Les pieds sur la table, avachie sur le canapé, Sasha avait juste tellement envie de rentrer chez elle et de prendre un bon bain. Raelyn avait eu raison dans son texto : il fallait se reposer, elle en aurait besoin. Elle en avait besoin à présent. La chute de Mitchell ne signifiait pas que tout était acquis. Réorganiser le Club pour lui donner de nouvelles bases solides n’était pas de tout repos et nécessitait surtout beaucoup de temps. Sasha n’était pas directement impliquée dans les débats concernant l’avenir du Club car elle travaillait dans l’ombre pour Raelyn, mais elle assistait à aux réunions où se prenaient les décisions les plus importantes. Sa nuque était tendue, son dos douloureux et pas du tout pour les raisons auxquelles vous pensez actuellement. Elle n’avait plus fait de passes depuis un moment avec le cas de Mitchell et ce que lui demandait Raelyn. Et ça ne lui manquait pas du tout. Sasha était tout simplement tendue car ces conversations autour de l’avenir immédiat du Club étaient assez anxiogènes en ce moment et elle avait l’impression que les réunions n’en finissaient pas. Non pas qu’elles remettent en question la façon de faire de Raelyn ou d’Alec, mais Mitchell n’avait toujours pas disparu des journaux et des programmes télévisés, et les évènements liés au Club faisaient encore quelques bruits dans les rues de Brisbane. Le contexte idéal pour remettre sur pied un gang qui nécessitait un remaniement général -évidemment, c’était ironique.

Bien qu’Alec soit resté dans les effectifs du Club, et surtout en tant que bras droit de Raelyn, Sasha ne lui avait pas adressé un mot depuis un bon moment. Même pas un regard. Elle, qui fut un temps ne pouvait s’empêcher de le dévorer du regard, soufflait presque en sa présence, désormais. Et il savait très bien ce qu’elle lui reprochait. Il pouvait la traiter de mouton, elle n’en avait rien à faire. Il avait menti à Raelyn en prétendant tout ce temps être son ami. Elle n’est peut-être pas sa plus tendre amie mais la loyauté qui forge leur relation fait que les ennemis de Raelyn, sont aussi ceux de Sasha. Dommage, car il était pourtant une si belle distraction pour la jeune femme. Les petits jeux de regards pimentaient ses journées où elle était mal lunée et les caresses volées lui donnaient envie de braver l’interdit. Mais ça, c’était terminé depuis qu’elle a su la raison pour laquelle Raelyn avait quitté le Club cet été. C’était donc sans scrupules et avec plaisir qu’elle oeuvra à l’encontre de Mitchell. De toutes façons, ce n’était pas ce petit jeu de séduction qui aurait pu l’en dissuader. Alec était Alec, il était séduisant, bien placé mais tout le monde connaissait sa passion pour les femmes. Et ce n’était pas comme s’il n’avait pas eu des vues sur la plupart des escorts du Club. Il fallait vraiment être niaise pour penser sortir du lot. Sasha sait de quoi elle parle, elle les connait les hommes.

Dès le mot de la fin de la part d’Alec, la brune se leva du canapé et traça sans attendre en direction de la sortie. Juste le temps d’un regard échanger avec Raelyn (elles n’avaient pratiquement plus besoin de parler), et elle sortit de la pièce sans un regard pour personne d’autre. Elle avait vraiment du mal à comprendre pourquoi Alec avait décidé de rester au Club. Il était clairement le pantin de Raelyn, juste là à titre honorifique. Et quand cette dernière n’aura plus besoin de lui, est-il assez perspicace pour savoir que tout ce qu’elle lui offrera sera la case sortie ? Peut-être qu’il se volait la face, peut-être qu’il y tenait vraiment à ce Club. S’il souhaite le pardon de Raelyn, il peut se mettre le doigt dans l’œil et voir ce que ça donne sur le long terme. En tout cas, elle ne voulait plus entendre parler Club pour ce soir, elle n’allait pas non plus se joindre aux autres membres du Club qui étaient restés pour boire un verre. L’entrepôt était dans son quartier, elle allait tout de suite rentrer chez elle, prend un café en passant et ne plus parler à personne jusqu’au lendemain.

Grâce à sa démarche rapide, elle était déjà bien éloignée de la zone industrielle et l’habitat résidentiel de Redcliffe se faisait plus dense dans le paysage. Sauf qu’elle n’était pas dupe. Sauf qu’il ne faut pas oublier qui était son mentor dans le gang. Elle lui avait tout appris, même à remarquer quand on se faisait fuir. Cela faisait bien dix minutes qu’elle avait remarqué qu’Alec la suivait. Pour le bras droit du Club, ça manquait drôlement de discrétion mais elle le laissait faire. Jusqu’à ce qu’elle arrive à un café pour prendre une boisson à emporter. Un dilemme s’impose à elle : le prendre sur le fait accompli ou faire comme si de rien n’était pour savoir ce qu’il en était vraiment ? Elle avait surtout envie de voir s’il allait avoir les couilles de lui parler. Elle entra dans le café et quelques secondes, plus tard elle vit à travers le reflet d’une vite que lui aussi, était entré dans le café. Sasha sentait qu’il se rapprochait un peu plus. Un sourire narquois se dessina sur ses lèvres. « Quel idiot. » Souffla-t-elle.

Il aimerait être ailleurs, retrouver l’appartement de Mia, oublier le reste. Pourtant il se force à se concentrer sur la conversation actuelle, sur le Club qu’ils sont en train de reconstruire, sur les problèmes qui s’enchaînent et la difficulté d’arriver à leurs fins quand les médias étaient encore sur le cas de Mitchell et par extension celui du Club.  Il écoute Raelyn, les bras croisés, alors qu’elle donne diverses instructions.

Il y a une certaine frustration qui bout dans son sang. A quoi s’attendait-il ? A ce qu’elle le pardonne dès l’instant où elle prendrait le pouvoir et qu’il serait là,  avec elle et non avec son frère ? Après tout n’avait-il pas renié les liens de son sang pour elle ? Aujourd’hui cet espoir futile que tout rentrerait dans l’ordre une fois que Raelyn serait aux commandes est écrasé par la dure réalité de ce nouveau monde. Certes elle a obtenu la couronne mais tout est à reconstruire. Le club, mais aussi eux. Tous les sourires qu’elle lui adresse sonnent plus faux les uns que les autres, masque qui n’est là que pour les apparences de la foule parce qu’il la connait. Tout simplement parce qu’il y a encore moins d’un an elle lui en adressait des vrais alors qu’ils discutaient autour d’une terrasse, alors qu’il lui cuisinait une énième nouvelle recette.  Elle était son amie et aujourd’hui son amie lui semble à des kilomètres de lui, si elle lui adresse de nouveau la parole, ce n’est que pour le Club. Le fossé entre eux est toujours présent et semble irréparable. La mâchoire d’Alec est constamment serrée lors de ces réunions où ils essayent de se sortir de ce merdier. Planifier, réorganiser, rassembler les troupes.  Il n’est là que pour apporter son soutien, pour faire un lien nécessaire entre l’avant et l’après et montrer que Raelyn a toute la légitimité d’être ici. Elle l’a, il suffit de la regarder pour qu’il en soit convaincu.

