Février 2020

Si l’année dernière avait été un concentré d’émotions, la surprise en avait définitivement fait partie. Et parmi les bonnes, car malheureusement il y en avait également des mauvaises, la réaction de sa sœur face à son grand mal-être avait ouvert les yeux à Elizabeth sur la capacité de soutien que sa cadette pouvait manifester. Il était temps qu’elle la considère davantage comme une adulte et pas comme une enfant qu’elle chercherait sans cesse à protéger. En tous cas, même si il était difficile pour les Warren de se parler ouvertement avec les émotions que cela impliquait, elle souhaitait par contre sincèrement mettre de l’effort à la tâche pour faire évoluer son comportement avec sa soeur. Oui, cela faisait partie de ses bonnes résolutions pour cette nouvelle année. Elle s’attela donc à la tâche et envoya un sms à Scarlett pour lui proposer une session shopping. Maintenant que la tension des fêtes était passée, elles pouvaient repartir sur de bonnes bases. L’avantage avec Scarlett et Elizabeth, c’était qu’elles avaient tellement l’habitude d’être en désaccord qu’elles avaient intégré le réflexe de rapidement passer à autre chose les concernant.

Les deux sœurs s’étaient donc donné rendez-vous dans la grande rue commerçante de Brisbane, là où on pouvait trouver les meilleures affaires et dans une grande diversité : il y en avait pour tous les goûts. Parce qu’il était certain qu’Elizabeth et Scarlett n’avaient pas les mêmes…Elizabeth était arrivée en avance, comme à son habitude, même si elle se doutait fortement que sa sœur ne serait pas aussi ponctuelle. Qu'importe, aujourd'hui, elle passait outre. Elle voulait vraiment que ce soit différent. Elle décida donc de s'installer à un café au bout de la rue en attendant, précisant sa localisation à Scarlett avec un petit sms, au lieu de rester debout à tourner en rond et rager. En temps normal, elle aurait regardé ses e-mails mais là elle prit le temps de répondre à un sms de @Caelan Leckie . Ils venaient de rompre il y a quelques jours, à la St-Valentin, mais ce n’était pas une rupture comme les autres. Ils étaient déterminés à rester dans la vie l’un de l’autre. Certes, ils n’avaient pas de sentiments amoureux l’un envers l’autre mais il était évident qu’ils avaient développé une affection, un profond attachement qui les liait. Et l’un comme l’autre traversait de nouveau une période agitée, ils avaient donc plus que jamais besoin de soutien.

En effet, Elizabeth venait de recroiser il y a peu Connor…ou plutôt Jackson. Après avoir pensé dans un premier temps que Connor était mort et avait en fait un frère jumeau, elle avait découvert que son ex avait perdu la mémoire et elle ne savait pas comment se positionner face à cette situation. Elle se sentait complètement perdue…L’avoir revu ne l’avait pas laissé indifférente, c’était certain, et il avait la meilleure des excuses pour sa disparition totale de la circulation. Mais était-elle prête à le revoir ? Même si ce n'était que de façon amicale...Est-ce que ça pouvait l'être, d'ailleurs, seulement amical ? Il fallait garder à l’esprit comment ça avait terminé la dernière fois…car la façon dont il avait décidé de partir, avec cette pauvre lettre, ça, rien ne pouvait pardonner ceci. Il fallait qu’Elizabeth prenne un maximum de recul, elle ne voulait pas reproduire les mêmes erreurs que dans le passé. Et qui dit résultats différents, dit actions différentes. Elizabeth était donc décidée à parler de cette situation à un interlocuteur pour le moins surprenant : sa sœur. Elle avait besoin d’un regard extérieur, éloigné du sien et franc. Scarlett remplissait à l’évidence ces deux conditions. C’était également l’occasion de s’ouvrir plus à sa cadette et la considérer davantage comme son égale. Cela faisait si longtemps que Scarlett venait piquer Elizabeth pour en savoir plus sur sa vie amoureuse. Et bien aujourd’hui, elle allait être servie. Elizabeth avait bien conscience que l’exercice allait être extrêmement difficile mais elle savait qu’elle avait beaucoup de ressources en elle et qu’elle en était capable.

Elizabeth était dans ses rêveries, chose totalement inhabituelle pour la femme d’affaires toujours rigoureuse et concentrée, et elle sursauta quand la main de sa sœur vint se placer sur son épaule.

« Hey, je ne t’avais pas vu arriver »

Elle lui sourit. Elle but sa dernière gorgée du café qu’elle avait commandé.

« Prête pour une session shopping ? »

Elle attrapa son sac et se leva. Etant donné qu’elle n’avait pas envie d’entendre les réflexions incessantes de sa sœur sur les boutiques de « coincée du cul » dans lesquelles l’amenait Elizabeth, elle décida de laisser la décision du programme à sa sœur. Il fallait qu’elle conserve au maximum son énergie pour pouvoir aborder le dossier Connor/Jackson.

« Tu as un endroit en particulier où tu aimerais aller ? Un achat en particulier à faire ? »


@Scarlett Warren

Charbon actif barbouillant son visage, Scarlett se redressa par-dessus le lavabo telle un suricate aux aguets lorsqu'on frappa à sa porte. Avait-elle été dissipée à ce point quand Beth avait fixé le lieu de rendez-vous ? Elle n'aurait pas été surprise... Le coup d’œil plus que fugace qu'elle avait lancé au miroir l'avait convaincue : elle était bien assez décente pour accueillir son invité mystère, malgré sa peau grimée et la pince posée paresseusement sur le haut de son crâne, empêchant les mèches de cheveux les moins disciplinées d'être engluées dans son masque. Ses yeux s'arrondirent comme deux grosses billes quand elle distingua non pas la silhouette de sa sœur sur le palier, mais celle d'un homme à peu près apprêté – comprendre qu'il était au moins rasé. Si elle avait un jour projeté de faire bonne impression à cet homme, c'était raté. « Salut, tu as laissé ça chez moi. J'imagine que c'était juste un prétexte pour se revoir. » attesta-t-il en extirpant de sa poche une culotte en dentelle noire. Difficile de savoir si son ton un peu crédule renfermait la moindre pensée salace, ou s'il s'attendait juste à repartir avec son numéro. Elle supposa qu'elle ne lui avait pas donné, sinon sa présence aurait été bien plus gênante qu'elle ne l'était. « Excuse-moi mais... t'es qui ? Et comment tu m'as trouvée ? » demanda-t-elle en fronçant les sourcils, incapable de remettre une quelconque situation sur ce visage éberlué, ces yeux d'un bleu glacial ou sur cette dégaine athlétique de laquelle elle n'aurait de toute façon pas prêté attention après quelques verres. « On était chez moi hier soir... chez toi avant-hier. » précisa-t-il, vague, comme trop pudique pour dire à voix haute qu'ils avaient couché ensemble. Cette docilité semblait étonnante de la part d'un grand gaillard, mais c'était peut-être bien ce qui avait rendu leurs ébats si fructueux. « J'en doute. » trancha-t-elle agacée par ce manque d'assertivité, refermant la porte sur son minois déconfit après avoir pris le soin de récupérer ses sous-vêtements. Elle n'était pas charitable à ce point. Un regard sur l'horloge et elle s'activa en catastrophe, nettoyant son visage en vitesse et délogeant la pince de ses cheveux, puis les ébouriffant pour leur donner un effet négligé tout à fait voulu. Elle sauta dans sa voiture, grilla peut-être quelques feux oranges et aussi la place d'une pauvre femme qui avait mis plus de temps qu'elle à manœuvrer. En retard, elle traversa la rue à grands enjambées pour rejoindre sa sœur dans le café où elle avait été assez perspicace pour se réfugier en attendant. Scar posa une main encore fébrile sur l'épaule de sa sœur, comme si cela mettrait fin au chronomètre qui avait égrené son retard. Elizabeth sursauta naturellement mais son ton ne trahissait aucune animosité. « Je suis vraiment désolée, j'aurais été à l'heure si un fou furieux n'avait pas tapé à ma porte en me tendant une culotte. » Son discours n'avait aucun sens, ni d'ailleurs d'autre objectif que d'embrouiller sa sœur, et lui épargner ainsi des explications plus détaillées. Beth sembla laisser couler, attrapant son sac pour marquer le début de leur virée. « Il me faut quelque chose d'un peu classe. Du genre girlboss, sérieux mais quand même stylé. Un truc qui dit 'c'est moi la boss mais je suis une boss cool', tu vois ? » dit-elle avec la certitude que sa sœur était la mieux placée pour comprendre. « Et sinon quoi de neuf ? T'avais l'air vachement enthousiaste, non pas que tu le sois jamais à l'idée de me voir. » En fait, si. C'était suspect, et elles étaient toutes les deux assez lucides sur leur relation pour s'en rendre compte, même si elles déployaient leurs plus beaux efforts pour faire croire le contraire.

