| wyatt + I've come back to the land I'd lost |
| | (#)Mer 24 Fév 2021 - 17:23 | |
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Le bond dans le temps était édifiant. Lou se regardait dans le miroir plein pied de la suite parentale de la maison familiale, comme elle n’en avait plus eu l’occasion depuis huit ans. Alors c’était à ça qu’aurait ressemblé sa vie si elle était rentrée dans le droit chemin ? Si elle avait été la bonne fille respectable que ses parents avaient toujours voulu qu’elle soit ? Non, sa robe était trop courte, trop pailletée, son décolleté trop plongeant, ses talons trop hauts, ses lèvres trop rouges. Les Grimes et la haute l’auraient brisée jusqu’à ce qu’elle rentre dans leur moule, étouffant sa personnalité, noyant son feu intérieur. En quelques soirées mondaines, la jeune femme pouvait affirmer que malgré toutes les épreuves que la rue lui avait balancées à la figure, elle ne regrettait pas d’avoir été mise à la porte. Il lui avait fallu effectuer son propre chemin et grandir loin des carcans du monde dans lequel elle était née pour se construire véritablement. Et désormais, si elle revenait dans le grand bain, rien ni personne ne pouvait l’empêcher de se présenter tel qu'elle le voulait. Personne ne pourrait la museler. Ses mains se serrèrent sur sa pochette avec nervosité. Elle releva le menton, corrigea ses cheveux, prit une grande inspiration. Deux semaines de cela, Lou pointait une arme vers le patron de la pègre de la ville. L’échec de sa vengeance était un goût de cendres qui ne quittait jamais sa bouche. Le vœu de mort qui avait suivi ce jour flottait encore au-dessus de sa tête comme un nuage sombre. Mais elle était de retour sur ses deux pieds, Aberline. Comme toujours, elle survivait. Comme toujours, elle écoutait son feu intérieur, avançait à la rage. Parmi toutes les drogues qui avaient courues son organisme, le souhait de vengeance était probablement la plus tenace. La plus enivrante aussi. Elle ne déposait pas les armes. Elle avait simplement un nouvel ennemi.
Le bruit des talons de sa mère claquait sur le sol du hall. Forcément, son premier réflexe fut de tirer sur le bas de la robe de Lou comme si elle était encore une adolescente trop naïve et impudique. Elle l’était, en revanche elle n’avait plus l’âge pour que sa mère le lui souligne aussi abruptement. “Essaye de faire bonne figure, d’accord ?” fit-elle, lèvres pincées d’un mélange de contrariété et de dépit ; il était trop tard pour l’envoyer se changer, et de toute manière, qui forcerait sa fille de trente ans à opter pour une autre tenue ? Il était trop tard pour la changer, la mauvaise graine. Elle avait fleuri, et il n’y avait plus rien qu’elle puisse faire. “Même si j’essayais je ne serais qu’une bête de foire aux yeux de tous ces gens.” Lou les avait remarqués, les regard en coin, les messes-basses partout où elles se rendaient. C’était elle, alors, la fille Grimes disparue des radars tout ce temps. Celle dont l’existence était tue, presque niée. Elle, la droguée, probablement prostituée, dieu seul savait si elle n’avait pas le sida ou la lèpre depuis le temps. Il ne faudrait surtout pas trop s’en approcher, non. Quelle que fut la raison qui l’envoya sur ce chemin, allez savoir si cela n’était pas contagieux. “C’est le genre de résultat auquel s’attendre quand on préfère la vie de junkie à sa famille, Lou.” Elle lâcha un rire. Sa famille. Le terme sonnait comme une mauvaise blague. “C’est le genre de résultat auquel s’attendre quand ta famille te fout à la rue, Lauren.” répondit-elle de son meilleur air irrévérencieux. “Je te l’ai déjà dit, appelle-moi maman, je ne suis pas n’importe lequel de tes copains dealers ou je ne sais quoi. - Je t’emmerde, Lauren.”
