L'ambiance dans le bar était chill, un tantinet triste au goût de Sasha qui s'attendait plutôt à quelque chose avec un peu plus de pers, d'énergie. À l'instar de son cocktail, qui lui était la recette secrète du chef. Un mélange de saveurs qui dansaient harmonieusement sur ses papilles. Elle avait essayé de lui soutirer un indice, et même avec son plus beau sourire, le talentueux barman n'a flanché. Fidèle à son secret. Pourtant, Sasha était professionnelle dans l'art de soutirer de l'information. Mais comme on dit, l'échec fait partie de notre réussite. Néanmoins, elle était quelque peu envieuse de ce barman, parce qu'à l'époque où elle était serveuse dans cette boîte de nuit miteuse de banlieue, Sasha savait seulement faire des gins tonic et des mojitos. Rien de bien flamboyant ou d'aussi carnavalesque que le délicieux cocktail qu'elle se délecter de siroter devant le guitariste.

Musicien qu'elle connaissait alors que c'était la première fois qu’elle le voyait. Fichier de la cible : Jeremiah Etish, ou plus communément appelé « Jet ». Anciennement promoteur de salle de spectacle, musicien -médiocre- à ses heures perdues, mais avant tout dealeur pour la Ruche. Et c’était l’information la plus capitale pour Sasha. Elle était accoudée au bar, son cocktail toujours en main. Elle était en retrait, mais pas trop. Elle jouait la cliente banale et discrète, bien que sa beauté ne soit pas passée inaperçue aux yeux de quelques hommes qui ont tenté d’attraper son regard. En vain.

Tant d’évènements ont eu lieu ces derniers temps, que psychologiquement Sasha pouvait se sentir fatiguée. Mais la vie au sein du Club lui a appris à gérer les situations intenses et le surplus d’adrénaline. Raelyn avait atteint son objectif. La réussite n’avait jamais eu aussi bon goût. L’audace dont elle avait fait preuve n’avait fait que croître le respect que Sasha avait envers elle. D’ailleurs, la brune ne s’est jamais sentie aussi fière. Elle y avait tout de même collaboré en acceptant d’être ses yeux et ses oreilles. Durant ses derniers mois, elle avait eu l’impression d’être un agent double. Toujours au bon endroit pour tendre l’oreille, au bon moment pour écouter les bonnes conversations. Elle avait pris des risques, et Dieu sait ce qu’il se serait passé si quelqu’un avait levé le voile sur leur accord secret… Et puis, pourquoi risquer sa vie pour Raelyn ? En soi, elle aurait bien pu refuser mais elle lui était redevable.

« Merci beaucoup à tous ! » La voix de Jeremiah la sortit soudainement de ses pensées, l’épargnant indirectement de se remémorer cette fameuse soirée où Raelyn lui a prouvé qu’elle n’était pas vraiment pourrie de l’intérieur. Le musicien se leva de son tabouret, guitare à la main et se dirigea vers une arrière-salle, qui devait sans doute être une petite loge aménagée rapidement et sobrement pour les artistes qui viennent se produire au Canva. Sourire en coin aux lèvres, c’était maintenant ou jamais avant qu’il ne sorte sa loge et se mêle à la clientèle. Elle devait lui parler seul à seul, jouer de ses charmes dans un endroit clos pour éviter toutes distractions ou que quelqu’un intercepte leur conversation. Elle devait se faire discrète, car elle était peut-être pistée, qui sait ? On n’est jamais à l’abri de rien. Quelques instants plus tard, elle était déjà devant la porte. Sans attendre, elle tapa avec légèreté à la porte et pénétra dans la loge lorsque le musicien lui pria d’entrer. « Bonsoir… Je vous ai écouté de loin, et je voulais discuter avec vous… du coup je n’ai pas pu m’empêcher de vous suivre.  J’ai adoré la dernière chanson que vous avez chanté. C’est vous qui l’avez écrite ? » Dit-elle adossée au mur, les mains derrière le dos, et un regard qui se voulait fuyant. Il fallait qu’il tombe dans le panneau car premièrement, elle n’en avait rien à foutre de sa musique, deuxièmement elle n’était pas timide pour un brin. Mais les potiches qui rougissaient pour un rien, ça marchait très souvent. « Vous jouez depuis longtemps de la guitare ? » Dit-elle en désignant l’instrument de musique.

