| | | (#)Mer 24 Fév 2021 - 9:57 | |
| charlie & anwar natural bluesWent down the hill the other day, soul got happy and stayed all day. oh Lordy Lord, trouble so hard, don't nobody know my troubles but God ? Don't nobody know my troubles but God. ☆☆☆ Il y avait quelque chose de presque rituel dans le chapelet de klaxons furieux dont écopait Anwar – presque – chaque matin sur la route l’amenant à Spring Hill. Ça, et le majeur tendu en réponse par la vitre ouverte côté conducteur, presque aussi efficace et jouissif que pouvait l’être une tasse de café lors d’un lundi matin. Un café, un vrai, c’était la prochaine étape sur la checklist mentale de l’inspecteur après avoir garé – dans sa délicatesse habituelle – sa Ford sur le parking du personnel. La qualité du breuvage était une affaire de planning : journée chargée et il se contentait de la mixture fadasse du distributeur de la salle de pause avant de rejoindre brigadiers et supérieurs dans la salle de crise ou n’importe quel autre endroit susceptible de servir de salle de réunion. Journée plus tranquille et il prenait le temps de se préparer un café digne de ce nom dans son bureau puis le dégustait en lisant ses e-mails ou les rapports d’incidents de la nuit. Circonstances exceptionnelles enfin, et il ressortait par l’entrée principale pour aller se ravitailler au coffee shop du coin de la rue, fournisseur officiel des donuts complétant de façon si clichée la panoplie du bon policier, et seul à même d’allier gourmandise et juste dose de caféine pour contenter à la fois les nerfs et les papilles d’Anwar. Ce jour-là pourtant, ni anniversaire à fêter, ni promotion à célébrer ni même administrative à qui faire les yeux doux en échange d’un service ou d’un délai supplémentaire de paperasse … Mais bien la circonstance exceptionnelle pour l’inspecteur de vouloir se montrer sous un autre jour que celui du grincheux qu’il valait mieux ne pas venir déranger sans raison valable. Et ça, c’était un autre genre d’exceptionnel. Un gobelet taille XL dans chaque main et un sac en papier contenant les fameux donuts accroché au poignet, il avait regagné les locaux et déguerpi du hall juste à temps pour éviter le scandale que s’apprêtait à faire la mère venue récupérer son fils en cellule de dégrisement, puis levé ses deux mains prises en guise de justification lorsque le commissaire l’avait alpagué au détour d’un couloir pour lui faire retirer sa casquette – mais était-ce de sa faute si le vert des Brisbane Heat attaquait autant la rétine ? La tête passée furtivement dans quelques bureaux et une flopée de bonjours lancés à la cantonade plus tard, Anwar avait en tout cas fini par arriver à destination, profitant que Charlie soit assise en lui tournant le dos il ne s’était pas annoncé et avait simplement déposé l’un des deux gobelets devant elle en annonçant d’un ton solennel « Caramel Machiatto avec supplément crème fouettée. » comme s’il sortait d’un cinq étoiles. « Si on te demande, j’ai été absolument tyrannique avec toi et j’essaye de me faire pardonner. Faudrait pas qu’on s’imagine que je me ramollis. » Les mauvaises langues diraient que la bataille était déjà perdue dès l’instant où il n’était pas parvenu à se retenir d’exhiber des photos de sa merveille à peine revenu de congé paternité à l’automne dernier, mais hey, celui ou celle qui avait demandé à la voir en premier était responsable d’avoir ouvert la boîte de Pandore, pas lui. Et parlant de merveille, le brun était – un peu – là pour ça : « Ça va ? Et ta petite, ça va mieux ? » La situation parentale de la jeune femme étant ce qu’elle était (comprendre compliquée) il se gardait habituellement de mettre le sujet sur le tapis, mais n’avait pour autant pas échappé à l’envie de compatir lorsque le vendredi précédent Charlie avait dû écouter précipitamment sa journée de boulot pour cause de bébé aux urgences. Et qu’on se le dise, chaque parent ayant déjà fait l’expérience des heures d’attentes dans des urgences bondées avec un tout petit en savait suffisamment pour ne le souhaiter à aucun autre.
|
| | | | (#)Mar 2 Mar 2021 - 7:02 | |
| Dire qu’elle n’a pas passé en revue à la vitesse de l’éclair tous les impairs qu’elle aurait pu connaître ces derniers jours dès lors qu’elle a aperçu Anwar serait un mensonge bien trop immense pour être prononcé à voix haute. Ses yeux se sont exorbités une simple seconde en même temps que son rythme cardiaque s’est accéléré. Dans son esprit, la scène de retourné de chaise s’est passée au ralenti. Son oncle se serait moqué d’elle en lui disant que si elle réagit comme ça c’est qu’elle a forcément quelque chose à se reprocher mais, promis juré, ce n’est absolument pas le cas. Charlie s’est d’autant plus apaisée après avoir vu le visage de son collègue : il n’est pas tout rouge et aucune fumée ne sort de ses oreilles. Tout va bien. Sa télévision est toujours allumée sur la chaîne dédiée aux dessins animés, quand bien même les jumeaux ne sont pas venus chez elle depuis bien longtemps et qu’ils n’avaient pas l’âge de s’intéresser à un écran avant. En réalité, elle a simplement pris l’habitude de s’endormir au milieu d’histoires de princesses, petits poneys et personnages en pâte à modeler - comme si elle n’allait pas en entendre parler pour les dix années à venir.
En attendant, Anwar sent bon le sucre et le café et n’importe quelle personne sensée au poste de police reconnaîtrait toute la valeur de ces effluves, surtout pour un lundi matin qui débute bien trop tôt. La jeune femme a encore l’insouciance et la fougue des débuts mais force est d’avouer que les réveils sont parfois difficiles, pour une infinité de raisons différentes. Cela a été le cas de celui-ci et c’est une raison supplémentaire pour elle de voir l’arrivée de l’inspecteur et de ses précieux bras chargés comme une véritable bénédiction. « Caramel Machiatto avec supplément crème fouettée. » Représente la Sainte Trinité des mots qui redonnent le sourire - même s’il y a plus que trois mots, oui, ne perdez pas de temps avec ce genre de détails. « Si on te demande, j’ai été absolument tyrannique avec toi et j’essaye de me faire pardonner. Faudrait pas qu’on s’imagine que je me ramollis. » Un sourire en remplace un autre alors qu’elle attrape déjà le précieux sésame avec toute la délicatesse du monde. Une main désormais libre, elle craint bien moins pour lui qu’il n’en vienne à faire tomber tout ce qu’il transporte (même si tout le monde est loin d’être aussi maladroit qu’elle). La blonde en vient à lui débarrasser rapidement un coin de bureau pour qu’il dépose le sac sans craindre que le gras ne vienne tacher des heures de travail acharnées - parce que bien sûr que ce sont des donuts. “Regarde, je suis terrifiée. Ça doit etre le supplément crème fouettée.” Pathétique actrice, elle n’essaye même pas de jouer le rôle d’une autre, sans doute déjà trop occupée à continuer de lui sourire sans réel objectif. Elle est simplement heureuse de sa venue, autant qu’elle l’est des cadeaux qu’il emmène avec lui. Si jamais cela a la moindre chance de se reproduire, elle ne risque donc pas de dévoiler son plus grand secret : il n’est effectivement pas le Grinch. Entre lui et Olivia, personne n’aurait de mal à trouver un pattern dans leur caractère respectif et, par conséquent, les choix de fréquentation de la Villanelle (Ivywreath) au sein du poste. Même s’ils développent tous deux rapidement une aptitude consistant à trouver les meilleures excuses et raisons du monde pour ne pas rester avec la blonde, elle continue de les poser sur un piédestal.
