(kangaroo point) Ce n’est pas qu’elle est quelque peu jalouse, Lily, loin de là.

C’est plutôt qu’elle l’est à en crever. Ironiquement, elle est celle qui est allée voir ailleurs dans leur mariage et elle est aussi celle qui grince des dents dès qu’une poupée s’approche de trop près de son mari. Bien qu’il lui ait assuré le contraire, une part d’elle ne peut s’empêcher de penser qu’il finira par lui rendre la monnaie de sa pièce et qu’il la trompera un jour. Ce n’est pas ce qu’elle souhaite, ce n’est même pas une chose à laquelle elle aime penser mais c’est un sentiment qui la ronge de l’intérieur. Elle n’a jamais été le premier choix dans aucune de ses relations et les stigmates restent présents, quitte à les faire subir aux autres en retour pour leur prouver à quel point ils font mal. La brune est incapable de se sortir cette idée de la tête parce que si elle avait été à la place de Matt, c’est ce qu’elle aurait fait. Elle a un sens de la justice bien à elle, lequel ressemble bien trop souvent au terme de “vengeance”. Peu importe à quel point elle aime ses proches, ils payent souvent trop cher la moindre de leurs erreurs, en pourra en témoigner son frère.

Aujourd’hui est un jour de fête, pourtant. Le 26 janvier est sacré, et elle ne prendra pas la peine de demander à Matt s’il a souhaité un bon anniversaire au Beauregard. Elle s’applique bien trop à panser les plaies des derniers mois pour être stupide au point d’aborder le sujet d’Ezra elle-même, surtout alors qu’elle est bien trop occupée à dresser la liste de tout ce qu’elle souhaite mettre dans son burger pour que Matt aille lui en chercher. Rapidement, elle en vient à la conclusion qu’elle ne sera jamais mieux servie que par elle même et puisqu’elle souhaite prouver qu’elle n’est pas une si horrible serveuse qu’elle en a l’air, elle prend aussi la commande de Matt. Heureusement qu’elle le connait par coeur au point de connaître ses envies de repas, parce que dès que la commande a été passée elle avait déjà oublié la moitié des ingrédients demandés.

Le soleil est de plomb, l’air sent la viande grillée et quand le brouhaha ambiant se fait moins fort, ils peuvent s’avancer sur le gazon tout en observant la vue sur la ville. Son mari à ses côtés, cela ressemble beaucoup à la vision d’une journée parfaite. Les recherches d’appartement avancent doucement mais sûrement, en même temps que les préparatifs d’un second mariage qu’elle attend avec bien plus d’impatience que le premier. Entre ses mains se retrouvent rapidement les deux assiettes, pleines à ras bord de tout ce qu’elle a pu trouver en termes de nourriture et garnitures, usant de son plus beau sourire pour avoir le droit à des extras à chaque étape du processus. “Tu ne m’avais pas dit que tu invitais une amie.” Elle avance finalement de son faux sourire lorsqu’elle revient se placer aux côtés du brun, non sans quitter ses yeux de la poupée blonde. Ils avaient l’air de bien s’entendre et puisqu’elle ne connaît pas la jeune femme d’Eve ni même d’Adam, elle peut déjà avancer qu’elle la déteste au même titre que toutes les autres qui papillonnent de leurs stupides grands yeux face à lui. “Désolée, je n’ai prévu que deux assiettes.” Elle a un ton enjoué qui, même par inadvertance, ne pourrait jamais être confondu avec des excuses. “Vous parliez de quoi ?” L’interrogatoire est bien plus destiné à l’inconnue qu’à son mari, finalement.

“Non tu mens c’est pas possible!” qu’elle lance, qu’elle crie, qu’elle hurle presque entre deux rires, la fourbe. C’est difficile mais j’y mets toutes mes forces, à tenter d’avoir l’air d’être le plus offusqué possible. Mon sourire Colgate de grand con ne met même pas une seconde avant de remonter au passage. “J’te jure, juge pas.” mais elle y croit rien, la blonde, elle est pas foutue de vouloir non plus tellement ses sourcils se haussent à chaque fois où ma tête se secoue avec violence de gauche à droite. Elle juge, elle juge et c’est fucking pas juste, mais c’est pas un argument qui fonctionne hors du jardin d’enfant quand on se fait apprendre ce que c’est de partager ses jouets. On a grandi et là c’est bien vu apparemment de jouer aux adultes. Ce que j’ai pas l’air du tout, quand dans un grand élan de rébellion j’arrache des brins d’herbe au sol pour les lui lancer au visage. Elle pouffe, se décale, ramène avec elle la couverture à carreaux la plus clichée de l’univers rendant la station pique-nique que Lily a aménagée ici parfaite en tout point. “Ah non mais c’est adorable.” ouais ouais, dis-le encore qu’on y croit. Sa voix est condescendante, son coup d’œil pareil. Je rage, ou je ragerais, si j’étais pas occupé à pouffer de rire à mon tour. “Tu t’moques, t’es l’enfer, arrête.” “Bière?” et la voilà qui joue les meilleures distractions possible, la voix chantante et l’œil brillant, me faisant oublier ce dont on pouvait bien parler, ce qui était y’a peu de temps une source de discorde assez violente pour que je roule des yeux trop de fois pour les compter.

À la seconde où je cale ma bouteille à mes lèvres Lily est de retour, belle comme le jour. “Tu ne m’avais pas dit que tu invitais une amie.” oh c’est juste parce qu’elle était dans le coin, elle est avec son propre groupe de potes à quelques mètres c’était par hasard qu’ils disent mes iris le temps d’avaler ma gorgée. “Désolée, je n’ai prévu que deux assiettes.” y’a tellement pas de problème, tu pouvais pas savoir, c’est tout correct t’en fais pas avec ça qu’elles relancent, mes prunelles, alors que celles de Lily semblent être à même de cerner celles de l’amie. Si j’étais pas aussi con, si j’étais pas aussi aveugle, si j’étais pas noyé des bonnes intentions du type qui veut juste que tout le monde s’aime tout le temps, j’aurais sûrement dénoté la pique voilée. Si, si, si, si. “Vous parliez de quoi ?” elle tend la main, la blonde, le sourire solaire avec. “Rien, rien. Gabrielle.” au moins elle a le mérite de pas me foutre la honte devant Lily. Good for her.

“On étudiait ensemble à l'époque.” que je finis par préciser, une fois la première gorgée passée et Lily de nouveau installée à mes côtés. “Quand tu daignais passer en cours.” quelle traître qui lâche ça tout bonnement, étalant mes éclats d’étudiant relatif du temps où la fac se résumait bien plus à gagner des tournois de beer pong qu’à réviser et passer en cours pour autre chose que pour faire mes examens. “Mes notes s’en foutaient des profs.” donnons le crédit à ma mémoire phénoménale d’élève modèle qui mémorisait tout la veille des partiels et qui oubliait la totalité de la chose à la seconde où je rendais me copies parfaites à la correction. “Les lectures de MacMahon me manquent.” dans un souffle, Gabrielle dit un truc que j’aurais jamais pu concevoir, tant ses classes étaient celles qui venaient toujours trop tôt les lendemains des soirées où on se couchait bien trop tard. “Pareil.” à la surprise de l’entendre le dire se joint celle de m’entendre le dire à mon tour. Elle lorgne sur mon burger, je me lève d’un bond. “J’vais chercher un couteau attends, pour partager. Je reviens.” un baiser perdu à travers les mèches de Lily, et un autre à son oreille vient avec un je t’aime, merci, c’est délicieux chuchoté. Et la seconde d’après, c’est vers la station d’ustensiles que je dérive, pas du tout conscient de ce qui se passe dans mon dos pour cinq minutes à peine.