@Jeremiah Etish  

Je suis de nouveau à Brisbane, et je dois faire un concert. Au moins un, entre mes absences et mes moments seul dans la maison pour essayer d’écrire. Je n’y arrive pas, alors je compte sur Ariane pour être un peu plus inspirée par les mélodies. Je chante tout ce que j’ai écrit depuis que j’ai commencé à être célèbre, les chansons qui ont le mieux marchées et ce que le public demande. Je me concentre, je souris, je charme, je fais mon travail et j’adore ça. C’est dans ces moments-là où je sais que je suis à ma place, je sais que je vis pour la musique. Jamais je ne pourrais revenir en arrière, et, jusque-là, j’arrive à combiner ma passion pour la musique et mon besoin d’adrénaline que j’assouvie en travaillant dans l’illégalité et en faisant partie d’un gang. J’ai profité du moment, et j’ai l’impression de me retrouver des mois en arrière quand je ne faisais que commencer à vivre tout ça pour de vrai.

Le moment est trop court, j’aimerais rester une nuit entière à chanter et à jouer de tous les instruments que je connais. Je retourne vers ma loge, je vais me reposer quelques minutes avant de retourner dans le bar. Il y a certainement des dizaines de filles qui m’y attendent déjà, des filles que je risque de bien trop ignorer parce que pour le moment, la seule qui reste dans mon esprit c’est Chloe. « Bonsoir… Je vous ai écouté de loin, et je voulais discuter avec vous… du coup je n’ai pas pu m’empêcher de vous suivre. J’ai adoré la dernière chanson que vous avez chanté. C’est vous qui l’avez écrite ? » Comment est ce que cette brune est entrée ? Je l’observe à travers le miroir et j’allume ma cigarette. Je la regarde, j’analyse chacun de ses mouvements, je sens que ça va être long avant que j’arrive à la virer de cet endroit. A quoi servent ceux qui sont censés me protéger et garder cette fichue porte ? “Mhmh…” C’est le genre de fille qui m’énerve, elle fait partie de celle qui sont capables de tout pour avoir un peu de visibilité. Je lève les yeux au ciel, je ne suis pas aimable pour un sous. Je me tourne pour lui faire face et je ne m’approche pas de la demoiselle, je m’assois sur la table qui est derrière moi. “Tu sais écrire ?” Il est possible que je me foute un peu d’elle, elle va détester être humiliée et je pourrais m’en débarrasser rapidement. « Vous jouez depuis longtemps de la guitare ? » Je soupire, elle veut peut-être que je lui joue une musique et qu’on tombe amoureux au milieu de cette salle ? Très peu pour moi. “Je donne pas de cours particulier.” Je ne sais pas ce qu’elle veut, mais j’espère qu’elle comprend que moi, la seule chose que je veux, c’est qu’elle parte.

Le style music de ce fameux Jeremiah, communément appelé Jet, n’était pas du tout sa tasse de thé. Des musiques monotones, écrites pour faire pleurer les foules et casser l’ambiance d’un bar réputé pour être un des plus festifs de la ville. Clairement, Sasha s’était fait chier et jouer les groupies écervelées n’a jamais été aussi compliqué. Surtout quand la personne à duper était totalement sceptique. Il s’était tourné vers elle, surpris par son reflet mais rapidement agacé qu’une sombre potiche vienne briser sa tranquillité dans cette petite loge pas trop meublée mais assez cosy pour donner une certaine sensation de confort. « Mhmh… » Bon. D’accord. Ça n’allait pas être une mince affaire. Il se contentait de pincer les lèvres et de la toiser, analysant ses moindres faits et gestes. À peine arrivée, qu’elle semblait déjà lui taper sur le système, ça la faisait sourire. Elle adorait faire chier son monde, mais ce n’était pas le but aujourd’hui. Et si elle devait changer de technique pour soutirer ce qui l’intéressait, elle le ferait. « Tu sais écrire ? » Un sourire forcé se dessina difficilement sur son visage. Elle le détestait déjà. Mais quelle enflure. « Je ne donne pas de cours particulier. » Normal, c’est elle qui les donne, les cours.

