Ils lui avaient dit quatre jours. Il est resté cinq jours à l’hôpital, au final, parce que sa plaie au poignet cicatrise bien plus mal que prévu. L’une est moins profonde que l’autre, c’est visible à l’oeil nu et sans aucune connaissance médicale. Swann, lui, détourne les yeux lorsque le moment est venu de lui changer ses pansements. Une infirmière se rendra chez lui pour les semaines à venir mais il devra accepter de regarder la plaie à un moment donné, il le sait et ça l’énerve déjà autant que ça peut l'angoisser : il n’en a aucune envie. Il en est encore au stade de nier leur évidence, tout comme il refuse d’accepter le fait que ses scarifications à répétition ne jouent pas le moins du monde en sa faveur pour la cicatrisation. C’est aussi une des raisons pour lesquelles ils l’ont gardé en observation une nuit de plus. Ils craignent encore qu’il ne rechute d’un moment à l’autre et que ses “je vais bien” à répétition suivis de “non, ça ne fait pas mal, ça chatouille à peine” ne soient que de la poudre aux yeux. Ce qui est le cas, certes, mais il ne le sait pas lui-même encore. Sur certains sujet, il refuse encore qu’on lui donne tort.

Aujourd’hui, il est bien trop enjoué à l’idée d’enfin sortir de l’hôpital pour prendre le temps de se focaliser sur aucun point négatif. L’automne arrive déjà mais ce n’est pas grave ; l’avantage à Brisbane, c’est qu’il y aura toujours plus de soleil qu’à Londres. Il ne veut pas parler de la capitale du bout du monde, de toute façon. Il a beaucoup de sujets sur liste noire mais elle diminuera dans le temps, il se le promet. Ses affaires sont balancées au fond d’un sac à dos que Lucia lui a amené. Elle lui a donné quelques habits pour qu’il puisse se changer et une brosse à dent avec - Lucia n’a pas dit qu’il sentait mauvais mais il l’a lu dans ses yeux, et l’anglais n’a pas pensé un seul instant à lui donner tort. Il sentait vraiment mauvais. Il peut sortir à deux heures. Les visites sont autorisées à partir de la même heure. Il sait que Lucia voudra s’assurer qu’il peut prendre toutes ses affaires et qu’elle montera dans sa chambre quoi qu’il en soit alors il l’attend sagement assis sur le bout du lit, ses pieds dans le vide et son sac déjà sur le dos. En réalité, il n’a que très peu de choses à ramener chez lui. Personne ou presque dans son entourage n’a été prévenu de son séjour à l’hôpital, il n’a donc rien reçu. Tant mieux. Sur son bras se devinent les marques de la perfusion ; le pansement collé par-dessus commence déjà à se coller sur un coin. Bientôt, il pourra rigoler de lui-même et se faire passer pour une momie, à en juger par tous les pansements blancs le long de ses bras. Il s’inquiète bien plus de cette plaie là, superficielle, plutôt que de n’importe quelle autre. Il sait que celle-ci sera plus difficile à cacher là où de simples manches longues suffiraient pour ses poignets. Tout le monde reconnaît la marque d'une aiguille enfoncée dans la peau.

“Hey.” Il saute doucement par-dessus le lit dès qu’il voit la porte s’ouvrir, sachant par avance que cela ne pourra être que Lucia. Les infirmiers sont déjà passés et tout le reste du personnel hospitalier avec ; il n’attend qu’elle. Il ne veut que la voir elle, aussi, et cette envie prend la forme d’un baiser contre ses lèvres. “Tu vas bien ?” Il ne la voit pas assez à son goût ces derniers temps et ne peut s’en prendre qu’à lui-même. A sa façon, il essaye de rattraper le temps perdu et les nuits passées sans pouvoir la compter à ses côtés. Ce soir, il sait par avance qu’il dormira bien mieux. Qu’il dormira, tout simplement. “Devine quoi ? J’ai super faim.” Il a un sourire large et sincère. Il a faim, tout court, et c’est assez important pour que cela puisse être notifié. Cela signifie qu’il va mieux et elle y est pour beaucoup, c’est évident. Ses doigts peinent à se détacher de sa mâchoire sur laquelle ils se posent naturellement de part et d’autre, trop amoureux. Bien plus que de quitter l’hôpital, Swann a surtout envie de retrouver leur intimité, leur chez eux. De la retrouver elle - et Pancake, n’oublions pas Pancake. “Je dois juste signer un papier sur le chemin. Mais on peut y aller. Tout est prêt.” Enfin. Il rentre à la maison et il peut commencer à compter cet événement comme quelque chose appartenant au passé. Il n’a hâte que de ça, ce n’est un secret pour personne et surtout pas son psychiatre qui désapprouve fortement et ne s’en cache pas.

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Lucia Whitemore & @Swann McGrath

« T’en fais pas petit père, je vais chercher papa et je reviens. » Une caresse sur le ventre du chiot qui s’excite et s’inquiète devant la porte plus tard, je passe le pas de la porte de l’appartement, de notre appartement qui m’a semblé bien vide pendant les cinq derniers jours. J’ai eu beau taper de pieds, adresser un regard de chien battu au personnel soignant, supplier dans toutes les langues que je connais (l’anglais australien et l’anglais avec l’accent de Swann), personne n’a daigné accéder à ma requête de passer toutes mes nuits avec lui. Pour compenser, j’ai à peine passé quelques heures dans l’appartement : lorsque je n’étais pas occupée au boulot à mettre mes affaires en place pour pouvoir prendre deux semaines de congés lors de la sortie de Swann, je le rejoignais à l'hôpital et ne le quittait que lorsqu’on m’en chassait sous prétexte que les horaires de visites étaient terminées depuis bien longtemps. Pancake m’a peu vue et, si Ginny s’en est merveilleusement occupé, j’ai un pincement au cœur à l’idée de le laisser attendre derrière une porte close une fois de plus.

Sauf que c’est terminé. Sauf que Swann rentre à la maison et j’ai envie de me convaincre que l’épisode s’arrête ici, qu’une nouvelle saison commence et que celle-ci aura le droit à un des aventures heureuses et sans rebondissement tragique. Plus serait indécent, la pilule aurait du mal à passer. Et lorsque je pousse la porte de sa chambre d’hôpital et que je l’aperçois, son sac à dos déjà prêt sur les épaules, mon cœur pousse un soupir de soulagement dans ma poitrine. Je ne comprends pas le geste de mon petit ami ? Je continue à me convaincre que ce n’est pas grave, que j’arriverais à passer outre. Que tout ce dont il a besoin c’est que je sois là à ses côtés, que je continue de lui ramener tous les soirs une plaquette de chocolat entière comme je l’ai fait lorsqu’il était à l’hôpital. « Hey. » Ses bras s’enroulent autour de ma taille, les miens cherchent une place sur le sac à dos et nos lèvres se retrouvent le temps d’un tendre baiser. « Tu vas bien ? » Je hoche doucement la tête avant d’avouer dans un souffle. « J’avais hâte que tu sortes de là. » Un sourire étire mes lèvres et, plus fort, j’ajoute. « Et Pancake aussi. T’aurais vu ses yeux tristes quand j’ai quitté l’appartement, il va te sauter dessus en te voyant. » Je pourrais ajouter qu’il a au moins pris cinq centimètres depuis la dernière fois qu’il l’a vu mais je ne veux pas rajouter de l’huile sur le feu. « Devine quoi ? J’ai super faim. » « Devine quoi ? Y’a des promos au Betty’s Burger. Un menu maxi acheté une boite de mozzarella sticks offerte. On peut s’y arrêter en chemin. » Je tente déjà de prendre les paris sur le nombre de menus qu’il commandera après cinq jours à n’avaler que de la nourriture d’hôpital. « T’as pris toutes tes affaires ? » Je quitte ses bras pour jeter un coup d'œil à la pièce, m’assurant qu’il ne manque rien. « Tu veux que je vérifie dans la salle de bain ou c’est bon ? » Prête à le materner pendant deux semaines, j’ignore le gros warning qui clignote pour me prévenir que je risque de l’étouffer. « Je dois juste signer un papier sur le chemin. Mais on peut y aller. Tout est prêt. » Je hoche la tête doucement et ma main glisse dans la sienne. « Gaby m’a prêté sa voiture. Je pourrais te montrer toutes les grimaces qu’elle a faites avant d’accepter si t’as envie de rire. » Je n’ai pas réellement la réputation d’être une conductrice aguerrie mais, à ma décharge, j’étais à vélo lors de mon dernier et unique accident de la route. « Mais le regard de chien battu ça fonctionne à tous les coups avec elle. » Alors que je n’ai même pas osé demander à Hannah.

