« Je ne panique pas. Je ne flippe pas. Tout va bien. » dit-elle en glissant sa main dans celle de Joy. Joy avait décidé de l'accompagner et Niamh avait tout fait pour faire comprendre à la Terre entière qu'elle était la seule personne qu'elle voulait voir de si bonne heure. Hors de question d'être entourée par une ribambelle de personnes. Non, juste sa meilleure amie, sa sœur de cœur, son âme sœur. Sac posé sur l'épaule, elle allait passer environ huit jours dans les locaux de l'hôpital alors autant vous dire que son sac était rempli de conneries inutiles, les choses que l'on prend « au cas où ». Elle pressa la main de Joy dans la sienne alors qu'elle prenait la direction de sa chambre. Une chambre individuelle. Un luxe. Elle jeta son sac de sport dans un coin de la pièce avant de se diriger vers la petite salle de bain qui se trouvait adjacente à sa chambre. « Vous pouvez d'ores et déjà enfiler votre blouse, votre charlotte et vos chaussons … Vous êtes la première aujourd'hui. » Sourire tendu à destination de l'infirmière qui se voulait rassurante, réconfortante et quelque peu enthousiaste. Niamh lança un regard à Joy en mode « génial ! » rempli d'ironie. Un langage secret. Leur langage secret. « Ça marche. Je s'rai là quand vous viendrez me chercher. », dit-elle avec un sourire amusé. Oui, une technique habituelle pour la Reed afin de cacher son stress. Elle disparut dans la salle de bain pendant quelques minutes … elle poussa la porte avec un air blasé sur le visage.
« Sérieux, je sais pas comment tu fais pour ne pas te foutre de la tronche de tes patients … on a vraiment l'air débile dans cette tenue. C'est fait exprès ? Pour nous détendre ? » dit-elle sur un ton presque déçu avant de prendre place dans le lit d'hôpital. Elle fit attention à ne pas dévoiler ses fesses avant de grimper sur le lit, croisant les bras après avoir ajusté sa charlotte avec soin. « Joy? » lâcha-telle finalement avant de lui tendre le bras pour qu'elle vienne lui serrer la main. Elle avait le besoin urgent de l'avoir près d'elle. Joy et Niamh. Niamh et Joy. Elle avait ce besoin de plonger son regard dans le sien. Joy était confiante. Elle lui avait dit et répété que tout se passerait bien, qu'elle allait laisser Marcel derrière elle, que c'était une bonne décision. Tout se passerait bien. Elle serait là à son réveil et viendrait lui rendre visite pendant son service. Niamh pressa sa main dans la sienne. L'opération en tant que telle ne lui faisait pas peur. Elle avait juste peur de tout ce qui allait se passer après. Elle avait peur des conséquences.
Elle leva les yeux vers elle, sourire pudique accroché à ses lèvres. @joy petterson
☽ 26 février 2021. Joy avait pris sa matinée afin de pouvoir accompagner Niamh avant son opération. Elle savait que sa sœur avait besoin d'elle et dans tous les cas, Joy ne se voyait pas être ailleurs. Quand elle avait appris la nouvelle au début du mois, Joy s'était décomposée. On ne pouvait pas s'attendre à une telle nouvelle venant d'une femme aussi jeune et en bonne santé que Niamh. Depuis ce jour-là, Joy avait jeté un œil au dossier de sa meilleure amie, elle avait fait des recherches et avait même parlé avec l'oncologue de la demoiselle. Joy était rassurée même si elle se doutait que Niamh pensait surtout à l'après, et comment aller être sa vie après une telle opération. « Je ne panique pas. Je ne flippe pas. Tout va bien. » Joy serra sa main dans celle de Niamh et lui accorda un sourire qui se voulait être complice et compatissant. Elle savait parfaitement qu'elle pouvait compter sur elle. D'ailleurs avec tout ça, Joy n'avait même pas parlé d'Adam à Niamh. La dernière fois qu'elle s'était vue, ils revenaient de vacances et filaient le parfait amour. Entre temps, l'homme avait eu des nouvelles de l'ancienne famille d'adoption de son fils, et avait pris la décision, il y a seulement quelques jours, de déménager à Sydney pour être plus proche d'eux. Il lui avait proposé de le suivre, et Joy était encore en "phase de réflexion", mais sa décision était prise. Il fallait juste maintenant dire les mots, les prononcer à voix haute et rendre la rupture officielle... Joy était anéantie, et déçue de cette rupture mais ce n'était pas aussi grave que ce qui était en train de se passer là, maintenant. Elle avait préféré préserver son amie de cette inquiétude, elle voulait que Niamh se concentre sur elle. Joy serait assez forte pour garder tout ça pour elle encore quelques jours...
