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 heartless (olivia)

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Message(#)heartless (olivia) EmptyDim 21 Fév 2021 - 10:38

Le quatorze février. Cette date a une consonance particulière pour chaque individu. Il y a ceux qui misent tout sur ce jour-là, pour prouver qu’ils aiment la personne qu’ils ont dans leur cœur. Il y a les autres, qui jalousent ceux-là, car ils n’ont personne avec qui célébrer cette fête si particulière. Il y a les couples qui savent qu’ils n’ont pas besoin d’un jour en particulier pour avoir de petites attentions et les célibataires qui aiment coller l’étiquette « commerciale » sur les mots saint-valentin. Il en faut pour tous les goûts, et des avis, il y en a à toutes les sauces. Il suffit de choisir celui qui nous correspond le mieux une fois le moment venu. Durant des années, Jacob était de ceux qui savaient qu’un jour en particulier ne pouvait pas définir sa relation. Quand il voulait faire un cadeau à Olivia, lui préparer un bon repas ou l’emmener en week-end, il n’attendait pas qu’approche cette date-là, il le faisait. Il s’attardait quand même sur celle-ci, chaque année, pour marquer le coup une fois de plus et prouver à Olivia qu’elle était l’amour de sa vie, et que chaque journée et soirée à ses côtés était une bénédiction. Et puis, il y a eu l’accident, et tout a dégénéré. Ses preuves d’amour n’étaient plus acceptées, plus tolérées, plus voulues par Olivia. En 2019, il n’a pas essayé d’organiser quelque chose, il s’est rendu à l’évidence dès le départ : un mois plus tard, ils arriveraient à l’anniversaire maudit de la première année sans leur fille. C’était un combat perdu d’avance, qu’il a refusé de mener, qu’il a laissé mourir dans l’œuf. Il pensait avoir un peu plus de chance en 2020 mais a finalement décidé de ne rien faire, là encore ; il est resté au bureau jusqu’à tard et est rentré, ensuite. Quand il est arrivé, elle ne l’attendait pas spécialement, elle était déjà couchée, ils n’avaient rien à se dire, plus d’amour à célébrer, plus rien à se souhaiter pour l’avenir. Naïvement, il pensait tout de même que ça irait en s’arrangeant, qu’ils réussiraient à passer au-dessus, que leur couple allait s’en relever. Il misait tout sur cette troisième année sans June, il espérait qu’ils réussissent à se rappeler qui ils étaient, à se dire ce qu’ils voulaient être, à se relever plutôt que de continuer de sombrer. Il n’imaginait pas qu’en 2021, il n’y aurait absolument rien à célébrer. Il n’imaginait pas que ce quatorze février, il aurait à le vivre en étant séparé d’elle – autrement dit, célibataire. Il a mis un moment à le faire mais ça y est, son alliance ne décore plus son doigt. Il s’était promis de ne jamais se séparer d’elle, il l’avait promis à Olivia surtout : au même moment où ils s’étaient juré amour, fidélité, et toutes ces conneries que l’on peut dire quand on est amoureux. Le blond est assis dans sa voiture depuis quelques minutes, le crâne calé contre l’appuie-tête, les yeux clos. Il a – encore – trop bu. Il justifie cet acte, ce soir plus que les autres : c’est dur de passer une saint-valentin seul quand on s’est habitué à la compagnie de quelqu’un durant quinze ans. Et pour aller plus loin dans ce cheminement de pensées, c’est dur de faire tout et n’importe quoi seul, quand on a l’habitude de le faire et de le commenter avec une autre. Il trouve que tout est triste, fade, inutile. Il n’aime plus rien, ne ressent plus rien. Il justifie avoir passé presque toute la soirée à commander de nouveaux verres, surtout en voyant des couples entrer dans la pièce, d’autres se former sous ses yeux et s’en aller, plus heureux que lui en cinq minutes qu’il ne l’a été ces trois dernières années. Il est actuellement garé devant chez lui et ne sait pas quand il trouvera le courage de sortir de son véhicule, marcher jusqu’à la porte d’entrée, la retrouver. Il voit la lumière du salon allumée, il sait qu’elle est là, elle prend toujours la peine de vérifier que tout est éteint avant de s’en aller. En un sens, il se dit que ça aurait été déplacé de sa part de sortir ce soir-là, mais lui l’a fait. Il n’était pas accompagné, ça ne veut pas dire qu’il ne l’a pas été depuis leur séparation. Et de son côté à elle, est-ce qu’elle voit quelqu’un d’autre ? Est-ce qu’elle se perd dans les bras de quelqu’un d’autre, est-ce qu’elle arrive à l’oublier, lui ? Jacob ne sait pas et n’a pas envie de savoir. Il se dit que ça ne le choquerait pas, elle a bien été capable de le faire alors qu’ils étaient encore ensemble. Cette idée le fait sourire – plus rire jaune qu’autre chose, en vérité. Il ouvre enfin ses yeux et appuie sur la poignée de sa voiture pour en ouvrir la portière. Chaque geste lui demande un gros effort, il a peut-être un peu trop abusé, ce soir. Ça se voit à son costume qui n’a plus l’air en l’état, à ses cheveux ébouriffés – il pensait que se gratter la tête l’aiderait à se concentrer – et à l’odeur d’alcool qui l’a suivi du bar jusqu’à sa voiture, de sa voiture jusqu’au palier de sa porte. Il ne sait pas si la terre tourne rapidement ou si c’est sa tête qui déconne, mais il ne cherche pas à le savoir. Le blond ouvre la porte et pousse un soupir de soulagement en voyant qu’elle est bien déverrouillée, ça lui aurait demandé trop de concentration de viser la serrure. Il fait quelques pas à l’intérieur et plisse les yeux face à la lumière du couloir. Il est vingt-trois heures, il fait nuit noire dehors, il préférait largement cette ambiance-là. Le blond se débarrasse de ses clés, de sa veste et de ses chaussures – comme si c’était le plus urgent, là, dans la minute. Il s’applique à tout ranger correctement – en faisant un maximum de bruit – avant de passer les deux mains sur son visage, sur ses yeux précisément. Il ne se fait réellement pas à la lumière qui semble avoir été mise là uniquement pour l’agresser. L’agent avance de quelques pas pour rejoindre le salon, où il trouve effectivement Olivia, dans le canapé. Ses yeux se posent sur elle quelques secondes, il reste parfaitement silencieux avant de finalement trouver quoi dire. T’es là toi ? Il prend un air étonné, sans pourtant rechercher à surjouer la surprise. Il s’avance dans le salon et vient s’installer dans le canapé – presque s’y jeter – avant de poser ses yeux sur l’écran. Je pensais que tu serais avec l’un de tes mecs. Il hausse ses épaules et attrape la télécommande à côté d’elle pour commencer à zapper. Du moins, ça, c’était l’idée qu’il avait : le premier bouton qu’il presse l’éteint, et il repose la télécommande en soupirant bruyamment. Mh, ça marche pas. Le soir de leur séparation, il lui a dit qu’il n’allait pas lui exprimer sa déception, ni lui demander des comptes, ni lui reprocher quoi que ce soit. Mais le temps passe, le temps file, et tous ces sentiments négatifs ne font que de s’accroître. Tant qu’il ne se sera pas posé sérieusement pour  y réfléchir et pour essayer de la comprendre, il n’arrivera pas à passer à autre chose, il n’arrivera pas à l’accepter, il n’arrivera pas à envisager de se remettre avec elle.

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Message(#)heartless (olivia) EmptyMar 23 Fév 2021 - 20:59


Olivia Marshall & @Jacob Copeland ✻✻✻ La désirance ; nostalgie d’un passé perdu, désir de quelque chose que l’on avait déjà eu, que l’on n’aurait jamais plus. Les termes et notions littéraires s’emmêlaient dans mon esprit pourtant sobre qui, il en était persuadé, touchait du doigt l’instant que nous avions ici vécu, quelques semaines auparavant, le rythme indolent d’une mélodie qui ne jouerait probablement plus entre les murs de cette maison comme son de glas avant la chute. Tout aurait pu, dans un monde auquel je n’avais jamais cru, s’arrêter ainsi, disparaître sans cris ni effusions. Tout aurait pu demeurer ainsi, la cohabitation forcée saturée de choses inexplicables et de non-dits irrespirables que ni lui ni moi n’avions encore réussi à épurer. Il aurait fallu échanger pour cela, parvenir à s’attarder plus de quelques secondes dans une pièce où l’autre se trouvait, empêcher les gestes qui avaient eu lieu et les mots non prononcés de faire lieu d’évidence, traçant dans nos esprits respectifs les points de suspension d’une phrase à peine commencée que nous n’avions pas la témérité d’achever. Je l’imaginais, depuis, la finir seul de son côté d’une dizaine de manières déjà, en conjecturer des strophes et des paragraphes qui ne feraient pas sens et en arriveraient toujours au même terme : des chapitres obscurs, des certitudes erronées et un point final qu’il n’aurait plus aucune difficulté à appuyer. C’était ainsi que les livres finissaient par se refermer. Ainsi que les amours finissaient par se tuer. Ce dénouement serait le sien s’il en décidait ainsi, je n’y aurais pas mon mot à dire malgré le délaissement que celui-ci engendrerait de mon côté ; le dessaisissement. Il ne se ferait pas néanmoins, sans que je ne parvienne à y apposer ma voix, une dernière fois, formuler une version qui était la mienne et ne ferait pas office de justifications lorsqu’il n’y en avait aucunes de légitimes mais qui auraient moins le mérite d’une vérité que je ne tenterais pas d’enjoliver ou de diminuer. Je m’attardais pour cela, ce soir encore, comme l’avais-je fait des précédents. Je demeurais dans les parages, résistant à mes instincts de préservation les plus primaires, ceux me dictant de m’éloigner comme j’avais su le faire durant trois ans, ceux me tenant à l’écart de cette maison dans laquelle je ne nous reconnaissais plus puisque nous n’étions plus. Je m’y obligeais, malgré la douleur de ne plus l’y voir et les protestations véhémentes d’une fierté me hurlant de la préserver car elle était tout ce qu’il me restait. Je m’y forçais afin de ne pas me rendre coupable de ce forfait-là également, refusant d’être absente le jour où lui se montrerait finalement présent, en attente de réponses qu’il méritait de recevoir et que je n’avais pas voulu lui donner le jour voulu. Lesquelles ? Lesquelles auraient-elles dû être prononcées ce jour-là ? Lesquelles pour ne pas abîmer un peu plus le regard qu’il avait semblé me porter pour la dernière fois, conscient de mes travers mais empreint d’une tendresse qui, j’avais eu raison de le soupçonner, n'avait cessé de s'amoindrir depuis, jusqu'à totalement disparaître, aujourd'hui.

Je ne compte pas te faire le moindre reproche, ou te dire que je suis déçu. Il l’avait pensé, peut-être ; je n’en étais plus sûre. Je ne l’étais plus lorsque je le regardais depuis s’atteler à faire de leur plus sincère vérité le plus manifeste mensonge. J’avais soupçonné le pire à venir, n’en être qu’au début lorsqu’aux prémices de mes confessions, ne pouvaient s’ensuivre que le contrecoup et ses conséquences. Rien ne se produisait pourtant comme je l’avais appréhendé, les réactions de Jacob s’enchaînant et s'avérant toutes se situer à l’autre extrémité des directions que j’aurais cru le voir emprunter, lui que je connaissais pourtant plus que ma propre personne. Ce n’était pas lui, qui s’enlisait. Ce n’était pas lui, qui semblait rentrer chaque jour dans un état plus dégradé et dégradant que celui de la veille. Ce n’était pas lui, qu’il me suffisait pourtant de regarder pour l’imaginer s’embourber dans les vices qu’il s’était, ironiquement, lui-même chargé de dénoncer quelques temps auparavant, m’accusant d’y succomber avec plus de dédain que je ne me serais crue capable d’en supporter venant de n’importe qui d’autre. Ça l’était pourtant aujourd’hui, lui que je devinais, sans aucune peine car la routine avait été la mienne bien avant de devenir la sienne, passer ses nuits à boire pour ne pas rentrer, pataugeant dans ses pensées enivrées et sans fin ainsi que celles d’autres inconnus auxquels je tentais de ne pas attribuer de visages, de formes, ou d’identités. Ça l’était, lui paraissant laisser la part belle aux revendications de ses tourments, balbutiantes, mal dégrossies et tumultueuses ; elles le faisaient vaciller et finiraient par le faire chuter, je ne pouvais que le prédire sans savoir comment l’en préserver lorsque, que le droit n’en fût plus mien ne m’empêcherait aucunement de m’en emparer sans l’once d’une hésitation si les solutions s’offraient à moi. Ça l’était, lui que j’entendais progresser sans agilité aucune dans l’entrée vers laquelle je ne me retournais pas. J'inspirais avec mesure, ramenant ma jambe contre ma poitrine, le coude posé sur ma cuisse rehaussée lorsque l’autre demeurait fléchie en tailleur. La position immobile et identique depuis plusieurs minutes le resterait encore puisqu’il le fallait pour lui laisser le temps, et l'occasion, de rassembler ses râles étouffés pour en faire quelque chose ; n'importe quoi s'il en était capable. Le bruit sourd résonnant dans mon dos suffit comme indication à sa nouvelle position et j’imaginais son corps malhabile s’avachir avec lourdeur contre l’appui salutaire qu’il venait d’improviser en route. La séquence se dessina dans la fébricité de mes pensées dissolues car elle avait déjà eu lieu cette semaine ; car elle était sans doute infiniment marquée du sceau de mes propres habitudes également, et je demeurais silencieuse, le regard tourné vers la télévision de laquelle aucun son ne semblait provenir à mes tympans depuis que je l’avais allumée. « T’es là toi ? » Sa voix, elle, me parvint sans aucune peine, trop légère pour ne pas être insultante. Je n’eus pas besoin de lui jeter le moindre regard pour discerner son allure négligée, ses joues mal rasées et ses expressions à demi-vivantes. À force de juger mon ombre, il avait fini par trouver la sienne et s’il espérait peut-être me l’imposer comme plus noire, plus épaisse, plus fatale, je réprimais l’envie de lui siffler qu’il ne s’agissait pas là d’un concours honorable autant que je résistais à l’instinct, malvenu, de lui rappeler que était encore chez moi, jusqu'à preuve du contraire. À la place, je tirais sur la cigarette tenue du bout de mes doigts en plissant les yeux, ne me mouvant que pour la délaisser, fumante, au creux du cendrier posé sur la table basse. « Pas pour longtemps. » Maintenant qu’il était rentré, en un seul morceau à défaut de sain et sauf. Maintenant que je pouvais retourner prétendre chercher le sommeil qui ne viendrait jamais sans avoir à l’imaginer se perdre auprès d’une autre, ou s’oublier dans un fossé. Je pouvais partir puisque ce soir ne serait pas celui où les langues se délieraient, où les abcès seraient percés, pas de la bonne manière.

