L’Américain n’était du genre à tourner sa langues sept fois dans sa bouche avant de parler, il était plutôt spontané et n’avait pas hésité à mettre en avant un fait qui fit rire Sofia. Il appréciait son rire et ne manqua pas de sourire en retour. « Ça veut dire qu’il y aura une prochaine fois ! » Qu’il disait en haussant les sourcils. Il plaisantait sur le moment, mais la revoir dans d’autres circonstance ne déplaisait pas au brun. « Je vais finir par croire que vous avez quelque chose contre l’Amérique ! » Qu’il plaisantait alors qu’elle vantait les vins français au détriment du whisky qui ne cessait de passer entre leur main depuis leur arrivé sur la plage. Un whisky Américain. « J’irai un jour, puis j’espère ne pas être déçu, si c’est le cas je saurai vers qui me tourner.» Il la taquinait, mais comptait bien aller un jour en France, un jour ou il n’aura plus autant de problèmes. Il riait lorsqu’elle affirma préférer les koalas. « C’est mignon les koalas ! Puis je pense que ça ne fait pas de mal de changer d’horizon quelques fois, il faut juste bien choisir sa destination. » Brisbane c’était présenté comme une belle opportunité pour l’Américain et il ne le regrettait pas.
Lorsqu’il avait posé son regard sur Sofia, il eut comme un moment d’absence. Il ne pouvait pas vraiment expliquer ce qu’il se passait à ce moment précis, mais son regard c’était encré dans le sien et il était difficile pour lui de décrocher. Il la déposait juste après sur le sable, n’imaginant pas une seule seconde que ses dires l’avaient touché. Il remarqua cependant que son sourire s’effaça à ce moment précis, alors qu’il la taquinait au sujet de sa chute. Il observa, mais n’en dit rien. Un retour à la réalité allait s’imposer lorsque cette soirée arriverait à terme. Il allait devoir retourner à ses affaires, à sa guerre. Devenir à nouveau ce monstre. Il fronçait légèrement les sourcils en pensant à cela. S’il le pouvait il resterait ici avec Sofia qu’il connaissait depuis quelques heures et oublierait le reste afin de vivre éternellement cette soirée qui lui avait fait le plus grand bien. Tout avait pourtant pourtant mal commencé ce soir, alors qu’il buvait seul dans un bar inondé de nuages noirs, une routine qui c’était installé depuis un moment déjà pour l’Américain qui avait subi de nombreuses épreuves ces derniers mois. La perte de sa femme, qui malgré la haine entre eux l’avait marqué, la perte de terrain du Club face à la Ruche, la perte de son alliée la plus proche, Raelyn, puis la perte du lien avec son petit frère. Il se retrouvait presque seul à vouloir battre ses démons, sachant que son rôle à la tête du gang ne tenait qu’à un fil. Il poussait un léger soupire. « Malheureusement. » Après avoir regardé l’horizon il tourna la tête vers Sofia qui lui affirmait ne pas vouloir oublier. « On n’est pas obligé d’oublier, puis je pense que je vais être obligé de vous emmener faire un tour en moto à un de ces jours !» Bien que pour leur bien c’était peut-être nécessaire. Mitchell menait une vie qui ne laissait pas de place à une présence féminine dans sa vie, c’était bien trop risqué, puis il se rappela qu’elle lui avait dit un peu plus tôt n’avoir jamais fait de moto et pour lui c’était un bon argument pour la revoir. « Puis ce n’est pas encore terminé. » Qu’il disait avant de faire face à la française en lui tendant la main et en lui montrant de la tête l’eau à quelques mètres. « Et si la petite sirène me montrait ses talents de nageuses ?» Un sourire en coin, il comptait bien terminer cette soirée sur un brin de folie, tout comme elle avait commencé. A cette période de l’année l’eau était plutôt bonne, puis ça leur permettrai peut-être de se rafraichir les idées par la même occasion.