“Rien, rien. Gabrielle.” Rien, rien, c’est ce dont elle risque réellement de parler avec Matt maintenant que Lily est revenue à ses côtés et qu’elle est parfaitement intolérante. Cela ne l’empêche pas de répondre avec le plus grand et faux sourire qui soit, prenant la main de Gabrielle dans la sienne pour la lui serrer doucement. “Lily.” Elle garde le “McGrath” pour plus tard tout comme elle la préserve encore un peu d’un “sa femme”, préférant avant toutes choses voir jusqu’où elle compte aller avec le brun. Il est le seul à n’y voir que du feu dans cette guerre d’ego, parfaitement cachée derrière des dents blanches, brillant sous leur sourire à toutes les deux. Dans leur regard se lit pourtant la compétition silencieuse qui unit désormais les deux jeunes femmes qui, sans se connaître, se détestent déjà.

“On étudiait ensemble à l'époque.” - “Vous avez gardé contact depuis tout ce temps ?” Les questions sont pratiques et elles vont droit au but. Son sourire est toujours présent pour qu’elle ne s’éloigne jamais de trop de sa parfaite image de parfaite personne ; à force, elle n’a même plus à se forcer pour en arriver à un tel résultat : il n’y a rien de plus naturel à ses yeux que de justement ne pas être elle-même. “Quand tu daignais passer en cours.” Connasse. Lily lui en veut d’avoir vécu une vie avec Matt qu’elle n’aura jamais le loisir de connaître, pour la simple et stupide raison qu’ils se sont connus trop tard. Ses éternels remords dans la vie resteront toujours à propos de son passé qu’elle reste incapable de modifier, malgré toute l’envie qu’elle y met. “Mes notes s’en foutaient des profs.” Ils n’ont jamais réellement parlé de cette période là. Elle ne sait même pas de quoi il parle réellement, elle ne connaît pas cette partie de lui et de son histoire, preuve supplémentaire qu’ils ont été bien trop vite dans ce mariage devant les caméras. Ils ont encore beaucoup à faire avant le nouveau, le 2.0, le parfait. “Les lectures de MacMahon me manquent.” Elle, par contre, elle ne manque pas le moins du monde à la brune qui perd un peu plus patience à chaque seconde qui passe, son regard se faisant toujours plus glacial en contradiction avec la main qu’elle garde posée sur le genou de son mari. Celle-ci est la seule chose qu’elle ne joue pas dans toute cette scène, ayant réellement à coeur de le tenir près d’elle et lui prouver qu’elle l’aime. “Pareil.” Tais toi Matt, tais toi. N’en rajoute pas, ne lui donne pas raison.

“J’vais chercher un couteau attends, pour partager. Je reviens.” De toutes les mauvaises idées du monde, celle-ci se place en tête de liste. Lily a trop d’amour propre pour le supplier de rester mais elle n’est pas assez angélique au point de ne pas anticiper pouvoir poser quelques questions à cette inconnue sortie de nul part. Il n’en verra pas l’utilité sans doute et ce n’est pas grave puisque de toute façon il n’en entendra pas parler. Cela ne regarde qu’elles. Lorsqu’il l’embrasse une première fois puis une seconde, elle a l’impression d’avoir gardé la guerre et s’en veut de pouvoir douter d’eux quand, en réalité, elle sait n’aimer que lui jusqu’au plus profond de son âme et réciproquement. “T’es avec quelqu’un, Gabrielle ?” Et quand bien même la réponse serait un oui, cela n’empêcherait pas Lily de la soupçonner. Elle est la mieux placée au monde pour savoir qu’être avec un homme n’empêche en rien de se rapprocher d’un second et elle n’a pas envie d’avoir raison à ce sujet. “Non, plus depuis quelques temps.” Et ça, c’est la pire des réponses qui pouvait exister : une Gabrielle célibataire est dès lors un véritable danger pour le reste du monde ; et par “le reste du monde” il est surtout question de Lily elle-même. Lily qui fronce doucement les sourcils, Lily qui n’est pas douée dans le rôle de l’épouse jalouse et qui n’a qu’une envie, c’est celle de voir Matt revenir et Gabrielle s’en aller. “Quel dommage. On s’est mariés, nous.” Jamais elle ne s’en voudra d’étaler son propre bonheur au visage d’autrui, pourtant. Ses bagues scintillent sans gêne, son sourire est immense et ses yeux, eux, cherchent Matt qui trouve tout le temps du monde de devenir ami avec n’importe quel gars qu’il croise sur son chemin.

Sa tête glisse contre l’épaule du McGrath à la seconde où il se repose à ses côtés, effectivement armé d’un couteau et de nourriture supplémentaire comme si la jeune femme face à eux avait réellement la moindre importance. L’interlude entre les deux femme est terminée, ce n’est pas un jeu auquel Lily a envie de participer. Ses paupières se closent le temps pour elle de l’embrasser contre son cou. “Vous vous êtes connus comment ? Vraiment, je veux dire.” Être ensemble à l’université cela ne compte pas, ce n’est pas assez, ce n’est pas une bonne excuse. Cette fois-ci les question est pour Matt, elle ne veut pas d'intermédiaires.

“Vous avez gardé contact depuis tout ce temps ?”
“Oh oui, bien sûr. C’est facile avec les réseaux sociaux.”
“Tu dis juste ça parce que tu me spam de stories sur Instagram.”
“Guilty.”

L’assiette de surêté de retour et moi avec, c’est comme si tout allait sur des roulettes alors que je reprends place au sol et qu’ainsi, je respire mieux de voir tout le monde en proie d’être rassasié. En vrai, ça fait bizarre de voir la vie avec Lily rencontrer la vie avec Gabrielle, et par bizarre, j’pense que je veux dire que ça fait du bien. Ce sont des années où elle était pas là Lily, c’est une autre époque complètement différente où j’étais un Matt complètement différent. Pourtant, je serais prêt à parier qu’elles ont tout pour bien s’entendre, si mon ancienne camarade de classe garde les histoires me rendant complètement ridicule et enfantin loin des oreilles de ma femme-iancée.“Vous vous êtes connus comment ? Vraiment, je veux dire.” elle est parfaite Lily, elle fait la conversation en plus de s’assurer d’un grand sourire que Gab ne se retrouve pas à se sentir comme la troisième roue du carrosse. C’est vraiment apprécié, et mes doigts remontant dans son dos essaient de le lui faire doucement comprendre. “Tu racontes ou j’y vais?” “Mange, mange.” que je la sauve, la blonde s’attaquant à sa moitié de burger, l'œil brillant la bouche en cœur.