Et les voilà à nager entre les gros poissons. Au moins le champagne était bon. Lou, la moue éternellement désabusée, rasait les murs et observait. Depuis le décès de son père en décembre dernier, la jeune femme s’était évertuée à renouer avec sa mère et quelques autres personnes de cette autre vie qu’elle avait si longtemps gardée secrète. Mais pour Lauren, être en deuil ne consistait certainement pas à pleurer des heures durant en regardant des films déprimants en vidant des pots de glace. Non, elle combattait la peine causée par la perte de son mari en multipliant les bains de foule. Chacun son truc, songeait Lou. Le revers de la chose était donc qu’elle s’était malgré elle engagée à l’accompagner de temps en temps. Renouer avec cet univers la dégoûtait, mais après les deux premières soirées, une chose lui était apparue pour sûr ; il y avait de la clientèle à hameçonner. Sa pochette ne contenait donc rien d’autre que son téléphone et les doses promises à ses nouveaux clients. L’ironie aurait pu être à se tordre de rire ; la drogue était la cause de son exil forcé, et elle comptait bien faire de la drogue son billet de retour.
Au bout de la quatrième coupe de champagne et d’une douzaine de petits fours, Lou se rendit sur le balcon du penthouse qui accueillait la soirée. Honnêtement, elle ne savait même pas quel était le but de celle-ci, et elle s’en fichait. A deux cent dollars le gramme de poudre, elle transportait déjà un pactole tout ce qu’il y avait de plus respectable. Elle célébrerait avec une cigarette. Son regard courait sur la ville, les lumières, les petites silhouettes des gens qui ressemblaient à des fourmis. Dans son dos, elle devina la baie vitrée s’ouvrir, le courant d’air chaud provenant de l’intérieur, et une présence la rejoindre dans sa contemplation. “Je pensais que la dope me tuerait avant ces conneries, mais je crois que l’overdose d’hypocrisie aura ma mort.” commenta-t-elle sans prêter attention à la personne qui s’était avancée à son tour sur le balcon. Elle prit une nouvelle bouffée de tabac, ignora la brise sur ses épaules blanches et ses cuisses nues. Toute en paillettes, elle les reflétait, les lumières de Brisbane. Plus ardemment, plus bruyamment.
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| | | | (#)Mar 2 Mar 2021 - 2:18 | |
| Cigarette au bord des lèvres, j’observer le ballet incessant des voitures de luxe qui s’arrête aux pieds de l’hôtel particulier. C’est ici que tout le gratin de Brisbane, c’est donner rendez-vous pour la soirée. L’un d’entre eux à de nouveaux fait fortune dans je ne sais quel investissement probablement peu intéressant ou alors il s’agissait d’un anniversaire fêter en grande pompe. Qu’importe, il ne s’agit que d’une énième excuse pour la bourgeoisie de se réunir afin de propager les derniers ragots sous couvert de coupe de champagne hors de prix alors que les requins pourront nager en eau libre, prêt à renifler le moindre filon. C’est tout aussi méprisant que cela en est fascinant en réalité. Je n’en suis pas à ma première soirée de ce genre, d’abord à Paris, puis à Londres et désormais en Australie. Ils n’ont pas le même standing, les ragots sont fades quand les richesses sont trop neuves et ne recèle pas assez de vieux secret de famille, mais on joue avec le terrain que l’on a sous le nez. Les parties seraient presque trop aisées parfois, mais ce soir vibre une ambiance encore bien différente. Comme toujours, je me présente auprès des visages connus, il s’agit de faire bonne figure. Bientôt, je vais avoir besoin de financement pour mon livre, il est plus que temps que je revienne m’acoquiner de ses dames qui craquent pour un sourire. Les discussions sont plates, sans charme, bien trop pincé pour être sincère, un brin ringard. Jusqu’à ce que la rumeur enfle dans les rangs, que les visages se tournent dans un murmure sur une jolie brune. La silhouette se fraye un chemin parmi la foule sans jamais relever la moindre remarque, comme intouchable. Elle détonne dans sa robe trop courte selon le diktat de cette société guindée. Et bien sûr que cela m’intrigue.
Il faudra un peu de temps, laisser les oreilles traîner avant de glaner l’information la plus importante : son prénom. Lou Grimes. Douce résonnance aux rumeurs que j’avais entendues de l’autre côté du miroir, dans la rue, de la bouche de Jet. Alors, c’est elle, la fameuse Lou. Ils s’en donnent à cœur joie tout autour de moi. Le florilège des rumeurs va bon train, se colporte de groupe en groupe, partant de la petite information jusqu’à faire d’elle la reine de la pègre et le diable en personne. Je retiens un rire, m’empêche de souligner que sans elle, leur soirée serait bien plus amère. Je n’ai jamais touché à sa came, mais sa réputation la précède et ce n’est pas avec les magnats présents ce soir que je souhaiterais faire affaire, mais bien plus avec elle. À la tête de son affaire, elle semble gérer le tout d’une main de maître si on en croit tout ce qui se dit sur elle. Alors, de loin, j’observe. Je note chacun de ses gestes, la moindre de ses petites transactions et ce port de tête qui fait d’elle une habituée du cercle sans jamais réellement s’y souscrire pleinement.