@Elizabeth Warren

Lorsque sa jeune sœur commença à parler de son anecdote de la culotte, Elizabeth pesa le pour et le contre dans sa tête de réagir à cette remarque. Elle aurait aimé nourrir sa curiosité mais le risque de dispute était trop important. Elle décida donc de lâcher prise et de n’en rien dire. Sage décision. Elle se saisit de ses affaires, prête à se lancer dans la folle aventure de laisser Scarlett la guider dans des boutiques pendant qu’elle lui confierait le retour d’un fantôme de son passé. Qui l’aurait cru il y a de cela à peine quelques mois ?

Elizabeth posa donc la question à ses risques et périls de savoir où Scarlett avait envie d’aller fourrer son nez.

« Il me faut quelque chose d'un peu classe. Du genre girlboss, sérieux mais quand même stylé. Un truc qui dit 'c'est moi la boss mais je suis une boss cool', tu vois ? »

Cette réponse la dérouta. Aussi surprenant que cela soit, sa cadette semblait parler son langage vestimentaire à elle. Boss ? Depuis quand Scarlett voulait-elle s’amuser à endosser une image de patronne ? Cela dit, elle s’adressait effectivement à la bonne personne si c’était le look qu’elle recherchait. Mais connaissant Scarlett, il y avait sans doute une raison cachée à cette demande…Avait-elle rencontré quelqu’un qu’elle souhaitait impressionner ? Un homme ? Ou bien, envisageait-elle enfin un entretien ailleurs ? Elizabeth se devait d’agir en douceur sinon elle pourrait braquer sa sœur. Et ce n’était clairement pas l’objectif aujourd’hui. Elle tenta de l’amadouer avec de l’autodérision.

« Oui je vois mais faut pas non plus que ça fasse coincée comme moi c'est ça ? Donc le mieux c’est que je t’amène dans des boutiques que je connais mais que tu choisisses toi ce que tu vas essayer »

Elle essayait d’être la plus conciliante possible et elle espérait que sa sœur serait réceptive, même si il y avait fort à parier que sa première réaction serait de l’étonnement, voire de la décontenance.

« Et sinon quoi de neuf ? T'avais l'air vachement enthousiaste, non pas que tu le sois jamais à l'idée de me voir. »

Scarlett soulevait un point très pertinent et Elizabeth s’était préparée à une question ressemblante. Sa jeune sœur n’avait jamais la langue dans sa poche, elle aurait pu donc facilement parier le fait qu’elle allait interroger la soudaine motivation de son aînée à partager davantage de temps avec elle. Pas qu’elles se voyaient jamais, mais cela restait occasionnel et avec de solides raisons, « faire du shopping ensemble » n’en était pas une…

« Peut-être que ça va changer maintenant. En tous cas, ça le devrait. Après tout, tu es ma seule sœur »

Scarlett la regarda, interloquée. A priori, elle n’était pas du tout convaincue par sa réponse.

« Ecoutes, ces derniers mois n’ont pas été évidents pour moi mais ça a eu le mérite de me faire prendre du recul sur ma vie et j’ai envie d’apporter du changement dedans »

Elle ne voulait pas rentrer dans les détails et il y avait fort à parier que Scarlett également…Trop de démonstrations physiques ou de discussions intenses et profondes pouvaient faire fuir les Warren aussi rapidement qu’une antilope devant un guépard. Autrement dit, ils n’en raffolaient certainement pas.

Les deux soeurs s’avancèrent dans l’allée de boutiques. Il y en avait de part et d’autres de la rue centrale piétonne. En plein milieu, on pouvait apercevoir des bancs de pierre entreposés deux par deux, dos à dos et ornés de verdure. Elizabeth guida sa sœur dans le chemin jusqu’à la première boutique qu’elle avait en tête. Elles se retrouvèrent en face de la devanture et s’engouffrèrent dedans. L'intérieur était à l’image du loft d’Elizabeth : propre et ordonnée. Elizabeth laissa sa sœur s’approprier l’espace et la suivit, étant donné qu’elle connaissait cet endroit comme sa poche. Scarlett commença à regarder des pièces déposées sur cintres.

« Alors…il y a une raison particulière à cet achat ? »

Elizabeth voulait désormais en savoir plus. Elle n’avait pas brusquée sa sœur tout à l’heure en la bombardant d’interrogations, c’était déjà un énorme progrès pour elle mais elle n'en était pas encore arrivée au stade où elle arriverait à se retenir d’enquêter. D’ailleurs, ce n’était pas l’objectif non plus car elle voulait savoir ce qui se passait dans la vie de sa sœur.