« Je pensais que tu serais avec l’un de tes mecs. » Il eut du mal à conclure, chaque son semblant être une pierre au fond de sa gorge qu’il avait du mal à desserrer, s’y forçant tout de même pour en extraire les offenses, crachats retombant à nos pieds et m’obligeant à laisser mes doigts chercher la télécommande pour augmenter le volume et ne plus avoir à l’entendre, les siens plus rapides encore et me la subtilisant sans même paraître s’en rendre compte. Je baissais le regard sur ma main ne formant plus qu’un poing ; désireuse pourtant, une poignée de secondes auparavant, de caresser sa joue à la recherche d’un soupçon de lui au fond de son regard éteint. « Mh, ça marche pas. » Sur les murs, les reflets bleuâtres du journal télévisé disparurent sans un bruit, l’image asséchée, les mots aussi. Il avait bu ; trop. Je n’allais ni lui faire l’affront de le lui demander et le forcer à souligner l’évidence, ni l’hypocrisie de le lui reprocher d’un ton que j’avais moi-même considéré comme condescendant à chaque fois qu’il m’avait été adressé. « C’est ça que tu cherches à faire en ce moment ? » Je me redressais à la place, m’avançant au bord du canapé et me penchant en avant pour me saisir de la cigarette que je cendrais en son milieu, mégot prématuré, ne relevant mon regard vers lui qu’avec tout le naturel dont j’étais capable de l’empreindre, n’habillant les inflexions de ma voix que de sa placidité habituelle, dissimulant en apparence l'imminence de l'embrasement. « Recoller au score ? » Tu en es à combien déjà, Jake ? Ce n’était pas le chemin que j’avais envie d’emprunter lorsqu’il me suffisait d’imaginer ses seuls regards dédiés à une autre que moi pour que la souffrance n’en soit indépassable. Ce n’était certainement pas celui sur lequel j’aurais espéré m’engager lorsque cela menaçait de nous emmener tout droit et sans détour là où mes propres manquements, transgressions impardonnables, semblaient nous attendre en l’état, nombreuses et écarlates. Je ne maitrisais rien néanmoins, laissant mon regard s’égarer lentement sur son visage à peine reconnaissable, mes doigts dérivant sur le liseré de sa chemise pour en tirer le col scandant l’indécence, le débraillement et tout ce que je ne voulais pas présumer ; tout ce que je soulignais pourtant, froide et impudente. « Continue comme ça. À ce rythme, tu l’auras bientôt dépassé et de loin. » Mon paquet récupéré dans la paume de ma main, je soufflais en me levant du canapé pour m’avancer dans la pièce et retracer ses pas. « J’espère que ça t’aide à te sentir mieux. » Toi, au moins ; le sous-entendu était ostensible, déjà. Et je craignais que l’allusif ne le reste pas longtemps, le besoin trop imposant pour lui de rendre désormais le mal qui lui avait été fait, ne se contentant plus de s’en faire plus encore à lui-même comme seule revanche.



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Message(#)heartless (olivia) EmptyJeu 25 Fév 2021 - 17:15

Pas pour longtemps. Fuir est redevenu une évidence, pour elle comme pour lui : il a la sensation d’avoir moins mal au cœur lorsqu’il bat pour elle mais qu’elle n’est pas dans les parages. Quand c’est le cas, chacun de ses regards vaut de l’or et tous ses mots lui font un effet qu’il ne saurait pas expliquer. Comme un adolescent qui craque pour une jeune fille et qui ne sait pas lui avouer, il agit avec son épouse de manière discrète et on ne peut plus inefficace. Ça, c’est quand il n’est pas d’une humeur massacrante, quand il n’a pas d’alcool dans le sang et quand il a les idées claires. C’est rare, suffisamment pour être souligné, mais ces moments ont le mérite d’exister. Et lorsqu’ils se produisent, il se rend compte d’à quel point elle lui manque. Il ressentait ça, aussi, avant. Quand elle était là sans l’être, quand elle restait face à la vitre pendant des heures et qu’elle ne prononçait pas le moindre mot. La différence entre ce temps-là et l’actuel, c’est qu’aujourd’hui il sait. Il sait qu’à l’époque, elle allait s’oublier dans les draps d’un autre pour l’oublier lui, lui et toute la souffrance qu’elle ressentait. Il sait également qu’aujourd’hui, ces hommes sans visage ont disparu de sa vie pour ne lui rendre sa place, son rôle, mais qu’il n’en a plus la moindre envie. Ce qu’il ne sait pas, en revanche, c’est à quel point elle a envie qu’il la reprenne, à quel point elle l’attend, à quel point elle le regrette. Est-ce le cas ou se sent-elle soulagée, en un sens, de ne plus lui devoir quoi que ce soit ? Lui, il ne sait pas comment il se sent face à cette nouvelle. Jamais il n’a eu l’idée de poser ses yeux sur une autre femme, encore moins ses mains. C’est vrai qu’il a embrassé Yasmine, c’est aussi vrai qu’il a regretté son geste dans la seconde qui suivait, qu’il le regrette encore aujourd’hui – même si l’effet est amoindri depuis qu’il sait tout ce qu’il s’est passé, de son côté à elle. Et même si l’idée ne lui avait jamais traversé l’esprit autrefois, le fait de se retrouver célibataire l’a forcé à s’ouvrir à de nouvelles possibilités. À y réfléchir, c’est très certainement la plus stupide des idées qu’il n’ait jamais eue. Parce qu’ils sont encore mariés, parce qu’il n’a pas l’intention de divorcer, parce que réside au fond de lui-même l’espoir qu’ils recollent les morceaux et reprennent là où ils se sont arrêtés. Faire des rencontres ne peut pas aller à son avantage, partager le lit d’une autre non plus. Et pourtant, il l’a fait. Il l’a fait, et pas avec une inconnue. Ni pour lui, ni pour elle, ni pour l’ensemble de leur couple : Sawyer, la femme qui partageait la vie de l’ancien collègue d’Olivia, la femme qui venait régulièrement manger chez eux pour un dîner entre amis. Il sait qu’il a merdé, il le sait très bien. Mais ça, il préfère le savoir quand il est sobre, quand il n’a pas toutes les raisons du monde d’en vouloir à Olivia et de lui faire payer d’une manière ou d’une autre. Lui qui devait ne rien lui reprocher a envie qu’elle souffre, elle aussi, qu’elle ressente ce sentiment de trahison qui l’habite, lui, depuis trop longtemps maintenant. Mais même s’il n’a pas les idées très claires, en ce soir de St Valentin, il reste lucide sur une idée : prononcer son prénom et lui annoncer la nouvelle comme ça, sans préavis, n’est vraiment pas la meilleure chose à faire. Le mal est fait, du côté d’Olivia comme du sien, reste à savoir lequel des deux a envie d’achever l’autre.

Le but n’est pourtant pas là, ce soir. L’objectif était de quitter la maison suffisamment longtemps pour oublier qu’elle devait y être, pour oublier la spécificité de ce jour, pour oublier l’amour qu’il ressent toujours et qu’il n’a plus envie de célébrer. Ça a peut-être marché quand il était au bar, ça fonctionnait peut-être encore quand il a poussé la porte d’entrée, ça fait seulement deux secondes qu’il est installé à côté d’elle et l’effet s’est déjà dissipé. La douleur revient à la charge, accompagnée de tous ses amis qui n’ont de cesse de le torturer : la culpabilité – ça, il ne sait pas pourquoi , la déception, la colère, l’impuissance surtout. La télécommande entre les doigts, c’est sur la télévision qu’il a envie de jeter son dévolu, oublier qu’elle est là, à côté, et qu’il ne peut pas faire comme s’il n’existait pas. Rien que sa présence l’agresse et lui donne l’impression de n’avoir rien accompli, d’être rien de plus qu’un raté. C’est ça que tu cherches à faire en ce moment ? Il fronce les sourcils, tente de savoir où elle veut en venir, tandis qu’elle bouge pour pouvoir attraper sa cigarette. Il suit ses mouvements des yeux sans parvenir à dire quoi que ce soit. Il l’a de toute manière entendu à sa voix : elle n’est pas allée jusqu’au fond de sa pensée, pas encore. Recoller au score ? Il penche légèrement sa tête sur le côté, comme pour dire qu’il en est encore très loin, qu’il en restera très loin : elle se fait des idées, simplement. Elle le regarde à nouveau, il se fixe, comme forcé de rester immobile. Au travers de ses regards et de ses gestes, il ressent l’attention qu’elle a envie de lui porter, l’effort qu’elle fait pour passer au-dessus malgré tout. Continue comme ça. À ce rythme, tu l’auras bientôt dépassé et de loin. Qu’est-ce qu’elle s’imagine, au juste ? Qu’il va voir la première inconnue qui passe dans l’unique but de faire d’elle son objet d’un soir, sa conquête d’une nuit, pour se venger d’elle ? Il n’en est pas capable, même s’il l’avait voulu, ça lui aurait été impossible de le faire. Il est trop attaché à elle pour avoir envie d’une autre, même de manière passagère. C’était un accident, avec Sawyer. Il se cache derrière cette idée-là et le fera tant que ça reste cohérent – autrement dit, mieux vaut éviter que ça se reproduise. Car sinon, il n’aura plus le moindre argument, plus la moindre crédibilité face à elle, avec les reproches qu’il a envie de lui faire. J’espère que ça t’aide à te sentir mieux. Il la regarde évoluer dans le salon puis se décide finalement à détourner le regard pour fixer le mur, étrangement attirant. Il soupire bruyamment avant de passer une main sur son visage, il a encore du mal à accepter que quand il boit, sa colère prend le dessus sur le reste. Elle enferme temporairement sa raison dans une cage et sème le chaos dans son esprit. On a énormément de points en commun, ça je suis d’accord, mais pas celui-ci. Il regarde toujours le mur, que le mur, c’est plus simple que de se concentrer sur elle. Sinon, il va avoir envie de crier, juste pour lui montrer qu’il n’est pas d’accord. Et crier à cette heure-ci, après cette soirée-là, n’est vraiment pas une bonne idée. Je sais pas ce que tu t’imagines et le record que je suis supposé battre mais t’en fais pas, j’en suis loin. Il se pince les lèvres et tourne enfin ses yeux vers elle, avant de s’appuyer sur l’accoudoir du canapé pour s’aider à se lever. Dans un mouvement lent et déséquilibré, mais il y arrive. Le blond se rapproche d’un pas, ses yeux dans les siens, il a envie d’aller au bout du procédé. Elle le cherche ? Elle le trouve. Il n’y en a eu qu’une… Pour l’instant. S’il s’est torturé l’esprit à l’imaginer avec d’autres, elle peut bien le faire à son tour. Il lui affirme droit dans les yeux, sans avoir la voix qui tremble, sans avoir le moindre regret. Ça aussi, c’est pour l’instant, car il s’en voudra forcément d’avoir cherché à la blesser intentionnellement. Il laisse planer le doute sur si c’était ce soir, précisément, ou un autre. Il n’a pas envie d’y ajouter les détails, c’est mieux, sur l’instant, de la laisser imaginer d’elle-même tout ce qu’elle souhaite. Il n’y a pas que la vérité qui blesse, il y a également tous les doutes, tous ceux dans lesquels il a été baigné durant près de trois ans, tous ceux dans lesquelles il a envie de la voir se plonger maintenant. S’il avait su que l’ivresse le rendrait cruel, il n’aurait jamais commandé le premier verre, tant ça ne ressemble pas à l’homme qu’il est habituellement. Mais c’est bien trop tard pour reculer, maintenant, la machine est enclenchée et il n’a pas l’intention de s’arrêter. Si tu fuis dès que j’arrive, je peux encore la rejoindre. Il hausse ses épaules, répond à son « pas pour longtemps » d’un peu plus tôt. Ils ne sont plus ensemble, ils se fuient constamment : à quoi bon continuer dans la colocation et dans ce mariage s’ils agissent ainsi ? Sa menace est supposée dire tout ça, sauf qu’elle ne traduit rien de ce qu’il aimerait au fond de lui-même, si ce n’est qu’il fréquente une personne en particulier, contrairement à elle qui n’allait jamais voir le même homme. Et même si c’est un mensonge puisque ce n’est pas sérieux avec Sawyer, c’est quelque chose à ne pas négliger.