J’attends en retrait alors qu’il signe ses papiers et, lorsqu’il récupère ma main dans la sienne, je l’entraîne vers le parking de l’hôpital. D’un signe de tête, je lui indique le 4x4 Chrysler stationné non loin avant d’ouvrir les portière et de grimper - oui, littéralement, grimper - sur le siège conducteur. « Tu crois qu’elle a quelque chose à compenser pour avoir acheté ce genre de truc ? » Ce genre de truc, le genre de truc que je veux lorsque j’aurais une famille et des enfants qui se chamailleront à l’arrière, ce qui n’est pas le cas de ma sœur aînée. C’est peut-être exactement ça, le truc qu’elle cherche à compenser. « Nous on le prendra en rouge ou en bleu ciel plutôt non ? » Un sourire étire mes lèvres et un rire s’en échappe dans la seconde suivante. Ils sont de moins en moins rares, ces instants où nous nous projetons l’un avec l’autre, que ce soit pour plaisanter ou non.

Comme bien souvent, ils sont sur la même longueur d’ondes et il comprend ce qu’elle peut ressentir. « J’avais hâte que tu sortes de là. » Les papiers disent qu’il n’est même pas resté une semaine entière mais à ses yeux, il est resté alité pendant d’interminables mois. Pour une personne dans son genre qui peine à s’endormir s’il n’a pas fait son jogging quotidien ou son entraînement de football, les derniers jours ont été une véritable torture - surtout s’il en venait à penser qu’on lui donnait des calmants, ou des médicaments dans le genre. « Et Pancake aussi. T’aurais vu ses yeux tristes quand j’ai quitté l’appartement, il va te sauter dessus en te voyant. » Le sourire de l’anglais s’étire largement. Pancake lui a aussi énormément manqué. Sa chambre manquait de petite boule de poils venant se frayer un chemin dans le lit après de nombreux essais pour y arriver. « Devine quoi ? Y’a des promos au Betty’s Burger. Un menu maxi acheté une boite de mozzarella sticks offerte. On peut s’y arrêter en chemin. » - “Les hasards, ça n’existe pas.” Et eux, ils feront obligatoirement un détour par le Betty’s pour prendre quelques menus qui finiront sûrement au réfrigérateur. Ce n’est pas grave, ce n’est pas le plus important. Ils n’ont que de bons souvenirs là-bas, ils ne veulent que les entretenir. Swann ne veut que sortir de la pièce pour passer à autre chose, dans tous les sens du terme. Ce n’est qu’après de longues secondes qu’il accepte enfin de se détacher de sa petite-amie, lui donnant par la même occasion un instant pour continuer l’interrogatoire à son propos. “J’ai toutes mes affaires maman, c’est promis. J’ai même regardé sous le lit.” Il rigole et se moque, lui laissant à peine le temps de jeter un coup d'œil dans la pièce pour s’assurer qu’il n’y a pas oublié son cerveau. Elle veut bien faire, c’est évident, mais il ne rêve que de sortir de là et chaque nouvelle seconde passée est étouffante. “J’ai jeté la brosse à dents, j’espère que tu m’en veux pas ?”

Il n’a jamais signé des papiers aussi lentement, peinant à simplement serrer le stylo entre ses doigts et plus encore à faire bouger son poignet. Il s’énerve et râle en silence, tant pis s’il a la même écriture que son neveu. “Est ce qu’elle a froncé le bout du nez ? Elle fait toujours ça quand elle s’apprête à céder.” Ce soir, ils feront un jeu appelé “devine l’expression de Gaby” et si jamais sa sœur apprend qu’ils se moquent d’elle, ils sont morts. Si ça avait été Hannah, elle serait déjà au courant et eux, déjà six pieds sous terre. Ils savent quelle victime choisir et de qui s’amuser, la famille de l’un comme de l’autre étant toujours une cible de choix. Tout ce qu’il espère, c’est que Lucia n’a pas eu de mal à trouver une raison futile pour qu’elle lui emprunte sa voiture, sans avoir à préciser que c’est parce qu’il ne peut pas se charger de conduire pour le moment encore. Il aurait pu lui donner les clés de sa voiture, s’il les avait au préalable rangées dans un endroit où il s’en serait souvenu. Ce qui n’est bien sûr pas le cas.

Il n’a jamais été aussi heureux de sentir le soleil contre sa peau. « Tu crois qu’elle a quelque chose à compenser pour avoir acheté ce genre de truc ? » - “Hannah l’a déjà analysée ? Parce que moi, si j’essaye, je vais simplement dire qu’elle a faim et qu’on doit passer au Betty’s.” Même si elle n’est pas là, même si la faim n’a rien à voir avec une immense voiture brillante, même s’il ne cherche qu’à lui rappeler le petit détour dont ils ont rapidement convenu ensemble.  « Nous on le prendra en rouge ou en bleu ciel plutôt non ? » Il braque ses yeux sur elle, amusé, heureux. “En rouge, bien sûr.” Et sa seule explication à cela serait : parce que le rouge, c’est beau. Parce que le rouge, ça ira parfaitement avec les sacs à dos qu’il imagine portés par ses (oui, ses) enfants pour leur premier jour d’école, juste avant qu’ils commencent à les confondre avec des feuilles de papier et ne dessinent dessus. “On passe au Drive ? Faut leur dire de se dépêcher, mon fils m'attend à la maison." Il l'imagine déjà en train de s'impatienter devant la porte d'entrée, à piaffer en attendant que quelqu'un se présente, pour qu'il puisse ensuite l'attaquer de ses léchouilles. L'anglais dépose le sac à ses pieds et se retient de proposer sa main à Lucia pour qu'elle l'utilise comme aide pour grimper. A défaut, il l'embrasse une nouvelle fois contre sa joue. "Ginny ne lui a pas trop donné à manger ? Elle est du genre à faire passer des tranches de bacon sous la table." Quelques minutes de conversation à peine, une commande rapide, et ils seront bien rapidement en train de grimper les marches de leur appartement pour mieux s'y engouffrer et faire comme s'il ne s'était jamais rien passé de mal.

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Lucia Whitemore & @Swann McGrath

« J’ai toutes mes affaires maman, c’est promis. J’ai même regardé sous le lit. J’ai jeté la brosse à dents, j’espère que tu m’en veux pas ? » Je lui jette un faux regard courroucé avant de passer tendrement ma main dans ses cheveux. Rappelée à l’ordre, je me souviens que Swann est un adulte qui n’a - presque - pas besoin qu’on l’aide à ne pas oublier d’oublier ses affaires un peu partout. « T’as pas intérêt à me voler la mienne sous prétexte que la tienne est trop neuve alors. » S’il le faisait je n’oserais rien dire et ma seule réaction serait de le regarder avec tendresse, ceci dit. Je ne rajoute rien : je sens qu’il est tendu et j’en devine l’origine : il a besoin de quitter cette chambre, il a besoin de quitter cet hôpital et de profiter de l’air presque pur et frais du centre ville. « Est ce qu’elle a froncé le bout du nez ? Elle fait toujours ça quand elle s’apprête à céder. » Je l’observe signer sans esquisser de geste pour l’aider : j’ai conscience qu’il se sentirait diminué et j’attends patiemment, comme s’il avait signé aussi vite que d’habitude, avant de serrer mes doigts entre les siens quand il attrape ma main. « Allez, c’est bien parce que c’est toi mais je te donne un spoiler. » Et, dans l’imitation la plus théâtrale de ma sœur que j’ai en stock, je fronce les yeux et plisse le nez avant d’éclater de rire. « J’ai menti d’ailleurs pour l’avoir. J’ai dit que c’est toi qui conduirais. » Quand bien même ma sœur est déjà certainement au courant de ce qui lui est arrivé, et qu’elle n’a pas dû me croire une seule seconde.

