« Tu viens avec nous, Reed ? » La jeune femme releva la tête vers ses collègues pour finalement remonter les lunettes sur son nez et jeter un coup d’œil sur sa montre. Oups. Le temps filait à une vitesse folle. « Oh, c'est gentil mais j'ai déjà quelque chose de prévu ce midi. La prochaine fois. » dit-elle avec un sourire poli alors que ses collègues se mettaient déjà en route. Niamh termina alors ses recherches pour finalement éteindre l'écran de son ordinateur, enfiler une veste en jean et se mettre en chemin vers la librairie de son ami, Tim, à qui elle envoyait par la même occasion un message pour le prévenir de son arrivée. Rien de surprenant. A vrai dire, cela lui arrivait plusieurs fois de débarquer dans sa librairie pour passer sa pause midi. Elle lui ramenait un café, un thé, un sandwich, une salade. Qu'importe ! L'essentiel était de passer un peu de son temps libre avec celui que le Destin des sites de rencontre avait mis sur son chemin deux ans plus tôt. Parce que oui c'est la magie d'internet qui a fait leurs chemins se rencontrer. Une drôle de rencontre mais au final, quelque chose de plutôt pas mal en était sorti : une amitié particulière. Niamh le considérait comme une sorte de petit frère, qui avait autant de chance qu'elle en amour. Quoique, il avait marqué pas mal de points en devenant père.
C'était donc armée de son sourire légendaire qu'elle poussa la porte de la petite librairie, pour rapidement poser son regard sur Tim qui se trouvait derrière le comptoir. Elle leva les bras pour lui désigner les deux gobelets de café qu'elle avait emporté avec elle et leur repas sur le pouce habituel. « Salut super-daddy. » dit-elle en déposant ses achats sur le comptoir en bois, se hissant sur la pointe des pieds pour enrouler un bras autour du cou de son ami. « J'me suis dit qu'il était grand temps de revenir squatter mon endroit préféré pour la pause midi. Et comme d'hab', je t'ai pris la même chose … pour m'assurer que tu aies quelque chose à te mettre sous la dent. » Et, comme à son habitude, elle prit ses aises tout en avalant une gorgée de son chai latte. Il n'y avait à cette heure pas encore beaucoup de monde dans la librairie alors elle savait qu'elle allait pouvoir avoir son attention. « Je te dérange pas j'espère ? » … demanda-t-elle inquiète, car après tout, elle venait une fois de plus de débarquer après avoir envoyé un message sans prendre le temps de recevoir une possible réponse négative.
Les petits venaient de fêter leur première année d'expérience et Tim avait encore bien du mal à réaliser tant le temps était passé vite. Pourtant, il y avait eu des moments difficiles, entre les réveils nocturnes intempestifs mais jamais synchronisés des deux bébés et la vie qui avait pris une autre tournure de manière générale, on ne pouvait pas dire que le père de famille avait eu le temps de s'ennuyer. Depuis quelques mois maintenant, il tâchait de remettre sa vie en ordre, autant dire que ce n'était pas une mission aisée vu les squelettes qui traînaient encore et toujours au fond du placard: confronter sa mère était une étape mais il y avait aussi l'acceptation du départ de cette femme qui aurait dû être la mère des jumeaux puis tous les autres traumatismes de l'enfance qui persistaient. Timothy, néanmoins, était prêt à faire tous les efforts du monde pour se libérer du poids de ses souffrances, il avait débuté une thérapie qui avait largement contribué à amoindrir sa réserve parce qu'on ne pouvait pas se le cacher, Decastel était relativement timide comme garçon. C'était un trait de sa personnalité qui lui avait apporté de nombreuses déconvenues par le passé car on lui avait toujours demandé de s'exprimer, d'être direct, sous prétexte que la société attendait cela d'un homme. Tim n'avait jamais véritablement apprécié ces clichés de genre alors, il n'avait pas suivi la route commune, se perdant dans les rougissements de ses joues et les bégaiements lorsqu'il était question de parler à quelqu'un de sympathique. Il avait bien tenté le coup, à cette époque, des rendez-vous galants, sous l'égide de son frère aîné bien sûr, qui lui avait forcé la main pour se bouger un peu. On pouvait dire que l'échec avait été cuisant mais Tim en était ressorti grandi et avec une nouvelle amie dans la poche en la présence de Niamh. Celle-ci débarqua d'ailleurs dans la librairie pile pour l'heure du déjeuner, Tim, lui, était en train de ranger les nouvelles arrivées de livres puisqu'il n'y avait pas eu un seul client ces deux dernières heures. Le français avait donc tout son temps devant lui pour converser avec la jeune femme qui avait, comme à son habitude, pensé à ramener de quoi le nourrir. Tim avait cette tendance énervante à s'oublier: il arrêtait de dormir, de manger pour s'occuper des autres et il était plus qu'appréciable que son entourage s'en rende compte pour le porter à bout de bras et l'empêcher de se détruire totalement la santé. "Tiens, Niamh, toujours à l'heure idéale, à ce que je vois!" Il lui rendit son étreinte, préférant ne pas relever cet adjectif qu'il ne jugeait pas proche de la réalité. Lui, un père exceptionnel? Il était dans la moyenne, en tout cas il l'espérait parce qu'il ne voulait pas se stresser vis-à-vis de ses compétences à tenir le coup au bout d'un an d'éducation de ses marmots. "C'est gentil de penser à mon estomac... Comme tu le vois, il se passe strictement rien par ici, hormis quelques rayonnages de livres à mettre en place, c'est mortel. Et toi, le boulot?" Elle préférait apparemment venir rendre visite à Decastel plutôt que d'aller manger avec ses collègues, un compliment que le principal intéressé ne pouvait pas ignorer. "Tu sais que Willow commence à dire Nini? Je sais pas si c'est pour te demander ou si c'est un pur hasard mais tout de même!" Ils allaient bientôt courir dans tous les sens et pour sûr, Tim lancerait des bouteilles à la mer pour obtenir quelques coups de main avec les petits monstres. Il devait assumer jusqu'au bout cette existence qu'il n'avait pas demandé mais qui lui plaisait, au final, plus qu'il n'aurait pu l'imaginer deux années auparavant.
« C'est gentil de penser à mon estomac... Comme tu le vois, il se passe strictement rien par ici, hormis quelques rayonnages de livres à mettre en place, c'est mortel. Et toi, le boulot? » Elle esquissa un sourire amusé à sa remarque, balayant du regard la librairie. Au moins, ils seraient tranquilles. Il fallait voir le positif. « Au moins, on sera tranquilles … C'est pas plus mal et puis, dis le pas trop fort. Il ne manquerait plus que tu ais foule avant la fermeture. Tu sais comment est le genre humain, toujours venir à la dernière minute, surtout avant la fermeture. C'est dans nos gênes. » Elle était elle-même comme ça et se détestait d'ailleurs par la même occasion. Elle savait que cela pouvait énerver les propriétaires de restaurant quand elle débarquait peu avant la fermeture pour faire une commande. « Si c'est mortel ici … imagine ce que c'est que de bosser sur l'ADN de fossiles, d'hommes préhistoriques … les trucs mortels, c'est mon rayon. Crois-moi. Je suis ici dans mon élément. » Sa voix rieuse, son sourire, elle était comme toujours une bouffée d'oxygène, un rayon de soleil, une tornade énergique. Il en fallait de la motivation pour lui voler son sourire et sa bonne humeur. En prononçant ces quelques mots, elle avait écarté les bras tout en prenant une pose de « je chille ».