« Ça veut dire qu’il y aura une prochaine fois ! » Était-il entrain de la draguer ? Parce que si c’était le cas, elle n’était pas certaine que sa méthode fonctionne. Néanmoins, elle devait avouer que cela faisait bien longtemps qu’aucun homme ne lui avait fait la cour et ça lui manquait parfois. Son mari ne cherchait plus à la séduire, il préférait largement les jeunes femmes de dix ans ses cadettes. Elles étaient plus accessible, plus impressionnable et surtout il n’avait plus à s’en faire pour ses contraintes maritale. Il accusait son épouse de ruiner sa vie et comme pour la punir, il se permettait d’aller voir ailleurs. Il ne s’en cachait presque pas, la traitait de paranoïaque lorsqu’elle les mettait face à la vérité. Quelque chose s’était définitivement détruit dans son couple et pourtant elle était toujours là, avec le même homme sans pour autant l’aimer. De son côté, la productrice avait la sensation de passer à côté de sa vie. Son travail était devenue son unique raison d’exister. À quarante ans passé, elle avait la terrible sensation d’être prisonnière dans un monde qui ne lui convenait plus et surtout elle avait conscience de tous ses mensonges qu’elle racontait à qui voulait l’entendre. « Vous n’en manquez pas une… » dit-elle avant finalement de rire à nouveau à la perche qu’il avait saisi. En fin de compte, s’il était entrain de la draguer, elle aimait bien cela. Ça lui donnerait autre chose à penser pour quelques jours. Peut-être qu’elle aurait la sensation de retomber en adolescence lorsqu’elle aura des papillons dans le ventre en repensant à cette folle soirée. En attendant, elle profitait de l’instant sans se poser des questions. « Je vais finir par croire que vous avez quelque chose contre l’Amérique ! » elle secoua la tête, bien au contraire elle appréciait les américains, ils n’avaient pas à s’accommoder de faux-semblants et souvent elle enviait leur joie de vivre. En France, c’était un peu plus compliqué. Il y avait des règles de conduites partout. Il fallait toujours faire attention à tout et éviter d’être mal compris. Elle avait appris à vivre avec des tabous par peur du conflit ou du "que dira t-on ?" . « J’irai un jour, puis j’espère ne pas être déçu, si c’est le cas je saurai vers qui me tourner.» Elle ne craignait rien de ce côté, la réputation de son pays était toute faite. Qui ne rêvait pas de se pavaner le long des Quais de seine, de se prendre en photo devant la dame de fer et finir devant la plus belle œuvre de Léonardo de Vinci ?
Posée sur le sable, elle espérait que cet instant ne se termine jamais. Elle s’était retrouvée à formuler à haute voix son envie. Au fond, elle savait que ce qui rendait cette rencontre belle c’était qu’ils ne se connaissaient pas. Ils n’avaient pas à réellement se soucier des tracas de l’autre et pour cette raison elle n’avait pas besoin de faire semblant d’être une autre. « On n’est pas obligé d’oublier, puis je pense que je vais être obligé de vous emmener faire un tour en moto à un de ces jours !» elle hocha les épaules. L’idée lui plaisait, sur le papier elle était même idéale mais elle savait que l’alcool parlait pour eux. Ils avaient l’un comme l’autre des postes importants, des vies bien remplies et surtout elle était mariée. Et même si elle ne faisait rien de mal, elle avait la sensation de marcher dangereusement sur un fil. De son côté, elle ne savait rien non plus de cet homme. Bien qu’elle ne se méfiait pas de lui et qu’il avait prouvé sa bonne foi toute la soirée, peut-être qu’il n’était pas celui qu’il prétendait. La Sofia du quotidien n’était ni drôle, ni légère. C’était une femme frustrée, coincée et totalement fausse. Il ne pourrait supporter de rester plus d’une heure dans la même pièce qu’elle. « Et si la petite sirène me montrait ses talents de nageuses ?» elle le regarda un instant, tentant de chercher s’il était sérieux ou s’il cherchait à se payer sa tête. Elle s’apprêtait à dire non, à laisser l’assommante Sofia prendre le dessus. Puis sans raison particulière, elle changea aussitôt d’avis. C’était la nuit de la folie après tout. Celle où elle s’était autorisée tous les excès qu’elle n’avait pas l’habitude de commettre. « Un bain de minuit ? » dit-elle, avant de se lever, abandonnant sa jupe crayon et sa chemise en soie sur le sable pour ne se retrouver qu’en sous-vêtement de luxe. « Le dernier à l’eau devra chanter ! » dit-elle sans lui laisser le temps de courir…
Bon d’accord, il était entrain de la draguer, mais ce n’était pas quelque chose d’étonnant pour l’Américain qui était plutôt habitué à ce genre de pratique et ce même sans alcool. Il avait toujours été charmeur comme homme et ça ne lui avait pas vraiment réussi à vrai dire. A ce jour il était veuf et seul plus que jamais. Il passait des instants sous les draps avec des jeunes femmes, sans lendemain et même s’il ne l’avouait pas directement, il souffrait de cette solitude, une solitude qui avait commencé à se creuser bien avant la mort de sa femme qui avait abusé une fois de plus de la drogue l’été dernier. Il avait perdu Mavis il y a quelques années déjà, alors que chacun de leur échange se transformait en une dispute. La jeune femme était jalouse au plus haut point et ne manquait pas de faire des crises dignes d’une hystérique face à l’Américain, qui compensait tant bien que mal ce mal être dans son couple. Pourtant lorsqu’il l’avait découverte inconsciente dans la salle de bain, alors qu’il rentrait d’une soirée arrosée en compagnie de Raelyn, il avait ressentit une certaine tristesse. Il ne l’aimait peut-être plus, mais il avait toujours un fort attachement envers elle et continuer sans elle avait été difficile, à un tel point ou il avait fait sombrer l’organisation criminelle avec lui, perdant du terrain et surtout perdant en crédibilité auprès de ceux qui jusque-là avaient toujours été loyaux envers lui.
