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 marble faces don't melt or die (archie)

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Message(#)marble faces don't melt or die (archie) EmptyLun 15 Fév 2021 - 18:31

Et il y avait ces jours, ces jours où rien n’allait comme il fallait, ces jours où toute l’organisation minutieuse de Bennett s’effondrait avec autant de méthode qu’il en avait mis pour l’échafauder. Deux heures et demi le téléphone à l’oreille au lieu du burin à la main, réglant livraisons de matières premières, problèmes de clientèle ne connaissant pas le sens du mot « mail » et négociations tarifaires de dernier moment à tour de bras. Matière au sens le plus bas du terme, non pas celle qui donnait la vie à ses mains mais celle qui l’enfonçait dans un monde de compromis et d’agenda ; dates, numéros, précisions, notes de bas de page. Les joies d’être à son compte, qui l’enfonçaient dans une paperasse grandissante – si encore il ne s’agissait que de cela… il rêvait d’un monde où il n’était pas obligé de s’astreindre aux exigences nauséabondes de gens qui n’avaient manifestement jamais pensé à l’art que comme moyen de décorer leur entrée ou de briller en société. C’est-à-dire un monde où sa noble profession disparaitrait faute de subventions vitales. « Très bien, au revoir. » Sa meilleure commande, qu’il prenait un plaisir fou à arranger depuis deux semaines, s’était évaporée au bout du fil ; l’indemnité qu’il touchait en ces cas aurait suffi à ce qu’il ne l’ait pas en travers de la gorge, si ce n’était pas la troisième mésaventure dans le triste genre qui lui arrivait depuis hier. Nouvelle sorte de canular, d’appeler les sculpteurs de la ville en les faisant croire au contrat du siècle ? Sûr qu’avec un métier aussi plein d’opportunités innovantes, quelques bâtons dans les roues n’étaient jamais de trop. Il raccroche avec mauvaise humeur, crampé de parler la tête penchée. (A peine pose-t-il son portable qu’une nouvelle notification se réverbère bruyamment contre tous les murs de l’enfer et de sa maigre minute de sérenité.) Quand il associe de mémoire le numéro du dernier message venu lui clouer au nom de Kwanteen, Bennett a l’audace de penser que ça ne pouvait pas décemment être pire que ce qu’il avait déjà enduré toute la journée ; que la commande en elle-même, dissociée de son client, s’annonçait prometteuse ; qu’il était probablement sur le point de lire que Kwanteen (son prénom… ?) acceptait de venir le voir jeudi prochain pour finaliser cette histoire, qu’il lui montrerait les esquisses, qu’il serait ravi, etc, etc. Les yeux de Bennett parcourent machinalement le dernier ajout à la sommaire conversation. « Mais ce type est malade, » souffle-t-il pour personne en fronçant les sourcils, jambes qui se mettent à faire le tour de son salon en même temps que le sculpteur secoue négativement la tête. Non, il n’allait pas continuer de jouer les opérateurs téléphoniques en attendant que quelqu’un daigne comprendre que la sculpture n’était pas un domaine de va voir là-bas si j’y suis. Et puis, comment avait-il pu croire une seconde que s’il y avait un client qui enfoncerait particulièrement bien le clou, ce ne serait pas lui ? (S’il est aussi fuyant en personne que virtuellement...) Certes – mais il ne perdait pas cette commande. Pas quatre en moins d’une journée.

La besogne est faite, le téléphone tombe négligemment sur le canapé. Peut-être que son message exagérait légèrement le degré d’urgence de la situation de la commande ; mais peut-être que ce Kwanteen exagérait légèrement la disponibilité du temps de Bennett pour réfléchir à ses envies on ne peut plus brumeuses. Et puis ce n’était pas une histoire d’argile ou de plâtre qu’il pouvait se permettre d’envoyer valser à tout va – non, du marbre, qu’il voulait, et pas le moins cher, du marbre et des consignes approximatives, données à distance. Allons bon, il était magicien, devin même, Bennett, il lisait dans les pensées et exauçait les désirs en échange de quelques textos polis. Entre ceux qui ne venaient que pour lui donner envie de changer de métier et ceux qui ne venaient pas…
Enfin. Curieusement, la silhouette de Kwanteen (non, il avait décidément oublié le prénom) ne différait pas tellement de ce qu’il aurait imaginé à partir de sa seule voix – ou plus exactement de ses messages, puisque c’était tout ce dont il gratifiait le sculpteur. « Bennett Giller, » fait-il pour les présentations en laissant le passage libre. Refermant la porte sur l’intérieur habitable qui abritait également son atelier, le trentenaire ne tarde pas à reprendre la parole. « Je pense qu’on travaille mieux en face-à-face. Du café, peut-être ? » Contournant tant bien que mal ses tendances à aller droit au but, spécifiquement lorsqu’il s’agissait d’œuvres en cours ou à venir, il ne prend pas la peine d’expliquer l’« urgence » mentionnée dans son message. Après tout, il avait des délais, Kwanteen, et le marbre ne se transforme pas en buste éthéré d’un claquement de doigts. D’autant plus que les directives du commanditaire avaient la caractéristique d’être à la fois trop larges et trop précises, et que les questions posées par Bennett n’avaient souvent pas trouvé de réponse, fussent-elles assez primordiales. « J’ai des maquettes – » il indique d’un signe de tête la direction de l’atelier, « – mais j’ai besoin de détails. Surtout sur le vêtement. » Ah, ça, il avait retenu que ce n’était pas n’importe quel vêtement, et que tous les espoirs reposaient sur cette partie de la création. Mais encore… ? « Puis la dimension… C’est grand, chez vous ? » Pas bien sûr que sa mémoire ne lui fasse pas défaut sur la destination de cette commande, Bennett feuillette un carnet de notes attrapé sur la table basse, aussi peu enthousiaste à l’idée de recevoir l’équivalent oral des messages sibyllins de son client qu’à celle de devoir s’occuper du café. En temps normal, il affirmerait que ça va, il pouvait se permettre, il n’était pas à cours de commandes. Mais au vu du déroulement de la journée, il serait peut-être temps d’arriver à boucler quelque chose, et si ça pouvait être ce « buste de femme » pour « quelqu’un », son compte en banque et sa raison de vivre ne s’en tireraient pas si mal.
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Message(#)marble faces don't melt or die (archie) EmptyMer 24 Fév 2021 - 15:20

Archie avait longuement réfléchi avant de téléphoner une première fois à ce sculpteur qu’il avait trouvé sur Google en faisant quelques recherches. Son travail lui plaisait bien et il était certain que James apprécierait son style parfois victorien dans ses œuvres plus classiques. Fidèle à lui-même, il n’avait cependant jamais rencontré Bennett en face à face, faignant l’indisponibilité à chaque fois – parce que ça l’amuse de faire semblant d’être terriblement occupé, voire plus important que tout le monde. Plusieurs semaines se sont écoulées depuis le jour où il a passé commande et, à chaque fois que l’artiste lui envoie quelques photos pour lui présenter l’avancée de sa commande, il corrige ceci, il corrige cela, il interroge quant au sujet de cette forme étrange en dessous du menton du sujet féminin, il mentionne qu’il préférerait que ses cheveux soient plus long, plus épais, moins épais, plus courts… À vrai dire, ses envies changent tous les jours mais, s’il y a quelque chose dont il est certain, c’est qu’il n’a pas encore eu de coup de cœur pour l’une des photos de Bennett. Ce n’est jamais parfait à ses yeux et, malheureusement pour le sculpteur, son client n’a pas la moindre idée du travail que ça lui prend pour fabriquer cette commande personnalisée. Il sait qu’il le paye très bien alors il le laisse s’arranger pour le reste, préférant aller faire un tour en ville pour profiter d’un café et du soleil.

Environ un mois après leur première discussion, il reçoit un message qui lui ordonne de se présenter à l’atelier de l’artiste. Il s’agirait soi-disant d’une urgence. A-t-il échappé la sculpture au sol alors qu’elle était presque terminée ? A-t-il besoin d’être augmenté, de recevoir une somme d’argent plus onéreuse ? Il ne sait pas ce qu’il se passe, Archie, et Bennett refuse de lui préciser la situation, insistant à plusieurs reprises pour qu’il passe le plus rapidement possible. En soupirant, Archie finit par céder, balançant son téléphone sur son bureau le temps de se vêtir d’habits plus respectables. Nouant à la perfection sa cravate autour de son cou, il empoigne sa précieuse mallette qu’il trimbale partout avec lui (pour prouver à tout le monde qu’il est un homme d’affaire) et il téléphone à son précieux chauffeur, Jerry, pour qu’il vienne le chercher chez lui.