Dès lors que la brune s’accorde une escapade vers l’extérieur, je tente ma chance. Accoudée à la rambarde de l’immense terrasse, elle illumine la soirée d’une aura bien différente de ceux qui s’entrechoque à l’intérieur. « Je pensais que la dope me tuerait avant ces conneries, mais je crois que l’overdose d’hypocrisie aura ma mort. » Un rire m’échappe alors qu’une cigarette se glisse entre mes lèvres. « Oh voyons, tu leur as offert la meilleure des distractions pour les semaines à venir. » Ils n’avaient plus de rumeurs à puiser, son retour dans les hautes sphères fera jaser encore et encore. Lentement, je m’approche de la brune, laisse une distance tout en tournant mon corps vers elle légèrement. « J’ai beaucoup entendu parler de toi. » La rumeur disait vrai, elle dégage quelque chose la jeune femme. Une flamme différente. « Ravie de te rencontrer, Lou. »
Dernière édition par Wyatt Parker le Dim 14 Mar 2021 - 16:02, édité 1 fois |
| | | | (#)Ven 5 Mar 2021 - 21:26 | |
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Elle ne ferait pas bonne figure pour faire plaisir à maman. Non, Lou ne voulait pas jouer un rôle, prétendre être ce qu’elle n’était pas juste pour lui épargner cet embarras. Lauren avait eu bien des années de paix où elle n’avait pas eu à s’inquiéter des actions de sa fille -puisqu’elle n’avait pas la moindre idée d’où elle se trouvait et ne voulait pas le savoir. Si elle devait nager entre ces poissons, elle afficherait ses couleurs. Ce n’était pas à elle d’avoir honte. Ce n’était pas elle qui avait envoyé sa fille dans la rue. Eux tous, là-dedans, s’avéraient être une belle bande d’hypocrites, et l’ironie aurait pu la faire rire si elle n’était pas aussi scandaleuse. Ils tenaient tous debout grâce à une drogue ou une autre, ils étaient tous dépendants, qu’il s’agisse d’herbe, de cocaïne, de saletés de synthèse, ou même d’antidépresseurs, d'anxiolytiques et de neuroleptiques. Illégal ou sur ordonnance, même combat. On l’avait blâmée elle parce que cela était facile, parce qu’il fallait une cible sur laquelle défouler leur propre honte de n’être finalement qu’une belle bande de junkies à bout de nerfs. Il leur fallait un méchant pour se dédouaner et alléger leurs consciences, désigner une mauvaise graine et arracher le plant de leurs garden parties. Désormais, n’étaient-ils pas ravis que cette même jeune femme leur prodigue leur dose ? Oh, qu’on la regarde de travers tant que les billets pleuvaient. Tout ce que Lou pouvait leur souhaiter, en faisant circuler dans leurs cercles la came de Ruche, c’était que leur cocktail maison les noie tous dans leur gerbe au milieu de la nuit. Savoir ce qu’ils s’enfilaient dans le nez était une satisfaction. Le second volet de ses vengeances en trois actes.
Alors elle le clamait tout haut, d’être la junkie de la pièce. Sans son attitude et son allure, Lou leur crachait à la figure qu’elle n’était pas comme eux, qu’elle ne le serait jamais ; qu’elle était mieux. Le joli bout de viande sur lequel personne ne mettrait les mains. Cette missionnaire de l’illégalité qui les faisait fantasmer depuis leurs lofts aux comptoirs en marbre. Bien assez tôt, elle serait détestée autant qu’admirée, fascinante et repoussante tout à la fois. Comme Strange en son temps. « Oh voyons, tu leur as offert la meilleure des distractions pour les semaines à venir. » répondit la voix masculine non loin d’elle. La jeune femme ne détourna pas le regard de la ville. Elle prit une bouffée de tabac tandis qu’elle se demandait si elle devait prendre la chose comme un compliment ou du sarcasme -ou les deux. Elle valait mieux que d’être résumée à un nouveau sujet de gossip pour les real housewives de Brisbane. “Heureusement qu’ils paient pour le show.” elle rétorqua d’un ton las, les doigts autour de sa pochette plus épaisse maintenant qu’à son arrivée. Rira bien qui rira le dernier, en somme.
