Elle n’est qu’une immense flaque de larmes ambulante. Lily a les yeux aussi rouges que Joseph lorsqu’il se drogue mais elle, bien sûr, ne fait pas de telles choses. A vrai dire, elle ressemble encore moins à son frère ce soir alors qu’elle n’est animée que d’une joie immense et inqualifiable. Elle n’aurait même aucun mal à dire qu’elle est soulagée et que ce jour apparaît comme être le plus beau de sa vie, au point où il n’a pas besoin d’être calibré pour qu’elle le modifie à son image et l’améliore. La réalité n’a jamais été aussi suffisante et sa première pensée va à Matt de l’autre côté de la pièce, Matt qui ne se doute de rien non plus. Elle sait par avance qu’il se créera mille scénarios tous plus faux les uns que les autres mais ça en vaut la peine, c’est promis. Tout en vaut la peine, plus que jamais, et c’est une Lily tremblante et méconnaissable qui ouvre la porte de la salle de bain de leur hôtel / apparemment temporaire de fortune en attendant qu’ils trouvent leur bien idéal.

Il n’a pas eu le temps de rentrer dans la pièce, il n’y a mis qu’un seul pied et voilà déjà qu’elle s’impose, la brune, posant ses bras autour de ses épaules et son visage contre son torse, imbibant ainsi le tissu de son t-shirt de ses plus belles larmes. Promis, elle va bientôt lui dire. Elle a besoin d’une seconde ou deux, c’est tout, elle veut simplement le tenir contre lui et lui démontrer sans aucun mot à quel point elle l’aime. Ses reniflements sont tout ce qu’elle lui offre pendant de longues secondes avant de finalement se résoudre à cesser de le tourmenter. Sa main attrape la sienne jusqu’à ce qu’elle le fasse s’asseoir sur le lit plus blanc que blanc, comme d’habitude. A défaut de poser ses bras autour de lui, ce sont désormais ses jambes qui le font alors qu’elle se repose maladroitement sur ses cuisses pour déposer un long baiser contre son front.

Sa gorge est nouée et ses yeux la déménagent mais derrière les larmes qui ne cessent de couler le long de ses joues s’impose le plus sincère sourire qu’elle n’ait jamais eu. Elle replace ses bras sur ses épaules et ses mains se posent contre sa nuque et dans ses cheveux, rassurantes au possible. Ce n’est pas parce qu’elle pleure qu’elle est triste, bien au contraire. Rien ne pourrait être plus faux. “T’auras jamais le droit de me dire que je suis grosse, McGrath.” Ses reproches sont pathétiques, elle est incapable d’y mettre le ton ni même de le penser. Il pourrait lui dire quoi que ce soit que cela ne l’empêchera pas d’être la future maman la plus heureuse du monde, comme elle tente de le faire comprendre à son mari en posant doucement ses mains contre son ventre ne laissant pour l’heure paraître aucun indice. Elle essuie ses larmes une dernière fois du revers de sa manche pour ne plus laisser paraître que son sourire.

Elle est dans la pièce d’à-côté, mais c’est comme si elle était dans une ville à des centaines de kilomètres d’ici. Lily va pas, et je sais pas ce qui se passe, je sais pas quoi faire, y’a rien que je puisse faire. Mis à part faire le lit de la manière la plus impeccablement anglaise que la nounou m’a apprise, et le défaire la seconde d’après pour donner à Lily de quoi me montrer comment mieux empiler les coussins pour avoir le cocon le plus confortable possible avec. Y’a rien que je puisse faire sauf ouvrir les rideaux pour les refermer parce que peut-être qu’elle a mal à la tête, et ils disent tout le temps que la lumière naturelle c’est quitte ou double soit ça aide soit ça empire et je suis pas prêt à sacrifier 50% de son bien-être au cas où elle tangue vers le côté qui va pas mieux. Mieux, ou bien? Ou juste, est-ce qu’elle va? C’est un truc lié à son boulot sûrement, parce qu’elle est tout de suite allée à la salle de bain quand elle est arrivée, elle est à peine restée pour voir qui gagnait le concours de l’actrice qui overreact le plus dans la telenovela qu’on préfère rien que parce qu’on est pas capables de prononcer le titre et elle voulait pas en parler. Elle voulait le garder pour elle, je la forcerai jamais, mais ce serait mentir de dire que mes doigts ont pas composé quarante-quatre symphonies cacophoniques de suite sur la table basse à côté du lit.