Elles se retrouvèrent dans la demeure provisoire de Niamh pour les prochains jours. « Vous pouvez d'ores et déjà enfiler votre blouse, votre charlotte et vos chaussons … Vous êtes la première aujourd'hui. » La brune vit le regard de sa sœur de cœur et ne put s'empêcher de rire, un petit rire discret qu'elle camoufla en se retournant et regardant par la fenêtre. « Ça marche. Je s'rai là quand vous viendrez me chercher. » Joy secoua la tête en faisant les gros yeux à Niamh, elle ne savait pas se tenir, c'était dingue. L'infirmière partit et Niamh s'apprêta dans la salle de bain. « Sérieux, je sais pas comment tu fais pour ne pas te foutre de la tronche de tes patients … on a vraiment l'air débile dans cette tenue. C'est fait exprès ? Pour nous détendre ? » Joy se mit à rire en voyant la dégaine de son amie. C'était plus fort qu'elle surtout avec cet air dépité au visage, elle avait presque envie d'immortaliser ça. « T'as fini de râler, allez viens-là ! » lâcha-t-elle en tapotant sur le lit alors que c'était le meuble qui les opposait. Niamh vint s'installer, Joy se doutait qu'elle était stressée, d'ailleurs aussitôt installée dans son lit, Niamh leva la tête vers elle. « Joy? » Elle sourit et vint lui prendre sa main pour lui montrer qu'elle était là. « Tu auras beau faire toutes les blagues que tu veux, je sais parfaitement comment tu te sens. » dit-elle doucement en caressant le dos de la main de Iamy avec son pouce, puis elle releva le regard pour croiser le sien. « Je suis là, je pense à toi, et je serai là à ton réveil. Tout va bien se passer. Je t'aime Iamy. » finit-elle par dire, elle avait le coeur serré, et la fin de sa phrase sonnait presque fragile avec une voix descendante, mais c'était plus fort qu'elle. C'était dur de voir sa soeur dans cette position là alors qu'elle ne le méritait pas.
« T'as fini de râler, allez viens-là ! » Elle se déplaça en ronchonnant pour finalement prendre place sur le lit. La main dans celle de son amie, elle avait le sentiment que le monde n'était pas tout à fait pourri. Avec elle à ses côtés. « Tu auras beau faire toutes les blagues que tu veux, je sais parfaitement comment tu te sens. » Niamh ne put s'empêcher de sourire avec tendresse. S'il y avait une personne sur cette planète qui la connaissait mieux que quiconque, c'était bien Joy. Elles auraient pu avoir un langage télépathique si on y réfléchissait bien. Elles se comprenaient en un regard. Un clignement de cils pouvait avoir une signification et on pouvait facilement se sentir de trop quand on était avec les deux énergumènes. Leurs amis communs vous le confirmeraient assez vite. « Je suis là, je pense à toi, et je serai là à ton réveil. Tout va bien se passer. Je t'aime Iamy. » Elle pressa doucement sa main, comme pour s'accrocher à ses paroles. « C'que tu peux être sentimentale ... » souffla-t-elle d'une voix doucereuse, comme si elle essayait de la séduire, de flirter. Un éclat de rire complice. « Mais moi aussi je t'aime. Vraiment. Et j'suis sûr que si on te greffait un pénis, tu s'rais mienne. Crois-moi. » Nouvel éclat de rires. C'était sa manière de lutter contre le stress. Elle porta une main sur sa charlotte pour la relever doucement.