« Tu sais que Willow commence à dire Nini? Je sais pas si c'est pour te demander ou si c'est un pur hasard mais tout de même! » Les prunelles de la jeune femme s'écarquillèrent alors qu'elle posait la main sur l'avant-bras de son ami, comme si elle était sous le choc. Si elle n'était pas mère et pas prête de l'être, Niamh adorait les enfants. Sûrement parce qu'elle avait gardé son âme d'enfant aussi. « Nini ?! Sur que c'est pour moi. Tata nini. » Elle lâcha son bras pour laisser échapper un rire amusé. « Je te jure que je dois me retenir à chaque fois que je passe devant ces tout petits vêtements trop mignons … Je devrais prendre le rôle de styliste pour tes petits monstres. Mais j'ai toujours peur que tu hurles en voyant ce que j'ai envie d'acheter. Comment va la petite tribu du coup ? Tout va bien ? Tu sais que super tata Nini est toujours prête pour donner un coup de main !? » dit-elle en plongeant les mains dans le sachet en carton dans lequel se trouvaient leur repas. Elle lui tendit alors son sandwich pour finalement s'emparer du sien.
« B'n'appétit. » dit-elle la bouche pleine, posant une main devant ses lèvres … alors que son estomac vide venait de bafouer les règles de politesse.
Elle arrivait toujours à le faire rire, contrecoup assurément de ce rendez-vous qu'ils avaient raté il y avait maintenant deux ans. A cette période de son existence, Tim n'était tout simplement pas prêt pour envisager la moindre relation amoureuse, qu'elle fut stable ou l'inverse. Il n'avait aucune expérience en la matière et Niamh avait pu l'observer en moins de dix minutes. Le pauvre garçon n'avait pas réussi à entamer la moindre conversation correctement, le contexte l'angoissant au plus haut point. En l'espace d'une heure, il avait fallu qu'il s'éclipse pour aller faire sa crise d'anxiété habituelle, déçu de ne pas être comme tous les autres. Là-dessus, Timothy avait pris le temps de s'améliorer, de toujours chercher le positif dans ce qu'il vivait, accumulant les expériences comme des points d'ancrage pour éviter des paniques futures. Les choses s'arrangeaient en somme, même s'il n'était bien sûr pas totalement guéri de tout ce qu'il avait traversé. Tim resterait pour toujours ce gamin que l'on avait appelé Esmeralda durant treize années et à qui on avait laissé miroiter qu'il n'avait aucun droit d'exister s'il n'était pas la fille prodige de sa mère. La déception resterait toujours immense, d'avoir eu ce genre de mères et un père qui avait quitté le navire très tôt mais Decastel savait que cette aventure l'avait rendu plus fort en un sens. Aujourd'hui, il était capable d'en parler, de partager ses expériences et de sourire même si la douleur restait vivace. "Ce qu'on ne comprendra jamais quand il s'agit d'une librairie mais c'est vrai, on va pas se porter la poisse maintenant." Tim n'était pas un homme qui aimait le travail face à une clientèle: il restait malgré tout une personne discrète qui s'était occupé de pierres tombales la majorité de sa vie. Ce travail, en général, c'était Gabriel qui le gérait, son patron. Ce jour-ci, il n'était pas là et le français devait gérer, plus rieur qu'autre chose face à la remarque de Niamh. "J'ai tendance à oublier que t'as un sens de l'humour infaillible... D'ailleurs, si tu cherches des livres mortels, je dois pouvoir te trouver ça." Il n'était pas un spécialiste de l'archéologie, pas plus que du squelette, il décorait des tombes à merveille par contre. Chacun avait ses compétences singulières et en l'occurrence, Tim avait celle de réussir à faire sourire la jeune Reed en mentionnant les dernières frasques de sa fille. "Tu dois lui manquer, elle sait qu'elle est gâtée quand t'es dans les parages... Ils vont bien, ils ont eu un an il y a quelques jours, ça passe si vite. Bientôt, ils vont courir partout et je vais pleurer comme jamais. Mais Heïana me file des coups de main, je pense que je m'en sors pas si mal pour un papa qui a dû gérer l'aventure tout seul." Il n'avait pas été parfait, loin de là, il y avait eu des nuits difficiles où le français avait forcément eu envie de jeter l'éponge face à l'intensité des tâches qui lui incombaient en tant que père célibataire mais Tim s'était toujours relevé. Aujourd'hui, il n'envisageait plus cette issue du tout, heureux de tout ce qu'il vivait dans sa nouvelle vie. Bien vite, Niamh sortit les sandwichs et croqua dans le sien dans une vision très glamour, ce qui fit rire Tim. "T'avais faim, non? T'étouffe pas, hein, surtout que tu m'as pas encore parlé de toi, de tes nouvelles et tout ce qui s'en suit..." C'était donnant-donnant entre eux, une conséquence agréable de ce rendez-vous raté il y avait bien longtemps.
« J'ai tendance à oublier que t'as un sens de l'humour infaillible... D'ailleurs, si tu cherches des livres mortels, je dois pouvoir te trouver ça. » Elle pencha la tête sur le côté à sa remarque sur son sens de l'humour infaillible, comme si elle était vexée qu'il puisse omettre son humour. L'ironie, une arme pour la Reed. « J'suis preneuse. Un bouquin ennuyeux, dans lequel il se passe rien, avec des personnages fades et sans intérêt, s'teu plaît, histoire que je ne sois dépaysée avec la réalité de ma vie. » Un rire amusé s'échappa de ses lèvres. Évidemment qu'elle aimait sa vie, Niamh. Elle ne la changerait pour rien au monde, même si pour certains elle était la Reine du rien. A vrai dire, elle avait pas mal de choses. Il y avait Baloo, son chat. Tiens, oui, elle avait un chat. Et Baloo avait besoin d'elle. Du coup, elle était utile. Pas vrai ? A vrai dire, en deux ans, le monde des deux énergumènes avaient bien changés. Ils n'étaient plus les mêmes. A croire qu'ils aient pris des chemins certes différents mais qu'ils aient évolué l'un à côté de l'autre, chacun faisant son petit bout de chemin.
