“So it's storming on the lake, little waves our bodies break... There's a fire going out, but there's really nothing to the south. Swollen orange and light let through, your one piece swimmer stuck to you...”

Avec tout ce qu'elle a entrevu comme fin à sa grossesse, Lisbeth ne se doutait pas une seule seconde qu'elle allait endurer autant de peine. Elle a pourtant été optimiste tout du long, fidèle à elle-même et à son caractère résilient. Elle s'est imaginé un accouchement par césarienne parce que son bébé serait d'un caractère déjà bien trempé, du genre à ne pas vouloir quitter un endroit où il se sent bien ; elle a essayé d'entrevoir un accouchement le plus naturel possible pour célébrer la féminité sauvage et sacrée dont elle est l'une des héritières ; elle a même accepté mentalement de recevoir une péridurale des plus basiques et de simplement se laisser guider, pieds aux étriers, afin que son bébé vienne au monde en toute sécurité. Avec tous ces scénarios des plus alléchants, Lisbeth était finalement à des années lumières de pouvoir imaginer qu'elle accoucherait sans prévenir, au bout d'à peine trente semaines de grossesse. Elle avait tout lu, elle avait tout prévu avec la professionnelle qui la suivait, et avait même commencé à prendre contact avec une doula pour un accompagnement des plus complets... Jamais Lisbeth ne s'est autant félicitée d'une décision. Sa doula a été d'un soutien sans faille pour elle, et aussi pour Jaylen, qui a été tout autant éprouvé qu'elle. Leur fille est née en pleine nuit, sans un bruit. Le silence dans la salle d'accouchement, Lisbeth s'en souvient. Elle se souvient également de l'inquiétude de l'équipe soignante. Trente semaines, c'est bien trop tôt pour un bébé en devenir. La douleur physique, Lisbeth s'en souvient à peine. On l'a vite mise sous péridurale, pour que le petit être décidé à pointer le bout de son nez puisse passer sans lui faire trop de mal... Mais à trente semaines, il n'a pas été aussi blessant qu'il l'aurait été à terme. Sa taille, et son aspect, Lisbeth s'en souvient très bien. Son maquillage a coulé sous ses yeux, à la fois à cause de la douleur des contractions, mais également à cause de l'inquiétude immense qui s'est éprise d'elle. Jaylen lui a tenu la main tout du long, tout comme leur doula, qui les a rassurés du mieux qu'elle a pu. Ce n'était pas son premier prématuré, mais chaque combat est unique. Un pas en avant, deux pas en arrière, puis trois en avant, de nouveau. La frustration de ne pouvoir toucher son nouveau-né qu'à travers la couveuse... Le prénom, ils l'avaient déjà choisi. Riley Montgomery-Daxson était écrit en jolies lettres roses, sur le devant de la couveuse. Avec le nom de chaque professionnel intervenant dans sa prise en charge. De l'autre côté de l'écrin, des fils, de partout. Un bonnet minuscule, une couche dépassant à peine la taille d'une paume de main... Lisbeth se souvient très bien de tout cela, même si elle a passé la majeure partie de son temps dans un fauteuil roulant, ayant eu du mal à se remettre de l'accouchement. Elles étaient en difficulté, ensemble. A peine unies, et déjà combattant côte à côte. Lisbeth a souvent entendu sa mère lui parler du sentiment incomparable qui l'a inondée, à sa naissance. Elle l'a ressenti, elle aussi, pour Riley. Et elle aurait adoré le partager avec la grand-mère de cette dernière...