@Scarlett Warren

Embrouiller Beth avec l'excentricité de la vérité était un coup de poker. Elle semblait en effet animée d'une toute nouvelle lubie, si bien que Scar avait craint un instant qu'elle se montre curieuse à un moment où elle comptait justement sur sa pudeur. Soupir de soulagement lorsqu'elle s'empara de ses affaires sans lui accorder davantage qu'un regard lui intimant de prendre congés avec elle, et d'incliner le menton en direction de la serveuse qui prenait la commande de la table d'à côté. Scarlett se doutait que cette seconde, aussi infime était-elle, avait suffi pour que sa sœur se pose un millier de questions, pèse le pour et le contre d'un intérêt mal placé auquel elle aurait répondu effrontément en temps normal, pour finalement conclure que son indifférence ferait l'affaire pour une fois. La clochette pendue au-dessus de la porte du café tinta sur leurs talons, alors que Scarlett jacassait déjà sous l’œil intrigué de sa sœur. Elle n'avait pas envie d'épiloguer sur sa promotion, que Beth ne trouverait jamais à la hauteur de qualités intellectuelles qu'elle avait tort de lui prêter. Scar n'était pas bête, elle en avait juste assez que sa sœur soit trop bornée pour comprendre que sa vision de la réussite n'était pas universelle. « J'aurais pas dit coincée mais... austère ? » Ce n'était pas forcément mieux, mais Beth avait su lui prouver qu'elle n'était pas la chasteté incarnée. La voir mettre autant d'eau dans son vin était aussi surprenant que suspect, mais Scarlett décida d'en profiter plutôt que de lui donner une bonne raison d'arrêter. Le fiasco de leur dîner de Noël lui avait au moins ouvert les yeux sur son manque d'empathie. Le sourire dont la gratifia sa cadette était le témoin le plus sincère de sa reconnaissance momentanée. Les premières explications concernant sa soudaine implication impartiale dans leur relation lui avaient paru un peu maigres, et de toute évidence l'expression sceptique que Scar avait affichée en avait exigé davantage. « Au final peu importe, si ça peut nous permettre de partager autre chose que des disputes. Tu sais, c'est pas non plus agréable pour moi. » avait-elle lâché résignée. Leurs querelles, qui puisaient toujours dans la même source intarissable, n'étaient une partie de plaisir pour aucune des deux. Scar était la première ravie de ne pas avoir qu'une grande sœur autoritaire mais aussi une amie et confidente. C'était d'ailleurs ce qu'elle lui avait longtemps reproché en la titillant sur des sujets qu'elle considérait trop intimes. Elle se contenta donc parfaitement de cette réponse incomplète, car elle non plus n'était pas prête à passer de la discrétion aux effusions. Elles s'avancèrent dans l'allée, Scarlett imitant la cadence de sa sœur, tournant la tête à chaque boutique qu'elles apercevaient sans savoir dans laquelle on l'emmenait. Elle s'en remettait totalement à l'expertise de Beth sur ce coup-là. Après deux minutes à guetter elles s'engouffrèrent dans le premier magasin. La première chose qui marqua Scarlett fut le manque flagrant de couleur et l'exposition très épurée des portants. Moins il y avait de pièces et plus elles risquaient d'être hors de prix. Elle décida de faire confiance à sa sœur néanmoins, furetant dès leurs premiers pas dans la boutique, tandis qu'une vendeuse les salua poliment. « Matt a acheté un un food truck, et il m'a peut-être délégué une partie de la gestion du café. » dit-elle laconiquement. Acheter un food truck était une bien belle exagération, car au départ il ne lui avait présenté qu'un camion en ruine. « C'est peut-être toujours très loin de la carrière dont vous rêvez tous pour moi, mais c'est un gros changement. Il me fait confiance et j'ai envie de lui prouver qu'il a raison. »

@Elizabeth Warren

« Au final peu importe, si ça peut nous permettre de partager autre chose que des disputes. Tu sais, c'est pas non plus agréable pour moi. »

Cette phrase suffisait à Elizabeth pour savoir que sa sœur et elle étaient sur la même longueur d’ondes, il n’en fallait pas plus. Même si au fond, elle le savait bien que sa sœur n’y tirait aucun plaisir non plus, c’était toujours agréable de l’entendre de vive voix.

A l’entrée dans la boutique, la vendeuse les salua, reconnaissant probablement Elizabeth étant donné qu’elle était une cliente fidèle. Ce magasin avait pour avantage d’avoir des articles de différents prix mais tous sous le même thème, chic et élégant. Elizabeth avait parfaitement conscience des moyens de sa sœur et jamais elle ne l’aurait emmenée dans un endroit inaccessible qui lui rappellerait encore ses difficultés financières. Non, elle n’était pas aussi vicieuse pour lancer la discussion de la réussite professionnelle. Elizabeth Warren, elle était directe, elle ne fonctionnait pas vraiment au sous-entendu. Enfin…Sauf quand il s’agissait de drague bien entendu. Mais ça, sa sœur n’était pas censée le savoir. Si elle voulait parler d'argent avec sa cadette, elle le faisait simplement, elle n'avait pas besoin d'un contexte particulier pour le faire. En commençant à regarder les articles, Elizabeth tenta de mettre le ton le plus innocent possible pour connaître la raison pour laquelle sa sœur avait besoin d’une telle tenue de « boss ».

« Matt a acheté un food truck, et il m'a peut-être délégué une partie de la gestion du café. »

Toujours pas à la hauteur des espérances d’Elizabeth pour sa sœur mais cela restait tout de même un vrai progrès. Elle pouvait déjà visualiser sa sœur à la tête de sa propre chaîne de cafés, développant plusieurs boutiques dans la ville. Mais elle se garda bien d’étaler l’ambition dont elle rêvait pour sa cadette. Une étape après l’autre…De toute façon, elle savait pertinemment que si elle la brusquait, Scarlett l’enverrait valser sur les chapeaux de roues. Elizabeth la laissa poursuivre, tentant déjà à l’intérieur d’elle de construire un discours de félicitations sans planter des graines d’attente ou de pression.

« C'est peut-être toujours très loin de la carrière dont vous rêvez tous pour moi, mais c'est un gros changement. Il me fait confiance et j'ai envie de lui prouver qu'il a raison. »

Oui, c’est certain que Scarlett avait encore du chemin à parcourir. Mais elle était aussi plus jeune qu’Elizabeth et moins confiante au passage. Qu’importe le temps que cela prendrait, Elizabeth finirait bien par réussir à accompagner d’une façon ou d’une autre sa sœur vers des jours professionnels meilleurs. Avoir plus de responsabilités au café était déjà un bon départ.

« C’est génial ça, tu dois être super excitée…et peut-être aussi un peu stressée non ? »

Nouvelle année. Nouvelle Elizabeth et…nouvelle stratégie. Poser des questions au lieu de prononcer des affirmations, c’était plutôt malin. Il ne restait qu’à voir maintenant si ça allait fonctionner. Etape suivante : les encouragements.

« Je suis sûre que tu vas très bien t’en sortir »

Scarlett avait toutes les qualités pour incarner un bon leader : elle ne manquait certainement pas de poigne ni de caractère, elle était directe et honnête et comme tous les Warren de la famille, même si elle s’entêtait à vouloir le cacher, elle avait le sens de l’organisation. Matt avait bien raison de lui accorder sa confiance. Et de toute façon, un jour, elle deviendrait probablement sa patronne alors autant s’y faire à ce qu’elle ait plus de pouvoirs…

Scarlett attrapa des affaires, déterminée à faire quelques essayages et les deux sœurs de retrouvèrent bientôt devant la cabine. Elizabeth prit place dans le siège devant pendant que Scarlett se changeait. Il fallait qu’elle trouve le courage de se lancer et quel meilleur moment que celui où elle n’avait pas le regard jugeant de sa cadette sur elle ?

« On dirait bien qu’on a toutes les deux une nouvelle renversante alors »

Mais manque de bol, Scarlett n’hésita pas à sortir sa tête dehors, probablement très intriguée par les propos de sa sœur. Pour le coup elle n’avait vraiment pas réfléchi car finalement, ce n’était pas vraiment une bonne idée d’avoir introduit le sujet comme ça…car connaissant Scarlett, elle était parfaitement capable de sortir en sous-vêtements juste pour pouvoir savoir de quoi il s’agissait. Les cabines étaient au fond du magasin, invisibles pour les yeux masculins qui seraient curieux mais cela n’empêchait qu’Elizabeth était connue ici et qu’elle tenait à sa réputation.