Faut ajouter une touche de sérieux à la chose, d’où la toux d’introduction à un discours que j’exagère et qui la fait pouffer. Ouais, elle a pas tant besoin de sortir des histoires de mon passé pour me faire honte, j’y arrive tout seul comme un grand. “Alors ça remonte aux initiations et Gab-” “Non c’était avant ça, t’oublies tout l’temps!” et elle me coupe, la bouche pleine, des miettes qui volent pendant que je tente d’éviter les projectiles, hilare. “Avant, quand?!” c’était aux initiations, je suis persuadé, quand les dernières années sont venus nous chercher dans un cours dont j’ai oublié le titre comme le prof comme la matière - qui ça étonne - pour nous traîner dehors en plein terrain de foot. On avait dû faire des dizaines de tours du terrain à la course en buvant en même temps des litres de lait, c’était l’enfer sur Terre et je suis persuadé que ça remonte à là et elle va s’en mordre les doigts d’avoir oublié et et et et et - “Au pub.” ah fuck, elle a raison. Et mon “Oh.” le précise à la seconde où je capte le truc. Bien sûr que c’était au pub. Bien sûr qu’on s’était connus de là, au fur et à mesure que les salves de souvenirs des soirées à y boire des pintes avant les examens remontent. Elle est fière de son coup, tout sourire, reprenant son repas non sans dodeliner de la tête face à sa victoire.

“Au pub donc. De l’université.” je pèse mes mots, pas parce que j’ai quelque chose à cacher mais un peu quand même. C’est atroce et c’est affreux et j’ai pas du tout envie que Lily le sache et ouais, je prends mon temps parce qu’il faut que je trouve la parfaite configuration pour lui annoncer la chose et pour bien faire passer l’information. C’est pas facile dans ma tête, ça tourne et ça stagne - et Gab décide d’abréger mes souffrances en retirant le pansement d’un coup sec un seul. “Il a effacé ça de sa mémoire parce que je l’ai battu au beer pong ce soir-là.” quel enfer de l’entendre le dire aussi facilement, quelle horreur qu’elle lâche ça si simplement quand ma carrière de pro du beer pong vient de prendre un coup dur sous le regard habituellement si fier de Lily quand je prends autant les balles que les verres de bière en main. Foutues conneries. “Si par “perdu” tu veux dire que t’as triché et que j’en ai payé les frais, ouais, c’est bon, t’as raison.” oh pauvre petit Matt, qui encaisse la défaite d’une bouchée de burger, d’une moue triste et d'une gorgée de bière goûtant un peu plus amer que les autres.

La seconde d’après, Gabrielle relève la tête, prête à échanger ses secrets et ses histoires avec celles de Lily. “Et vous deux, ça date de combien de temps?”

“Vous avez gardé contact depuis tout ce temps ?”
“Oh oui, bien sûr. C’est facile avec les réseaux sociaux.”
“Tu dis juste ça parce que tu me spam de stories sur Instagram.”
“Guilty.”

Pour être guilty, elle l’est vraiment et plus les secondes passent et plus la trentenaire se demande quelle technique de torture moyénageuse elle voudrait utiliser sur sa peau de porcelaine. L’infirmière ne sera jamais ce genre de femme qui insiste pour avoir un accès illimité au téléphone de leur mari pour vérifier les messages sur tous les réseaux sociaux et elle ne lui interdira pas non plus de parler à d’autres femmes mais lorsqu’il s’agit de personnalités comme Gabrielle, tout est différent. Elle n’est pas quelqu’un avec un bon fond, loin de là, ça crève les yeux. Elle joue un jeu interdit avec toute personne dès qu’elle est en couple et Matt, lui, à défaut de marcher, il ne sait que courir. Si elle use toutes ses forces pour ne pas lui en vouloir d’être quelqu’un d’éternellement bien intentionné, ce n’est pourtant pas une attitude qu’elle est capable de garder sur la durée. La blonde rigole, Matt l’encourage. Il en va même à partager son hamburger ; depuis quand est ce qu’il partage sa précieuse nourriture avec des barbies insolentes ?

Les miettes volent depuis la bouche de l’inconnue, Lily se décale de la scène non sans prendre la peine de cacher son dégoût grandissant plus vite encore que son agacement. Ses sourires de pacotilles perdent en superbe, ils sont du même niveau de ceux qu’elle avait à l’enfance. “Au pub donc. De l’université.” Elle n’aime pas son ton. Elle n’aime pas la façon que Gabrielle a eu de le reprendre, elle n’aime pas la tournure de cette anecdote qui s’éternise sans pour autant ne jamais démarrer. Il peut se passer des centaines de choses dans un pub, et aucune d’entre elles ne plaît à Lily. Déjà, elle voudrait lui demander avec combien de filles il a bien pu coucher ; et en même temps elle regrette d’avoir de telles pensées parce qu’au fond elle sait qu’elle le connaît, elle sait qu’il n’est pas comme ça, elle sait qu’elle est la seule des deux à commettre ce genre de péchés. “Il a effacé ça de sa mémoire parce que je l’ai battu au beer pong ce soir-là.” - “Si par “perdu” tu veux dire que t’as triché et que j’en ai payé les frais, ouais, c’est bon, t’as raison.” Oh. Oh, Matt. Cette fois-ci Lily n’a pas à feindre son sourire, elle n’a pas à feindre ses deux yeux bleus se reposant enfin sur son mari d’un air plus amoureux que jamais. Ils pourront tous deux oublier cette histoire dans quelques minutes. Lui oubliera avoir un jour perdu au beer pong et elle oubliera qu’il a rencontré cette Gabrielle ce soir-là. Chacun y trouvera aisément son compte. La brune prend place contre ses lèvres dès lors qu’il a fini de noyer son chagrin dans la nourriture et la boisson ; elle a un immense sourire qui n’a pourtant rien de moqueur. “On sait tous qu’elle a triché.” Qu’elle murmure tel un énième secret. Il n’a jamais perdu au beer pong, quelle idée stupide que de penser que le Champion Mondial toutes catégories pourrait rater le moindre coup, surtout à l’époque dorée de ses années d’études.

Pourtant, elle est toujours là, la petite mouche ennuyante qui tourne autour d’eux et agresse leurs oreilles. “Et vous deux, ça date de combien de temps?” La question a été posée un millier de fois par toutes les personnes ne suivant pas la télévision et se rendant finalement compte que leur ami(e) a trouvé une femme ou un mari du jour au lendemain. Gabrielle ne s’y intéresse pas, elle qui souhaite simplement savoir si le mariage sera amusant à faire voler en éclats. “Un an. On s’est mariés un quatorze février.” Quel cliché mais quelle fierté, pourtant. Elle n’oubliera jamais cette date et encore moins toute l’aventure qui les a liés ; nul besoin de préciser les caméras pourtant. “Et ensuite on a fait notre lune de miel à Cuba. Matt est presque devenu bilingue là-bas. C’était magnifique. Tu es déjà allée en Amérique latine ?” La réponse aurait dû être non et ensuite elle aurait dû poser un millier de questions à propos de l’endroit, de la langue, des coutumes, des plages de sable blanc et de la salsa. Elle n’aurait pas dû répondre qu’elle y a fait un séjour linguistique d’une année entière, enterrant rapidement leurs quelques jours de lune de miel. Elle l’ennuie et plus que tout, la voilà qui contrarie Lily. “Tu te souviens, Mattou, de toutes les fois où je t’ai proposé de venir ? Tu sais pas ce que t’as raté !” Le visage de sa femme reprenant doucement contact avec ses yeux n’a rien d’enjoué, surtout pas alors que, pour lui, elle y ajoute un haussement de sourcil étonné. Tu t’en souviens, Mattou ?