« Tu dois lui manquer, elle sait qu'elle est gâtée quand t'es dans les parages... Ils vont bien, ils ont eu un an il y a quelques jours, ça passe si vite. Bientôt, ils vont courir partout et je vais pleurer comme jamais. Mais Heïana me file des coups de main, je pense que je m'en sors pas si mal pour un papa qui a dû gérer l'aventure tout seul. » Elle ne put que rire en écoutant les propos de son ami. Un an. Déjà. Ils allaient grandir, grimper partout, mettre tout sans dessus dessous mais c'est après tout pour cela qu'on trouvait que des gamins étaient mignons … du moins quand on est pas parent mais juste de passage. Comme Niamh, en fait. Elle posa une main sur l'épaule de Tim, en plongeant ses prunelles dans les siennes. « Pas si mal? Tu te moques de moi. Je trouve que tu fais vraiment du bon boulot, Tim. Je ne sais pas si tu te souviens … mais je n'aurais pas donné grand chose de ta peau à l'époque où on s'est rencontré et regarde-toi maintenant. » Elle lui décocha un clin d'oeil. Les propos de Niamh étaient sincères. Elle respectait Tim. Pour ses choix, ses valeurs et la manière dont il était parvenu à remonter la pente, à se relever. Et le mieux, il ne perdait pas de sa candeur. Un mec bien, comme il y en a peu. Et les statistiques, elle les connaît. Les mecs biens ne courent pas les rues ou alors ils se planquent quand elle est de sortie. « Ohoh, c'est du sérieux-sérieux alors avec Heiana. » Elle plissa les yeux, curieuse comme toujours.
« T'avais faim, non? T'étouffe pas, hein, surtout que tu m'as pas encore parlé de toi, de tes nouvelles et tout ce qui s'en suit.. » Elle haussa les épaules, tout en mâchant la main posée devant ses lèvres. Elle avala avant de finalement répondre : « Je meuuuuurrrre de faim. Pour changer. Désolée, pas la reine du Glamour. Tu me connais. » Petite moue candide. « Parler de moi ? Woh ! Je ne sais pas ce que je pourrais te raconter d'intéressant … Il ne se passe pas grand chose de passionnant dans ma vie en ce moment. Quoique … je suis sortie avec un type il y a deux semaines, bien sous tout aspect, vraiment. Alors du coup, je me dis vas-y niamh, accepte-le ce dernier verre chez lui. Ok. J'accepte. On va chez lui. Un appartement dans le centre-ville. Niquel. Petit vin blanc qui va bien pour donner une excuse de mon arrivée … et alors que je pose mon regard sur la table de chevet … ouais ok la table de chevet, je sais … bref, il y a une photo de lui et d'une femme. Genre en tenue de mariage. » Elle avait parlé assez vite comme toujours quand elle racontait des anecdotes débiles, elle agitait les mains comme toujours avant de les laisser tomber le long de son corps, prenant un air de victime. « Un dernier verre dans son appartement, ouais. Le mec est marié. Sa femme est absente pour je ne sais quelle raison. Pourquoi est-ce que je tombe toujours sur des connards ? Je crois que je suis maudite, Tim. A vie. » dit-elle avant de secouer la tête d'un air désespéré, en croquant un nouveau morceau … et d'ajouter, la bouche pleine : « Au moins, ca fait des anecdotes à raconter ... » Haussement d'épaules.
Sa vie n'avait pas toujours été aussi rangée, ou du moins facile, et il comprenait tout à fait ce sentiment de morosité que semblait avoir au fond du coeur sa jeune amie. Mine de rien, Tim avait passé des années à se perdre entre les allées d'un cimetière et on ne pouvait pas dire qu'il avait connu une once de distraction durant ce laps de temps. Parfois, il entendait les histoires des proches des défunts dont il s'occupait mais il n'y avait aucune anecdote joyeuse qui en ressortait... Il avait vécu cette dose de souffrance par procuration, comme s'il avait réellement besoin d'absorber encore plus de mal-être. A vrai dire, le beau brun avait déjà le malheur accroché à sa peau à cette époque-là et il ne savait pas franchement comment s'en défaire. Timothy avait même fini par croire qu'il aurait ce parcours de vie pour l'éternité: lui, à côté de pierres tombales, incapable d'enchaîner deux mots à des étrangers, encore moins d'envisager une relation quelconque avec un autre être humain. Finir sa vie seul, c'était ce qu'il avait toujours vu dans les astres pour lui mais il avait dû constater qu'il s'était menti car les événements l'avaient changé, la douleur qu'il avait ressenti l'avait profondément transformé et aujourd'hui, il était capable de sourire sans trop ressentir le chagrin de son passé se poser sur lui tel un fardeau. A partir de là, la français ne pouvait qu'espérer que cette morosité chez Niamh finirait par s'évanouir car elle trouverait de quoi faire vibrer sa vie, Tim en était certain, elle avait toutes les armes pour se battre en ce sens en tout cas. "Je te ferai une liste détaillée de tous les livres qui correspondent à tes critères pour ta prochaine visite." Elle n'avait pas une vie si morne qu'elle pouvait le penser, même si, clairement, elle avait un karma aussi délicat que celui du Decastel. Ils pouvaient au moins se comprendre puisqu'ils avaient tout un tas de points communs. Certes, le soir de leur rencontre, cela ne les avait pas aidés le moins du monde à briser la glace mais Tim mettait le tout sur le compte de son angoisse, il avait bel et bien évolué comme le suggérait Reed. "Tu parles du Tim incapable de prononcer trois mots sans s'étouffer avec son verre d'eau et qui a fait que rougir et taper du pied nerveusement? Il était vraiment pas terrible, ce gars-là, incapable d'avoir un semblant de charme... C'est sûr que comparé au Tim d'il y a deux ans, je m'en sors pas si mal. Mais il me manque parfois, il était tranquille dans son cimetière et il pensait à rien." Il n'avait pas d'enfants à cette époque, aucune réelle responsabilité si ce n'était celle de guérir. Ce processus avait été long et le grand Decastel ne l'avait pas tout à fait terminé mais il évoluait dans le bon sens, c'était le principal dans cette affaire. Maintenant, ses yeux bleus désiraient en savoir un peu plus sur les aventures de Niamh, elle qui le faisait sourire à manger sans aucun glamour, il la rassura à ce sujet vu qu'il en fit de même de son côté. Ils étaient à égalité désormais alors, elle pourrait absolument tout lui dire sans qu'il n'y ait une once de jugement chez le brun. "On en est à six mois et puis, on a été amis pendant deux ans avant ça, on peut parler de sérieux." Il écouta ensuite attentivement son récit, fronçant les sourcils ça et là parce qu'elle avait encore eu une malchance formidable lors de cette soirée qu'elle narrait. "Je dirais pas que t'es maudite... Mais eh, Nini, faut apprendre à capter les signes, comme ça hop, plus de rendez-vous merdiques. Je crois qu'y a toujours des gens pour profiter de notre naïveté... Je t'ai raconté ma première fois? La fois où les enfants ont été conçus d'ailleurs et la fille qui s'est barrée juste après en me balançant que ça valait rien tout ça, qu'il y avait quelqu'un d'autre. Je croyais au grand amour et toutes ces conneries à l'époque mais tu vois, cette histoire avec elle, le fait qu'elle ait abandonné les enfants, qu'elle m'ait fait croire au grand amour avant de bien me briser, ça m'a aidé à prendre de meilleures décisions après. Tout ça pour dire que ce genre d'anecdotes de désillusions, ça apporte du positif derrière, ne désespère pas." Il devenait clairement un vieux sage depuis qu'il avait retenu quelques leçons de ses expériences douloureuses, Tim passait de l'autre côté, le côté de ceux qui savaient, comme quoi les choses changeaient réellement. "Il y a des personnes bien quelque part alors, moi, j'y crois pour toi." Il restait un éternel optimiste: parfois, cela lui jouait des tours mais d'autres fois, il était cet ami fidèle qui posait sa main sur l'épaule de Niamh en lui souriant, elle irait bien, il le savait.
