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 from eden | willer

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from eden | willer Empty
Message(#)from eden | willer EmptyDim 31 Jan 2021 - 23:08

Ils ne sont en Grèce que depuis quelques jours. Ici au moins, tout est tranquille. Rien ni personne pour les emmerder, le voyage a même le mérite de servir de lune de miel - que le couple mérite, assurément. Les journées sont longues, le soleil n’est pas aussi chaud que de l’autre côté de la planète mais c’est du pareil au même. Probablement faut-il se rendre à l’évidence : Ariane et Saül ne trouvent la paix que lorsqu’ils sont loin de l’Australie. Pourtant, voyager devient de plus en plus compliqué. L’italien a des dettes à combler et les appels de ses banquiers ne peuvent pas être évités pour toujours - au grand regret du premier concerné. Et puis, bien sûr, il y a Madison. L’envahisseuse est loin, pour un temps au moins. Saül espère que lorsque Ariane et lui choisiront de rentrer, elle se sera tout simplement envolée.

Il est tôt, pourtant, lorsque Ariane commence à se plaindre de douleurs dans le bas ventre. Il est aussi trop tôt dans le processus, encore trop loin des dernières semaines officielles. « On va aller à l’hôpital. » Il n’attendra pas une seconde de plus, lui qui a perdu trop de bébés pourtant voués à connaître le monde. Trop pour être optimiste, trop aussi pour ne pas tout de suite imaginer le pire. Ses doigts n’osent pas effleurer la peau du ventre de sa femme, de peur de ne rien y sentir d’autre que la mort. Il a guetté, Saül, les signes de vie de l’enfant à naître. Il ne sait plus s’endormir sans sentir les coups que le bébé lance contre le ventre de sa mère.

La Grèce aurait pourtant dû être un voyage tranquille, sans accrocs. Certes, Ariane et Saül ont quitté l’Australie dans un grand coup de vent. Saül ne pouvait de toute façon plus se trouver sur la même terre que celle foulée par sa fratrie. Fratrie, elle n’en porte que le nom. Lui le premier, l’aîné, le fils prodige n’a en fait jamais fait partie du troupeau, pas assez du moins pour que le père Williams fasse mention de son prénom dans son testament. Pas même pour lui divulguer son histoire sans qu’elle ne soit traitée comme un manquement, comme une tare à pointer du doigt sans pour autant la considérer comme assez importante pour en informer le premier concerné. Tant pis, les autres récolteront les pots cassés et les dettes. Justice.

« Tu le dis, si tu as mal. J’ai mis une bouteille d’eau dans le sac. Des gâteaux, aussi. » Sa conduite est pressée. Saül ne lâche plus la route des yeux. Il a déjà failli perdre Ariane à bord d’un engin comme celui-ci. Pas cette fois. Il voudrait porter Ariane partout, jusque devant un médecin si celui-ci se fait attendre - il n’a plutôt pas intérêt d’essayer. Lorsque le couple passe la porte de l’hôpital, Saül est déjà en train de perdre patience. « Tu devrais t’asseoir. Je vais aller chercher quelqu’un. » Il est en même temps impensable que Saül ne la lâche des yeux. Elle pourrait s’évanouir, se vider de son sang sur le carrelage, commencer le travail ici. Toutes les issues sont pires, les unes comme les autres. Quand quelqu’un s’approche enfin, Saül n’a pas lâché la main de son épouse, aussi méfiant qu’un animal blessé.
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Message(#)from eden | willer EmptyDim 31 Jan 2021 - 23:12

« Conneries. » il est tôt, trop tôt encore. Trop tôt dans la journée, déjà, parce qu’on a même pas trouvé le moyen de s’emmerder à lézarder dans les hamacs du jardin, qu’on ne s’est pas mené la pire (relativement parlant) guerre possible à décider quel restaurant allait accueillir nos grandes pompes pour le dîner. Il est tôt, trop tôt encore pour que ce soit des contractions. « On va aller à l’hôpital. » tiens, jouons à un jeu. Jouons à combien de fois Ariane Parker-Williams peut rouler des yeux et soupirer en synchronicité avant que Massimo Saül Williams ne menace de la jeter en bas des draps suspendus aux branches des oliviers où on aurait pu encore rester pendant des heures tant ses mollets glacés martyrisent mes pieds brûlants. Je le dis et je le répète, trop tôt pour m’en lasser. « Faire quoi? C’est ton cœur? » jouons aussi à camoufler la douleur lancinante qui me cisaille le bas du dos en appliquant ma paume là où y’a des semaines, c’était lui qui souffrait le martyr. Mon alliance reflète le soleil de la Grèce blottie contre son torse. Qu’il râle que ça lui brûle les rétines and we’ll call it a day.