J’ai effacé ça de ma mémoire mais non en vrai c’est impossible de faire telle chose, parce qu’en mauvais perdant que je suis j’ai bien pu passer un temps franchement honteux à nier sa victoire – avant de me poster près de la table rien que pour arriver à décortiquer tout ce qu’elle pouvait bien faire de différent de moi pour gagner. Différent j’ai dit, pas mieux. Au baiser de Lily s’ajoute mon expiration qui viendra chatouiller sa joue, mes lèvres qu’elle prend en otage entre deux secrets. “On sait tous qu’elle a triché.” “Évidemment.” comme ça juste comme ça, j’oublie à nouveau cette histoire.

Contrairement à celle-là. “Un an. On s’est mariés un quatorze février.” Gabrielle retient un rire, probablement parce que Matt et marié dans la même phrase et autrement que parce que j’avais perdu un gage doit lui sembler être une blague de très mauvais goût. Le truc c’est que j’en ai rien à foutre de ce qu’elle ou le reste de la planète peu penser de la date comme du mariage en soi ; la bague à mon annulaire est là pour rester, on a assez donné. “Et ensuite on a fait notre lune de miel à Cuba. Matt est presque devenu bilingue là-bas. C’était magnifique. Tu es déjà allée en Amérique latine ?” pendant que les filles font la conversation, c’est pas dit par contre que mon regard dévie pas vers les stands d’auto tamponneuses et autres attractions. Oh, le kiosque de tir ça doit être cool, elles devraient adorer sûrement faudrait que je leur demande si -  “Tu te souviens, Mattou, de toutes les fois où je t’ai proposé de venir ? Tu sais pas ce que t’as raté !” au regard noir de Lily s’ajoute mon incapacité la plus totale de le remarquer.

“T’étais insupportable.” que je pouffe, plutôt, me rapellant le nombre de textos et d’appels que j’avais bien pu recevoir de la part de la blonde qui chaque jour trouvait une nouvelle raison de me convaincre de partir avec elle et le reste du groupe. Même sur place, elle ne démordait pas. Je suis persuadé qu'encore à la toute dernière journée du voyage elle croyait que j’allais apparaître sac au dos et itinéraire aussi absent que l'avaient été les signes qui auraient pu suggérer que j’allais débarquer. Mais non, j’étais pas allé. “Je l’aurais bien moins été si t’avais surfé avec moi là-bas à chaque matin!” ouais ouais me fais pas pleurer. Pendant qu’elle faisait son truc je faisais le mien, aka essayer de pas laisser ma sœur couler quand on venait à peine de nous poser dans un avion direction Londres. Ça, elle sait pas Gabrielle. “On s’est repris, depuis.” et ça restera comme ça. “Pas assez.” même si elle exagère sa moue de gamine, qu’elle bat des cils suppliants. Si c’est que du surf, on en a eu des tas de séances depuis. D'ailleurs, maintenant, ça serait une bonne occasion d'ajouter un membre à la clique de jadis, celle qu’on avait fini par former avec le temps mais qui s'est dramatiquement perdue de vue depuis. Et si je relançais le tout? “Lily surfe, aussi.” ça sonne comme Lily viendra avec moi, la prochaine fois, ce qui est totalement le cas. “Qui?” hen, quoi? Gab doit se moquer, pendant la fraction de seconde où elle a vraiment l’air de chercher de qui je parle. Quand ses prunelles tombent sur celles de ma femme, je jurerais qu’elle est à deux doigts de juste éclater de rire, à se dire que sa blague est aussi niaise qu’enfantine.

“Lily surfe, aussi.”
“Qui?”

“Viens, on va chercher un burger de plus, Matt.” Viens, on doit parler Matthew. Elle n’a pas la patience dont elle se vante et elle n’a surtout pas la moindre envie de rester spectatrice d’un jeu qui ne l’a jamais amusée. L’inconnue se moque d’elle et son mari semble en faire de même, lui qui ajoute le prénom de Lily à la conversation simplement pour se donner bonne conscience et absolument rien d’autre. Sa femme, d’ailleurs, elle dont les pupilles ne sont visées que sur celles du brun, elle qui a le plus immense et faux sourire de l’univers alors qu’elle n’utilise pas la moindre de ses forces à tenter d’être crédible. Elle n’en vaut pas la peine et, bientôt, elle aura déjà oublié jusqu’à son existence même.

Elle a posé une question mais n’attend aucune réponse, surtout pas si celle-ci venait à être négative. Ses doigts s’enroulent autour des siens avec la même douceur que d’habitude ; pour ça au moins elle n’a pas à jouer un rôle puisque ce n’est pas parce qu’une inconnue la rend folle qu’elle a perdu la moindre once d’amour pour son mari. Alors elle abandonne la nourriture, elle abandonne leur petit coin choisi avec soin, elle abandonne la stupide imbécile qui regardait trop son mari - et bizarrement, une de ces choses ne lui manquera pas. Une fois qu’elle les juge assez loin de toutes oreilles indiscrètes, elle ne laisse pas d’autres secondes s’écouler inutilement avant de prononcer sa sentence. “A quoi tu joues ?” Elle ne sourit plus, elle n’a plus de voix mielleuse non plus. Lily a toujours gardé ce rôle de poupée lisse à ses côtés et les rares fois où elle s’en est dérobée furent lorsque la tristesse prit le dessus sur elle. Aujourd’hui, et ce pour la première fois, c’est la colère qui se fraye finalement un chemin jusqu’à sa bouche. Ils se sont mariés sans se connaître entièrement, et c’est la seule chose qu’elle continue de regretter à propos de cette union hâtive. “Elle te drague ouvertement et tu fais encore l’adolescent.” Ses bras croisés l’empêchent de pointer la principale concernée de la main et ce n’est pourtant pas l’envie qui lui manque. Ça, et la brûler vivante sur un bûcher en place public. Ses yeux ancrés dans les siens, elle cherche des réponses, pourtant apeurée à l'idée qu'elles ne soient pas celles qu'elle espère.

“Viens, on va chercher un burger de plus, Matt.” hen quoi oh okay. J’ai pas fini mon plat, ni Gabrielle ni Lily, mais si la brunette le propose c’est qu’avec son instinct de reine elle a dû penser à un truc que j’ai pas capté. Ça serait tellement pas la première fois en plus, que Lily joue à la parfaite adulte mature et où je suis le plus niais des gamins dans ses pattes. Gab reste derrière à boire sa bière, me donnant l’impression que d’ici à ce qu’on revienne elle aura fini toutes les rations. C’est qu’elle m’a pas juste volé la victoire au beer pong, elle est aussi en chemin pour me piquer tout l’alcool si durement gagné. À la main de Lily dans la mienne, j’ajoute un baiser sur le revers de sa paume. La file d’attente est un peu plus à droite, j’initie le pas vers là-bas, mais c’est sans sentir ses doigts qui me ramènent vers elle la seconde d’après.

Puis y’a ses yeux. Ils trompent absolument pas ; rien ne va. “A quoi tu joues ?” j’ai dit une connerie? J’ai testé une autre de mes excellentes blagues et la chute est pas encore assez marrante? J’ai mal compris sa relance, et maintenant c’est à mon tour de lui inventer sur un coup de tête un jeu de mots? J’ai - “Elle te drague ouvertement et tu fais encore l’adolescent.” woah. Quand je disais que j’étais l’enfant et elle l’adulte c’était absolument pas là où je pensais aller ni maintenant ni jamais. Gabrielle est assez loin pour ne pas avoir la moindre chance d’entendre quoi que ce soit ni d’avoir un mot à en savoir, mes yeux restent donc vissés dans ceux de Lily une seconde et toutes celles ensuite.