« Scar, finis de te changer, je te dirais ça après »

Et puis, entre temps, elle pourrait certainement réfléchir à comment annoncer le retour de Connor, ou plutôt Jackson, dans sa vie…


@Scarlett Warren

Où était donc planquée cette satanée étiquette ? En farfouillant un peu Scarlett avait repéré une jupe à son goût, sensuelle et élégante à la fois, et comme souvent son premier réflexe avait été d'en inspecter le prix avant le reste des coutures. Une préoccupation sans doute étrangère à Beth, qui en femme accomplie avait droit à un appartement avec dressing et son propre banc capitonné. Il fallait admettre que cette dernière avait enfilé ses plus soyeux gants de velours pour s'adresser à elle aujourd'hui, comme si elle s'apprêtait à lui annoncer une nouvelle déconcertante. Loin d'être perturbée, Scar s'était prise au jeu de l'unité, estimant qu'elle avait été assez cynique à Noël pour au moins lui accorder le bénéfice du doute. Son ton était doucereux, ses manières solennelles mais c'était un privilège auquel elle n'était plus habituée. D'ordinaire, Beth réservait cette attitude aux inconnus, et cela faisait bien longtemps qu'elle n'avait pas gratifié sa sœur de cette voix un peu mielleuse avec laquelle elle répondait systématiquement à ses appels professionnels lors de leurs tête-à-tête. Scar délogea la fameuse jupe qu'elle tendit devant ses yeux, l'examinant sous un autre angle tandis qu'elle déroulait très succinctement la nature de ses nouvelles responsabilités. Elle anticipa la réaction de sa sœur, qui contre toute attente témoigna un enthousiasme mesuré. A aucun moment Scarlett n'avait espéré davantage de sa part, aussi fut-elle agréablement surprise de noter les efforts affectés qu'elle déployait pour ménager sa susceptibilité. C'était définitivement de plus en plus suspect. « Merci. Excitée oui, mais pas vraiment stressée. Je connais le café comme ma poche et j'ai tous les employés à la bonne. Je compte pas agir différemment, je n'aurai juste pas Matt constamment sur le dos. » informa-t-elle en montrant sa première trouvaille à sa sœur. La jupe lui ressemblait. Ou du moins elle correspondant à la vision qu'elle se faisait d'une femme de pouvoir. Elle était en cuir, légèrement fendue en bas, mais sa forme crayon lui conférait une allure sophistiquée. Avec un chemisier blanc décolleté, elle aurait l'air d'une femme résolue sans pour autant se dénaturer totalement. Ragaillardie par cette vision, elle empoigna cet ensemble et se dirigea vers les cabines. Une fois n'était pas coutume, Elizabeth l'avait talonnée. Malgré les rideaux tirés, elle avait senti sa présence bienveillante s'installer de l'autre côté. Une minute de répit, c'était tout ce qu'elle lui avait laissé avant de décider de lâcher une bombe. Scarlett s'en doutait, et sans même avoir enfilé son chemisier elle avait sorti la tête de la cabine, trop curieuse pour épargner à sa sœur l'expression de stupeur que lui avait renvoyé le miroir. Elle s'en était déjà bien sorti à leur innommé dîner de Noël, il n'était pas question qu'elle se dérobe encore une fois aux conséquences de ses annonces fracassantes. Embarrassée, et certainement inquiète d'avoir provoqué l'indécence de sa cadette, Beth lui ordonna de remettre cette discussion à un moment où elle aurait quelque chose d'autre sur le dos que le poids de son impatience. Scar sauta dans sa jupe, négligea peut-être un bouton de son chemisier avant de tirer sur le rideau avec grandiloquence. « Tu en penses quoi ? Working girl ou pas ? » demanda-t-elle en paradant devant ses yeux crédules. Sans attendre de réponse, elle s'empressa de se tourner fermement vers Beth pour reprendre cette confession qu'elle avait avortée un peu plus tôt. « Tu fais beaucoup trop de suspense, Beth. Vous vous réorientez vers la telenovela chez ABC ou comment ça se passe ? » demanda-t-elle, inquisitrice. Comment dire qu'en laissant le champ libre à son imagination, Beth était déjà mariée ou enceinte dans sa tête. Ou mieux encore : mariée ET enceinte. « Tu nous as déjà fait le coup à Noël. Si tu préfères garder les bonnes nouvelles pour épargner ma fierté, c'est inutile. Sache que je suis prête à me réjouir pour toi. »

@Elizabeth Warren

Scarlett étudia une tenue qui lui ressemblait tout à fait mais avec une plus grande touche d’élégance qu'habituellement. Elizabeth était ravie de la voir investir le stock de la boutique. C’était une bonne chose pour elle de grandir dans le choix de ses tenues, mais aussi dans son esprit. Et puis ce look de femme à pouvoir allait lui aller à merveille. Alors qu’elle se décidait à tenter le grand saut avec son choix, Scarlett expliqua qu’elle ne se sentait pas du tout stressée par la prise de responsabilités au café. Elle avait déjà installée son influence et sa place n’était plus à prouver. Elle pouvait se reposer sur ses marques et continuer sa ligne de conduite, mais avec plus de libertés. Les deux sœurs se dirigèrent vers les cabines d’essayage et Elizabeth tenta alors d’introduire le fameux dossier Connor qu’elle voulait aborder avec sa sœur. Elle espérait vraiment que sa cadette pourrait lui apporter un regard neutre et bienveillant, ou en tous cas peut-être différent des autres personnes importantes de sa vie. Sa soeur était la seule qui serait réellement capable de la surprendre car elle n’avait aucune idée de ce qu’elle penserait de tout ça et surtout, elle serait sincère, quitte à être tranchante. Elle avait besoin qu'on l'aide à y voir plus clair dans cette obscurité totale dans laquelle était plongée. Mais alors que Scarlett fit un essai infructueux de sortir de la cabine, Elizabeth la recadra et attendit patiemment que sa sœur ressorte de façon décente.

« Tu en penses quoi ? Working girl ou pas ? »

Quand elle vit sa sœur sortir avec sa jupe crayon et son petit chemisier blanc, Elizabeth ne put s’empêcher de ressentir une pointe de fierté. Enfin une tenue qui mettait en avant ses qualités : comment pouvait-on voir autre chose qu’une femme forte et indépendante ?

« C’est parfait »

Avec ça, elle serait bien équipée pour pouvoir asseoir son autorité et prendre en confiance. Et si la tenue incarnait un élément déclencheur pour sa cadette et lui permettait de s'ouvrir davantage à un meilleur avenir ? Même si, comme disait si bien le célèbre créateur français Yve Saint Laurent « avec les années, j’ai appris que l’important dans une robe est la femme qui la porte » et Elizabeth espérait de tout cœur qu’un jour sa sœur comprendrait que le vrai pouvoir se situe en elle, et pas dans son choix de vêtements. Une fois la réaction de son aînée exposée, Scarlett n’attendit pas pour en demander plus concernant l’élément de surprise du jour.

« Tu fais beaucoup trop de suspense, Beth. Vous vous réorientez vers la telenovela chez ABC ou comment ça se passe ? »

Elizabeth ne put s’empêcher de tirer un petit sourire. Scarlett avait toujours été brillante dans sa répartie et l’humour était l’un de ses mécanismes de défense préférés.

« Tu nous as déjà fait le coup à Noël. Si tu préfères garder les bonnes nouvelles pour épargner ma fierté, c'est inutile. Sache que je suis prête à me réjouir pour toi. »

Il est vrai que le Noël de l’année dernière avait été un peu chaotique…Elizabeth avait perdu ses moyens, noyée dans les méandres des désaccords au sein de sa fratrie. Elle avait fini par lâcher la bombe de sa relation avec Caelan alors que ce n’était pas du tout prévu au programme.