Mitchell lui avait proposé un tour en moto, une proposition qui était motivé par l’alcool, mais qui ne lui déplairait pas pour autant. Ce qu’il appréciait à l’heure actuelle c’était de pouvoir être quelqu’un d’autre que ce monstre qu’il était chaque jour. Sofia ne connaissait pas son interlocuteur et se comportait naturellement face à lui –ou du moins aussi naturellement que possible avec quelques grammes dans le sang- Il n’avait pas idée du quotidien de la brune et il ne voulait pas le savoir. Ce qu’il voyait lui suffisait pour savourer ce moment au bord de l’eau. Ils n’allaient peut-être pas se revoir, chacun retournant à leur vie respective, voulant sûrement se remettre de la gueule de bois certaine le lendemain. L’Américain lui offrait un énième sourire avant de la défier à effectuer un bain de minuit. Il l’avait sentie hésitant sur l’instant, mais l’expression sur son visage changea en seulement quelques secondes. Il n’eut le temps de réagir qu’elle était déjà entrain de courir vers l’eau après avoir délaissé ses vêtements. Mitchell riait, bien qu’il détestait perdre dans la vie de tous les jours. Il était plutôt du genre mauvais perdant et digérait difficilement la défaite habituellement, mais ce soir c’était bon enfant, un bond dans le temps ou les problèmes d’adultes n’existait pas. Ça lui rappelait son adolescence en partie, du moins lorsqu’il avait des jours heureux, car ce n’était pas la joie à la maison et chaque instant passé à l’extérieur le faisait souffler et oublier à quel point son père était un connard. Il avait retiré sa chemise après avoir jeté son mégot sur le sable, non sans mal. Déboutonner des boutons en ayant bu n’était pas vraiment pratique. Il retirait son pantalon, évitant de peu de trébucher sur le sable et se mit à courir derrière Sofia qui avait pris une longueur d’avance. Il arrivait derrière elle en riant et même s’il avait été le dernier à mettre les pieds à l’eau, il ne manqua pas de la saisir par la taille, la soulevant pour lui donner un train de retard. « Vous avez triché ! » Qu’il disait tout en se rendant compte qu’il était vraiment dans l’eau à cette heure tardive avec une inconnue à rire à tue-tête. « Je suis vraiment déçu par votre comportement ! On ne vous a jamais dit que c’était pas bien de tricher ? » Il avait du mal à garder son sérieux en parlant et son sourire était parfaitement lisible. Il se mit à l’éclabousser en riant, tel un enfant. « Pour la peine j’estime avoir le droit à une seconde chanson ! » Ajoutait-il sans cesser de l’éclabousser sans être pour autant brut dans ses gestes. L’eau salé ne faisait pas vraiment bon ménage avec l’alcool. Se mettre à chanter ne faisait pas partie de ses plans et il espérait que Sofia n’allait pas insister pour qu’il pousse la chansonnette, car il la ferait sûrement fuir. Il était surpris par la température de l’eau qui ne lui paraissait pas spécialement froide pour l’heure tardive, alors que seul la lune donnait un minimum de luminosité.