Le 4x4 en question ouvert, je l’indique du bout du doigt à mon petit ami avant de déverrouiller les portières. « Hannah l’a déjà analysée ? Parce que moi, si j’essaye, je vais simplement dire qu’elle a faim et qu’on doit passer au Betty’s. » « Pas assez veganbiosansglutenetlocal le Betty’s pour Gabrielle. » Je lève les yeux au ciel en plaisantant, quand bien même il ne me viendrait jamais à l’esprit de réellement critiquer les préférences alimentaires certes restrictives de ma sœur. « J’ai eu beau lui dire que tout était fait maison, apparemment c’est pas ce qu’elle entend par local. »

Notre futur 4x4 de couple de quarantenaires sera rouge, et j'acquiesce d’un signe de la tête avant de mettre le contact après un dernier baiser. « On passe au Drive ? Faut leur dire de se dépêcher, mon fils m'attend à la maison. » « Je suis sûre que si tu lui ramène un jouet il t’en voudra pas d’être d’abord passé acheter à manger. Regarde dans mon sac à main. » Puisque, oui, j’ai pensé à acheter un os en plastique qui fait du bruit quand on mord dedans, juste pour que mon petit ami ait un cadeau à faire à Pancake à son retour pour l’amadouer. How Cheesy. « Ginny ne lui a pas trop donné à manger ? Elle est du genre à faire passer des tranches de bacon sous la table. » Concentrée pour trouver la sortie du parking, je ne réponds qu’une fois la barrière évitée sans déposer la peinture de la voiture de ma sœur au passage. « Il a pris du poids mais c’est parce qu’il a grandi, c’est certain. »

La route entre l'hôpital et notre quartier n’est pas bien longue, mais à moi elle me semble semée d’embûches au volant d’une voiture au gabarit bien trop imposant. Il n’y a pas idée d’acheter ce genre de chose pour se déplacer en ville, un vélo, c’est très bien finalement. « Tu voudras qu’on aille faire un tour sur la côte après ? Ou au parc ? » S’il n’a pas envie de s’enfermer dans l’appartement, je comprendrais. Même si, de mon côté, je n’aspire qu’à rattraper le temps perdu en restant collée à lui pendant un mois entier - au moins - je comprendrais qu’il ne tienne pas en place. « Tu sais, Evelyn m’a donné deux semaines de congé... » Comment faire pour ne pas lui donner l’impression que je ne les ai demandées que pour le surveiller ? Ce n’est pas le cas, mais je ne nierais pas que l’idée de rester près de lui me rassure. « On peut faire ce que tu veux. On peut même aller passer une journée à Gold Coast pour faire du surf. » Est-ce qu’il a le droit de se baigner d’ailleurs ? « Ou on peut conduire jusqu’à Springbrook. Tu disais que t’avais jamais vu la cave avec les vers luisants. Il faut y rester jusqu’à ce que la nuit tombe pour les voir mais on peut très bien emprunter le van ou faire la route pour rentrer de nuit. » Est-ce que j’en fait trop ?

Gabrielle est gentille mais il ne pourra jamais la comprendre réellement. Ce n’est pas pour autant qu’il ne s’entend pas avec elle, loin de là et bien au contraire, mais il aime bien trop la viande pour comprendre son rythme de vie. Il aime bien trop passer inaperçu, aussi, et sa voiture est le parfait exemple de tout le contraire. Elle l’amuse, pourtant, cette grande sœur. Et si elle pense que c’est lui qui conduit son précieux bijoux, alors il se considère simplement heureux qu’elle lui fasse assez confiance pour le lui prêter - même si finalement il ne touchera pas le volant. Il aurait pu conduire, sans doute, mais il ne veut pas avoir à négocier à ce sujet avec Lucia et préfère se taire pour qu’elle puisse se concentrer sur la route sans craintes. “Ça fera plus de nourriture pour nous, c’est pas grave.” Si elle n’aime pas le Betty’s, ils l’aiment pour dix et ce sans même avoir à se forcer. Loin d’être déçu, il continue d’afficher un sourire satisfait. Après tout, il rentre enfin à la maison.

Qui dit maison dit Pancake, aussi, son premier fils. Il parle de lui comme tel et si un inconnu venait à entendre leur discussion, il pourrait effectivement croire qu’ils sont en train de parler d’un véritable enfant. Leur enfant. “Je vais devenir son parent préféré si c’est moi qui lui donne, tu es prête à endurer ça ?” On lui a toujours dit que les chiens n’avaient pas la même notion du temps. Avec un peu de chance, il n’aura même pas remarqué l’absence de l’anglais - ce dernier préférerait que ce soit le cas, il ne veut pas avoir rendu son chien triste. Amusé du geste de son petit-ami, il sera pourtant fier de lui offrir l’os à la seconde même où il rentrera dans l’appartement pour le couvrir de ses caresses. « Il a pris du poids mais c’est parce qu’il a grandi, c’est certain. » Bien sûr. “Ils grandissent vite à cet âge.” Il reprend et s’amuse de ses mots. Cette fois-ci, vraiment, il a l’impression de parler d’un véritable petit humain. Il ne ratera plus aucun jour à ses côtés et le regardera prendre chaque petit centimètre (même s’il doute qu’il grandira encore beaucoup). Ginny n’aura plus à être tenue coupable de possibles prises de poids de l’animal puisqu’ils n’auront plus jamais à le confier à qui que ce soit pour une raison ou une autre.

Parler du chien est quelque chose de simple, facile, connu. Ils le font souvent, c’est une habitude qu’il apprécie. Parler du futur, même pour les heures à venir, c’est tout autre chose. « Tu voudras qu’on aille faire un tour sur la côte après ? Ou au parc ? » Ses yeux se posent sur le quadrillage de routes devant eux. La côte est effectivement une bonne idée, c’est aussi tout ce dont il a envie. Le parc serait parfait lui aussi, il n’est pas bien compliqué à ce sujet. Tant qu’il pourra prendre la main de Lucia dans la sienne, sentir une brise contre sa joue et échapper un petit cri impatient au premier stand de nourriture venu, alors il sera heureux. “Ca me va. Je peux juste poser mes affaires et on repart avec Pancake, il sera content de courir après les feuilles.” Leur chien est un peu stupide mais ils ne le diront jamais de cette façon : ils sont des parents bien trop fiers et aimants pour cela. Prendre l’air fera du bien à toute la famille.

« Tu sais, Evelyn m’a donné deux semaines de congé... » Ah oui ? Il ne pensait pas qu’elle le ferait. Est ce qu’Evelyn sait ce qu’il s’est passé ? Non. Non, Lucia aurait gardé le secret. L’anglais n’est pas stupide et se doute que ces jours de vacances ne sont pas arrivés seuls mais il ne doute pas un seul instant des bonnes intentions de sa petite amie. Il voit sa présence à ses côtés d’un très bon œil : elle n’aura jamais rien d’étouffant. Sans savoir quoi dire exactement, il sourit, heureux de pouvoir imaginer un emploi du temps avec elle et pas lui, tout seul, à tourner en rond dans leur appartement tel un chien en cage. « On peut faire ce que tu veux. On peut même aller passer une journée à Gold Coast pour faire du surf. » Une alarme s’installe dans son cerveau. Il n’est pas encore prêt à mouiller ses bandages et il sait déjà qu’il aura bien du mal à se laver : faire du surf semble bien plus compliqué encore (voire même impossible). Incapable de simplement lui dire de cette façon, il cherche des mots détournés et des raisons stupides. Il est simplement lâche. « Ou on peut conduire jusqu’à Springbrook. Tu disais que t’avais jamais vu la cave avec les vers luisants. Il faut y rester jusqu’à ce que la nuit tombe pour les voir mais on peut très bien emprunter le van ou faire la route pour rentrer de nuit. » - “Springbrook, ça sera parfait. Pourquoi y’a aucune photo de ça sur ton Instagram, d’ailleurs ?” Il souffle un peu mieux maintenant qu’elle lui propose une autre idée et qu’il saute dessus avec hâte. Swann trouve que ce sera vraiment une bonne visite à faire, ce n’est pas qu’un échappatoire qui tombe au bon moment - même s’il y a effectivement de ça. “Je pense pas qu’on pourra prendre Pancake avec nous là-bas, on restera un peu avec lui avant d’y aller, alors.” Il a bien trop de culpabilité à l’avoir abandonné pendant ces derniers jours et pense être redevable envers le petit animal à quatre pattes.