Je préférais l’hôtel avec le parc, devant. J’aurais pu aller lui proposer d’aller y prendre l’air, de partir à la recherche du pigeon le plus cute, de tester les jeux d’eau ou juste de faire le concours de celui qui trouverait le plus de food trucks aux alentours. Quand elle sort de la salle de bain et fait un pas vers moi, j’aurais envie d’en faire des centaines vers elle. Mais ses larmes me clouent sur place et ses jambes complètent le tableau, quand elle finit par venir se poser à mes côtés pour inonder mon t-shirt qu’elle porte mille fois mieux que moi. Il devrait pas passer autour de ses épaules mon bras, parce qu’il va la faire suffoquer à force de la rapprocher de moi,, mais me demandez pas de faire deux choses à la fois lorsque la seule chose que j’arrive concrètement à faire c’est d’essayer de sécher ses larmes de mes lèvres une par une. Si je sais même pas pourquoi elle est si triste, je le suis autant qu’elle et je m’assurerai d’être là à chaque étape qu’il faudra pour réparer ce qui - “T’auras jamais le droit de me dire que je suis grosse, McGrath.” woah. Aux baisers qui ralentissent sur sa peau se joignent mes iris qui se vissent dans les siens, rougis mais heureux. Woah. “Je vais être l’enfer.” je le suis déjà, y’a qu’à se fier au feu roulant de pensées qui me martèlent chaque tempe, cognant sur toutes les parois de mon crâne avec des idées et des questions et des commentaires et des pistes et des réflexions et un élan dans un sens pour revenir plus foudroyant de l’autre.

“Faut j’achète de livres de recettes de purées. Mes idées pour les jumeaux sont dépassées.” ta gueule Matt. Et puis check ta bibliothèque et le dessous des comptoirs du DBD avant d’acheter de nouveaux livres, t’en a déjà des tas en deux et trois exemplaires c’est psas hypr eco-friendly, mate.
“Et faut acheter une maison avec un terrain, un grand, et un arbre, un arbre pour mettre la cabane et .” ferme-la, profite du moment, tu l’étouffes, tu souris trop, une chose à la fois, on inspire, on expire, tu sais faire ça.

Inspire, expire, embrasse son front, la laisse respirer, recommence. “Non, attends, on recommence.”  c’est le bon mot ça et c’est vrai. La lueur qui brille au creux de mes prunelles trouvent écho à la sienne. Elle va être maman, elle va réaliser son rêve, je vais être papa, je le serais pas avec qui que ce soit d’autre qu’elle. Et parce que c’est logique de l’embrasser autant que d’embrasser son ventre, lui qui n’est pas le moins du monde différent de celui qu’elle avait y’a une seconde comme y’a quelques heures comme la veille. “À quel point tu te moques si je te dis que je l’ai senti donner un coup de pied?” mes rires se mélangent à des larmes au creux de mes paupières, c’est au tour de son t-shirt à elle d’être trempé.

Ses pouces passent et repassent bien trop contre ses joues, elle va finir par les irriter et lui faire mal. Promis, elle le sait. Promis, elle s’en rend compte. Pourtant, elle n’arrive pas à s’arrêter pour autant, bien trop heureuse de l’annonce qu’elle vient de faire à son mari, entre deux mots et deux autres. Ils vont être parents. Son rêve le plus cher va se réaliser et leur enfant sera la plus belle des Merveilles ; elle sera la plus heureuse des mères ; il sera le plus parfait père. “Je vais être l’enfer.” Lily rigole contre sa peau. Il a compris ce qu’elle voulait dire, même si sa voix est hachée, même si l’émotion a sans aucun doute pris le dessus sur l’éternelle psychorigide qu’elle est. Il a compris et il est lui aussi heureux, sa journée ne pouvait donc pas être plus parfaite. “Tu l’es déjà, ça va peut-être s’annuler ?” Il est parfait.