« Niamh Reed ? » Elle se redressa doucement alors qu'une infirmière et un brancardier arrivaient dans la chambre. Déjà ? Dans un sens, elle était ravie de passer le plus vite possible … comme ça, c'était derrière elle et elle pouvait être plus rapidement soulagée. « On y va ? » lui demanda le brancardier tout en posant les mains sur son lit. Elle esquissa un sourire amusé. « Une invitation aussi chouette, ça ne se refuse pas. » Petit rire. Et au passage, elle se tourna vers Joy. « A tout l'heure. » Un clin d'oeil complice accompagné d'un sourire franc. Elle ne voulait pas que Joy s'inquiète. Elle ne voulait pas. Elle voulait jouer à la forte Niamh. Mais une fois dans le couloir, une fois dans l'ascenseur, les membres tremblent. Tout devient réel. Le brancardier a beau faire quelques blagues, elle avait les mains moites et le regard fuyant. Elle ne voyait pas grand chose sans ses lunette. Un vrai merdier. La salle opération. On plaçait les électrodes. La mélodie des bips commençait et son regard se riva sur le plafond, qui était avec sa myopie juste un ensemble de couleurs et de forme. La mâchoire serrée, elle ferma les yeux pour essayer de se calmer par elle-même. Mais la main froide de l’anesthésiste sur son épaule la fit sursauter. Si elle ne parvenait pas à discerner son sourire sous son masque, elle l'entendait à sa voix. « C'est le moment de faire de beaux rêves Niamh. » Les mains gantées portèrent un masque sur son nez. Un souffle. Pas d'odeur. Juste du vent. Elle plissa doucement les yeux … et pouf.
Salle de réveil. Et comme toujours, elle ronchonnait. Elle marmonnait quelques plaintes alors qu'une infirmière venait vérifier que tout se passait bien. Une main sur son bras comme retour à la réalité. Et au bout de quelques heures, on la renvoyait dans sa chambre. Au point de départ. A moitié endormie, elle avait une perfusion. Morphine. Son premier réflexe avait été de demander ses lunettes au brancardier. Il les lui tendit et même si elle avait les yeux clos, elle était rassurée. La douleur se réveilla en même temps qu'elle, la garce. Elle appuyait alors sur le bouton de morphine, sage et patiente. Soulagée. De la main perfusée, elle souleva la couverture pour le voir ce pansement gigantesque sur son ventre. C'était donc vrai. On frappa à la porte et elle reposa alors sa main pour voir Joy apparaître dans le cadre de la porte. Soupir de soulagement. « C'est fait ... » souffla-t-elle dans un sanglot étranglé. @joy petterson
☽ 26 février 2021. L'interne ne se voyait nul part ailleurs qu'ici en ce moment-même. La brune n'aurait pas pu rester concentrée en sachant sa sœur au bloc opératoire. On l'avait interdite de regarder l'opération, considérée comme la famille, elle devrait se trouver en salle d'attente, comme tout le monde. L'interne serait là, et elle souhaitait que Niamh l'entendre encore une fois, car quand elle se retrouvait sur cette table d'opération, elle pourrait penser aux dernières paroles de l'interne. « C'que tu peux être sentimentale ... » Joy leva les yeux au ciel, elle n'était jamais sérieuse bien longtemps même dans les moments graves comme celui-ci. « Mais moi aussi je t'aime. Vraiment. Et j'suis sûr que si on te greffait un pénis, tu s'rais mienne. Crois-moi. » Joy se mit à rire, c'était un vrai boute-en-train, tout le contraire de Joy, et pourtant elles se complétaient à merveille. « Tu dis vraiment n'importe quoi. » dit-elle pour la taquiner, toujours un sourire greffé aux lèvres même si elle angoissait en secret de la voir partir dans ce bloc et ne plus avoir de ses nouvelles pendant des heures. D'ailleurs, le moment fatidique arriva, et les deux femmes le comprirent en même temps, elles se regardèrent sans un mot. « Niamh Reed ? » La brune lâcha la main de son amie alors que l'infirmière et le brancardier s'approchèrent pour embarquer la blonde. « On y va ? » Niamh la regarda, Joy lui sourit, un sourire compatissant, et encourageant malgré le regard triste de Joy car elle n'aimait pas la voir dans cette position qu'elle ne méritait pas. « Une invitation aussi chouette, ça ne se refuse pas. » L'infirmière la regarda et Joy fit un signe de tête pour lui faire comprendre de ne pas faire attention, plus Niamh était stressée ou apeurée, plus elle disait de blagues, ça n'allait faire qu'aller crescendo. « A tout l'heure. » « A toute à l'heure. » confirma-t-elle d'un hochement de tête. Joy n'aurait pas bougé d'un millimètre.