Mais plus il la voit ces derniers jours, plus il réalise que son pardon, sa confiance, ne seront pas si simples à retrouver.  C’était à ce moment-là que son regard s’était posé sur Sasha. Sasha qui avait été du côté de Raelyn bien avant la chute de Mitchell.  Sasha qui aujourd’hui lui semblait avoir pris une place plus importante. Il ne pouvait s’empêcher de se demander quel était le lien entre les deux femmes et s’il pouvait l’utiliser.  A condition cependant de réussir à retrouver là aussi la confiance de Sasha ce qui ne promettait pas d’être gagné non plus. Il était temps de reprendre le contact avec la brune, tester le terrain, voir ce qu’il en était.  Aussi lorsque la réunion se termine, il ne rentre pas chez lui, mais décide de la suivre à distance,  se demandant quand et comment l’approcher.  

Alec ne cherche pas à être discret. Il souhaite qu’elle le voit, qu’elle sache qu’il était en train de la suivre tout simplement parce que son but était de lui parler loin des oreilles indiscrètes du Club. Loin de Raelyn surtout.  Elle entre dans un café et il la suit, remontant ses lunettes de soleil dans ses cheveux. Il s’approche,  venant de se placer à côté d’elle dans la file pour commander. « Salut Sasha. »  Sa voix grave raisonne pour que seule elle puisse l’entendre. Il lui jette un regard, elle ne semble pas surprise, elle l’avait donc remarqué. Il n’en a rien à faire. « Tu marches vite. » pour quelqu’un d’aussi petit, n’ajoute-t-il pas et pourtant son sourire moqueur finir sa phrase pour lui. A quoi joue-t-il ? Va-t-il sérieusement prétendre que les six derniers mois ne sont pas arrivés ? « Je t’offre un café ? » Apparemment oui, c’est bien le plan. Prétendre qu’elle ne lui en veut pas, prétendre qu’ils n’ont pas arrêté ce petit jeu au cours de l’été.  C’est exactement ce qu’il compte faire parce qu’il a besoin d’elle.

@Sasha Sinclair  

La jeune femme avait carte blanche concernant son mode opératoire, elle devait tout simplement être efficace. Raelyn n’avait pas du tout été surprise lorsque Sasha lui avait annoncé qu’elle pouvait faire bien plus que le surveiller. Son expérience en tant que petite fouineuse lui avait appris pas mal de chose. La première étant que les hommes étaient les plus vulnérables après l’acte, et les confidences sur l’oreiller allaient bon train après leurs soupirs de satisfaction. Sasha était déterminée à assurer sa mission, et s’il fallait franchir certaines limites pour y parvenir, elle le ferait. Elle n’avait pas froid aux yeux et rien ne pouvait la freiner. En réalité, son métier avait levé tout blocage physique de son côté depuis des années. Elle n’était plus aussi pudique qu’au début de sa vingtaine, sa vertu n’était plus qu’un lointain souvenir, et elle faisait tout ça machinalement tant elle en avait l’habitude. Offrir du rêve à ses clients était tellement répétitif que ça en devenait mécanique pour elle. Il n’y avait donc aucun problème pour répéter le même schéma si cela s’avérait nécessaire pour retrouver la confiance d’Alec. Cette option était facilement envisageable au vu de la nature de leur relation avant la mise en lumière sur sa trahison envers Raelyn, mais elle restait avant tout une option. Si elle réussissait à l’amadouer avec seulement quelques battements de cils, c’était tout aussi bien.

Alors qu’elle soupirait et qu’elle le voyait arriver à travers la vitre, c’était tout naturellement que le bras droit déchu du Club se posta à côté d’elle. Il ne se cachait pas du tout du fait de l’avoir suivi. Sasha venait de comprendre son petit jeu : Alec voulait qu’elle le sache. Il lui avait mâché la moitié de son travail, et elle en remerciait car elle n’avait pas prévu de lui reparler si rapidement. Pour un homme qui se devait d’être vigilent, il se jetait un peu trop facilement dans la gueule du loup. « Salut Sasha. » Les lèvres pincées, la jeune femme ne bronchait pas, son regard toujours fixé sur le menu lumineux au-dessus des caisses. « Tu marches vite. » Elle lui jeta une œillade, et elle put apercevoir son petit sourire en coin. Ah les hommes. Si prévisibles. Faire comme si de rien n’était, tenter de mettre leurs responsabilités de côté avec un sourire. Elle pouvait le lui rendre pour précipiter les choses, mais une soudaine sympathie lui mettait la puce à l’oreille. C’est donc un visage toujours aussi impassible qu’elle affichait, et un regard dénué d’émotions qu’elle lui lançait. « On m’a appris à marcher vite pour semer les méchants. » Dit-elle en avançant au fur et à mesure que la queue se réduisait. « Je t’offre un café ? » Sasha arqua un sourcil et adressa enfin un réel regard à Alec, l’esquisse d’un sourire au bout des lèvres, qu’elle tentait de retenir. C’était trop facile. « À quoi tu joues, Strange ? » Le petit jeu pouvait enfin (re)commencer. Ce n’était pas anodin de sa part de se montrer si avenant juste après la chute du Club, juste après toutes cette tension au sein de l’organisation et après tous ces mois d’ignorance ou Sasha lui en a voulu pour son mensonge (et d’ailleurs, elle lui en veut toujours). Le Strange avait une idée derrière la tête, elle le sentait. Tout comme elle. Mais est-ce qu’il savait, lui, que Sasha et Raelyn complotaient sur son compte et que le plan semblait débuter à merveille ? « Après tout ce temps sans s’adresser le moindre mot, tu reviens pour m’offrir un stupide café ? » Elle avait besoin de lui, elle avait besoin d’en savoir plus sur ses intentions et sur ce que devenait Mitchell. Sasha savait qu’elle n’aurait pas ces informations de sitôt, mais lui faire croire qu’elle aurait pu être affecté par son absence durant les six derniers mois pouvait l’amener droit au but. Jouer la comédie, c’était son truc. « On ne s’est plus adressé la parole pendant des mois, il s’est passé ce qui s’est passé en début de semaine. » N’oublions pas qu’ils ont dans un lieu public et que tout le vocabulaire relatif au Club était proscrit. Mais il comprendra évidemment qu’elle faisait référence à la mise sous scellés du Club et au cas de Mitchell, et surtout qu’il a bizarrement décidé de soutenir Raeyn dans cette épreuve. « Et tu crois que je vais tout oublier avec un café ? » Elle avait les bras croisés et elle lui faisait face. « Dis-moi ce que tu veux, qu’on ne perde pas de temps, et que tu n’empiètes pas plus mon espace vital. Si tu m’as suivi jusqu’ici, ce n’est pas seulement pour me payer un café. Et je doute que ce soit parce que nos petits échanges de cet été t’aient manqué. » Ils arrivèrent enfin en face de la caissière qui était prête à prendre leur commande. « Un allongé. Sans sucre. » S’adressa-t-elle, non pas à la caissière, mais bien à Alec pour qu’il prendre sa commande. Autant qu’il serve à quelque chose et qu’il lui offre un café. C’était si gentiment proposé.