Déjà, Matt prouve qu’il sera le père le plus parfait du monde. Son cerveau travaille à mille à l’heure, il se fait des plans pour les mois, les années et même les décennies à venir alors que rien n’est encore acté. Il vient à peine d’apprendre qu’il va être père mais prouve déjà qu’il sera le meilleur, et de loin. Lily ne doute pas un seul instant des décisions qui les ont menés là, surtout pas alors que leur future semble enfin se préciser. Elle ne voudrait vivre ces instants avec personne d’autre. “Faut j’achète de livres de recettes de purées. Mes idées pour les jumeaux sont dépassées.” Elle continue de rigoler contre sa peau et dépose ses lèvres contre les siennes pour calmer son cerveau en surchauffe. Maintenant, ils ont le temps. Ironiquement, alors que le décompte vient de s’enclencher, elle ne s’est jamais sentie aussi sereine. “Et faut acheter une maison avec un terrain, un grand, et un arbre, un arbre pour mettre la cabane et -” Pas trop haute la cabane ; ou alors avec des milliers de protections différentes pour s’assurer que leur enfant n’en tombera jamais et ne se plantera jamais d’échardes non plus. Au sujet de la leur de maison, pourtant, elle ne peut qu’être d’accord avec lui. Ils ne peuvent pas continuer à vivre ce train de vie, ils ont besoin d’un nouveau chez eux, lequel accueillera avant la fin de l’année une troisième âme. “Non, attends, on recommence.” Il est déjà l’heure de parler du second enfant qu’elle souhaite tant vouloir arriver ? Ou est ce qu’il a perdu un pari il y a quinze ans en promettant d’appeler son premier né Adolf ?

“À quel point tu te moques si je te dis que je l’ai senti donner un coup de pied?” La jeune femme laisse échapper un rire sincère face à cette remarque qu’elle n’aurait jamais pu anticiper. L’instant qui suit, les rôles s’échangent et elle sèche ses larmes à lui en même temps qu’elle le laisse reposer sa tête contre son épaule. Elle n’aura jamais été aussi heureuse qu’ils pleurent. Ses doigts jouent doucement contre sa nuque pour le rassurer. Tout ira bien, elle le jure plus que jamais. “Je ne me moque pas. J’ai hâte qu’il en donne réellement.” Et qu’il soit là pour le premier comme le dernier coup de pied. Lily sait déjà qu’il voudra ne rien manquer et jamais il ne lui viendrait à l’idée de le priver d’un seul instant. Son enfant est le sien, après tout, et il sera un père merveilleux. “Tu sais que tu seras parfait dans ce rôle, pas vrai?” Elle reprend doucement contre sa peau, un sourire au coin des lèvres qu’il ne pourra pas observer. Lily embrasse sa mâchoire parce qu’elle ne veut absolument pas se détacher de lui et qu’elle a perdu le fil de la position de l’un et l’autre. Il prépare déjà des centaines de changements dans sa vie et pour lui-même mais il n’en a pas besoin : leur enfant pourrait arriver dans l’heure qu’elle ne craindrait jamais qu’il ne soit pas prêt. Il a l’air de l’avoir toujours été, au fond. “Mais il faudra que la maison soit parfaite, et cette fois c’est moi qui vais être insupportable à ce sujet.” Il faudra qu’ils aient une maison, pour commencer, et qu’elle soit aux normes de sécurité d’à peu près tous les pays du monde par la même occasion. Ils seront les pires clients du monde mais de merveilleux parents, c’est promis.