« Noël c’est toujours un moment un peu…bizarre pour nous tous »

Elle tenta de se justifier comme elle pouvait même si au fond d’elle, elle savait que rien ne pouvait excuser ou effacer son manque de contrôle concernant ses émotions lors de ce repas.

« Je suis vraiment contente de savoir que tu es prête à partager ma joie mais en l’occurrence, je ne sais pas si c’est une bonne ou une mauvaise nouvelle. Peut-être juste une nouvelle tout simplement… »

N’était-ce pas des paroles de sage ? Est-ce que cela signifiait qu’elle était enfin plus raisonnée sur le sujet ? Probablement pas. Certainement pas même. Mais bon, elle pouvait tout de même essayer de se bercer d’illusions. Un peu de déni n’avait jamais fait de mal à personne, si ?

« Connor est revenu »

Si sa sœur ne se rappelait sans doute pas du prénom de Caelan, celui-là, elle le connaissait parfaitement pour sûr. Elizabeth laissa le temps à sa sœur de digérer l’information. Puis, elle décida de lui offrir plus d’informations pour qu’elle puisse commencer à se construire son avis.

« Il a perdu la mémoire en prenant une balle pendant une mission il y a quelques mois. Il a refait surface à Brisbane et on est tombés par hasard l’un sur l’autre »

Mais le hasard existait-il vraiment ?

« Il ne se rappelle plus qui je suis mais il veut mon aide pour retrouver sa mémoire car m’avoir croisée lui a généré des bribes de souvenirs »

Elle regarda sa soeur, la vulnérabilité était lisible dans ses deux yeux noisette. Etait-ce le moment en plein milieu de la cabine d'essayage d'une boutique ? Certainement pas. Mais Elizabeth ne pouvait plus attendre pour libérer un peu de la pression qu'elle avait à l'intérieur d'elle. Elle n'en avait parlé à personne et ce secret la pesait, en plus de la troubler profondément.

« Je me sens perdue Scar' »


@Scarlett Warren

Cette promotion, qu'elle avait un peu poussé Matt à qualifier comme telle, était un second souffle. Si Scarlett ne l'admettrait pas si facilement, elle devait bien reconnaître que sa sœur avait visé juste en insistant sur une revalorisation de sa vie professionnelle. Aveuglée par sa fierté, elle n'avait pas réalisé que ses automatismes de serveuse ne lui procuraient plus vraiment la satisfaction qu'elle vantait à tous ses détracteurs, et tout particulièrement au regard exigeant de sa famille. Les injonctions martelées de sa mère avaient sans doute fini par imprégner – même de façon inconsciente – ses ambitions. Scarlett ne le saurait jamais. Elle ne saurait jamais si ce soudain désir de maturité avait été motivé par les impératifs familiaux, par le bouleversement des existences autrefois semblables de ses amis, ou tout simplement par sa volonté propre. Au final, les raisons importaient peu. Elle était heureuse, un peu naïve aussi, excitée à l'idée de défiler devant les yeux fiers de sa sœur, qu'elle avait si longtemps posés avec mépris sur ses choix de vie. La tenue adoptée avait eu l'effet escompté. Beth resta muette le temps de la détailler avec une émotion pour une fois non dissimulée. C'était donc ça, l'approbation. Il y avait bien longtemps qu'elle avait capitulé, et pourtant cet assentiment timide avait suffi à la rendre avare. En attendant, sa curiosité avait été bien trop piquée pour être ignorée. En narratrice zélée, Beth étira encore le suspense en s'attachant à des détails qui n'intéressaient personne. « Je suis bien contente de te l'entendre dire. Tu sais, on peut très bien en inventer des nouvelles traditions, si celle-ci ne convient à personne. Parce que de toute évidence c'est une plaie pour nous tous. » concéda néanmoins Scarlett. Elle valorisait bien plus ce genre d'échanges apaisés que les éternels conflits de Noël auxquels Beth croyait pouvoir échapper chaque année avec la même ingénuité qu'un enfant déçu déballait ses cadeaux. C'était peine perdue de vouloir les réconcilier, et même contre-productif. La contrainte n'avait jamais assagi personne. Enfin, elle sembla en venir au nœud du sujet. Scarlett resta figée, pendue à des paroles sans cesse repoussées. Et le choc fut à la hauteur. Même au-delà de toute attente. « Ton Connor ? » avait-elle demandé abasourdie. De quoi rafraîchir le regard qu'elle portait sur la vie de sa sœur, qu'elle avait toujours considérée banale et ennuyeuse, à l'image de sa carrière. « Attends c'est du délire. Tu me parles de la vraie vie là ou de la telenovela à laquelle j'ai fait référence il y a 2 minutes ? » enchaîna-t-elle en s'asseyant près d'elle sur le banc qui faisait face à la cabine. « C'est un truc de fou Beth. Comment tu le vis ? Est-ce que t'as vraiment envie de te fourrer là-dedans ? Je veux dire, t'as pas peur de foutre en l'air tout le travail que t'as fait pour l'oublier, tout ça pour l'aider à se souvenir de pourquoi il est parti ? » Sa remarque n'avait pas l'air neutre, pourtant Scar s'interrogeait vraiment sur les intentions de sa sœur. Était-ce de la charité ou avait-elle une motivation cachée ? Le désir sans doute de se racheter auprès d'un homme qui avait eu moins de scrupules qu'elle à lui tourner le dos. « T'as le droit d'être égoïste des fois. »

@Elizabeth Warren

« Je suis bien contente de te l'entendre dire. Tu sais, on peut très bien en inventer des nouvelles traditions, si celle-ci ne convient à personne. Parce que de toute évidence c'est une plaie pour nous tous. »

Bien sûr, c’était Scarlett dont on parlait, elle ne pouvait pas s’en empêcher…Il fallait qu’elle mette son grain de sel. Mais bizarrement, pour une fois, son ainée l’écouta. Ou en tous cas elle considéra avec attention sa remarque. Pourquoi s’infliger un moment douloureux ? Il était évident que sa fratrie n’était pas faite pour être rassemblée dans une même pièce. C’était sans doute l’usure du temps qui parlait mais Elizabeth se sentait fatiguée de se battre contre la vague. Peut-être que pour une fois, elle devrait se laisser porter. Inventer une nouvelle tradition, pourquoi pas ? Restait à savoir si elle aurait encore cet état d’esprit à Noël et connaissant Elizabeth Warren, ce n’était pas gagné…

Lorsqu’Elizabeth rentra dans le vif du sujet qu’elle voulait aborder avec sa sœur, la surprise fut immédiate pour Scarlett.

« Ton Connor ? »

Oui, son Connor. Ou du moins celui qui avait été sien pendant quelques temps. Et même si cela remontait à une année déjà, elle avait l’impression que c’était la semaine dernière dans son cœur meurtri.

« Attends c'est du délire. Tu me parles de la vraie vie là ou de la telenovela à laquelle j'ai fait référence il y a 2 minutes ? »

Scarlett n’avait pas tord de ressortir sa référence de telenovela. C’était du drama digne de ce genre d’émission, avec ce petit côté improbable mais pourtant réel. La question qui restait en suspens était pourquoi cela lui arrivait à elle ? Avait-elle été si méchante que ça dans une autre vie ? Ou peut-être dans celle-ci, notamment dans le cadre de son travail...Car bien qu’elle avait le sentiment d’être juste, elle se fourvoyait peut-être sur certaines de ses décisions. Pour vivre une histoire aussi rocambolesque, son karma lui faisait sans doute passer un message…

« Ouais je sais, c’est dingue comme situation…Je réalise encore à peine tu sais »

Scarlett prit place près de sa sœur. Etait-ce une tentative de lui offrir une forme de soutien en se rapprochant physiquement d’elle ? Elizabeth l’espérait car elle avait très certainement besoin d’être accompagnée dans cette épreuve que la vie lui présentait.