Lorsqu'on a enfin annoncé à Lisbeth et Jaylen qu'ils allaient pouvoir ramener leur petite fille, désormais stable, chez eux, la jeune maman a cru défaillir. Elle aurait encore eu besoin de sa chaise roulante, ce jour-là... Les larmes ont coulé, mais cette fois, c'était uniquement de la joie. Les voilà donc aujourd'hui, accompagnés de Riley, à l'arrière de la voiture, et sur le point d'entrer dans leur rue, à quelques minutes de lui montrer la maison où elle va pouvoir grandir. "J'ai pas l'impression que c'est réel, tout ça..." murmure Lisbeth, la voix enrouée par l'émotion. Elle se retourne et jette un oeil à sa fille, endormie, et emmitouflée comme jamais dans son siège auto. Un peu plus petite qu'un bébé né à terme, mais au moins en aussi bonne santé. "Elle est vraiment magnifique..." Lisbeth ne peut s'empêcher de poser sa main sur celle de Jay', sur le levier de vitesses, alors qu'il fait entrer la voiture dans l'allée du garage. "Enfin," lâche Lisbeth, une fois que le moteur est arrêté, et que la porte du garage s'est refermée derrière eux.

(c) nightgaunt

“So it's storming on the lake, little waves our bodies break... There's a fire going out, but there's really nothing to the south. Swollen orange and light let through, your one piece swimmer stuck to you...”

"Il aurait surtout pu ne jamais arriver..." souffle Lisbeth. C'est la pensée qui a le plus souvent traversé son esprit. Terrifiée par la possibilité de devoir affronter un deuil de plus, qui ne serait pas arrivé seul. Elle aurait dû faire face au deuil de sa petite fille, au deuil de la maternité qui l'attendait et qui avait doucement commencé à prendre forme, au deuil de cette nouvelle vie avec Jaylen... Elle qui est d'habitude si optimiste a vu toute sa vie basculer, lorsque Riley est née plus bien plus tôt que prévu. Et avec toute l'angoisse que ça a pu générer, Lisbeth a eu du mal à relativiser. Heureusement pour Jaylen et elle, tout s'est bien terminé, et leur petite fille pourra normalement grandir dans les meilleures conditions, et à leurs côtés.

L'allée du garage se présente, puis la voiture s'arrête. Jaylen demande à Lisbeth si elle veut qu'il s'occupe de sortir leur fille. Elle hoche la tête, dans un sourire larmoyant. Tout lui semble vraiment irréel. Il y a encore vingt-quatre heures, sa fille était à l'hôpital, sortie de couveuse mais tout de même sous surveillance ; et maintenant, ils vont pouvoir s'occuper d'elle sans la présence constante d'un membre du personnel soignant... "Je veux bien, oui." Lisbeth laisse son amoureux sortir en premier de l'habitacle, le temps qu'elle reprenne ses esprits. Elle prend quelques instants pour souffler. Derrière elle, elle entend Jaylen parler doucement à Riley tout en s'affairant à la sortir de la voiture. Lisbeth jette un oeil au rétroviseur. De voir sa fille dans sa nacelle, en pleine santé, la fait sourire. Elle ouvre la portière après avoir récupéré son sac à mains à ses pieds, et vient caresser la joue de sa fille endormie. Elle laisse Jaylen verrouiller la voiture tout en attrapant les clefs de la maison dans son sac, et se tourne vers lui une fois que la porte est ouverte. Ses yeux se posent sur Riley. "Bienvenue à la maison ma puce..." murmure-t-elle. Lisbeth s'écarte du passage pour que Jaylen entre en premier. "Je vais chercher ses affaires dans le coffre !" se souvient-elle. Le sac avec les quelques peluches et autres bodies qu'ils avaient ramené à la maternité s'y trouve encore. Une fois la voiture déverrouillée, Lisbeth y récupère le sac en question, puis revient à la maison avant de refermer la porte derrière elle, cette fois-ci pour de bon. "On la laisse dormir dans la nacelle ou on la transfère dans son lit pour l'inaugurer ?" demande-t-elle à Jaylen après avoir posé le grand sac à langer sur la table de la salle à manger, à côté de Riley.