La soirée touchait doucement à sa fin, et bien qu’elle s’était autorisé un bain de minuit avec ce parfait inconnu, Sofia avait conscience qu’elle allait bientôt devoir entrer chez elle. Ses angoisses reprenaient doucement le pas sur elle, malgré qu’elle tentait de profiter au maximum de l’instant présent. Elle avait envie de s’autoriser quelques folies avant de retrouver son assommante routine. Au fond, elle espérait que la lune se décroche du ciel pour venir s’écraser directement sur sa maison et tout ce qui pouvait s’y trouver. Parfois, il lui arrivait d’espérer qu’Elliott ne soit plus là, qu’un matin il ait plus de courage qu’elle pour la quitter à défaut de pouvoir le faire elle-même. Son mariage ne rimait plus à rien, ce n’était rien de plus qu’une mascarade, une mauvaise comédie à laquelle elle ne voulait plus participer. Elle avait eu besoin de se s’éloigner quelques instant de son quotidien et Mitchell avait parfaitement réussi sa mission. En l’espace d’une nuit, elle avait eu l’impression de devenir une autre. Son rire raisonnait sur toute la plage, disparaissant au loin avec les vagues. Elle avait l’impression d’avoir perdu trente ans. Elle se comportait comme une gamine, elle riait de tout et de rien sans se soucier de ce qu’on pouvait penser d’elle. L’alcool avait également participer à son état euphorique. Il ne lui avait fallu que quelques secondes pour se déshabiller et rejoindre l’eau. Une chance pour elle, cette dernière n’était pas trop froide. Elle continuait de courir pour ne pas se faire rattraper, alors qu’elle était sur le point de gagner, elle sentit ses pieds se lever du sol alors que deux gros bras venaient entourer sa taille. « Vous avez triché ! « protesta t-il, alors qu’elle tentait de se débattre pour essayer de retrouver le sol. « C’est faux… vous avez perdu ! » renchérit-elle avant de se mettre à rire de nouveau. « Je suis vraiment déçu par votre comportement ! On ne vous a jamais dit que c’était pas bien de tricher ? « sans même lui laisser le temps de lui dire le moindre mot, il vint l’éclabousser alors qu’elle tenta de se défendre de la même façon. Il était trop tard pour elle de s’inquiéter pour son parfait brushing. Elle qui d’ordinaire y accordait beaucoup d’importance semblait ne plus y porter la moindre attention. « C’est bon, stop… je plaide coupable. » dit-elle en levant les mains totalement mouillée. Elle rigolait comme une folle, oubliant presque le monde qui l’entourait. « Pour la peine j’estime avoir le droit à une seconde chanson ! « dit-il tout en continuant à l’arroser, alors qu’elle peinait à se défendre devant le grand gaillard. « Stop, j’accepte. C’est bon, vous avez gagné. » avoua-t-elle à contrecœur. Il finit par s’arrêter, et elle prit place dans l’eau pour ne pas attraper froid. « Qu’est-ce que vous voulez que je vous chante ? » Sofia n’était pas non plus douée pour pousser la chansonnette. Elle avait fait quelques cours de chant par le passé avant finalement de se tourner vers un instrument. « On peut aussi chanter ensemble, et comme ça j’aurais enfin l’occasion d’entendre votre somptueuse voix. »
La plaisanterie était au beau fixe et un retour en enfance était de mise lors de cette soirée qui c’était voulu inattendu. Mitchell qui se noyait sous les problèmes depuis de nombreux mois, respirait enfin, il retrouvait un semblant de liberté dans son monde qui faisait de lui le grand méchant montré du doigt destiné à être seul et malaimé. Ce soir Sofia ne le voyait pas comme ce vilain personnage, elle ne le connaissait pas et ne le jugeait pas. Elle prendrait sûrement ses jambes à son cou si elle apprenait qu’elle faisait mumuse avec un criminel tacher de sang, l’opportunité pour l’Américain de se comporter normalement et de retrouvant un semblant d’innocence le temps de quelques heures. Son rire le faisait automatiquement rire en retour alors qu’il l’arrosait de plus belles au fil des secondes. L’écho du vacarme qu’ils faisaient raisonnait à travers la vaste plage et à travers les vagues qui échouaient sur le sable fin, quiconque passerait par là, les prendraient pour un vulgaire couple s’exhibant la nuit tomber dans un lieu public, alors que leurs vêtements se retrouvaient éparpiller sur le sable.