C’est quatre à quatre qu’il gravit les marches de leur immeuble, d’ailleurs. L’ascenseur met trop longtemps à venir, les burgers commencent à refroidir (la faute au dessert glacé de Lucia, mais il ne risque pas de le lui reprocher) et il a surtout, surtout, bien trop envie de retrouver leur Goldendoodle. Il l’entend piétiner et piailler de l’autre côté de la porte alors qu’il a à peine posé la clé dans la serrure. Lorsque Lucia arrive à son niveau, il ouvre enfin la porte et en oublie même la nourriture lorsqu’il se baisse au niveau du petit chien pour le prendre dans ses bras - même si lui ne semble pas de cet avis et bouge bien trop pour qu’il puisse le garder dans la même position. Il tourne et retourne sur lui-même alors qu’il n’a même pas vu l’os qui lui est réservé. “Tu m’as manqué bonhomme.” L’anglais statue dans un sourire, peinant à faire le moindre pas dans l’appartement sans craindre d’écraser une des pattes du chien. “Je suis content d’être rentré.” Les mots sont bien plus prononcés pour sa petite-amie cette fois-ci. Il est surtout heureux de pouvoir la compter à ses côtés sans jamais se soucier des heures de visite ou de quoi que ce soit d’autre. Il finit par s’asseoir contre le canapé pour s’occuper du chien une fois de plus, se faisant en même temps assaillir de léchouilles contre sa joue. Ce n’est que lorsque Pancake s’arrête pour sentir avec intérêt ses poignets - et tous les produits chimiques qui ont été appliqués dessus - qu’il juge bon de lui donner son os et, avec, une autre source d’intérêt. “Il a été sage ? Il ne t’a pas fait de caprice ? T’as pas intérêt, hein Pancake, sinon papa va te gronder.” Papa n’a surtout aucune crédibilité, lui qui lui parle avec bien trop d’amour et de tendresse.

L’anglais se redresse ultimement pour rejoindre Lucia et il passe ses bras autour d’elle, embrassant l’arrière de son crâne alors qu’il se pose derrière elle. Plus que tout, c’est elle qui lui a manqué. “Si tu veux aller surfer, je pourrais garder Pancake sur la plage, tu sais.” Elle n’a pas à se brider à cause de lui, surtout pas.

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Lucia Whitemore & @Swann McGrath

Swann ne deviendra jamais le parent préféré de Pancake tant que je suis là pour veiller au grain et à mes propres intérêts (à savoir lui glisser des bouts de nourriture dès qu’on mange de la viande ou quoi que ce soit que le petit chiot aime) et je secoue la tête d’un faux air désabusé. Les discussions sur nos qualités respectives de parents - ou presque - laissent place à toujours plus de sujets ayant vocation à détourner la conversation des pansements sur les bras de mon petit ami : heureusement que je conduis, sans quoi je n’aurais pas su en détourner mon regard. Là, je m’oblige à fixer la route et je m’oblige aussi à parler de tout sauf de ça, puisque j’ignore si j’ai le droit ou l’envie d’en parler pour l’instant. Tout ce que je sais c’est que ma peur de le perdre n’a jamais été aussi oppressante et qu’elle n’est pas prête de se dissiper : j’en ai fait des cauchemars toutes les nuits depuis que je l’ai découvert sur le sol de la salle de bain. Par réflexe, j’évite la pièce tant que je le peu : je m’y douche, mais me brosse les dents dans l’évier de la cuisine et me maquille face au miroir de la chambre, étalant mes affaires un peu partout sur le bureau. Quand j’y suis obligée, j’y passe toujours le moins de temps possible, hantée par mes souvenirs comme par les images de mes mauvais rêves, ceux où je n’arrive pas à temps, ceux où il est trop tard pour que je puisse appeler les secours.

Entièrement dévouée au blond et à ses besoins, je tente d’en distinguer les contours : veut-il s’enfermer avec moi ou bien a-t-il besoin d’air ? Comment va-t-il réagir de retour dans l’appartement ? Se souviendra-t-il lui aussi ? Arrivera-t-il à faire semblant que tout est normal et que notre foyer n’est pas le domicile d’une tragédie ? « Ça me va. Je peux juste poser mes affaires et on repart avec Pancake, il sera content de courir après les feuilles. » « On prend le temps que tu veux pour manger, mais je me disais que t’avais certainement envie de profiter un peu du soleil et de l’air de dehors. » En dehors des jardins de l'hôpital, évidemment. Moi, je n’aspire qu’à m’éloigner quelques jours mais, à nouveau, je me plierai aux besoins de  Swann sans que cela ne revête pour moi des couleurs de l’effort ou du sacrifice : je me sens coupable d’être passée à côté de signaux qui auraient pu nous éviter ça, ce sentiment me dévore et je n’ai plus l’intention de passer à côté de rien du tout. « Springbrook, ça sera parfait. Pourquoi y’a aucune photo de ça sur ton Instagram, d’ailleurs ? » « Ça rend rien comme il fait nuit. » J’ai déjà envisagé de tricher et de mettre des photos trouvées sur internet avant de changer d’avis. « Je pense pas qu’on pourra prendre Pancake avec nous là-bas, on restera un peu avec lui avant d’y aller, alors. » « On peut pas ? Je regarderai sur internet. » Le petit chiot, en plus d’être une source inépuisable de joie et de bonne humeur, est une formidable distraction. Et attention, je n’en ai pas besoin puisque je suis mal à l’aise aux côtés de mon petit ami : les récents événements n’ont rien changé à l’amour sincère et profond que je lui porte, j’en ai simplement besoin puisque je ne sais pas arracher le pansement d’un coup et aborder les sujets qui font mal.

Les burgers commandés et chargés dans la voiture, les marches de l’immeuble grimpées deux par deux, je reste un pas derrière Swann pour observer ses réactions et rester attentive à ce qu’il pourra ressentir. Je dois admettre que sur ce dernier point je fais chou blanc et, frustrée, je me fais la réflexion qu’il porte forcément un masque ou une armure en béton armée : personne ne peut vraiment aller bien après ça. Les jappements du chiot derrière la porte me tirent de mes pensées et c’est un sourire franc et attendri qui étire mes lèvres qui l’animal saute sur mon petit ami, lèche et tourne sur lui-même dans tous les sens. « Tu m’as manqué bonhomme. » Tu nous as manqué aussi Swann. « Je suis content d’être rentré. » C’est moi qu’il regarde, c’est vers moi que ses yeux se tournent et, en caressant le pelage brun de Pancake, je pose ma tête un instant sur l’épaule du blond. « Toi aussi tu nous as manqué. » Je ne me détache que pour fermer la porte à clé derrière nous et déposer les sacs abandonnés par Swann au profit du chien sur le plan de travail de la cuisine. Il s’installe sur le canapé et moi je les observe tous les deux en silence, le cœur réchauffé par la scène si touchante mais la gorge nouée d’être de retour dans l’appartement. Il m’oppresse cet endroit, j’ai du mal à faire semblant. « Il a été sage ? Il ne t’a pas fait de caprice ? T’as pas intérêt, hein Pancake, sinon papa va te gronder. » Je sors des assiettes et, tout en “préparant” le repas, j’esquisse un nouveau sourire. « Il était déçu de me voir rentrer seule à chaque fois. Je crois qu’il sentait ton odeur sur mes vêtements, il me reniflait bien pendant une demie heure avant d’aller s’allonger devant la porte pour t’attendre. » Moi aussi, je l’attendais sans l’attendre chaque soir. Regarder la télévision me permettait de m’évader, mais son absence a créé un vide impossible à combler.