« Ça va ? Et ta petite, ça va mieux ? » Oh. Son sourire faiblit à peine alors qu’elle se replace sur sa chaise pour venir s’y asseoir en tailleur : même position qu’elle dira à ses enfants de ne surtout jamais reproduire. “Merci, pour le café.” Une chose à la fois, elle ajoute un signe de la tête sincère à ses paroles qui le sont tout autant. Elle le lui rendra. Beaucoup diraient que ce n’est qu’un verre et qu’il ne représente rien mais tout est justement fait d’un rien dans son quotidien. “Elle a pu rentrer à la maison mais on a rendez-vous pour des examens un peu plus approfondis cette semaine.” Ils ont dit des mots compliqués à Enoch, elle n’en a compris aucun. Ils parlent leur langage à eux, à l’hôpital, et elle ne le connaît pas. Il lui a traduit quelques choses, il a dit qu’elle allait bien et qu’il y avait plus de peur que de mal. Ses mots étaient rassurants, la blonde ne veut que le croire. “Mais ça va, oui. Elle va bien, elle a recommencé à vouloir enlever la tête de ses poupées, c’est bon signe.” Charlie y croit elle-même un peu plus à chaque fois qu’elle rajoute des détails inutiles à sa réponse qui aurait pu se contenter d’être un “oui, ça va” sans fioritures. “Et cette fois-ci, on va éviter le rush du vendredi soir des urgences, ce qui ne risque pas de me manquer.” Surtout pas alors qu’ils ont dû s’y rendre avec son jumeau, lui aussi fatigué et stressé au milieu d’un endroit qu’il ne connaît pas et rempli de personnes plus ou moins mal en point. Cette fois-ci, tout sera prévu et planifié et elle n’aura pas à quitter le travail. “C’est sûrement rien, de toute façon, je pense que tous les enfants doivent nous faire une frayeur comprenant un passage à l’hôpital au moins une fois dans leur vie. Tu sais sûrement ça mieux que moi, même.” Les jumeaux étant encore très jeunes, la jeune femme ne doute pas qu’ils lui réservent encore quelques surprises. Anwar lui aussi va sûrement repasser par cette étape avec la naissance de sa petite fille il y a peu. A cette idée, Charlie se permet de rajouter quelques mots, plus doucement, se penchant en sa direction comme si elle allait lui partager un secret. “Si t’as des nouvelles photos d’elle, tu peux me les montrer. Et je ferai semblant d’être vraiment apeurée quand t’es là.” Ouais, ouais. |
| | | | (#)Sam 3 Avr 2021 - 13:31 | |
| Un jour ses artères lui feraient payer la note. C’était la remarque que se faisait parfois – et de plus en plus souvent – Anwar lorsqu’il cédait à une énième fringale sucrée, qu’il s’agisse des bonbons qu’il engloutissait par paquets comme d’autres sortaient griller une cigarette à chaque pause, ou des donuts qu’il ramenait du coffee shop en se camouflant derrière l’excuse qui disait que le petit-déjeuner était le repas le plus important de la journée. Ses artères ou son dentiste, d’ailleurs, mais le brun ne pensait à ni l’un ni l’autre lorsque le second café avait atterri dans les mains de Charlie et le sachet de donuts sur le coin de bureau qu’elle venait de lui faire, ne jouant le jeu du « Regarde, je suis terrifiée. Ça doit être le supplément crème fouettée. » qu’avec peu de conviction en l’invitant finalement à s’asseoir cinq minutes. Et au fond l’inspecteur ne demandait que cela, cinq minutes supplémentaires avant de devoir rejoindre son propre bureau, et le rapport d’interrogatoire à demi-rédigé qu’il y avait abandonné le vendredi précédent comme dans l’espoir qu’une force mystérieuse se charge de le terminer à sa place durant le week-end. Un vendredi banal en somme, bien plus en tout cas que celui qu’avait pu expérimenter Charlie en découvrant les joies du départ anticipé pour cause de galère parentale. Se fendant quoi qu’il en soit d’un « Merci, pour le café. » avant toute autre chose, elle avait semblé peser le poids de la réponse à apporter lorsqu’Anwar avait questionné à ce sujet, admettant finalement « Elle a pu rentrer à la maison mais on a rendez-vous pour des examens un peu plus approfondis cette semaine. » Acquiesçant d’un signe de tête, le brun s’était fendu d’un sourire léger tout en se gardant bien de quémander des détails qui ne le regardaient pas. Et comme tout parent qui se respectait, il oscillait dans ces cas-là entre compassion sincère et satisfaction latente que les rôles ne soient pas inverses. « Mais ça va, oui. Elle va bien, elle a recommencé à vouloir enlever la tête de ses poupées, c’est bon signe. » avait par ailleurs dédramatisé la blonde, pour se rassurer sans doute, mais arrachant malgré tout à Anwar un éclat de rire sincère. « Effectivement, c’est que la forme est revenue. » Pour le plus grand bonheur des parents et le plus grand malheur de l’armée de jouets, probablement. « Et cette fois-ci, on va éviter le rush du vendredi soir des urgences, ce qui ne risque pas de me manquer. » Grimace compatissante à nouveau, tandis que la jeune mère ajoutait avec l’air de vouloir se rassurer « C’est sûrement rien, de toute façon, je pense que tous les enfants doivent nous faire une frayeur comprenant un passage à l’hôpital au moins une fois dans leur vie. Tu sais sûrement ça mieux que moi, même. » Et bien qu’Anwar n’ait pas pour projet de nourrir les angoisses de sa collègues, il estimait lui devoir tout de même un brin d’honnêteté, raison pour laquelle il avait penché la tête sur le côté et admis d’un air désolé « Çaaa, je vais pas te mentir, j’ai jamais autant arpenté la salle des urgences que depuis que j’ai des enfants, même si la plupart du temps c’est moins grave que l’instinct de parent angoissé nous le faire croire. Mais attend de voir un peu une fois qu’ils marchent. » À moins que Tarek n’ait simplement été plus turbulent que la moyenne … Et avec une mère militaire et un père policier, qui en aurait vraiment été étonné ? Personne, tout comme personne ne le serait lorsqu’Alma suivrait le même chemin. « Si t’as des nouvelles photos d’elle, tu peux me les montrer. Et je ferai semblant d’être vraiment apeurée quand t’es là. » Des nouvelles photos d’elle il en avait toujours, tous les jours, chaque prétexte était bon pour capturer la frimousse de sa fille et en véritable papa émerveillé il estimait chaque cliché unique et précieux peu importe que rien ne change dessus que la couleur de son pyjama ou le motif de son bavoir. « Tu réalises que tu es en train d’ouvrir la boîte de Pandore ? » avait-il alors questionné en pure rhétorique, enchaînant presque aussitôt avec un « Mais si tu insistes. » bien trop enthousiaste. Posant son gobelet sur le bureau il avait dégainé son téléphone avec la vitesse de l’éclair et parcouru sa galerie de photos – composée à quatre-vingt pour cent de clichés d’Alma – jetant finalement son dévolu sur un instant volé du bébé en train de jouer avec des cubes colorés, vêtue d’une robe jaune soleil et d’un ruban assorti dans les cheveux. « Elle a l’air sage comme une image là-dessus. C’est un leurre. » avait-il commenté avec amusement en lui tendant le téléphone. « Tu en as des tiens ? Quel âge ils ont maintenant ? »