Si seulement il savait qu’elle était loin d’être comme la plupart des filles qui lui courraient. Puis, si elle n’était en mission pour Raelyn, il n’aurait pas eu le temps de voir arriver le revers de main frapper violemment sa joue. Sasha ne ménage pas ceux qui lui manquent de respect. Mais ce soir elle allait se retenir et garder le sourire. En temps normal, elle aurait serré le poing mais tout signe d’agacement ou de nervosité pouvait éveiller des soupçons chez le musicien. « Ce n’est pas des cours particuliers que je veux. » Tout ce qu’elle voulait, c’est quelques petites infos sur la Ruche qui peuvent être utile. Ne vous méprenez pas. Mais inconsciemment, son jeu de potiche s’était envolé, pour laisser place à un air un peu plus désinvolte. À une lueur plus enflammée dans son regard. Une de ces attitudes qui n’avaient cessé de marcher à chaque fois que Raelyn l’envoyait au charbon, mariner quelques hommes pour avoir ce qu’elle voulait. De tout façon, le mode godiche était obsolète et la cible semblait être vaccinée contre ce genre de personne. À son aise partout, comme d’habitude, elle tira vers elle une chaise libre sur laquelle elle prit place à califourchon tout en posant ses bras sur le dossier. L’interrogatoire allait bientôt sonner. « J’ai envie d’apprendre à te connaître, j’ai pas le droit ? » Un peu dans le forcing. « Je fréquente beaucoup ce bar, et c’est la première fois que je te vois ici. Si tu te demandes le pourquoi du comment. Ça m’intrigue, c’est tout. » Elle haussa les épaules, sourire en coin. Ça ne devait pas lui plaire, il devait juste avoir envie qu’elle se casse. Mais Sasha savait s’adapter à n’importe quelle situation, et pas moyen qu’elle ne remplisse pas sa tâche correctement. Assis à la table, il lui faisait désormais face. Elle prit le temps de l’observer. Plutôt pas mal, sa boss ne l’envoyait pas discuter avec n’importe quoi. Des boucles ébènes, un regard d’artiste incompris. On aurait presque du mal à croire qu’il butine avec les mauvaises abeilles. « Quoi ? Même quand une femme vous fait du rentre dedans vous n’êtes pas d’accord ? Les mecs, faut savoir… » Elle fit mine de lever les yeux au ciel avant de les plonger dans les siens. En général, elle n’avait pas besoin de mettre son décolleté en évidence. Mais il semblait coriace et la mission compliquée. Pas grave, ça rendant le travail un peu plus motivant.

J’avais envie de passer quelques minutes seul, et je ne comptais même pas rejoindre la foule ce soir. Mais il a fallu qu’une brune trouve le chemin jusqu’à la loge. Il y a quelques mois j’aurais peut-être été d’humeur à la croiser, mais pas ce soir. J’essaie d’être un mec rangé et ce n’est pas facile, mais j’ai l’impression que le caractère de la jeune femme va m’aider à ne pas m’intéresser à elle. Elle s’intéresse à moi seulement parce que je commence à être célèbre. Je me méfie de ça, ce genre de fille qui semble débile mais qui peut cacher beaucoup de choses. Je penche la tête et je tente de la cerner. Elle se cache, et je cherche à la faire fuir, je veux voir si c’est une fille bête ou si elle cherche quelque chose de précis. « Ce n’est pas des cours particuliers que je veux. » Elle est tenace et je me place face à elle, qu’est ce qu’elle peut bien vouloir ? “Qu’est ce que tu veux ?” Si elle n’est pas claire dans ses intentions, je peux aussi jouer au plus idiot. Peut-être que c’est ça la technique qui marchera pour la faire sortir de ses gonds.

« J’ai envie d’apprendre à te connaître, j’ai pas le droit ? » Je fronce les sourcils, j’ai du mal à y croire. Chaque femme a besoin de quelque chose, et j’ai du mal à la comprendre elle. “Tu as le droit de faire ce que tu veux. Comme moi.” Donc j’ai le droit de refuser ses avances, tout comme elle a le droit de tenter sa chance en face de moi. « Je fréquente beaucoup ce bar, et c’est la première fois que je te vois ici. Si tu te demandes le pourquoi du comment. Ça m’intrigue, c’est tout. » “C’est la première fois que tu me vois ici ?” Ses renseignements ne sont peut-être pas corrects. “Tu viens depuis combien de temps ?” J’ai déjà fait quelques concerts il y a des mois dans ce bar, il fait partie de mes premières scènes et c’est pour ça qu’il aura toujours une place particulière dans mon coeur. « Quoi ? Même quand une femme vous fait du rentre dedans vous n’êtes pas d’accord ? Les mecs, faut savoir… » Elle s’assoit en face de moi, le dossier de la chaise devant elle. Elle prend place et elle n’a apparemment pas pour idée de s’en aller. Je ne pensais pas qu’elle serait aussi tenace. “J’ai l’habitude de me méfier, et j’ai bien l’impression que si je dois me méfier d’une seule personne ici c’est bien toi.” Je croise les bras sur ma poitrine mais je ne m’approche pas d’elle, je garde mes distances. “Tu m’as pas l’air honnête.” Et ça me fait sourire, parce que je ne suis pas du genre à être honnête moi non plus.

Décidément, ce type était juste coriace. Il semblait tellement méfiant et sur ses gardes qu’il avait dû sentir que quelque chose ne tournait pas rond à partir du moment où elle a mis une pièce dans la pièce exiguë. Fait chier. Pourtant, elle avait mis les vêtements les plus randoms de son dressing. Elle ne pouvait pas faire plus banal pour s’éloigner de l’aura du Club qui pouvait planer autour de sa silhouette. « Qu’est ce que tu veux ? » Hm. Sasha se pinça les lèvres. C’est qu’il lui mettait des bâtons dans les roues ce musicien (et sbire de Maya l’abeille à temps perdus). C’était la première fois que quelqu’un se montrait aussi méfiant et sceptique devant elle. Pourtant, ses charmes faisaient tomber toutes les barrières et lui était totalement indifférent. Ça commençait déjà à l’agacer car ça ne sentait pas du tout bon pour ses affaires. La jeune femme lui annonça qu’elle avait simplement envie de le connaître. Techniquement, ce n’était pas vraiment un mensonge. Elle voulait tout savoir : de son implication au sein de la Ruche à sa capacité à lui tourner le dos pour embrasser une communauté bien plus ambitieuse que la sienne.