“Okay attends deux secondes.” mauvaise tactique Matt, attendre rendra pas les choses plus claires ni le moindrement plus limpides. Pourtant ses bras croisés, son air fermé et son silence de glace ont tout pour pointer vers un truc que je déteste, à savoir qu’elle va pas, et que c’est ma faute apparemment. “Gabrielle me drague pas.” bon, voilà qui est mieux. Presque autant que je suis catégorique. Faire l’adolescent est une chose, faire le con en laissant une fille se monter des idées autant que flirter ouvertement avec moi devant ma femme en est une autre. “Pour peu ce serait toi qu’elle draguerait. Elle aime les filles et s’en est jamais caché.” ce qui expliquerait les questions posées qu’à Lily, et les dizaines de coups d’œil lancés vers elle, non? Non, c’est plus creux que ça. “Tu pensais vraiment que je jouais à ça?”

Ces mots lui brûlaient la langue depuis d’interminables minutes déjà et si Lily n’a jamais osé se plaindre de quoi que ce soit de peur de mettre à mal leur couple qu’elle chérissait tant, elle se rend aujourd’hui compte qu’ils ne pourront jamais être réellement heureux ensemble si elle ne pointe pas ce qui ne va pas. La liste n’est pas longue et elle est loin d’être immuable mais toutes ces femmes qui gravitent autour de Matt sont déjà le début d’un gros nœud et quand bien même elle est la seule à l’avoir trompé dans leur couple, il est le seul à payer les frais de sa jalousie. Gabrielle ou une autre, son nom n’est absolument pas important. Elle porte le blâme pour tout son genre et Lily a déjà fait son procès avant même que son mari n’ait pu dire quoi que ce soit. Le verdict est sans appel : coupable.

Sans ne laisser paraître aucune émotion, Lily soutient le regard de son mari et pour la première fois, ce n’est ni pour faire une bataille de regard, ni pour lui rappeler qu’elle l’aime plus que tout au monde. “Okay attends deux secondes.” Second problème : il trouve toujours les meilleurs mots possibles mais ne débute jamais par les bons. Attendre est bien la dernière chose dont elle ait envie, surtout pas après avoir mis leur relation (leur mariage) en pause pendant de longues semaines sans aucune certitude d’un avenir meilleur. Elle veut tout rattraper et tout vivre à ses côtés, elle veut toutes les explications dans la seconde et elle veut que tout lui tombe dans les mains comme ça a toujours été le cas dans sa vie, au final. “Gabrielle me drague pas.” Rendre le jugement n’est pas son rôle dans toute cette histoire, ce serait trop facile. Elle se retient d’ajouter une remarque parce qu’elle sait qu’il la connaît assez pour savoir qu’elle ne saura pas s’en contenter et elle lui donne donc le bénéfice du doute, préférant statuer qu’il est sûrement en train de chercher ses mots. Pour la première fois depuis toujours, leurs avis divergent et il est la raison pour laquelle elle serre un peu plus la mâchoire encore. Quand elle se dispute avec Joseph, elle sait que cela ne changera jamais le fait qu’ils sont du même sang et voués à se revoir. Quand elle se dispute avec Alfie, elle sait qu’elle tient trop à lui et qu’elle finit toujours par lui pardonner au bout de quelques mois ou années. Quand elle se dispute avec Matt, pourtant, elle ne sait pas ce que cela peut donner et c’est donc la raison première pour laquelle elle n’a aucune envie de le découvrir aujourd’hui. “Pour peu ce serait toi qu’elle draguerait. Elle aime les filles et s’en est jamais caché.” C’est sérieux, Matt ?

“Tu pensais vraiment que je jouais à ça?” - “Tu pouvais pas commencer par là ?”

Renverser la situation pour ne jamais être la fautive est un art dans lequel Lily s’est rendue maîtresse il y a longtemps de ça. Elle reste indétrônable. L’argument de son mari ne la fait pas apprécier un peu plus cette Gabrielle, bien au contraire. En plus d’être jugée trop proche de son mari pour que ce soit acceptable, elle est surtout vue comme une déviante. La brune souffle sans en connaître elle-même la raison, rompant le contact visuel le temps de quelques battements de paupières pour lui donner le temps de trouver une nouvelle ligne directrice. “Je sais pas à quoi tu joues, c’est ça le problème. Si c’est pas elle qui te drague alors c’est n’importe quelle première venue au DBD. C’est toujours la même chose.” Et ce n’est pas parce qu’il est toujours aveugle et que cela ne va jamais plus loin qu’un verre offert par la maison - chose qu’il fait autant avec les hommes que les femmes, certes - qu’elle se sent mieux pour autant. Elle a essayé de ne rien en avoir à faire, elle le jure, mais c’est bien au delà de ses forces. “On est mariés, on va vivre ensemble à nouveau et on va fonder une famille… J’ai besoin de toi. C’est plus l’université, Matt.” Il a passé l’âge de jouer et elle est désolée d’aborder le sujet aussi frontalement et douloureusement, en témoigne son expression qui le prouve bien. Elle espérera qu’il comprendra qu’elle n’a jamais avoué avoir besoin de quelqu’un à qui que ce soit, tout comme elle espérera qu’il comprendra, tout court, qu’elle est tout autant désolée de détruire de cette manière l’image du parfait petit ange de maison qu’elle s’évertuait à entretenir.

“Tu pensais vraiment que je jouais à ça?”
“Tu pouvais pas commencer par là ?”

Woah, qu’est-ce qui se passe? Y’a deux secondes on mangeait peinards des burgers avec une pote de l’université que j’ai pas vue depuis des années, y’a deux secondes je planifiais comment éradiquer la fameuse victoire de Gabrielle du book d’anthologie de beerpong intergalactique pour y biffer ses initiales et y mettre les miennes. Y’a deux secondes la main de Lily était dans la mienne et nos alliances faisaient un bruit métallique d’entrechoc qui est devenu aussi naturel que le fait de l’embrasser ou de respirer. Y’a deux secondes elle avait pas les bras croisés, le regard fermé, l’envie toujours au bord des lèvres de soupirer et le premier reproche qui passe prêt à m’être lancé à la tête. Je sais bien de quoi il s’agit, je suis pas con ou du moins pas autant que je peux le laisser croire. Mais je sais aussi que Lily est la seule que j’ai aimée comme ça de toute ma vie, et que depuis un an et des poussières j’ai jamais failli à le lui faire savoir, même quand tout le reste est arrivé. C’était messy et c’était malhabile, mais j’ai jamais arrêté de l’aimer et et et et et Matt tu poses pas les bonnes questions. J’en pose même pas c’est ça le problème. Elle prend le monopole de la conversation.