En chemin, il laisse ses pensées l’emporter dans une boucle infernale. Il repense à cette aventure à Paris qui s’est rapidement transformée en cauchemar pour son énorme égo lorsque James s’est mis à le lapider publiquement pour lui faire regretter d’avoir passé la nuit avec l’une de ses employées. Depuis ce jour, il ne s’est toujours pas excusé : il compte, en quelques sortes, sur le buste en marbre pour réparer ses torts, lui qui déteste admettre ses torts à voix haute. Étrangement, il est impatient de voir la réaction de James quand il découvrira l’œuvre d’art en plein million du hall d’entrée : il payerait cher pour voir sa tête mais il ne pourra malheureusement pas être présent (seulement parce qu’il ne daigne pas se rendre à Weatherton depuis le retour à Brisbane, enfermé dans sa petite bulle égocentrique). « Merci Jerry. Je ne pense pas que la rencontre avec le sculpteur soit trop longue. Je te rappelle quand j’aurai terminé avec lui. » L’actionnaire dit à l’intention de son chauffeur en lui tapant l’épaule. Il sort ensuite de la voiture luxueuse et, après avoir étiré son dos légèrement engourdi, il se dirige jusqu’à l’atelier qu’il découvre pour la première fois. Une odeur qui ne lui est pas familière vient caresser ses narines. Il ne saurait dire s’il apprécie ce nouveau parfum mais il n’est pas totalement désagréable. Il s’agit peut-être de l’argile humide ou d’un autre matériau que Bennett utilise. « Bennett Giller. » Se présente le grand homme qui lui ouvre la porte. Il ne découvre pas pour la première fois son visage : il l’a vu avant ça sur son site internet. « Archie Kwanteen. » Il lance à son tour, pénétrant dans l’habitacle qu’il analyse du regard, curieux comme un enfant qui découvre le travail d’un métier qui lui est complètement étranger. Les arts n’ont jamais vraiment parlé à celui qui a toujours mieux compris les chiffres. « Oui volontiers, pour le café. » Il s’empresse de répondre en soulevant son index devant lui. Il garde sa mallette collée à lui quand il fait quelque pas pour s’avancer dans la grande pièce odorante. « Je suis curieux de savoir quelle est cette fameuse urgence dont vous m’avez parlé au téléphone. » Il lance en reposant ses yeux sur l’homme qui s’attèle à préparer deux cafés. « J’ai des maquettes – mais j’ai besoin de détails. Surtout sur le vêtement. » Fronçant les sourcils, il ne prend même pas la peine de camoufler sa surprise. « Vous auriez pu me demander des photos. Je vous ai parlé du site internet de Weatherton. Ne me dites pas que vous n’avez pas pris la peine de le visiter ? » Il l’interroge du regard, priant pour qu’il lui offre au moins une réponse positive à ce sujet. « Puis la dimension… C’est grand, chez vous ? » Jetant un coup d’œil autour de lui, Archie cherche un endroit où se poser. Il ne se sent pas particulièrement à l’aise planté comme un piquet au milieu de la salle où il ne se sent pas particulièrement invité, en vue des yeux parleurs de Bennett. « Je peux m’asseoir quelque part ou vous accueillez vos clients de cette façon ? » Il demande, décorant son visage d’un sourire faux pour amplifier son tempérament hautain. S’il n’avait pas envie de se présenter en personne dans ces lieux, il veut au moins tirer un peu de plaisir en jouant son rôle de frais-chié.      

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Message(#)marble faces don't melt or die (archie) EmptyMar 2 Mar 2021 - 18:33

Ça ne pouvait pas être si terrible, tout cela allait finir aussi bien que ça ne l’avait pas été en commençant. Kwanteen allait être extrêmement coopératif, se révéler son client le plus passionné, et lui offrir une bouffée d’air au milieu des facturations et des appels incessants ; Bennett apprendrait ainsi, comme dans un conte moraliste pour enfants, qu’on ne juge pas un livre à sa couverture, que les apparences sont trompeuses – se référer ensuite à la bonne éthique, qu’il n’avait pas sous la main. « Archie Kwanteen. » Archie, voilà, dieu du ciel, Archie, ça lui revient. Peut-être un Archibald qui s’ignorait, lui aussi tombé dans le puits des prénoms britanniques importés en terre australe. (Chercher des points communs là où il pouvait…) Archie Kwanteen, candidat sérieux sur la liste des clients les plus incompréhensibles, par rapport temps/investissement. Toutes données statistiques étant la propriété intellectuelle de la fondation Giller des sciences comportementales… « Oui volontiers, pour le café. » Voilà qui sera seulement son quatrième de la journée, alors Bennett se dirige machinalement vers l’artéfact miraculeux qui leur délivrerait, moyennant vacarme temporaire, deux savoureuses doses d’éveil liquide. Oui, je sais, les maladies cardiovasculaires, rien à foutre, lui non plus. « Je suis curieux de savoir quelle est cette fameuse urgence dont vous m’avez parlé au téléphone. » Ah, c’est vrai. Cette histoire. Mentir pour la bonne cause n’est pas passible de l’enfer ; et Bennett a assez de chances d’y finir quand même. Puis, il avait déjà répondu… ? On travaille mieux en face-à-face. Sa demande n’était pas plus capricieuse que l’absurde échange numérique qu’ils entretenaient depuis quelques semaines. « Si vos propres délais tiennent toujours, il faut bien que vous validiez avant que je commence. » Bennett frisant le mensonge avec la vérité à l’autre bras, virevolte tranquillement sur sa ligne de conduite consistant à en dire juste assez, jamais trop – tend l’expresso, propose un sucre, joue blanc, joue noir. Il faudrait sans doute qu’il se consacre exclusivement à ce buste, une fois passé au marbre, pour rattraper le temps perdu ; et le retard s’accumulerait ailleurs, il se réorganiserait, d’autres viendraient se plaindre, etc, etc. Archie était une pièce de l’engrenage. Qu’il se disait. « Vous auriez pu me demander des photos. Je vous ai parlé du site internet de Weatherton. Ne me dites pas que vous n’avez pas pris la peine de le visiter ? » Pris la peine grince avec la subtilité d’un dérapage sur crépis ; pris la peine de faire autre chose que de commenter à distance le travail de Bennett lui reste en travers de la gorge, mais le sculpteur est tout à fait disposé à encaisser, pour peu que ce cher Archie lui montre qu’il avait un tant soit peu d’intérêt pour sa commande, et n’allait pas le laisser moisir dans sa messagerie le temps que le marbre s’érode sur place. « Si, mais ça ne suffit pas, » répond-t-il le plus aimablement possible – les yeux encore sur les adorables rectifications qu’Archie lui intimait de faire sans se décider à lui faire part d’une direction artistique un peu plus précise ; et sans s’empêcher de critiquer celle que lui imprimait Bennett pour combler ses flous. « Je peux m’asseoir quelque part ou vous accueillez vos clients de cette façon ? » Service clientèle assez minimal ; ses compétences relationnelles n’avaient clairement pas eu la priorité de son modèle économique. Pas nécessaire de répliquer, il avait conscience du fait. Il ne préfère pas répondre que oui, les formalités l’ennuient, qu’il ne dit pas bonjour et que la conversation pour faire la conversation le fait tourner de l’œil ; diplomate, Bennett, à ses heures perdues – ses contrats perdus. « On peut passer dans l’atelier, » finit-il par délibérer en prenant lui-même le chemin qui menait de son salon à la partie annexe de l’habitation. Le contexte certainement plus professionnel de la large pièce tiraillée entre l’ordre méticuleux et la tentation du labyrinthe aurait plus de sens que son canapé pour mettre tout cela au clair. D’autre part, la maquette en cire de son futur présent intéressait sans doute plus Archie que les photos de famille au-dessus de la machine à café. Deux gorgées de noir plus tard, Bennett dépose sa tasse sur le bureau d’angle qui faisait office de caution administrative à l’endroit ; deux chaises permettraient à Archie d’être accueilli à sa juste valeur, si tant est qu’il ne voulait pas jeter un coup d’œil debout à l’ébauche. Pendant qu’il était là, matière d’urgence, voyez-vous.