“Tu l’es déjà, ça va peut-être s’annuler ?” son rire est parfait, et elle, elle est parfaite encore plus. J’arrive pas à croire que ça a été aussi simple. J’arrive pas à croire qu’après toutes les épreuves par lesquelles on a pu passer, on se retrouve là juste là, dans les bras l’un de l’autre, avec une bonne nouvelle qui nous pend au bout du nez. Ça serait foutument glauque de faire encadrer le test de grossesse et croyez-le, ça me prend beaucoup de force et de courage et de self-control pour ne pas lui en faire la proposition même si c’est en blague. Vraiment une blague, Matt? Ta gueule subconscient, je vais être père. Avec elle. Y’a pas de coup de pied. Y’a pas le moindre changement sur son ventre plat, quand bien même je le sens plus chaud contre mes doigts. Ses doigts à elle, ils s'éparpillent sur mes joues pour en essuyer les restes d’émotion que j’ai pas la moindre intention de cacher tellement la nouvelle arrive avec toute la douceur du monde, pour de vrai. J’y crois pas, et elle aussi on dirait. On a l’air cons, cons d’être aussi heureux. “Je ne me moque pas. J’ai hâte qu’il en donne réellement.” elle pourrait même pas se moquer de toute façon, tant j’attrape ses lèvres des miennes sans la moindre intention de les lâcher. “Tu sais que tu seras parfait dans ce rôle, pas vrai?” “Pas autant que toi. T'es la pire compétition féroce.” elle est née pour être mère, ça paraît dans tous ses gestes et dans tous ses mots. Si je suis juste à la hauteur de sa cheville, ce sera déjà ça de gagné.

J’aurais pu rester comme ça pendant des heures sans ressentir le besoin de bouger. Lily le sait. “Mais il faudra que la maison soit parfaite, et cette fois c’est moi qui vais être insupportable à ce sujet.” oh, elle peut. Elle peut tout critiquer, elle peut passer chaque pièce au peinge fin. Elle peut aussi rester installée confortablement dans son trône de reine et me pointer du doigt tout ce que je dois faire pour baby proof quarante pièces et quarante autres : y’a rien qui risque d’assombrir la nouvelle, encore moins si ça veut dire que notre enfant (good God juste le dire me donne des frissons) sera en sécurité partout où ses petits pieds se poseront. “La maison.” Matt et sa capacité de capter les trucs à retardement : le retour. Oui, bien joué gars, mets les mots dans l’ordre maintenant tu vas voir on va finir par avoir quelque chose de sympa. “Faut trouver un maison.” évidemment. T’as vraiment eu besoin d’une poignée de secondes de délai pour réaliser ça, ou tu vas faire passer le fait que tout se confond dans ta tête parce que t’es trop heureux et que t’arrives pas à gérer? “Okay, on part vraiment à la recherche là.” un peu des deux. “Pas là, là. Mais, le plus tôt possible.” de deux, on va passer à trois. C’est iréel, c’est tellement tôt et pourtant c’est presque comme si c’était concret déjà. “Je t’aime.” comme ça. Et si je pouvais penser que j’arriverais jamais à l’aimer encore plus que c’était déjà le cas, apparemment c’est pas aussi compliqué que ça en avait l’air de se rendre jusque-là.

Matt sera un bon père ; il sera excellent. Il a la patience, il a la pédagogie, il a cette âme d’enfant qu’il a oublié de lâcher. Il a aussi l’envie d’être père, il ne l’a jamais cachée à Lily et un jour elle l’en remerciera avec de véritables mots, autrement que par les baisers qu’elle lui rend et ses bras qu’elle resserre encore et toujours autour de lui. Pour le moment encore, elle décide de profiter de ce moment unique qui n’appartient qu’à eux. Ils se souviendront toujours du jour où elle a su qu’elle étaient enceinte et qu’ils allaient devenir parents. “Pas autant que toi. T'es la pire compétition féroce.” Si elle a toujours le besoin d’être la meilleure dans ce qu’elle entreprend, aujourd’hui elle n’a aucun mal à partager la plus haute place du podium avec son mari.