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Message(#)heartless (olivia) EmptyMer 3 Mar 2021 - 19:10


Olivia Marshall & @Jacob Copeland ✻✻✻ Rien n’était supposé se dérouler comme ça. Cette ultime danse n’aura été, finalement, qu’un énième moyen de nous faire souffrir. Un stratagème dont je ne le soupçonnais pas avoir voulu en être l’initiateur, pas plus qu’il n’avait prévu de s’en rendre coupable d’une quelconque façon ; le mal était pourtant fait et chacune des images de la scène s’étant produite au centre de cette pièce quelques semaines auparavant continuait de me revenir en tête au plus imprévu des moments. Ce dernier ne durait qu’une seconde avant que je ne le réduise au silence, une seconde suffisante néanmoins à me heurter un peu plus violemment que la précédente à chaque nouvelle fois, menaçant de m’enserrer la gorge au mieux, m’envoyer valser dans le décor lorsqu’au pire, je ne m’étais pas montrée capable de m’y préparer, d’anticiper le choc, de fléchir sous l’impact que j’espérais capable d’encaisser au mieux avec le temps mais qui continuait pour l’instant de me laisser ainsi, sous le joug du plus compact des désarrois. Rien n’était supposé se dérouler comme ça ; pour lui. Pour moi, cela n’avait rien d’anormal. Rien de surprenant à ce que la vie sans lui, ou sans l’existence d’un nous plus exactement, ne devienne toujours plus froide qu’une vie sans elle ; glaciale, même. Sa décision prise ; celle que j’avais acceptée sans chercher à l’en détourner, à le retenir ; les jours d’après n’avaient plus été que prévisibles, le réel devenu immobilité, le quotidien inhabitable. Mais pour lui. Pour lui, n’était-il pas supposé se produire l’exact opposé de ce qui me retournait les tripes à chaque nouveau réveil ? De son côté, n’était-il pas censé s’être libéré de ce qui le tourmentait chaque jour passant, mon absence à ses côtés, ma présence loin de lui et les mensonges nous divisant ? N’était-ce pas pour cela que de sa main, avait-il lâché la mienne, s’éloignant ensuite et sans un dernier signe de regret comme l’on regardait une barque s’éloigner, le vide nous englobant tout à coup comme le souffle d’une mer se retirant au loin. Si, bien sûr que si ; voilà ce qui était supposé se passer. Bientôt, avais-je imaginé, bientôt ainsi parviendrait-il à emplir de nouveau ses poumons trop longtemps évidés d’un air que je lui avais enlevé, réchauffé sa peau loin de la mienne à jamais engourdie. Voilà pourquoi, à son souhait de mettre un terme à ce qu’il restait de notre vie de couple ; je refusais encore ne serait-ce même d’imaginer la fin de notre mariage ; m’étais-je empêchée d’y opposer une résistance capable encore de causer plus de dégâts que je n’en avais déjà fait, allant enfin dans son sens sans combattre et le forcer à en faire de même, devinant bien que celui-ci aurait été capable de lui ôter ses dernières forces. Je les lui souhaitais entières, ces dernières, pour conquérir enfin ce qu’il méritait et était capable de se procurer : une accalmie, pour commencer, suivie d’une ébauche de paix et de quiétude. Que cette dernière n’ait été possible que par sa liberté retrouvée et une solitude imposée était compréhensible, quoique déchirant à accepter mais je m’y étais employée, pour lui. Rien n’avait plus fait sens depuis, tout l’inverse semblant s’abattre sur lui. Plus rien n’était compréhensible et tout demeurait douloureux à le regarder s’enfoncer dans ce qu’il mésestimait de tout son être, devenir ce qu’il s’était juré de ne jamais être, me rejoindre dans le gouffre au fond duquel m’avait-il cherché depuis trois ans sans jamais réussir à m’en faire remonter.

Dire que je ne comprenais pas son désir de s’y perdre seul eût été mentir tant le besoin avait été le mien depuis si longtemps. Je comprenais néanmoins et à présent ce que cela faisait de se trouver sur l’autre rive, m’éloignant déjà du canapé et des effluves alcoolisés qu’il y imprégnerait cette nuit, refusant d’assister à sa descente aux enfers au risque de l’y accompagner. « On a énormément de points en commun, ça je suis d’accord, mais pas celui-ci. » Sa voix se cassait, s’échouait dans mon sillage, mon dos comme seul réceptacle et un soupir en prime : « On ne devrait pas parler maintenant, Jacob. » Pas lorsqu’il était dans cet état et peinait à rassembler ses esprits. Il les lui faudrait tous et entiers pour entendre et supporter ce qu’il y avait à dire, ce dont nous nous étions épargnés jusqu’à présent. On ne devrait pas, non, puisque rien de productif ne saurait ressortir de ce qui menaçait plus de ressembler à une nouvelle altercation qu’à une réelle discussion, essentielle pourtant. « Je sais pas ce que tu t’imagines et le record que je suis supposé battre mais t’en fais pas, j’en suis loin. » J’aurais pu chercher dans son regard des signes, des indices pouvant me laisser croire qu’il pensait ce qu’il disait, qu’il ne se contentait pas là de rajouter un mensonge aux miens. Mais, au fond de moi, résonnait cette voix cynique et sombre. Elle me soufflait le mensonge auquel je voulais céder, celui de le croire, sachant pourtant que l’irréversible avait déjà peut-être eu lieu, le record depuis longtemps dépassé. Je ne désirais pas être là lorsqu’il se déciderait finalement à revenir sur ses paroles, ne m’éloignais pas davantage que les quelques pas amorcés néanmoins, ne m’étant levée que pour atteindre la fenêtre donnant sur l’allée de la maison. Du bout de l’index, j’écartais les pans du rideau, plissant les yeux un instant face à l’ombre imposante du véhicule bel et bien garé devant chez nous et témoin de son inconscience. Idiot. L’invective ne fit que résonner contre mes tempes, la mâchoire toutefois serrée et le regard sombre alors que je me retournais pour l’observer s’avancer avec plus de prudence que d’aisance, le pas incertain ne justifiant absolument pas l’étincelle d’audace luisant au fond de son regard. « Tu ne laisses pas beaucoup de place à l’imagination. Et je ne demande qu’à mettre un terme à la tienne, mais pas comme ça. » Pas comme ça. Pas maintenant. Les motifs s’enchaînaient, ressemblant de plus en plus à des prétextes, j’en étais consciente. Il y aurait-il un temps et un endroit où tout deviendrait plus facile, où les circonstances paraitraient idéales ? Rien ne paraissait moins certain et je connaissais le pouvoir du silence qui, à force de nous taire, parvenait à piéger les mots, les faits que l’on ne voulait pas dire. C’était stupide de nouveau, et infondé, comme si nommer les choses devenait la faute, et non pas que ces choses-là se soient produites. L’adultère, Olivia. L’adultère, pas les choses.

Il était là, pourtant, face à moi et rien ne sortit, comme d’habitude. D’entre mes lèvres tout du moins lorsque les siennes s’humidifièrent et prirent leur temps avant d’exhaler : « Il n’y en a eu qu’une… Pour l’instant. » Une, c’était mieux. Elles auraient pu être plus nombreuses, à traquer, à haïr, à décimer ; à remercier pour ne pas le laisser seul lorsque je n’avais été douée qu’à faire cela durant bien trop de temps. Mais une, c’était pire. Ça la rendait unique, spéciale, privilégiée à ses yeux que j’avais envie de transpercer tant il semblait être fier de m’annoncer cela, serein de prononcer ces mots pourtant dévastateurs et semblant tout raser sur leur passage. Ne la sentait-il pas la limite, la ligne rouge, brûlant sous la plante de ses pieds car il la longeait dangereusement en prétendant ne pas la mordre ? Peut-être pas, non. Peut-être qu’il ne sentait plus rien, l’alcool comme excuse convenable lorsque je n’en possédais aucune pour expliquer la raideur de ma silhouette et le froid de mon regard semblant fouiller le sien à la recherche de celui que je ne reconnaissais pas ; à la recherche de mon mari. « Si tu fuis dès que j’arrive, je peux encore la rejoindre. » Les premiers mots résonnants encore, ce furent ceux-là qui, comme un écho, finirent de rendre le tout indécent, la sensation au creux du ventre d’être fauchée à bout portant, ne restant pas figée pour autant, les nerfs à vif et l’avidité d’un souffle s’épuisant se chargeant de reprendre le contrôle de mes sens, absents. « Tu ne serais pas en état, te vante pas de ce qui n’arrivera pas. » Rien d’autre qu’un calme glacial donc, une ombre claire à l’orée de mes cils, un pli d’air sombre dans les vibrations de ma voix et un feulement de colère dans les inspirations tranquilles soulevant ma poitrine. Elle ne trahissait en rien, cette dernière, la dissolution prenant place en son dessous, le détraquement donnant au cœur ces battements désordonnés que je me méprisais de ne pas savoir maitriser mieux que cela. Pour d’autres, l’allure aurait suffi et le masque donné le change. Mais pour Jacob ? Jacob devinerait tout. Jacob devinait tout, depuis seize ans déjà. « L’alcool te rend mauvais, je n’aurais pas cru. » repris-je finalement sans jamais renoncer au flegme comme armure, jurant toutefois pouvoir ressentir les milles reflets divers se jouant dans mon regard, du gris clair au gris foncé, du vert de l’océan au noir de ses profondeurs. Comment l’aurais-je pu, le deviner ? Lui n’ayant jamais cédé aux mensonges éhontés des bienfaits du moindre verre de trop. Lui qui balayait cela aussi désormais, et me poussait à faire face à ce nouveau visage. « Mais disons que c’est mérité et que tu deviens enfin honnête par rapport à ce que je t’inspire vraiment. » De la rancœur, sans surprise. Rajouter du fiel et du mépris à la liste de ses sentiments le devenait davantage, inattendu, mais de quel droit étais-je supposée l’en lui ôter le droit ? Je n’en possédais aucun, pas plus que celui dont je m’emparais pourtant de laisser ma main entrouvrir d’un geste ferme le rideau avant d’ébranler la fenêtre du plat de ma paume en sifflant : « Qu’il te rende stupide au point de conduire dans cet état par contre et ne même pas être foutu de t’imaginer une seule seconde ce qui pourrait arriver si jamais… » Mes doigts fébriles se repliant sur eux-mêmes, je les portais à mes paupières abaissées pour étouffer la suite d’une phrase qu’il ne me paraissait pas possible d’amener à son terme. L’indicible derrière les lèvres redevenues closes, je refusais aux cris ou au reste le droit de sortir, les réduisant de nouveau au statut d’air et de silence enroué ; celui-là même emplissant mon corps tout entier tel une marée sans reflux depuis plusieurs jours déjà, plusieurs jours rythmés des nouvelles activités de mon mari.

« Alors ? » J’abaissai finalement ma main et rouvris les yeux, retenant ma respiration comme un désir de retrouver la fumée de ma précédente cigarette arpenter les parois de mes poumons, les brûler, encore et encore, pour relâcher le tout, noyant l’espace qui nous séparait dans un nuage gris. Un pas de nouveau, puis un autre, jusqu’à pénétrer dans son espace tout entier. « Est-ce qu’elle t’a aidé à te sentir mieux ? » Elle. Elle, au singulier. « Oui ? » J’inclinai la tête, l’articulation lente et les yeux dans les siens, sommation silencieuse de ne pas les fuir maintenant qu’il retenait mon attention. « Ou non ? » Ça n’avait jamais été mon cas ; se montrait-il plus chanceux ? Ou se rendait-il compte à son tour à quel point la douleur se révélait impuissante à délaver la noirceur, à quel point la souffrance ne permettait pas la rédemption ? Une mauvaise accoutumance tout au plus, une sale habitude ayant toujours fini par me laisser en arrière, la trahison commise envers lui, et envers moi aussi. Je ne m’en étais jamais vantée cependant, contrairement à lui, et je laissais le soin à ma peine de répondre à sa provocation. « T’as commencé, finis. Tu as le droit, après tout. Tu ne me dois plus rien, n’est-ce pas ? » Exemplaire jusqu’à la fin, n’avait-il pas mis fin à notre supplice pour se prélasser dans son bon droit, finalement ? J’aurais juré que non, il n’y avait pas si longtemps. Mais rien ne me paraissait plus aussi clair ce soir, et je le chargeais d’éclaircir le tout, le poussant dans ses retranchements pour m’extirper de ceux dans lesquels ne lui permettais-je pas de me piéger. « Mais regarde-moi dans les yeux en me donnant les détails, en me disant qui c’était, comment, combien de fois et si tu comptes la revoir. En me disant à quel point elle a réussi à me sortir de ta tête. » Et de son cœur, Olivia. C’était le cœur qui importait, le cœur qu’il malmenait ; mais les mots semblant glisser d’entre mes lèvres sous le joug d’une urgence infiniment lente et tortueuse n’échappaient pourtant pas à mon contrôle et je réfrénais ceux-ci, refusant à ma langue de devenir elle-même le poignard sanglant à enfoncer dans le mien si Jacob venait à le confirmer. « Dis-le, tout ce que moi je n’ai jamais eu la cruauté de te balancer parce que ça n’aurait été que des mensonges de toute façon. » Et si tu arrives à rassembler tes esprits pour sortir une phrase intelligible de ta bouche, peut-être que j’éviterai de te la faire ravaler aussitôt. Pour l’effort. Oh, que cela aurait été stupide de penser jouer l’orgueil pour ne pas avoir à donner de crédit à mes yeux brillants de larmes que je ne laisserais pas couler, pour lui refuser la satisfaction de me savoir blessée à vif par sa faute. Cela l’aurait été d’autant plus de feindre le détachement à ce point, de surestimer mes capacités à lui faire du mal en retour alors que rien ne me paraissait plus évident qu’au moindre signe de faiblesse émanant de sa part, il me trouverait, prête à le rattraper pour le soutenir jusqu’à ce canapé qu’il n’aurait jamais dû quitter. « Et peut-être que quand tu auras fini, on pourra parler réellement autrement qu’en cherchant à se faire à du mal. » Stupide oui, et résolument absurde d’espérer qu’à le poignarder dans le cœur, je ne serais pas celle à succomber en premier. « On n’a pas besoin de ça. » Pour parvenir à s’en infliger. À la place des mensonges, je leur préférais alors la vérité cachée au sein d’une voix n’ayant plus rien d’une voix, plus basse encore que le murmure d’une nuit pour accueillir ce qui ressemblait davantage à une demande, suivant les ordres.




