seul coup il plongea son regard dans le sien en lui retournant la fameuse question que l’ainé avait posé. Quand tout avait basculé ? Il avait un genre de réponse à cette question qu’il s’était déjà posé plus d’un millier de fois. Il avait décidé de choisir la facilité en mettant la faute sur une seule et unique personne : Leur père. « Sûrement lorsque Mavis m’a convaincu de la suivre jusqu’ici. » Il ne voulait pas mettre sur le tapis le paternel, ils en parlaient très rarement et en parler à ce moment n’était pas une idée. La conversation prenait un autre tournant lorsque Alec demanda des nouvelles sur les affaires du Club. Mitchell termina son verre d’une traite avant de croiser les bras. « On a connu mieux, mais ce n’est pas catastrophique. Ça ira mieux d’ici peu.» Lorsque la Ruche sera éradiquée de la ville. –ou lorsqu’il sera en cavale. – « Et le restaurant ? »
Mitchell ressassait son passé bien trop souvent ces derniers temps, de nombreuses pensées allant à sa vie d’avant qui ne le rendait guère joyeux. Il en était presque nostalgique des fois, nostalgique de cette relation qu’il avait avec son frère. Une période ou ils étaient comme cul et chemise et ou personne ne pouvait se mettre à travers leur chemin. Malheureusement aujourd’hui, ils en étaient loin, la paranoïa, les trahisons et la violence avait fortement contribué à nuire leur relation fraternelle. Le dialogue était quasi impossible et même le temps n’aidait pas à réparer les dommages causés. Alec affirmait le fait que son ainé ne lui faisait plus confiance, des dires qui ne manqua pas de faire lever les yeux au ciel à Mitchell qui ne comprenait pas trop pourquoi il disait cela. Il n’avait cependant pas tort sur un point, il ne faisait plus confiance à personne et ce depuis bien longtemps, mais envers son frère c’était diffèrent, mais il n’arrivait à exprimer ce qu’il ressentait à ce sujet. Il le regardait durant un instant sans un mot, se contentant du silence pour parler avec son regard. « Si j’en avais l’occasion je te confierai ma vie. » Des dires qu’il laissait échapper, des dires qui devait montrer que non, il se trompait le cadet.
La conversation se poursuivait et le dialogue se faisait de plus en plus difficile, l’Américain ne parvenait pas à faire comprendre à son frère tout les regrets qu’il avait et surtout à quel point il regrettait amèrement la situation dans laquelle ils se trouvaient. « Je sais pas, j’ai l’impression que tu t’es fait monté la tête à vrai dire » Sa fierté prenait trop le dessus comme toujours et alors qu’il tentait de comprendre pourquoi Alec avait tenu tout ce temps sans même lui dire auparavant qu’il ne voulait rien de tout ça au lieu d’attendre que la goutte fasse déborder le vase. Il y avait sûrement quelqu’un derrière qui l’avait poussé à agir ainsi, mais il ne voulait pas penser à ça, non, il avait du mal à imaginer son frère en tant que pantin.
Les minutes défilaient, la conversation se tourna autour de leurs affaires, là au moins ils avaient quelque chose à se dire. Mitchell écoutait son frère, puis resta sans voix lorsqu’il lui annonça qu’il avait un partenaire, mais plus de frère. Ça faisait mal, ça le touchait profondément. Il l’observait quitter les lieux sans u mot, restant au bar, continuant à boire jusqu’à pas d’heure. Il pensait encore, il était définitivement seul. Il avait perdu son allié de toujours, son petit frère. Il avait envie de tout casser autour de lui pour évacuer la frustration qu’il avait au fond de lui, mais n’en fit rien. Il se leva au bout d’un moment sans un mot pour quiconque était encore présent et quitta le Club en silence, tête haute.