« Tu parles du Tim incapable de prononcer trois mots sans s'étouffer avec son verre d'eau et qui a fait que rougir et taper du pied nerveusement? Il était vraiment pas terrible, ce gars-là, incapable d'avoir un semblant de charme... C'est sûr que comparé au Tim d'il y a deux ans, je m'en sors pas si mal. Mais il me manque parfois, il était tranquille dans son cimetière et il pensait à rien. » Elle éclata de rire en entendant les propos de Tim, évoquant l’ancien Tim. Cet ancien Tim n’était peut-être pas celui d’aujourd’hui, y n’empêche qu’il l’avait marqué la Niamh. Elle l’avait apprécié cet ancien Tim. Il était un gars candide, gentil, niais et timide. Mais c’était déjà un mec bien. « Woh ! Qu’est-ce-que tu es sévère ! Je ne serais pas aussi sévère en parlant de cette version de Tim. Il n’était peut-être pas encore tiptop mais c’était déjà quelqu’un de bien. » dit-elle en lui décochant un clin d’œil sincère et amical. A vrai dire, c’était même de ce Tim qu’elle s’était rapprochée et dont elle était devenue. Elle avait remarqué quelque chose de spécial en lui. Il était quelqu’un de bien, quelqu’un qui méritait d’être connue. Une petite pépite bien cachée et elle s’avouait heureuse de le compter parmi ses amis.
« On en est à six mois et puis, on a été amis pendant deux ans avant ça, on peut parler de sérieux. » Elle hocha la tête comme si elle était en train de le féliciter en silence. Six mois, c’était un truc presque inimaginable pour elle. Elle tenait pas vraiment longtemps en matière de relation. Quelques mois étaient déjà un record. Elle s’en lassait rapidement des hommes, de leur manière d’intégrer sa vie, … à vrai dire, elle était déjà bien trop longtemps célibataire pour accepter les petites manies d’un inconnu dans sa vie et celle de Baloo. Déjà une routine de grand-mère. Un cliché. « Claaaaassse. » dit-elle d’une voix rieuse bien qu’elle se réjouissait réellement pour le jeune homme. Il méritait quelqu’un de bien après le coup de Trafalgar de son ex. Une bassesse ignoble. Alors que Tim prenait la parole, elle continuait de manger tout en hochant ici et là d’une signe de tête ou mimant une grimace. «Je dirais pas que t'es maudite... Mais eh, Nini, faut apprendre à capter les signes, comme ça hop, plus de rendez-vous merdiques. Je crois qu'y a toujours des gens pour profiter de notre naïveté... Je t'ai raconté ma première fois? La fois où les enfants ont été conçus d'ailleurs et la fille qui s'est barrée juste après en me balançant que ça valait rien tout ça, qu'il y avait quelqu'un d'autre. Je croyais au grand amour et toutes ces conneries à l'époque mais tu vois, cette histoire avec elle, le fait qu'elle ait abandonné les enfants, qu'elle m'ait fait croire au grand amour avant de bien me briser, ça m'a aidé à prendre de meilleures décisions après. Tout ça pour dire que ce genre d'anecdotes de désillusions, ça apporte du positif derrière, ne désespère pas. Il y a des personnes bien quelque part alors, moi, j'y crois pour toi. » Elle lui adressa un tendre sourire tout en posant sa main sur la sienne. « Tu vois c’est pour ça que je t’aime, Tim. T’es vraiment quelqu’un de bien. Peut-être que t’as raison, ouais. Vu le nombre de catastrophes que j’enchaîne en ce moment, je te prie de croire que quand le positif viendra sonner à ma porte … il sera gargantuesque. Va falloir être prêt. Ca sera un truc de fou. » Ironie bonjour. Elle rit de bon cœur.
« J’ai décidé d’arrêter de chercher, vraiment. » Elle fit un signe de tête comme si elle venait de prendre une décision sérieuse, digne de la politique etrangère francaise. « Il ne faut pas provoquer le destin. Je laisse faire. »
Tim avait grandi à une vitesse folle, parfois même, il ouvrait les yeux et se demandait comment cette affaire avait bien pu se dérouler. En l'espace de deux ans, il s'était échappé de sa bulle de confort, se prenant quelques bonnes gifles au passage mais il en était ressorti plus fort. Decastel n'était pas pour autant devenu la version idéale de lui-même: il travaillait encore sur les multiples doutes qui le possédaient encore mais en parlant du Tim que Niamh avait rencontré, il prenait tout de même la mesure de ce qui lui était arrivé. Avant tous les événements, Timothy était un garçon plutôt gauche, qui rougissait au moindre coup d'oeil qu'on lui faisait et qui était incapable de tenir une conversation avec le sexe opposé hors du contexte professionnel. Par contre, il avait toujours été très doux et aussi fort serviable, il était clair que n'importe qui aurait pu compter sur le jeune français, c'était vrai deux ans auparavant et cela l'était encore aujourd'hui. Tim avait juste fait en sorte d'évacuer ses plus grosses peurs et il se montrait comme un homme plus sûr de lui et surtout, capable de dire non car c'était bien de là d'où venaient tous les problèmes qu'il avait eus. Ce cher Decastel n'avait pas su dire non: on l'utilisait pour mieux le jeter et il se laissait faire parce qu'il n'avait jamais su gérer ses sentiments correctement. D'ailleurs, on ne lui avait jamais prouvé qu'on était capable de l'apprécier pour celui qu'il était, conséquence infâme d'une enfance si dilapidée mais maintenant, il allait beaucoup mieux, il pouvait sourire à la Reed en reparlant de cette personne qui était presque devenue un inconnu par la force des choses. "Disons qu'il était beaucoup trop timide pour pas se faire dévorer par ce monde... C'est arrivé mais bon, il fallait qu'il en passe par là pour grandir. Enfin." A plus de trente ans, il était clairement temps que l'amoureux des fleurs appuie sur la sonnette d'alarme car il aurait encore pu continuer sur ce chemin pour des décennies. Comme quoi, même les pires douleurs pouvaient devenir positives, il suffisait juste de les voir comme une évolution de son âme. Celle de Tim restait cela dit pure et ce n'était pas un mal puisqu'il avait toujours le coeur sur la main et qu'il ferait tout et n'importe quoi pour les personnes qu'il aimait. "Un record de mon côté. Six mois, c'est énorme, non?" En fait, il n'avait eu qu'une réelle relation avant Heïana et le tout avait duré la moitié, si cela avait été intense, Tim n'en était pas sorti sans égratignure là non plus, il n'était juste pas prêt. Désormais, il le sentait plus et il pouvait ainsi se permettre d'offrir quelques petits conseils à Niamh, qui valaient clairement ce qu'ils valaient car il n'avait pas la science infuse sur le sujet des relations amoureuses, plutôt l'inverse même. "Si tu suis mon parcours, ce sera clairement gargantuesque, ne t'en fais pas. Et puis, faut laisser le temps au temps comme on dit, je t'assure que ça vient quand on s'y attend le moins... Je veux dire, tu te rends compte que je connaissais Heïana depuis un petit bout de temps? Mais ça a explosé comme ça, parfois, on est pas prêt tout de suite. Alors, je dois dire que t'as la meilleure façon de penser en te laissant guider, va. Pas de précipitation et puis... C'est bien aussi de profiter, j'espère que tu le fais un peu quand même. Sans que ce soit un truc qui mène à quelque chose après." Tim lui fit un clin d'oeil, son sourire toujours armé à ses lèvres, encore des mots qui prouvaient à quel point il avait grandi. Il n'aurait jamais dit cela deux ans auparavant car il ne voyait que l'amour avec un grand A. Aujourd'hui, il acceptait que dans certaines phases de sa vie, il était plus question d'amusement, de laisser-aller. C'était ce dont Niamh avait peut être besoin à l'heure actuelle.