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Message(#)heartless (olivia) EmptyDim 7 Mar 2021 - 18:32

On ne devrait pas parler maintenant, Jacob. S’il était encore ne serait-ce qu’un peu conscient de ses actes et de ses mots, il serait d’accord avec elle, il abandonnerait ce combat perdu d’avance et irait se coucher. Aller boire, ce soir précisément, était une mauvaise idée. Il s’est bourré le crâne d’idées sombres, de reproches plus piquants les uns que les autres, d’envies de mettre un terme à tout ce qui existe encore entre eux. La cohabitation, le dialogue qu’il reste quand ils se disent seulement bonjour – le respect, donc – leur mariage aussi. Tout y est passé, dans le crâne du blond, tout l’a forcé à consommer plus que nécessaire. Pour les effacer ou les raviver, il n’était pas trop sûr, il l’est encore moins maintenant qu’il est rentré, maintenant qu’il peut la voir, maintenant qu’il constate avoir laissé toute trace de courage derrière le comptoir du bar. Et pourtant, il répond, il attaque, il mord tant qu’il le peut. Parce qu’elle n’a pas le droit de lui reprocher quoi que ce soit, selon lui, parce qu’elle devrait accepter de subir ses humeurs sans rechigner. Il s’est dit que c’est ce que ferait n’importe qui d’autre, dans l’espoir que ces efforts suffisent à sauver un mariage à la dérive. À la suite de cette pensée, il s’est demandé depuis quand est-ce qu’il veut voir sa femme ressembler aux autres, depuis quand elle n’est plus si unique à ses yeux. Et il a essayé de s’y répondre, seul encore : peut-être depuis le soir où il a su que, lui non plus, n’était plus aussi spécial pour elle, que d’autres avaient même plus de privilèges que lui. Alors oui, ils ne devraient effectivement pas parler ce soir, mais elle aurait dû le lui dire bien plus tôt, avant ces verres, avant ces pensées, avant cette envie de tout envoyer valser. Il reste sur la ligne directrice, essaie de ne pas dévier : elle l’accuse de ce dont il n’est pas coupable – ce soir, du moins – il lui renvoie à la figure du mieux qu’il le peut. Le record, elle l’a toujours et pourra le conserver jusqu’à la fin. Il n’en a pas l’envie, n’en ressent pas le besoin. Il pensait qu’il se sentirait mieux à aller voir ailleurs, à se perdre dans les bras d’une autre. Il s’était trompé, en plus de s’être trompé de partenaire pour le faire. Tu ne laisses pas beaucoup de place à l’imagination. Et je ne demande qu’à mettre un terme à la tienne, mais pas comme ça. Il secoue son visage, il n’a de toute manière pas envie d’entendre ses excuses, ses justifications. Enfin, si. Il crève de savoir pourquoi elle a fait ça, pourquoi elle n’a pas cherché à lui parler plutôt que d’aller voir ailleurs, pourquoi les autres semblaient tous mieux que lui. Il en rêve, oui. Mais pas ce soir. Ce soir, il se prend pour ce qu’il n’est pas, il est prêt à sortir le discours classique des policiers : tout ce qu’elle dira sera retenu contre elle, à commencer par ces mots-là. Qu’est-ce que j’ai fait pour que tu t’imagines tout un tas de choses ? Excepté sortir ? Il se le demande sincèrement, il ne fait rien de plus que ce qu’elle s’est appliquée à faire, elle, pendant deux longues années. Rien depuis le pique-nique, certes, mais beaucoup trop de fois avant pour les oublier. Les mots sont difficiles à prononcer, les pensées ont du mal à se stabiliser et ses pas sont timides et maladroits, mais Jacob fait de son mieux pour se tenir face à elle. Ils ne devraient pas parler maintenant, pourtant. Mais il a décidé que la contredire était une bien meilleure idée que de l’écouter, pourtant, cette pensée était sage, cette pensée aurait pu les épargner.

La suite, il est incapable de la contrôler, de la garder au fond de lui-même : il n’y en a eu qu’une. Et c’est fièrement qu’il lui annonce, face à face, les yeux dans les yeux. L’envie de la voir s’écrouler est immense, l’envie de la blesser incalculable : qu’elle ressente ce qu’il a ressenti, lui aussi, qu’il lui crève le cœur de la même manière qu’elle a pu le faire. Il a pourtant toujours été le premier à dire qu’il ne ferait jamais rien pour la blesser intentionnellement, il vient de prouver le contraire – est-ce qu’il a le droit de tout mettre sur le compte de l’alcool ? Certainement pas, c’est pourtant ce qu’il fera au petit matin, quand ses regrets seront là pour lui tordre le ventre et lui poignarder le cœur. Au travers de son regard, il voit qu’il y a quelque chose de différent : elle ne le regarde pas, elle le cherche. Si autrefois ils se comprenaient en une seconde, là, ils peuvent s’accuser de tout sans que le message parvienne à l’autre. La ligne est coupée, les regards inutiles. Ils étaient pourtant ce qu’ils avaient de plus précieux, hier encore, témoins de leur complicité légendaire. Qu’est-ce qu’il restera, d’eux, quand toute cette crise sera terminée ? Il n’a pas envie de le savoir, il préfère enfoncer le couteau, le tourner et le retourner encore dans la plaie, quitte à se blesser lui-même avec. Il n’est pas fier de ce qu’il a fait avec Sawyer, il est même plutôt contrarié. Il n’en montre rien face à elle, se vante de ce qu’il en désire pas forcément. Il pourrait aller la retrouver, oui, mais à quoi bon ? Ils ne sont rien, ne seront rien, ce n’était que de la vengeance, c’est aujourd’hui qu’un prétexte pour attaquer. Et pour l’instant, elle n’est qu’une fille, aux yeux d’Olivia. Ce n’est pas Sawyer, précisément elle. Tu ne serais pas en état, te vante pas de ce qui n’arrivera pas. Elle reste calme, comme toujours. Elle est capable de maîtriser toutes ses émotions, même au fond du gouffre : faire semblant plutôt que de montrer ses faiblesses, ça a été sa tactique ces trois dernières années. Voilà où ils en sont, est-ce encore nécessaire ? La préserver n’est plus une option, pour Jacob, il veut la pousser à bout, il veut qu’elle sorte enfin ce qu’elle a au fond d’elle-même, quitte à la priver de ce qu’il était autrefois. Il n’est déjà plus rien de ce qu’elle connaissait depuis seize ans, autant aller au bout des choses. Il se permet un pas en avant, un froncement de sourcils. Tu tiens à ce que je te prouve le contraire ? Évidemment que non. Évidemment qu’il n’est pas crédible, surtout. Évidemment qu’il est pathétique. Il n’abandonne pas, pourtant, reste droit et fier : il devrait se retourner et aller se coucher, avant que ça ne dégénère sérieusement. Il devrait, oui. L’alcool te rend mauvais, je n’aurais jamais cru. Il lève les yeux au ciel. Elle n’aurait jamais eu besoin de le savoir, si elle ne l’avait pas poussé là-dedans ; oui, à ce sujet également, il veut – et peut – tout lui mettre sur le dos. S’il est allé se réfugier dans un bar le premier soir, c’était pour la fuir, elle. Il n’explique pas toutes les autres fois, mais la première était déjà celle de trop. Qui se met minable pour une femme, en cette décennie, à part Jacob ? Personne, lui semble-t-il, et ce n’est même pas le plus triste là-dedans. Mais disons que c’est mérité et que tu deviens enfin honnête par rapport à ce que je t’inspire vraiment. Honnête, il ne l’est pas encore réellement. Sobre, il aura plus de possibilités de l’être. Là, à part du négatif, rien ne sortira. Il sait embellir les vérités depuis des années, faire taire toute négativité et enjoliver le moindre défaut. Alcoolisé, il n’y a que des insultes au bout de ses lèvres, rien de constructif, donc. Elle profite de son silence pour continuer, ouvre le rideau d’un geste sec et le met face à ses erreurs : on lui a déjà reproché de boire en étant alcoolisé, elle n’est pas la première, ne sera pas la dernière. Elle le fait, pourtant, à sa façon. Qu’il te rende stupide au point de conduire dans cet état par contre et ne pas même pas être foutu de t’imaginer une seule seconde ce qui pourrait arriver si jamais… Si jamais quoi, Liv ? Il a envie de lui demander, ne le fait pas. La suite est plus logique, plus en accord avec son état d’esprit actuel. T’en fais pas, j’ai jamais eu besoin de boire pour avoir des accidents mortels. Le dernier mot sort presque dans un sanglot, il secoue pourtant rapidement son visage, s’interdit de lui montrer la moindre faiblesse. Les sourcils froncés pour avoir l’air plus dur, il est prêt à encaisser le reste : si elle veut lui reprocher d’autres choses, il est là pour entendre, il a provoqué cette discussion après tout. Mais qu’elle ne l’engueule pas d’avoir conduit dans cet état, il était parfaitement sobre le soir où June est décédée, ce n’est donc pas un élément qui l’effraie. Il n’y a aucune logique sur la route, elle peut remballer son discours acéré de fliquette.

Alors ? Il a bien fait de ne pas baisser sa garde, il le sait désormais : elle s’avance vers lui, près, trop près. Il plisse les yeux mais ne bouge pas, curieux de ce qu’elle va lui demander, curieux de ses nouvelles intentions. Est-ce qu’elle t’a aidé à te sentir mieux ? Il sent son cœur se briser, totalement. De haut en bas, déchirure par déchirure, il sent un trait se former dans sa cage thoracique, le compresser, lui interdire tout droit d’avoir un cœur qui bat normalement. Il l’a cherchée, il l’a trouvée. Lui, il n’a pas osé aller au bout de la réflexion, lui demander quoi que ce soit vis-à-vis des hommes qu’elle a pu fréquenter. Plus agressive et bien moins clémente, elle, elle n’a pas besoin d’y réfléchir à deux fois pour le faire. Oui ? Il retrouve ce qu’il avait perdu il y a quelques minutes seulement : l’éclat dans ses yeux, la compréhension au fond de ceux-ci. Il y préférait finalement le vide de tout à l’heure, la savoir face à lui et bien présente est finalement bien plus douloureux. Ou non ? Non, évidemment que non : est-ce que le lui dire aura un impact ? Est-ce que le lui dire arrangera quoi que ce soit ? Elle le met dans une position qu’il n’aime pas, où toute cette situation est finalement de sa faute. Il devrait être en mesure d’inverser les rôles, de lui poser ces mêmes questions, qu’elle comprenne que c’est elle qui a tout fait foirer. T’as commencé, finis. Tu as le droit, après tout. Tu ne me dois plus rien, n’est-ce pas ? Ses pensées saignent, il est prêt à prendre la fuite, ça y est. Non, il ne la rejoindra pas si Olivia fuit. Non, il n’est pas fier de ce qu’il a fait. Non, non et non. Mais il n’a pas le temps d’ouvrir la bouche, il n’a pas le temps de se dédouaner de toute responsabilité, elle poursuit avant lui. Mais regarde-moi dans les yeux en me donnant les détails, en me disant qui c’était, comment, combien de fois et si tu comptes la revoir. En me disant à quel point elle a réussi à me sortir de ta tête. Ce sont peut-être les mots de trop. Elle ne sortira jamais de sa tête, là est la problématique, ou peut-être ce qui finira par les sauver : Sawyer, une inconnue ou deux autres, le résultat serait le même : Olivia passe avant tout le monde, Olivia est l’amour de sa vie, le véritable. Et se perdre ailleurs, ça ne rime à rien, ça n’aura jamais le moindre sens. Dis-le, tout ce que moi je n’ai jamais eu la cruauté de te balancer parce que ça n’aurait été que des mensonges de toute façon. Il fait un pas en arrière pour échapper à cette proximité dévastatrice. Elle sait ce qu’elle fait, Olivia, aucune substance n’est là pour la troubler, elle. Elle joue avec ses mots, ses regards et ses intonations pour lui montrer que ce qu’il fait est mal, que ce n’est pas la bonne voie à emprunter. Elle a raison, mais lui n’est pas assez raisonnable pour en prendre conscience. Et peut-être que quand tu auras fini, on pourra parler réellement autrement qu’en cherchant à se faire du mal. On n’a pas besoin de ça. Il secoue son visage et se recule d’un pas encore, non, ils n’ont pas besoin de ça pour y arriver. Ils se font du mal rien qu’en se regardant, désormais. Jacob inspire un grand coup, mais rien ne sort quand il entrouvre ses lèvres. Lui dire que c’est Sawyer n’est pas une bonne idée, lui-même n’a pas les idées claires, lui-même ne saurait pas le justifier suffisamment. Il faut qu’il se sente à l’aise avec, il faut qu’ils en reparlent, et ensuite, peut-être qu’il trouvera le courage de l’assumer fièrement. Parler de Sawyer de la sorte sans réussir à mentionner son nom ensuite était une très mauvaise idée. T’as raison, je ne te dois plus rien. Il acquiesce, trouve sa parade dans les propos qu’elle a tenus elle-même. Et pour preuve, il lui montre sa main qui n’est plus décorée de son alliance. Il l’a abandonnée, elle aussi. Sur sa table de chevet seulement, toujours là pour lui rappeler chaque soir qu’il est marié, mais suffisamment loin de lui pour pouvoir être avec une autre. Par contre… Il se recule encore, se cogne la cheville contre la table-basse. Un geste qui le fait légèrement grimacer et s’avancer de nouveau vers Liv. J’ai fait quelque chose quand on était encore ensemble. Il a du mal à prononcer ces mots-là ; encore ensemble. Ils sont séparés, il a vraiment du mal à le croire. J’ai embrassé quelqu’un. Il admet, cherche ailleurs, partout pour ne pas s’ancrer de nouveau dans son regard. C’est pourtant là que ses yeux se posent, au fond des siens, quand ses derniers mots sortent. C’était Yasmine. Il peut jurer qu’il n’avoue pas ça pour la blesser, ça y ressemble pourtant. Car aucun autre mot ne sort ensuite, juste ça, ce secret qu’il semblait vouloir garder pour lui, jalousement et nerveusement, indéfiniment. Ça a été l’erreur d’une seconde, le regret de longues semaines pourtant puisque, aujourd’hui encore, il se sent sale à cette idée-là. Plus face à celle-ci que face à la nuit passée avec Sawyer. Mais quand il aura le courage de lui avouer ça aussi, il s’en voudra de la même manière. Elle a rencontré des inconnus et a essayé d’éponger sa tristesse, lui a trouvé des gens de leur entourage et a fauté. Qui est le pire des deux, maintenant ?