Malgré son bonheur évident, l’infirmière ne peut pas s’empêcher de penser au lendemain et au jour suivant encore. Elle sait comment se passent les premières semaines de grossesse pour elle mais pas toutes celles qui s’ensuivent, raison pour laquelle elle ressent déjà le besoin de tout préparer bien trop en avance, bien trop rapidement. Pour peu, elle aurait déjà envie de préparer la chambre de leur enfant, quand bien même il est loin d’être né et ne porte même pas de prénom qu’elle pourrait accrocher sur la porte avec des lettres en bois. “La maison.” Une maison, oui, parce qu’elle ne veut pas d’un appartement pour y grandir en famille, parce que les chats seraient heureux d’avoir un bout de jardin, parce que c’est à la campagne qu’elle a grandi et là où elle s’y sent le mieux, finalement. Leur maison à eux n’aura rien à voir avec celle de son enfance et tant mieux. “Faut trouver un maison.” Il parle d’une voix robotique et ne fait que répéter ce qu’elle dit mais Lily ne lui en veut pas, c’est promis. Sans doute est-elle trop occupée à sourire, à s’amuser avec ses cheveux ou bien même à déjà passer en revue tous les prénoms qui pourraient être donnés à leur enfant ainsi que les probabilités que ce soit un garçon ou une fille. “Okay, on part vraiment à la recherche là.” Un instant de pause et voilà qu’il est déjà en train de penser à un millier de choses différentes. Il a toujours des idées plein la tête et tout autant de projets, il pense au lendemain et au jour suivant encore, raison parmi tant d’autres pourquoi elle est aussi fière de l’homme qu’il est. “Pas là, là. Mais, le plus tôt possible.” Enfin, elle hoche de la tête. Ils ne vont pas s’en occuper à l’instant mais Lily est au moins rassurée de savoir qu’il est aussi motivé qu’elle à l’idée d’aller de l’avant et d’enfin le concrétiser, plus seulement le répéter autant de fois qu’il y a de jours. La vie à l’hôtel lui convient parce qu’il ne s’agit que d’eux deux mais jamais elle ne l’imposera à un enfant. “Je t’aime.” - “Je t’aime aussi.” Et si elle reste persuadée qu’il l’aura déjà compris au travers de tous ses gestes, ses yeux brillants et son sourire qui n’en finit pas, l’infirmière ressent tout de même le besoin de le lui répéter à son tour, plus assurée que jamais. L’annonce de sa grossesse n’est que la consécration de leur relation et l’assurance qu’ils ont eu raison de se battre pour elle, pour eux. “Merci pour tout.” Son front posé contre le sien, Lily prend une dernière fois le temps de murmurer ces quelques mots avant de les faire retomber tous les deux dans le lit, usant de tous ses sens pour ne pas lui faire mal dans cette chute improvisée. “Je sais que tout ira bien avec toi.” A tous les niveaux, sans qu’elle n’ait besoin d’apporter plus de précisions à propos de ses émotions et ressentis. “Je veux juste… Ça ne s’ébruite pas trop, d’accord? Par superstition, je suppose. On attend un peu.” Elle ne lui demandera pas de le cacher à sa famille parce qu’elle sait l’importance que le partage a pour lui, mais elle évite déjà qu’il en parle à tout le bar et au premier client venu en se vantant de son futur titre de “papa”. Comme elle ne donnera pas de prénom avant la fin de sa grossesse ; elle préfère ne pas annoncer la bonne nouvelle trop tôt, de peur d’avoir à en donner une bien moins bonne juste ensuite.

“Je t’aime aussi.” c’est doux, et même si c’est évident c’est pas pour autant qu’on a pas besoin de se l’entendre dire un peu. Lily qui est confondue à ma silhouette, ça aussi ça pourrait être une habitude. Habitude que les chambres d’hôtels de la ville ont fini par prendre pour acquise, tout comme mes doigts qui s’émiettent derrière sa nuque, la manipulant comme du cristal maintenant qu’elle a confirmé qu’elle portait la vie. Lily pourrait se transformer en un Godzilla de la maternité qu’elle serait belle et parfaite à chaque étape du processus. “Merci pour tout.” j’ai rien fait d’autre que de l’aimer, et de l’aider à atteindre un rêve qu’on a maintenant en commun. Mes merci à moi, ils papillonnent sur sa joue et sur sa tempe, avant de venir s’échouer à son oreille. “C’est moi qui dois te dire merci. Surtout pour quand t’auras les pieds enflés et faim d’un truc impossible à trouver en plein milieu de la nuit.” oh que je vais parcourir la ville pour lui trouver sa sorte de glace aussi dégueulasse que temporairement préférée dès la seconde où elle la demandera. Je suis né pour ça.