La fameuse odeur, qui provenait d’ici, prend les nerfs, mélange de poussière incessamment nettoyée, d’argile sèche ou humide, de quelque chose d’autre, inflairable et pourtant là. Bennett ne sentait presque plus l’étrangeté de ces évanescences ; entrer dans un secrétariat asphyxié par la senteur du papier le dépayserait bien plus. Où ça pouvait bien travailler, quelqu’un comme Archie ? Il n’a pas l’air assez vieux pour vivre sur ses rentes, pas assez jeune pour être aux crochets de ses parents. Il est en cravate mallette – la dernière cravate qu’il avait portée devait remonter à son mariage. Ou était-ce un nœud ? (Oui, clairement un nœud.) Archie commande des sculptures, ce qui n’est pas un passetemps habituel, même en crise des trente ans. Quant aux mains, elles ne trahissaient jamais, et Bennett avait la mauvaise tendance d’étudier celles des autres. Si quelqu’un en doutait, non, Archie ne faisait rien de ses dix doigts, à en juger par la capacité de Bennett à discerner les ossatures éprouvées.
Parlant de main, celle de Bennett désigne souplement la structure la plus en évidence – buste féminin de cire blonde ou bistre, selon la dispersion de la lumière. La dernière en date, dont Archie n’avait encore eu l’avant-première ; sur la table, quelques croquis préparatoires somnolent d’un air faussement négligé. Autant de versions, autant de refus ; et le trentenaire avait beau adorer s’escrimer sur l’impossible, certaines lignes rouges dans son agenda le ramenaient à la réalité technique de son métier. A propos… « Vous ne travaillez pas pour cette maison, si ? » Maison, et non marque, apprenait-on sur le site de Weatherton, et Bennett était même assez sympathique pour se plier à l’usage. Si ce n’était pas un beau jour, ça ! Enfin, un employé de la firme l’aurait évidemment mentionné. Conclusion logique, Archie était soit un badaud s’inspirant pour sa décoration intérieure de ce qui se faisait de plus luxueux, soit un amateur chevronné de haute-couture. D’autre part… les gens qui commandaient pour usage personnel étaient généralement plus curieux de savoir ce qui se tramait derrière les portes de l’atelier – et par effet miroir, moins enclins à reporter indéfiniment les rendez-vous. Et puis peut-être que l’homme à cravate n’était pas de mauvaise foi ; peut-être qu’il avait simplement omis d’ajouter un détail à sa requête. Une photo, par exemple. Il en avait vu d’autres, Bennett. Fallait bien trouver de quoi faire avancer l’affaire ; une carte à tenter. « C’est peut-être le fait d’avoir un modèle particulier en tête qui vous dérange, » avance-t-il prudemment en passant de l’inanimé à Archie ; le sculpteur, exempt de traces d’exaspération maintenant qu’on daignait rentrer dans le cœur du sujet, fronçait les sourcils en laissant son café à l’abandon. Qu’on parle un peu du marbre, et il oublierait presque la litanie pointilleuse des remarques par messages interposés.

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Message(#)marble faces don't melt or die (archie) EmptyDim 7 Mar 2021 - 14:55

Le vacarme qu’émet la machine arrache une grimace désobligeante à Archie alors qu’il détourne le regard le temps que le café soit coulé dans les deux tasses. Ce doit être un truc d’artiste d’opter pour le modèle le plus bruyant sur le marché ; ils aiment bien se faire remarquer, ceux-là. L’actionnaire aurait probablement passé un commentaire hautain si le bruit ne l’empêchait pas de réfléchir. Seulement quand le silence s’instaure à nouveau dans la pièce, il fait part de sa curiosité vis-à-vis de cette rencontre improvisée ce matin. Après tout, jusqu’à présent, le sculpteur et le client s’étaient contentés de discuter à distance et Archie n’y voyait que des avantages. « Si vos propres délais tiennent toujours, il faut bien que vous validiez avant que je commence. » Paupières plissées, il souffle un petit « merci » quand l’homme lui tend sa tasse chaude et il s’éclaircit la gorge avec une première gorgée avant de lancer, sceptique : « Vous auriez pu m’envoyer des photos de vos avancées. N’importe quel téléphone arrive à en faire de bonne qualité, aujourd’hui. M’enfin. » Il soulève la main et balaie l’air. « Je suis là maintenant, procédons. » Quel plaisir de faire usage de ce genre de tournure de phrase réservée à la haute classe qui porte des costumes sur mesure même pour se rendre au McDonald – quand ils ne commandent pas du homard dans les restaurants cinq étoiles même s’ils préfèrent le poulet frit. Encore une fois, l’actionnaire insiste sur le fait que Bennett aurait pu trouver toutes les références dont il avait besoin sur le site internet de Weatherton parce que, au fond, vive la technologie qui lui aura permis jusqu’à présent de ne pas se déplacer. « Si, mais ça ne suffit pas, » Il est talentueux, l’artiste. Il arrive à garder son calme jusqu’à présent. Ses lèvres sont pincées en un sourire emprunté à un ange coupable d’un méfait. D’ici quelques échanges, Archie arrivera certainement à le faire craquer – à le faire regretter de l’avoir ramené jusqu’ici alors qu’il est un homme terriblement occupé, évidemment. « Si vous le dites. » Il finit par souffler en faisant un tour sur lui-même, cherchant un endroit où s’installer. Il n’a pas l’habitude d’être accueilli dans une pièce qui ne fait pas office de bureau et il a besoin de poser son ancre quelque part. C’est inconfortable de rester debout comme un pingouin qui a le cul glacé. « On peut passer dans l’atelier, » Satisfait, le jeune homme acquiesce et suit son guide jusqu’au fameux atelier. L’odeur de matériaux de toute sorte se fait davantage présente et on peut facilement lire dans les yeux d’Archie qu’il n’apprécie pas particulièrement ces effluves inhabituels. Il s’y habituera, il espère. Ses yeux passent d’une œuvre inachevée à une autre et son intérêt n’est pas vraiment là. Lui et Bennett ne sont pas nés à la même heure. Reposant son regard las sur le brun, il s’installe devant lui après s’être assuré que le siège n’était pas taché de poudre d’argile, ou peu importe. C’est maintenant au tour du sculpteur d’attiser son intérêt. Il désigne le modèle en cire qui semble abandonné au milieu d’une table salie par le travail et, aussitôt, Archie secoue la tête de droite à gauche, ne se gênant pas pour exprimer son désaccord. Le vêtement n’est pas juste ; il a bien fait de l’appeler, finalement. Il n’y a qu’une seule chose qui doit atteindre la perfection sur cette œuvre. C’est la représentation du travail acharné de James. « Vous ne travaillez pas pour cette maison, si ? » Il réfléchit réellement à la question. En vérité, il ne saurait dire s’il travaille pour la marque ou si cette dernière dépend de lui. Après tout, elle aurait probablement trouvé un autre actionnaire prêt à prêter un peu d’argent si lui n’avait pas accepté de se lancer dans cette aventure dépaysante. « On peut dire ça. » Il finit par lancer, soucieux. Il laisse ensuite ses mains se perdre à travers la paperasse étalée sur la table qui le sépare de l’artiste. Il découvre esquisses et croquis : un univers qui lui est complètement inconnu. Lorsqu’il pose un crayon sur une feuille, c’est pour y écrire des chiffres. « C’est peut-être le fait d’avoir un modèle particulier en tête qui vous dérange, » Laissant un soupir clair s’échapper de ses lèvres, il se penche vers sa mallette pour l’ouvrir. Il en sort sa tablette électronique qui s’allume directement sur le site de Weatherton. Il la pose sous le nez de l’artiste et il tapote la pièce en question du bout du doigt. Il s’agit d’une magnifique robe noire brodée à la cannetille d'or. Au niveau de l’épaule, une figure florale embrasse le modèle du cou jusqu’à la poitrine. Se redressant dans son siège, il s’approche de la sculpture en cire, dubitatif. Il ne peut s’empêcher de toucher la texture de la chose pour en déterminer la matière. Ce n’est certainement pas du marbre. On dirait plutôt une ruche d’abeille. « Je ne m’y connais pas du tout mais je suis presque certain que ce n’est pas une sculpture en miel que j’ai commandée. » Il marmonne, inconscient qu’il s’affiche devant Bennett comme un véritable imbécile ne possédant pas la moindre connaissance dans le domaine de l’art manuel. « La seule chose dont je suis sûr, c’est qu’il aime le marbre. » Et, rapidement, il se reprend en se raclant la gorge pour faire croire qu’un chat s'y nichait. « Elle. Elle aime le marbre. Elle a un style très… » Comment décrire le style de James ? Trop sérieux ? Coincé ? Ennuyant ? Figé dans le temps ? « Peu moderne. »                    

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Message(#)marble faces don't melt or die (archie) EmptyMar 9 Mar 2021 - 20:30