« Tu as le droit de faire ce que tu veux. Comme moi. » Ce mec ne rendait pas les choses faciles. Avait-il été prévenu de sa venue ? Si c’était le cas, elle devra rebrousser chemin. Mais en réalité, le fait que cette option soit possible ne l’était guère. La soirée ne prenait pas le tournant qu’elle avait prévu, et elle envisageait de plus en plus de couper à cette discussion et de revenir à la charge plus tard lorsque le bon moment se présentera. C’est à ce moment-là, que l’interrogatoire débuta. C’était clairement la merde. « C’est la première fois que tu me vois ici ? » Oui. Elle n’avait pas menti. « Je viens depuis un petit moment. » Elle restait vague et à vrai dire, elle ne saurait pas dit depuis combien de mois elle fréquente le Canva. Et le fait qu’il posait des questions si précises était étrange. « Ça fait un petit moment, mais c’est la première fois que je te vois. Peut-être que je ne tombais pas au bon moment ? » Souriait-elle, elle voulait sauver les apparences parce qu’il semblait trop méfiant pour s’adonner à des confessions nocturnes avec Sasha. La preuve. « J’ai l’habitude de me méfier, et j’ai bien l’impression que si je dois me méfier d’une seule personne ici c’est bien toi. » Sasha mima l’étonnement. Le batard. « Tu m’as pas l’air honnête. » Merde. « Pourquoi ? Une femme qui vient te voir dans ta loge, ça te paraît louche ? Si ça n’avait pas été moi, ça aurait été quelqu’un d’autre… » Elle croisa les bras à son tour, elle ne franchissait pas la ligne imaginaire qui séparait leurs deux espaces vitaux. À l’écouter, elle était le grand méchant loup. Enfin, elle travaillait pour lui en tout cas. « Il y a aucune raison à se méfier comme ça. Puis, pour que tu sois autant sur la défensive… C’est plutôt toi qui a quelque chose à cacher. » Elle l’attendra le coup d’État de Raelyn pour envisager une nouvelle tentative auprès du musicien. Intervenir tout de suite après son spectacle n’était pas une bonne idée. Elle aurait dû attendre. Mais le métier ne s’apprend pas en un jour.

Je me méfie. Elle est jolie, elle est facile, elle est tout à fait mon genre. Mais je ne peux pas aller vers elle. Etonnement je pense un peu à Chloe malgré toutes les conneries qu’elle a pu faire, et surtout, elle ne m’inspire pas confiance. Je ne sais pas pourquoi elle vient vers moi de cette manière. Elle a l’air d’une cruche et c’est ce qui me met la puce à l’oreille. J’ai rarement vu de fille qui en faisait autant pour paraître débile. Je fronce le nez et je ne la lâche pas des yeux, je cherche à la sonder et je reste persuadé qu’elle cache bien son jeu. « Je viens depuis un petit moment. » “Pas assez longtemps apparemment.” Je suis sec et froid, je fronce les sourcils, j’attends de voir ce qu’elle est capable de supporter. « Ça fait un petit moment, mais c’est la première fois que je te vois. Peut-être que je ne tombais pas au bon moment ? » Je pince les lèvres et je ne retiens pas le petit sourire moqueur qui naît au coin de mes lèvres. “T’as dû en rencontrer beaucoup d’autres des chanteurs.” Une croqueuse de diamants peut-être ? Ce qu’elle ne sait pas, c’est qu’il n’y a pas vraiment de diamants à croquer de mon côté.

« Pourquoi ? Une femme qui vient te voir dans ta loge, ça te paraît louche ? Si ça n’avait pas été moi, ça aurait été quelqu’un d’autre… » “Une femme qui sait comment passer au travers des vigiles, ça c’est louche.” Parce qu’il y a bien peu de femmes qui y arrivent, et elle a eu l’air de trouver le chemin bien trop facilement. Je la regarde s’asseoir, s’énerver un peu. « Il y a aucune raison à se méfier comme ça. Puis, pour que tu sois autant sur la défensive… C’est plutôt toi qui a quelque chose à cacher. » “Oh donc c’est moi qui ai quelque chose à cacher maintenant ?” Je hausse un sourcil, étonné, si elle croit qu’elle va avoir des informations aussi facilement elle se trompe.