Et on tombe, mais pas vraiment. En fait, c’est difficile d’avoir l’impression qu’il y ait une chute quand bien même Lily se la joue casse-cou tant les coussins et les couvertures et les oreillers et leur duvet se chargent d’amortir quel que choc que ce soit. “Je sais que tout ira bien avec toi.” ça fait bien longtemps que j’ai arrêté la petite voix infusée au venin dans ma tête qui me hurlait constamment que j’étais pas suffisant pour elle. Si c’est l’impression que j’ai eue quand tout a fini cassé, reconstruire avec Lily et prendre le temps de le faire a bien fini par chasser l’impression de pas être assez. Pourtant qu’elle choisisse ce mot-là, un toi qui se faufile comme autant de baisers contre sa nuque, me fait réaliser que même si je vais mieux, que même si on va mieux, n’en reste que ce genre de confidences fait bien trop de bien pour que je sois pas un peu égoïste, pour que j’en profite pas comme il se doit. “Je veux juste… Ça ne s’ébruite pas trop, d’accord? Par superstition, je suppose. On attend un peu.” c’est normal, qu’elle ait un historique, que j’en ai un, ou qu’on en ait pas du tout. C’est normal et c’est naturel et c’est de la prévention et c’est juste pour s’assurer que tout aille bien. Mais je serai pas capable de mentir, je serai pas capable de cacher un immense sourire et des dizaines de milliers d’étincelles dans mes yeux à la seconde où je les ouvrirai, eux trop occupés à imaginer à quoi aurait l’air notre mini-elle, ou notre mini-moi. “Je vais vouloir le dire aux filles et à Swann.” elle doit s’en douter, Lily, que je suis le pire des cachotiers. Ça fait partie du package, d’être transparent autant quand je me la ferme que quand on m’entend crier jusqu’à l’autre bout de la ville. “Mais je peux le mimer, et ils devineront s’ils ont l’étoffe.” ça doit être ça, de faire des compromis. Ça doit être ça aussi que de vraiment vouloir tout donner pour qu’elle ait ce qu’elle veut, du début jusqu’à la fin. “Tu le diras à Joseph?” et ça, est-ce qu’elle le veut? Parce que mes mimes peuvent lui servir comme tactique à elle aussi, on s’entend.

“Est-ce qu’on peut aller à l’hôpital? Quand tu pourras. ” pas maintenant, certainement pas. Mes doigts dégagent une mèche de son front, s’improvisent la mission la plus laborieuse quoi qu’importante du jour c’est-à-dire de la passer avec le plus de délicatesse possible derrière son oreille. “Juste, je veux être sûr que tout se passe bien pour toi.” parce que si c’est le cas pour elle, ça le sera aussi pour moi.

L’arrivée à venir d’un enfant est la dernière preuve poussant rassurer Lily et finir de la convaincre que tout ira bien pour eux et entre eux. De deux ils passeront à trois, d’une vie à l’hôtel ils finiront par avoir la leur dans leur propre maison. Tout ceci signifie qu’elle pourra continuer à passer ses journées auprès de Matt et elle n’a pas besoin de plus pour savoir que cette vie lui est amplement suffisante, quand bien même elle n’est pas aussi parfaite que ses rêves de petite fille le laissaient présager. “C’est moi qui dois te dire merci. Surtout pour quand t’auras les pieds enflés et faim d’un truc impossible à trouver en plein milieu de la nuit.” La première fois, elle avait envie d’hamburgers. La première fois, aussi, absolument tout était différent et elle était seule pour vivre une grossesse qui n’aurait jamais dû exister. La première fois, tout s’est mal passé et il semble impossible que l’histoire se répète alors que leur vie devient chaque jour un peu plus belle et facile. Matt sera parfait, autant pour elle que pour leur enfant à venir.