Il n’aime pas sa machine à café ? Sinon que voulait dire ce regard ? Voyait-il le mal partout ? C’est un homme de détails, Bennett, et les gens qui ne savent pas contrôler leur visage – ou le contrôlent trop bien – sont la première proie de sa tendance à échafauder n’importe quelle causalité sur n’importe quelle donnée. (Il est d’accord, elle est trop bruyante.) Comme quoi, l’animosité, ça s’évapore comme brume, on trouve toujours un terrain… « Vous auriez pu m’envoyer des photos de vos avancées. N’importe quel téléphone arrive à en faire de bonne qualité, aujourd’hui. M’enfin. » M’enfin. (Il n’a pas le temps de répondre, Archie se suffit à lui-même.) (Tant qu'il joue la comédie seul...) « Je suis là maintenant, procédons. » Procédons. Le sérieux magistral du jeune homme empêche Bennett de laisser échapper plus qu’un bref froncement de sourcils – quoique la tentation de répéter puérilement ‘procédons’ se soit faite monstrueusement difficile à reléguer dans son for intérieur. Procédons, oui. Il a l’esprit procédural. Quand je vous dis qu’on peut s’entendre, faut bien le croire. (Procédons, procédons, on est là pour ça.) « Si vous le dites. » Non, ce n’est pas si, il le dit, il l’a dit. (Calme, Bennett, t'es un type si calme.) Il pouvait répéter, ce n’était pas un problème, les goûts et les oreilles, passez lui l’expression. Pourquoi ? De ? C’était juste un mauvais moment à passer ; sages et philosophes ont dit, que le mauvais pouvait être surmonté, en changeant son regard sur les évènements, la destinée, en n’essayant pas d’avoir en main ce qui est hors de portée… Sa bouche est angoissante, à l’autre. C’est naturel, ce faux pli ? (Ça ferait un excellent modèle.) Dommage qu’Archie n’en soit probablement pas rendu à faire de la pose pour boucler ses fins de mois, il avait un bel avenir. Faudrait bien sortir de cet accoutrement-là, parce que ça ne tenait pas trois heures aussi guindé, mais l’essentiel y était. Il vérifie, avant de s’asseoir ? Un sourire qui ne veut rien dire passe sur le visage de Bennett, un sourire qui ne souriait pas à Archie, seulement à la part de lui-même dont le dialogue le maintenait en relatif équilibre mental. « Tout est propre, » lâche-t-il en détournant le regard, et le travail de Bennett l’est aussi, à passer la moitié de sa vie à se ronger les nerfs d’organisation pointilleuse et de propreté de tous les saints. Trop propre pour un endroit qui se remplissait sans cesse de poussière. Mais il fallait bien quelqu’un pour trouver que Bennett, malgré ses rigidités, n’était pas assez soigneux ; et Archie venait comme le bon dieu, donner du pain aux hommes. « On peut dire ça. » Oh. Très bien. C’est donc un guet-apens, les éléments commencent à se mettre en place, et Bennett apprendra sans doute dans une heure ou deux qu’il est filmé et que tout cela constitue une vaste caméra cachée. Ce n’était donc plus la commande d’un simple particulier, mais celle d’une entreprise… s’il fallait suivre la logique de M. Kwanteen. Kwanteen de Weatherton, apparemment. « Je ne m’y connais pas du tout mais je suis presque certain que ce n’est pas une sculpture en miel que j’ai commandée. » Ah, ah, ah. On ne lui avait encore jamais fait le coup du miel, merci Archie, votre intervention sera mémorable, pas dans le bon sens, jamais dans le bon sens. Les yeux de Bennett le suivent attentivement – qui sait, peut-être lui prendrait-il la maladresse de renverser son café sur ses papiers –, mais l’homme semble s’être décidé à se dégourdir les jambes. « Habituellement, j’explique le processus de création quand on m’en donne le temps. » Quand on manifeste un intérêt pour, sont les mots qui ne sont pas prononcés, mais qui font l’écho silencieux des paroles de Bennett. Le service au client, la relation privilégiée avec une œuvre concoctée avec force personnalisation, l’amour du dialogue et de la construction d’un ensemble cohérent, juste, expressif… autant de choses qu’il n’avait pas la force d’expliquer verbalement, les multiples échanges virtuels avec Archie l’ayant bien assez drainé comme ça. Est-ce qu’Archie avait vraiment envie de savoir le temps que mettait une sculpture à être élaborée ? Oh, il pouvait se mettre au marbre directement, ça ne constituait aucun problème technique. Mais plus de retour en arrière, cher costard.

J’ai déjà vu ça. Et il indique l’écran comme si Bennett était incapable de suivre son regard – et le regard de Bennett, qui avait tellement plus à apprendre des mimiques d’Archie que du site déjà consulté. « Si vous me remontrez ça, j’en conclus que vous ne trouvez aucune ressemblance avec… » …ce que j’ai fait. Il se lève, il est curieux ? « Evitez de toucher, » siffle-t-il avec moins d’amabilité, plus protecteur de ses créatures que de sa propre dignité, les pattes de l’autre, trop entreprenantes à son goût. « La seule chose dont je suis sûr, c’est qu’il aime le marbre. » L’expression de Bennett trahit un soupçon de lassitude d’être trainé, bâbord tribord, entre le non-sens et l’absurde. Donc c’était bien une commande à titre individuel, et non… oh, il n’avait même plus envie de comprendre. Un cadeau. C’était un cadeau. Une information, voilà ce qu’il avait réussi à glaner au bout de ce laborieux dialogue. « Elle. Elle aime le marbre. Elle a un style très… » Elle. Oui. Très bien, c’est un cadeau… à un couple ? Non, il est devenu elle, mais bon, l’époque, vous savez, tout va très vite, on ne sait jamais qui on est jusqu’au bout… Une étincelle de raillerie passe quand même dans les iris du sculpteur, maigre satisfaction de voir son interlocuteur perdre une fraction de ses moyens – son assurance malsaine, fissurée sans son aide. « Peu moderne. » Oui, il voyait tout à fait le genre. Bennett n’est pas le plus dépourvu d’expérience lorsqu’il faut juger le goût artistique des autres. Il aime le moderne, Archie, et moderne ça rime avec basalte noir brillant, plastique blanc cassé ? Des entortillements à se briser la nuque, puis des ruptures ra-di-cales dans la matière, personnifiant si bien la profondeur des acheteurs… leur conscience esthétique subtile et forte à la fois… Bennett savait faire… saurait faire, s’il était à la rue… tellement profonds, hein Archie ? Et le pli de sa bouche n’avait jamais semblé aussi vide. (Il t’en a fallu peu aujourd’hui.) Il voulait du classique de classique ; c’était noté. Deuxième information de la journée, la pêche est rude. « Je ne comprends pas très bien, c’est une commande au nom de l’entreprise ou un cadeau pour un particulier ? » Bennett lui-même n’est pas très sûr que ça entrait dans le cadre de ses compétences, que ça lui importait vraiment… mais il était son propre patron, et on pouvait toujours inventer une histoire de facture, des frais de société déductibles, et autres choses auxquelles il n’y connaissait que le nécessaire, pour justifier sa réplique. Quitte à avoir l’air plus idiot que ce qu’il était… « Il n’est pas au courant… ? Il, elle, est un collègue ? » Quelles émotions vous voulez transmettre ? Quel genre de lien vous unit à la personne ? Est-ce formel, l’est-ce moins ? Les questions que Bennett avait posées à d’autres avant Archie, qui y échappait pour l’instant. « Le travail sur les cadeaux est souvent d’autant plus réussi qu’il est personnel. » Quelle manière théâtrale d’impliquer Archie dans le processus de création, pour lui faire comprendre que ce n’était pas une bête transaction marchande, et que tellement dépendait de son investissement en tant client, qu’artiste, presque, dont il n’était que l’exécutant ! Et c’est vraiment ce dont ils avaient besoin, qu’Archie lui parle personnellement. Procédons.
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Message(#)marble faces don't melt or die (archie) EmptySam 13 Mar 2021 - 23:26

La salle pue, un filtre de poussière découpe les faisceaux de soleil qui traversent les fenêtres. De la poudre d’argile, ou de marbre, ou de miel – visiblement – qui flotte dans l’air, rien de bien alarmant mais qui pousse Archie à vérifier que le siège que lui présente Bennett n’est pas sale. « Tout est propre, » La précision faite, il ne peut quand même pas s’empêcher de passer un doigt sur la surface de la chaise pour récolter la moindre particule. Il ne trouve rien et, satisfait, il émet une sorte de gloussement de contentement et prend place pour se faire plus confortable dans ce lieu dépaysant. Le café est de bon goût mais il ne passera pas le compliment à voix haute. L’artiste n’a qu’à lire les mots à travers son visage. Cependant, malgré la boisson agréable et la discussion qui suit, Archie se trouve rapidement ennuyé et se permet de partir à la découverte de l’atelier. Il trouve bien rapidement la maquette du buste qu’il a commandé puisqu’il s’agit de la seule création correspondant à ses attentes. Il tourne autour de celle-ci et ne peut s’empêcher de noter le matériel pour le moins surprenant. « Habituellement, j’explique le processus de création quand on m’en donne le temps. » Archie hoche la tête de bas en haut, faussement intéressé. Ses yeux se sont mis à scruter le moindre recoin de la sculpture en cire et il note déjà dans le fond de la tête les détails qui l’agacent. Il énoncera la liste plus tard, lorsque Bennett lui aura fait l’honneur de lui expliquer le processus de création, comme il en parle justement. « Je vous écoute, je vous donne le temps, allez-y. Je suis accroché à vos lèvres. » Il persiste, il exagère ; c’est sa façon inconsciente de témoigner de son impatience innée.