« C'est un truc de fou Beth. Comment tu le vis ? Est-ce que t'as vraiment envie de te fourrer là-dedans ? Je veux dire, t'as pas peur de foutre en l'air tout le travail que t'as fait pour l'oublier, tout ça pour l'aider à se souvenir de pourquoi il est parti ? »

Il était parfaitement normal que Scarlett ait des questions. Elizabeth n’en était pas étonnée et elle s’était préparée du mieux qu’elle puisse à pouvoir y répondre, même si elle était elle-même dans un grand brouillard.

« T'as le droit d'être égoïste des fois. »

Elizabeth eut le sentiment de recevoir une bouffée d’air frais en entendant cela. Etre égoïste…en voilà une idée à laquelle elle n’avait pas pensé. Elle s’était seulement concentrée sur son entourage, la réaction des gens qui l’aiment face à ce retour. Elle ne voulait pas leur infliger ça mais qu’en était-il de ce qu’elle souhaitait elle ? Elle mit quelques secondes avant de répondre, elle savait ce qu’elle devait dire mais il fallait qu’elle rassemble son énergie pour le faire.

« T'as raison…et j’ai envie de l’être mais peut-être pas dans le sens où tu l’entends. J’ai envie de savoir Scar', de comprendre. Je pense que ça m’aiderait à aller de l’avant. Parce que….j’y repense encore tu sais. »

Scarlett était la première à l’entendre. Elle était en quelque sorte le test. Mais Elizabeth était loin de penser que sa sœur serait peut-être celle qui recevrait le mieux sa décision…

« Pourtant, je sais qu'il m'a menti...Mais je ne peux pas m'empêcher de penser que ce qu'on a ressenti tous les deux étaient vrai. »

Elle décida de préciser son propos auprès de sa soeur en lui expliquant que Connor était une couverture, que son vrai prénom était Jackson et qu'il n'était pas lieutenant mais un agent infiltré. Et que donc, la raison de son départ qu'il avait évoquée dans la lettre qu'il lui avait laissée était fausse.

« L’aider à retrouver sa mémoire ça ne permettrait pas que de le faire avancer lui mais peut-être moi. Je ne pense pas l’avoir vraiment oublié... J’ai du mal à comprendre comment il a pu partir ainsi. Surtout que maintenant je sais qu'il a menti sur la vraie raison. Cette histoire de mission, ce n’est pas clair…Il pense d’ailleurs que je suis peut-être en danger »

Les mots lui avaient échappé. Elle savait pourtant que Scarlett n’était pas du genre angoissée mais cela pouvait tout de même lui générer de l’inquiétude. Et à juste titre, elles étaient bien en train de parler d’un homme qui a pris une balle…

« Je te rassure, je fais très attention. Mais entre son avertissement de danger d’un côté et ma curiosité de l’autre, je sens que je vais céder…En tous cas, j’en ai envie »

Elizabeth souffla.

« Mais j’ai bien conscience que c’est un jeu dangereux… »

Elle prit son visage dans ses mains.


@Scarlett Warren

En un battement de cils Scarlett avait failli oublier ce qu'elle faisait là. Dans cette posture altière, accoutrée avec une élégance incontestable, à des années lumières de ses standards habituels. Son attention toute entière avait vrillé sur sa sœur. Ses yeux guettaient les moindres contractions de sa mâchoire, tandis que ses oreilles écoutaient avidement les récits incroyables d'une vie qu'elle avait toujours à tort considérée ennuyeuse. L'étonnante étourderie de Beth, bien des mois avant cela, aurait déjà dû lui faire changer d'avis sur le caractère pète-sec qu'elle l'imaginait avoir dans son intimité. Une intimité pas si secrète d'ailleurs, mais qu'elle se gardait bien de partager avec elle, pour d'obscures raisons. Pour conserver son aura d'autorité sans doute, et surtout ne pas faire l'étalage de leurs rares points communs. Scarlett n'avait jamais compris cet entêtement, pourtant elle percevait dans ces aveux une tentative d'avancer vers elle, de lui prouver qu'elle était digne de la conseiller parfois. Rien de révolutionnaire toutefois. Si Scar distillait une sagesse insoupçonnée, elle doutait tout de même de la capacité de sa sœur à l'entendre. Elle désirait avant tout parler, se confier, et la jeune Warren était prête à se contenter de ce rôle si cela pouvait apaiser un peu leur relation. La seule chose dont elle était incapable, c'était de lui dire ce qu'elle avait envie d'entendre. Beth orientait à l'évidence la conversation, et la décision qu'elle avait déjà prise de reprendre contact avec Connor n'attendait pas plus son aval que quelques mises en garde informelles. « Fais attention à toi c'est tout. C'est rarement bon de reprendre contact avec un ex. La rupture c'est comme le deuil, et personne a envie de subir ça deux fois. » avait-elle rétorqué en hochant les épaules. Certains parleraient de mauvais timing, mais Scar était persuadée que les gens ne changeaient jamais foncièrement, et que les échecs d'une relation étaient voués à se répéter, même avec toute la volonté du monde. Beth n'en démordait pas, se persuadant jusqu'à l'authenticité de leurs sentiments, comme si cela faisait la moindre différence. « Bien-sûr que c'était vrai. Et ça te suffit pas de savoir ça ? » questionna-t-elle un peu confuse. De quoi Beth essayait-elle de se convaincre ? Qu'il y avait une chance de tout reconstruire en enquêtant sur la vérité ? « Mais je comprends, t'as jamais vraiment eu d'explication. Si tu as besoin de ça pour tourner la page, je peux que te soutenir. » concéda-t-elle. La curiosité lui était un sentiment familier. Même si leur relation s'était terminée des années plus tôt, elle comprenait le besoin d'en comprendre les raisons. Personne n'aimait répéter les mêmes erreurs. Sauf que Beth s'embourba dans des précisions dignes d'un film d'action cette fois, et que sa cadette se surprit à hésiter entre stupéfaction et peur. « En danger ? De quoi il parle ? Beth, si le mec c'est un agent secret va pas t'embarquer dans une romance à la Mr et Mrs Smith. T'as vu comment ça s'est terminé avec Brangelina. » avisa-t-elle en redressant encore plus un menton qu'elle avait gardé inhabituellement droit et fier. Les références étaient aussi mélangées et confuses que son esprit. « Je te jure que si tu arrêtes de répondre à tes messages ne serait-ce que 24h je débarque chez toi et j'aurai aucun scrupule à prévenir Tommy et Marius. » avait-elle ajouté en opinant du chef, donnant plus de légitimité à des remontrances dont elle était d'ordinaire la principale victime. « C'est une conclusion que tu cherches ou juste de l'action ? Parce que si tu veux juste un peu de piquant dans ta vie il existe aussi des solutions intermédiaires. Va faire de la plongée ou un saut en parachute, je sais pas. » conclut-elle toujours aussi affolée. Elle ne comprenait pas comment sa sœur, ce modèle de pragmatisme, pouvait faire preuve d'autant de candeur sur un sujet aussi grave. On ne mettait pas sa vie en danger au nom de l'amour.