@Alec Strange sorry encore pour le retard

« On m’a appris à marcher vite pour semer les méchants. »   Un rire secoue ses épaules. Était-il le méchant de cette histoire ? N’étaient-ils tout pas les méchants ici ?

« À quoi tu joues, Strange ? »    Son air se fait presque innocent.  Il ne la dupera pas elle, tout comme il ne se dupera pas lui-même. Ce jeu-là il ne le maîtrise pas complètement, ce jeu-là il ne sait pas vraiment où il mènera. Tout ce qu’il sait c’est qu’elle est la clé. La clé vers Raelyn, qu’il récupérera coute que coute, la clé vers cette amitié qu’il chérissait et qui n’est plus. « Je vois pas de quoi tu parles Sinclair ? »  Il susurre avec un sourire en penchant légèrement la tête sur le côté.  Elle a utilisé son nom, il a utilisé le sien.  Il n’aimait peut-être pas le jeu, mais cela faisait des années qu’il était dans le Club. Il était peut-être un homme que beaucoup auraient qualifié de sympathique et d’honnête, d’autant qu’il pouvait l’être du moins, mais il restait un criminel. Il n’aimait pas le jeu, mais était en revanche parfaitement capable d’y jouer.

Les gens prennent leur café et petit à petit la queue se réduit.   « Après tout ce temps sans s’adresser le moindre mot, tu reviens pour m’offrir un stupide café ? »  Il observe un instant son visage, cherchant à cerner cette femme qu’il connait finalement mal et avec qui il avait eu peu de contact ces derniers mois, après tout, à l’image de Raelyn elle ne lui avait pas pardonné. Pourtant aujourd’hui ils étaient dans le même camp. « T’aurais préféré un bouquet de fleurs ? »   propose-t-il avec un sourire.  C’était un jeu qu’il n’avait pas joué depuis longtemps, charmer, utiliser ses sourires pour obtenir ce qu’il voulait.    Il avait besoin d’elle pour revenir dans les petits papiers de Raelyn, peut-être même qu’elle aurait des informations qui lui seraient utiles, qui lui permettraient d’avancer à l’aveugle. Encore fallait-il qu’elle lui fasse confiance. Ce qui n’était pas gagné d’avance.

« On ne s’est plus adressé la parole pendant des mois, il s’est passé ce qui s’est passé en début de semaine. »  Bien sûr qu’ils ne pourraient pas parler ouvertement, tout ne serait qu’allusions et mots tranchants enrobés de sucre pour prétendre qu’ils ne faisaient pas si mal que ça.  Alec n’avait aucune envie de penser à ces derniers mois qui l’avaient torturé, laissé seul et qui surtout l’avaientt poussé à faire le choix qu’il avait fait. « Et tu crois que je vais tout oublier avec un café ? Dis-moi ce que tu veux, qu’on ne perde pas de temps, et que tu n’empiètes pas plus mon espace vital. Si tu m’as suivi jusqu’ici, ce n’est pas seulement pour me payer un café. Et je doute que ce soit parce que nos petits échanges de cet été t’aient manqué. »  Elle est directe Sasha et elle se leurre si elle pense qu’il le sera.  Ils arrivent presque devant la caisse et il ne peut s’empêcher de lever les yeux au ciel en soupirant. « Je savais que j’aurais dû t’acheter des chocolats avec. »   Il lui adresse un clin d’œil, l’air détendu est complètement fictif mais Alec est habitué à prétendre et à mentir. « Un allongé. Sans sucre. »  Il n’a aucun doute sur le fait que la jeune femme en face de lui joue son propre rôle dans cette pièce de théâtre, il n’a plus qu’à essayer de déterminer lequel.

«  Deux allongés. Sans sucre.  Et deux parts de ce gâteau au chocolat qui a l’air délicieux. »   Il ne lui demande pas son avis, uniquement concentré sur la caissière à qui il adresse son plus beau sourire, il paie, observe le tag sur la chemise de la demoiselle et avec un clin d’œil attrape son plateau. « Merci Rachel. »  Il se tourne de nouveau vers le bout de femme à côté de lui et d’un air toujours innocent lui dit. « On se met en terrasse ? j’ai un goût renouvelé du soleil après l’autre jour. »  Après avoir passé une journée en garde à vue. Il prétend que tout va bien, qu’il n’y a rien de plus normal, comme deux amis qui prennent un café en terrasse. Il s’assoit se décidant finalement à lui répondre. « Pourquoi je ne reprendrais pas des nouvelles d’une amie, on est collègues après tout ? Et j’ai comme l’impression que tu as eu une promotion. »   Il ne connaissait pas la nature lien qui unissait les deux femmes mais il avait compris qu’il existait. Maintenant il se demandait s’il allait pouvoir l’utiliser à son avantage.