Deux heures et demi. C'était l'attente que Joy avait dû endurer entre le moment où Niamh quitta son champ de vision et le moment où on lui donna des nouvelles, de bonnes nouvelles. La main portée sur le cœur, la brune soupira de soulagement. Tout s'était bien passé, et ils étaient en train d'installer Niamh en salle de réveil. Joy arriva à pas feutrés, pour ne pas la brusquer. Elle s'arrêta dans l'encadrement de la porte alors que sa sœur tourna la tête pour la regarder. « C'est fait ... » Joy sourit, elle s'approcha d'elle, au pied du lit elle posa sa main sur sa jambe. « Marcel est parti, de toute manière il payait pas son loyer donc c'est mieux comme ça. » dit-elle pour tenter de faire sourire sa soeur, elle avait senti à sa voix qu'elle était brisée, et c'était normal. Toutefois, elle avait appris du meilleur des professeurs comment tirer tout à la dérision.. C'était le moment d'appliquer ce qu'elle avait appris des années à côtoyer la Reed.
« Marcel est parti, de toute manière il payait pas son loyer donc c'est mieux comme ça. » Les paroles de Joy eurent l'effet d'une gorgée de soda après avoir fait une séance de sport. Cela fait du bien. Du bien au moral. Sucré et rafraîchissant. Niamh lui rendit son sourire, un sourire feint et forcé, presque faible. Un tout nouveau sourire pour la jeune femme. Elle, qui était tant habituée aux excès d'enthousiasme et de bonne humeur. La tête enfouie dans cet oreiller au parfum aseptisé, elle essayait d'accrocher son regard au visage de sa sœur. Elle y lisait du soulagement. Du soulagement mais néanmoins un voile de peur. Marcel était partie, oui. Elle avait opté pour la grosse aventure mais elle savait que tout serait terminé après la chimiothérapie, après la confirmation qu'on avait éradiqué ce connard tout comme ses dernières fringues dans les placards. « J'espère qu'on a pas oublié une de ces vieilles fringues dans un placard, ou dans un tiroir. », dit-elle en esquissant un sourire amusé même si le fait qu'elle avait manqué de rire lui avait provoqué une petite douleur sur le ventre. Elle allait devoir prendre son temps. Faire les choses doucement et pas se comporter comme une débile, à faire de grands mouvements, à rire de bon cœur …. Non, elle allait devoir être raisonnable si elle voulait être rapidement sur pied. Elle remonta les lunettes sur son nez d'un geste lent de la main.
« J'ai faim ... » souffla-t-elle en posant une main sur son front. Un moyen comme un autre de dire qu'elle n'avait pas mal même si elle avait mal et qu'elle attendait que la morphine fasse finalement son effet. « Est-ce que tu peux – me filer mon portable ? Il est dans mon sac. » dit-elle en désignant d'un geste de la main son sac toujours là où elle l'avait laissé quelques heures plus tôt. Et alors que Joy s'exécutait, elle poursuivit : « Faut que j'envoie un message groupé pour dire que je suis en vie ... » Évidemment, c'était dit sur le ton de la plaisanterie et ce n'était pas vraiment le but pour lequel elle demandait son téléphone …
Elle essaya de se redresser mais laissa rapidement tomber en posant les mains de chaque côté de sa tête … pour finalement pleurer. Silencieuse, les larmes roulaient sur ses joues. Les nerfs lâchaient sans doute. @joy petterson
☽ 26 février 2021. Joy ne reconnaissait pas la Niamh qu'elle connaissait, mais elle était d'un côté rassuré que la blonde ne fasse pas semblant faceà elle. Après tout, les deux femmes avaient grandi ensemble et en avaient vécu des choses. Celle-ci étant la pire peut-être, la santé était quelque chose de si fragile et surtout, que l'on ne pouvait pas contrôler. Joy n'en revenait toujours pas qu'une femme aussi positive que Niamh puisse subir un truc pareil. Pour une fois, c'était la brune qui passait pour la fille drôle et spontanée, on inversait les rôles mais c'était pour la bonne cause. Joy tentait d'être positive même si ce n'était pas dans son tempérament, toutefois elle n'aimait pas voir sa sœur de la sorte. « J'espère qu'on a pas oublié une de ces vieilles fringues dans un placard, ou dans un tiroir. » Niamh tentait de garder le sourire, mais elle n'était pas aussi douée que d'habitude pour faire semblant. La morphine, l'opération, réaliser enfin qu'elle s'est faite opérer d'un cancer, oups... de Marcel, elle le réalisait enfin et ça s'entendait dans sa voix. « Je serai là pour l'escamper une seconde fois. » dit-elle d'un ton assuré et rassurant, Joy serait toujours là...