|
| | | | (#)Mer 7 Avr 2021 - 20:34 | |
| Les parents peuvent communiquer entre eux dans une langue qui leur est propre et qu’ils semblent apprendre tout au long de la grossesse pour finalement devenir fluent dès la naissance de leur bambin. Si Charlie a parfois du mal à reconnaître tout le vocabulaire de la police et les nombreuses abréviations que ses collègues et supérieurs utilisent à longueur de journée, elle sait au moins qu’elle peut toujours parfaitement comprendre Anwar lorsqu’ils évoquent le sujet de leurs enfants. Ils ne s’étalent jamais de trop et restent souvent discrets mais ils savent et entre eux, au moins, ils peuvent comprendre l’envie de toujours parler des derniers exploits de leurs marmots, même s’il s’agit d’enfin accepter de manger des petits pots à la carotte sans fondre en larmes. « Effectivement, c’est que la forme est revenue. » Arracher la tête des poupées est aussi un exploit qu’eux seuls peuvent comprendre et apprécier à leur juste valeur, surtout après une soirée mouvementée passée à l’hôpital. Charlie, réaliste, clarifie à son ami la théorie selon laquelle la parentalité rime avec au moins un passage à l’hôpital (ce qui rime aussi avec “frayeur soudaine”, toujours dans leur langue). Les enfants ont toujours le don de vous étonner et de trouver des moyens de se faire mal bien à eux. Pour cette fois, en tout cas, rien n’était la faute de sa fille et elle ne la défend même pas à cause de leurs gènes communs. « Çaaa, je vais pas te mentir, j’ai jamais autant arpenté la salle des urgences que depuis que j’ai des enfants, même si la plupart du temps c’est moins grave que l’instinct de parent angoissé nous le faire croire. Mais attend de voir un peu une fois qu’ils marchent. » Elle a souvent cette image impassible de lui, cet homme qui sait toujours garder son sang froid et ne commet aucun impair. L’entendre dire de lui même qu’il peut être angoissé est une nouveauté mais elle ne pense pas un seul instant à retourner cette information contre lui, bien au contraire. Charlie est simplement heureuse qu’il puisse le lui dire sans même se demander s’il est en train de franchir une ligne ou non. “Tous les objets de l’appartement vont se retrouver rangés un mètre plus haut mais je sais déjà qu’ils fouilleront dans des endroits improbables.” Ils ont une imagination à revendre qu’elle a perdu il y a quelques années déjà. Tout est pire lorsqu’on sait qu’elle est couplée à un certain talent pour s’attirer des problèmes, comme l’a lui-même statué Anwar. “J’ai encore plus peur du jour où Aaron sera plus grand que moi.” Dans un rire sincère, la jeune mère se confie à son collègue à propos du temps qui passe bien trop vite. Ses enfants marchent déjà et bientôt elle les imagine conduire leur propre voiture à travers la ville, sans plus jamais faire de caprice parce qu’elle ne les habille pas comme ils le désirent.
Puisqu’il n’a pas de mal à parler de ses enfants, Charlie demande maladroitement des nouvelles de sa petite dernière ainsi que des photos, si jamais il en a de nouvelles sur son téléphone. Si cela ne tenait qu’à elle, elle lui en demanderait chaque jour. Ses deux enfants la comblent de bonheur mais elle ne s’imagine pas s’arrêter là, elle voudrait fonder une famille bien plus grande encore. A défaut de juger que le temps soit venu, elle se réconforte avec les enfants de son entourage et leurs joues rebondies. « Tu réalises que tu es en train d’ouvrir la boîte de Pandore ? Mais si tu insistes. » Si tous les maux du monde avaient réellement la forme et le visage de la petite Alma, elle serait heureuse d’ouvrir la boîte de Pandore tous les matins en allant au travail. Anwar, lui, ne lui laisse pas réellement le temps de répondre qu’il sort déjà son téléphone. Avant de poser son regard sur l’écran, elle le laisse se reposer sur celui de son collègue. Il s’est illuminé depuis qu’elle a commencé à aborder le sujet de sa fille et une telle réaction la laisse souriante. « Elle a l’air sage comme une image là-dessus. C’est un leurre. » Charlie se retient d’éclater de rire mais pas de prendre le téléphone entre ses mains et le tenir avec autant d’attention que si c’était le Saint Graal lui-même. Les souvenirs ont autant d’importance pour eux. “Elle est adorable.” Sont les premiers mots qu’elle prononce, sincère au possible comme en démontre son sourire qui ne quitte plus son visage. “Et ressemble à un ange, c’est vrai.” Tous les enfants en sont, au fond, à l’exception de ces vingt heures par jour durant lesquelles ils se transforment malencontreusement en suppôts de Satan. « Tu en as des tiens ? Quel âge ils ont maintenant ? » Le scène est reprise à l’identique alors que vient le tour de la plus jeune de dégainer son téléphone avec une certaine fierté, choisissant d’abord une photo d’Aaron debout, se retenant contre le Golden Retriever de la famille pour tenir en équilibre. L’un des deux pose d’ailleurs pour la photo, mais ce n’est pas le petit humain sur deux pattes. En fond, Siobhan est d’ailleurs en train d’observer une de ses dizaines de figurines d’un air particulier - soit cinq secondes avant qu’elle décide laquelle décapiter. “Au moins grâce aux photos, on oublie à quel point ils passent leur temps à s’exprimer en criant. Et je ne te parle même pas du chien qui s’y est mis, lui aussi. On ne s’ennuie pas.” Les voisins doivent les détester, c’est une assurance. Tant pis, elle serait heureuse de leur dire d’appeler la police et de leur dire qu’ils ont le bonjour de leur collègue. Si elle n’abuse jamais de son nouveau travail, elle ne peut s’empêcher de trouver cette situation imaginaire plutôt amusante, quand bien même elle n’existera sûrement jamais. “Ils ont eu quinze mois.” Et elle est ce genre de parent qui compte en mois. Tous les parents font ça, et toutes les autres personnes les détestent pour cette raison. "Ça se passe bien avec sa mère, d'ailleurs? Enfin, je demande pas les détails, c'est juste pour te demander si vous arrivez à gérer." S'il est souvent question d'Alma, ça l'est bien moins de sa mère dont elle n'est même pas certaine de connaître le prénom. Après tout, elle n'a jamais réellement cherché à en savoir plus sur sa vie privée, respectant totalement le fait qu'elle soit privée. "Alma a l'air heureuse. C'est tout ce qui compte." Elle trouve une conclusion elle-même, s'assurant au moins un happy ending à défaut de savoir si elle ne vient pas déjà de franchir la ligne rouge alors qu'elle fait pourtant de son mieux pour ne pas en arriver là. |
| | | | (#)Dim 25 Avr 2021 - 19:30 | |