@Elizabeth Warren

Le regard de Scarlett était posé sur elle, sa cadette ne perdait pas une miette des informations apportées. Cela réchauffa le cœur d’Elizabeth de sentir sa sœur investie dans sa vie…Au fond d’elle, elle le savait bien que sa sœur n’était nonchalante que dans son attitude mais la femme d’affaires restait un être humain avec ses propres angoisses et elle avait parfois peur que sa propre sœur ne s’intéresse pas vraiment à elle.

« Fais attention à toi c'est tout. C'est rarement bon de reprendre contact avec un ex. La rupture c'est comme le deuil, et personne a envie de subir ça deux fois. »

Il est certain qu’Elizabeth n’avait pas envie de revivre la tempête qu’elle avait traversée une seconde fois. Non, elle ne tomberait pas dans le piège de retourner avec Jackson. Mais il lui fallait comprendre, elle avait envie…non, besoin d’avoir davantage d’éléments pour pouvoir tourner la page.

« Bien-sûr que c'était vrai. Et ça te suffit pas de savoir ça ? »

Elle aurait aimé que la réponse à cette question soit oui. Mais ça ne suffisait pas. Maintenant qu’elle l’avait revu, c’était évident de se demander comment elle pouvait aller de l’avant en se demandant si on pouvait encore l’aimer ? Elle avait tant souffert en amour, elle n’était pas sûre de pouvoir encaisser un autre rejet. Si Jackson l’avait vraiment aimée, alors un autre pourrait encore le faire. Au fond, c’était juste ça qu’elle voulait savoir. Comprendre pourquoi il l’avait laissée, y trouver un sens autre que « il ne m’aimait pas assez ».

« Ne pas avoir eu d’explication c’est vraiment difficile à vivre. J’ai envie de pouvoir calmer les questions que je me pose qui, si je suis vraiment honnête envers moi-même, sont encore là »

Elle rompit le contact visuel histoire de pouvoir se recentrer sur elle et de décrocher des yeux de sa sœur, ce regard qu’elle redoutait au fond d’elle en cet instant.

« Mais je comprends, t'as jamais vraiment eu d'explication. Si tu as besoin de ça pour tourner la page, je peux que te soutenir. »

Elizabeth était soulagée d’entendre cette phrase. Si Scarlett était capable de la soutenir, d’autres le seraient non ? En tous cas, elle voulait y croire dur comme fer. Et le fer, ça la connaissait bien…Par la suite, Elizabeth eut la maladresse de mentionner le potentiel danger dans lequel elle se trouvait peut-être et évidemment, cela réveilla immédiatement les flammes dans les yeux de sa sœur.

« En danger ? De quoi il parle ? Beth, si le mec c'est un agent secret va pas t'embarquer dans une romance à la Mr et Mrs Smith. T'as vu comment ça s'est terminé avec Brangelina. »

Elle ne put retenir un sourire à la référence naïve et adorable de sa sœur. Enfin, elle n’avait pas tout à fait tord quant à la fin de Brangelina mais là n’était pas la question.

 « Je te jure que si tu arrêtes de répondre à tes messages ne serait-ce que 24h je débarque chez toi et j'aurai aucun scrupule à prévenir Tommy et Marius. »

La gorge d’Elizabeth se resserra à la mention de ses deux frères qui ne savaient rien encore de sa situation. Elle savait pourtant qu’elle devrait leur dire à un moment donné mais pour l’instant, elle préférait choisir le déni. Et elle avait beaucoup d’ordre à mettre dans sa tête avant d’en parler à tout le monde autour d’elle…

« Je te promets que je vais faire attention à moi. Il n’y a peut-être aucune inquiétude à avoir mais comme Jackson n’a aucun souvenir de pourquoi son enquête a mal tourné, il ne met pas l’hypothèse de côté que je sois impliquée et qu’il soit parti pour cette raison »

Peut-être était-ce totalement ridicule…mais après tout, pourquoi pas ? Il n’y avait pas que dans les films et les séries qu’il se passait des événements improbables. Elizabeth le savait bien avec tout ce qu’elle voyait aux informations tous les jours.

« C'est une conclusion que tu cherches ou juste de l'action ? Parce que si tu veux juste un peu de piquant dans ta vie il existe aussi des solutions intermédiaires. Va faire de la plongée ou un saut en parachute, je sais pas. »

Elle reconnaissait bien les conseils de sa sœur sur ce coup. Mais du piquant, elle n’en manquait pas dans sa vie en ce moment, surtout qu’elle n’avait pas cherché à retrouver Jackson mais que la vie l’avait amené à elle. Le hasard existait-il vraiment ?

« C’est une conclusion que je cherche. Mais ça ne m’empêche pas d’avoir peur »

Elizabeth Warren venait-elle d’admettre à haute voix à sa jeune soeur qu’elle avait peur de quelque chose ? Il fallait vraiment faire une croix sur le calendrier là…

« Et si ça tournait mal ? Comme tu dis, je n’ai pas envie de revivre de la souffrance mais en même temps, je sens que j’ai besoin des pièces manquantes du puzzle pour pouvoir le défaire et le ranger »

Elle avait l’impression de délirer en parlant avec cette image. Elizabeth était habituellement très rationnelle dans ses discours. Les métaphores n’étaient pas une figure de style qu’elle affectionnait.

« Je ne sais pas si tu vois ce que je veux dire… »

Elle prit son visage dans l’une de ses mains comme si elle avait du mal à se réveiller d’un cauchemar. Car c’était bien ce qu’elle avait l’impression de vivre. Pourtant, elle ne pouvait pas s’en échapper.

« Et puis, comment vont réagir les personnes autour de moi ? Jackson a déjà failli me faire perdre mon meilleur ami une fois »

Elle sentait son cœur s’emballer en repensant à ce qu’elle avait ressenti en n’ayant plus Channing à ses côtés une bonne partie de l’année dernière. Jamais une dispute n’avait été aussi loin entre eux. Et la peine qui l’avait envahie le concernant était bien plus grande que celle dont elle avait bénéficié avec Jackson.


@Scarlett Warren

Vêtue de ses plus beaux habits, Scarlett se sentait déjà investie de toute la sagesse qu'elle s'appliquait à vouloir dégager. Elle avait subitement compris pourquoi Beth se voulait autoritaire jusqu'au bout des ongles, car plus encore que d'ordinaire, personne ne prenait au sérieux une femme qui n'en avait pas l'apparence. Sa sœur opinait, l'écoutait avec une attention qu'elle portait d'habitude sur ses défauts, et leur relation sembla étonnamment s'équilibrer. Quelque chose avait changé dans son regard, au-delà de la fierté fugace qu'elle avait cru y déceler. Profitant de son élan de légitimité, Scar se surprit à la mettre en garde comme Beth l'avait fait maintes fois avant elle. « Fais quand même attention. On veut pas forcément connaître les réponses à toutes nos questions. Parfois c'est mieux de se faire sa propre vérité. » avait-elle averti, haussant les épaules avec une nonchalance presque suffisante qui était à des années lumières de son habituelle irrévérence. A peine dix minutes s'étaient écoulées qu'elle avait déjà pris goût à cette considération que lui conférait son uniforme de femme accomplie. Beth l'inquiétait sincèrement. L'espace d'un instant elle était devenue la femme craintive qu'elle n'avait jamais été, cherchant dans les conseils des autres l'approbation de ses propres envies. Scarlett oscillait entre le désir de ne pas la contrarier et celui de garder un brin d'authenticité. En temps normal elle lui aurait certifié sans le moindre tact qu'elle faisait preuve d'une étonnante naïveté, et l'aurait secouée verbalement à défaut d'avoir des raisons de la gifler.

