31 Janvier 2021

Cela fait maintenant près de vingt minutes que je suis devant les portes de l’hôpital, assis sur le trottoir d’en face, une cigarette sur le coin de la bouche. Je sais que je dois le faire, que je dois me faire soigner, j’ai bien ce que cela donne de ne pas le faire. J’ai pensé que je pourrais continuer à profiter de la vie pour le temps qu’il me reste, pour quelques mois ou quelques années, mais la vérité en est tout autre. Je suis fatigué, épuisé même, je passe mon temps à dormir et quand ce n’est pas le cas, je suis malade comme un chien, à vomir mes trips ou à me taper des pics de fièvres. Alors la décision que j’avais prise il y a deux mois a changé. J’aurais surement pu demander à Itziar de m’emmener à l’hôpital, ou bien à Shiloh de le faire, j’aurais même pu contacter Mia, mais la vérité c’est que j’ai eu besoin de marcher, de profiter un peu de la solitude avant de me lancer dans des traitements pour lesquels je vais en avoir pour des mois. Je sais comme ca va se passer. Ils vont me faire passer sur le billard pour me mettre une voie centrale, et puis je vais passer les deux années qui suivent entre l’hôpital et mon appartement, si Mia veut bien que je revienne bien sûr. Je tire une dernière sur ma clope avant de la laisser tomber au sol et de venir l’écraser avec mon pied. J’attrape mon téléphone et envoie un SMS à Itziar pour lui dire que je rentre à l’hôpital. Je ne doute pas qu’elle doit être soulagé de ma décision. Je soupire lourdement, me passe la main sur le visage avant de me lever. Un pas à la fois, pas vrai ?

1er Février 2021

Hier j’ai passé tout un tas d’examens à mon admission à l’hôpital : prise de sang, scanner, IRM, prélèvement de moelle osseuse, tout ce genre de chose pas agréable du tout. Le médecin est ensuite passé me voir quelques heures plus tard pour m’expliquer comment les choses allaient se passer et c’est donc aujourd’hui que je passe en salle d’opération pour que l’on m’installe la voie centrale qui servira à me donner les chimiothérapies. Il m’explique mais je n’écoute que d’une oreille, fatigué mais surtout bien trop perdu dans mes pensées. Peut être que je devrais vraiment prévenir quelqu’un. Je prends mon téléphone, ouvre plusieurs fois sur les SMS mais finit par le laisser tomber au fond de mon sac. Non, je suis mieux tout seul, je l’ai toujours été.

C’est quelques heures plus tard que je suis remonté de la salle de réveil, encore un peu dans le pâté. L’infirmière m’installe dans la chambre qui m’est attribuée, heureusement pour le moment une chambre seule, parce que je crois que je n’aurais pas supporter de la partager. Je somnole encore un petit moment, pensant au fait que je vais devoir parler à ma mère, à mon frère et ma sœur et que je sais déjà presque comment la discussion va se dérouler. J’aimerais simplement que pour une fois les choses soient simples. J’ouvre alors les yeux lorsque j’entends des coups frapper à la porte de ma chambre. « Entrez. » Je me redresse un peu et la personne qui apparait à la porte me surprend. Mia. Je ne l’ai pas vu depuis notre dispute. « Mia, qu’est ce que tu fou là ? » Pourtant ca me fait plaisir de la voir. « Comment t’as su que j’étais là ? »

@Mia McKullan

Il m’a fallu du temps pour passer la porte de l’hôpital, pour déposer le pied dans ce hall d’entrée curieusement bondé de monde. Il m’a fallu du temps pour m’adresser à mon médecin, pour lui dire que j’étais enfin prêt à me faire soigner. Il m’a fallu pour tout assimiler, pour tout faire, mais je sais que je n’ai pas le choix. Je dois le faire, pour ma mère, ma sœur et mon frère, je dois le faire pour Mia et Itziar et tous mes autres proches. C’est à eux que je pense lorsque je m’endors après que l’on m’ai administrer la solution d’anesthésie. Je sais à quoi vont ressembler les prochains mois, je sais à quoi va ressembler ma vie et l’idée ne m’enchante toujours pas, mais c’est ainsi. Les journées seront rythmées de traitements, de prises de sang, d’examens divers et variés. Mais je suppose que je dois me laisser une chance, une dernière chance pas vraie ? Alors lorsque je me réveille une petite heure plus tard, la voie centrale en place dans le creux de l’avant de mon épaule, reliant directement l’artère de mon cœur, je sais que c’est le début du long trajet. Une fois bien réveillée les infirmières me remontent dans le service d’hémato-oncologie avant de venir m’installer ma première chimiothérapie.