« J'ai faim ... » Joy fit une petite moue, elle ne savait pas si elle pouvait déjà ingérer quoique ce soit, et elle en doutait en réalité. « Est-ce que tu peux – me filer mon portable ? Il est dans mon sac. » L'interne s'exécuta, elle avait parlé avec Miles et Emma, les parents de la blonde dans le couloir déjà, mais Niamh voulait rassurer tout son entourage, d'ailleurs ça lui fit penser à quelque chose. « Faut que j'envoie un message groupé pour dire que je suis en vie ... » « Tu as parlé à ton beau mâle d'ailleurs ? » demanda-t-elle, un moyen comme un autre de changer les idées de sa meilleure amie. Elles s'étaient vues au retour des vacances de Joy, le 5 février, ils s'étaient passés plus de deux semaines entre temps, et Joy avait même eu le temps de se séparer de son pompier, alors... il pouvait s'en passer des choses ! Joy n'avait encore rien dit, et encore une fois cette année n'était pas la meilleure des St Valentin, mais clairement elle ne souhaitait pas que Niamh s'inquiète, elle devait s'occuper d'elle déjà. D'ailleurs, elle comprit vite qu'elle faisait bien de préserver sa soeur, elle la vit pleurer, et ça lui brisait le coeur. La brune arriva donc pour la pousser délicatement et se glisser à côté d'elle, la prenant dans ses bras. « On est fortes Iamy, on va y arriver. » Oui "on", parce qu'elle n'était pas seule et qu'elle ne le serait jamais. Si Niamh avait un cancer alors Joy en avait un aussi, c'était comme ça. Elles étaient indissociables.
« Je serai là pour l'escamper une seconde fois. » la persuadait une fois de plus qu'elle n'était pas seule, qu'elle était entourée. Elle n'allait pas traverser cela toute seule. Mais tout était si réel. Tout était devenu si réel. Pour cela, il lui avait fallu soulever ce drap pour constater les pansements ... prise de conscience. Niamh ne parvint pas à répondre quoique ce soit. Elle, la reine de la réplique pourrie ne parvenait pas à trouver quelque chose d'optimiste, de banal, d'amusant à répliquer. Au lieu de cela, son regard passait de Joy, à son sac, à la fenêtre, au bout de son lit. Elle cherchait un point sur lequel s'accrochait, pour ne pas perdre pied.
« Tu as parlé à ton beau mâle d'ailleurs ? » Téléphone entre les mains, elle releva la tête quelques secondes vers Joy. Il fallait qu'elle le tienne au courant, qu'elle le tienne informer. Elle lui avait dit qu'elle allait lui donner de ses nouvelles. Il avait même pris la peine de lui envoyer un message le matin même comme s'il était à ses côtés. Elle ne pouvait pas ne pas l'en informer. Et puis, tous les sentiments se mélangèrent. Le soulagement. La peur. Tout. Elle était certes soulagée d'avoir fait ce premier pas, le plus difficile mais elle avait néanmoins peur que les choses ne se passent pas comme prévues. Elle avait un don pour que les choses ne se passent jamais comme prévues. Submergée par cette vague de sentiments, les larmes roulaient sur ses joues. Perdue sur son lit d'hôpital. Joy vint rapidement la rejoindre pour la prendre dans ses bras. Niamh enfouit sa tête dans son cou, serrant doucement la brune contre elle. « On est fortes Iamy, on va y arriver. » Niamh ne lâchait pas prise, elle la tenait toujours dans ses bras. Elle avait ce besoin vital de l'avoir près d'elle. Sa Joy. Et elle resta ainsi, silencieuse, dans cette position pendant de longues minutes.