« Disons qu'il était beaucoup trop timide pour pas se faire dévorer par ce monde. C'est arrivé mais bon, il fallait qu'il en passe par là pour grandir. Enfin. » Elle avait acquiescé d'un signe de tête au début de sa phrase pour finalement lever son index comme si elle confirmait ses propos en entendant la fin. Il était passé par des hauts, des bas, pas mal de bas mais regardez le résultat. Un papa. Un bon papa. La vie avait fait du bon boulot. Il avait fait du bon boulot. Il était devenue quelqu'un et Niamh avait eu la chance d'être aux premières loges pour cette transformation. Le papillon était sorti de son cocon, c'est ce que dirait le kitsch. « Un record de mon côté. Six mois, c'est énorme, non ? » Elle fit semblant de s'étouffer. « Tu me demandes si six mois, c'est énorme. Ce n'est pas uniquement ton record mais le mien en même temps. » dit-elle avec le plus grand sérieux. Six mois, oui c'était synonyme d'éternité.
« Si tu suis mon parcours, ce sera clairement gargantuesque, ne t'en fais pas. Et puis, faut laisser le temps au temps comme on dit, je t'assure que ça vient quand on s'y attend le moins... Je veux dire, tu te rends compte que je connaissais Heïana depuis un petit bout de temps? Mais ça a explosé comme ça, parfois, on est pas prêt tout de suite. Alors, je dois dire que t'as la meilleure façon de penser en te laissant guider, va. Pas de précipitation et puis... C'est bien aussi de profiter, j'espère que tu le fais un peu quand même. Sans que ce soit un truc qui mène à quelque chose après. » Cela allait lui tomber dessus, sans prévenir. C'était ce qu'elle voulait croire désormais. Elle ne voulait plus chercher. Non, fini. Elle allait être spontanée, se laissait surprendre. Les différentes dernières histoires lui avaient prouvé qu'en cherchant, elle se causait beaucoup trop d'ennuis et de mauvaises aventures. Désormais, elle allait laisser la vie prendre en charge ses relations sentimentales. Advienne que pourra. «Je crois que c'est ce qu'il y a de mieux à faire en ce moment, ouais. Mettre de côté cette idée typiquement romantique … Je pense que cette année, je vais moins me prendre la tête, et plus profiter du moment présent. Pas de prise de tête, ça sonne plutôt bien. »
Elle but une gorgée de sa boisson avant de se redresser pour lui demander avec curiosité : « Et donc, tu vas bientôt me la présenter ta dulcinée ? J'serais ravie de faire sa connaissance, et promis je vais savoir me tenir. Je serais irréprochable. Promis. » Et avant qu'il ne réponde, elle poursuivit : « Tata nini pourra même s'occuper de la progéniture pendant que vous finissiez la soirée ensemble. » Sourire aux lèvres, elle se tenait droite comme un i. Un peu à la scout. Toujours prêt.
La vie n'avait pas toujours été tendre avec Decastel, comme elle ne l'était pas pour d'autres gamins dans le même style. Il était quelque peu interdit de se montrer vulnérable face à autrui si on désirait conserver un minimum de tranquillité: malheureusement pour lui, Tim avait toujours été une personne très sensible, alerte face aux difficultés d'autrui et incapable de cacher ses émotions. En tout cas, c'était la lutte qu'il avait dû mener pour rentrer dans les rangs de la société, tâcher de ne pas se laisser happer par un flot d'émotions ingérable, ne pas être pris de panique face aux injonctions de tout le monde autour de lui. Assurément, la bagarre n'était pas encore terminée, il avait besoin parfois de se retrancher dans son intimité pour faire le point sur ses sentiments qui l'envahissaient et surtout, menaçaient de le déborder de la pire des manières mais Tim allait mieux. Il maîtrisait mieux, bien mieux en comparaison de cette version de lui que Niamh avait connu. On sentait d'ailleurs une certaine fierté chez la jeune femme de capter cette évolution car leur rendez-vous avait vraiment été une plaie à cause de l'incapacité du brun à faire perdurer la conversation. Aujourd'hui, il prouvait qu'il était en mesure de se lancer dans n'importe quelle dialogue mais surtout, dans ceux qui comptaient puisque Timothy se laissait aller à exposer son point de vue sur des questions plus sentimentales. Certes, il n'avait pas eu des centaines de relations dans sa vie: on pouvait même résumer sa vie à quatre femmes en la matière dont deux seulement avec lesquelles il avait vraiment créé quelque chose de durable mais justement, il avait aussi eu celle qui lui avait beaucoup appris sur lui-même, celle qui restait encore une personne importante par ailleurs et peut être que Niamh avait également besoin de relâcher cette pression qu'elle avait à trouver le partenaire parfait immédiatement. Il pouvait comprendre cela, lui qui s'était attachée à la mauvaise femme car elle avait été la première mais aussi celle qui avait le plus cherché à le détruire. "Le seul mot d'ordre, Nini... Te laisser aller! Ne pas chercher à contrôler, à chercher le grand amour chez le prochain mec qui passe par là, juste tenter des expériences et voir en quoi ça change ta vision des choses. Personnellement, cette période courte de ma vie m'a appris beaucoup." Il pouvait au moins l'avouer: cela avait permis à Tim de se libérer sur pas mal de points, en termes de sexualité bien sûr puisqu'il n'y connaissait rien jusque là, mais aussi sur sa capacité à séduire et plaire. Il avait clairement pris confiance et le français sentait aussi que Niamh avait besoin de se remettre sur les devants de la scène en la matière. Cela dit, il avait toute confiance en elle pour qu'elle réussisse à vivre les meilleurs moments de sa vie dans les semaines à venir, elle était beaucoup trop jolie pour rester seule éternellement, Tim pouvait la rassurer là dessus sans