“Je sais pas à quoi tu joues, c’est ça le problème. Si c’est pas elle qui te drague alors c’est n’importe quelle première venue au DBD. C’est toujours la même chose.” ok donc ce sont elles qui jouent mais c’est à moi qu’on reproche la partie? Et dans sa tête, ça fait sens. Y’a une logique dans ses accusations, y’a une trame, y’a un fil d’Ariane que je vois passer très clairement et qui hurle des sous-entendus et des intentions qui sont pas les miennes. Elles rigolent à mes blagues, et alors? Elles s’installent au comptoir quand je bosse au bar, et alors? Elles attendent que je leur renvoie leurs avances, et alors? Leurs avances que je n’entends même pas, que je ne discerne même pas, parce que j’en ai rien à faire. Je gâcherai pas quelque chose avec Lily, un lien sur lequel on a mis du sang et de la sueur à construire pendant tout ce temps pour un battement de cils et une teinte de rouge à lèvres différente de la sienne. C’est pas comme ça que je fonctionne et ça fait mal, foutument mal de voir que c’est aussi simple que ça dans sa tête que ça soit mon modus operandi. “On est mariés, on va vivre ensemble à nouveau et on va fonder une famille… J’ai besoin de toi. C’est plus l’université, Matt.” j’ai besoin de toi ; et je suis le gars le plus loyal qu’elle peut trouver, ici comme à travers le pays, la planète. J’ai été loyal à tout le monde, j’ai tout fait pour être fiable, pour être celui à qui n’importe qui savait qu’un seul coup de fil en pleine nuit aurait suffi pour que je débarque à pas d’heure si c’est que pour aider ma famille, mes amis, les gens de mon cercle. Y’a qu’un seul gars pour qui j’ai pas été loyal, et c’est le même avec qui elle – m’enfin.

“C’est pas parce que y’a des nouvelles venues qui me draguent que je les drague en retour.” ma voix est calme, ça sert à rien de s’emporter quand ni elle ni moi n’aimons faire des scènes pour le simple plaisir d’en faire. Lily parle pas de ces choses-là. Elle garde tout, elle fait des compromis, elle lisse les coins, elle est toujours celle qui s’assure de veiller au bonheur de tout le monde, moi le premier. Elle a pas envie d’aborder les sujets qui fâchent et encore moins ici, pourtant nous y voilà et j’aime pas du tout la tangente que prend une conversation. “Et c’est pas parce que l’occasion se présente que je vais sauter sur tout ce qui bouge. Je le faisais pas à l’université, je commencerai pas aujourd’hui.” j’ai pas non plus envie de m’empêcher d’offrir une bière à une amie juste parce qu’elle a les mauvais chromosomes pour qu’aux yeux de Lily je lui sois pas fidèle. Oh. “T’es sûre que tu veux aller là? ” je glisse, je souffle, je percute. C’est plus creux que juste un rire trop aigu dans mon périmètre. C’est plus profond que juste une nouvelle abonnée sur Instagram qui like un peu trop de mes photos. C’est plus que ce qu’elle dit, et on s’est pourtant promis de mettre ça derrière nous. Pourtant je l’entends qui monte et qui remonte encore, au point où à un moment ça finira par sortir. “J’ai besoin de toi moi aussi, mais j’ai encore plus besoin que tu penses pas que parce que j’en ai la possibilité, je vais te tromper. ” moi aussi. Ça brûle, l’éléphant dans la pièce. C’est pas mon genre ouais ; est-ce que c’était le sien seulement?

Elle écoute avec attention chaque réponse de Matt, lesquelles semblent pourtant évidentes autant qu’elles coulent de source, à tel point que Lily elle-même sait qu’elle n’aurait jamais dû aborder le sujet. La jeune femme souhaite appuyer un point mais elle se sert d’un autre, elle noie au milieu de reproches une demande qui vient du plus profond de son coeur et qu’elle a encore beaucoup de mal à simplement lui partager : elle a besoin de lui. Et s’ils ont vraiment des enfants, s’ils se retrouvent liés à tout jamais avec un mini-être humain, alors elle veut plus que jamais que tout soit parfait pour l’arrivée de ce petit bonhomme. Bien plus pour lui que pour elle, elle demande à ce qu’il soit capable de responsabilités et de décisions adultes, matures, sans que cela n’ait à se jouer à pile ou face au milieu du bar. Jamais elle ne lui demandera de devenir un autre homme de celui qu’il aime et dont elle est elle-même tombée amoureuse mais elle souhaite simplement être rassurée. Entre des reproches et d’autres mots douloureux, c’est ce qu’elle lui demande, le plus maladroitement du monde.

“T’es sûre que tu veux aller là? ” Non. Non, elle n’est pas sûre et non, elle ne veut pas aller là. Sur ce sujet, elle est la seule à qui ont peut reprocher des choses. Elle le sait d’autant plus que s’il avait voulu la tromper alors il aurait eu des dizaines de milliers d’occasions et qu’il l’aurait déjà fait, si c’était réellement son genre. S’il était comme elle. Sa mâchoire lui fait mal à force d’être contractée, cela ne lui ressemble pas. Ses mains continuent de s’enfoncer dans le creux de ses bras qu’elle serre toujours un peu plus contre sa poitrine. Elle n’aime pas la tournure de cette journée autant qu’elle déteste cette discussion et l’idée même d’avoir à le regarder avec des yeux aussi tristes et perdus. “J’ai besoin de toi moi aussi, mais j’ai encore plus besoin que tu penses pas que parce que j’en ai la possibilité, je vais te tromper. ” Il y a des choses qu’elle rêverait d’être capable de faire. Par dessus tout, elle rêverait pouvoir répondre à toutes ses demandes en un instant, sans jamais avoir à se questionner de savoir si elle en est capable ou non. Son visage lui-même affiche toute une moue désolée, déjà bien loin de l’attitude de glace qu’elle avait pu prendre pour lui reprocher des faits qui ne sont jamais arrivés - il le dit, elle le croit. “J’arrive pas à comprendre.” La jeune femme souffle à son tour, comme si elle parlait soudainement d’un sujet tout autre. Il n’a pas changé, pourtant, elle peut le lui assurer.

Comprendre quoi, Lily ? “Pourquoi tu veux pas te venger.” La faire souffrir comme elle l’a fait avant lui. Tous ses proches l’auraient fait, Alfie le premier, lui qui lui a appris que le monde est fait de requins bien avant même que son père ne s’en charge. Il n’est pas Alfie, il n’est pas son père, il n’est pas Joseph et il est encore moins Callum mais ce sont avec ces figures là qu’elle s’est forgée et qu’elle a appris à connaître le monde. “Pourquoi tu m’as jamais rien renvoyé au visage.” Ils l’auraient tous fait, sans même avoir une seule raison à cela. Si elle avait enfoncé une porte ouverte, ils s’en seraient plus encore donnés à cœur joie. Elle sait que même si elle fait de son mieux pour les cacher, elle a des dizaines de défauts en tout genre qu’il aurait pu lui renvoyer à la figure pour lui faire mal comme elle l’a déjà fait souffrir. Ce n’est pas ce qu’elle cherche, loin de là, mais c’est ce qu’elle attendait parce que c’est ce qu’elle a toujours connu. Il est nouveau, Matt, à tous les niveaux et tous les points de vue et elle essaye encore d’apprendre à savoir comment vivre avec. Être au jour le jour à ses côtés n’a pourtant rien de difficile, bien au contraire. “Je sais pas faire quand tout se passe bien.” Pas alors qu’elle passe généralement ses journées entières à user sang et eau pour que ce soit le cas et qu’elle passe des heures entières à remodeler une réalité qui ne lui plaît pas. Tout n’est pas parfait avec Matt mais elle est terriblement heureuse. “C’est la première fois.” Et c’est uniquement grâce à lui, si jamais qui que ce soit pouvait encore en douter. Dans un dernier souffle, elle démontre bien qu’elle-même sait qu’elle n’aurait jamais dû monter au créneau. “C’est stupide.” C’est ce qu’elle dit à la place d’un “désolé” réservé à leur seule intimité.