« Tu le dis, si tu as mal. J’ai mis une bouteille d’eau dans le sac. Des gâteaux, aussi. » « J’aurais préféré du..!  » du quoi, Ariane? Du souffle : je le perds. Du minimum de retenue ; pour ne pas en être à planter mes ongles jusqu’aux tréfonds de la chair de sa main. Du sursis, un peu, ça serait pas de répit, quand la simple vue du sigle de l’hôpital au bout de la route me donne envie de braquer le volant dans l’autre sens, de nous renvoyer à notre maison louée dans les champs. « Tu devrais t’asseoir. Je vais aller chercher quelqu’un. » pas question qu’il se tire, pas question qu’il me laisse derrière comme si y’avait quelque chose qui justifiait qu’il s’égosille dans les couloirs de l’établissement seul, sans que je sois dans les coulisses pour au moins me moquer. Pas la peine de laisser un trémolo poindre dans sa voix et pas la peine de me regarder comme ça et pas la peine de « Saül. » pas la peine de dire que ça, tu le sens pas. « C’est pas censé, pas maintenant. » au sol, mes spartiates sont trempées. Elle a crevé ses eaux, la touriste à la peau diaphane, parfois rougie par le soleil des îles. « Sors les cigares. » c’est pas censé mais c’est bien rare que je fasse les choses comme dans les livres, quand bien même y’en a des tas qui s’accumulent sur la table de chevet de Saül depuis des mois. La grossesse sous toutes ses formes, l’avant, le pendant, l’après.

Et dire qu’on devait aller manger à la terrasse surplombant la marina, et dire que j’avais prévu lui faire vaincre sa peur des vagues une bonne fois pour toute. Foutu karma. « Et le scotch. » j’ai la liste mentale de tout ce que je vais pouvoir recommencer à consommer maintenant que le travail semble lancé, liste qui chevauche celle des (trop) nombreux facteurs qui rendent la scène complètement irréaliste, dérisoire, irationnelle. La date était bloquée à dans un mois non? « Et la coca-  » ïne, comme dans ça fait un mal de chien, et même la meilleure de toutes les neiges sauverait pas les dommages collatéraux.


Dernière édition par Ariane Parker-Williams le Mar 16 Fév 2021 - 21:42, édité 1 fois
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Message(#)from eden | willer EmptyLun 15 Fév 2021 - 2:14

« Faire quoi? C’est ton cœur? » « Oui, voilà, mon cœur. On y va. » Et s'il fallait lui même qu'il feigne la douleur, il pourrait s'y mettre aussi. S'il fallait porter Ariane jusqu'à l'hôpital aussi, d'ailleurs. Elle plaisante mais lui ne laisse aucune place au rire. Voilà des semaines qu'il se prépare à cet instant. Depuis qu'ils ont mis le pied en Grèce, Saül tient un sac prêt, "au cas où". Aujourd'hui, ces longues heures de préparation vont servir. Que disent les livres, déjà ? Souvent, c'est de respirer et blablabla. Ce n'est pas Saül qui appliquera les consignes de détente destinées à apaiser Ariane le moment venu. Le moment est là et Saül a la tête vide, seulement prête à s'appliquer à la conduite. Un accident de voiture, c'est déjà assez.

« J’aurais préféré du..! » Saül ne lâche pas la main d'Ariane, pas même quand il est déjà en train de chercher quelqu'un pour les aider. Il n'y a personne, cependant, qui s'inquiète immédiatement de leur sort. L'italien a déjà envie de hurler sur toute la population présente dans l'hôpital. Ils ne font rien et Saül s'agace de la langue qu'ils parlent et de leur air faussement pressé à faire autre chose. « Saül. » Les yeux de l'intéressé se braquent immédiatement sur la mine contrite de son épouse. « C’est pas censé, pas maintenant. » Il sait. Ses doigts agrippent délicatement le dos d'Ariane, qu'il soutient du mieux qu'il peut. « Ce n'est rien, quatre semaines d'avance. Il est juste un peu pressé de rencontrer son papa. » Voilà la place de la plaisanterie, chuchotée à l'oreille d'Ariane. La main libre de Saül part chercher le giron de l'auteure, agité d'une tension sans bornes. « Sors les cigares. » « On les sortira pour fêter la naissance du prince. » Du roi, qui leur fera vivre un calvaire sans nom pour les prochains mois. Quel enfer en puissance, dont ils ne se doutent pas encore de l'existence. Enfin, on approche pour prendre en charge Ariane. « Et le scotch. » « Et la-- » « Et la coca- » Oui, voilà.