Finalement, elle desserra son étreinte, passa une main nerveuse sous ses yeux pour essuyer ses larmes. Elle les avait bien trop longtemps retenue et esquissa un sourire tremblant, le genre de sourire qu'on essaie de faire après avoir pleuré. Elle garda néanmoins sa tête posée contre l'épaule de son amie. « Qu'est-ce que je ferais sans toi ? ... Je me le demande. », souffla-t-elle doucement en saisissant sa main, pour la tenir quelques secondes. « --- Qu'est-ce que je peux envoyer comme message ? Un "je suis vivante", "tout s'est bien passé", ... qu'est-ce qu'on envoie comme message dans ce genre de situations ? », demanda-t-elle en tournant la tête vers Joy. C'était une vraie question. Pas une question débile à la Niamh pour plaisanter. Elle ne savait pas vraiment ce qu'elle devait écrire...
☽ 26 février 2021. Joy sentait que Niamh n'était pas dans son assiette. Clairement elle n'avait pas la même répartie que d'habitude, Joy aurait pu s'en inquiéter... mais au contraire, elle était rassurée de voir que maintenant, elle réalisait enfin ce qui venait de se passer. Ce n'était pas rien, et elle ne pouvait pas faire comme si c'était "rien" indéfiniment. Alors, s'il fallait qu'elle passe par la case de pleurs, de colère après celle du déni, c'était mieux maintenant que plus tard. La brune tentait de lui changer les idées mais c'était difficile, et elle comprit vite que son amie avait juste besoin de tout évacuer. Très bien, elle serait donc son épaule, elle pleurerait avec elle avant de la remettre sur le ring. Mais d'abord, Niamh avait besoin d'évacuer toute cette pression sur ses épaules. Joy se glissa délicatement à côté d'elle pour la prendre dans ses bras et lui murmurer qu'elle serait là, elle ne partirait jamais. Son combat était le sien.
L'interne préférait lui cacher les dernières nouvelles concernant son histoire d'amour qui n'en était presque plus une après tout. Elle voulait se concentrer sur Niamh, et même sur son histoire naissante avec ce Jax. « Qu'est-ce que je ferais sans toi ? ... Je me le demande. » Joy sourit en frottant délicatement sa main contre le bras de la jeune femme. « La question ne se pose pas. Et ne se posera jamais. » dit-elle d'un ton assuré, c'était une vérité évidente. Jamais Joy ne partirait, Niamh était son sang, ou presque. Elle faisait partie d'elle et elle aurait constamment besoin d'elle dans sa vie. Quand on prenait Niamh, on devait accepter Joy dans le package, c'était ainsi. « --- Qu'est-ce que je peux envoyer comme message ? Un "je suis vivante", "tout s'est bien passé", ... qu'est-ce qu'on envoie comme message dans ce genre de situations ? » Joy offrit un sourire rempli de tendresse à sa soeur, puis elle tordit son visage dans une moue réflexive... « Tout s'est bien passé, c'est un début. » dit-elle en hochant la tête pour approuver la proposition de Niamh. « Est ce que l'on t'a dit quand est ce que tu pourrais sortir d'ici ? » ajouta-t-elle alors, pensant que cela pouvait aussi être une information utile à donner à ses proches.