« Si vous me remontrez ça, j’en conclus que vous ne trouvez aucune ressemblance avec… » Il acquiesce aussitôt, retirant son doigt de la sculpture jaunâtre au moment où l’homme lui demande de le faire. « Avec le modèle, vous dites ? » Il demande sur un ton fluet, croisant ses bras derrière son dos pour s’empêcher de laisser sa curiosité guider ses doigts vers la sculpture une seconde fois. « Je n’irais pas jusqu’à dire qu’il n’y a aucune ressemblance… Vous avez sculpté une femme, c’est déjà une bonne chose. » Il marmonne, ironique, avant de lancer plus sévèrement : « Mais cette robe ne ressemble à aucune création de la marque. Et, pourtant, je connais le site par cœur. » Un détail qu’il ne mentionnerait jamais à James, bien entendu. « Vous avez tapé « robe » dans Google image ou..? » Il se permet de finalement lâcher avant de se rapprocher de l’artiste afin de se servir une autre gorgée de café. Par ensuite, il est mené à lister les choses qu’il souhaite retrouver dans la commande. Il trébuche dans ses mots, évite de justesse d’associer le sexe masculin à la personne à laquelle il veut offrir ce cadeau. Lorsqu’il doit décrire son style, il hésite un peu trop longtemps, incapable de mettre les mots sur l’aura du styliste. Il est comme personne. Il est une entité à lui-même, portant à la fois la modernité et les temps perdus mais jamais oubliés. « Je ne comprends pas très bien, c’est une commande au nom de l’entreprise ou un cadeau pour un particulier ? » Fronçant les sourcils, Archie se rend compte seulement maintenant du manque de précision qu’il a apporté à ce sujet. Il soulève la main et balaie l’air du revers de la main. « C’est un cadeau. Et, si j’aime votre travail, ce sera par la suite des commandes. » Il ne se contenterait pas d’une simple sculpture. Il décorerait l’entièreté des boutiques Weatherton. Archie ne fait jamais les choses à moitié. « Il n’est pas au courant… ? Il, elle, est un collègue ? » « Elle. » Il le corrige dans un souffle sec. « C’est une collègue, oui. C’est une entreprise familiale qu’elle reprend depuis quelques années déjà. » Il n’a plus qu’à espérer que Bennett ne s’aventure pas trop loin dans ses recherches pour découvrir qu’il n’y a qu’un seul héritier de la maison de couture et qu’il n’est pas une jolie femme aux boucles longues – la dernière partie est relativement vraie, en fait. « Le travail sur les cadeaux est souvent d’autant plus réussi qu’il est personnel. » Lèvres pincées, Archie inspire doucement en laissant sa tête se balancer vers l’arrière. Il fixe le plafond quelques secondes et lâche dans un soupir : « Très bien. » Il s’assoit à nouveau sur le siège devant l’artiste. « Je veux l’impressionner. J’ai fait une connerie alors je veux qu’ilelle… qu’elle me pardonne. » Mâchoire serrée, il maudit intérieurement ses lapsus. « Que voulez-vous savoir de plus ? Depuis combien de temps je temps je la connais ? Quel est mon plus beau souvenir avec elle ? Dites-moi, sincèrement, ce que ça changerait pour le produit final parce que je suis réellement curieux. » Il conclue en esquissant un ricanement sceptique.    

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Message(#)marble faces don't melt or die (archie) EmptyMer 24 Mar 2021 - 18:02

Pain noir, pain blanc, quelque chose comme ça, une main de justice qui doit être en train d’équilibrer les comptes – en la défaveur de Bennett, aujourd’hui. Mais donner à Archie un statut de collecteur d’impôts moraux semblait trop d’honneurs. Némésis de seconde classe, peut-être, avec son costume sur mesure, son cirage sans bavures, et toute sa figure qui criait qu’il avait autre chose à faire que d’être ici. C’était bien le persécuter… oh, c’est lui qui l’avait appelé, il aurait dû, il aurait dû laisser filer, pourquoi cet acharnement alors qu’il n’y a personne ici à gagner à sa cause... Enfin, maintenant qu’il s’était mis dans la merde, autant faire quelques brasses. « Je vous écoute, je vous donne le temps, allez-y. Je suis accroché à vos lèvres. » Toujours en suivant attentivement les mouvements du jeune homme, Bennett lâche du bout des lèvres que – « J’ai l’habitude de prendre mon temps avant la production définitive. Je fais des maquettes, je donne des alternatives, et on prend rendez-vous, on discute. » Processus d’allées et venues, processus dont il était seul maître à bord ou presque, en proportion du fil à retordre qui lui était imposé. Pas aujourd’hui. Ah bon ? « Je n’irais pas jusqu’à dire qu’il n’y a aucune ressemblance… Vous avez sculpté une femme, c’est déjà une bonne chose. » Il a le sens de l’humour Bennett, même l’anglais pince-sans-rire, tout va, tout glisse, et en effet, c’était une bonne chose, le client est roi, dieu même – et autres homélies trop connues. Au moins, ce qu’il avait fait avait forme humaine. Archie était à même de distinguer la loutre du bipède. Première étape. « Mais cette robe ne ressemble à aucune création de la marque. Et pourtant, je connais le site par cœur. » C’était pas une vie, d’user de son jour et de sa nuit pour les aveugles ; encore heureux que personne ne donnait de toute façon de nuits à Bennett. La tension entre l’orgueil qui lui faisait se réserver le privilège de critiquer ses propres œuvres et le snobisme éprouvé envers les avis extérieurs vacille à souhait. Si on le complimente, c’est pour les mauvaises raisons ; on le conspue, alors on n’y connait rien ; on a pas d’avis, il n’y a de toute façon pas de bon camp – et avec cela Bennett prétend aspirer à l’universalité. L’irritation et l’indifférence poursuivent leur duel invisible.

Le trentenaire est assez sûr de ce qu’il fait pour ne pas scruter de nouveau sa propre maquette, y trouver des défauts ; il les connait déjà tous, mais ce ne sont pas ceux qu’Archie voit. Lui est extérieur, lui n’a rien à dire. Non, on avait dit amical, on avait dit service client. Hein ? Oui, oui. « Vous avez tapé ‘robe’ dans Google Image ou… ? » Oui, oui, oui, oui. La remarque est de trop – Bennett rit, deux ou trois secondes, les épaules suivant la ligne de l’absurde qui dessinait habilement son interlocuteur, le visage relâché le temps de laisser libre cours à la joie du spectateur d’une divine comédie. « Encore heureux que ce soit du miel, » ironise Bennett à la fin de la tirade qui rentabilisait les heures à s’abîmer les mains là-dessus. Peut-être qu’il aurait dû foutre tout processus de création en l’air, histoire de s’attaquer au dur sans retour en arrière possible, ni remboursement. Trop honnête, il n’avait pas eu cette inconscience salutaire. « C’est printemps-été 2018. Une de vos ‘préférées’. » Bien sûr qu’il n’avait pas travaillé à l’aveugle, mais il répugnait absolument à s’abaisser à une défense qui n’aurait rien de digne ; quant à exhiber les messages qu’il avait comme preuves, à quoi bon ? Il bossait pour les chiens. « C’est un cadeau. Et, si j’aime votre travail, ce sera par la suite des commandes. » La carte monétaire, qui aurait sérieusement motivé Bennett dans les débuts de ce bal masqué, passe à la trappe aux oreilles d’un sculpteur dont l’intérêt décroche en même temps que son espérance de croissance économique. « Elle. C’est une collègue, oui. C’est une entreprise familiale… » C’est mafieux, ça, Weatherton ? Ça en a l’air, à en juger par ses membres. Une famille indéfinie dont les liens étaient de l’aveu même d’Archie plutôt ténébreux, avec une fâcheuse manie de fourcher sur les mots et d’hésiter entre les phrases. Que l’entreprise entasse des corps ne le surprendrait que modérément, à ce stade de la conversation. Licencié en mercatique, l’homme en cravate, ou venu lui vendre des propositions qu’il ne pourrait pas refuser ? « Je veux l’impressionner. J’ai fait une connerie alors je veux qu’ilelle… qu’elle me pardonne. » L’articulation est pourtant quelque chose que les gens de cette dégaine ont tendance à maitriser, parfois outrancieusement, comme lorsque M. Kwanteen lui faisait l’insigne plaisir d’appuyer chacune de ses pensées concernant la structure en miel. « Que voulez-vous savoir de plus ? Depuis combien de temps je la connais ? Quel est mon plus beau souvenir avec elle ? Dites-moi, sincèrement, ce que ça changerait pour le produit final parce que je suis réellement curieux. » Il n’avait pas vu l’écriteau sur la porte… ? ‘Sculpteur et psychanalyste pour boucler les fins de mois’ ; un pied dans l’atelier tellement sale de Bennett, et M. Kwanteen basculait en thérapie sans crier gare. Otage de statues de miel qu’il tirait d’inspirations prises au hasard en écumant les moteurs de recherche, un divan caricatural ne tarderait pas à remplacer la chaise sale et l’environnement sale dans lequel se débattait le commanditaire (il avait… essuyé, la chaise).