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Message(#)heartless (olivia) EmptyVen 16 Avr 2021 - 19:10


Olivia Marshall & @Jacob Copeland ✻✻✻ « Qu’est-ce que j’ai fait pour que tu t’imagines tout un tas de choses ? Excepté sortir ? » Il se confondait dans une ignorance candide, une ambiguïté à laquelle je ne voulais pas prendre part. Une fierté de détenir entre ses mains les rênes de ce qui allait suivre, de prendre de court pour se satisfaire des réactions qu’il était capable de provoquer et je n’avais besoin d’aucune expérience pour reconnaître ces paroles à l’innocence trompeuse, prononcées avec une simplicité insultante puisqu’il savait qu’elles cachaient dans leurs ombres le couteau sorti de sa gaine et prêt à être plongé au creux du cœur. Je ne sais pas, Jacob. Qu’avais-je fait, moi, pour éveiller tes soupçons ? Pour corroborer tes certitudes ? Était-ce sur ce chemin qu’il désirait nous entraîner ? Avait-il à ce point perdu tout espoir nous concernant, décidé ainsi à nous abîmer définitivement en nous faisant céder à ces dérives, prêt à ignorer que le tranchant de cette rancœur-ci demeurerait alors longtemps aiguisé, incapable de s’émousser ? « Ne me prends pas pour une imbécile, Jake. Je me souviendrai de tout demain, contrairement à toi. » Il était plus facile de botter en touche de la sorte, de jouer de la menace pour ne pas succomber à l’attrait de la confrontation qu’il cherchait tant à provoquer. Plus facile de garder la face une nouvelle fois que de prendre le risque de lui offrir un aperçu clair et dégagé des dommages prenant place à l’intérieur de ma poitrine et des ravages qu’il continuait d’y provoquer en agissant ainsi. Rien de plus que ce que j’ai fait, moi, tu as raison. Il n’y avait plus qu’à regarder, à présent, où cela nous avait-il menés. Lui non plus n’avait eu en sa possession aucune preuve susceptible de m’incriminer avec certitude ; avait confié au reste le soin de nous condamner. Il y avait eu des circonstances et une conjonction de hasards, une somme de silences et une simultanéité d’échappées, d’absences et d’impairs soigneusement camouflés. Pas assez sans doute, pour empêcher à ces modulations dans l’air de prendre forme, de s’épaissir jusqu’à aveugler pour nous rendre la vue. Tout avait tenu, un temps, formant des barrages et des instants de doute suffisants à nous épargner, suffisants pour nous offrir des moments de respiration et des bribes d’espoirs. Il avait fallu d’un rien, finalement, pour que tout ne se distende à nouveau, s’éparpillant dans des directions différentes, éclatant avec fulgurance à la manière d’un feu d’artifice dévastateur dont les jets crépitants ne cessaient plus désormais d’exploser dans l’obscurité de notre mariage. Il y avait eu l’espoir un temps, celui d'ube danse et de quelques mesures partagées l’un contre l’autre, que la lumière revenue n’exposerait pas chacune de nos bévues, et que les éclats retombant s’éteindraient à mesure qu’ils chuteraient, disparaissant avant de pouvoir toucher nos cœurs. Que ça ne brûle personne, surtout. Que ça ne blesse personne, plus que nous ne l’étions déjà.

Mais il y avait ses yeux qui luisaient à présent, ce soir plus que tous les autres, et son haleine qui embaumait l’espace de vapeurs d’alcool, celui que je rêvais d’ingurgiter moi aussi pour gonfler mes veines d’autre chose que de ressentiments que je jugeais déplacés, que de colère à son encontre, que d’incompréhension à ne plus pouvoir le retrouver comme je le désirais, comme j’en avais besoin, d’un seul regard à la rencontre du sien. Je ne reconnaissais pas ce dernier cette fois-ci, pas plus que je ne parvenais à nous reconnaître, nous, lorsqu’au fond de ses pupilles assombries ne semblait subsister que le reflet de ma propre provocation à laquelle songeait-il déjà à répliquer. « Tu tiens à ce que je te prouve le contraire ? » La porte n’était qu’à quelques pas, qu’à quelques mètres qu’il me suffisait de parcourir pour la lui ouvrir. Mais de mon autorisation donnée par seul orgueil, il n’en avait plus besoin et s’en était assuré au préalable. Qu’il ne se méprenne pas pour autant, cela ne m’ôtait pas l’envie pour autant d’éteindre cette lueur virevoltant avec fébrilité au creux de ses yeux embrumés, celle-là même dont il semblait si fier, chaleur brûlante que je mourrais d’envie d’éteindre comme les flammes des allumettes piégées à l’intérieur d’un verre, les condamnant à se consumer sans grande superbe. Il n’y en avait aucune, de cette dernière, dans la scène qu’il nous forçait à jouer et je peinais à discerner s’il disposait encore assez de lucidité pour s’en rendre compte. Pour réaliser à quel point, en sillage de ses bravades, n’y avait-il pas qu’un fond de désespoir auquel refusais-je de prendre part pour ne pas nous accabler de ridicule, celui dans lequel désirait-il apparemment se complaire. Celui qui ne tenait pas face au reste, l’important, l’essentiel : sa vie qu’il jouait à coup de dés et la nôtre qu’il menaçait d’une absence plus absolue encore que celle à laquelle l’avais-je forcé depuis trois ans. « T’en fais pas, j’ai jamais eu besoin de boire pour avoir des accidents mortels. » Le plat de ma main avait claqué le froid de la fenêtre à défaut de sa joue mal rasée. Cela n’empêcha pas aux jointures de mes doigts de blanchir de nouveau à force de les serrer en un poing refermé, ma colère contenue une nouvelle fois grâce au reste de chagrin semblant percer dans sa gorge, une fissure existant encore sous la surface de son insensibilité. Vas-y, Jacob. Ce n’était manifestement plus son intention de se contenir davantage, sa patience perdue sous les jougs de sentiments réprimés, les mensonges n’ayant plus besoin d’être retenus pour nous préserver de quoique ce soit. Au nous, il y avait mis un terme plusieurs semaines auparavant alors qu’attendait-il pour me livrer les vérités qu’il ne cherchait plus à dissimuler ? Il espérait sans doute même m'y confronter en rentrant de la sorte ce soir, venant me trouver jusque sur le canapé vers lequel reculait-il de nouveau sans assurance comme pour échapper à la propension qu’il me connaissait pourtant, celle de la prise de contrôle, de l’ascendant que je n’avais jamais cherché à prendre sur lui mais auquel je ne pouvais que m’astreindre lorsque tout menaçait de m’échapper… « T’as raison, je ne te dois plus rien. » … Notre mariage pourtant, notre mariage, seulement, n’avait jamais fait partie de ce tout en question ; un tout à part, un tout à lui seul longtemps figuré comme inaltérable et immuable. Un tout capable de se dérober sous mes pieds alors qu’à l’annuaire qu’il me présenta trop simplement, l’empreinte vide et pâle laissée par son alliance disparue sembla brûler ma peau à l’exact même endroit pourtant dénudé depuis plus longtemps encore. Mais ça n’était pas pareil, n’est-ce pas ? Ça ne l’était pas puisque la mienne d’alliance pendait encore au bout de la chaine contre ma peau soudainement glacée. Ça ne l’était pas lorsqu’en cette seule dissemblance siégeait ce qui nous séparait désormais : l’espoir d’un côté éteint, encore vacillant de l’autre.

« Par contre… J’ai fait quelque chose quand on était encore ensemble. » J’entrouvris les lèvres un instant, aucun mot distinct ne s’en échappant néanmoins au point que les premières ne purent que se courber finalement en un sourire vague et désabusé se transformant bientôt en un rire silencieux et essoufflé, paré des mêmes soieries noires et électriques que le regard que je lui lançais, telles la brume annonçant l’orage. Je pouvais rire, oui, secouant légèrement la tête comme pour constater l’absurdité de ses mots. Je le pouvais lorsque ce rire presque feutré ne possédait en lui rien de libérateur, tout d’impromptu et d’acide, de cinglant et de terriblement lassé. Il pouvait mordre ses mots et les réduire en poussière, ce rire. Il n’était pas plus fort, pourtant, que le souffle rauque de mes soupirs et je finis par hausser les épaules en retrouvant son regard, l’air interrogateur presque sincère au fond de mes prunelles brillantes. Étais-je supposée être surprise ? Qu’il n’ait rien dit avant ce soir ? Qu’il ait menti ? Tu n'as pas à avoir de doutes, avait-il assuré, brisant ainsi l’omission pour me proclamer le plus audible des mensonges, trop occupé à épingler les miens pour se rendre compte des siens. Je n’étais pas surprise, non. « J’ai embrassé quelqu’un. » Pas surprise non plus d’être prête à lui pardonner ses écarts tant ceux-ci me paraissaient moindres face aux tourments que nous avions en charge de traverser. Six ans de mariage, dix de plus à nous aimer et la mort d’un enfant à surmonter ; un baiser, et alors ? Un baiser, cela ne me paraissait pas infranchissable comme énième obstacle, à raccommoder comme ultime accroc. « Ça, on peut le surmonter. » Peu importait, n’est-ce pas, si cet accroc vint se loger au creux même de ma poitrine résolument calme. Peu importait, s’il me semblait désirer autant l’atteindre pour l’assurer de ma sincérité en l’enlaçant que pour lui ôter l’air trop innocent qu’il continuait d’arborer sur son visage fatigué comme l’on arrachait des mauvaises herbes à grands coups de faucille. Six ans de mariage, dix de plus à nous aimer et la mort d’un enfant à surmonter ; cela ne se construisait pas sans pardonner. Et pardonner, je le ferais et le savais déjà ; pas ce soir, ni même peut-être demain mais cela viendrait sans attendre de lui qu’il en fasse autant et sur l’instant. Pardonner, l’infinitif sec et sans trace de fébrilité, sans bavure d’espérance. Pardonner à vide, s’il le fallait, pour que le point final ne s’esquisse pas. Je ne pouvais pas imaginer autre chose que sa lucidité concernant cela. Alors pourquoi continuait-il ainsi à chercher ses mots, à fuir mon regard ? « C’était Yasmine. » Je fronçais les sourcils, prête à m’approcher d’un pas de nouveau, prête à relever son menton pour transpercer son regard du mien et le maintenir fixe, comme une victime que l’on étranglait et qui ne cillait plus. Mais il n’était pas la mienne et je possédais à peine la force désormais de le défier davantage. Yasmine, qui ? Mais les questions inutiles semblaient révolues lorsque les réponses hurlaient d’ores et déjà à mes oreilles bourdonnantes. Et la seule envie d’y mettre un terme fut celle me poussant finalement à desserrer les dents, la pointe de ma langue caressant lentement l’arête de ma canine, le toisant avant tranquillité avant de laisser échapper : « T’es qu’un putain d’hypocrite. » À ce dernier mot se rajouta mon épaule venant durement heurter la sienne alors que je me contentais de le dépasser sans prendre la peine, cette fois-ci, de le contourner convenablement. Cela ne ressemblait pas à ma voix, cela ne ressemblait pas à mon timbre ; cela ne me ressemblait pas, tout simplement, d’être capable à ce point d’entendre mon sang chanter dans mes veines, de sentir les phalanges de mes doigts se crisper sous le gel semblant s’en emparer lorsque la peau de mes joues, elle, paraissait brûlante au point de menacer de s’enflammer.