Tout se passe ensuite très vite, de la prise en charge à l'installation et Saül est dépassé. Il n'a jamais vécu ces instants que tous les pères devraient vivre, pas avec Elise. Ils n'en ont jamais été proches, pas même de quelques mois. Dans la main de Saül, les doigts d'Ariane sont brûlants. Ils ne sont plus seuls, plus depuis quelques minutes. Pourtant, c'est tout comme. Elle écrase ses doigts et lui, le grand italien, il pleure presque. « Il tient déjà de toi, regarde comme il est pénible. » Les plaisanteries, encore, tandis qu'il passe ses doigts dans les cheveux d'Ariane, nattés à la va-vite de ses doigts d'homme stressé. « Tu lui apprendras toutes les grossièretés en français, moi celles en italien. » Il tarde, le garçon. Il se fait attendre pire que les stars de cinéma sur les tapis rouges, lui qui semblait pourtant si pressé de se présenter au monde. « On ne l'appellera pas Saül-junior, tu as gagné. » qu'il murmure, si stressé que son cœur lui fait mal. Que faire de plus, pour l'encourager, elle qui broie de sa paume toutes les phalanges de Saül ?
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Message(#)from eden | willer EmptyMar 16 Fév 2021 - 4:15

« Oui, voilà, mon cœur. On y va. »

Je le hais, je le déteste, je le maudis, Saül le rusé de supérette à rabais qui est pas foutu de trouver une autre excuse que celle qui me noue le ventre et me serre la gorge. Il joue pas il triche le connard, et si ma seule défense est de lui mordre les doigts entre deux contractions alors soit, il prendra la rage que je lui donne. Y’a un bébé aussi, qui se donne au creux de mon ventre. C’était pas censé et même si j’ai été une véritable idiote au début de la grossesse à tout faire foirer autant de fois que je sais compter, n’en reste que son avance dans le temps ne me plaît pas du tout. C’est pas normal, le plan était pas moulé pour ça, et si y’a un truc que les classes avec Léo m’ont appris, c’est que – fuck, il est où mon téléphone? Y’a que Léo qui connait par cœur la technique qu’il faut sur comment respirer, on s’en est tellement moquée. « Ce n'est rien, quatre semaines d'avance. Il est juste un peu pressé de rencontrer son papa. » bien joué Williams, balle au centre. « Si on a fait une horreur qui est aussi ponctuel que toi je le rejette à l’eau. » à ses murmures se joignent les miens. Je suis sûre que d’ici la fin de la journée ou juste la prochaine minute, y’aura plus la moindre trace de chair sur l’intérieur de ses paumes par ma faute. Même pas désolée.

Faut les cigares. « On les sortira pour fêter la naissance du prince. »
Faut dire les bons termes. « Du roi. »
« Et la-- » faut la cocaïne.
« Pourquoi je t’ai pas marié plus tôt? » faut qu’il sache que je l’aime comme une folle, même si je suis en train de le devenir, justement, folle.

On a bougé ou on est restés immobiles ; je sais pas, je sais plus. « Il tient déjà de toi, regarde comme il est pénible. » et il essaie, tellement fort que y'a moyen que je rigole de lui toute ma vie, de son air mi-alarmé mi-barré de sanglots. Dès que mes entrailles arrêteront de me rappeler que d’ici une poignée de minutes y'aura un foutu humain avec une tête grosse comme la lune et des épaules de quarterback qui s’expulseront de moi. Les vidéos d’accouchements qui tournent mal, c’était fun à regarder en pleine nuit d’insomnie ou juste pour lui foutre la trouille à Saül. Mais quand on le vit en live, c’est pas aussi marrant. « Ce sont les médecins les plus pénibles là, ils foutent quoi en vrai!? » oups, ma voix porte dans un couloir aussi écho qu’il n’en finit plus de s’allonger. Si jamais quelqu’un a envie de bosser, on est juste là, servis sur un plateau. « Tu lui apprendras toutes les grossièretés en français, moi celles en italien. » « Deal, deal, dea- » deal, que j’allais dire, si j’avais pas encore une fois senti une décharge comparable à quarante camions me défonçant la colonne vertébrale pour mieux repasser dessus ensuite.

« On ne l'appellera pas Saül-junior, tu as gagné. » mon front s’ancre à celui de Saül premier du nom. Bougez pas infirmiers et infirmières, c’est chill si j’accouche en pleine allée principale, pas de soucis hen guys tout est sympa personne sera ennemis. « On a même pas d’idées de nom. » le contraste est presque alarmant, quand pour le monde entier je serais prête à hurler mais que là, dans notre bulle de silhouettes confondues, j’ai peine à murmurer. « Ni de couleur pour sa chambre. » y'a un rire qui sort, je sais pas par quelle force j’arrive à le lâcher. « Il a même pas de chambre. » on avait un mois encore. Il s’en passe des trucs en un mois ; comme tous les préparatifs qu’on a pas mis en place parce qu’on était trop occupés à s’entredéchirer aux extrémités du globe, et autres synoymes. Et un nouveau rire, celui-là un peu moins douloureux au au fond de ma gorge. « On va être à chier pour ça, hen? » quand mes yeux s’ouvrent pour attraper ceux de Saül, c’est sans le moindre voile d’inquiétude qu’ils s'exhibent. On coche toutes les cases pour être les pires parents au monde, pourtant j'aurais jamais vécu ce calvaire avec qui que ce soit d’autre que lui.
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