Doutait-il vraiment, que Bennett puisse transcrire la moindre idée, fraction de vie, dans le marbre ? Qu’il se hasarderait à poser des questions sans finalité, simplement parce qu’il commençait à réévaluer la possibilité d’un entretien sérieux ? Qu’il n’empêchait pas la mascarade de s’enfoncer encore et encore ? Procès d’intention, procès d’intention… « Vous ne le saurez qu’en me faisant confiance, » souffle-t-il d’un air qui ferait presque avaler qu’il avait bouquiné Freud et tiré deux trois ficelles de là, secret d’initié de ses compétences. « Vous me sous-estimez, je vais mettre une nuance incroyable de pardon dans le nez, ce sera vraiment… » La fin est à imaginer dans l’espace que Bennett pointe obscurément du menton. Tant qu’à être sur cette lancée, tant qu’à gagner sa vie à sculpter du miel, si c’était même pas marrant… C’est le café qui vous fait buter sur les mots ? Un peu trop chaud, le palais fragile ? « Vous ne voulez pas un produit, vous voulez une œuvre… pour lui. » Bennett aussi butait sur les mots maintenant. C’est embêtant. Drôlement embêtant. « Elle. » Oh, oui, cette histoire de buste et de statue en miel qui ne semblait qu’à peine à une femme, ça pouvait attendre… ça pouvait attendre. Ils sont en plein processus créatif, après tout. A la demande d’Archie. « Peut-être que si vous me racontez à quel point vous avez fait une connerie, ça me permettra de mieux me mettre dans la peau de ce qu’il attend. » Fourché, une seconde fois. Bennett est décidément un bon à rien ; n’avait même pas appris à parler, à défaut de savoir sculpter. Et il n’arrange pas plus sa propre situation que celle de son client, en retombant dans ses vieux travers sarcastiques.

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Message(#)marble faces don't melt or die (archie) EmptyMar 30 Mar 2021 - 16:26

« J’ai l’habitude de prendre mon temps avant la production définitive. Je fais des maquettes, je donne des alternatives, et on prend rendez-vous, on discute. » Visiblement, Archie n’y connait rien en le métier d’artiste sculpteur. Il s’attendait peut-être à ce que sa commande personnelle soit terminée en quelques jours à peine sans qu’il n’ait à se présenter sur place pour faire un suivi du travail. Il commence à se rendre compte qu’il a été un véritable idiot de penser que l’art était magique mais jamais il n’admettra ses torts à voix haute. Alors il opte pour l’humour, comme d’habitude, pour se sortir indemne de cette discussion qui éclaire sa stupidité. « Une maquette en miel, alors… » Qu’il bredouille dans sa barbe en esquissant un sourire. Pendant seulement une seconde, il fixe le bout de ses pieds mais il relève rapidement la tête pour ne pas laisser l’artiste lire la honte dans son attitude. Il ne faudrait pas égratigner son immense égo, il ne s’en sortirait probablement pas vivant. Alors, pour détourner l’attention de lui et son rôle de client mal informé, il décide plutôt de s’attaquer au travail qui a été fait sur la maquette parce que, à première vue, il ne reconnait pas le modèle de robe qu’il a choisi de réinterpréter. « Encore heureux que ce soit du miel, » Il l’entend, l’énervement dans le ton de la voix de Bennett, et ça lui arrache un rictus amusé. Pour éviter de passer un autre commentaire avant de lancer la suite de sa liste de critiques (alors qu’il ne s’agit réellement que de petits caprices), il va chercher sa tasse de café devenue tiède pour tremper ses lèvres dans le liquide amer. « C’est printemps-été 2018. Une de vos ‘préférées’. » Il acquiesce faussement d’un signe de la tête, paupières plissées, sceptique. « Si vous le dites. Ce doit être le médium jaunâtre qui m’empêche de voir la retranscription de la beauté de cette robe qui est effectivement une de mes préférées. » Il tente, faisant quelques pas autour de la sculpture, les yeux toujours aussi critiques, avant que l’artiste ne lui demande la valeur sentimentale de cette commande. Sans surprise, Archie est tout de suite réticent à l’idée de refiler plus de détails au sujet de cette « femme » à qui il offre ce cadeau personnalisé. Il sait d’avance qu’il se perdra dans ses propres mots et trahira ses mensonges. C’est bien le visage de James qui est tapissé dans le font de son crâne depuis qu’il est dans cet atelier et les lapsus sont déjà nombreux dans sa façon de parler quand il l’évoque, elle – lui. « Vous ne le saurez qu’en me faisant confiance, » Il ne saurait pas dire s’il a confiance en lui. Il a vu toutes les œuvres qu’il a signées et c’est bien pour cette raison qu’il l’a choisi, lui. Ils ne se connaissent pas réellement, après tout, alors Archie ne s’imagine pas lui révéler certains passages de sa vie privée. Il pourrait s’en servir contre lui, ou vendre certaines informations à sa compétition. Il se pense dans un film. Archie, il ne se doute pas que le monde entier se fiche complètement de ses préférences. Il est son pire critique, le seul qui s’en voudrait de laisser tomber le faux visage qu’il porte depuis que son père lui a ordonné de se cacher, de ne jamais révéler la couleur de son sang. « Vous ne voulez pas un produit, vous voulez une œuvre… pour lui. » L’homme fait à son tour l’erreur et la mâchoire de l’actionnaire se crispe. Ses yeux ne sont plus aussi bleus quand il les poses dans ceux de Bennett. « Elle. » Il se moque de lui, pas vrai ? Il le fait exprès. Archie déteste ce petit jeu et il le fait bien savoir en croisant ses bras sur sa poitrine après avoir reposé sa tasse de café dans laquelle il ne trempera plus ses lèvres – il avait mauvais goût depuis le début, en fin de compte. « Peut-être que si vous me racontez à quel point vous avez fait une connerie, ça me permettra de mieux me mettre dans la peau de ce qu’il attend. » Il ne va pas se battre plus longtemps et ruiner davantage son image. « D’accord. C’est un « il ». » Il souffle finalement, faisant les cent-pas dans l’atelier afin d’instaurer la distance entre lui et l’autre type. Il se fait un honneur à rester de dos à Bennett pour l’empêcher de lire dans les traits de son visage avant même qu’il n’exprime le fond de ses pensées. « J’ai baisé l’une de ses collègues. » Il lance finalement, cru, levant les mains au ciel pour plaider coupable. « Et je l’ai peut-être fait pour me venger. » Il se retourne vers l’artiste, une expression de je-m’en-foutisme plaquée au visage pour cacher ses réels sentiments. « Évidemment, je n’ai pas l’intention de lui embrasser les pieds pour qu’il me pardonne d’avoir agi comme un adolescent, mais je me dis que la sculpture devrait lui faire oublier momentanément que je suis parfois con. » Et il se désigne fièrement, une lueur malicieuse traversant son iris. « J’imagine que tu t’es déjà fait cette opinion de moi. Je pense que j’ai tendance à aimer me faire détester. » Il admet, haussant les épaules. Après tout, s’il se fait haïr dès le début, il ne peut décevoir personne.      