Cela ne me ressemblait pas plus de céder à l’urgence soudainement, de faire entendre le tout en me retournant finalement pour lui faire face à nouveau, la véhémence au bord des lèvres. « Je ne ressentais plus rien. Plus rien, t’entends ? » L’exact opposé de sur l’instant, à vrai dire. Mais si les mots pour exprimer avant parvenaient enfin à mes lèvres, les nécessaires pour faire entendre ce qui me traversait maintenant, eux, demeuraient indicibles tant la secousse était violente, la sensation précise et localisable, me tordant l’estomac et m’ébranlant les côtes impossible à concrétiser, impensable à communiquer, condamnée à demeurer ainsi, physique simplement et douloureusement charnelle. « Tu n’as jamais demandé, pourquoi. » Pourquoi les absences, pourquoi les manquements, pourquoi les tromperies. Pourquoi blâmer le corps lorsque c’était mon âme qui souffrait. Pourquoi il n’y avait eu que cette seule solution d’ignorer la seconde pour laisser au premier le soin de reprendre ses droits et de faire les choix à ma place, ne se souciant pas de me laisser ensuite démunie, condamnée à affronter la douleur intime, les souvenirs arrachés, la misère des espoirs que je n’avais su que détruire pour ne pas avoir à les assumer. Pourquoi ? Les raisons étaient nombreuses et ne pourraient jamais être toutes énoncées, pas intelligemment. Elles arrivaient trop tard également, la sentence de Jacob était déjà tombée mais cela ne suffit pas à m’arrêter, le besoin de m’alléger de ce qui m’encombrait depuis des années se montrant plus fort, enfin. « Tout ce que j’essayais de faire, c’était oublier. Réussir à occuper mon esprit d’autre chose que de ce qui me donnait envie de mourir à chaque instant. » Et s’il s’agissait de culpabilité envers lui, de dégoût envers moi, je prenais malgré tout. J’avais pris, tout ; tout pour nous empêcher de tourner encore et encore avec ce que l’on ne parvenait pas à affronter. Tout pour ne pas retourner à ce qui nous torturait, pour ne pas esquinter davantage nos blessures, la menace d’arriver au cœur bien trop grande et celle d’atteindre celui de nos maux répulsive tant je savais ce dernier opaque, l’antimatière ténébreuse, le trou noir absolu. « Je ne me suis jamais sentie mieux, Jacob. J’en ressortais seule, c’est tout. Coupable, honteuse et surtout, triste, très triste. Plus triste encore qu’avant. Je crois que c’est ce que je cherchais finalement. » Le souffle manquant un instant, je m’interrompis pour le regagner un instant avant de poursuivre en rehaussant les épaules. « Être triste pour autre chose, souffrir pour autre chose, et eux… eux, il n’étaient qu’un outil, rien d’autre. Ils n’ont jamais eu aucune importance, jamais. » L’espoir était sans doute crédule mais pourtant ancré au creux du ventre : celui qu’apposer des mots sur ce qui n’avait été qu’effleuré jusqu’à présent soit salvateur d’une quelconque manière, douloureux comme l’amputation d’un membre perdu mais nécessaire pour sauver le reste du corps. Ça l’était, douloureux d’évoquer ces hommes et ces incartades, ces corps brûlants et ces profils renversés dont je ne retenais rien, ces moments passés loin de lui et ces instants à espérer l’oublier, en vain. « Ils étaient le dernier recours et je ne leur demandais rien d’autre que ça. Ça me permettait de respirer à nouveau, mais pas vraiment à vivre. Ça me redonnait un semblant de contrôle, mais ça m’empêchait de me souvenir. Ça me permettait de bouger, sans jamais éprouver la moindre sensation. » Je savais, qu’il ne s’y méprenne pas. Je me rendais compte à quel point j'étais tombée bas, à quel point il m’était néanmoins impossible de m’en sortir. Ça l’était tout autant d’arrêter les mots à présent qu’ils se pressaient à mes lèvres, impatients de se faire entendre après avoir été si longtemps réduits au mutisme car je leur avais forgé cette armure de silence et de solitude. Il en allait de même des larmes ne sachant plus comment couler et ayant si bien accepté de se retrancher que, naïvement, je m’étais convaincue qu’elles avaient dû finir par s’y dessécher lentement, tranquillement, de l’intérieur. « Je voulais aller le plus loin possible, devenir autre chose que cette mère en deuil que tout le monde voit. Autre chose que ce que toi, tu voyais à chaque fois que tu me regardais. » Que, stupidement, je m’étais finalement convaincue d’être devenue cette cuirasse inaltérable sans plus rien au-dedans que des organes défaillants, un tronc sec dont la sève avait finalement été absorbée, totalement, faute de compassion ou d’honnêteté de la part son hôte pour l’irriguer.

« Et je suis désolée. Tu n’as pas idée à quel point je regrette d’avoir eu à te faire du mal pour essayer d’en ressentir un peu moins. Mais ça n’a jamais été pour t’oublier, toi, ou essayer de te remplacer. » L’intérieur de ma joue mordu jusqu’au sang n’empêcha pas cette vérité de se faire entendre, consciente d’avoir laissé mon mari en douter trop longtemps. Mais quand d’autres n’avaient laissé en moi que la sensation d’être amoindrie et plus vide encore que l’instant d’avant ; de lui, de lui bien entendu, n’avais-je rien pu faire d’autre que de tout garder. De lui, je gardais tout aujourd’hui, hier et demain. « Ou partager quelque chose avec eux que je ne voulais pas partager avec toi. Je n’aurais jamais pu. Mais toi… » Les images s’imposant en boucle derrière mes yeux, je me permis de les abaisser un instant pour dissimuler la couleur de la brume que je leur devinais soudainement, le soupçon de pluie à la lisière de mes cils s’échouant alors sur ma joue que j’essuyais d’un geste fugace. « Tu es allé vers la seule et unique personne qui sait. Parce qu’elle était là. Parce qu’elle a soulagé les douleurs de notre fille jusque dans ses derniers instants. Parce qu’elle est celle qui nous a annoncé qu’il était temps de lui dire au revoir. Parce qu’elle en a fait partie, de tout, et que je l’ai détestée pour ça. » Avait-il seulement la moindre idée des horreurs que j’avais pu jeter à la figure de Yasmine ? Elles avaient été nombreuses et je les avais toutes pensées avant de finalement m’en expliquer auprès d’elle. Ces excuses, qui m’avaient tant coûté, avaient-elles été prononcées avant ou après que lui n’ait fauté avec elle ? « Tu es allé vers elle. Tu m’as tout caché, tout ce que tu ressentais. T’as jamais voulu me montrer quoique ce soit, pour moi prétendument, pour me préserver. » Je ne cherchais plus à l’en empêcher et le détesterais, lui, plus tard pour cela : la seconde larme me brûlant la peau en atteignant l’arête de ma mâchoire, lucarne brillante dans la pénombre lorsqu’à celle de douleur se mêlait désormais la dernière de fatigue et de lassitude, d’irritation et de déception. « Et à la place, tu es allé, précisément, vers elle. » Pourquoi ? Pourquoi elle ? Est-ce que cela comptait ? Oui, bien sûr que oui. Mais je n’étais pas certaine d’être capable de l’entendre cette vérité-ci, et je me contentais de reculer d’un pas en haussant les épaules, le revers de ma main venant s’échouer plus lentement sur ma joue pour en effacer ce qui demeurerait longtemps pourtant, cicatrices de faiblesse pour lesquelles n’éprouvais-je pas la moindre pitié. « Et t’as raison, je ne sais plus ce qu’on est supposés faire de tout ça maintenant. » De nos erreurs et des vérités que l’on s’accordait aujourd’hui, plus douloureuses encore que les mensonges d’hier. Pourquoi elle ? Cela comptait. Est-ce qu’elle te plaît ? Bien sûr que cela comptait. C’était bien pour cela que je me chargeais de les enfouir sous la neige du silence, prête à les étouffer le temps que les tourments brûlent, ne s’épuisent et ne cessent ; s’ils le pouvaient encore.




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Message(#)heartless (olivia) EmptyMer 28 Avr 2021 - 10:19

Ne me prends pas pour une imbécile, Jake. Je me souviendrai de tout demain, contrairement à toi. Elle se souviendra de ces mots et de tout ce qui va suivre. Elle se souviendra de son air détaché, de ce côté provocateur qu’il ne se connaît pas habituellement, de cette facilité à se dédouaner de tout quand il fait n’importe quoi. Lui, il ne demande que ça : oublier. Tout, jusqu’à son prénom. C’est pour ça qu’il a commencé à boire, c’est pour ce sentiment d’ivresse et de bien-être qu’il continue. Il le regrette tous les matins, il en redemande tous les soirs, il s’en contente tout au long de ses journées. Sa dépendance à la caféine est loin, désormais, remplacée par un vice qui se veut bien plus dévastateur. Ils ne devraient pas parler, elle lui a dit, il continue pourtant. Il s’entend parler de son accident, il la voit réagir, il ne sait rien y faire. Il s’entend lui avouer qu’il a embrassé quelqu’un. Et le reste, après, il n’y a plus rien qu’il contrôle. Comme un mécanisme de défense, il se place dans un mutisme qui l’oblige à l’écouter. Il l’entend lui dire qu’ils pourront surmonter cette épreuve, le rassurer. Et le nom sort et finalement, il n’y a rien à surmonter, ils sont dépassés par les événements depuis bien trop longtemps. T’es qu’un putain d’hypocrite. Et il n’entend que sa respiration, ensuite, avec les battements de son cœur. Le silence est court mais intense, car la suite, il ne veut pas l’entendre. La suite, il vient pourtant de la provoquer, alors qu’elle l’a prévenu à deux reprises : ne pas parler ce soir, elle se souviendra de tout. Plus que jamais, là, il a envie d’oublier.

Je ne ressentais plus rien. Plus rien, t’entends ? Tu n’as jamais demandé, pourquoi. Une histoire a toujours deux versions. Et souvent, on s’acharne a lui trouver un coupable et une victime. On la décore de quelques dommages collatéraux, d’erreurs réparables et d’une ou deux peines irréversibles. Durant trois longues années, Jacob s’est attribué les deux rôles principaux. Il jonglait entre une culpabilité déchirante et une image héroïque qui ne lui correspondait pas. Être le premier à se relever d’une telle épreuve, ça marque forcément : il y a le regard des autres et la perception que l’on a de soi. S’il forçait le respect chez les uns et soulevait des questions chez les autres, intérieurement, il était perdu. Car ce n’était qu’une apparence, une solide carapace derrière laquelle un père endeuillé se cachait. Il pensait que s’il forçait le destin en obligeant Olivia à le suivre et à avancer avec lui, ils iraient mieux rapidement. Et à force de se répéter la même chose et de dire aux autres qu’il allait bien, il a fini par le croire lui-même : il allait plus vite qu’elle, et plus le temps passait, plus sa patience se réduisait. Il se revoit lui mettre la pression, lui poser des ultimatums, attendre d’elle ce qu’elle n’était pas prête à lui donner. Et s’il repense correctement à ces moments, en plus de revoir Olivia ne pas réagir correctement à toutes ces épreuves, il s’entend, lui ; prisonnier au fond de lui-même, son cœur lui criait d’arrêter quand son cerveau était déjà robotisé. Comme les requins, il était programmé à avancer : s’il s’arrêtait ou s’il regardait en arrière, il risquait d’y laisser des plumes, ou plus dur encore, de couler avec June. Pour survivre, pour assurer dans ces deux rôles, il a laissé une part de lui-même. Il aimerait bien la retrouver pour pouvoir écouter Olivia, réellement l’entendre, ne pas seulement regarder ses lèvres bouger. Mais il ne sait pas s’il en est capable ; la peine irréversible, il se peut que ce soit là qu’elle se trouve. Tout ce que j’essayais de faire, c’était oublier. Réussir à occuper mon esprit d’autre chose que de ce qui me donnait envie de mourir à chaque instant. Il a subitement envie de lui faire une liste de toutes les choses possibles à faire dans ce monde pour occuper son esprit, autre que de tromper son mari. Qu’elle ne lui dise pas qu’il n’y a pas trente-six solutions, il pourrait pousser le vice jusqu’à lui en trouver trente-sept. Mais il n’est pas d’humeur à jouer, il n’est pas non plus en état, il est juste capable d’écouter et de penser à tout ce qu’il pourrait lui répondre, là, pour la faire taire. Je ne me suis jamais sentie mieux, Jacob. J’en ressortais seule, c’est tout. Coupable, honteuse et surtout triste, très triste. Plus triste encore qu’avant. Je crois que c’est ce que je cherchais finalement. Être triste pour autre chose, souffrir pour autre chose, et eux… eux, ils n’étaient qu’un outil, rien d’autre. Ils n’ont jamais eu aucune importance, jamais. Ne pas la couper est plus difficile que jamais : s’ils étaient des outils, qu’était-il, lui ? Il s’y retrouve encore une fois, dans ses pensées : le dommage collatéral, c’est lui. S’il arrive réellement à comprendre ce qu’elle est en train de lui dire, elle a travaillé sa peine avec d’autres, vis-à-vis de lui. Elle l’a trahi pour se faire du mal, sans penser aux conséquences. Il a envie de lui demander si ça lui fait suffisamment mal, maintenant qu’ils sont séparés, mais il n’a pas le cran. Il l’aurait très certainement eu s’il avait moins d’alcool dans le sang, s’il avait été préparé à cette discussion. Elle le prend de court et tout ce qu’il est capable de faire, c’est la fixer, cligner le moins possible des yeux, rester droit. Et ne faire rien que ça lui demande déjà des efforts considérables. Ils étaient le dernier recours et je ne leur demandais rien d’autre que ça. Ça me permettait de respirer à nouveau, mais pas vraiment à vivre. Ça me redonnait un semblant de contrôle, mais ça m’empêchait de me souvenir. Ça me permettait de bouger, sans jamais éprouver la moindre sensation. Garder les yeux ouverts l’aide également à ne pas imaginer quoi que ce soit. La moindre scène d’elle avec un autre homme. Il n’a pas besoin de détails pour comprendre, pour visualiser, pour les détester d’avoir profité d’elle de cette manière. Il ne veut pas les noms, ni le nombre, ni les lieux, ni rien de tout cela. Il veut simplement qu’elle s’arrête de lui en parler, de le forcer à y croire : ça fait des mois qu’il vit avec un doute constant, et vivre avec la certitude est vraiment trop étouffant. Moins ils en parlent, mieux il se porte, plus vite il pourra oublier – et peut-être le lui pardonner. Je voulais aller le plus loin possible, devenir autre chose que cette mère endeuillée que tout le monde voit. Autre chose que ce que toi, tu voyais à chaque fois que tu me regardais. Il secoue sa tête mais une fois de plus, aucun son ne sort. Contester ses propos ne sert à rien, il a pourtant envie de le préciser : il voyait en elle bien plus qu’une simple mère endeuillée. Si ça n’avait pas été le cas, il n’aurait pas réuni tous ces efforts pour essayer les sauver, eux, en tant que couple. Il aurait enterré sa femme en même temps que sa fille, chose qu’il n’a pas faite. Il percevait son regard de la mauvaise manière ; un malentendu qui a des conséquences bien trop importantes.