problème. "Et bien écoute, si tu veux et si elle veut aussi, bien sûr. Oh t'auras pas besoin d'être irréprochable avec Heï, elle aime bien les gens naturels et c'est vraiment une perle de douceur et de gentillesse, je suis sûr que vous vous entendrez à merveille en fait." Il avait des yeux brillants en parlant de la belle Brook, rien de plus normal quand on mentionnait une romance naissante et en l'occurrence, avec un sacré passif amical derrière. Ce n'était pas rien ce qu'ils construisaient et Tim tenait, bien évidemment, à ce que son entourage voie cette relation d'un bon oeil, c'était important pour lui. "Je sens qu'une certaine Nini a envie de pouponner. Tu sais qu'il y a pas besoin de prétexte pour ça, hein? Juste, tu passes à la maison et je te laisse gérer pendant que je bois un café pour la première fois en plus de trente heures. Mais, eh, ils font leur nuit maintenant, c'est incroyable, je dors. Tu réalises?" Il se mit à rire, on pouvait dire que Tim avait accumulé des heures de sommeil en retard mais il n'était pas prêt de les rattraper, malheureusement pour lui. "Mais sinon, c'est merveilleux d'être parent bien sûr, je te le conseille... Là, j'essaie d'imaginer le Tim d'il y a deux ans gérer le côté père célibataire de jumeaux. Il aurait syncopé, je pense. Déjà te parler, c'était compliqué pour lui alors là..." Il était désormais capable de se moquer de lui-même, de ce passé difficile à encaisser parfois tant il avait été frustré des situations dans lequel il s'était retrouvé mais Timothy avait appris, grandi et il était prêt à tout partager avec autrui.
« Le seul mot d'ordre, Nini... Te laisser aller! Ne pas chercher à contrôler, à chercher le grand amour chez le prochain mec qui passe par là, juste tenter des expériences et voir en quoi ça change ta vision des choses. Personnellement, cette période courte de ma vie m'a appris beaucoup. » Elle l’écoutait avec attention le Tim. Il avait des airs de grands sages, assis là au milieu de la librairie, de tous ces livres. Ses pensées la laissèrent pensive, si pensive qu’elle n’y réagissait pas. Elle enregistrait les propos dans un coin de son esprit, se disant qu’elle allait s’en servir un jour ou l’autre.
« Et bien écoute, si tu veux et si elle veut aussi, bien sûr. Oh t'auras pas besoin d'être irréprochable avec Heï, elle aime bien les gens naturels et c'est vraiment une perle de douceur et de gentillesse, je suis sûr que vous vous entendrez à merveille en fait. » Le sourire de Niamh s’attendrit en voyant ce que la simple évocation de la jeune femme pouvait avoir comme conséquence sur son ami. Il était mignon et était pressée de faire connaissance de cette perle rare. « Va falloir qu’on s’organise ça. Vous me dites quand vous êtes disponibles et on s’organise une petite soirée tranquille. » enchérit-elle avec enthousiasme. « Elle fait quoi dans la vie ? Elle est d’ici ? » Voilà les conséquences de l’enthousiasme sur une personne comme Niamh. Les questions s’enchainaient à grande vitesse. Elle se noyait dans ses pensées, dans ses questions. Tout s’accélérait. Il faut dire que Tim parvenait à vendre la marchandise … elle avait désormais encore plus envie de rencontrer cette amoureuse, surtout que c’était du sérieux. Elle aurait aimé ajouter une autre ribambelle de questions mais elle s’était contrôlée. Pour ne pas étouffer son ami. Elle aurait aimé en savoir plus, si elle avait des enfants, si elle aimait les chats – point super important pour elle, s’il connaissait sa famille, si elle voulait se marier, si elle savait cuisiner, si elle… quand je vous disais qu’elle avait une flopée de questions en stock, je ne mens pas. « Je sens qu'une certaine Nini a envie de pouponner. Tu sais qu'il y a pas besoin de prétexte pour ça, hein? Juste, tu passes à la maison et je te laisse gérer pendant que je bois un café pour la première fois en plus de trente heures. Mais, eh, ils font leur nuit maintenant, c'est incroyable, je dors. Tu réalises? » Le regard de Niamh s’illumina alors qu’elle joignait les mains devant elle comme émerveillée par cette nouvelle. « Il va pas falloir me le dire deux fois. Le truc génial d’être la tata, c’est que tu t’en occupes quand ils sont en forme et après tu les laisses au papa pour aller faire la fête … c’est le bon plan, en fait. Quoique s’ils font leurs nuits maintenant, je pourrais presque même tenter le coup de la nuit si jamais tu as besoin. » dit-elle à la quatrième vitesse.
« Mais sinon, c'est merveilleux d'être parent bien sûr, je te le conseille... » Elle écarquilla les yeux en secouant les mains. Même si elle s’imaginait souvenir devenir mère, ce n’était pas encore au programme … de toute manière, il lui manquait la petite graine, pas vrai ? « Là, j'essaie d'imaginer le Tim d'il y a deux ans gérer le côté père célibataire de jumeaux. Il aurait syncopé, je pense. Déjà te parler, c'était compliqué pour lui alors là.. » Son rire vint se joindre à celui de Timothy. « On vieillit que veux-tu. » dit-elle, les bras ballants, comme l’aurait dit un grand sage. Et sans crier gare, elle se leva de sa chaise, gobelet de chai latte dans les mains, pour se diriger vers les étagères qui se trouvaient derrière eux. Son regard se perdit sur la tranche des livres alors qu’elle continuait de parler.
« Vu que je suis ici, t’aurais pas un bouquin à me conseiller. Une histoire farfelue, un thriller tordu ou un truc du genre… » Elle tourna la tête vers son ami. « Je suis en train de bosser sur ma thèse nuit et jour, et je commence à saturer de parler d’homo sapiens, de génomes, de génétique … Il me faut un peu de foooolie. » dit-elle en insistant sur le mot folie tout en effectuant un étrange pas de danse.