« Vous baissez trop vite les bras ! » Qu’il disait avec humour. « Boouh ! » Ajoutait-il avant de rire et de l’éclabousser une dernière fois. L’eau n’était peut-être pas froide, mais la brise nocturne qui soufflait ne manquait pas de donner des frissons à l’Américain qui mima la décision de Sofia qui prenait place dans l’eau. Il constatait qu’en effet ça allait mieux, mais se doutait que ça n’allait pas être éternel comme sensation et que le froid reviendrait très vite. Sourire et regard satisfait lorsqu’elle avoua qu’il avait gagné il pencha la tête tout en l’observant. « Je vous avoue que je n’aime pas perdre. » Il marquait une pause. « Je déteste ça ! » Pour Mitchell perdre c’était comme vivre une fin du monde. Il avait toujours avancé dans la vie comme un vainqueur et chacune de ses chutes avait blessé son égo. Dernièrement, il avançait dans la vie comme un looser, il était loin des victoires et tentait tant bien que mal de sortir la tête de l’eau. Sa confiance en lui qui pourtant était indestructible jusqu’à ul y a peu, s’évanouissait au fil des semaines et même s’il tentait de sauver les apparences –ce qu’il faisait le mieux finalement- il vivait mal le fait d’être autant à la ramasse, d’avoir tant perdu sans se rendre compte qu’il allait bientôt perdre d’avantage. « Pourquoi pas une chanson en français. » Qu’il disait avec un sourire en coin. « Je trouve la langue française vraiment … magnifique ! » Pour ne pas dire sexy. Elle l’invitait finalement à la rejoindre dans un chant alcoolisé et il ne manqua pas de rire à cette proposition. « Je ne vous garantie pas un plaisir pour les oreilles, mais si vous m’apprenez à chanter quelques mots en Français, je vous suis ! » Pourquoi pas après tout, puisque c’était la soirée de toute les folies visiblement. Il n’avait pas la meilleure voix au monde, mais dans leur état, elle ne lui en tiendrait sûrement pas rigueur.
Renoncer ne faisait pas parti de son vocabulaire. Sofia était une compétitrice et elle avait une sacro-sainte horreur de perdre. Pourtant, il y avait deux choses qui pouvaient la faire abdiquer : les chatouilles et son brushing. Les sommes pharaoniques qu’elle pouvait dépenser pour ses cheveux étaient indécentes. Il n’y avait pas une semaine où elle ne passait pas au salon pour refaire quelques retouches. Elle accordait énormément d’importance à son physique ainsi qu’à l’image qu’elle pouvait renvoyer. Elle m’était un point d’honneur à rester irréprochable même dans les pires moments bien que ces temps-ci ce n’était pas gagné. Elle avait la sensation de creuser un peu plus sa tombe et à chaque fois qu’elle pensait avoir touché le fond, il y avait toujours quelque chose pour l’enterrer un peu plus. Pourtant, et cela depuis bien longtemps, elle avait l’impression d’avoir retrouvé un peu de sa liberté avec cet inconnu. Elle avait laissé tomber ses filtres et ses faux-semblants, laissant place à une Sofia trop longtemps refoulé. Malgré que l’alcool inhibé tout son être, elle se sentait joyeuse. Elle n’avait pas autant ri depuis longtemps. « Vous baissez trop vite les bras ! » peut-être qu’à ce jeu elle se montrait bonne perdante mais le reste du temps, il était difficile de l’entendre s’avouer vaincu. Elle se protégea le visage alors qu’il tenta de l’éclabousser une dernière fois. « Je vous avoue que je n’aime pas perdre. » elle arqua un sourcil, alors qu’elle pris place dans l’eau y plongeant la moitié de son corps. « Parce que vous connaissez quelqu’un qui aime perdre ? » demande-t-elle aussitôt. Elle sourit de nouveau, faisant couler l’eau entre ses doigts « Je déteste ça ! » elle pouvait presque se reconnaître dans sa détermination. Elle n’aimait pas perdre également, bien que ces derniers temps c’était elle-même qu’elle avait la sensation de perdre. Aussitôt, elle eut l’impression d’être de nouveau triste alors qu’elle lui proposa de chanter en chœur et ensemble. Elle tenta d’effacer son chagrin pour ne pas gâcher ce dernier moment puis se força à retrouver le sourire qu’elle arborait depuis le début de leur soirée. « Une chanson française donc… » dit-elle tentant de retrouver dans son répertoire mentale des paroles facile à retenir pour l’anglophone : « Quand, il me prend dans ses bras… » commence-t-elle, faisant glisser délicatement ses doigts dans l’eau. « Qu’il me parle tout bas… » continue-t-elle timidement « Je vois la vie en rose…. » son sourire vient de nouveau étirer ses zygomatiques : « À vous. » lui ordonne-t-elle alors qu’elle reprend de plus belle le refrain. « Allez ! À vous… » insiste-t-elle l’obligeant à pousser la chansonnette également.