@Sasha Sinclair  

« Je vois pas de quoi tu parles Sinclair ? » L’air faussement innocent d’Alec n’était juste pas crédible. Son petit sourire en coin ne faisait qu’alimenter l’agacement que la jeune femme éprouvait à son égard. Néanmoins, il se prêtait sans broncher au petit jeu qu’elle avait instauré. Mais allait-il pouvoir en assumer le rythme ? Jusqu’où était-il capable d’aller pour ne pas être le premier à abandonner la partie. C’était trop tard, désormais, le jeu était lancé. La mission de Sasha avait commencé, et elle était bien déterminée à atteindre son but. À voir s’il en était de même pour lui, car c’était sûr, il n’était pas par simple envie. Quelque chose se tramait de son côté, il lui voulait quelque chose. Et Sasha savait qu’il pouvait se montrer aussi déterminé qu’elle pour parvenir à ses fins. Mais il fallait qu’elle sache ce qui le motivait à retourner vers elle. Une situation assez cocasse était en train de se créer, tous les deux se servaient l’un de l’autre, sans se l’avouer officiellement. « T’aurais préféré un bouquet de fleurs ? » La jeune femme leva les yeux au ciel. Un point qui avait toujours eu le don de l’exaspérer chez Alec est, paradoxalement, son atout séduction qu’il ne pouvait s’empêcher de jouer lorsqu’il avait une femme sous les yeux. Pensait-il réussir à l’avoir dans sa poche avec un simple sourire et quelques mots taquins ? Il se trompait, et de loin ! Sasha était persuadée de ne pas être comme toutes les autres, celles qu’on pouvait avoir en un claquement de doigt. C’était elle la séductrice, c’était elle qui menait toujours la danse. Les hommes tombaient toujours dans ses filets, et non l’inverse. Peut-être que c’était simple pour lui de se taper les escortes du Club, mais en tout cas, avec Sasha, il n’avait jamais réussi. « Je savais que j’aurais dû t’acheter des chocolats avec. » Par contre, il savait très bien comment la faire bouillonner. Elle avait ignoré sa première remarque, mais il revint à l’attaque avec une seconde, sans prendre au sérieux tout ce qu’elle avait pu dire juste avant. Du Alec tout craché. Sûr de lui, provocateur, un brin macho.

«  Deux allongés. Sans sucre.  Et deux parts de ce gâteau au chocolat qui a l’air délicieux. » Elle posa son regard sur lui tandis qu’il dévisageait la caissière. « Merci Rachel. » Sasha ne retint pas un soupir exagéré. « Tu ne peux vraiment pas t’en empêcher. T’es pas capable de t’adresser à une femme sans faire ton petit cinéma ? » Alec, c’était le genre de type qui pensait que tout lui était dû avec un seul sourire, qui pensait qu’avec un simple clin d’œil avoir toutes les femmes à ses pieds. C’était ce petit air insolent qui lui tapait sur le système, mais qui lui avait sans doute plu, quelques mois auparavant. « On se met en terrasse ? j’ai un goût renouvelé du soleil après l’autre jour. »  Sasha était presque stupéfaite. Alec faisait preuve d’un naturel presque désinvolte, comme s’il la prenait pour une idiote. Elle le suivit avant de prendre place sur la chaise en face de lui. Peut-être qu’à l’écart de la clientèle, les langues se délieraient et qu’ils cesseraient de faire des sous-entendus pour aborder les sujets qui les intéressent. « Pourquoi je ne reprendrais pas des nouvelles d’une amie, on est collègues après tout ? Et j’ai comme l’impression que tu as eu une promotion. » Un rire sarcastique s’échappait de ses lèvres pendant qu’elle posait ses mains autour de son café. Une amie ? Après tous ces mois de silence ? Sa deuxième remarque eut l’effet d’un éclair de lucidité. Il faisait sans nul doute allusion à sa relation avec Raelyn. Evidemment qu’il se doutait de quelque chose. Mais a-t’il vu ou entendu des choses ? Raelyn et Sasha faisait très attention à ne pas montrer au monde la nature de la relation, elles étaient extrêmement discrètes concernant la nature de leurs échanges et c’était presque si elles ne s’adressaient pas un regard lorsqu’il y avait du monde. Ont-elles manqué de discrétion pour que cela suscite l’intérêt d’Alec ? « Je suis ton amie maintenant ? C’est nouveau. Tu m’apprends quelque chose. » Dit-elle avant de boire une première gorgée de son café. Elle marqua un temps de pause, laissant planer le suspense du côté d’Alec. Il n’en avait rien à faire du mot ou de l’étiquette à adéquate à poser sur sa relation avec Sasha. Ce qui l’intéressait c’était plutôt la réponse de Sasha à sa deuxième remarque. « Une promotion ? Ah bon ? Je n’étais pas au courant que nous, les escortes, avions été augmentés. Nous avons enfin le salaire que nous méritons. Il était temps. »  Ce n’était pas du tout la réponse qu’il espérait. Mais qu’il ne s’attende pas à ce qu’elle se laisse prendre au piège. Il avait bien plus maline en face d’elle. Sasha était en quelques sortes l’élève de Raelyn, et même si elle avait encore beaucoup de chemin devant, elle avait le meilleur des mentors. Il n’aura jamais les informations qu’il souhaitait. La jeune femme se fera un plaisir de lui mettre des bâtons dans les roues. « Et toi alors, mon ami, je vois que tu as quand même réussi à garder ta place.  Tu ne t’es pas laissé abattre par les évènements, je suis fière de toi. C’est comme si tu avais eu une sorte de promotion, toi aussi. » Un sourire narquois aux lèvres, elle lui adressa un clin d’œil avant de souffler légèrement sur son café. « J’étais inquiète, j’ai presque eu peur que tu changes d’avis. » Elle haussa un sourcil, avant de boire une seconde gorgée de sa boisson. « Mais… je sais bien que ces décisions sont de loin, les plus difficiles à prendre… » Elle prit tout de suite un air plus sérieux, presque dans l’empathie. Le caressant dans le sens du poil ne faisant allusion au fait qu’il est pris la décision de tourner le dos à son frère. Elle savait très bien qu’il ne se confierait pas aussi rapidement mais le but étant d’installer un climat de confiance à ce sujet. Elle devait savoir s’ils étaient encore en contact. Mais si elle avait quelques suspicions, son affirmation formelle était nécessaire. « C’est un peu compliqué en ce moment, mais on trouvera rapidement un équilibre pour rebondir. On l’espère toutes. » La jeune femme plongea son regard dans le sien pour appuyer ses propos. Elle faisait allusion cette fois-ci à l’état actuelle du Club, à la recherche de nouveaux locaux et à la nouvelle direction qu’il prenait. Elles parlaient aussi au nom des escortes. Elle ne devait rester qu’une simple escort à ses yeux et tout soupçon sur sa complicité avec Raelyn devait être effacé des pensées de l’actuel bras droit du Club. « Enfin bref, t’as pas mieux à faire que de traîner ici ? T’as pas une femme qui t’attend quelque part ? » C’était toujours bon à savoir. S’il était célibataire, tout serait plus simple pour le mettre dans sa poche. Dans la cas contraire, ce serait une des raisons pour lesquelles Raelyn pourrait considérer qu’il n’est plus apte à gérer le Club à ses côtés en ayant le cœur ailleurs.