| La chose qui inquiétait le plus Anwar en définitive, c’était la vitesse à laquelle le temps passait, filait à toute allure. Pas qu’il s’agisse d’une surprise, il en faisait déjà chaque jour l’expérience depuis les presque vingt-et-un ans d’existence de son fils aîné, mais déjà Alma elle aussi perdait ses réflexes de nouveau-né … Bientôt elle marcherait, bientôt elle parlerait, et le brun lui verrait chaque fois un peu plus de cheveux blancs éparses pousser sur son crâne, et de rides se creuser sur son front et au coin de ses yeux. Bien qu’ayant encore une grosse décennie d’avance sur lui Charlie n’y couperait pas elle non plus, avoir des enfants c’était (dans la plupart des cas) faire le pacte à durée indéterminée avec l’idée de s’inquiéter pour eux à toute heure du jour et de la nuit, et ce premier séjour aux urgences c’était un baptême du feu qui, il lui souhaitait tout de même, ne se réitérerait pas de sitôt. « Tous les objets de l’appartement vont se retrouver rangés un mètre plus haut mais je sais déjà qu’ils fouilleront dans des endroits improbables. » C’était en effet la suite logique après la volonté de tout mettre à la bouche en quête de ce qui était comestible ou non – là-dessus le sable était toujours un grand moment de solitude. « J’ai encore plus peur du jour où Aaron sera plus grand que moi. » Laissant échapper un léger rire, le policier s’était autorisé une gorgée de café et avait penché la tête sur le côté « Même avec une tête de plus ça restera toujours tes bébés … N’hésite pas à leur rappeler régulièrement quand ça sera le cas, ils ont horreur de ça. » Du bout des doigts il avait attrapé l’un des donuts et en avait arraché un morceau, tentant de ne couvrir de graisse ni le bureau ni ses affaires, et faisant finalement remarquer d’un ton volontairement pince-sans-rire : « Et puis regarde, t’as beau nous dépasser Olivia et moi, ça nous empêchera jamais de te filer un coup de pied au cul. » Est-ce qu’il plaisantait, est-ce qu’il était sérieux … Il préférait laisser planer le suspense. Ce boulot n’avait déjà que peu d’avantages, qu’on les laisse au moins continuer de martyriser les stagiaires en paix, uh. La blonde néanmoins n’avait pas eu à fournir trop d’efforts pour amadouer à nouveau son collègue – le sujet des enfants, cette kryptonite. Et bien trop heureux qu’il était de pouvoir exposer à nouveau aux yeux de quelqu’un la mignonnerie de sa petite dernière il ne s’était pas fait prier pour sortir son téléphone et choisir une photo parmi des dizaines de dizaines que seuls Lene et lui trouveraient vraiment différentes. Ironiquement, Anwar était celui des deux qui s’amusait le plus à la vêtir des plus jolies robes et des meilleurs nœuds pour retenir les trois cheveux qu’elle avait sur le crâne, rattrapant sans doute les occasions qu’il n’avait pas eu en élevant un garçon. « Elle est adorable. » Évidemment. « Et ressemble à un ange, c’est vrai. » Evidem- … Oui, bon. « Elle est Taureau ascendant Capricorne, avec je sais plus quelle planète en … Bouc ? Bélier ? L’autre truc avec des cornes. D’après ma tante, elle pourrait faire autant de dégâts que Fat Man et Little Boy. » Ou si peu, la mère de Talia n’étant pas du tout du genre à exagérer … Mais Anwar n’y connaissait fichtrement rien en astrologie, Alma était née l’année du Rat chinois, cela devait bien compenser un peu les bêtes à cornes ? Faute de réponse à ces questionnements sans intérêt, il avait renvoyé l’ascenseur à Charlie et questionné à propos de ses propres têtes blondes. Dégainant son propre cellulaire, elle avait opté pour une photo qui témoignait à merveille de la cacophonie que pouvait être l’ambiance à la maison lorsque tous les occupants y étaient présents, et d’ailleurs commenté aussitôt « Au moins grâce aux photos, on oublie à quel point ils passent leur temps à s’exprimer en criant. Et je ne te parle même pas du chien qui s’y est mis, lui aussi. On ne s’ennuie pas. » Leurs tympans non plus, assurément. Qui était arrivé en premier d’ailleurs, le chien ou les jumeaux ? Oh et puis peu importe. « Ils ont eu quinze mois. » Le chien, donc. « C’est assez vieux pour avoir compris le potentiel des bêtises faites à deux, ou bien tu as encore quelques semaines de répit devant toi ? » Les mauvaises langues diraient qu’il versait du sel sur ses plaies, les autres diraient qu’il ne faisait que la préparer à quelque chose d’inévitable. « Je suis pas très chiens, mais ça doit tellement adorable de les voir interagir tous ensembles. » Plus mignon qu’Ibis encore trop jaloux de l’attention que recevait ce nouvel intrus sur son territoire, obligeant Anwar à le laisser dans sa cage lorsqu’Alma et lui partageaient la même pièce … Mais le brun ne désespérait pas, ils finiraient par s’entendre. Il fallait qu’ils finissent par s’entendre. « Ça se passe bien avec sa mère, d'ailleurs ? » Retour à lui, et cela méritait bien une nouvelle gorgée de café. « Enfin, je demande pas les détails, c'est juste pour te demander si vous arrivez à gérer. Alma a l'air heureuse. C'est tout ce qui compte. » Pas vraiment du genre à s’étaler sur sa vie privée au sein de son lieu de travail en temps normal, Anwar avait dans un premier temps hésité à ne serait-ce que révéler l’existence de ce second enfant littéralement sorti de nulle part (ou presque). Résolution que, bien sûr, il n’avait pas su tenir à la seconde où il avait posé les yeux sur elle et décidé qu’elle était la huitième merveille du monde, à égalité avec son (très) grand frère. De là à dire qu’il ne pouvait s’en prendre qu’à lui-même de récolter les questions personnelles qui allaient avec … « Y’a rien de pire pendant un interrogatoire que d’essayer de justifier ses questions. Ça trahit le fait que t’es pas sûre de toi. » Plus sérieux que réellement sévère, il avait picoré un nouveau morceau de son donut sans la lâcher du regard et laissé la dite question en suspens encore quelques instants, puis repris d’un ton plus léger « Ça se passe bien, oui. Aucun des deux n’a encore menacé l’autre de le pousser dans le fleuve lesté d’un parpaing, et on a trouvé un terrain d’entente pour les biberons nocturnes et le changement des couches … c’est presque plus que ce dont la mère du grand et moi avons jamais été capables. » Il exagérait à peine. Comme quoi, Riley et lui ne se seraient peut-être pas autant déchirés s’ils s’en étaient tenus au fait d’être des parents plutôt que de se forcer à tenter d’être des époux. « Mais je pense que tant qu’on garde les intérêts des enfants devant les nôtres … ça se passe toujours mieux. Du moins j’ai l’impression. » Et lorsque les parents commençaient à se déchirer les enfants étaient bien plus souvent un levier qu’une véritable cause de la dispute. Mais peut-être Charlie serait-elle d’humeur à un autre point de vue.
