A peine le lapsus s’est échappé d’entre tes lèvres, t’as soudainement une furieuse envie de quitter le navire et d’aller te terrer chez toi. (Ou n’importe quel endroit où tu pourrais disparaître sans laisser de trace.) Tu te dis que si tu es chanceuse, il n’aura pas relevé. Peut-être que le froissement du sac de nourriture aura été assez fort pour couvrir ton erreur, ou peut-être qu’il ne prêtait tout simplement pas attention à cette portion de phrase en particulier. Tu t’es figée, le poing refermé sur des pauvres brins d’herbe qui n’ont pourtant rien demandé à personne. La posture tendue, tu n’oses même pas tourner la tête vers le blond, encore moins croiser son regard. C’est idiot comme réaction. Sur le principe t’as rien dit de mal, t’as rien avoué et pourtant t’as l’impression d’en avoir déjà trop révélé. T’essayes de détourner un peu la conversation, comme si ça allait suffire à lui faire oublier ta bourde. C’est peine perdue.
« Tout le monde a instagram. » il continue comme si de rien n’était. Le temps d’un instant, ça te donne l’espoir qu’il n’ait pas compris et t’as l’impression que vous allez pouvoir reprendre la conversation comme si rien n’avait changé. Anxieuse, tu te mordilles l’intérieur de la joue en te demandant si après ça, tu allais encore le revoir ou si il allait te sortir de sa vie. Ce n’est même pas comme si vous étiez véritablement proches, mais ça t’inquiète. Tout ça pour un mot, une bête erreur d’inattention.
« Je te parie un repas qu’elle en a un. » Et t’as soudainement la confirmation. Il a écouté, il a bien compris. Il ne semble pas dérangé plus que ça. Il suffirait de peu pour contester, pour trouver une excuse en disant que tu pensais à un garçon, il existe des milliers d’excuses. Et pourtant, tu te contentes d’un simple
« Sans doute... » à moitié étranglé. C’est terrible de se mettre dans un état pareil face à un voisin et pour si peu. Ca te conforte surtout dans l’idée qu’il va falloir faire un sacré travail sur toi-même afin que ce genre de chose n’arrive pas dans le cercle familial. C’est inconcevable.
« Je joue au Triffid le mois prochain. A la fin du mois. » Alors que t’étais en train de chercher une quelconque excuse bidon pour rentrer chez toi en courant, il change complètement de sujet, comme si ce qui venait d’arriver n’avait jamais eu lieu. Étonnée (mais reconnaissante de la distraction), tu relèves un peu la tête, osant enfin poser le regard sur Asher qui a juste l’air égal à lui-même. Tu souffles, t’autorisant enfin à respirer après ce moment de panique et tu essayes de te redresser un peu.
« Avec ton groupe ? Ou juste toi ? » sans trop faire attention, tu poses une main sur ta joue brûlante, comme si ça allait être suffisant pour dissimuler le cramoisi qui s’était installé sur ton visage. Le soleil tape vraiment fort à cette heure-là, c’est fou ça.