« Tu ne peux vraiment pas t’en empêcher. T’es pas capable de t’adresser à une femme sans faire ton petit cinéma ? »  Son soupir exaspéré lui arracha son plus beau sourire, transpirant l’innocence. « Quel cinéma ? »  C’était un jeu auquel il avait toujours été doué. Séduire, charmer,  c’était aussi ce qui faisait de lui un atout indispensable à cette façade qu’était la restaurant. Il n’attisait pas la suspicion, il semblait honnête, charmant, il était naturellement sympathique et avec les femmes il séduisait avec facilité. Il faut croire que son manège marchait un peu moins bien avec quelqu’un qui connaissait la véritable personne derrière le masque.  Mais lui ne comptait pas le laisser tomber pour autant, il était assez certain qu’il arriverait à ce que son charme fasse effet après tout, l’été dernier ils n’avaient pas été loin de dépasser la dernière barrière qui les séparait. Et si aujourd’hui il n’avait aucune intention de finir dans le lit de Sasha Sinclair, il comptait bien prétendre que c’était le cas si cela pouvait lui faire gagner quelques informations précieuses.

Ce jeu avait au moins le mérite d’être intéressant, et lorsqu’il fit allusion à leur amitié,  inexistante certes, et à cette promotion, simple hypothèse de sa part cette fois,  son rire sarcastique lui fit pencher la tête sur le côté.

« Je suis ton amie maintenant ? C’est nouveau. Tu m’apprends quelque chose. »  Son air faussement offusqué laissa bien vite place à un rictus amusé. « Bien sûr que tu es mon amie Sasha, le Club c’est une famille. »   Un beau tissu de conneries, mais une part de vérité à laquelle il croyait. Alec protégeait les siens et accordait assez d’importance à cette idée de famille. Pourtant c’était l’homme qui venait de trahir son frère qui proférait de telle chose. Qu’importe. Ils n’étaient pas vraiment amis, ne l’avaient jamais été.  

L’américain but une gorgée de son café, attendant la réponse à sa deuxième question, celle beaucoup plus intéressante et scruta chacune de ses réactions à la recherche d’une quelconque faille. « Une promotion ? Ah bon ? Je n’étais pas au courant que nous, les escortes, avions été augmentés. Nous avons enfin le salaire que nous méritons. Il était temps. »  L’éclat de déception dans son regard fut vite effacé, cela aurait été un peu trop facile qu’elle dévoile ses cartes dès le premier café.  Il n’avait aucune idée de ce lien qui unissait Raelyn à Sasha, aucune idée du rôle que l’escort avait. Mais il avait des doutes et était assez malin pour les écouter. Elle avait été dans le camp de Raelyn dès le départ, la fin de leur petit jeu en avait été la preuve.  Il connaissait assez bien son ancienne amie pour savoir que ce genre de loyauté aurait été récompensé d’une façon ou d’une autre.

« Et toi alors, mon ami, je vois que tu as quand même réussi à garder ta place.  Tu ne t’es pas laissé abattre par les évènements, je suis fière de toi. C’est comme si tu avais eu une sorte de promotion, toi aussi. »  Un rire jaune secoua ses épaules, il attrapa sa cuillère pour prendre une bouchée du gâteau au chocolat.  « Tu devrais goûter c’est délicieux. »  Il ne laissa rien apparaître de la culpabilité, des doutes et des hésitations qui le prenaient encore aujourd’hui, du sentiment au fond d’avoir tout perdu dans cette histoire et de n’avoir rien gagné. « Tu sais je suis un optimiste je vois le bon côté des choses. » Y avait-il seulement un bon côté des choses ? Il avait du mal à le trouver.

« J’étais inquiète, j’ai presque eu peur que tu changes d’avis. Mais… je sais bien que ces décisions sont de loin, les plus difficiles à prendre… »  Son regard se voila cette fois ci, se fit un peu plus sincère. Le masque séducteur s’étiola un court instant pour un plus d’honnête. « Il y a des choix qui doivent pris pour le bien de tout le monde. Je n’aurais pas changé d’avis. »  Les mots furent prononcés avec fermeté et n’étaient que la vérité. Vérité qu’il lui laissait voir, pour le besoin de prouver qu’il était loyal à Raelyn, qu’il ne le serait plus à cet ainé qui avait perdu son respect.

« C’est un peu compliqué en ce moment, mais on trouvera rapidement un équilibre pour rebondir. On l’espère toutes. »  A nouveau il joua une carte un peu plus honnête. « On rebondira. On rebondit toujours. Et puis la loyauté est toujours récompensée. Comme tu le sais. »  ajoute-t-il avec un sourire plein de sous-entendus. Il n’était pas dupe. Il n’y croyait pas à son rôle de simple escort. Elle avait toujours été maligne Sasha. Trop maligne, trop intelligente. Il avait l’impression de voir Raelyn à ses débuts et c’était sans doute aussi ce que Raelyn avait dû voir chez elle.  Sasha avait été loyale et cela avait dû être récompensé. La question était simplement de savoir, comment.

« Enfin bref, t’as pas mieux à faire que de traîner ici ? T’as pas une femme qui t’attend quelque part ? » Il ne s’attendait pas à cette question et si une légère surprise teinta ses iris il la camoufla immédiatement en posant une simple question. « Pourquoi, ça t’intéresse ? » Sa tête se pencha sur le côté, son sourire se fit plus charmeur. Elle finira par craquer, il en est certain. En attendant il est hors de question que quique ce soit apprenne pour sa relation avec Mia, encore moins Sasha Sinclair dont il ne connaissait pas les attentions. Il la protégera à n’importe quel prix, peu importe les conséquences et cela impliquait que personne ne soit au courant. Son jeu de séduction allait devoir paraître crédible tout en gardant une certaine distance car s’il donnait l’impression de dévorer du regard la femme en face de lui, il n’y avait qu’une jolie journaliste qui occupait chacune de ses pensées et il n’y avait qu’elle, qu’il avait envie de réellement séduire, de façon honnête cette fois, et loin des apparences que le Club imposait. «  Peut être que c’est avec toi que j’ai envie de passer du temps, qui sait ? »  Un clin d’œil. « J’ai vraiment envie que vous ne soyez pas les oubliées de toute cette histoire Sasha. »  Il susurre son prénom comme si c’était du miel qui fondait sur sa langue. « Vous êtes importantes les escorts. Et puis toi, t’as toujours été plus maligne que les autres. Peut-être que tu as d’autres ambitions ? »  Peut-être même que ses ambitions avaient été réalisées ?