« J’ai beaucoup entendu parler de toi. » il reprit, s’approchant d’elle jusqu’à lui faire face. Lou le détailla d’un rapide coup d'œil. Brun, joli sourire, probablement la fin de la trentaine. Il flottait autour de lui l’aura de confiance en soi qui émanait de tous les habitués de ces soirées, cette impression qu’ils naviguaient dans le monde comme s’il leur appartenait, comme s’il leur était dû. Et il le confirmait à sa manière de l’aborder, profitant visiblement de l’avantage de savoir à qui il avait affaire alors qu’elle n’en avait pas l’ombre d’une idée. « Ravi de te rencontrer, Lou. » Son regard se plissa. L’australienne garda le silence un moment -un long moment, juste pour le déstabiliser et rendre les choses bizarres. Pour lui faire perdre son avantage. Elle fit mine de continuer à le dévisager, aussi fixement que s’il avait eu une tache de ketchup sur le coin des lèvres. Elle eut le temps de tirer plusieurs fois sur sa cigarette avant de -enfin- honorer l’homme d’une réponse. “C’est pas genre, malpoli de pas se présenter formellement à une femme quand on l’aborde ?” Il y avait probablement une ligne à ce sujet dans les manuels de bonne conduite de la fin des années cinquante -archaïque, mais toujours l’ouvrage de références des hommes de ce monde d’après elle. Puis elle haussa les épaules. “Tant pis, t’as perdu le droit à un vrai nom.” Il avait manqué l’occasion de se présenter, elle lui trouverait elle-même un sobriquet. Lou réduisit un peu plus l’écart entre eux, juste de quoi inspecter sa cigarette. La marque préférée des australiens, songea-t-elle. Fut un temps, le paquet rouge estampillé d’un kougou était aussi connu que la Vegemite. C’était avant les emballages sombres et les grands encarts de sensibilisation. “Tu seras Winfield, déclarait-elle, en référence à la marque de tabac. Winnie.” Non, elle ne lui laissait pas le choix, et probablement n’aurait-il jamais droit à son véritable prénom de sa part à partir de ce jour. Une manière de lui faire comprendre que, qu’importe à quel point il penser que l’aborder était son idée, c’était elle qui menait la danse. Toujours. “Et qu’est-ce qui le rend aussi ravi de te rencontrer, Winnie ?”
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| | | | (#)Lun 15 Mar 2021 - 0:34 | |
| S’il y a bien une chose que les gens présents à cette soirée adorent, ce sont les ragots. Le plus simple reste d’être le premier à découvrir un adultère. Il reste le ragot le plus fréquent, le plus facile à déceler et surtout celui qui fera jaser toute la haute sphère. Puis il a la rumeur d’un autre genre, celle qui voudrait rester dans le domaine, mais qui en réalité se base sur un fait avérer, plusieurs fois déformé, une centaine de fois amplifié pour y ajouter tout un tas de détails sordides et macabres. C’est le sort qu’est en train de subir la jeune brune fraîchement débarquée dans sa robe pailletée. Si son physique ne me disait rien, c’est son prénom qui a su retenir mon attention. Virevoltant de conversations en conversations, je n’ai de cesser que récolter des informations. J’en savais bien assez par le biais de Jet, mais c’est toujours intéressant de connaître l’envers du décor. Les pires noms d’oiseaux sont utilisés à son égard, par dix fois, j’entends les femmes se soucier de la réputation qu’elle a amener sur sa famille, de la honte que d’avoir une fille comme elle. Tout y passe, tout vire au drame. En quelques minutes, seulement, j’ai la sensation de suivre du regard l’incarnation même du mal.