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"Tu as raison, oui..." concède Lisbeth, en jetant un oeil à sa fille endormie dans la nacelle. "Je vais faire du café, tu en veux ?" demande-t-elle à Jaylen avant de se souvenir que la cafetière risque de faire un bruit monstrueux à quelques mètres à peine de la petite. La jeune maman décide donc de prendre délicatement la nacelle de sa fille et de la déplacer jusqu'au salon ; où le bruit de la machine à café ne parviendra qu'étouffé par la distance et surtout les murs qui feront office de barrage. Elle dépose avec précaution la nacelle sur le tapis du salon, et se permet de prendre Jaylen dans ses bras en revenant vers la cuisine. "Je suis tellement heureuse..." murmure-t-elle en se blottissant contre lui. Lisbeth hume le parfum de son homme quelques instants, puis lui dépose un baiser sur les lèvres avant de reprendre sa tâche. Le café ne tarde pas à se faire moudre, et pendant qu'elle sort le sucre du placard ainsi que le lait du frigo, Lisbeth propose : "Tu veux qu'on mette un peu d'ordre dans la chambre de Riley ? Ou qu'on en profite pour faire une petite sieste, peut-être... ?" Tout est si nouveau, pour elle comme pour lui. Lisbeth a l'impression de sortir d'un long rêve qui n'aurait pas été des plus agréables à chaque instant. Elle et Jaylen vont devoir trouver un rythme coïncidant avec leur nouveau-né, surtout qu'ils se sont quelque peu adaptés à celui, forcé, du service des prématurés... Elle s'est pas mal de fois demandé comment elle allait pouvoir jongler entre son travail à domicile et sa fille. La solution de la nourrice semble la plus adaptée, quitte à recevoir ses clients alors qu'une autre personne sera présente dans la maison. Elle se voit mal empaqueter chaque jour les affaires de Riley ; sans parler qu'au début, elle aura certainement besoin de temps pour s'habituer à la maison, à ses bruits, ses odeurs ainsi que son ambiance... Oui, Lisbeth ne va pas reprendre le travail tout de suite. Elle va se laisser plusieurs semaines avant de recevoir à nouveau des clients dans son atelier. En attendant, elle pourra peut-être créer pas mal de nouvelles oeuvres ; du moins, sur les moments où le bébé dormira...

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Lisbeth hoche doucement la tête. Son homme ne veut pas de café, ça ne fait rien, elle le prendra seule. Elle n'avalait quasiment plus que cela à l'hôpital, tant elle était stressée et inquiète pour sa fille. Dormir lui était bien plus compliqué que d'habitude ; aussi avait-elle besoin de sa dose de caféine quotidienne pour tenir à peu près éveillée. Les seuls moments où Lisbeth parvenait à fermer l'oeil pour plus de trois heures d'affilée étaient rares... Bien rares. Ajoutés à tout cela les bruits constants de l'hôpital à l'environnement mouvant, et le fait d'être loin de chez elle et de son homme la plupart des nuits lorsqu'elle devait encore être presque autant surveillée que Riley... Lisbeth s'est beaucoup plus habituée au café qu'auparavant. Elle prend quelques secondes pour déplacer sa fille afin qu'elle ne soit pas réveillée par le bruit de la cuisine et également pour faire un câlin à Jaylen, avant de reprendre sa tâche initiale. Elle ne sort qu'une tasse du placard tout en répondant à son amoureux : "Oui, c'est vrai... Il faudra juste que je m'occupe des vêtements et des diverses affaires qui se trouvent dans son sac à langer, sur la table de la salle à manger." Tout en parlant, Lisbeth montre d'un geste de la main le sac dont elle parle. Peut-être que Jay' voudra bien s'en occuper à sa place ; après tout ils ont toujours dit qu'ils feraient tout autant l'un que l'autre pour leur enfant. "Et de préparer son lit, aussi !" se souvient Lisbeth en haussant un peu la voix sur le coup de l'exclamation, avant de se rappeler que Riley a peut-être le sommeil léger. Elle pouffe légèrement, et verse un peu de lait dans le café qu'elle vient de se faire couler. "T'as raison... Ces moments seront rares, il faut qu'on profite de se reposer quand on le peut..." Sa tasse à la main ainsi qu'un sachet de petits gâteaux, Lisbeth quitte la cuisine et suit le conseil de Jaylen en allant s'installer sur le canapé, au salon. "J'en sais rien... Pour l'instant j'ai pas encore de date prévue pour la reprise du boulot. Je pourrai me lever la plupart du temps, sauf si elle est vraiment infernale la journée et que je n'ai pas une minute à moi..." Lisbeth soupire légèrement en regardant sa fille. Elle prie intérieurement qu'elle soit un bébé calme, qui fera rapidement ses nuits et qui ne sera pas trop affecté par l'angoisse de séparation. Avec ce qu'elle a déjà vécu depuis sa naissance, Lisbeth ne compte pas la lâcher trop vite, mais elle ne voudrait pas qu'elle s'y habitue et que les deux parents ne puissent plus s'en séparer par la suite sans que cela soit un concert de pleurs et de colères. Ils verront bien quand elle grandira... "Tu veux un petit gâteau ?" propose Lisbeth tout en ouvrant son sachet. "La maison m'a vraiment manquée, quand j'étais hospitalisée, en tout cas..." souffle-t-elle ensuite. "Tu reprends quand le boulot toi, déjà ?"