“J’arrive pas à comprendre.” comprendre quoi, Lily ? “Pourquoi tu veux pas te venger. Pourquoi tu m’as jamais rien renvoyé au visage.”

C’est ça, ces mots-là, qui me donne l’impression de m’être renvoyé au visage. De comment ça semble aussi naturel pour elle de penser que j’aurais cherché à me venger me brise le cœur. Elle est habituée à ce qu’on la lui fasse, celle-là, c’est ça? À ce qu’on s’assure de l’attendre au tournant, à lui rendre la monnaie de sa pièce? Limite, elle sonne comme si elle croit fermement qu’elle le méritait. Que ça aurait été plus simple de régler les choses en se faisant le même coup. Elle veut quoi, que je couche avec sa meilleure pote dans son lit d’adolescente chez ses parents? C’est bien mal me connaître que de penser que j’aurais pu en avoir envie rien que pendant un fraction de seconde. “Ça aurait rien changé. Et ça aurait rien amélioré non plus. ” on m’a bâti de manière à ce que je cherche toujours les solutions, les raisons, les mécanismes. Mon boulot, c’est de réparer les choses, de trouver comment le faire et si c’est impossible, d’inventer non seulement la marche à suivre mais la nouvelle version alternative avec. Je jette rien, je sauve tout ce qui compte, et elle compte bien plus qu’elle le croit à se comparer comme ça à une fille de l’université. Elles sont pas dans la même catégorie, elles auraient jamais pu l’être parce que l’étiquette collée au front de Lily est une unique en son genre : la fille que je veux marier. “C’est pas un combat, c’est pas parce que tu fais un truc qu’il faut que je réplique. On est pas l’un contre l’autre. ” on joue dans la même équipe et à mes yeux c’est tout ce qui compte. Elle avait oublié?

“Je sais pas faire quand tout se passe bien.” oh, Lily. Y’a un soupir qui glisse d’entre mes lèvres en silence, de l’entendre prononcer les mêmes mots qu’elle avait utilisés y’a des mois de ça pour expliquer ce qui avait bien pu la mener à faire ça. J’essaie, j’essaie vraiment fort. De me dire que c’est pas parce que c’est arrivé une fois, que tout allait bien, trop bien, que l’impulsion de tout tester et de gâcher le plan ne reviendra pas. C’est une raison que je comprends, c’est une raison même que j’aurais pu invoquer moi-même si j’avais été à sa place. Tout va jamais vraiment bien, tout vraiment jamais vraiment comme il se doit. Y’a toujours quelque chose de là pour casser, vaut mieux que ça vienne de nous comme parce que comme ça au moins, on le contrôle. N’est-ce pas?  “C’est la première fois.” et si ça continue de bien aller, comment est-ce que la suite sera? Et si vraiment on fait un sans faute, si on se retrouve à défendre le bien du mal et à monter tout en haut du podium, elle est où l’assurance que c’est fait pour durer, si c’est la première fois, à nouveau? “Je sais pas plus que toi.” on espère, juste. Je suis au même stade qu’elle. On espère fort et on se dit que pour une fois, les choses peuvent vraiment bien aller sans épée(s) de Damocles au-dessus de nos têtes.

Des fois, faut juste le vouloir pour que ça arrive, non? “C’est stupide.” “T’es pas stupide. ” c’est plus fort que moi, de l’entendre dire ça me serre un peu plus le ventre. Ça sonne comme des excuses mais ça sonne aussi comme une Lily qui se déprécie au point où je réduis un peu plus la distance entre nous deux en espérant qu’elle fasse un pas elle aussi, qu’elle aie envie d’autre chose que des bras croisés et des regards courroucés. Ça va mieux là, non ? On l’a dit. “Fallait que tu le dises, fallait que ça sorte. ” je préférais qu’elle le lâche là plutôt qu’elle le garde encore pour elle si ça la faisait se sentir de cette manière. L’accumulation de bon comme de mauvais nous a jamais fait, de toute façon. “Mais tu comprends bien que peu importe le nombre de filles qui va et qui vient, y’a que toi qui reste? Y’a que toi que je veux voir rester. ” et si elle a une seule et unique chose à retenir de cette discussion, ma voix additionnée de mon regard se chargent de le lui faire comprendre.

La réponse de son mari tombe sans plus de réflexion de sa part. “Ça aurait rien changé. Et ça aurait rien amélioré non plus.” Ça l’aurait soulagée, pourtant. Elle en est persuadée et, comme beaucoup de choses dans sa vie, elle sait qu’il sera extrêmement difficile de la faire changer d’avis à ce sujet. Rien ne vaut un œil pour un œil, une dent pour une autre. Les paroles de son mari sont pleines de sens et de sagesse et elle les comprend bien, mais ce n’est pas pour autant qu’elle est capable de les appliquer à sa propre existence. Au fond, pourtant, Lily ne peut qu’être soulagée qu’ils soient si différents et qu’il n’ait pas exécuté cette sordide vengeance. “C’est pas un combat, c’est pas parce que tu fais un truc qu’il faut que je réplique. On est pas l’un contre l’autre.” Tous ceux qui ont un jour fait partie de son équipe ont fini par en changer et de là découle tout le caractère de Lily et ses réactions démesurées allant avec. La brune ne remet pas en question ce qu’il dit et elle approuve même ses mots ; elle doute pourtant qu’ils seront véridiques pour toute la vie, comme ils se le sont promis. C’est pourtant tout ce qu’elle souhaite, du plus profond de son cœur. “Je sais, je sais.” Elle reprend donc d’une voix infiniment plus douce, tentant à sa façon de garder la situation aussi calme que possible et, surtout, sous contrôle. Les muscles de ses bras éternellement croisés se détendent déjà quelque peu.