La compétions faisait partie intégrante de la vie de l’Américain. Etre le meilleur, être le plus fort, un fait qui avait déjà commencé à son plus jeune âge alors qu’il venait de débuter des courses de motocross. Chaque défaite le mettait hors de lui et cacher l’amertume que perdre lui procurait était très difficile. Il ne se considérait cependant pas comme un mauvais perdant, bien au contraire. Il trouvait toujours des excuses pour expliquer sa défaite et à l’heure actuelle c’était toujours le cas. « Aimer perdre non, mais beaucoup arrivent à supporter la défaite, un peu trop à vrai dire. Je ne sais pas comment ils font, je ne comprends pas ces gens. » Qu’il disait en riant. « Est-ce qu’assumer le fait d’être mauvais perdant ferait de nous des personnes horribles ? » Il haussait les épaules sans perdre son sourire, faisant référence à lui-même sans pour autant le préciser. L’instant passé avec la brune était unique en son genre, ils ne se connaissaient pas, mais ne manquaient pas de passer un bon moment, bien que l’Américain ne manqua la perte du sourire de Sofia. Il n’en dit rien, lui-même en était arrivé là parce que ça n’allait pas et le but était de laisser les problèmes à la porte. Il l’écouta chanter avec beaucoup d’attention, appréciait les paroles en Français qui donnait un certain charme à la brune. Il lui souriait jusqu’au bout et perdit ce sourire lorsqu’elle l’invita à poursuivre. Mitchell Strange ne chantait jamais, pas même sous la douche et là il était invité à le faire face à une belle inconnue. Heureusement, l’alcool prit le dessus et ne pas accepter le ferait passer pour un dégonfler. Il prit la parole en riant. « Vous devriez boucher vos oreilles ! » Il se décidait à pousser la chansonnette en reprenant la suite de la chanson que Sofia avait commencé. Un classique Français connu dans le monde entier qu’il avait entendu bien des fois. « Il me dit des mots d’amours, je ne me souviens plus des paroles, je vois la vie rose ! » Il perdait son sérieux et se mit à rire ne pouvant poursuivre. « C’était horrible ! C’était beaucoup plus intéressant quand c’était vous ! » Qu’il ajoutait avant d’observer la plage qui était toujours déserte. « Je pense qu’on devrait sortir de l’eau avant de prendre un coup de froid. »
De toute sa vie, Sofia n’avait jamais transgressé les règles. Jusque-là, elle s’était comportée exactement comme on lui avait demandé de faire. Elle ne faisait pas de dérive, menait une vie plutôt ordinaire bien qu’elle évoluait dans un milieu de requin. Elle faisait les bons choix, du moins en apparence et au regard de la société. Parce que oui, Sofia était une citoyenne modèle, son chemin avait toujours été droit. Elle était issue d’une famille aimante bien que son père avait la réputation d’être autoritaire. Il l’avait quasiment élevé seul à la mort de son épouse, faisant d’elle une vraie femme indépendante et autonome. À l’école, elle avait toujours fait parti des meilleurs puisqu’il n’avait que cette façon pour satisfaire le grand Pierre Caron. Toute sa vie avait tourné de cet homme. Ce premier homme, son père, celui qu’elle avait essayé par tous les moyens de rendre fier. Le traumatisme d’une vie, qui l’obligeait encore et toujours à donner le maximum d’elle-même. Elle ne se ménageait que très peu et la place qu’occupait son travail dans son quotidien prenait l’entièreté de son temps. La première fois qu’Elliott, son mari, lui avait parlé d’enfant, elle avait frôlé la crise cardiaque. Quelle idée ? Ils étaient encore jeunes… du mois pour Sofia qui ne s’était jamais vraiment soucié de son horloge biologique. À quoi bon pour l’instant, avait-elle pensé. Puis les années avaient filé, sans qu’elle ne sache retenir plus longtemps l’envie paternelle de son mari. Peu à peu, l’amour qui avait autrefois existé entre eux c’était envolé tombant chacun dans des dérives. À défaut de se quitter, ils avaient en sorte de transformer le quotidien de l’autre en véritable enfer. La violence était devenue leur quotidien, parfois verbale mais trop souvent physique. Elle était tombée au plus bas, elle qui s’était autrefois juré de ne laisser personne lever la main sur elle se retrouvait battu un soir sur deux. L’alcool était devenu son quotidien, parce qu’en plus de noyer son chagrin c’était elle qui se noyait dans les abîmes de son mal-être. Pourtant ce soir, elle avait eu l’impression de renaître. Une rencontre qui n’aurait jamais dû se faire si elle ne s’était pas montré une fois de plus imprudente. Cet homme qu’elle ne connaissait ni d’Eve, ni d’Adam, lui avait permis en l’espace de quelques heures de se sentir une autre personne. « J’ai