À plusieurs reprises, la brune s’approche et s’éloigne des cercles de conversation. Elle papillonne d’un bout à l’autre de la pièce, tête haute et bouclier à la main. Rien ne semble l’attendre, tout glisse sur sa peau sans jamais n’en laisser de traces visibles. Elle m’intrigue. Porter l’oreille sur l’avis des uns et des autres peut s’avérer fort enrichissant, mais aborder la personne de plein fouet m’as toujours bien plus attiré. Au diable, les conventions et mon but premier, c’est vers elle que je me dirige. La question ne se pose pas de comment l’aborder, elle m’intrigue certes, mais ne m’impressionne en rien, elle qui se balance sur ses talons aiguilles. Isolé du monde, on pourra probablement entamer les présentations sans que personne ne veuille s’en mêler. « Heureusement qu’ils paient pour le show. » Un léger rire m’échappe. « Pourquoi venir sinon ? » Quel serait l’intérêt de s’emmerder dans un tel endroit si ce n’est pour récolter des informations ou se faire un peu de blé ?
Elle semble vexer la jeune femme lorsqu’elle se tourne vers moi. Elle pense prendre le dessus en posant son regard sur mon visage sans jamais réellement croiser mes prunelles. Je ne sais ce qu’elle attend, mais je soupire longuement. Le traitement du silence n’a jamais été intéressant et voilà que sa réputation dégringole les échelons. Je tire une bouffée de cigarette, fronce les sourcils attendant une réaction de sa part. Et alors que j’allais lui tourner le dos, elle parle enfin. « C’est pas genre, malpoli de pas se présenter formellement à une femme quand on l’aborde ? » Je ricane sans m’en cacher. Elle pensait que j’allais lui baiser les pieds peut-être ?! « On s’enquiert des formalités ? » Il ne manquerait plus que le baise main et les ronds de jambes pour rallier sa cour. Pas le temps de titiller allégrement qu’elle décide de la suite. « Tant pis, t’as perdu le droit à un vrai nom. Tu seras Winfield. Winnie. » Un sourire de circonstances se dessine sur mes lèvres alors que je prends appui sur la rambarde en pierre. Parfait, ainsi, je n’ai pas à me tracasser l’esprit pour imaginer une identité. C’est toujours plus aisé de prétendre être quelqu’un d’autre même si je n’ai rien à cacher. Il n’est pas nouveauté de me voir affilier avec l’illégalité. Elle pense mener la danse la belle, elle pense m’humilier lorsqu’elle me laisse l’avantage. Je connais son nom, elle ne sait rien de moi. « Et qu’est-ce qui le rend aussi ravi de te rencontrer, Winnie ? » Enfin, on aborde le sujet réel de cette conversation. Enfin, elle s’attarde sur les raisons de ma présence à ses côtés. « Je connais Jeremiah. » Le connaît-elle sous ce prénom-là ? Il déteste tant se faire appeler comme cela, mais c’est un indice pour elle, preuve que Jet n’es pas qu’une connaissance éloignée. « Il m’a parlé des combats. » Une information après l’autre, une taffe après un mot. « Je serais intéressé. » Pour me battre et bien plus encore. |
| | | | (#)Sam 3 Avr 2021 - 14:36 | |
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En plus de sa robe trop courte et de son smoky eye sombre, Lou portait son plus bel air désinvolte. Le visage fermé, elle fixait l’homme face à elle comme s’il la lassait déjà -et cela était probablement le cas. Dans ces soirées, dans cet environnement, elle ne s’encombrait pas d’agacement vis-à-vis de quoi que ce soit -personne ne méritait ce sentiment, cette énergie, de sa part. Non, lorsque l’ombre d’une contrariété se profilait, la jeune femme se désintéressait tout simplement. Et le brun, s’il croyait piquer sa curiosité avec ses mystères, avait surtout piqué l’ennui de l’australienne. « On s’enquiert des formalités ? » qu’il rétorquait, persistant donc à se rendre inintéressant aux yeux de Lou. Trop de mots savants uniquement voués à sa propre branlette intellectuelle, trop de volonté de la rabaisser en se moquant d’elle. Il voulait la titiller ? Il pensait sortir du lot ainsi, se faire remarquer ? Il ne lui restait plus qu’une poignée de secondes avant qu’elle ne décrète qu’il n’était pas digne de son temps.