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Lisbeth a une pensée pour toutes les peluches qu'elle comptait disposer au pied du lit de sa fille, et peut-être dans les coins. Tant qu'elle n'est pas assez grande pour pouvoir les atteindre, les attraper et risquer de se les faire tomber sur le visage, ils peuvent bien égayer le matelas ainsi que le long des barreaux de quelques jolies peluches. Elle se met à sourire. "Je m'occuperai du lit..." Elle s'est seulement contentée de jeter le linge propre sur le matelas à nu, histoire de ne pas leur porter la poisse. Un peu superstitieuse sur les bords, Lisbeth a voulu contenir sa joie au maximum en sachant qu'ils allaient bientôt pouvoir ramener Riley chez eux. Peut-être que si elle avait fait le lit trop tôt, elle aurait contracté un nouveau problème... Heureusement, c'est loin d'être le cas, et tout s'est bien passé pour la petite.

Même si à ce moment précis elle semble dormir profondément, ce n'est pas dit qu'elle continue comme ça, et surtout pas la nuit, en étant séparée de ses parents et dans un endroit dans lequel elle n'a pas encore tout à fait ses marques. Elle n'en aura d'ailleurs pas avant un moment, mais elle pourra déjà s'habituer aux odeurs et autres lumières, avant de développer sa propre conscience en grandissant peu à peu. "J'espère, oui..." murmure Lisbeth dans un léger sourire en posant sa tasse sur la table du salon. L'un des petits gâteaux dont elle ouvre le sachet finit dans la main de Jaylen, tandis qu'un autre vient rejoindre sa bouche. "Je me doute..." acquiesce-t-elle, en laissant sa deuxième main sans paquet de gâteaux venir s'échouer sur la cuisse de Jay'. Lisbeth se penche quelque peu, sa tête vient alors se reposer sur l'épaule de son petit-ami. "Tu as été très courageux. Riley ne pourrait pas rêver d'un meilleur papa." Après cet instant de tendresse, elle se décolle de lui et hoche la tête. "Ca nous laissera un petit temps d'adaptation, c'est bien..." La brunette peine à mâcher son gâteau. Elle ne s'en était pas rendue compte jusque là, mais elle est exténuée. L'adrénaline liée à l'arrivée -enfin !- de Riley à la maison est doucement en train de redescendre, et toutes les émotions qu'elle a pu ressentir depuis quelques temps sont en train de s'abattre sur elle comme une énorme vague sur une digue. "Je me suis fait un café, mais je vais surtout me reposer..." lâche-t-elle, sentant son corps partir doucement. "Je t'aime, chéri," murmure Lisbeth, dans un souffle. Oui, elle l'aime plus que tout... Et sans lui, elle n'aurait jamais pu affronter tout cela.

(c) nightgaunt