l’air d’accepter la défaite ? » dit-elle un petit sourire malicieux sur le coin de la bouche avant de lui envoyer de nouveau de l’eau dessus. S’il pensait que Sofia était du genre à laisser les autres facilement gagner, il se trompait clairement sur la personne. Perdre ne faisait pas parti de son vocabulaire, ce mot l’irrité tout autant. Elle avait accepté son défi, choisissant la chanson préférée de sa mère. Après avoir rempli sa part du contrat, elle lui jeta un coup d’œil l’air de lui demander d’honorer la sienne. « Il me dit des mots d’amours, je ne me souviens plus des paroles, je vois la vie rose ! » son accent américain la fit sourire. Bizarrement, elle trouva même cela sexy. Une pensée qu’elle voulut chasser de son esprit sans totalement y parvenir. Elle était complètement ivre, au milieu de l’eau à une heure peu convenable avec cet inconnu. Rien de ce qui se passait ce soir n’avait de sens. Il n’était plus là question d’être encore raisonnable. Elle l’avait été toute sa vie, mais pas ce soir. « Je pense qu’on devrait sortir de l’eau avant de prendre un coup de froid. » elle acquit d’un signe de tête. Il avait raison, ils allaient prendre froid s’ils restaient là, mais qu’importe. « C’est vrai, on devrait rentrer… » conclut-elle à son tour sans totalement être convaincu de ses propres paroles. « Mais je m’en voudrais probablement de ne pas vous remercier de cette nuit… » dit-elle en s’approchant de lui. « J’ai très envie de vous embrasser… »
Ça n’avait aucun sens et pourtant, c’était plaisant. Ils étaient là, dans l’eau au milieu de la nuit à moitié nu, chantant une chanson française, s’arrosant en riant. C’était bon enfant, c’était une parenthèse dans la vie de l’Américain qui n’avait jamais vécu un tel moment avec une parfaite inconnue. Rien était calculé, il était lui-même et c’est ce qu’il appréciait d’avantage, malgré l’alcool qui était fortement présent dans son sang. Elle voulait le remercier pour cette soirée passée, mais finalement n’était-ce pas lui qui devait la remercier ? Il avait passé un moment qui lui avait changé les idées bien plus que quelques heures plus tôt au comptoir du bar où il avait passé son début de soirée. Ils étaient comme deux adolescents, jouissant de la liberté, ayant une vie devant eux pour pouvoir se permettre tous les écarts souhaités. Mitchell avait l’impression de vivre une nouvelle fois, loin de sa vie actuelle. Ce soir, tout était permis, l’alcool aidait plutôt bien, mais se laisser aller sans se poser de questions faisait un bien fou et il ne pouvait pas le nier. Alors, lorsque Sofia lui fit savoir qu’elle voulait l’embrasser, des paroles qui ne manquèrent pas de le faire sourire. Un sourire incontrôlé qui était digne d’un adolescent pré pubère. Il se ressaisissait assez rapidement et plongeait son regard dans celui de Sofia. « Qu’est-ce qui vous en empêche ? » Qu’il lui demandait sourire en soin, regard rempli de malice. Il ne savait rien d’elle, il l’avait juste sauvé d’une nuit qui aurait pu mal se terminer pour elle, il n’allait sûrement jamais la revoir et ils auraient peut-être oublié une bonne partie de la soirée le lendemain au réveil, donc pourquoi se priver ? Il attendait aucune réaction de la part de la brune, ne lui laissant pas le temps d’en placer une. Il prenait les devants et réduisait d’avantage la distance entre eux pour finalement déposer un baiser sur ses lèvres. Un court instant qui une fois encore le fit oublier bien des choses. « Euh … » Il recula sans la quitter du regard. « Excusez-moi, je n’aurai pas du … » Regrettait-il vraiment le fait de l’avoir embrassé alors qu’ils étaient sous l’emprise de l’alcool et qu’ils se connaissaient depuis à peine quelques heures ? Pas vraiment. Il avait fait ça de nombreuses fois. C’était plutôt un moyen de paraître respectueux, la raison prenant le dessus pour une fois. « Ne pensez pas vouloir me remercier ainsi, invité moi plutôt à boire un verre un de ces jours ! » Qu’il disait finalement, en lui montrant la plage de sable. « Venez, vous avez la chair de poule. » Ajoutait-il en passant son doigt sur son bras délicatement apercevant un bleu qu’il observa sans dire un mot, lui tendant ensuite la main pour l’aider à sortir de l’eau. La marche fut difficile alors que le sable n’hésitait pas à s’accrocher à la peau de leurs pieds. L’Américain attrapait les vêtements laissé sur le sol, tendant son t-shirt à Sofia. « Tenez, essuyez vous avec ça. » Qu’il disait avec un sourire. Son t-shirt n'était pas indispensable, il pouvait très bien s'en passer, alors que pour elle se retrouver avec des vêtements trempé serait sûrement désagréable.