@Sasha Sinclair  

S’il n’était pas si arrogant, si sûr de lui, s’il n’avait pas trahi Raelyn et s’il n’avait pas agi comme un traitre, Sasha pourrait presque retomber sous son charme. Mais non. Loin de là. Alec était synonyme de rancœur et de méfiance désormais. Même s’il avait beau vouloir prouver aux yeux du Club qu’il était encore digne d’être bras droit, Sasha ne se laisserait pas berner. Elle voyait clair dans son jeu et elle ne supportait pas quand il endossait ce rôle de séducteur à qui rien ne lui était refuser. C’était typiquement le genre d’homme qui la faisait fuir et elle en venait même à se demander comment elle avait pu se laisser embrigader dans ce petit jeu de séduction l’été dernier. Cette fois-ci, elle sera coriace, inatteignable et s’il s’obstinait à croire qu’il pouvait la faire flancher pour ses intérêts, il se mettait clairement le doigt dans l’œil. En aucun cas Sasha ne lui donnera cette satisfaction. Dès lors où il fit allusion à une potentielle promotion, elle comprend dans quelle position il était. Ils avaient tous les deux le même objectif : obtenir des informations de l’autre. Elle réfléchissait à ce qui pouvait bien motiver les intentions de l’ancien bras du Club. La situation dans laquelle les deux se trouvaient était absolument cocasse. Ils avaient tous les deux un intérêt à discuter ensemble, ils le savaient mutuellement mais ce jeu était bien plus intéressant lorsque l’on savait qu’aucun des deux ne flancheraient. Aucun des deux donnera réponse aux questions de l’autre. Ce qui rendait donc la mission compliquée, mais intéressante pour Sasha qui était persévérante et qui ne lâchera pas l’affaire tant qu’Alec ne lui en dira pas plus sur son frère et sur ce qu’il fait actuellement.

« Bien sûr que tu es mon amie Sasha, le Club c’est une famille. » Elle leva les yeux au ciel. Le Club c’est une famille ? C’est pour ça que tu as lâchement laissé tomber ton frère pour l’amitié que tu as perdu avec Raelyn ? Cette remarque lui brûlait les lèvres. Il tendait le bâton pour se faire battre. Mais elle n’allait pas démarrer les hostilités tout de suite. Il ne fallait surtout pas le froisser ni plomber l’ambiance alors qu’ils venaient à peine de s’asseoir et son café était encore brûlant. Elle gardait ses petites remarques cinglantes au chaud. On ne sait jamais, ça pouvait toujours servir lors d’un échange houleux pour le déstabiliser. Elle était sûre que son frère et son devenir était un sujet sensible pour lui. Elle saurait où appuyer quand il le faudrait. « Une famille ? Désolée mais les autres pimbêches d’escorts, je ne les considère vraiment pas comme ma famille. » Une remarque dans le vide, comme pour faire la conversation, mais qui est tout de même réelle. Elle méprise les autres escorts tout simplement car sa relation avec Raelyn la fait se sentir supérieur. C’est égocentrique, mais elle est comme ça. Ce n’est pas de sa faute, non plus, si toutes les escorts -à part elle- sont niaises et botoxées. A part elle qui est, bien sûr, intelligente et belle naturellement. « Tu sais je suis un optimiste je vois le bon côté des choses. » Alec ou l’art de détourner les conversations. Il était décidément maître en la matière. Il ne répondait jamais directement à chacune des questions ou remarques de Sasha et s’il continuait ainsi, il risquerait d’agacer rapidement la jeune femme. Elle lui prit sa cuillère des mains avant de prendre un morceau de son gâteau au chocolat qu’il complimentait tant. « Pour l’instant, il y a plus de mauvais côté que de bons. Mais c’est ma façon de voir les choses. Tant mieux pour toi si tu arrives à relativiser si facilement face à des évènements de cet ampleur. C’est une vraie force de caractère. » Dit-elle entre deux bouchées. Elle n’en pas un seul mot de ce qu’elle disait. Évidemment qu’il y avait du bon, Mitchell ne faisait plus partie du paysage. Elle avait réellement eu une promotion. Sasha cherchait juste à piquer Alec, dans l’espoir de le faire culpabiliser petit peu. Elle le piquerait autant que possible. Elle avait envie de le déstabiliser, elle voulait voir ce qui se cachait derrière ce masque. Mais elle y allait crescendo pour ne pas faire fuir le petit oiseau. « On rebondira. On rebondit toujours. Et puis la loyauté est toujours récompensée. Comme tu le sais. » Comme tu le sais. Un message ultra subliminal. Intérieurement elle souriait. Ce petit jeu de qui mentira le plus fort lui plaisait de plus en plus. Alec avait bien compris qu’elle était plus qu’une femme qui vendrait son corps pour le Club. Mais elle restera évasive et niera quand il faudra nier pour ne pas confirmer les suspicions du Strange. « Je le sais bien. J’ai toujours été loyale au Club et envers Mitchell, et indirectement envers toi. Je n’ai rien à me reprocher. » Dit-elle toute innocente sirotant son café, son regard dans celui d’Alec pour appuyer ses dires.