La vie réservait de sacrées surprises et Tim en avait été le premier bénéficiaire. Durant très longtemps, il avait été ce garçon seul, peu bavard, à ratisser la terre autour de quelques pierres tombales en observant des petites grands-mères pleurer sur la tombe de leur mari défunt. On ne pouvait pas dire que c'était la vie la plus glamour qui fut mais Timothy avait été heureux de la vivre. Il avait été forgé dans le silence de son cimetière, dans les sanglots d'autrui et il avait toujours su trouver les bons mots pour les aider à retrouver l'espoir. Finalement, il avait beaucoup plus à dire qu'il ne pouvait l'imaginer, le français, et lorsqu'il prodiguait des conseils, même à cette époque, il s'avérait être un fin orateur, comme quoi il avait toujours eu ce genre de choses en lui. Il avait simplement fallu qu'il accepte la moindre de ses failles pour aller de l'avant et ne plus s'inquiéter des marques que son corps arborait encore. Psychologiquement, rien n'était totalement effacé et Tim avait conscience que ses stigmates resteraient pour l'éternité sur sa peau mais cela prouvait qu'il s'était battu jusqu'au bout. Il n'avait pas perdu, non, contrairement à ce qu'il avait pu penser durant si longtemps, il avait pris le temps d'aboutir à cette petite victoire et désormais, il avait une existence enviable à montrer. Oui, Decastel était heureux: il passait ses journées dans une librairie des plus tranquilles avec un patron fort agréable, le soir il passait toujours dans sa serre d'horticulteur et il s'occupait de ses plantes en écoutant un peu de musique avant de rentrer à la maison et de retrouver ses petits bouts et parfois, Heïana. Que demander de plus? Strictement rien, et il espérait que Niamh trouverait ce genre d'équilibres à son tour, même s'il n'était clairement pas question de se précipiter sur le sujet, laisser le temps au temps était clairement très important. "Quelle curiosité, mademoiselle Reed... Elle est tahitienne à la base, grâce à sa maman mais son père était du coin. Et pour tout te dire, elle est sage-femme, c'est même elle qu'a fait naître les petits... Oui, c'est assez cocasse de se dire ça mais eh, c'est la marraine de Willow depuis donc bon... T'as d'autres questions, toi, non?" Cela le faisait sourire que Niamh puisse avoir autant envie de connaître Heïana. Il était vrai que les deux jeunes femmes étaient aussi spontanées l'une que l'autre et souriantes aussi. En fait, elles avaient tout un tas de points communs que Tim voyait maintenant, sentant que l'hyperactivité de son amie revenait sur le tapis. Celle-ci se relança à la quête des étagères, apparemment fort intéressée qu'elle était par l'idée de trouver une distraction face à ses études. "Tu es trop serviable, tu sais ça? Les petits risquent de jouer avec toi par contre, t'es prévenue, c'est des terreurs parfois... Quelle idée aussi, Nini, de faire une thèse! Mais je dois bien avoir ça en rayon, tiens, viens... Là, t'as tous les trucs un peu thriller tordus, de quoi te distraire des fossiles!" Il lui sortait quelques précieux exemplaires, mettant ses lunettes pour ne pas risquer de confondre quelques titres. Clairement, Tim vieillissait mais ce n'était pas un mal quand on parlait d'un homme qui avait été adolescent un poil trop longtemps. "Après niveau folie... Je suppose que tu peux te lancer des défis: si tu gobes plus de dix M&M's en moins de cinq secondes, hop deux lignes supplémentaires sur le génome ou quelque chose comme ça. Tu dois rendre ça quand?" Elle avait bien du courage, Niamh, d'être encore à se torturer avec les études. Tim, lui, avait arrêté dès sa majorité, pas de temps ni d'envie pour cela, clairement.
« Quelle curiosité, mademoiselle Reed... » « Coupable. » dit-elle en montrant patte blanche, affichant un air angélique. « Elle est tahitienne à la base, grâce à sa maman mais son père était du coin. Et pour tout te dire, elle est sage-femme, c'est même elle qu'a fait naître les petits... Oui, c'est assez cocasse de se dire ça mais eh, c'est la marraine de Willow depuis donc bon... T'as d'autres questions, toi, non? » Tahitienne. Voilà que Niamh s'imaginait déjà des boucles brunes, un regard de biche, des courbes à faire rougir n'importe quel humain normalement constitué. Une beauté. Elle la voyait déjà comme ça, oui. Les yeux de Niamh s'écarquillèrent, surprise, quand elle entendit le fait que sa petite amie actuelle s'est occupée des premières minutes des jumeaux. Un coup du destin. « Ok. Si ce n'était pas toi, je ne t'aurais pas cru. » dit-elle en se tapant la cuisse comme pour accentuer sa surprise, parce que oui selon Tim était incapable de mentir alors elle ne pouvait que le croire, lui et cette histoire de fous. « C'est une histoire de fou. Genre vraiment. Le coup du destin quoi. » Et Niamh parlait plus fort sans vraiment se rendre compte. Elle parlait toujours un peu plus fort quand elle était surprise, choquée ou quelque chose du genre. « J'avais un paquet de questions en stock, ouais … mais là, Tim, tu viens de me clouer sur place. Putain, c'est vraiment une histoire de fou. Comme dans un livre, un film … Je trouve ça ... » Elle s'arrêta, à la recherche du mot qui convenait le mieux et ajouta un « beau. » Tout simplement beau, oui.
« Tu es trop serviable, tu sais ça? Les petits risquent de jouer avec toi par contre, t'es prévenue, c'est des terreurs parfois... » « Aucun souci. Je prends le risque. » répliqua-t-elle aussitôt en agitant la main d'un air désinvolte. « Quelle idée aussi, Nini, de faire une thèse! Mais je dois bien avoir ça en rayon, tiens, viens... Là, t'as tous les trucs un peu thriller tordus, de quoi te distraire des fossiles! » Elle lui avait emboîté le pas pour finalement saisir un des exemplaires qu'il lui avait sorti. Elle était du genre à se laisser impressionner par la couverture. Victime des couvertures affriolantes. Elle plaidait coupable. Retournant le livre pour lire la quatrième de couverture, elle leva les yeux vers Tim. « Après niveau folie... Je suppose que tu peux te lancer des défis: si tu gobes plus de dix M&M's en moins de cinq secondes, hop deux lignes supplémentaires sur le génome ou quelque chose comme ça. Tu dois rendre ça quand? » « Avril, je dois présenter les résultats finaux. Je me prépare pour la publication, en fait. » Une grimace vint fendre ses lèvres. « En gros, c'est le dernier sprint. Le sprint final. » Haussement d'épaules avant de se replonger dans la quatrième de couverture, mais rapidement elle releva la tête. « 10 M&M's en moins de cinq secondes ? Tu m'as pris pour une novice ou quoi ? Easy. » Elle était un cas perdu.