Ma voix n’est pas chevrotante, promis, mais mon petit ami abandonne quand même le chiot sur le canapé pour me rejoindre et m’enlacer. Mes mains lâchent ce que je suis en train de faire quand il embrasse mes cheveux et pose son menton sur le sommet de mon crâne : tant pis si elles sont pleines de gras et sentent la frites : j’enroule mes bras autour des siens et ferme les yeux quelques secondes. « Si tu veux aller surfer, je pourrais garder Pancake sur la plage, tu sais. » « Je veux juste être là où t’es. » Même si c’est ici, même si j’ai peu subtilement tenté de nous éloigner d’ici. « J’avais pas pensé que tu pouvais pas. Oublie, c’est pas grave. » Qu’il ne pouvait pas surfer. « On est même pas obligé d’aller ou que ce soit. Si t’as envie qu’on s’enferme ici pendant quinze jours, on peut. J’ai demandé des vacances pour être avec toi. » Juste pour être avec lui, n’importe où, pas pour aller surfer ou faire le tour du pays en van.

Elle en doute sûrement encore mais Lucia commence à atteindre ce stade où elle connaît mieux Swann qu’il ne se connaît lui-même et maintenant qu’elle évoque la possibilité de sortir pour sentir le soleil contre sa peau et la brise avec, il se rend compte à quel point il en a envie. Ses séances de jogging lui manquent, ses entraînements avec et toutes les sorties qu’il pouvait faire pour une raison ou une autre, tout autant. A l’hôpital, les rayons du soleil n’allaient que jusqu’à ses genoux, sur le lit, et ils ne restaient pas bien longtemps. S’il allait parfois jusqu’à la fenêtre pour les sentir plus longtemps, la vue le démoralisait bien trop rapidement en lui faisant se remémorer l’endroit où il se trouve. Les machines et leurs bips étaient suffisants. Parler de Springbrook le laisse peu à peu rêveur, il est heureux de simplement pouvoir envisager une sortie ou une autre avec sa petite-amie. Lucia lui explique pourquoi la réalité est bien plus plaisante à voir que n’importe quelle photo de l’endroit mais puisqu’il n’y comprend pas grand chose, il se contente de sur-analyser chacun de ses mots. « On peut pas ? Je regarderai sur internet. » Il aimerait avoir tort et pouvoir compter Pancake à leurs côtés jusqu’à la fin des temps, tel un papa poule.

« Toi aussi tu nous as manqué. » Bien que le contraire soit tout aussi véridique, Swann préfère ne pas soulever la remarque pour le moment encore. Ce n’est pas parce qu’il l’a vue tous les jours qu’elle ne lui a pas manqué, les conditions étaient bien différentes et n’avaient en réalité rien à voir. Rien ne vaut la sensation d’être de retour chez lui, entouré de ceux qu’il aime. « Il était déçu de me voir rentrer seule à chaque fois. Je crois qu’il sentait ton odeur sur mes vêtements, il me reniflait bien pendant une demie heure avant d’aller s’allonger devant la porte pour t’attendre. » En relevant ses iris noirs en direction de Lucia, il n’a qu’un sourire triste. Il est désolé de leur avoir fait du mal puisque c’était bien la dernière chose qu’il voulait. A vrai dire, égoïstement, il se rend compte ne jamais avoir pensé aux conséquences que ses actes pourraient avoir sur eux. Force est d’avouer qu’il n’a pas pensé à grand chose, Swann, et que le retour du boomerang est aujourd’hui bien douloureux. “Je suis de retour petit gars. Je bouge plus, c’est promis.” Pour le moment encore, c’est plus facile pour lui de parler au chiot plutôt qu’à sa petite-amie. Chaque chose en son temps ; il fait du mieux qu’il peut pour leur bien à tous puisque le bonheur de Lucia fait partie de ses priorités, raison pour laquelle il en vient tout de même à quitter Pancake pour retourner auprès d’elle, à quelques pas de là.

Naturellement, ses bras viennent enlacer sa petite amie et ses lèvres embrassent ses cheveux avant qu’il ne vienne y poser son menton. Il profite simplement de pouvoir le faire maintenant, chez eux, au calme et en sécurité. Elle lui avait manqué, terriblement manqué. « Je veux juste être là où t’es. » S’il ne comprend pas tous les sous-entendus que cette annonce peut avoir, il sait au moins l’accueillir avec bienveillance. Il hoche doucement de la positive, n’ayant aucune raison de s’opposer à cette idée. La compter à ses côtés est tout ce dont il a lui aussi envie. « J’avais pas pensé que tu pouvais pas. Oublie, c’est pas grave. » Elle ne peut pas constamment prendre en compte toutes les variables, il le sait. Swann resserre ses doigts autour des avant-bras de la jeune femme tout en se voulant rassurant. “C’est l’histoire de quelques petites semaines. On retournera rapidement surfer.” Ils pourront faire autre chose en attendant, il le promet, il trouvera des idées. Ils se trouveront une passion pour l’aquarelle ou le jardinage, peu importe, mais il est hors de question de laisser Lucia seule avec toutes les pensées et interrogations qu’elle peut avoir en ce moment. « On est même pas obligé d’aller ou que ce soit. Si t’as envie qu’on s’enferme ici pendant quinze jours, on peut. J’ai demandé des vacances pour être avec toi. » - “Non. C’est une bonne idée de sortir.” Le cas échéant, il deviendrait fou. Même avec Lucia à ses côtés, il sait qu’il a besoin de sortir, de voir du monde, de prendre l’air. Elle l’aide beaucoup, sur bien des plans, mais elle ne peut pas faire de miracles et lui ne peut non plus renier sa nature. Il évitera d’aller à la rencontre de ses amis proches tant que ses cicatrices seront aussi importantes mais pour le reste, il ne manque pas de ressources et d’idées pour nier la réalité. “Tu sais ce qu’on pourrait profiter de faire ?” Il a besoin de proposer des idées à son tour pour se sentir utile et l’aider ; comme si elle aussi avait attenté à ses jours il y a peu. L’idée lui vient de nulle part mais il sait qu’elle est bonne, raison pour laquelle il se défait doucement d’elle pour plutôt venir se placer devant la blonde et dégager quelques mèches de son visage. “Allez visiter quelques endroits, peut-être ? Je dis pas qu’on est obligés de faire un choix tout de suite mais ça pourrait être intéressant.” Déménager. Depuis qu’il est entré, il refuse de s’approcher de la salle de bain et si c’est le cas pour lui, il n’a même pas envie de se demander ce que Lucia peut ressentir. Il souhaite encore moins savoir qui s’est occupé de nettoyer le sang. Son sang.

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Lucia Whitemore & @Swann McGrath

« Je suis de retour petit gars. Je bouge plus, c’est promis. » Ils sont beaux, mon petit ami et le chiot. Ils sont beaux et je pourrais rester de longues minutes à les observer jouer sur le canapé sans que le temps ne me semble long. Ils sont beaux parce que, pour la première fois depuis presque une semaine, je revois un vrai sourire sur le visage de Swann. Pour la première fois depuis presque une semaine, je le vois en dehors des murs de l’hôpital et je le trouve vivant, c’est tout ce qui compte. Un sourire un peu béat se dessine sur mes lèvres et, lorsque mon regard croise celui de mon petit ami, je rougis de pudeur.