« La question ne se pose pas. Et ne se posera jamais. » Dans son univers à elle, Joy et Niamh vieillisaient ensemble. Certainement célibataires. Elles seraient vieilles, vivraient dans une maison. Ensemble. Elles se prendraient des cocktails tout en toisant le monde avec un sourire moqueur. Oui, dans son univers, elle ne la quitterait jamais sa Joy. Impossible. « Tout s'est bien passé, c'est un début. » Elle acquiesça d'un signe de tête, comme pour s'encourager avant d'activer son téléphone pour ouvrir en premier la messagerie de Jax. Elle prit une profonde inspiration. Tout s'est bien passé. Oui, c'était logique. Et alors qu'elle venait de simplement pianoter hi sur son téléphone, les paroles de Joy la sortirent de ses pensées. « Est ce que l'on t'a dit quand est ce que tu pourrais sortir d'ici ? » De sa main perfusée, elle se gratta le front. « Peine de sept jours minimum.», dit-elle sur le ton de la plaisanterie comparant son sort à une peine de prison. «Et, je vais passer mes premiers jours de liberté chez papa, histoire de m'faire bichonner comme il faut.», ajouta-t-elle avec ce sourire angélique. Retournant à son téléphone, elle reprit : « Ok. Du coup, je dis juste que tout s'est bien passé … et que je l'appelerai … ce soir, tiens. Ouais, que j'essayerais de l'appeler ce soir. » Et comme convaincue par son propre message, elle appuya sur envoyer avant de laisser glisser son téléphone sur le côté.
Elle posa une main sur son front, les lèvres se tordant en une drôle de grimace. « J'crois que j'vais essayer de dormir ...» Elle tourna la tête vers Joy, feignant un sourire une demi-seconde mais abandonna l'idée, se rendant compte que ce n'était pas possible. « Tu m'envoies des photos de Baloo s'teu plait quand tu rentres chez toi ? » Elle prit le temps de préciser cette demande express. Son petit chat, ou plutôt son énorme chat, c'était son colocataire après tout et elle était convaincue que cet abruti allait atténuer les douleurs, même par photo. Ils ont ce talent les félins.
☽ 26 février 2021. Les deux jeunes femmes avaient grandi ensemble, surtout l'interne. Niamh l'avait vu grandir, évoluer, se tromper, changer, et prendre son envol... Niamh ne l'avait jamais jugé, elle ne l'avait jamais abandonné, pourtant quand elle était adolescente, Joy était une vraie plaie. Et la jeune Reed n'avait jamais cessé d'être là pour elle, elle avait toujours été la voix de la raison pour elle. Aujourd'hui, c'était elle qui vivait un événement qu'elle ne méritait pas et Joy ne la lâcherait pas. Elle voulait ancrer dans la petite tête de Niamh, que Joy serait là et qu'elles vivaient ça ensemble. L'interne se montrait présente, elle se mit sur le lit avec elle, la serrant contre elle. D'un côté, Joy était soulagée de voir son amie pleurer, elle trouvait que c'était une réaction plus normale que de tout cacher par un sourire radieux. Joy était même soulagée que Niamh se montre ainsi avec elle, car entre elles, il n'y avait aucun secret, aucune gêne, aucun tabou...
La brune voulait tout de même en savoir plus sur la suite, la convalescence de Niamh.« Peine de sept jours minimum.» Joy acquiesçait, pour le coup ce qui était bien c'était que Joy bossait ici, donc elle pourrait passer la voir souvent entre deux patients, ou même avant ou après son service. Niamh n'aurait pas le temps de se sentir seule. « Et, je vais passer mes premiers jours de liberté chez papa, histoire de m'faire bichonner comme il faut.» Joy sourit, bien sûr que Miles était là aussi. Les Reed étaient une famille unie, et Niamh ne pouvait se sentir que soutenue par son entourage. « C'est une très bonne idée. Et n'hésite pas à abuser de sa gentille. » dit-elle en lâchant un petit rire, car Miles c'était une vraie patte et qu'il ferait tout et n'importe quoi pour sa fille. « J'crois que j'vais essayer de dormir ...» Joy fit un sourire aussi faible que celui de Niamh, probablement par imitation. Elle lui glissa un baiser dans au sommet de son crâne avant de se retirer du lit. « Tu m'envoies des photos de Baloo s'teu plait quand tu rentres chez toi ? » Joy sourit, en hochant la tête. « Promis. » dit-elle en glissant sa main dans celle de la jeune femme. « Et tu me demandes si jamais ça va pas, ou même pour n'importe quoi ok... Je serai toujours dans les parages. » dit-elle en fixant la jeune femme pour qu'elle comprenne qu'elle ne devait pas hésiter. « L'avantage d'être une interne en chirurgie... » ajouta-t-elle en levant les yeux au ciel, faisant référence au fait que son métier l'incitait souvent à dormir sur place... Elle ne serait donc jamais loin de sa soeur.
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