C’est une fois un peu moins dans le coltar, et un peu plus réveillé que j’attrape mon carnet de dessin pour commencer à venir y donner des coups de crayon. Ce n’est que quelques minutes plus tard que des coups retentissent à la porte. Je n’attends personne, parce qu’à vrai dire, personne à part Itziar ne sait que je suis à l’hôpital. Pourtant c’est le visage familier de ma meilleure amie qui apparaît derrière la porter. Son regard est fatigué, son visage est tiré et je vois bien qu’elle est creuvée par la peur et qu’elle vient de pleurer. Je le connais Mia, par cœur. « On m’a dit qu’il y avait une soirée sympa qui était organisée par ici… » « C’est loin d’être la meilleure du quartier. » Je lui réponds simplement sachant parfaitement qu’elle essaye d’arranger les choses, de briser la glace entre nous. Je sais aussi que je ne vais surement pas lui rendre la tache facile, parce que je suis comme cela. Je ne peux m’empêcher pourtant de lui demander comment elle a sur que j’étais là. « Ca n’a pas d’importance… Je suis là maintenant. » Ouais elle est là, mais je ne suis pas sur que j’ai envie qu’elle soit là. Je dois faire face à ca tout seul. « Comment tu vas Knox… ? » Je relève le regard vers le sien et lui adresse un sourire ironique. « Je pette le feu, ca se voit pas ? » Je lui réponds, un peu sur le nerfs et sans vraiment le vouloir un peu trop sèchement. Je soupire doucement et viens me pincer l’arête du nez. « Ecoute Mia, rentre à la maison, on parlera de tout ca plus tard. » Parce que je n’ai pas envie de me disputer avec elle, pas encore.

Je me doutais que Mia finirai par débarquer à nouveau dans ma vie, malgré tous les efforts pour essayer de la repousser comme je repousse tout le monde en ce moment. Je ne suis pas juste sûr d’être prêt à le revoir, d’être prêt à ressasser cette dispute que nous avions eue il y a quelques mois avant que je ne claque la porte. Je me rappel parfaitement de mes paroles, je me rappel parfaitement avoir fait du mal à Mia et même si je l’ai décidé, je m’en veux. Je suis trop fier et peut être un peu trop con pour l’avouer, mais c’est le cas. Elle aurait pu me tourner le dos complètement après ce que je lui ai dit Mia, elle aurait pu abandonner de vouloir m’aider, mais pourtant elle est là. Elle a appris, je ne sais comment, que je suis à l’hôpital et elle est devant mon lit. Je tente de ne pas trop m’énerver en remarquant son regard inquiet. Je vois pourtant aussi qu’elle a pleuré, à cause de moi ? Je n’en sais rien. Sans le vouloir je lui réponds un peu plus froidement que prévu avant de soupirer. « Je ne te laisserai pas… » qu’elle répond pourtant simplement. Bien sûr qu’elle ne va pas partir, elle est têtue Mia quad elle s’y met. « Je suis désolé de ne pas avoir accepté ta décision et de ne pas avoir été là pour toi pendant ces deux derniers mois quoi que tu avais décidé… » Et comme à son habitude, c’est elle qui se montre être la plus mature de nous deux, c’est elle qui prend sur elle pour me faire des excuses. Je viens me frotter les yeux et soupire doucement. « Mais je veux être là pour toi, maintenant, Knox… » Je ne l’a mérite vraiment pas Mia.

Je viens doucement attraper sa main dans la mienne. Allez Knox, fou cette putain de fierté de côté, juste quelques minutes, je me dis avant d’attirer Mia contre moi. Je reste silencieux quelques minutes, gardant ma meilleure amie contre moi. Je finis alors par trouver la parole. « C’est moi qui devrais m’excuser. J’ai été le pire des connards avec toi. J’suis désolé… » Elle me connaît Mia, elle sait que pour avoir des excuses de ma part, de vraies excuses c’est une chose extrêmement rare. Je lui adresse un léger sourire, embrasse sa tempe avant de changer complètement de sujet. « Comment tu vas toi ? » Je lui demande n’ayant aucune envie de parler de moi. Parce que je déteste parler vraiment de moi, je fais souvent semblant que j’adore cela, quand ca reste superficiel, mais je déteste quand ca part plus loin.