Elle ne serait pas elle-même si elle ne continuait pas à prendre mille précautions, notamment en gardant pour eux l’annonce de la grossesse, pour le premier trimestre au moins. Les premières semaines sont les plus difficiles à passer et la brune n’est jamais allée plus loin que ces dernières, elle se contente d’espérer que cette fois-ci tout sera différent et qu’ils pourront ensuite en parler à tout leur entourage sans aucune crainte ni doute. “Je vais vouloir le dire aux filles et à Swann.” Bien sûr. S’il devait y avoir quelques exceptions à la règle, elle savait par avance qu’il s’agirait de sa fratrie. Ils sont tous liés, ils se disent tout. C’est évident et, surtout, ce n’est en rien un problème parce qu’elle comprend enfin de quel bois il est fait. “Mais je peux le mimer, et ils devineront s’ils ont l’étoffe.” Un baiser est la première réponse qu’elle lui donne, à lui son mari qui fait tant d’effort pour concilier tous les partis et rendre chacun heureux. “Non. Dis leur que tu vas être père.” Ses mains jouent avec ses cheveux, ses doigts caressent ses joues et son sourire, lui, n’a jamais été aussi fier. Il a tous les droits du monde de profiter de cet instant comme il se doit, en posant des mots sur la situation: il va être père. Il sera merveilleux dans ce rôle et ni sa femme ni sa fratrie n’en douteront. “Tu le diras à Joseph?” Si tout va mieux avec Joseph ces derniers temps, elle a été blessée à de trop nombreuses reprises pour pouvoir oublier ce qu’ils ont vécu avant et combien de fois ils se sont déchirés sur des sujets aussi diverses que variés. Son sourire faiblit à peine et se fait plus songeur. “Je pense que oui. J’ai juste besoin de prendre un peu de temps.” Elle veut trouver les bons mots ainsi que le bon angle d’attaque; elle veut aussi se préparer à tout ce qui pourrait mal tourner parce qu’elle ne supporterait pas que l’histoire de leur enfant soit déjà entachée avant même sa naissance. "Ça va mieux entre nous mais je veux pas brûler les étapes."

Elle a des demandes, il a les siennes. “Est-ce qu’on peut aller à l’hôpital? Quand tu pourras.” Matt replace une mèche derrière ses oreilles alors qu’elle en déloge déjà une autre en acquiesçant doucement de la tête. Il est doux et prévoyant, elle s’en rend compte toujours un peu plus à chaque instant. “Juste, je veux être sûr que tout se passe bien pour toi.” Il ressent le besoin de se justifier à chaque instant, aussi, et elle espère qu’un jour ils arriveront à trouver un véritable équilibre dans lequel ce ne sera plus le cas. En attendant, ils construisent leur avenir sur les fondations de leur passé. “Bien sûr. On fera tous les examens.” On, parce que cette histoire est la leur, à tous les deux. “On pourra aller faire une échographie dans deux mois. On entendra son coeur.” Elle ne sait plus parler sans lui sourire alors elle vient finalement se blottir un peu plus près de lui, recroquevillée sur elle-même pour qu’ils puissent protéger au mieux leur enfant.

Je sais, je sais qu’on devrait faire ça dans les règles de l’art et garder la marque du trois mois bien fixe. Ne pas s’emporter, prendre chaque étape une à la fois, faire les choses bien et surtout ne pas flipper comme un gamin parce que justement, on va avoir un gamin. Mais j’y peux rien si tout tourne dans ma tête, si j’essaie de voir jusqu’où on peut remonter rien que pour s’assurer qu’à partir de maintenant, elle vit dans une bulle de protection contre le monde entier et surtout contre mes élans de surprotectivité. L’un d’eux, c’est de pouvoir en parler avec Swann, avec les filles. J’ai juste besoin de ne pas leur mentir, de ne rien leur cacher, juste besoin de pouvoir partager quelque chose d’aussi important que ça avec eux. “Non. Dis leur que tu vas être père.” elle chatouille, Lily, à égarer ses doigts partout, à jouer avec mes mèches même si leur état est relatif. On a testé tous les hôtels de la ville ou presque, mais celui-ci a toujours été mon préféré. Encore plus aujourd’hui.

Et Joseph? “Je pense que oui. J’ai juste besoin de prendre un peu de temps.” c’est à mon tour de lui sourire, de replacer une couette derrière son oreille et de la laisser parler de ce qui y’a à peine des semaines de ça n’était pas toujours facile. "Ça va mieux entre nous mais je veux pas brûler les étapes." je sais à quel point Lily est sensible sur ce sujet, avance toujours à tâtons avec elle, non sans espérer comme un type qui a passé sa vie à faire passer sa famille avant tout le reste qu’un jour elle (re)trouvera un sentiment similaire avec son frère. Leurs liens ont peut-être été cassés des dizaines de fois, n’en reste que je l’ai vu, dans son regard à lui, à quel point il l’aimait malgré tout ça. Ça ment pas. “Il ferait un bon parrain.” et c’est dit sans la moindre pression dans ma voix, sans le moindre doute non plus. La décision viendra plus tard et elle sera commune, mais ça serait pas moi de ne pas souligner à quel point je les vois faire des efforts autant dans leurs gestes que dans leurs discours. Il n’est peut-être pas parfait aux yeux de Lily, mais il essaie de faire mieux et ça, ça vaut pour beaucoup dans mes yeux à moi. “Pas genre comme dans le film, mais – tu comprends.” ouais bon, s’il met des têtes de cheval en peluche dans les draps du berceau, on repassera pour la recommandation.