Il faudrait que ça s’arrête là. Qu’il puisse s’enfuir, dans leur chambre ou ailleurs. Ne plus l’écouter, ne plus avoir envie de lui répondre. Mais ce qui a provoqué ces confidences, c’est l’aveu de Jacob : dans un moment de faiblesse qui n’a duré qu’une seconde, il a embrassé Yasmine. Olivia ne fait que préparer le terrain pour en venir à cette confession, à ce qui lui fait penser qu’il n’est qu’un putain d’hypocrite. Et je suis désolée. Tu n’as pas idée à quel point je regrette d’avoir eu à te faire du mal pour essayer d’en ressentir un peu moins. Mais ça n’a jamais été pour t’oublier, toi, ou essayer de te remplacer. Ses sourcils se froncent : est-ce qu’il est supposé la remercier, là ? Ou partager quelque chose avec eux que je ne voulais pas partager avec toi. Je n’aurais jamais pu. Mais toi… Encore une fois, il a envie de dire quelque chose avant qu’elle ne se remette à parler. Mais elle essuie sa joue d’un geste rapide, et plus rien ne semble fonctionner chez Jacob. Il s’arrête même de respirer une seconde, car il comprend qu’ils viennent très certainement d’atteindre un point de non-retour. Tu es allé vers la seule et unique personne qui sait. Parce qu’elle était là. Parce qu’elle a soulagé les douleurs de notre fille jusque dans ses derniers instants. Parce qu’elle est celle qui nous a annoncé qu’il était temps de lui dire au revoir. Parce qu’elle en a fait partie, de tout, et que je l’ai détestée pour ça. Quelque chose ne colle pas dans ce que lui raconte Olivia : comment peut-elle détester Yasmine pour sa simple présence et, dans le même temps, affirmer à Jacob ne pas lui en vouloir pour ce qu’il s’est passé, le rendre responsable de rien ? Si elle doit détester quelqu’un, dans ce trio infernal, c’est bien lui. Il était au volant, il a tué leur fille : Yasmine n’a fait que de constater les dégâts, ensuite. Tu es allé vers elle. Tu m’as tout caché, tout ce que tu ressentais. T’as jamais voulu me montrer quoi que ce soit, pour moi prétendument, pour me préserver. Cette fois, la larme qui s’écoule le long de sa joue, il peut la voir. Cette même larme qui le bloque et l’empêche de lui dire qu’elle est injuste et qu’elle est en train de refaire l’histoire à sa façon. S’il a créé cette carapace, c’est pour les préserver eux, pas qu’elle. Et si elle ne le voulait pas, il lui suffisait de lui dire. Est-ce qu’il tenait le bon ou le mauvais rôle ? Il n’est plus si sûr. Et à la place, tu es allé, précisément, vers elle. Elle se recule d’un pas, il a envie d’en faire un en avant. Pour l’empêcher d’établir cet espace entre eux, qui ne va faire que de s’allonger s’il l’accepte. Il ne bouge pourtant pas, Jacob, toujours interdit. Est-ce à lui de parler, maintenant ? Et t’as raison, je ne sais plus ce qu’on est supposés faire de tout ça maintenant. Le blond passe une main sur son visage, il prend le temps de la réflexion, le temps de recevoir correctement tous les éléments. On ne devrait pas parler maintenant, Jacob. Les mots qu’elle a prononcé tout à l’heure résonnent encore dans son crâne : il ne comprend que maintenant à quel point elle avait raison, à quel point il regrette d’avoir insisté. Il n’est pas en état d’argumenter, pas en état de recevoir, pas en état de se battre pour ce qui est juste et pour ce qui compte réellement. Tout ce qu’il peut faire, après avoir bu autant et après avoir eu tant d’informations à assimiler, c’est se mettre sur la défensive. T’es tellement injuste. Il dit, en secouant son visage, sans la lâcher du regard. Il sait qu’il ne va pas tenir longtemps et qu’il va devoir parler au mur plutôt qu’à elle, bientôt. Car il ne supporte pas les reproches, Jacob, il n’aime pas se rendre compte qu’elle n’est pas aussi parfaite qu’il le pensait – elle l’est pour lui, l’a toujours été, mais il y a des défauts qui lui reviennent parfois en pleine face. Comme ce soir, par exemple ; c’est le premier exemple en plusieurs années, mais il est suffisant pour remettre tout en cause. Je l’apprécie. Il l’admet, ça a toujours été le cas, ça ne changera pas même après cette soirée. C’est vrai qu’il ne lui a pas vraiment reparlé depuis, le moment a été suivi de beaucoup de gêne et d’excuses qui n’étaient peut-être pas totalement sincères. On discutait et ça m’a échappé. Ça lui a échappé, oui, comme un lapsus : il l’a embrassée, une pulsion, rien de plus. Elle était là pour moi quand tu ne l’étais pas. Et contrairement à toi, moi, je ne l’ai jamais détestée d’avoir été là, ce soir-là. Au contraire. Il ne lâche toujours pas son regard bien que ses yeux commencent à lui piquer. Elle a réussi à me comprendre, elle. Comment tu peux prétendre la haïr elle car elle était là et ne rien ressentir par rapport à moi alors que je suis celui qui a tout provoqué ? Ça aussi, il fallait que ça sorte, car il ne le comprend vraiment pas. Il détourne le regard, enfin, le porte vers le mur derrière elle. C’est plus simple ainsi. C’était juste un baiser, Liv, rien de plus. Et elle n’a pas sauté sur l’occasion, au contraire, ça s’est arrêté là. C’était juste une seconde d’inattention et contrairement à toi, je n’ai pas pensé une seconde à le faire pour te faire souffrir et avoir moins mal. Ses yeux s’ancrent de nouveau aux siens quand il dit ça, car sa voix est pleine de reproche. Ce qu’elle vient de lui dire, il a vraiment du mal à l’accepter. Je me suis toujours dit que je ne voulais pas te faire de mal consciemment mais toi, tu l’as fait volontairement. Et tu me le dis, en plus de ça. C’est bien, t’as réussi ton coup. Elle voulait l’atteindre, c’est fait. Il soupire longuement et retourne s’asseoir sur le canapé. Il sent ses jambes trembler et il vaut mieux se poser que de tomber : il n’en a pas terminé, mais il le fera dans cette position. Il prend son visage entre ses mains une fois de plus, il a besoin de réfléchir. Tous ses mots se bousculent dans son esprit, il veut les faire sortir dans le bon ordre, sur le bon ton, de la bonne manière. Ne me parle pas d’hypocrisie. Il relâche son visage mais fixe le sol, la regarder est bien trop dur. Tu prétends qu’ils n’étaient personne et tu m’accuses d’être allé voir Yasmine, mais t’as pas hésité à piocher dans notre entourage, quand même. Il n’a toujours aucune certitude à ce sujet-là. Il s’est pourtant convaincu lui-même en présentant la chose à Sawyer, en se pardonnant d’avoir couché avec elle par erreur, une fois. Il l’a refait une seconde fois, sobre, désolé : ce n’était plus une bêtise, c’était un choix. C’était bien, avec Eliot ? Il la regarde pour voir si une émotion passe sur son visage, la culpabilité, l’incompréhension, la honte ? Mais il n’arrive pas à constater, il n’arrive plus à lire en elle. Est-ce parce qu’il a la sensation de ne plus la connaître ou parce qu’il a trop bu ? Ça, l’avenir le lui dira. Il faut croire qu’on a dépassé un stade et qu’on est d’accord pour se faire du mal mutuellement, maintenant. Car il sait pour Eliot, et qu’elle doit savoir pour Sawyer. Il reste assis, loin d’elle, loin de réellement assumer. La femme, c’est Sawyer. Celle qu’il prétendait pouvoir rejoindre il y a quelques minutes, c’est une amie qu’ils ont en commun depuis des années. Il se sent soudainement plus que sale à l’idée d’avoir proposé ça tout à l’heure, mais c’est fait, il ne peut pas revenir dessus. Et avec tout ce qu’elle vient de lui dire, il est tellement partagé entre colère et déception que sa culpabilité, elle, se fait toute petite. Et elle, ce n’était pas une erreur. Il continue dans sa lancée. Yasmine, si. Et je peux te le répéter en boucle s’il le faut mais je ne suis pas allé vers elle exprès pour te faire du mal. Sawyer, par contre, je voulais me venger. Comment tu peux me faire tout un cinéma sur ce que j’ai pu faire quand tu fais dix fois pire ? Il n’arrive vraiment pas à comprendre comment elle est capable de justifier ses actes, tout en pointant du doigt les siens, ça n’a aucun sens. Je pense qu’on est quitte, maintenant. Il dit, toujours en restant sur le canapé, pas prêt de s’en relever. Qu’elle aille ailleurs comme elle le voulait tout à l’heure, il n’a pas l’intention de la retenir une nouvelle fois. Du coup, ouais. Je pense qu’on n'a plus rien à se dire. Il lâche la bombe et essaie de la désamorcer en même temps : qu’elle lui tourne le dos, qu’elle ne réagisse pas. Il préfère cent fois ça à se faire accabler, une fois de plus, quand elle minimise tout ce qu’elle a pu lui faire. Si on en est là, c’est de ta faute, pas de la mienne. Il le dit clairement, l’alcool parle pour lui. Quand il aura récupéré toutes ses capacités mentales – actuellement bloquées par son état – et quand il aura pris le recul nécessaire, il se rendra bien compte de toutes les bêtises qu’il peut dire. Mais il en est encore loin, pour l’instant, et il est certain qu’elle a tout à se reprocher.

@Olivia Marshall :l:
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Message(#)heartless (olivia) EmptyDim 9 Mai 2021 - 10:07


Olivia Marshall & @Jacob Copeland ✻✻✻ « T’es tellement injuste. » Je fronçais les sourcils alors qu’il balayait déjà avec acrimonie l’intérêt que pourrait avoir l’approche des tourments exprimés. Nulle surprise pourtant à la tactique derrière laquelle je le visualisais déjà se ranger ; elle était la mienne, souvent. L’astuce résidait en un coup, et un coup uniquement : celui de s’installer à la table, de la défense comme de l’attaque, et de se montrer patient. Suffisamment en tout cas pour entendre les arguments, en distinguer les faussetés des vérités et juger de laquelle ne nous restait-il plus qu’à nous emparer pour, tel le fer porté au rouge, la transformer en une lame acérée. Ma tactique, oui. Jamais avec lui cependant mais ce soir semblait être le soir des premières, celui au cours duquel les confessions pleuvaient à visage découvert et laid, celui où cours duquel les abcès étaient crevés sans que nous n’ayons l’air de prendre garde à prévenir l’infection pourtant menaçante. Injuste, donc. Quelle vérité – il n’y avait eu aucun mensonge – s’était-il ainsi décidé à tordre entre ses mains pour en parvenir à cette conclusion ? « Je l’apprécie. » Il répondait. Il répondait à ce que je n’avais pas demandé et je le détestais déjà pour cela. « On discutait et ça m’a échappé. » Mes pupilles se rétractèrent et je sentis mon corps se tendre, intraitable, frémissant de ne pas pouvoir l’interrompre autrement que par un sourire soudainement froid. « Tu t’es pas fait mal au moins ? » L’ironie suintait à travers mes expressions impavides, jurant avec mes yeux encore brillants. Était-ce tout ce qu’il avait à me dire ? Ça lui avait échappé, comme un pot de confiture d’entre les mains ; ça avait donc tout de pardonnable. J’entendais déjà ce qui allait suivre, ce qu’il allait tenter, se défaisant de tout pour me charger de l'ensemble ; il savait faire et je l’avais laissé, ayant cessé de me battre depuis trop longtemps pour qu’il devine que mes limites également étaient sur le point d’être franchies. « Elle était là pour moi quand tu ne l’étais pas. Et contrairement à toi, moi, je ne l’ai jamais détestée d’avoir été là, ce soir-là. Au contraire. » Le contraire de détester, lequel était-il ? Mon esprit s’évadait, à la recherche d’une réponse qu’il inventerait de toute pièce, de laquelle se persuaderait-il un autre jour ; dès demain, sûrement. « Comment tu peux prétendre la haïr elle car elle était là et ne rien ressentir par rapport à moi alors que je suis celui qui a tout provoqué ? » Oh, la ferme Jacob. Arrête de tout conscientiser, de rationaliser, systématiser, intellectualiser. June est morte ; et la logique aussi. Il n’y avait plus rien de juste depuis et je voulais hurler pour qu’il l’entende enfin. Mais les années passaient et ma voix s’usait, s’effritait, se perdait. S’il ignorait la réponse à sa question, je n’étais plus en état de la lui donner. Pas ce soir, certainement pas demain. Et s’il pensait que je ne ressentais rien, alors était-il encore plus ivre que je ne l’imaginais. Y aurait-il un jour futur où les mots deviendraient de nouveau prononçables ? Où je me les permettrais encore, voyant comme il les recevait ce soir ? Parce que toi, je t’aime. Et qu’elle, elle n’était pas grand-chose face à ça, plus rien du tout suite à ça. Il ne fallait pas qu’il remette en question l’amour que je lui portais. Il ne fallait pas qu’il se rende compte comment j’étais capable de les traiter, ceux qui n’étaient pas lui. « Je ne prétends rien. » J’atténuais, au contraire. Je l’avais haïe, réellement. Il n’y avait aucune grandeur à l’admettre, aucune fierté de laquelle se revêtir. Rien d’autre que de l’écœurement, le haut-le-coeur las à me souvenir l’avoir laissée frayer son chemin jusqu’à moi, m’adoucir, m’assouplir à son contact ; croire en sa générosité et en sa volonté de rattraper les choses. Il n’y avait rien à rattraper dans la mort de ma fille, elle avait fini par le comprendre ; il fallait croire que cela l’avait libérée.