« Pourquoi, ça t’intéresse ? » Sa question sembla plus ou moins étonnant son interlocuteur qui semblait surpris de ce changement de conversation soudain. Mais il ne se laissa pas surprendre bien longtemps, et son habituel sourire revint immédiatement. Elle analysait chacune de ses micro-expressions. « Bah oui, on est ami non ? Les amis doivent se raconter leurs histoires. » S’il pensait réussir avec ses sourires, il avait faux sur toute la ligne. De son côté, elle savait qu’elle réussira sa mission. S’il fallait le suivre des jours entiers, fouiller dans ses affaires pendant son absence ou lui coller un mouchard, elle le ferait. Elle allait savoir ce qu’il tramait. Elle sentait bien que derrière ses regards et ses phrases toutes faites, se cachait quelque chose qui pourrait nuire au Club. « Peut être que c’est avec toi que j’ai envie de passer du temps, qui sait ? » La jeune femme souffla sans gêne, sans cacher son agacement -surjoué. Elle devait rester dans ce rôle de jeune femme peu hermétique à son jeu de séduction car si elle décidait de faire semblant d’être prise dans ses filets, il se méfierait davantage. Sasha n’était pas du genre à flancher rapidement devant les clins d’œil d’un homme, en temps normal, et il le savait. « Peut-être. Moi, je me serais bien passée de ta présence. » Elle se servit encore une fois de son gâteau et lui rendit sa fourchette. « J’suis gentille je t’ai laissé le dernier bout. » Sourire forcé. « J’ai vraiment envie que vous ne soyez pas les oubliées de toute cette histoire Sasha. » Son ton était plus sérieux et Sasha lui accorda un peu plus d’attention. Croisant ses bras sur la table signifiant qu’elle était attentive à son discours. « Vous êtes importantes les escorts. Et puis toi, t’as toujours été plus maligne que les autres. Peut-être que tu as d’autres ambitions ? » En y réfléchissant, une organisation comme le Club était comme gérer un parti politique. Des enjeux, des ambitions différentes selon la personne qui en était à la tête. Le boss pouvait décider de mettre le paquet sur le deal et de délaisser l’escorting, de favoriser une certaine clientèle et d’en abandonner une autre. Tout était calculer pour faire le maximum de profit. Jusque-là, Sasha n’avait pas à se plaindre niveau salaire car il y avait Raelyn derrière. « C’est vrai ? Tu me trouves moins idiote que les autres ? Quelle chance j’ai ! » Elle haussa les sourcils, un sourire narquois aux lèvres. « Niveau ambition, c’est vrai qu’il y a mieux que de se taper des vieux actionnaires mariés mais… Ça paie bien, malheureusement. Je n’aspire pas vraiment à autre chose car je ne sais pas ce qu’une escort comme moi pourrait bien faire d’autre au sein du Club. Je ne suis pas dealeuse, et je n’ai pas envie de passer le balai. » Un verre d’eau avait été servi avec son café, dont elle prit une gorgée pour se rafraîchir. Elle se pencha ensuite légèrement vers lui et lui susurra ces mots. « J’excelle seulement quand il s’agit de jouer de mes charmes. Je suis donc plutôt douée pour mon métier actuel, je ne songe pas à une reconversion professionnelle. A moins que tu aies autre chose à me proposer ? » Elle arquait un sourcil, un sourire ravageur aux lèvres. S’il savait. Elle n’était plus escort pour le Club depuis sa discussion avec Raelyn. Elle l’était, mais seulement à son compte. Sasha était désormais le petit oiseau de Raelyn à temps plein. Elle avait su faire ses preuves et sa boss avait su la récompenser.

« Une famille ? Désolée mais les autres pimbêches d’escorts, je ne les considère vraiment pas comme ma famille. » Un rictus étire ses lèvres. Elle est dédaigneuse mais lui connaît l’importance de la loyauté, l’importance de ce sentiment d’appartenance  que les deux frères ont toujours cherché à créer. Ce qui risque de manquer à Raelyn et Amos, trop froids, trop distants. Le Club est une famille et pourtant il n’est pas sûr qu’ils arriveront à maintenir ce sentiment et il comprend d’autant plus pourquoi il a son rôle ici, celui de rassembler, d’apaiser, d’apporter un visage familier et une oreille attentive.

« Pour l’instant, il y a plus de mauvais côté que de bons. Mais c’est ma façon de voir les choses. Tant mieux pour toi si tu arrives à relativiser si facilement face à des évènements de cet ampleur. C’est une vraie force de caractère. » Démêler le vrai du faux, comprendre les intentions de la brune derrière cette inquiétude qui lui paraissait fausse et qui pourtant aurait été logique. Il n’échappe évidemment pas à la pointe de culpabilité. Elle n’est peut-être pas dirigée envers elle mais envers tous les membres du Club pour qui il a de l’empathie et pour qui il ne peut s’empêcher de culpabiliser. C’est pour le mieux. Qu’il se répète encore et encore. Un mal pour un bien. Un changement nécessaire. Une transition fondamentale. Il perd le sourire arrogant une seconde, son regard un peu plus sincère. « Ca va aller. Ce qui arrive c’est pour le mieux. Tu considères peut-être pas les escorts comme ta famille Sasha. Mais on ne laisse pas tomber les nôtres. »  Si c’était une façon d’entrer dans son jeu c’est aussi une part plus sincère de lui qui s’exprime en cet instant.

Ils sauront rebondir il a besoin de s’en persuader et de l’en persuader. Bien sûr il reste malgré tout persuadé qu’elle le sait pertinemment vu qu’elle a ses propres intérêts dans cette histoire, intérêts communs à Raelyn Blackwell. Elle n’est pas celle qui souffrira de ce changement. Alors il ne peut s’empêcher de lancer cette pique sur la loyauté, quand il est persuadé que sa loyauté n’est plus dirigée vers Mitchell depuis des mois maintenant.

«  Je le sais bien. J’ai toujours été loyale au Club et envers Mitchell, et indirectement envers toi. Je n’ai rien à me reprocher. »  Mais bien sûr. Le sourire d’Alec s’élargit devant son air innocent qui est presque convaincant. Il ne fallait pas être aveugle pour savoir que la jeune femme était du côté de Raelyn depuis déjà longtemps. « Ca je n’en doute pas. »  dit-il en lui reprenant la cuillère, pour reprendre une bouchée de gâteau.

« Bah oui, on est ami non ? Les amis doivent se raconter leurs histoires. » Un rire s’échappe de ses lèvres. « Et si j’ai envie d’être plus que ton ami ? » Il y a un air de défi dans ses yeux, alors qu’il la regarde, son sourire s’élargissant, provoquant. Il ne les pense pas une seule seconde. Bien sûr il y a des mois elle lui avait plu, ce jeu de chat et de souris avait créé une certaine tension, mais surtout elle avait aiguisé son intérêt. Mais aujourd’hui son cœur appartenait à quelqu’un d’autre, et il n’avait aucune intention de mettre un pied au-delà d’une certaine ligne. Alec jouait un jeu dangereux il le savait.

« Peut-être. Moi, je me serais bien passée de ta présence. »   « Oh tout de suite, tant de gentillesse. »  Il a répondu du tac au tac, un sourire moqueur aux lèvres. « C’est dommage ma présence est plutôt agréable. »   Un clin d’œil, il laisse son regard s’attarder sur elle, l’habitude est facile, il a passé des années à séduire des femmes sans penser aux conséquences. « J’suis gentille je t’ai laissé le dernier bout. » « Trop aimable. »  Il sourit attrapant la cuillère attrapant un dernier bout le portant à ses lèvres.