|
| | | | (#)Mar 4 Mai 2021 - 11:11 | |
| Discuter bébé et petits pots avec Anwar est très bas sur la liste des choses qu’elle aurait cru faire en sa présence. En tête de liste, au contraire, se trouvent des entrées telles que ‘ne pas faire trop de conneries’, ‘ne pas se faire virer’, ‘ne pas se faire tuer’ et toutes les déclinaisons possibles qui en reviennent pourtant au même point : survivre. Pour ce qu’il en est de se faire une véritable place et même, qui sait, de penser à monter en grade… ce seront des problèmes pour la Charlie du futur. Celle du présent a déjà oublié tout ce qu’elle s’était promis de faire, préférant aujourd’hui s’extasier devant le visage juvénile de la fille de son collègue tout en partageant avec lui les quelques déboires qui ponctuent sa vie de parent. « Même avec une tête de plus ça restera toujours tes bébés … N’hésite pas à leur rappeler régulièrement quand ça sera le cas, ils ont horreur de ça. » La blonde rigole doucement, ne pensant pas une seule seconde à remettre en cause les paroles d’Anwar. Assurément, ses enfants détesteront toujours qu’elle leur rappelle de telles choses et ce sera très exactement la raison pour laquelle elle le fera à longueur de journée. “Je suis sûre que tu étais du genre à appeler Tarek ‘mon bichon’ devant ses amis d’école.” D’école, d’Université, de ses clubs de sport, des passants dans la rue. Dès qu’il en aurait eu l’occasion, à vrai dire, et aux paroles se seraient ajoutés des cheveux qu’il aurait ébouriffé dans le même élan. Il a une tête de papa qui met la honte à son enfant dès que possible et aux yeux de Charlie, il n’y a rien de plus attendrissant. Les psychologues de bas étage diraient que c’est sa façon de lui montrer son amour pour lui. « Et puis regarde, t’as beau nous dépasser Olivia et moi, ça nous empêchera jamais de te filer un coup de pied au cul. » - “Tant que je ne deviens pas votre bichon, je crois que je vais pas trop m’en plaindre.” Elle-même sait très bien qu’un coup de pied au cul de temps en temps lui est plus que nécessaire et ils sont les mieux placés pour une telle chose. Ils sont aussi les seuls face auxquels elle restera modérée et s’avisera de toute réaction déplacée.
« Elle est Taureau ascendant Capricorne, avec je sais plus quelle planète en … Bouc ? Bélier ? L’autre truc avec des cornes. D’après ma tante, elle pourrait faire autant de dégâts que Fat Man et Little Boy. » - “C’est parce qu’elle sait déjà que la petite sera une bombe atomique.” Trop gros (ah, ah) peut-être comme blague? Oui, Charlie a eu fait mieux mais que voulez-vous, il est encore tôt. Elle ajoute un demi sourire et tente d’avoir l’air un minimum fière de son humour, même si ce n’est pas totalement le cas. Décidant finalement de se reprendre, la blonde retrouve le droit chemin assez rapidement et le fil de la conversation avec, jugeant qu’il est encore trop tôt pour éveiller les instincts de papa poule hyperprotecteur d’Anwar - pauvres, pauvres garçons qui s’intéresseront un jour à sa fille. “T’as eu de la chance qu’elle ne soit pas Gémeaux, c’est au moins ça.” Et puisqu’ils font de parfaits boucs émissaires, ce n’est pas Charlie qui laisserait filer l’occasion. Il ne reste plus qu’à prier que ce ne soit pas le signe astrologique d’Anwar, maintenant, parce qu’en plus de mettre les deux pieds dans le plat, elle y aurait mis tout son corps avec.
La conversation retourne lentement en direction de sa propre famille, le parfait cliché allant même jusqu’à comprendre l’animal de compagnie. « C’est assez vieux pour avoir compris le potentiel des bêtises faites à deux, ou bien tu as encore quelques semaines de répit devant toi ? » Il sait ce dont il parle, c’est évident, et Charlie devrait sans doute être effrayée du dessin qu’il fait de son futur, mais en réalité elle n’a que hâte de découvrir par elle-même ce dont il sera fait. Elle ne manquera pas de lui faire des rapports détaillés tout en en profitant pour avoir des nouvelles d’Alma, cela va de soi. “Ils sont trop occupés à confondre leurs doigts avec des jouets pour le moment encore.” Et Dieu en soit loué parce qu’elle n’a absolument pas hâte qu’ils unissent leur force, même si l’entente entre des frères et sœurs est bien sûr absolument nécessaire. Ils ont encore de longues années devant eux et tout autant de mensonges à perfectionner à deux, là dessus elle n’a aucun doute. Élever des jumeaux n’est décidément pas de tout repos, elle s’en rend un peu plus compte à chaque jour qui passe.