Le vide qui avait traversé les pupilles de Beth était éloquent : pas même Marius n'était au courant de cette affaire, et Scarlett s'était soudain senti honorée. Ses aînés avaient déployé énormément d'efforts récemment pour lui rendre l'estime qu'ils lui avaient confisqué depuis leur enfance. Et comme c'était le cas lorsque Tommy avait le moral en berne, elle se surprenait à être une sœur protectrice et lucide. « Tu me le dirais si tu n'avais pas les réponses que tu attendais ? J'ai pas envie de te retrouver déprimée comme l'an dernier. » avait-elle lancé en esquissant un rictus. Beth avait déjà eu la chance de constater qu'en dépit de leurs conflits, sa fratrie ne se défilait jamais dans les mauvais moments. Dans les justifications de Beth, sa sœur n'entendait que les failles de ses arguments. Celles que l'amour, même s'il avait été avorté, continuait de distiller dans son jugement. « Mouais, si tu as joué un rôle dans son départ, c'est sans doute pour te préserver d'être un dommage collatéral dans sa vie d'agent secret. » avait-elle rétorqué pour balayer l'hypothèse que sa sœur avait eu la moindre responsabilité dans cette histoire invraisemblable. Au final, le départ de Connor, ou Jackson comme elle l'appelait désormais, avait été une inéluctable aubaine. « Je te souhaite que ça se passe bien. Mais ne va pas le voir seule dans son appart ou je sais quoi. Retrouve-le la journée et dans des endroits où il y a du monde. Au final qu'est-ce que tu connais de lui ? Si ça se trouve c'était juste un personnage. » Les sourcils qu'elle avait froncés complétaient son attirail de petite sœur préoccupée. Beth n'était plus impartiale depuis longtemps dans cette histoire, et elle semblait encore  incertaine de la valeur de cette démarche. « C'est à toi de décider ce qui est le plus important. Si tu as peur de la réaction des gens, c'est peut-être parce que tu sais au fond que c'est une mauvaise idée. Ils auraient raison de te mettre en garde. Moi si j'étais toi je privilégierais les gens qui ont toujours été là plutôt que ceux qui sont partis. Mais je suis pas toi. » Et en deux secondes elle avait appris à manier l'art de la rhétorique. En tout cas, malgré les tentatives de Beth pour le fuir, elle soutenait son regard. Un regard compatissant et d'une exceptionnelle indulgence.

@Elizabeth Warren

La tenue que portait Scarlett lui donnait-elle l’ampleur d’une femme sage et raisonnée ? C’était bien l’impression que cela donnait. A l’image d’un Yoda sexy, elle balançait des phrases pleines de sens et de mystère en même temps. En effet, trouver des réponses à certaines questions pouvait être un chemin long, éprouvant et parsemés d’obstacles qui épuisent…Mais Elizabeth n’était pas prête à construire sa propre vérité si cela impliquait de se mentir à elle-même. Elle se fourvoyait dans son illusion d’honnêteté mais personne ne pouvait arrêter une personnalité aussi têtue qu’elle. Et sa sœur le savait bien car malgré sa tentative de raisonner sa tête brûlée d’aînée, elle rajouta une question en lien avec un futur possible…

« Tu me le dirais si tu n'avais pas les réponses que tu attendais ? J'ai pas envie de te retrouver déprimée comme l'an dernier. »

Elizabeth non plus n’avait pas envie de revivre une telle épreuve. Elle espérait au fond d’elle que tout allait bien se passer dans le meilleur des mondes. Quelle naïveté totale n’est-ce pas ?

« Je ne sais pas »

C’était bien Elizabeth tout craché ça, répondre avec une franchise brute. Mais elle comprenait le désarroi de sœur et son inquiétude, qui plus est justifiée.

« Mais ce que je sais, c’est que je ne veux pas non plus revivre ce que j’ai vécu…Alors si ça ne va pas, même si ce n’est pas vers toi, je te promets d’aller vers quelqu’un pour en parler »

Quiconque connaissait Elizabeth Warren savait que cette femme ne disait jamais de mots en l’air. Femme de parole un jour, femme de parole toujours, et en toutes circonstances. Et puis, il n’y a pas que pour sa sœur qu’elle faisait cette promesse mais aussi pour elle-même…Oui, elle ne se tournerait sans doute pas vers sa sœur en cas de réelle difficulté avec l’agent fédéral. Elle savait bien que ses moments de vulnérabilité avec sa cadette étaient rares et elle ne comptait pas les multiplier non plus…Il fallait qu’elle reste une sorte de modèle, surtout dans un moment de transition aussi important pour Scarlett. Mais elle avait bien en tête le fait qu’elle avait des personnes sur qui elle pouvait compter. Enfin, il y en avait au moins une, sa seule et unique meilleure amie, qui ne la jugerait pas et cette fois-ci, elle ne se convaincrait pas que se tourner vers elle serait la déranger ou lui rajouter un poids.

Scarlett poursuivit sa quête d’arguments pour détourner sa sœur de sa propre folie même si c’était sans doute peine perdue. Elle tenta de souligner le danger du métier de Jackson. Enfin, de son réel job, pas de celui qui lui avait servi de couverture…Puis, elle  souligna l’importance d’agir avec discernement concernant les lieux de rendez-vous. Elizabeth savait tout cela et cela l’agaça de se retrouver soudainement dans le rôle d’une enfant qui écoute un discours moralisateur et protecteur.

« Je serai prudente. »

Et comme ça, juste avec cette réponse, elle indiquait déjà sa réponse quant au fait de reprendre contact avec Jackson, mais elle n’en prit pas conscience cependant.

« C'est à toi de décider ce qui est le plus important. Si tu as peur de la réaction des gens, c'est peut-être parce que tu sais au fond que c'est une mauvaise idée. Ils auraient raison de te mettre en garde. Moi si j'étais toi je privilégierais les gens qui ont toujours été là plutôt que ceux qui sont partis. Mais je suis pas toi. »

Scarlett ne quitta pas le regard de son aînée. Des combats visuels, ces deux-là, elles en avaient connu et jamais Elizabeth n’avait flanchée, considérant qu’elle se devait être la plus forte. Mais cette fois-ci, ce n’était pas l’envie qui manquait d’échapper à ces deux billes, pleines de compassion en cet instant. La fierté de la femme d’affaires en était d’ailleurs touchée…Qui dit compassion dit que c’était ce qu’elle renvoyait, que c’était peut-être ce dont elle avait besoin et que finalement, c’était révélateur d’une position de faiblesse de sa part. Et s’il y a bien quelque chose que son ego ne supportait pas, c’était bien d’être faible…Froissée, elle répondit donc d’un ton sec.

« Effectivement, tu n’es pas moi »

Ses automatismes de froideur avec sa sœur n’étaient jamais loin...Mais le vent glacial fut bref car Elizabeth avait bien saisi que Scarlett s’était montrée disponible et à l’écoute. Elle corrigea donc l’élan austère envoyé, à peine quelques secondes plus tard.

« Merci de m’avoir écoutée Scar. Ca compte pour moi »

Pas besoin d’en dire plus, sa cadette la connaissait suffisamment pour savoir le sens que cela avait.


@Scarlett Warren