Je prends sur moi, je fais un effort pour mettre ma fierté de côté et je m’excuse auprès de Mia. Elle me connaît la blonde, elle sait comment je suis et que j’ai toujours eu du mal à dire ce genre de chose, mais j’ai vraiment été un connard avec elle. Je sais que je l’ai blessé, même si elle m’a déjà pardonné, je le vois dans ses yeux. Elle ne devrait sûrement pas me pardonner, pas vraiment, mais elle est quelqu’un de bien Mia et elle le prouve en étant là, encore une fois, alors qu’elle aurait pu tout laissé tomber. J’ai beau être le dernier des cons, lui dire des choses horribles, l’insulter, lui faire vivre un enfer avec mon mode de vie, elle est toujours là la blonde. Elle s’accroche et dans le fond, je crois que c’est exactement de cela que j’ai besoin. « Ne dis pas ça… Je ne t’en veux pas… » Je lui adresse un léger sourire. Moi je m’en veux, tu mérites bien mieux, je pense mais je n’en prononce pas un mot. Je sais que je ne la mérite pas, je ne l’ai jamais mérité. « P’t’être que tu devrais. » Je murmure doucement. Je l’attire doucement contre moi et pose quelques secondes ma joue contre le haut de son crâne, fermant les yeux. Elle sait que je fais un effort pour ne pas laisser mon naturel revenir au galop, pour ne pas la repousser. Elle n’a besoin de me voir comme ca, encore une fois.

Je lui demande alors de ses nouvelles à elle, n’ayant aucune envie de parler de ce foutu cancer et de mon traitement. « J’ai connu mieux… Pete a fait un coma éthylique… Il est ici, je sortais de sa chambre quand j’ai appris que tu étais là aussi… » « Merde… Il va comment ? » Je connais Pete, plus ou moins. On a fait de nombreuses soirées ensemble et on a également coucher plusieurs fois ensemble, mais ca s’arrête là, comme beaucoup de mes relations d’ailleurs. « Je m’étais aussi disputé avec lui, on a eu des paroles virulentes l’un envers l’autre… Et je m’en veux évidemment parce que je lui ai dit des choses horribles… » « J’suis sur qu’il te pardonnera. » Parce que c’est toujours comme cela. Mia est toujours là pour les autres alors personne ne peut lui en vouloir, moi le premier. Je dépose un baiser sur sa tempe et bâille légèrement. « Tu étais où pendant ces deux derniers mois Knox ? » Je tourne la tête vers la blonde. « Ca a pas d’importance. » Je lui réponds simplement avec un léger sourire. Elle n’a pas besoin de savoir que je vivais dans ma voiture, que je faisais la fête et que j’ai surement pris bien trop de drogues ces derniers mois. « J’suis là maintenant après tout. » J’ajoute espérant qu’elle n’insistera pas.

« Non. » Réponse simple mais claire, c’est le cas de le dire. Je sais qu’elle ne changera pas d’avis, que malgré le fait que je pense qu’elle devrait m’en vouloir pour notre dernière dispute, ce n’est pas le cas. Je ne dis cependant rien de plus, je ne suis pas en état d’argumenter même si au fond, c’est moi qui m’en veux. Je sais que je peux être le dernier des connards, que je mériterais sûrement si elle me détestait un peu, mais au lieu de ca, elle est là, comme elle l’est toujours. D’aussi loin que je me souviens, Mia ne m’a jamais tourné le dos, elle ne m’en a jamais voulu plus que quelques jours ou même quelques heures, elle est toujours revenue et je ne le mérite surement pas. Avec le temps elle a pourtant appris à me connaître et elle sait que malgré les choses que je peux dire, je tiens à elle et qu’elle a une place importante dans ma vie. Alors je la garde contre moi, fermant les yeux quelques minutes. Je suis fatigué.