On ne pouvait clairement pas résumer son histoire avec Heïana en quelques mots: Tim aurait sûrement bien apprécié pouvoir le faire mais il s'agissait d'une amitié durable, qui était née de rien si ce n'était de pleurs de la jeune femme face à la pierre tombale de ses parents. De là était née une complicité qui n'avait jamais cessé de croître et qui s'était muée en quelque chose de plus profond encore avec le temps. Timothy n'avait pas envisagé une seule seconde qu'il puisse tomber amoureux de quelqu'un sans le réaliser et c'était pourtant ce qui était arrivé avec la jolie Brook, il avait levé le voile soudainement sur la réalité de ses sentiments, se rendant certainement compte dans le même temps que ses relations précédentes n'avaient rien à voir avec un amour comme celui qu'ils partageaient désormais. Effectivement, comme le suggérait Niamh, c'était quelque chose de beau mais aussi un parcours difficile qui aurait pu les mener sur les pires des chemins. Ils étaient timides tous les deux mine de rien et ils n'avaient pas énormément d'expérience en termes de relations amoureuses donc ils auraient très bien pu passer l'un à côté de l'autre pour des broutilles: Tim s'était réveillé avant cela et il en était fort heureux. "Un film carrément? Le scénario serait un peu chaotique, non? Imagine, la mère de mes gosses, Heïana et moi au milieu de cet accouchement, c'est un truc totalement improbable. Mais ouais, c'est arrivé... Faut dire qu'on a été amis longtemps avant d'en arriver à tout ça, je pense que c'était la suite naturelle des choses, il fallait juste ouvrir les yeux sur la personne qui était bonne pour moi... Avant, j'ai clairement déconné." Il parlait forcément de la mère de ses enfants dont il s'était cru passionnément amoureux, une belle connerie qui avait failli lui coûter la vie parce que le Tim, blessé, s'était retrouvé dans un camp militaire alors qu'il était un pacifiste né. Heureusement, le français avait fini par remettre ses idées en place, comme quoi chaque expérience était utile pour évoluer et c'était ce qu'il espérait pour Niamh. Parfois, tenter des choses mêmes folles permettait de grandir, Timothy en avait fait l'expérience et il ne regrettait rien, malgré les peines et les doutes, il referait tout exactement de la même manière. Maintenant, à voir ce que Reed choisirait comme parcours de vie car elle était en train de terminer ses études: bientôt, une tonne de perspectives s'ouvriraient devant elle vu qu'elle aurait plus de temps pour elle et elle pouvait se diriger vers tous les chemins possibles. "Oh mais ça va arriver vite. Tu le sens bien, toi? Après, tu vas faire quoi?" S'amuser sûrement, ce serait la première chose que lui ferait après des années de galère sur une thèse mais il n'y connaissait rien vu le peu d'études qu'il avait fait. "Des Mars alors? Prends plus dur, genre taper une page entière avec les pieds, caser un mot improbable... Tant de portes s'ouvrent à toi. Je vais vraiment te donner des idées de merde, faut que j'arrête de parler surtout vu mon niveau à l'école." Il était surtout le gamin harcelé donc on pouvait comprendre que Tim n'ait pas fait les efforts pour aller loin. "Je te dirais bien que je pourrais te filer un coup de main pour une relecture mais je serais sûrement pas le plus doué pour ça. A la rigueur, je t'inviterai pour une bouffe à la maison pour fêter la fin, ça, ça peut s'envisager." Tim était un bon cuisinier, il était assez patient pour cela et puis, il adorait faire plaisir aux autres, c'était ce qui le rendait heureux, allez savoir pourquoi.
« Un film carrément? Le scénario serait un peu chaotique, non? Imagine, la mère de mes gosses, Heïana et moi au milieu de cet accouchement, c'est un truc totalement improbable. Mais ouais, c'est arrivé... Faut dire qu'on a été amis longtemps avant d'en arriver à tout ça, je pense que c'était la suite naturelle des choses, il fallait juste ouvrir les yeux sur la personne qui était bonne pour moi... Avant, j'ai clairement déconné. » Les propos de Tim la firent néanmoins rêvasser quelques minutes. Elle s’imaginait déjà à la régie, ou à la rédaction du script. Il y avait du potentiel avec une telle histoire. Elle trouvait néanmoins l’histoire belle.
« Oh mais ça va arriver vite. Tu le sens bien, toi? Après, tu vas faire quoi? » Elle fit une petite grimace de terreur en l’entendant dire que ça allait arriver vite. Oui, vite, très vite et c’était sans doute la raison pour laquelle elle devrait arrêter de sortir, arrêter sa pause et retourner bosser. Mais soit. On a qu’une vie, pas vrai ? « Trop vite même. Nan, mais je le sens bien. Je bosse dessus depuis suffisamment longtemps pour y croire. Je pense que je tenterai ma chance à l’université, histoire de présenter ma thèse à quelques étudiants, chercher de nouveaux thésards qui nous aideraient pour la recherche. Docteur Reed, imagine. Ca a de la classe quand même. » dit-elle en époussetant ses épaules d’une poussière invisible. Caricatural, ironique, comme toujours. « Peut-être quelques voyages en Europe aussi … il y a pas mal d’équipes de chercheurs qui bossent sur le même thème. Pas mal de projets, en fait. Mais possible qu’avant toute chose, je me trouve un vrai appartement. » Elle acquiesça ses propos d’un signe de tête. « Je vis toujours dans un nid et je pense que je devrais laisser mon minuscule appartement pour un étudiant et essayer de passer à l’étape supérieure. Un petit level-up. » Elle étouffa un rire amusé même si c’était la vérité. Son appartement était minuscule. Cosy, bien agencé, mais minuscule. A trente ans, elle avait envie de voir qu’elle faisait quelques pas dans la vie d’adulte. Il serait temps, non ? « Des Mars alors? Prends plus dur, genre taper une page entière avec les pieds, caser un mot improbable... Tant de portes s'ouvrent à toi. Je vais vraiment te donner des idées de merde, faut que j'arrête de parler surtout vu mon niveau à l'école. » Amusée, elle lui donna un coup de coude amical. « Je trouve que tu as plutôt des bons conseils. Tu pourrais peut-être coacher des étudiants, crois-moi, c’est un domaine qui a du potentiel. En plus, avec ces lunettes, tu as presque l’air crédible. » Un ton taquin accompagné d’un nouveau coup de coude. « Je te dirais bien que je pourrais te filer un coup de main pour une relecture mais je serais sûrement pas le plus doué pour ça. A la rigueur, je t'inviterai pour une bouffe à la maison pour fêter la fin, ça, ça peut s'envisager. »
« C’est exactement ce dont j’aurais besoin. Tu es parfait comme tu es. Vraiment. Je ne te changerai pour rien du tout. » dit-elle avec la plus grande sincérité, en lui tapotant la joue comme le ferait une mère ou une grand-mère avec sa descendance. Parce que c’était exactement ce qu’elle pensait. Levant le bras au bout duquel se trouvait le bouquin, elle ajouta : « Je te prends ça au passage. J’espère que je suis pas ta première cliente de la journée…. » Un regard circulaire sur la librairie. Plaisanterie.