Ce qui l’empêchait de le faire ? Un tas de choses à vrai dire. À commencer par la bienséance, son éducation ne lui permettait évidemment pas de se jeter dans les bras du premier venu. De là où elle était, elle imaginait très bien la voix de son géniteur raisonner dans son esprit. Et puis, il y avait une autre raison peu négligeable qui se résumait au solitaire qu’elle avait arrêtait de porter pour des raisons – soit disant – professionnelle et qui suggérait que la jolie dame n’était plus à prendre. Un bijou qu’elle avait tantôt arboré avec fierté, suscitant la jalousie de quelques copines qui aujourd’hui ne signifiait plus rien pour elle. Le prince charmant s’était transformé en crapule et elle peinait de plus en plus à trouver une raison à toute cette mascarade. Sofia avait grandi dans un milieu de privilégié et toute sa vie, elle s’était contenté de faire ce qu’on lui demandait et non ce qu’elle avait réellement envie. Depuis peu, elle semblait se détacher de tous ses principes, à commencer par le fait de passer une soirée de folie avec un parfait inconnu. Il y a peu, elle se serait probablement juger d’être dans cet état. Elle se serait trouvé totalement ridicule et se serait censuré sur tout ce qu’elle avait dit et fait jusqu’ici. L’alcool l’aidait probablement beaucoup mais une part d’elle avait tout à fait conscience de ce qui se passait. Elle allait jusqu’à provoquer un peu plus cette rencontre fortuite. L’embrasser était probablement un nouveau cape qu’elle s’apprêtait à franchir. Au pire, qu’allait-il se passer ? Peut-être même qu’il ne se souviendrait plus d’elle au petit matin, où alors qu’elle ne serait rien de plus qu’une parmi tant d’autres. Il était évident que ce Mitchell devait plaire à bons nombres de femmes. Et si ça se trouve, il était lui aussi marié et attendu par une épouse inquiète qui ne le voyait pas arriver. Qu’importe ! Si autrefois cette idée aurait pu la faire reculer, ce soir elle avait envie d’avancer. Elle se mordit le coin de la lèvres et avant même de tenter quoique ce soit, elle sentit les lèvres de l’américain se poser contre elle. Et bien que l’instant ne dura qu’une poignée de secondes, elle eut la sensation que son palpitant manqua un coup alors que tout son être rentrait en transe. Aussitôt elle rouvrit les yeux, alors qu’il reculait tout en s’excusant. « Si… vous avez bien fait ! » le rassure-t-elle regrettant presque que cet instant ne dura pas plus longtemps qu’elle n’aurait voulu. Cela faisait bien longtemps qu’elle n’avait pas ressenti ça, prise par l’excitation de l’interdit et l’envie de plaire à nouveau. Ces temps-ci elle s’était négligée, perdant peu à peu confiance en elle. Plutôt que de profiter de sa vulnérabilité, Mitchell choisit de se comporter en gentleman. « Ça marche pour un verre. » conclut-elle avant d’avancer vers lui. Son œil se posa aussitôt sur l’ecchymose sur son bras, qu’elle cacha aussitôt avec la paume de sa main. Sans un mot, elle s’avança avec lui vers leurs affaires. Il lui tendit son t-shirt pour se sécher. « Ça va aller, j’habite à côté… » tout au plus à une centaine de mètres, il n’y avait pas de raison de lui abîmer son joli t-shirt griffé. « D’ailleurs, je devrais probablement rentrer. » … avant d’empirer un peu plus ma situation. Peut être qu’Elliott l’attendait. Il lui poserait une centaine de question en la voyant rentrer tremper. Bien sur, elle évitera de lui parler de Mitchell et de sa petite soirée clandestine. Elle lui racontera probablement qu’elle a voulu faire un tour avant de rentrer et que l’eau était bonne et il se contentera de cette histoire pour éviter une nouvelle altercation. Voilà ce qui allait se passer une fois qu’elle retrouverait le chemin de la raison. Elle enfila – non sans difficulté – sa chemise en soie et abandonna l’idée de mettre sa jupe. « Et bien Mitchell, ce fut un plaisir de vous avoir rencontrer. J’espère vous revoir lundi à 16h au Burrow… » dit-elle, une manière de lui proposer un second rendez-vous.