Aventureuse, Charlie ose finalement questionner Anwar sur sa vie de couple ou, en tout cas, sur sa parentalité. « Y’a rien de pire pendant un interrogatoire que d’essayer de justifier ses questions. Ça trahit le fait que t’es pas sûre de toi. » Son visage se fait soudainement très dur mais elle ne l’entend pas de la même oreille, sans doute bien moins impressionnée par ses mots qu’elle ne le devrait. La répartie ne tarde pas à venir et si elle n’a pas pour but d’être cinglante, Charlie ne cherche pas pour autant à se confondre avec les murs. “Sauf que ce n’en est pas un.” Le conseil est noté dans un coin de son esprit, cela va de soi, mais elle n’a aucune envie qu’il résume ses paroles à un simple interrogatoire. Son but n’est pas d’obtenir des réponses à tout prix et elle fait appel à ses sentiments bien plus qu’à sa logique. C’est un des rares instants pendant lesquels elle lui propose de mettre de côté sa casquette de policier. Elle n’a pas peur de lui montrer qu’elle est incertaine; il n’est pas un ennemi ni quoi que ce soit qui s’y rapproche. Finalement, Anwar explique non sans humour que la vie de jeunes parents leur sourit et c’est une chose dont Charlie est sincèrement heureuse et sans doute même soulagée d’entendre. Il n’y a rien de pire que des parents qui se déchirent, surtout lorsque l’enfant est en âge de s’en souvenir. « Mais je pense que tant qu’on garde les intérêts des enfants devant les nôtres … ça se passe toujours mieux. Du moins j’ai l’impression. » Silencieuse pour un temps, elle acquiesce et boit quelques gorgées de son café par la même occasion, ses yeux perdus dans le vide. Elle se reconnaît bien évidemment dans les mots de son collègue, quand bien même leurs deux histoires n’ont sans doute que très peu de choses en commun. “Quand on ne s’entend pas on a tendance à juger différemment de ce qui est bon pour les enfants.” Un désaccord en entraîne souvent un second, un troisième, et ainsi de suite. L’effet domino version familiale, en gros. Face à ces quelques mots, la plus jeune se contente simplement de hausser les épaules, comme pour prendre du recul avec une situation qu’elle connaît pourtant parfaitement. “Ça n’a pas dû être facile d’arriver à mettre en place tout ça, avec la mère d’Alma.” Et elle est espantée d’une telle chose. Enterrer la hache de guerre avec des enfants autour rend le tout bien plus difficile que jamais mais ils semblent y être arrivés avec brio, ce qui est tout à leur honneur. "Même si on aurait toujours préféré que les choses se passent bien dès le début et que ça ne change pas." Cela semble être un fait de vérité générale. |
| | | | (#)Lun 5 Juil 2021 - 14:39 | |
| Anwar avait beau avoir commis moins d’écueils à ce niveau-là que son épouse et mère de Tarek, bien moins présente et donc bien moins encline à réaliser que leur fils grandissait à vue d’œil, il n’avait comme tous les pères pas échappé aux quelques occasions de faire honte à son rejeton – et pas toujours consciemment. Malgré tout, lorsque Charlie avait affirmé « Je suis sûre que tu étais du genre à appeler Tarek ‘mon bichon’ devant ses amis d’école. » sur le ton de la plaisanterie l’inspecteur avait dodeliné la tête et répondu d’une grimace qui aurait pu vouloir dire à peu près tout et son contraire. Les dernières années de scolarité de son fils n’avaient pas été de tout repos, et l’humour un peu balourd de son paternel – lequel passait régulièrement pour son frère aîné du fait de leur différence d’âge inhabituelle – était un peu la dernière préoccupation de Tarek à cette époque … Mais ça, Anwar préférait le garder pour lui, raison pour laquelle il avait presque aussitôt botté en touche en redirigeant la conversation vers Charlie. « Tant que je ne deviens pas votre bichon, je crois que je vais pas trop m’en plaindre. » Se fendant d’un sourire énigmatique, il avait gardé le nez dans son gobelet de café un moment et finalement rétorqué d’un ton pince sans rire « Tant que tu nous obéis au doigt et à l’œil, mon bichon. » Mais heureusement pour Charlie, Olivia n’était pas là et n’avait aucune raison d’apprendre la teneur de cette conversation … pour l’instant. Et si la nouvelle recrue venait de gagner quelques points en qualifiant Alma de bombe atomique – car pour Anwar il ne faisait aucun doute que sa fille serait assurément la plus belle de toute en grandissant, et ce en toute objectivité évidemment – elle les avait aussitôt perdus en ajoutant « T’as eu de la chance qu’elle ne soit pas Gémeaux, c’est au moins ça. » Fronçant le nez et les sourcils, l’inspecteur avait questionné en feignant la suspicion « Tu as des comptes à régler avec les gémeaux ? » Alors certes, deux secondes plus tôt il admettait ne rien connaître à l’astrologie et ne pas du tout prendre la chose au sérieux, mais était-ce une raison pour se priver de l’occasion de faire sa grosse voix en adoptant un ton sévère ? Bien sûr que non, Anwar aimait bien trop cela – qui sait, peut-être que cela aussi, c’était un trait de gémeau. Retour rapide à leurs moutons néanmoins, ou plutôt à leurs enfants, mais au bout du compte cela revenait un peu au même. Charlie n’avait probablement pas pleinement conscience du fait qu’elle vivait ses dernières semaines de répit … Une fois qu’ils marchaient rien ne les arrêtait plus, et on avait beau les aimer on en venait, parfois, à regretter l’époque où il suffisait de les poser dans leur transat ou dans leur parc pour les avoir à l’œil sans risque qu’ils ne disparaissaient à la première seconde d’inattention pour explorer les dangers insoupçonnés de la maison. Escaliers en tête de liste, étagères juste derrière. Lorsqu’elle avait assuré « Ils sont trop occupés à confondre leurs doigts avec des jouets pour le moment encore. » il n’avait donc pas eu d’autre conseil à lui donner que : « Profite. » Tant qu’il était encore temps. De ça, du fait qu’ils étaient encore trop petits pour avoir besoin d’être consolés après s’être confrontés à la dureté et l’injustice du monde, et du fait que tant qu’il n’y avait que les biberons et les couches à gérer les raisons de ne pas s’entendre avec l’autre parents étaient limitées. L’autre parent, d’ailleurs, rapidement mis sur le tapis lui aussi, Anwar ayant l’avantage – du moins il se persuadait que c’en était un – d’avoir expérimenté deux relations totalement différentes avec les mères de ses rejetons, et d’apprendre sur les deux tableaux pour les bons comme pour les mauvais côtés. « Quand on ne s’entend pas on a tendance à juger différemment de ce qui est bon pour les enfants. » songeait de son côté la jeune mère, arguant ensuite « Ça n’a pas dû être facile d’arriver à mettre en place tout ça, avec la mère d’Alma. Même si on aurait toujours préféré que les choses se passent bien dès le début et que ça ne change pas. » Difficile de passer à côté du fait que la jeune femme semblait avoir un avis bien tranché sur la question, et si Anwar ne savait pas précisément quelle était la nature de la relation que Charlie entretenait avec le père de ses deux bébés il en concluait que les choses n’étaient pas roses tous les jours. « Ça ne se passe pas si bien que ça de ton côté, je me trompe ? » Son gobelet de café désormais vide, il avait visé la corbeille à papiers et marqué un papier avant de reposer son regard sur la blonde « Vous êtes séparés depuis longtemps ? » Peut-être la séparation était-elle encore trop récente pour que passer au-dessus de leurs rancœurs respectives soit une mince affaire … Ou bien leurs caractères étaient simplement incompatibles. Dieu sait que si Lene et lui ne serraient pas les dents pour y mettre du leur les choses pouvaient rapidement tourner au vinaigre – elle avait l’habitude de ne compter que sur elle-même et de ne pas se soucier d’un autre avis que le sien, et lui avait un caractère pas toujours facile à cerner, un peu soupe au lait. « Je pense qu’on a déjà dû te dire que ce métier, c’est pas ce qu’il y a de plus idéal pour la vie de famille … C’est pas impossible à concilier, mais ce n’est pas toujours simple. Faut s’accrocher. » Tant pour le professionnel que pour le familial. « Mais si y’a une chose dont je suis à peu près sûr, c’est que les relations amoureuses ça va et ça vient, alors que les enfants c’est pour la vie … alors si y’a quelque chose à privilégier, c’est d’abord eux. » Si Frank était là il lui reprocherait probablement d’être cynique, mais s’il y avait bien une chose sur laquelle Frank était parfois un peu naïf, c’était de s’imaginer que tous les couples pouvaient s’y faire s’ils s’en donnaient les moyens, quand en réalité la patience et la compréhension de Norah relevaient plus d’une exception que d’une vérité universelle.