Elle me parle ensuite de Pete et de son passage à l’hôpital dans un service voisin au mien. Je lui demande comment il va, parce que je l’aime bien Pete, même si on ne se connaît pas plus que ca. « Pas super… il est stable… mais il va avoir besoin d’aide pour s’en sortir. » « Ouais… Je m’en doute. » Je sais que moi aussi je vais avoir besoin d’aide, que je vais devoir arrêter de boire, de prendre de la drogue. Je sais parfaitement que la décision de me faire soigner ne vient malheureusement pas toute seule. Je suis sûr qu’il lui pardonnera leur dispute lui aussi, même si Pete est quelqu’un de fier aussi et je ne suis pas sur que de pardonner est facile pour lui. Puis bien sur elle me demande ou j’ai été durant ces derniers mois, ou est ce que j’ai vécu, mais je ne veux pas lui dire, je sais comment elle va le prendre. « Ca t’étonne de ma part si je te dis que ça en a pour moi, quand je n’ai fait que m’inquiéter pour toi ces dernières semaines ? » « Non, pas vraiment. » Elle a l’air fatigué Mia, et je me doute que j’en suis en partie responsable. « Oui, c’est le plus important. » Je dépose un baiser sur sa tempe. « Tu dessines quoi ? Je devrais sérieusement m’y repencher aussi. On pourra faire ça, quand je viendrai te voir après le boulot. » « Je pense que je vais essayer de continuer la BD que j’avais commencée. Tu sais celle que j’ai commencée il y a quelques années. Je me dis que c’est le moment idéal maintenant que je vais être ici et à la maison… » Je lui réponds. « Faut que je me rachète des trucs de peinture aussi. »

Je n’ai plus envie de me battre avec Mia, je n’ai plus envie de l’avoir hors de ma vie, surtout qu’elle sait à présent que j’ai décidé de me faire soigner. Ca n’a pas été une décision facile, pas une décision dont je suis encore sur à cent pourcent, parce que des fois j’ai encore envie de fuir, mais je ne changerais plus d’avis. Je vais me tenir à mon traitement, pour ma famille, pour mes amis, et je vois bien que Mia est un peu soulagée à l’idée que je me fasse soigner. Bien sûr qu’elle est soulagée, parce que depuis le début c’est ce qu’elle veut, que j’aille mieux, que je vaincs à nouveau ce foutu cancer qui est revenu après tant d’années et je ne peux pas lui en vouloir. Alors je l’entraîne contre moi, et je ferme les yeux quelques secondes en appuyant ma joue contre le dessus de son crâne. Je suis fatigué, mais dans le fond je suis vraiment content qu’elle soit là. Peut être que Penny n’avait pas si tort, peut être que de ne pas être seul pour traverser tout cela c’est mieux, peut être que cela rendre les choses plus faciles. « Ca veut dire que… tu reviens à la maison ? » Je rouvre les yeux et pose mon regard sur ma meilleure amie qui a relever la tête pour me regarder. « Oui. Oui, je reviens à la maison. » Je lui adresse un léger sourire.

Et puis, ca peut être également l’occasion de me remettre à mon art, à mes peintures et à mes dessins. C’est l’occasion de reprendre mes idées de BDs et pourquoi pas, d’essayer d’en vivre un jour, de profiter du temps de ne pas travailler pour tenter de changer de carrière. Vivre de ma passion c’est quelque chose qui me reste toujours dans le coin de la tête, même si l’idée de montrer mes dessins et tout cela me rend nerveux. « C’est une bonne idée de reprendre ta BD. Je pourrais t’aider si tu veux, on peut y travailler ensemble dessus… » Je secoue légèrement la tête. « Le prend pas mal, mais c’est quelque chose que j’aimerais continuer dans mon coin. J’ai pas trop envie de faire ca avec quelqu’un. » Mia est ma meilleure amie, elle est l’une des rares qui a déjà vu mes dessins, mes peintures, mais je ne veux pas qu’elle vienne sur ce projet avec moi, j’ai besoin de faire cela tout seul. « Et j’irai t’acheter tout ce qu’il te faut hon’ » « On ira ensemble, je veux voir ce qu’ils ont. » Choisir son matériel pour bosser c’est quelque chose de délicat, quelque chose de différent pour chaque personne. Chaque artiste à ses préférences de couleur, de marques, de feutres, de peintures. Je lui adresse un léger sourire. « Quoi de beau sinon toi, à part Pete… ? »