En attendant, la jeune femme renversa la vapeur en imposant un surnom ridicule à son inconnu. Elle n’allait pas se battre pour le prénom d’un homme qui la lassait et qui serait donc aussi vite oublié qu’il était apparu. Winnie, puisqu’il tenait tant à se faire prier, finit par révéler la véritable raison de son accostage raté. « Je connais Jeremiah. » De plus en plus de gens connaissaient Jet, cela n’était gage de strictement rien. Et s’ils étaient amis, à en croire la manière dont Lou devinait un pattern d'orgueil et d’insolence chez les deux hommes, cela n’était pas non plus l’assurance qu’elle soit plus encline à l’écouter. Pas après la manière dont Jet avait traité sa confiance et son amitié. “T’es le président de son fan club ?” demanda Lou en battant ironiquement des cils. Si Winnie ne pouvait pas faire la lumière sur la manière dont il prétendait connaître le dealeur, alors elle ne pourrait pas le croire. Cela ferait de lui un menteur d’office, et en plus de définitivement la désintéresser, il risquait un coup de pied bien placé.
« Il m’a parlé des combats. Je serais intéressé. » De nouveau, la brune plissa ses yeux et détailla la stature de Winnie. Il semblait en forme mais pas de première fraîcheur. Si passé vingt-cinq ans les lendemains de soirée n’étaient plus aussi faciles à se remettre qu’à vingt ans, la même logique s’appliquait aux combats. Passé trente-cinq ans, le corps mettait bien plus longtemps à se remettre d’une raclée. Et l’homme utilisait trop de mots compliqués pour se faire passer pour quelqu’un de plus sportif que littéraire. Lou n’était pas une personne particulièrement cultivée, mais elle était futée. Elle n’était pas fine psychologue, mais elle estimait savoir plutôt bien cerner les gens. “Je sais pas de quoi tu parles, Winnie.” prétendit-elle avant de prendre une bouffée de tabac. Pour ce qu’elle en savait, il pouvait être un flic bien renseigné essayant de s’infiltrer ou de l’enregistrer en train de confesser ses activités illégales. Il ne donnait pas spontanément son nom, prétendait connaître Jet de manière vague et parlait presque trop ouvertement de son intérêt pour le fight club. Rien n’indiquait qu’elle pouvait lui faire confiance ou qu’il ne cachait pas un badge et une arme de service. “Par contre je connais les combats de cartes Pokémon. Je peux te rencarder avec mon petit cousin si ça te branche tant que ça.” elle ajouta avec un petit sourire.
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| | | | (#)Jeu 8 Avr 2021 - 0:15 | |
| Elle semble se donner un rôle bien trop grand pour elle, quand elle s’efforce de tailler sur son visage l’air désinvolte d’une adolescente rebelle. Contrairement à tout ce que j’avais bien pu imaginer à son sujet, il semblerait qu’elle ne soit pas si redoutable, lorsqu’elle me laisse pleinement l’avantage. De son propre aval, je connaîtrais donc son identité sans jamais avoir à décliner la mienne. Je me demande bien qui en ressortira gagnant. Toujours est-il qu’elle s’impatiente la jeune femme. Sa jambe tressaute alors que ses lèvres viennent tirer avec force une énième bouffée de cigarette. Par tous les moyens, elle cherche à ne pas coller au cliché qui se balade en contre-bas. Tout chez elle hurle qu’elle ne fait pas parti de ce monde, c’est amusant. Cela pourrait rapidement se prouver lassant. Il semblerait que les ronds de jambes et autres conversations de politesse ne soient pas de son cran. Autant couper court, en arriver directement au point. « T’es le président de son fan club ? » Elle cherche à vérifier la véracité de mes propos comme si le monde entier connaissait Jet par son véritable prénom. Elle est dure en affaires la brune, prétends l’être tout du moins. « Depuis son adolescence prépubère et ses histoires de merde avec ma sœur. » Si elle prétend si bien le connaître, également, elle devinera peut-être un point sur ma personne. Qu’elle doute de mon honnêteté je n’en ai que faire, jusqu’à preuve du contraire je n’ai à prouver ma loyauté au Etish à personne d’autre que lui.