« C’était juste un baiser, Liv, rien de plus. Et elle n’a pas sauté sur l’occasion, au contraire, ça s’est arrêté là. C’était juste une seconde d’inattention et contrairement à toi, je n’ai pas pensé une seconde à le faire pour te faire souffrir et avoir moins mal. » Les reproches s’accumulant, je ne les entendais plus qu’à peine désormais, ou de loin. Ne restaient plus que ses tentatives vaines de la dédouaner elle d’un vice dont il ne la pensait pas coupable. Pourquoi se donner tant de mal, Jacob ? Craignait-il soudainement que les répercussions de son aveu ne rejaillissent sur elle ? Représentais-je à ce point une ombre qu’il ne savait plus chasser, une flamme qu’il ne savait plus maîtriser, un mal qu’il craignait de voir se propager ? « Je me fous d’elle. » De ce qu’elle avait fait, ou non. De si elle avait sauté sur l’occasion – sur mon mari – ou si elle avait instauré des barrières, trop tard. C’était lui qui m’intéressait, ses lèvres que je n’arrivais pas à imaginer sur d'autres que les miennes, ses barrières à lui dont l’explosion n’en finissait plus de m’atteindre, les éclats épars reçus dans la chair jusqu'au cœur. Parce que toi, je t’aime. Et qu’elle, elle n’était pas grand-chose. Amusant à quel point cela marchait ici aussi, n’est-ce pas ? Je n’étais pas le genre d’épouse à maudire l’autre femme, toute ma haine dirigée exclusivement et entièrement envers le seul qui m’avait juré son amour et sa fidélité, sa patience et sa vérité : mon mari ; le chanceux. « Je me suis toujours dit que je ne voulais pas te faire de mal consciemment mais toi, tu l’as fait volontairement. Et tu me le dis, en plus de ça. C’est bien, t’as réussi ton coup. » « Tu ne comprends rien alors. » Ça le sauvait peut-être. Mes pupilles sondant les siennes, passant de l’une à l’autre pour scruter, fouiller, creuser quitte à ce que cela finisse par lui faire mal, se rétrécirent un peu plus encore lorsqu’il détourna le regard pour s’éloigner dans la pièce. Qu’il s’assoie s’il en avait besoin, si ses forces étaient comptées et que son esprit embrumé ne lui permettait pas de tenir debout, encore un peu. Qu’il le fasse pour que cela m’atteigne et me fasse prendre conscience qu’il ne fallait pas lui en vouloir, ou pas autant que je ne l’aurais fait en temps normal, car il ne possédait pas les facultés nécessaires ce soir et encore moins une idée précise de sa force à m’atteindre. Il ne comprenait pas, non, mais n’en savait rien non plus ; cette dernière ignorance se rappelant à moi comme pour l’épargner. « Ça n’avait rien à voir avec toi. » Il n’avait jamais été question de me taillader pour le faire saigner, lui, ni de m’écarteler pour le déchirer, lui. Cela s’était produit néanmoins car je l’admettais : ce qui arrivait à l’un arrivait à l’autre, il en avait toujours été ainsi et, dans ma tentative de survivre à la noyade, je n’avais rien pu faire d’autre que l’oublier. « Ça aurait dû, peut-être. Mais je n’étais pas capable. » Le peut-être était en trop, je l’articulais calmement pourtant, la voix glaciale et le regard plus encore. Il manquait de lucidité, peut-être même de force. Ce n’était pas mon cas, et cela avait été trop souvent l’inverse entre nous au cours des trois dernières années pour que je ne puisse pas convenir d’en rester là, pour ce soir. Les mots semblaient s’être taris, ils n’avaient certainement pas été ceux qu’il nous aurait fallu trouver pour panser chacune de nos plaies mais je me détournais, amorçant un pas dans la direction opposée ; celle qui m’éloignerait, celle qui honorerait ce qu’il avait lui-même demandé et n’avait pas pu respecter sous l’influence de l’alcool : celle qui imposerait la distance, entre nous et nos partis qu’il n’était pas possible de concilier.

« Ne me parle pas d’hypocrisie. » Dans mon dos, sa voix grinça de nouveau, crispant chacun de mes muscles et écorchant chacune des parcelles de ma peau les recouvrant encore. « Je ne parlerai plus de rien. » Qu’il ne s’en fasse pas. Elle était là, la résultante, la conséquence ; la rançon. Elle résidait dans le goût âpre, noir et opaque dont je ne parvenais pas à débarrasser ni mon palais, ni les modulations de ma voix. Le contrecoup faisait mal et la sentence tout autant, se décomposant entre nous et putréfiant l’air. Il avait été prévenu, pourtant : on ne devrait pas parler maintenant, ça n’amènera rien de bon. Et si j’appréciais la témérité et la liberté dont il avait toujours su se doter, déliant sa langue pour me faire face, parfaitement conscient que l’opposition me stimulait bien plus que l’accord, ça n’avait rien eu d’un jeu ce soir. Mais nous avions perdu. Qu’y avait-il à rajouter ? « Tu prétends qu’ils n’étaient personne et tu m’accuses d’être allé voir Yasmine, mais t’as pas hésité à piocher dans notre entourage, quand même. » Ses mots n’avaient rien d’une interrogation, tout d’une affirmation, fallacieuse et impérieuse, étranglant sa gorge douloureuse sans que cela ne l’empêche pourtant de braver le mal pour s’en débarrasser à mes pieds. Je me retournais lentement, comprenant son impatience à parler, son impatience à m’achever sous des incriminations dont je ne voyais plus la fin et qui, j’en étais persuadée, témoignaient en réalité de son implacable désintérêt à m’écouter en retour. J’inspirai sobrement et inclinai le visage, le toisant sans réellement ciller. Tu sais des choses que j’ignore ? « C’était bien, avec Eliot ? » Eliot. Eliot, qui ? Et l’ironie frappait à nouveau. Je ne me ferai pas l’affront de le demander, de prononcer son nom à mon tour ; ce nom. Je ne lui laisserai pas plus l’opportunité de reprendre ses mots, de se rendre compte à quel point ils n’étaient pas les bons, risibles et absurdes, imparfaits et blessants. Qu’il aille au bout, à présent qu’il s’était jeté dans le vide ; au bout de la corde qui pendait par-dessus le pont. Elle était trop longue et il heurterait le sol, le dur, sans que je ne lui permette un seul instant de m’entraîner dans sa chute malgré son regard qui me dévisageait pour mieux guetter ma réaction. Tu ne le vois pas, Jacob ? Tu ne le vois pas que dans ce vide-là, je me suis déjà perdue ? « Il faut croire qu’on a dépassé un stade et qu’on est d’accord pour se faire du mal mutuellement, maintenant. » Le peu de lumière vacillant peinait à persister encore, l’impression de pénétrer tout entière et par cercles dans l’eau noire d’un gouffre dont je ne percevais pas le fond m’obligeant à ciller une fois pour statuer, inflexiblement. « Tu peux arrêter. » La pièce autour de nous se dissolvait toujours plus et le calme réclamé n’arrivait pas, lui. « Maintenant. » Était-ce là tout ce que je parvenais encore à dire ? Certainement pas non ; tout ce que je lui accorderais néanmoins lorsqu’il venait de perdre le droit de recevoir autre chose. Pour qu’il en fasse quoi, exactement ; ça ?

« La femme, c’est Sawyer. Et elle, ce n’était pas une erreur. » De mon côté, il y avait eu des incompréhensions et des cris, une bouteille renversée et des verre brisés, des ecchymoses et une cicatrice indécelable pour finir de tout gâcher et de tous nous éloigner. Ça avait été une erreur, une monumentale. Mais lui et Sawyer allaient bien, eux. Lui et Sawyer ne regrettaient rien, que tout le monde se remette à respirer. Toi la première Olivia, fais un effort : inspire, expire, inspire… puis recommence. Était-ce là que j’étais supposée avoir de la peine, du chagrin, du regret ? Espérait-il distinguer aux abords de mes cils une esquisse de larme nouvelle, provoquée à la faveur d’une saillie qu’il espérait de toute évidence incisive au point de me faire faillir ? Il n’aurait rien ; rien de plus. Le détachement dont il se parait ressemblait à une claque qu’il n’avait pas le courage de m’asséner. Elle traversait mon épiderme sans pudeur pourtant, glaciale et saisissante sans que mes paupières ne tressaillent d’un millimètre, brûlantes à force de demeurer ouvertes pour l’obliger à la pareille. Ni indignation, ni plainte, pas plus de confessions sur à quel point rien n'avait été bien, avec Eliot. Il n’aurait rien et peut-être ressentirait-il ainsi ce qui semblait se jouer en moi, soudain absente à moi-même et observant la scène de l’extérieur. « Yasmine, si. Et je peux te le répéter en boucle s’il le faut mais je ne suis pas allé vers elle exprès pour te faire du mal. Sawyer, par contre, je voulais me venger. Comment tu peux me faire tout un cinéma sur ce que j’ai pu faire quand tu fais dix fois pire ? » Rien, toujours rien ; je le voudrais bien pourtant, pour atténuer la haine et rappeler l’amour, mais l’oiseau noire de la provocation recouvrant son visage de son ombre ne fit que me rappeler à quel point il n’avait fallu que quelques minutes. Quelques minutes durant lesquelles j’avais laissé mourir les apparences, quelques minutes et une brèche dans une digne péniblement bâtie au cours des trois dernières années pour qu’il ne s’y engouffre avec violence et saccage tout. Pire, et par dix ? Il fallait me le dire, que nous en étions arrivés là. Il fallait me le dire que de nos seize ans passés à vivre l’un dans l’autre, nous n’en retenions que le mal qu’il était possible de faire à l’autre, les informations patiemment engrangées pour frapper au cœur et ne pas manquer sa cible. « Je pense qu’on est quitte, maintenant. » Il fallait me le dire, Jacob, qu’il n’y avait plus rien à sauver. « Tu n’as aucune idée de ce dont tu parles. » Et je n’étais pas là pour le lui enseigner. Je reconnaissais les effluves de mon orgueil refaire surface, je connaissais sa force destructrice dans les parois affinées de mes veines mais ne me résignais pas à le repousser. Il était le seul capable de nourrir cette pulsion destinée à défendre mes certitudes, le seul capable de me faire ignorer toutes les autres interprétations du scénario sans issue qu’il nous proposait aujourd’hui. « Du coup, ouais. Je pense qu’on n'a plus rien à se dire. » Après une vie entière passée à deux, il fallait bien que cela arrive, n’est-ce pas, que les sujets se tarissent. Aux autres, simplement. C’était aux autres que tout ceci était supposé arriver lorsque cela n’avait jamais fait partie de notre plan, à nous. Je haussais les épaules néanmoins, le détachement dans les gestes tranchant avec l’austérité de mon regard et la vague de nausée montant puis descendant, les picotements le long de mon échine comme à chacune de mes terminaisons nerveuses n’en finissant plus de jouer et de prendre la place, de s’imposer et d’en profiter avant de simplement s’installer au creux de mon ventre noué.

Les placards s’ouvrant et le bar ne tardant pas à suivre, je laissais mes gestes froids et méthodiques renouer avec la danse, la chorégraphie calculée et répétée plusieurs milliers de fois : verre, whisky, glaçons. Je me passais de ces derniers ce soir, la rasade franche et brûlante, l’intention toujours présente au moment de resservir un fond autour duquel mes doigts vinrent s’enrouler lentement, les yeux dans le vide à l’idée d’en gorger mes veines également, de rejoindre Jacob là où il méritait seulement de rester seul. « Si on en est là, c’est de ta faute, pas de la mienne. » Je m’étais éloignée de lui, éloignée de sa silhouette aussi écrasante qu’avachie, faillible mais imposante. Et si je rejoignais de nouveau la pièce et m'avançais vers le canapé, cela ne signifiait aucunement mon intention de me rapprocher de lui, prête à passer mon chemin sans savoir ce que sa bouche avait encore à déverser de poison. « Quoi de nouveau ? » murmurai-je presque en plissant les yeux, le sarcasme retrouvé mais perdant de sa malice habituelle pour se contenter de son amertume. La colère et les rancœurs se terraient tels des prédateurs à l’affût dans les profonds recoins de mon esprit et j’étais prête à les laisser cristalliser de nouveau comme du sel destiné à tout paralyser. Le verre posé sur la table, je laissais mes doigts s'emparer des allumettes délaissées dans le canapé avant son arrivée, une cigarette stable entre l’index et le majeur duquel je fis lentement glisser le verre jusqu’à lui avant de me redresser pour le fixer. Il fallait un héros à chaque histoire, une méchante également. Je le laissais être le prodige, le parfait, l’incarnation de la supériorité de l’esprit sur la chair et les maux. Mais de noblesse et de grandeur morale, il semblait s’en être départi ce soir, alors que craignait-il à boire un verre de plus ? Ne t’en fais pas, tu n’en meurs pas. « Il n’y a que dans ces rôles que tu te sens bien. » Tu deviendras juste ce que tu as devant les yeux, ce que tu sembles tant mépriser. Il avait simplement tort de penser que j’allais le permettre plus longtemps. La flamme surgit un temps, celui nécessaire à l’embrasement de ma cigarette sur laquelle je tirais sans fermer les yeux. Je ne les plissais pas plus et n'attendis pas qu'il s'en empare avant de laisser tomber l’allumette rougeoyante dans le fond de son verre soudainement animé, presque vivant, les vapeurs d’alcool tournoyant, arabesques aux couleurs vives mais indistinctes. « Je prends les clés. » De la voiture, de la maison. Ne m’attends pas. Il avait soufflé fort, Jacob, et le vent avait cette particularité d’attiser le feu jusqu’à faire jaillir les flammes. Peut-être piégées dans un étau de verre, je ne les trouvais pas moins belles, leur couleur ceignant parfaitement à celles dont je parais ma voix en m’éloignant.




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