“Je sais pas plus que toi.”” De ça, elle est désolée. Vraiment désolée. Avoir à lui exposer ses peurs et ses faiblesses n’avait jamais fait partie de ses plans, ni le premier ni le dernier, et elle souhaitait encore moins qu’ils en viennent à s’avouer les partager. Les caméras sont loin et le cliché du parfait couple amoureux l’est tout autant. Les mais s’accumulent sans qu’elle ne sache comment les contrôler. Tout ce qu’elle veut, aujourd’hui, c’est qu’ils arrivent à accorder leurs violons et vivre heureux. Ensemble. Jusqu’à ce que la mort les sépare, en espérant qu’elle soit aussi loin que possible. Il esquisse un pas ; elle ne recule pas. Elle n’avance pas pour autant non plus, attendant encore naïvement qu’il trouve la réponse universelle à tous leurs problèmes et qu’ils n’en rencontrent plus jamais d’aucune sorte ensuite. “Fallait que tu le dises, fallait que ça sorte.” Et ensuite ? Qu’est ce que ça change ? Elle se sent lâche et faible, ce n’est pas une avancée pour personne. Ils remuent les mêmes souvenirs douloureux, encore et encore. “Mais tu comprends bien que peu importe le nombre de filles qui va et qui vient, y’a que toi qui reste? Y’a que toi que je veux voir rester.” Il ne devrait pas y avoir de filles qui vont et viennent mais elle comprend que peu importe ce qu’elle dise, pense, ressente, il ne changera pas pour elle. Il n’a pas à. Ce n’est pas la seule personne du duo ayant prouvé sa fidélité qui devrait remettre en question ses fréquentations et si c’est une évidence pour tout un chacun, c’est bien plus difficile à accepter pour la nouvelle McGrath. “On se serait mariés si cette émission n’avait pas existé, tu penses ?” Au fond, le creux du problème est bien là. Matt n’a rien du prince charmant dont elle a toujours rêvé et s’il est tout sauf une concession et qu’elle ne doute pas un seul instant de ses sentiments pour l’anglais, elle redoute toujours que le Destin vienne de nouveau leur jouer un tour, cette fois-ci pour les séparer. Son pas en avant marque sa volonté de comprendre et de faire au mieux, son ton se calque sur le sien. Il est bien plus doué pour ce genre de discussions qu’elle ne le sera jamais. “Sans parler mariage, je ne sais même pas si on aurait fini par être ensemble. J’ai l’impression qu’on va m’annoncer un jour que tout ça n’était qu’un rêve.” Parce que sa vie, avec lui à ses côtés, a justement tout d’un rêve duquel elle préférerait ne jamais se réveiller. Son visage se déforme pour lui faire part de toute la tristesse de ses mots et de l’idée qu’ils véhiculent : il est absolument tout pour elle. Généralement, on se pince la peau pour s’assurer qu’on ne rêve pas. Lily, elle, a préféré engendrer un séisme. “Je sais que tu peux pas remédier à ça et que je crée des problèmes là où il n’y en a pas. Pardon.” Sa main désormais relâchée joue avec le bout de ses doigts pour appuyer un peu plus encore ses mots. Elle fait des efforts, elle le jure, et ses excuses en sont une immense preuve.

“On se serait mariés si cette émission n’avait pas existé, tu penses ?”
“Sans parler mariage, je ne sais même pas si on aurait fini par être ensemble. J’ai l’impression qu’on va m’annoncer un jour que tout ça n’était qu’un rêve.”
“Je sais que tu peux pas remédier à ça et que je crée des problèmes là où il n’y en a pas. Pardon.”

Les coups vont et viennent. Parfois, elle dit de jolis trucs Lily, d’autres fois elle fait mal même sans le vouloir. Y’a que des “et si” voilés dans ses phrases. Y’a que des scénarios où rien ne fonctionnent, que des doutes qui transparaissent même si elle fait un pas vers moi, que ses doigts trouvent les miens, que ses prunelles sont voilées et que je l’aime même si elle a l’air dépassée. Je voudrais avoir la solution à tout, je voudrais avoir toutes les réponses. Je voudrais lui dire ce qu’elle veut entendre, ce qu’elle a besoin d’entendre. Je voudrais qu’une bonne fois pour toutes on tourne la page sur des squelettes qu’on traîne à bout de bras depuis des mois en se promettant que oui, bien sûr, on va recommencer du début, on va mieux faire. La vérité, c’est que je suis épuisé. Épuisé de croire que ça peut vraiment aller comme avant, que ça peut aller mieux, et de voir qu’elle ressasse encore. Aujourd’hui, c’était Gabrielle. Demain, ce sera quelque chose d’autre. La semaine prochaine elle laissera un détail la blesser et la suivante elle prendra des heures pour élaborer une histoire-catastrophe. Dans les faits, peu importe où elle va j’irai. Dans les faits, elle peut bien tordre notre présent comme notre avenir dans tous les sens, je serai toujours là pour panser la moindre blessure qu’elle traîne. Les séquelles des autres avant sont creuses, si creuses en elle. Et pas juste les marques et autres cicatrices qu’elle m’a montrées y’a des mois de ça, qui me hantent encore, parfois. Souvent.

Mais aussi égoïste ça puisse avoir l’air, j'ai pas envie de jouer éternellement les dommages collatéraux. Je veux la voir grandir, évoluer, avoir confiance à nouveau. Plus on avance et plus j’ai l’impression que c’est la direction qui n'est pas la bonne. Je veux pas lâcher sa main, jamais de la vie, mais je ne veux pas non plus qu’on se fasse de jolies promesses pour filer vers un prochain mur. C’est là le noeud du problème : elle regarde par-dessus son épaule tout ce qui nous suit et qui pourrait nocivement nous rattraper et moi je vise à ce que rien ne nous attende au détour d’un nouveau mètre parcouru. Ça serait cool, de regarder dans la même direction, même si pour le moment l’un assure les arrières de l’autre. Ça serait cool, pour une fois, de pas juste ralentir mais de savoir pourquoi.

Je l’aime, je l’aurais sûrement demandée en mariage parce que j’aurais su à quel point c’est important pour elle. Mais on dirait que le dire perd de son sens. On dirait que je l’aurais pas, la bonne réponse. Quelqu’un l’aurait-il, de toute façon? Épuisé, mais amoureux, encore, évidemment. Quand mes lèvres se posent sur son front, c’est dans l’espoir qu’elle arrête de se triturer l'esprit avec le mauvais, qu’elle voit à travers qu’il peut y en avoir, du bon. “J’ai jamais voulu être marié, Lily. Jamais avant toi. ” ça, par exemple, ça en est. J’ai jamais eu envie de me poser avant elle. Jamais eu envie d’essayer, avant elle. C’est peut-être pas la réponse qu’elle voulait, mais c’est celle que je peux avancer honnêtement sans avoir peur de la suite. Et elle?

Elle se détend, enfin. Pendant un instant, elle oublie même qu’ils sont dans un lieu public et qu’elle a une image à tenir puisqu’ils ne sont pas seuls. Son souffle se pose, quand bien même il ne répond pas directement à ses dizaines de milliers de questionnements. Acceptant à nouveau d’être humaine et faillible, Lily regroupe ses mains pour les poser contre son torse alors qu’elle vient se blottir contre Matt. Il l’embrasse sur le front, elle en relâche les muscles et s’autorise à souffler doucement contre son cou. Tout ira bien, parce que tout va déjà bien. Elle commence enfin à le comprendre et à accepter que ce soit possible. Peu importe qui pourrait bien s’en mêler à présent, il ne pourrait pas les éloigner ou les briser, pas après tout ce par quoi ils sont passés. “J’ai jamais voulu être marié, Lily. Jamais avant toi. ” Sans que ce soit une surprise, Lily, elle, a toujours voulu se marier. Aujourd’hui, elle peut pourtant apporter une nuance à ses propos. “J’aurais accepté qu’on ne se marie jamais si tu ne l’avais pas voulu.” Il a changé pour elle ; elle aurait pu le faire pour lui. La jeune femme aurait sans doute eu bien plus de mal à l’accepter mais, par amour, elle sait qu’elle en aurait été capable. Pour lui, elle aurait pu tirer un trait sur le seul rêve de gamine qui arrivait à lui faire oublier son quotidien. “Mais je suis contente que tu le veuilles.” Ses mots sonnent comme un énième pardon. A aucun moment, dans aucune interview ni dans aucun formulaire elle n’avait pris le temps de préciser à quel point elle pouvait être complexe sans que cela ne signifie “personnalité intéressante” mais bien “personne très difficile à vivre”. Lui ne s’en est pourtant jamais plaint et pour cette raison comme bien d’autres, Lily sait qu’il est la seule personne pour laquelle elle serait capable de sacrifier certains de ses principes si cela aidait à le rendre heureux.