“Bien sûr. On fera tous les examens.” j’hoche de la tête, ma barbe de quelques jours oubliée à cause des dernières rénos au café gratte le tissu. “On pourra aller faire une échographie dans deux mois. On entendra son coeur.” je jure que si j’avais pu l’embrasser plus longtemps encore je l’aurais fait. Mais promis j’attends la durée correcte, celle où Lily a véritablement besoin de reprendre son souffle, avant de la ramener un plus à moi. Si jamais j’avais pu penser un jour me marier, l’alliance à mon doigt prouve que j’ai été un idiot de croire qu’une fille comme elle n’existait pas. Et si j’ai jamais cru pouvoir être plus heureux qu’aujourd’hui, je sais pertinemment que je me ferai mentir d’ici 9 mois. “On va tout faire bien.”

Leur famille respective sera tenue au courant mais personne de plus. Pas les employés du DBD, pas les amis, encore moins les amis des amis ni même le premier venu dans la rue à qui Lily aura envie de lui crier son bonheur. Ce n'est pas l'envie qui lui manque, seulement la peur qui la tiraille. Matt le comprend et, à ses yeux, c'est le plus important. Il accepte sans négocier et, en retour, elle refuse de le priver de l'opportunité de l'annoncer à son propre sang. Ils ont une importance capitale pour lui et jamais elle ne tentera de les mettre à l'écart d'une façon ou d'une autre. A l'inverse, son mari tente plutôt de la rapprocher de son frère. “Il ferait un bon parrain.” Il a toujours eu de la facilité à croire les gens, encore plus à croire en les gens. Il est quelqu'un de bon, sincèrement bon, et elle ne peut qu'apprécier ses qualités à sa juste valeur parce qu'elle n'en est certainement pas dotée. Est-ce que Joseph sait y faire avec les enfants, même? Il n'en veut sûrement pas pour lui, et cette simple idée semble totalement saugrenue à celle qui partage son sang. L'entourage de Lily se compose majoritairement de trois hommes dont elle pourrait mettre sa propre vie entre leurs mains, mais elle n'est pas certaine qu'il en serait de même pour la chair de sa chair. Joseph, Alfie, Ezra; tous ont autant de qualités que de défauts, tant et si bien qu'elle n'avait jusque là même jamais imaginé faire d'eux des parrains. L'un aurait pu être père, ironiquement. C'est l'histoire d'un passé révolu et d'un futur qu'elle ne veut pas précipiter. "On y réfléchira." Ce n'est pas un non, ce n'est pas un oui non plus. Elle apprécie l'idée et encore plus le geste, c'est au moins ce qu'il devrait retenir de son intonation et du baiser supplémentaire qu'elle dépose contre sa chair. Il fait au mieux, elle en fait de même. Les échelles sont simplement différentes. “Pas genre comme dans le film, mais – tu comprends.” Le brun récolte un rire de la part de la trentenaire. Et un baiser supplémentaire. Elle comprend.

Leur bonheur est acté pour le reste de leur vie, désormais. Ils vont être parents, elle va porter et surtout donner la vie. Il ressemblera à son père qu'il soit un il ou un elle, peu importe d'ailleurs. Elle a millimétré chaque seconde de son existence mais pas le sexe de ses enfants. Heureux et en bonne santé, c'est la seule condition qu'elle a posé sur leur tête de chérubins. Et un pluriel, bien sûr, un pluriel à 'enfant'. “On va tout faire bien.” - "On va tout faire bien." Les mots sont repris, actés, comme le fait qu'elle l'aimera quoi qu'il advienne.