Lorsqu’il se lève, je n’arrive pas à détacher mon regard de lui : attentive à ses moindres faits et gestes, j’ai du mal à ne pas oublier que je n’ai pas envie de devenir oppressante. Le fait est que, si je le pouvais, je ne le perdrais plus jamais du regard, je ne le laisserais plus jamais échapper à ma vigilance de peur qu’il ne recommence. J’ai failli. J’ai été une bien piètre petite amie puisque je n’ai rien vu venir alors que j’aurais dû. Je vis avec lui, je dors avec lui toutes les nuits et une part de moi est persuadée que j’aurais pu empêcher ça. Que j’aurais dû empêcher ça. La culpabilité comme fardeaux, je me promets que ça n’arrivera plus, qu’il me trouve oppressante et envahissante ou pas. Lorsqu’il m’enveloppe d’une étreinte, je laisse ma tête basculer contre son torse et je ferme les yeux un instant. Il sent le désinfectant et il sent l’hôpital, mais je m’en fiche. J’ai hâte de mettre tout ça derrière nous, mais je me sens comme la plus chanceuse d’être arrivée juste à temps. L’imaginer se vider de son sang tout seul assis sur le carrelage de la salle de bain est au-dessus de mes forces, autant que de rester trop longtemps dans cette pièce. « C’est l’histoire de quelques petites semaines. On retournera rapidement surfer. » On a pas besoin d’aller surfer. Pas pour que je sois heureuse en tout cas. Tant qu’on passe du temps tous les deux, tant qu’on retrouve une dynamique saine et loin des murs blancs de sa chambre d'hôpital, tant qu’il promet qu’il ne se fera plus jamais de mal, je serai heureuse. « Non. C’est une bonne idée de sortir. » « Je me doutais que t’en aurais envie. » Je le connais encore assez pour ça, même si je n’ai pas su détecter son mal être à temps pour l’aider. « Tu sais ce qu’on pourrait profiter de faire ? » Ses bras desserrent leur étreinte et le blond pose ses mains sur mes hanches pour se placer face à moi. Il dégage une mèche de mes cheveux, et je laisse ma tête reposer dans la paume de sa main un instant, avant de nouer mes bras dans le creu de ses reins et de l’attirer à moi. « Non, mais tu vas me le dire. » Un sourire étire mes lèvres et je pense : ”je n’ai rien envie de faire de plus que d’être dans tes bras”. Mais ce n’est pas tout à fait vrai, et je le réalise lorsque je me rend compte que ce qu’il propose, j’en ai plus qu’envie : j’en ai besoin pour ne plus être prise à la gorge par mes inquiétudes dès que je passe la porte de cet appartement. « Aller visiter quelques endroits, peut-être ? Je dis pas qu’on est obligés de faire un choix tout de suite mais ça pourrait être intéressant. » Mon sourire s’efface quelque peu, et je hoche la tête gravement. J’ignore s’il est capable de continuer à vivre ici comme si rien de tragique n’avait eu lieu dans l’appartement. J’ignore s’il a autant besoin que moi de changer de décors, ou s’il le fait pour moi et uniquement pour moi. Je n’aime pas être égoïste : en temps normal je lui aurais répondu que s' il aime cet appartement et s’il a envie d’y rester, je m’y habituerais. Sauf que c’est au-dessus de mes forces. « J’arrive plus à m’endormir ici... » La confession, soufflée dans un murmure, n’a pas vocation à le faire culpabiliser. Je crois que j’avais juste besoin de partager mes angoisses à quelqu’un, et je ne sais le faire aussi bien qu’avec lui. « Je… J’ai mis ma brosse à dent à côté de l’évier de la cuisine. » Et mon maquillage partout dans la chambre. Je me sens ridicule et je baisse les yeux au sol. « J’ai envie qu’on déménage... » Cette requête, je me sens presque coupable de la formuler. Mais je ne respire plus bien ici, j’ai besoin d’un nouveau départ. « Je sais qu’ici c’est chez toi depuis longtemps mais on a besoin d’un nouveau départ non ? D’un endroit qui soit... » D’un endroit qui soit vierge de tout drame. D’un endroit qui ne me fasse pas faire des cauchemars. « D’un endroit qui soit pas ici. »

« Je me doutais que t’en aurais envie. » Et elle se doutait bien puisque l’anglais ne demande réellement qu’à pouvoir sortir un peu, il ne le lui dit pas pour lui faire plaisir et éviter une possible (et stupide) dispute. Au-delà de ça, Swann est surtout soulagé de pouvoir à nouveau passer du temps avec sa petite amie, quand bien même ils n’ont pas été séparés l’un de l’autre bien longtemps. Les secondes s’écoulent différemment à l’hôpital, et ne parlons même pas des heures. Soucieux de bien faire, il se projette un peu plus loin que les heures et jours à venir. S’il se voile la face sur bien des sujets, il est incapable d’en faire autant lorsqu’ils se rapportent à Lucia et qu’elle en est elle aussi affectée.

Ses gestes sont bien plus doux que ses paroles qui ne savent qu’aller droit au but sans plus de délicatesse mais ce n’est pas faute d’essayer de faire au mieux. Le meilleur étant tout ce qu’il souhaite pouvoir offrir à sa petite-amie et si cela signifie désormais quitter cet appartement qui a longtemps été le sien alors soit, il ne s’y opposera pas. Preuve en est qu’il est le premier à aborder réellement l’idée. « J’arrive plus à m’endormir ici... » Alors il replace ses doigts entre ses cheveux, comme si cela allait pouvoir arranger quoi que ce soit. Ses yeux se ferment à son tour, il cherche des solutions là où il ne trouve que de nouveaux problèmes à régler. Elle n’arrive pas à dormir parce qu’il n’était pas là pour elle, voilà un remord de plus qui s’ajoute à la longue liste. Au moins, il n’y a plus aucun doute : ils veulent tous deux quitter cet endroit. Les raisons événements n’ont fait que précipiter l’inévitable et empêchent Swann de se perdre dans cette vieille habitude consistant à toujours tout remettre à plus tard. « Je… J’ai mis ma brosse à dent à côté de l’évier de la cuisine. » Il laisse ses yeux dériver vers l’endroit désigné. Non pas qu’il doute un instant de ses paroles, il avait simplement besoin d’une décharge supplémentaire pour terminer de se convaincre de l’aspect inévitable de leur déménagement. Maintenant que leurs souvenirs ici sont teintés de noirceur, ils ne peuvent plus profiter autant qu’ils avaient pu le faire avant. « J’ai envie qu’on déménage... Je sais qu’ici c’est chez toi depuis longtemps mais on a besoin d’un nouveau départ non ? D’un endroit qui soit... » A défaut d’avoir envie de déménager, il sait qu’il en a besoin, sans doute autant que Lucia. « D’un endroit qui soit pas ici. » Partout sauf ici devient dès lors le mot clé. Ainsi soit-il. Il a laissé Lucia subir bien trop de choses pour encore une fois lui en imposer une autre. Cette fois-ci, elle mènera la danse, elle posera ses conditions et ils iront habiter là où elle se sentira le mieux. Sans doute très loin du quartier, donc. De toute façon, plus rien ni personne ne rattachait Swann ici. “On trouvera un chez nous et tout ira bien là-bas.” Pas de mauvais souvenirs, aucun. Ni au moment d’emménager, ni jamais ensuite. Peu importe ce à quoi ressemblera leur futur chez eux, cela importe peu à Swann, tant que la blonde s’y sent à l’aise et en sécurité - et que Pancake peut courir d’un bout à l’autre de la pièce sans but aucun. “J’avais jamais envisagé les conséquences. Je suis désolé.” S’il ressent le besoin de s’excuser une fois de plus pour le geste qu’il a eu, il n’est pour autant pas capable d’avoir une réelle conversation à ce sujet et c’est la raison pour laquelle l’anglais se dérobe rapidement, une fois de plus. Après avoir resserré son étreinte autour de Lucia une dernière fois et embrassé son front, il ajoute quelques mots, d’un ton bien plus assuré. “Mais c’est du passé.” Et puisqu’il pense naïvement que cette explication sera suffisante, Swann s’occupe rapidement de prendre la laisse de Pancake pour qu’ils soient prêts à repartir aussitôt. Personne n’a envie de rester dans l’appartement, surtout pas alors qu’ils peuvent encore profiter de la plage et de son soleil. Les burgers pourront toujours être dégustés là-bas, après tout ils sont sûrement déjà froids. “C’est le moment idéal pour se donner un rayon d’un kilomètre autour du Betty’s, sinon on ne prend pas.” Le premier critère de Lucia étant “tout sauf ici”, il ne peut décemment pas le répéter, alors il cherche des blagues là où il peut et essaye de lui soutirer un sourire. “On va être occupés pendant tes vacances, c’est une bonne chose.” Cela signifie qu’ils n’auront pas le temps de penser à tout ce qui pourrait être source de problèmes ou de mauvais souvenirs, n’est ce pas ?

La main tendue vers sa petite amie, il attend qu'elle la prenne avant qu'ils puissent repartir de nouveau comme si jamais aucun mauvais souvenir n'avait été évoqué. "L'appartement de Matt est toujours vide, on pourrait aller là-bas quelques temps, si tu préfères." Et il essaye vraiment fort, très fort, de remettre leur vie en ordre.