« C’est vrai ? Tu me trouves moins idiote que les autres ? Quelle chance j’ai ! »  Il la regarde avec un léger sourire moqueur attendant la suite de ce petit numéro qu’il voit déjà arriver.   « Niveau ambition, c’est vrai qu’il y a mieux que de se taper des vieux actionnaires mariés mais… Ça paie bien, malheureusement. Je n’aspire pas vraiment à autre chose car je ne sais pas ce qu’une escort comme moi pourrait bien faire d’autre au sein du Club. Je ne suis pas dealeuse, et je n’ai pas envie de passer le balai. »  Il l’observe attentivement, curieux de ce masque, de ce jeu qu’elle mène à la perfection. Elle ne laissera rien paraître Sasha, ou du moins rien facilement. Il n’a aucun doute sur le fait qu’elle aspire à autre chose, pense-t-elle réellement pouvoir le convaincre quand il est évident qu’elle n’a aucune intention de rester une simple escort ? Il s’appuie sur le dossier de sa chaise, sortant son paquet de cigarette, le tendant à la jeune femme pour lui en proposer. «  J’excelle seulement quand il s’agit de jouer de mes charmes. Je suis donc plutôt douée pour mon métier actuel, je ne songe pas à une reconversion professionnelle. A moins que tu aies autre chose à me proposer ? »

Il étouffe un rire. « Oh moi je veux bien te proposer un job en cuisine mais actuellement je n’ai plus de restaurant. » Son air s’assombrit à cette mention, c’est un sujet qui lui tient à cœur. « Ne sois pas modeste, on sait tous les deux que tu as d’autres talents que de jouer de tes charmes. » Il a perdu son sourire, son regard s’ancrant dans le sien le temps d’un instant. Il n’est pas dupe de son petit manège. Pourtant l’instant d’après il a récupéré son masque de séducteur. « Tu rêves jamais d’autre chose Sasha ? »  Et ça, il ne la regarde pas, son regard survolant les passants, pensif. C’est une question qui le touche plus particulièrement et c’est une question qui pour une fois est sincère. Bien sûr dès l’instant où son regard se posera sur elle les apparences reviendront.

@Sasha Sinclair    

« Et si j’ai envie d’être plus que ton ami ? » Elle manqua de s’étouffer avec son café. Deux solutions se proposaient à elle alors qu’il jouait encore une fois son petit jeu de mec mortel qu’il adorait dégainer à toutes les femmes qu’il pouvait croiser. Elle ne souriait pas, son expression était simplement neutre et elle ne lui laissera pas la satisfaction d’obtenir le moindre signe positif après ses douces paroles. « Bon courage à toi, parce que perso je ne suis pas emballée par l’idée. T’as raté le coche mon ami. » Elle retint un rictus. Elle adorait lui montrer qu’elle était totalement hermétique à son petit cinéma, que ses clins d’œil n’avaient aucun effet sur elle. Si elle lui jouait les empotées qui tombait sous le charme de n’importe qui, ça lui mettrait plus que la puce à l’oreille. Sasha ne ferait pas la même erreur qu’avec Jet. Sasha était dure, compliquée à atteindre et il le savait. Elle devait donc suivre cette ligne de conduite. « Tu trouveras sans doute quelqu’un qui voudra être plus que ton amie, j’me fais pas de soucis. » Il ne restait plus quelques miettes de ce gâteau au chocolat. Ils étaient tellement pris dans ce jeu verbal, qu’ils ne s’étaient pas rendu compte qu’ils avaient descendu ce gâteau en un rien de temps.

Néanmoins, la situation était incongrue. Se retrouver là autour d’un café pour leurs intérêts personnels après des mois de silence radio… Rien n’était dû au hasard. Il semblait impressionner par son jeu d’actrice, par son aisance à tisser des monologues de mensonges, à jouer de faux semblants sans perdre la face. Elle accepta volontiers une cigarette qu’il lui tendit avant de la caler entre ses lèvres. La jeune femme l’alluma alors que le bras doigts du Club ricanait. « Oh moi je veux bien te proposer un job en cuisine mais actuellement je n’ai plus de restaurant. » Elle allait se mettre également à rire avant de remarquer que le sourire d’Alec s’effaçait après avoir évoqué la fermeture du Club. Elle baissa les yeux, faisant preuve pour une fois d’empathie à son égard. C’était son lieu de travail dont il était privé, ce qui le rattachait à l’ancien chapitre du Club, à son frère et à tous les autres souvenirs qu’il avait dans le restaurant. Elle n’eut pas le temps de répondre, que son regard avait encore une fois changé. Plus sérieux, plus dur. « Ne sois pas modeste, on sait tous les deux que tu as d’autres talents que de jouer de tes charmes. » La jeune femme ancra également ses yeux dans les yeux, l’impliquant dans un duel de regard où les mots étaient inutiles pour se faire comprendre. Il savait qu’elle savait, et elle savait qu’il savait. Elle serra la mâchoire, intérieurement agacée. « Oui, je suis plutôt douée pour le scrapbooking. » Elle retrouva son petit sourire, après une bouffée de cigarette. Elle répondait à la provoc par la provoc. « Tu rêves jamais d’autre chose Sasha ? » Ils ne se regardaient plus, chacun ayant le regard ailleurs. Et elle soupira. Bien sûr qu’elle avait rêvé d’autres choses, elle avait des rêves avant de venir ici et que la cupidité l’emporte sur tout le reste. Elle avait entamé des études, et se passionnait pour la lecture et le journalisme. Mais le temps est passé si vite, et elle garde de vagues souvenirs de cette époque tant le Club prenait énormément de place dans sa vie désormais. « Je rêvais d’être journaliste, fut un temps. » Un silence s’installait entre eux alors qu’elle repensait à ces années. Les soirées, les nuits de révision, les rencontres, la découverte du monde étudiant, ses parents. Toute une époque révolue et qui était totalement différente de ce qu’elle pouvait vivre aujourd’hui. La jeune Sasha avait bien grandi. Pervertie par l’argent facile et endurcie par le monde du Club et son rôle d’escort qui lui a appris à mettre l’émotionnel de côté pour mieux assumer ce quotidien. « Enfin, bref on va pas finir sur une note triste sinon je vais avoir la larme à l’œil. » Elle récupéra ses affaires et se leva de sa chaise. « Je dois te laisser, non pas parce que j’ai des choses à faire, mais parce que ta présence commence à m’importuner. » Elle écrasa sa cigarette dans le cendrier avant de lui adresser un sourire enjôleur. « Et pour info, j’ai pas changé de numéro de téléphone. » Sur ces mots, elle lui tourna le dos, marchant en direction de chez elle. Cette entrevue servait de base à sa mission. Elle venait de préparer le terrain, et la prochaine fois sera plus offensive, plus fructueuse. Elle saura lui tirer les vers du nez, car il cachait quelque chose. Elle le sentait.

Rp terminé