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Message(#)marble faces don't melt or die (archie) EmptyJeu 8 Avr 2021 - 20:41

A la simplicité qu’il devrait mettre à répondre mécaniquement aux commentaires d’Archie, Bennett oppose une obstination même pas égoïste, puisqu’elle allait contre ses propres intérêts ; obstination qui va dans le mur, caractère dont il avait l’air de s’être défait, et qui avait ses résurgences lorsqu’il retrouvait ses semblables. Bienvenue à la maison. « Une maquette en miel, alors. » Exact, exact, il pouvait même lui faire un thé avec – quoiqu’ils ont déjà leur tasse de breuvage fumant. Fumant ? Froid, depuis le temps, et Bennett ne compte pas acharner son palais dessus. Pas qu’il soit difficile, mais il avait assez d’amertume auprès d’Archie pour n’en pas puiser à d’autres sources. Une autre fois, une autre entrevue, et il lui présenterait la ruche à laquelle il collectait sa matière première. C’est de l’agriculture biologique, c’est du bio, ils parleront de décroissance et du monde qu’ils laisseront à leurs enfants – elle serait loin alors, la collection printemps été 2018 ! Elle serait loin, si ces utopies n’étaient pas fracassées avec une délicate virulence par les paroles du cher client. « Si vous le dites. Ce doit être le médium jaunâtre qui m’empêche de voir la retranscription de la beauté de cette robe qui est effectivement une de mes préférées. » Les dents de Bennett se serrent à grincer ; comme une fois sur deux aujourd’hui, la sagesse l’emporte sur l’impulsion qui devrait lancer l’artiste dans un insipide monologue remontant aux sources de la sculpture humaine pour en faire le déroulé complet, technique, histoire et magnificence, toutes les théories, toutes les critiques et tous les contre-arguments ; qu’est-ce qui l’en empêche ? S’il n’a pas déjà perdu la commande, il n’en est pas loin ; jaunâtre, ocre mal oxydé, œuf, couleur de l’âme des amateurs qui s’aventurent sur les plates-bandes de Bennett. Mais peut-être la sincérité du désir d’Archie de voir s’exaucer ses prétentions, peut-être l’instinct de survie économique de Bennett ; d’autres choses aussi, peut-être, retiennent une autre raillerie au bord de ses lèvres, de même qu’un exposé soporifique et exalté sur tout ce que le client moyen aurait besoin de savoir pour approcher de très loin la compréhension de son art. Elitiste ? A peine.

Les yeux d’Archie s’assombrissent, prennent des teintes intéressantes – Bennett est plus dessinateur que sculpteur de formation, il a l’œil de la nuance ; voit les vagues bleutées succéder aux camaïeux translucides, serait-ce l’averse qu’il attend ? Azur lointain, il n’en peut détailler les miroitements de gêne, d’embarras ou d’indifférence qui voudraient s’y peindre ; mais la légère contraction des traits le confirme dans la corde facile que le plus vieux dérange par enfantillage. Café posé – avec une grossièreté terrible ! – et cette moue qui semblait faite pour le visage d’Archie, qui formerait un beau sujet. « D’accord, c’est un ‘il’. » Retour en mauvaise adolescence pour Bennett ; une fois l’information obtenue, elle n’a plus aucune saveur, elle est à jeter avec l’eau du bain, elle ne valait la peine, sauf d’un regard noir et d’une tasse à l’abandon. Il a gratté, il a obtenu ; désormais, il et elle n’exerçaient plus aucune espèce d’attraction pour lui. Regard noir qui s’efface rapidement, au profit d’un dos adressé sans courtoisie, sur lequel le sculpteur devrait déchiffrer par suppositions, les indignations ou lassitudes qui feraient le jour et la nuit sur la figure de son client. « J’ai baisé l’une de ses collègues. Et je l’ai peut-être fait pour me venger. » Entrée, plat, dessert, Archie saute au digestif, faut croire. Bennett n’est pas très cérémonieux non plus, les choses s’arrangent plutôt bien ; à quelque chose près on dira que c’est un rendez-vous réussi. Quant à la morale… le puritanisme n’est pas très rentable, et s’engager dans une discussion sur les mœurs d’Archie n’était sans doute pas le moyen de normaliser leurs relations. Bennett écoute donc comme si la conversation était banale, quoique prendre des notes serait inconvenant. « Évidemment, je n’ai pas l’intention de lui embrasser les pieds pour qu’il me pardonne d’avoir agi comme un adolescent, mais je me dis que la sculpture devrait lui faire oublier momentanément que je suis parfois con. » Il l’avait bien dit – oh, c’est tellement puéril. Pourtant les gens qui offrent des sculptures en marbre présentent quand même quelques régularités statistiques. Combien de fois lui avait-on fait le coup du bon ami en pensant que l’artiste avait du bois dans le crâne ? Enfin ; quelle importance. Maintenant qu’on est là… « J’imagine que tu t’es déjà fait cette opinion de moi. Je pense que j’ai tendance à aimer me faire détester. » L’étincelle qui gravite autour de l’océan est déjà plus gaie, presque satisfaite de dévoiler ses crasses. L’étincelle est connue de Bennett ; elle gravite ici aussi ; elle s’est tue par les années, pas par la foi. Archie adore être con, ça crève les yeux, et ce serait dommage de l’en empêcher. Quant au fait qu’un message serait peut-être plus efficace qu’une sculpture, ce n’était certainement pas à lui de le mentionner.

« J’en pense rien du tout, ta franchise t’honore, » lâche Bennett sans même y mettre d’ironie, aussi flegmatique qu’on pouvait l’être après cet interlude bien trop personnel, qu’il avait délibérément provoqué, qui l’avait amusé, et dont il ne comptait tirer aucune morale. Il pense connaître l’espèce, il ne sera pas celui qui défend les valeurs et la correction ;  défenseur de l’adolescence idiote, pourquoi pas, il comprend déjà mieux, et Archie a curieusement gagné en sympathie depuis quelques minutes. Tutoiement pour tutoiement. Par contre… « Ça marche pas trop mal, ça me donne envie de faire quelque chose de vraiment appliqué. » Il ne sait pas dans quelle mesure Archie comprenait le sarcasme – mais est-ce qu’il était à cela près, entre sous-entendre qu’il avait bâclé le travail sur Weatherton – absolument faux – et tenter un trait d’humour au milieu de la débâcle ? Débâcle ou assouplissement ? L’avenir appartient aux audacieux. « Elle sera bien, ta sculpture, si tu me laisses faire. » Tenter, tenter encore. Le miel ? S’ils n’en étaient qu’au miel, les innombrables remarques pointilleuses d’Archie n’y étaient pas pour rien – encore qu’elles ne devaient être qu’un infime échantillon de ce dont le trentenaire lui faisant face recelait encore. Avec un sourire, peut-être Bennett éviterait-il même de livrer le buste avec une retranscription calligraphiée des propos de son client. On a le sens du service après-vente ou on ne l’a pas… « Je garantis pas le pardon, mais ça peut être un bon investissement si tu comptes te faire détester plusieurs fois. » Rapport de force ou dissertation intrusive ; le seul témoin est de cire. Dans le pire des cas, si Archie avait besoin d’une nouvelle vengeance, il pourrait demander le buste en miel qu’il trouvait d’une laideur si complète, et l’envoyer à son il en guise de bouquet de cimetière.

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Message(#)marble faces don't melt or die (archie) EmptyJeu 15 Avr 2021 - 21:56