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Lucia Whitemore & @Swann McGrath

« On trouvera un chez nous et tout ira bien là-bas. »
« C’est promis ? »

Bien sûr qu’il ne peut pas promettre et bien sûr que, poser la question, c’est admettre que je ne suis encore qu’une enfant en quête d’insouciance à qui l’on aurait frappé la tête contre les murs un peu trop fort dernièrement (ou plutôt de façon régulières ces dernières années). Sauf que la leçon ne rentre pas et qu’il n’est pas question de refuser de grandir - je n’ai pas peur des responsabilités - mais refuser d’admettre que les mauvaises choses arrivent à tout le monde et que je ne suis à l’abri de rien du tout. Je n’étais pas à l’abri de Lawrence et Swann n’était pas à l’abri de toutes ces choses qui lui sont tombées dessus dernièrement, et c’est en partie de ma faute. « J’avais jamais envisagé les conséquences. Je suis désolé. » « Non, t’excuse pas... » Pourquoi aurait-il à le faire ? C’est moi qui n’ait rien vu venir. C’est moi qui était insouciante et qui espérais tout arranger avec des gâteaux pendant qu’il souffrait réellement et profondément. « Je comprends que rien soit facile. Et je suis désolée parce que c’est en partie de ma faute. » Lawrence n’aurait pas débarqué un beau jour dans sa vie au DBD si je n’y avais pas travaillé, Swann n’aurait pas eu à le frapper sans moi et il n’aurait pas perdu son travail auprès des enfants. Je sais que c’est loin d’être le pire de ses maux, mais rien que le fait d’avoir contribué à son mal être me fait me sentir profondément coupable et désespérée. « Mais c’est du passé. » Doucement je hoche la tête et, dieu que j’ai envie d’y croire. Mais est-ce si simple que ça ? On lui enlèvera les bandages, les cicatrices s’estomperont doucement, mais oublierai-je que je l’ai trouvé étendu sur le sol et quelque part entre la vie et la mort ? Arriverai-je un jour à quitter l’appartement sans avoir le ventre noué par la peur de le perdre et de ne pas arriver à temps cette fois-ci ? Je n’ai pas l’impression que tout ça appartienne au passé. J’ai l’impression au contraire que la plaie est ouverte et qu’elle n’en peut plus de saigner. J’ai l’impression que tout commence maintenant qu’il est tiré d'affaires et que les blessures qui resteront ne relèvent pas du domaine physique.

Mais nous nous ressemblons : faire l’autruche reste notre stratégie préférée et s’il dit que la page est prête à être tournée, je m’y accroche de toutes mes forces. Je reporte à plus tard tout ce que nous devons encore affronter et je me perds dans ces rêves d’un cocon à nous, d’un endroit où les mauvais souvenirs n’auront pas leur place. « C’est le moment idéal pour se donner un rayon d’un kilomètre autour du Betty’s, sinon on ne prend pas. » « De toute façon ils livrent sur Uber eat. » Autrement dit : on ira où tu veux. On ira loin, on ira près de la mer ou près d’un parc où on pourra emmener Pancake courir après les feuilles mortes. On ira quelque part où on sera heureux : c’est tout ce à quoi j’aspire. « Tu sais, avec ton salaire plus le mien... » Bien que nos revenus soient fondamentalement différents : je débute dans la vie et dans un domaine bien moins lucratif que le sien. « On peut envisager plus grand qu’ici. Ou avec un jardin. Ou même les deux. » Je m’imagine me réveiller les pieds dans le sable et attraper ma planche pour aller surfer, et je me sens un peu mieux. Oh, bien sûr, nous n’aurons pas les moyens d’emménager dans un endroit similaire à la villa dans laquelle j’ai grandi, mais il doit bien être possible de trouver des petites maisons en location au bord de la côte, non ? Réveille-toi Lucia, tu pars trop loin. « Enfin ce que je veux dire c’est qu’on peut aller où on veut. » Je fais la moue, un sourire foncièrement innocent au coin des lèvres. « Je m’enflamme c’est ça ? On n’a même pas encore vraiment parlé de ce qu’on voulait tous les deux. » Mais pourtant, j’ai commencé à écumer les petites annonces le jour où nous avons parlé d’emménager ensemble.

« On va être occupés pendant tes vacances, c’est une bonne chose. » Je hoche la tête doucement : retour à la réalité. On sera occupé, mais on sera ici, le temps de trouver autre chose, et c’est une source d’angoisse que j’appréhende mal. « L'appartement de Matt est toujours vide, on pourrait aller là-bas quelque temps, si tu préfères. » « L’appartement au-dessus du DBD ? » J’enfile son collier - le rose, mon préféré - à Pancake avant d’y accrocher sa laisse, et je glisse ma main dans celle de mon petit ami. « Je suis sûr que c’était un plan pour pouvoir manger des pâtisseries toute la journée tout ça. » Et traîner avec tout le personnel du bar puisqu’ils sont pour nous comme une seconde famille. Il parle de Matt, et je me demande comment s’est passée leur discussion et s’ils ont discuté depuis le premier jour à l’hôpital. Je n’ai pas osé poser la question, peu désireuse de remuer un éventuel couteau dans une plaie mal cicatrisée, alors je me risque. « Il serait d’accord tu crois ? » Moi en tout cas, j’en ai envie. N’importe où sauf dans cet appartement, n’importe où dans un rayon qui dépasse le kilomètre par rapport à cette salle de bain.  

« C’est promis ? » - “C’est promis.”

Le souhait d’avoir une vie heureuse et stable aux côtés de Lucia est la première chose qu’il désire puisque de cela en découlera tout le reste, il en est certain. Par dessus tout, il souhaite être assez convaincant pour rassurer sa petite amie et s’assurer qu’elle n’aura plus aucune raison de s’inquiéter de quoi que ce soit. Tout ira bien, c’est promis. Il ne reste plus qu’à savoir quand.

« Non, t’excuse pas... » Il en a envie, pourtant. Il en a besoin, aussi, parce qu’il a trop longtemps cru qu’il était le seul à connaître les conséquences de ses actions. Il ne s’était jamais autant trompé depuis bien longtemps et pour cette raison comme bien d’autres, il sait avoir besoin de se faire pardonner, même si Lucia agit comme si elle l’avait déjà fait. Le fait est qu’il est bien moins conciliant avec sa propre personne. « Je comprends que rien soit facile. Et je suis désolée parce que c’est en partie de ma faute. » - “Au contraire. Je te dois beaucoup.” A commencer par sa propre vie. Ce pourrait presque être poétique, s’il était possible d’omettre tout le séjour à l’hôpital qu’il est incapable de glamouriser d’une façon ou d’une autre. Rien n’était glamour à aucun moment, et ce bien avant même de se réveiller à l’hôpital. Sans elle, pourtant, tout aurait été pire encore et c’est la raison pour laquelle il refuse de la laisser se rendre coupable de quoi que ce soit.

Les plans se font sans que Swann n’ait le temps de se poser mille fois la question de savoir si c’est ou non une bonne idée : bien sûr que c’en est une. Ils vont déménager dans un endroit qui aura toujours été le leur et où ils construiront leurs souvenirs, sans que l’esprit de Swann ne pense à tout ce qu’il a pu vivre ici, une vie avant. Il est temps pour lui d’aller de l’avant, à bien des niveaux. « Tu sais, avec ton salaire plus le mien... On peut envisager plus grand qu’ici. Ou avec un jardin. Ou même les deux. » Les deux sera parfait ; les deux, ça correspond aussi au petit rêve que se fait déjà l’anglais à propos de leur future habitation. Ils seront si heureux, là bas. Si heureux. Et Pancake aussi. Une véritable petite famille, à leur manière. « Enfin ce que je veux dire c’est qu’on peut aller où on veut. » Il se moque d’habiter près de son travail tout comme il se moque d’aller dans un quartier en particulier ou bien un autre. Ils lui conviennent tous, il se moque bien de savoir où est ce qu’il dormira, tant que Lucia sera heureuse dans l’endroit en question. Fut un temps il aurait voulu habiter près de son frère ou même ses sœurs, mais aujourd’hui ils ont tous leur propre vie, leur mariage, leur(s) enfant(s). Il n’a plus rien à leur apporter et doit donc se concentrer sur sa propre vie. « Je m’enflamme c’est ça ? On n’a même pas encore vraiment parlé de ce qu’on voulait tous les deux. » - “Non, non. Je suis d’accord. Je veux habiter avec toi, avoir un jardin, aller dans un endroit plus grand.” Elle pourra avoir toute la place qu’elle veut pour ses habits et lui, il pourra collectionner en paix tous les biscuits anglais qu’il arrive à trouver dans les magasins. Il n’y aura que des avantages à cette nouveauté et ce n’est pas parce qu’ils n’ont pas encore pris le temps de parler des détails que quoi que ce soit de mauvais risque de se passer, pas vrai ? "On pourra avoir un vrai sapin de Noël et déjà prévoir où le mettre." C'est sa façon à lui de dire qu'il est vraiment prêt à se lancer en quête d'une maison pour y vivre et que ce sont tout sauf des paroles en l'air simplement pour lui plaire.