|
| | | | (#)Dim 11 Juil 2021 - 15:21 | |
| Personne n’agit de la même façon lorqu’il est entouré d’une ou de plusieurs personnes et Charlie s’en rend d’autant plus compte lorsqu’elle prend Anwar en exemple. Elle a tendance à le faire dans bien des cas de figure différents mais celui-ci est à part et n’a surtout rien à voir avec la police. La jeune femme le voit seulement en tant qu’homme et père et non un inspecteur bien plus haut gradé qu’elle - ce n’est pas pour autant qu’elle oublie de lui rendre le respect qui lui est dû, loin de là. « Tant que tu nous obéis au doigt et à l’œil, mon bichon. » qu’il reprend, jouant autant de rhétorique que d’ironie pour appuyer les paroles de la jeune mère. Elle sait que, bien caché derrière son gobelet, doit se cacher le sourire d’un homme bien trop fier de sa répartie pour ce qu’elle est réellement. Après lui avoir tendue une telle perche, elle ne pouvait que s’y attendre, et c’est donc un sourire certain qu’elle affiche comme seule réponse, prête à l’appeler ‘mon bichon’ en retour - lorsqu’ils ne seront qu’eux deux à nouveau, préférant éviter tout malentendu dans le service. “Mon mari est gémeaux, ça me donne la possibilité de les critiquer un peu j’imagine.” Léo n’est pas souvent évoqué au poste mais lorsqu’il ne s’agit que de courtes anecdotes dans le genre, elle ne s’en prive pas. Promis, elle exemptera à tous de leur étaler sa vie privée en long, en large et en travers, surtout à Anwar, encore plus lorsqu’il joue de cette voix si grave qui continue de la déstabiliser. Elle sait qu’il en joue mais tout de même, elle ne s’y habituera jamais.
Lorsqu’il lui souffle de bien profiter des jumeaux, elle ne peut que hocher de la tête, un sourire presque gêné au coin des lèvres. C’est bien ce qu’elle compte faire, peu importe à quel point la vie ne semble pas vouloir lui faire le moindre cadeau ni lui rendre les choses plus faciles. Sans pour autant vouloir s’étaler sur le sujet, ce n’est pas un fait qu’elle cherche à cacher à Anwar. Il mérite d’être tenu au courant, simplement parce qu’ainsi elle sait qu’elle ne lui cache rien de sa vie personnelle et familiale. « Ça ne se passe pas si bien que ça de ton côté, je me trompe ? » Elle observe surtout le gobelet être jeté dans la poubelle avant de réellement se focaliser sur ses paroles, chose qui ne vient qu’en un second temps. « Vous êtes séparés depuis longtemps ? » Il ne pose pas les questions qui pourraient amener des réponses difficiles ou dérangeantes, c’est la première chose qu’elle retient de ses interactions et tentatives d’en savoir plus à propos d’elle. Il ne s’aventure jamais trop loin et se montre toujours respectueux, ce qui amène Charlie a avoir confiance en lui sans qu’il n’ait réellement fait quoi que ce soit pour que cela arrive. “C’est généralement à ce moment là de la conversation que je réponds par ‘c’est compliqué’.” La blonde confesse dans un premier temps dans un demi-sourire, pourtant sincère. Il n’y a aucune empathie à susciter et aucune raison que ce soit le cas, surtout pas aujourd’hui alors que les choses semblent s’apaiser et trouver d’elles-même un juste milieu, bon pour eux quatre - cinq, si l’homme à qui elle a emprunté le nom de famille est lui aussi compté dans l’équation. “On a jamais réellement été ensemble, notre couple n’était pas assez fort pour faire face à l’arrivée des jumeaux.” Certaines façons d’expliquer sa situation sont bien plus simples que d’autres, c’est ainsi le cas des quelques mots et raccourcis qu’elle choisit de prendre. Son histoire est bien plus prosaïque, bien moins apte à être contée à un public qui s’avère être un policier et son supérieur et collègue, qui plus est. “On trouve un juste milieu pour le bien des petits, nous aussi. Les enfants ont un super pouvoir à eux, il faut croire.” Elle n’a aucun droit de comparer sa propre histoire avec celle d’Anwar et de son ex-compagne mais c’est pourtant ce qu’elle fait, tentant de désamorcer tout futur problème en énonçant ces mots avec douceur et lenteur. Les enfants ont un pouvoir qui leur est propre, celui de créer la paix autant que le chaos. Tout ce qu’elle espère, c’est que les choses ne peuvent pas s’interchanger - son souhait existe pour elle autant que Zehri. “On a un avis différent sur à peu près tout mais tant que ça n’entrave pas le bonheur des enfants, c’est le plus important. C’est lui qui a leur garde, de toute façon, mon avis a moins d’importance.” Charlie ne se lamente pas, elle se contente de lui faire part d’un fait trahissant à lui seul toute la complexité de leur relation. Il est bien rare que les pères gagnent la garde des bambins, et elle ne doute pas un seul instant que son collègue soit au courant de ce fait. Au moins, elle n’a pas perdu ses droits de visite, et c’est le peu dont elle se contente aujourd’hui. "Ça me donne le temps de me consacrer au métier.” Voilà qu’elle enchaîne avec les paroles d’Anwar, faisant remarquer à sa façon que sa vie de famille est bien trop déconstruite pour réellement être qualifiée comme tel. A ne voir ses enfants qu’un week-end sur deux, elle a tout le temps du monde pour se consacrer à son métier qui, petit à petit, devient toute sa vie. Les choses n’auraient pas dû se passer ainsi mais elle a encore bon espoir qu’un jour tout s’apaise définitivement. « Mais si y’a une chose dont je suis à peu près sûr, c’est que les relations amoureuses ça va et ça vient, alors que les enfants c’est pour la vie … alors si y’a quelque chose à privilégier, c’est d’abord eux. » Léo vient mais ne s’en va pas - elle le lui interdit et s’il faut le tenir attaché dans une caveuse miteuse pour le tenir à ses côtés alors elle n’hésitera pas à le faire pour arriver à ses fins. Pour autant, bien que bornée, elle n’a aucun mal à comprendre l’argumentaire d’Anwar. Il est général mais ô combien réaliste. “On peut trinquer à ça.” Il n’a plus de café mais il lui reste au moins à manger, alors ils n’ont qu’à faire avec les moyens du bord - à défaut de pouvoir faire autrement, de toute façon. “Je les privilégie dès que je le peux mais en attendant, il n’y a que le travail qui me donne un objectif et me pousse au meilleur.” Et c’est justement en prouvant qu’elle peut être droite dans son travail qu’elle saura qu’elle peut tout autant l’être avec la chair de sa chair - qu’elle le prouvera à Enoch, en tout cas, puisqu’il semble plus borné qu’elle encore à ce sujet. “Si on avait voulu un travail tranquille, on aurait été secrétaires. Ça ne sert à rien de se voiler la face là dessus, pas vrai ?” En choisissant cette voie, ils savaient par avance qu’ils n’auraient pas la vie de famille typique des séries télévisées américaines. Amours ou pas, enfants ou pas, tout serait éternellement compliqué ; ne reste qu’à voir si le jeu en vaut la chandelle. |