Il s’attend peut-être à se faire écraser par une tonne de reproches une fois la vérité révélée mais Bennett reste étonnamment silencieux. Il ne s’est pas encore rendu compte qu’il avait passé outre le vouvoiement, comme si de montrer son véritable visage à l’artiste faisait maintenant de lui un complice, un associé. La réaction se fait attendre quelques secondes de trop, juste assez longtemps pour qu’Archie se perde dans un sourire plutôt mal à l’aise, alors il joue nerveusement avec la manche de son veston d’une valeur semblable à celle de trois pierres précieuses. « J’en pense rien du tout, ta franchise t’honore, » Il semble honnête, du moins, son ton ne trahit aucune arrière-pensée malsaine. Naturellement, Archie redresse le dos parce qu’on vient de le valider. Son égo est à nouveau caressé dans le sens du poil et ça lui arrache un discret sourire confiant qu’il cache en tournant le visage vers ailleurs. « Ça marche pas trop mal, ça me donne envie de faire quelque chose de vraiment appliqué. » Cette fois, l’intention ne paraît pas aussi honnête. Haussant un sourcil de curiosité, l’actionnaire se rapproche du garçon et fait quelques pas autour de lui pour le guetter, pour analyser la réaction de sa proie. « Ce ne sont pas des blagues. Je te paye adéquatement. » Il dit fermement, certain qu’il n’a jamais eu de client aussi généreux que lui-même. Il n’a pas le profil d’un artiste de renom réclamé par toutes les célébrités de la ville. Il suffit de jeter un coup d’œil à son accoutrement simpliste pour comprendre qu’il représente à lui-même le cliché de l’artiste sous-coté. Il n’est certainement pas pauvre comme le mendiant au coin de la rue, mais ce n’est visiblement pas un homard qui l’attend dans son assiette tous les soirs. « Elle sera bien, ta sculpture, si tu me laisses faire. » Il accroche son regard au sien, attendant qu’il craque, qu’il pouffe, qu’il glousse, n’importe quoi pour révéler le sarcasme caché derrière ses mots. Mais il semble honnête, cette fois, alors Archie hoche la tête de bas en haut en enfonçant ses mains dans ses poches : une manière inconsciente de communiquer ses intentions. Il ne touchera plus à cette sculpture de miel, ni à ses futurs plans. Après tout, ce n’est pas lui le professionnel. Il peut seulement attendre que le travail soit terminé et espérer que le produit fini soit à la hauteur de ses attentes. Il ne craint pas trop la déception. Après tout, ce n’est pas pour rien qu’il a contacté ce sculpteur et non celui établi dans le quartier voisin. « Je garantis pas le pardon, mais ça peut être un bon investissement si tu comptes te faire détester plusieurs fois. » La répartie lui arrache un ricanement comme s’il se rendait compte pour la première fois d’en avoir un peu trop dit à son sujet. Cette histoire de pardon ne le rend visiblement pas confortable. Admettre qu’il a causé du tort ne fait pas partie de sa routine. Il ne se souvient pas la dernière fois avoir demandé pardon à quelqu’un. « Justement. » Il le relance, souhaitant dévier le sujet vers les affaires plutôt que vers ses relations personnelles. « Si le produit finit me plaît, je ne mets pas de côté l’idée de te recontacter pour commander d’autres sculptures. » Il s’accroche à son regard, souhaitant happer son intérêt. « Je vais certainement me faire détester plusieurs fois alors autant en profiter pour décorer toutes les pièces de sa maison. » Ou toutes les boutiques de la marque Weatherton. Posant ses fesses sur la table, il l’interroge du regard en attendant sa réaction. Il s’attend évidemment à ce que l’offre le fasse saliver parce qu’elle serait accompagnée d’une montagne de billets verts. Il ne va jamais oublier de lui rappeler à toutes les secondes qu’il est le meilleur client qu’il peut avoir et qu’il commettrait la pire erreur de sa vie en ne faisant pas de son possible pour créer une œuvre digne d’un musée. « Voyons d’abord si tu arrives à dépasser mes attentes. » Il sort son téléphone de sa poche pour le désigner. « Envoie-moi des photos le plus souvent possible. Tiens-moi au courant. Je n’aurai pas le temps de me déplacer à chaque fois que tu sculptes un pli de la robe. Même si le café était… délicieux. » Il marmonne, le nez plissé et les yeux brillants de moquerie en lorgnant la tasse devenue froide posée près de ses fesses. « Oh, et… » Il se rappelle de mentionner juste avant de le laisser répondre : « Tout ce que je t’ai dit reste entre nous, évidemment. Je compte sur ta discrétion. Ne me donne pas envie de ruiner ta réputation, s’il-te-plaît. J’ai déjà d’autres occupations. » Il accompagne son avertissement d’un joli sourire ravissant, plus vrai que tout ceux qu’il lui a donné jusqu’à présent.  

@Bennett Giller I love you
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Message(#)marble faces don't melt or die (archie) EmptyMar 20 Avr 2021 - 18:06

Il a pas l’air mécontent de sa réaction, il se gonfle même un peu de fierté, le salaud. Les plis de son visage trahissent une expression fréquente, un pli déjà pris ; efface la gêne dès que Bennett s’engage sur la voie de la décontraction, gêne qu’il capte quand même, dont il se délecte sans doute un peu. Rançon. Sans rancune, Bennett adore les figures, capitalise sur sa capacité à pouvoir en restaurer l’idiosyncrasie. Par déformation professionnelle, les types et les tics lui restaient en tête, faisaient l’objet de mesures silencieuses pour le compas dans son œil – et, plus secondairement, son esprit déductif. Le personnage est curieux, la veste prend pour son grade – c’est dommage, elle devait coûter l’atelier, à en juger par la dégaine générale. Pourrait payer quelques machines à café froid supplémentaires. Mais Archie ne se laisse pas couler ; le voilà qui sort de la gelée et tente une approche – ça leur allait bien, pourtant, parler à huit mètres de distance autour d’une statue de miel. Les services après-vente, vous savez… « Ce ne sont pas des blagues. Je te paye adéquatement. » Plutôt agressif, comme mécénat ; faut croire que la belle époque est passée, plus aucun monarque n’avait de quoi payer son saltimbanque privé à ériger des extases de Sainte-Thérèse pour sa chapelle privée ; alors, dans le monde des multimillionnaires, il ne restait visiblement plus qu’à gratter aux portes des Kwanteen et autres. Alors Bennett devait se soumettre à tous les caprices de la clientèle ascendant ostentation, pour payer le pain dans la bouche de son fils ? Soyons sérieux. « Si j’avais besoin d’argent, je ferais un autre métier. » Sur des fils dangereux, Bennett oscillait, entre dépit et nécessité ; une heure supplémentaire de conversation stérile, et il aurait abandonné l’affaire, quitte à renoncer virtuellement aux chèques d’Archie. Mais tout semblait aller mieux, tout semblait rentrer dans l’ordre, pour la plus grande joie de son amour des pentes logiques. La vérité, dans ce qu’il avait affirmé ? Par-ci par-là, Bennett n’a pas juré sur la Bible ou son compte bancaire, alors la vérité, c’est assez flou. Vrai qu’il était un peu plus facile de trouver sa poule aux œufs d’or dans les arts graphiques ; faux qu’il n’avait pas besoin d’argent – on a toujours besoin d’argent ; la chose en elle-même n’avait qu’un intérêt très réduit, mais la quarantaine donne à penser au futur. En somme, s’il avait besoin d’argent à ce point, il n’aurait pas bronché aux commentaires d’Archie. D’autres sculptures, et recontacter, ça ne sonnait pourtant pas trop mal, matérialisme ou pas. « Je vais certainement me faire détester plusieurs fois alors autant en profiter pour décorer toutes les pièces de sa maison. » Charmant, Archie avait cessé de l’être avec ses premiers messages acrimonieux ; détestable, il le paraissait légèrement moins maintenant que les périphrases laissaient place au cru. Du marbre avec ses boutons de manchettes et ses vestes qui coutaient son salaire – le goût de l’assortissement. Au grand dam d’Archie, on ne pataugeait pas dans la poussière et l’argile en trois-pièces sur mesure. « Envoie-moi des photos le plus souvent possible. Tiens-moi au courant. Je n’aurai pas le temps de me déplacer à chaque fois que tu sculptes un pli de la robe. Même si le café était… délicieux. » Charmant, disait-il tout à l’heure – dirait le fond opaque de la tasse délaissée. Mais une victoire est une victoire. Bennett n’allait certainement pas remettre en cause ce qu’il semblait avoir gagné de liberté pour le simple plaisir de déplacer l’homme d’affaire (encore quelque chose qui n’existait que parce que certains ne trouvent pas de métier, et qu’il plaquait sur Archie avec le confort du stéréotype) ; accord ténu, qui sauterait peut-être au bout de deux remarques complètement décalées sur sa production. Confiance, confiance. Dépasser ses attentes ? Il était dramatique, Archie, théâtral – et Bennett mauvais acteur. Il sait ce qu’il fait – mieux que quiconque –, à orgueil, orgueil et demi ; à la différence près qu’il le distillait plus parcimonieusement que son client rattrapé sur le bord de la rupture de contrat.

« Oh, et… » Bennett tourne la tête de nouveau pour trouver le visage d’Archie le dramatique, qui semblait vouloir rectifier son tomber de rideau, en ajuster l’élégance. Perdre la face semblait quelque chose que l’apparent trentenaire n’appréciait pas particulièrement – ironique, puisqu’il l’avait laissé transparaître à plusieurs reprises déjà. « Tout ce que je t’ai dit reste entre nous, évidemment. Je compte sur ta discrétion. Ne me donne pas envie de ruiner ta réputation, s’il-te-plaît. J’ai déjà d’autres occupations. » ‘Oh’, c’était donc l’onomatopée par laquelle Archie annonçait qu’il allait faire pression, avec son influence reconnue sur le monde des arts, influence terrifiante – très bien, Bennett n’avait peut-être pas assez l’expérience des hautes sphères de la société pour cerner exactement ce qu’on était capable de lui faire depuis l’étage supérieur. Et Archie travaillait pour Weatherton, si les salades qu’il déballait s’arrêtaient à sa vie personnelle… ? Mode, art, connexions, peut-être que le coup de pression n’était pas si illusoire que ça. (Envie de tester ?) Peut-être, peut-être pas. Pas tout de suite, en tout cas. « Ma vie professionnelle contre une brouille adolescente, ça semble équitable, » finit par lâcher Bennett, aussi peu sensible au discours vaguement mafieux qu’on lui servait que soudainement décidé à faire quelque chose de bien de cette commande. L’esprit de contradiction, quelque chose que deux personnes ici semblaient partager.
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