D’une proposition il passe à une autre, tentant de faire au mieux pour trouver des alternatives à leur quotidien chaotique du moment. « L’appartement au-dessus du DBD ? » Swann hoche la tête sans un mot. Elle connaît l’appartement surement autant que lui. Il n’est pas plus grand qu’ici mais ce ne serait pas pour bien longtemps, de toute façon. C’est au moins un échappatoire qu’ils pourraient essayer et s’ils s’y sentent plus mal qu’ici encore, il sera toujours le temps de retourner dans leur appartement. Il se doute déjà que ce ne sera pas le cas, pourtant. « Il serait d’accord tu crois ? » Il n’a aucun mal à comprendre qu’elle sous entend par là leur dernière conversation musclée mais l’anglais ne doute pas un seul instant que son frère accepterait de les laisser habiter quelques temps dans un appartement qu’il ne fréquente de toute façon plus. A croire que les hommes McGrath ont dû mal avec l’immobilier de la région. "Bien sûr. Je vais lui envoyer un message." Il s'exécute à l'instant même alors qu'elle occupée à se battre avec Pancake pour lui mettre son collier, quand lui ne pense finalement qu'à jouer. "Je vais faire des efforts, tu sais. C'est promis." Les mots arrivent de nulle part et il ne les prononce pas bien fort, mais au moins il se dit qu'ils ont enfin franchi la barrière de ses lèvres. Il va aller mieux pour elle, c'est promis. Il va faire en sorte que tout aille bien, c'est promis aussi. Ses lèvres se pincent au moment de la confession et il croise un instant son regard, stupidement ému de la chose. La vérité, c'est qu'il est déjà bien plus heureux désormais et que rien dans le programme de la journée ne pourrait venir assombrir le tableau. "Tu sais ce dont la maison aura besoin ? Une chambre d'amis." Elle pourra avoir bien des utilités mais pour le moment encore, inviter des amis de l'un ou de l'autre n'aurait rien d'une nouveauté et il serait effectivement heureux de pouvoir les accueillir pour une nuit. En attendant, ils ont un programme chargé à remplir et surtout toute une journée à passer sans ne surtout pas parler de ce qui est arrivé.

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Lucia Whitemore & @Swann McGrath

Il promet et je m’en contente, pourtant au fond consciente que ce n’est pas le genre de chose sur laquelle il a le pouvoir d’agir. S’il a été malheureux à mes côtés, que ce soit de ma faute ou non, comment peut-il garantir qu’il ne le sera pas à nouveau ? Comment lui en vouloir quand les sentiments ne se contrôlent pas ? Je tranche en faveur du déni et de la politique de l’autruche : je décide que ces considérations seront des problèmes pour la Lucia de demain puisque, sur l’heure, je m’accroche à sa promesse au point de me convaincre que cela suffira à tourner la page et effacer toutes mes angoisses.

Si j’ai peur, il n’existe pas une parcelle de mon être qui en veuille à Swann. J’en veux à Lawrence, j’en veux à son père de n’avoir rien dit, j’en veux à sa mère de lui avoir menti, j’en veux à Matt de ne pas l’avoir pris dans ses bras avant de s’adresser à lui d’un ton froid et, en tête de peloton, je m’en veux à moi de tout mon être. Alors ses excuses, elles me mettent mal à l’aise puisque je n’estime pas les mériter. La situation me rend triste certes, mais c’est de ma faute, entièrement de ma faute et je n’ai pas envie que la culpabilité vienne alourdir son fardeau. « Au contraire. Je te dois beaucoup. » Mes bras s’enroulent un peu plus autour de lui, ma paume se pose dans sa nuque et je me détends au contact de son souffle dans ma nuque et de la chaleur de son corps contre le mien puisque cela me rappeler une chose : il est en vie. Il est en vie et les choses auraient finalement pu être bien pire. Rendue muette par l’émotion, je reste silencieuse quand j’ai envie de lui répondre qu’il n’imagine pas tout ce que moi je lui dois. Lorsque nous nous sommes rencontrés, j’étais persuadée de ne pas avoir ce qu’il fallait pour intéresser qui que ce soit, plus jamais. Lawrence avait fait entrer à coup de marteau dans mon esprit que je n’étais pas digne de l’amour qu’il me portait, pas digne d’être aimée, tout court. Alors dans son cou, je souffle un « Merci » avec pudeur.

Un jour peut-être, nous serons deux adultes fonctionnels et capables de parler de nos sentiments et de nos peines sans trembler et sans repousser l’instant. Pour l’instant, nous parlons de notre futur chez nous pour ne pas admettre à voix haute que celui ci est trop rempli de mauvais souvenirs. L’endroit où nous nous installerons prends alors des allures de havre de paix, et je n’ai pas envie de regarder la réalité en face et d’entendre qu’un nouvel appartement ne règlera pas tout, qu’il chassera les mauvais souvenirs peut-être, mais qu’il ne suffit pas d’un coup de baguette magique pour nous relever de cette épreuve. « Non, non. Je suis d’accord. Je veux habiter avec toi, avoir un jardin, aller dans un endroit plus grand. » « Dans un jardin, on pourra même mettre une petite piscine gonflable pour Pancake. » Le genre de bain de pied que l’on achète pour les bambins. Le ridicule ne tue pas et, pour le chiot dont nous sommes tous les deux gaga, je suis prête à toutes les dépenses. « On pourra avoir un vrai sapin de Noël et déjà prévoir où le mettre. » Les détails insignifiants nous aident tous les deux à nous projeter et, avec un grand sourire sur les lèvres, je hoche la tête et je renchéris. « On pourra organiser des soirées et accueillir des gens, tu sais, comme de vrais adultes. » Les yeux qui pétillent, un dernier rire, et nous réalisons tous les deux qu’il ne suffit pas de claquer des doigts pour le trouver, ce nid d’amour. Qu’il nous faudra peut-être remuer ciel et terre et que, pour l’instant, nous serons coincés ici. La solution que mon petit ami propose, je serais prête à sauter dessus si toutefois je n’avais pas peur qu’elle ravive de mauvais souvenirs : je ne sais pas comment a tourné la discussion entre les deux frères. « Bien sûr. Je vais lui envoyer un message. » « Ce serait bien. Et pas uniquement parce qu’on pourrait prendre un Chaï Latte pour tous les petits déjeuners. » En d'autres mots : merci de prendre en compte mes émotions. Avant lui, j’avais oublié ce que cela faisait, d’être considérée.

« Je vais faire des efforts, tu sais. C'est promis. » Je pourrais croire que j’ai rêvé cette phrase si, en me redressant le chiot dans les bras (il est trop petit pour descendre les escaliers de l’immeuble voyons), je ne l’avais pas trouvé les bras ballants et un peu gêné. « Je t’aime. » c’est la bonne réponse. Je t’aime, ça veut surtout dire que je n’ai pas besoin qu’il change pour moi. « Tu sais ce dont la maison aura besoin ? Une chambre d'amis. » « Tu sais quoi ? » Alors qu’il referme la porte et que nous descendons les marches de l’immeuble, je lui vole un baiser. « J’ai peut-être commencé à regarder des appartements avec deux chambres. » Pour les amis, bien entendu.

RP terminé