| | | | (#)Dim 18 Juil 2021 - 15:03 | |
| À d’autres la situation aurait pu paraître (un peu) incongrue : que Charlie se soit pliée au jeu du mariage avec un homme qui n’était pas le père de ses deux bébés, quand ces derniers étaient encore si jeunes et la relation avec leur géniteur par conséquent si récente. À d’autres oui, mais sur le terrain de l’incongru Anwar avait une longueur d’avance et plus de raison de s’étonner de rien, lui dont l’épouse n’était pas la mère de son enfant le plus jeune, mais celle de l’aîné … Lui dont l’épouse n’en avait d’ailleurs plus que le nom, mais sans que ni l’un ni l’autre ne force à nouveau dans la direction d’un divorce consommé sans être officialisé. Ceux qui savaient ne cherchaient pas à comprendre, ceux qui ne savaient pas n’obtenaient pas de réponses, et pour ne pas poser de questions indélicates Charlie obtenait en retour de ne pas s’en voir poser non plus, l’inspecteur s’en tenant au factuel même lorsque la conversation avait dérivé vers le père de ses jumeaux. « C’est généralement à ce moment-là de la conversation que je réponds par ‘c’est compliqué’. » avait-elle alors commenté, étudiant peut-être la possibilité d’en rester là, mais ajoutant finalement « On a jamais réellement été ensemble, notre couple n’était pas assez fort pour faire face à l’arrivée des jumeaux. » Il n’avait aucun mal à la croire. Un enfant c’était déjà un chamboulement et même pour les couples qui se jugeaient solides – alors deux ? Et dans un couple qui balbutiait ? « On trouve un juste milieu pour le bien des petits, nous aussi. Les enfants ont un super pouvoir à eux, il faut croire. » La remarque arrachant au policier un sourire attendri, il avait hoché la tête comme pour confirmer « Faut bien se faire pardonner la privation de sommeil et d’intimité. » Et que le parent qui n’avait jamais déploré ne même pas pouvoir vider sa vessie ou prendre sa douche sans que son gremlins ne vienne gratter à la porte en quête d’attention lui jette la première pierre. Reprenant cependant avec sérieux, Charlie avait ajouté « On a un avis différent sur à peu près tout mais tant que ça n’entrave pas le bonheur des enfants, c’est le plus important. C’est lui qui a leur garde, de toute façon, mon avis a moins d’importance. » et bien que tentant de ne rien en laisser paraître Anwar s’était senti désolé pour elle – et chanceux, que Lene et lui aient pour le moment décidé de s’en tenir à un arrangement à l’amiable adapté à leurs emplois respectifs. « Ça me donne le temps de me consacrer au métier. » avait en tout cas conclu la jeune femme, déterminée semblait-il à chercher là où elle pouvait le trouver du positif dans la situation. Et bien que ne désirant pas lui donner l’impression de lui faire la morale, le brun avait préféré la mettre en garde contre cet écueil si récurrent à la panoplie du policier : celui de ne pas trouver d’équilibre entre sa vie professionnelle et sa vie personnelle (familiale). Semblant y prêter l’attention nécessaire, la blonde avait acquiescé « On peut trinquer à ça. » et faute de café encore à sa disposition l’inspecteur avait levé son donut en signe de validation. « Je les privilégie dès que je le peux mais en attendant, il n’y a que le travail qui me donne un objectif et me pousse au meilleur. » Bon, en vérité Anwar était encore plus disposé à trinquer à cela, et l’excuse étant trop belle il avait mordu dans son donut d’un air résolu non sans avoir fait remarquer « Ça c’est le genre de choses que j’aime entendre. » Il le fallait de toute façon, on ne faisait jamais long feu dans ce métier si l’on n’était pas habité par une réelle envie ; Aller bosser tous les jours à reculons dans un métier plus traditionnel ce n’était déjà pas la panacée (et Anwar avait suffisamment usé de petits boulots sous-payés quand Tarek était bébé pour le savoir) mais aller bosser tous les jours à reculons pour un métier dangereux et prenant, ce n’était simplement pas vivable sur le long terme. « Si on avait voulu un travail tranquille, on aurait été secrétaires. Ça ne sert à rien de se voiler la face là-dessus, pas vrai ? » La dernière miette de sa pâtisserie désormais engloutie, le policier avait cherché du regard et attrapé l’une des serviettes restées dans le sac en plastique pour débarrasser ses doigts de l’excès de gras. « Est-ce qu’on ne serait pas sur un appel du pied pour que je t’arrache à tes photocopies pour t’emmener sur le terrain ? » Pas qu’il s’agisse d’un reproche … En vérité c’était même l’opposé d’un reproche, et quittant le coin de bureau sur lequel il était jusque-là nonchalamment assis, il avait enchaîné « J’ai une perquisition prévue demain matin, si tu termines tout ce que t’as à faire à temps aujourd’hui j’essaye de négocier pour te mettre sur le coup avec nous. » Une paire de bras supplémentaire n’était de toute façon jamais de trop dans ces cas-là. « C’est cinq heures trente tapantes ici, par contre. » Mais elle était motivée et voulait se pousser au meilleur, alors cela ne lui faisait pas peur, right ?
|
| | | | | | | |
| |