Néanmoins, j’aimerais parler de son business. La merde qu’elle s’efforce de refourguer aux camés de la ville ne m’intéresse guère. Le dojo sur lequel elle semble régner comme une reine me fait bien plus d’appel du pied en revanche. Il s’agit d’une activité bien plus intéressante, parfois bien lucrative également. Je voudrais en être, mais Lou semble bien plus partante à l’idée de m’humilier comme si je n’étais qu’un gamin sans tempérament. « Je sais pas de quoi tu parles, Winnie. » C’est en jouant à la gamine pourrie gâtée qu’elle fait tenir son business ? Elles semblent bien loin les nombreuses rumeurs élogieuses que j’ai pu entendre à son sujet. C’est elle la reine de la Ruche ? Si elle joue la carte de la méfiance, elle est mal rencardée. Comme si je passais mon temps à bosser pour les flics. Comme si un mec rencardé pour la faire plonger l’aurait aborder de cette manière. « Par contre je connais les combats de cartes Pokémon. Je peux te rencarder avec mon petit cousin si ça te branche tant que ça. » Elle se paie ma tête et perd soudainement tout mon intérêt. « J’ai toujours su que ce n’était que des rumeurs. » Tout ce que je vois, c’est une gamine a qui le pouvoir est monter à la tête. Quelqu’un qui se fait craindre sans raison fondée. « C’est décevant, tu n’es clairement pas à la hauteur de ce que l’on vante à ton sujet. » Est-ce qu’elle va réagir, surenchérir pour garder la supériorité ? Va-t-elle jouer, l’offusquer et s’en aller ? « Tu devrais retourner jouer dans la cours de récré. » que je souligne sourire aux lèvres. Il ne fallait pas me prendre pour un con. |
| | | | (#)Jeu 8 Avr 2021 - 2:23 | |
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Et il devenait insolent. La goutte de trop, Lou détourna son regard du brun et ne lui accorda plus son attention, pas même une oreille. Elle porta sa cigarette à ses lèvres et nia l'existence de l'homme qui lui avait fait perdre une minute de trop. Il s'était montré non seulement incapable de prouver qu'il méritait l'attention de la jeune femme mais surtout que sa susceptibilité prenait le pas sur le respect. Oh, qu'il se vexe, qu'il monte sur ses grands chevaux, l'australienne n'en avait que faire. C'était lui qui voulait quelque chose, à l'origine de cette conversation, et donc lui seul qui sortait perdant de ce court échange aussi animé que profondément inutile. Un comportement qui confirmait que celui-ci n'était pas taillé pour ce que la Ruche offrait et dont il se prétendait intéressé. Qu'était-elle supposée faire ? Lui baiser les pieds en le remerciant de lui avoir fait l'honneur de lui adresser la parole, d'avoir montré de l'intérêt pour son humble entreprise ? Elle n'avait pas quoi que ce soit à lui prouver, à lui qui n'était strictement personne. Elle, elle brassait des centaines de milliers de dollars à la semaine. Elle pouvait faire tuer quelqu'un parce qu'elle s'était levée du pied gauche et faire classer l'affaire en un claquement de doigts et un graissage de patte. Il espérait la faire réagir ? Qu'elle lui court après pleine de remords ? Non, Lou n'avait certainement pas besoin d'un abruti arrogant de plus dans ses pattes, elle n'avait plus le temps pour cela et n'aurait jamais dû en avoir. Elle en avait assez, tellement assez, de ces hommes pitoyables à la mid-life crisis précoce qui prenaient le monde de l'illégalité pour une cour de récréation, qui voyaient cette activité comme un hobby et qui n'avaient pas les fondamentaux de la vie dans un gang comme le sens de la hiérarchie, le respect et la loyauté. Comme le Club pouvait lui manquer en cela, parfois. La Ruche n'était pas un parc d'attraction pour petit bourge en quête de sensations fortes qui songeaient que cela allait donner une dimension nouvelle à leur existence inutile, banale, placide, ou revigorer leur entrejambe qui ne grimpait plus aussi vivement au garde à vous qu'à leurs vingt ans. Est-ce que cet homme avait seulement conscience de ce que cela impliquait, d'aborder un mafieux, de se lier à eux ? Ou est-ce que son instinct de survie était si bas et son ego si haut qu'il était persuadé que leur parler de la sorte était parfaitement acceptable ? Il n'avait pas la moindre idée de ce qu'impliquait pareil milieu et tout dans son attitude suffisante et déplacée le prouvait. Ils ne jouaient pas dans la même ligue et il avait fait l'erreur de l'oublier. Au fond, la susceptibilité comme celle dont faisait preuve le brun était l'apanage des pauvres gens qui avaient encore des choses à se prouver. Quant à Lou, sa confiance en elle était bien trop solide pour se laisser perturber par un moustique. Dans une volute de fumée, elle refit face à la vue et s'appuya sur la rambarde de la terrasse. L'inconnu serait aussi vite oublié qu'il était apparu.
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