Je suis épuisé et, pourtant, je ne fais rien que ça de mes journées dormir. À un tel point que j’oublie parfois quel jour on est et je suis toujours déçu lorsque je me rends compte pour combien de temps encore je suis en arrêt de travail. L’avantage de ne pas être en convalescence chez moi, c’est de ne pas être tout le temps seul. Danika et Maddox peuvent au moins me tenir compagnie lorsqu’ils sont à la maison. Parce que sinon, les passe-temps possibles sont plutôt limités dans ma condition. En effet, j’ai beau avoir apporté ma guitare chez Danika pour m’occuper, le bruit m’agresse encore trop pour le moment pour pouvoir penser la gratter. Alors je dors, un peu plus, malgré mon corps endolori par l’inactivité et une position allongée prolongée.
Lorsque je me réveille, le silence règne dans l’appartement. « Dan? » Pas de réponse. Je soupire, déçu de constater que je dois laisser aller mon imagination pour trouver quelque chose pour m’occuper alors que je suis déjà à court d’idée et que ça fait moins d’une semaine que j’ai eu mon accident. Lentement, je m’assois sur le canapé-lit puis je m’étire un peu les bras en réfléchissant. Ne trouvant rien de mieux à faire, je me convaincs que je devrais être capable de prendre ma douche tout seul. Je suis conscient que j’ai besoin d’aide pour plusieurs choses mais y’a quand même des limites, je n’ai pas l’intention de demander à Danika de me donner un bain.
Dans la salle de bain, je retire mes vêtements et je les laisse tomber en boule au sol, pénétrant ensuite prudemment dans la douche. Quelques minutes plus tard, la barre de savon me glisse des mains et je me penche pour la ramasser. Sauf que je me relève beaucoup trop vite et je suis pris de vertiges. Vacillant, je tente de m’agripper aux parois de la douche mais je cogne les bouteilles et elles tombent. Avec le bruit du jet d’eau, je n’entends pas la voix de Dan qui résonne de l’autre côté de la porte. Me croyant seul, je ne dis rien et je m’assois tranquillement dans la douche dans l’espoir que ça passe. Les minutes passent à l’inverse de mes vertiges et l’eau commence à refroidir de plus en plus, m’arrachant un gémissement alors que je tente tant bien que mal de me réchauffer en me recroquevillant dans le fond de la douche. C’est à ce moment que mon ex entre dans la pièce et qu’elle s’approche pour éteindre l’eau. « Ca va ?! Qu’est ce qui t’est arrivé ? » J’essuie mon visage d’une main puis je relève mon regard vers le sien mais j’ai du mal à focaliser. « J’ai échappé le savon et je me suis relevé trop vite. J’ai la tête qui tourne, ça va passer. » Le visage crispé, je me frotte les deux yeux du bout des doigts dans l’espoir de retrouver une vision normale. « Je veux juste prendre une fucking douche. C’est trop demandé? » dis-je d’un ton sec, frustré d’être incapable de rien faire tout seul alors que, mon indépendance, j’y tiens.
J’en ai marre de ne pouvoir rien faire des mes journées tout comme je suis frustré d’être incapable de faire quelque chose d’aussi banale que de prendre une putain de douche. Je ne suis pas encore assez vieux pour demander à quelqu’un de me frotter le dos dans le bain, surtout pas mon ex. « Ca fait que quelques jours, c’est normal. » Elle a raison et je le sais mais ça m’enrage quand même. Pour combien de temps encore est-ce que ça va durer? Et qu’est-ce que j’aurais fait si elle ne m’avait pas proposé de venir habiter chez elle? Il y aurait fallu que je paie quelqu’un pour venir me donner un bain une fois par semaine comme si j’étais un vieillard? No way. « Normal d’être incapable de prendre une douche seul alors que je ne suis pas encore sénile? » En plus de dormir presque toute la journée comme si j’étais en hibernation. FML. « Allez la brute, tu te sens de te relever ? Je vais t’aider. » Elle se moque et, évidemment, je réagis parce que je ne suis pas d’humeur à rigoler alors que je suis privé de mon indépendance et que je dois étouffer ma fierté et accepter qu’elle m’aide à me relever alors que je suis complètement nu comme un ver. « Brute toi-même » ronchonné-je. Et si ma vision n’était pas floue à l’instant, je l’aurais clairement fusillée du regard. Je lui aurais bien répondu que je suis capable de me lever tout seul, que je n’ai pas besoin de son aide alors qu’elle est visiblement trop petite pour soutenir tout mon poids toute seule, mais si c’était le cas je ne serais visiblement plus par terre depuis longtemps. « Bon va falloir que tu m’aides un peu par contre. » dit-elle en grognant. « Finalement c’est toi qui ramollis. » Je me souviens de cette soirée au dojo encore comme si c’était hier et malgré les années qui se sont depuis écoulées, je ne vais certainement pas me gêner de lui remettre sous le nez certaines paroles qu’elle m’a dites rien que pour avoir le dernier mot. Malgré la frustration, je m’accroche à elle et je me relève. Mais aussitôt debout, je suis pris d’un autre vertige et je sens une bouffée de chaleur me monter au visage. Je suis fatigué et j’ai du mal à soutenir tout mon poids sur mes jambes beaucoup trop molles alors j’agrippe un peu plus solidement les bras de Danika en grognant dans l’espoir de ne pas tomber. « Eh, tombe pas Law ! » Je ricane. « C’est le plan. » Sauf que la douche est glissante à cause du savon, ce qui ne m’aide en rien à garder mon équilibre. Danika semble consciente de ma fragilité parce qu’elle m’entoure de ses bras, s’agrippant à mon dos pour m’aider à tenir debout. Elle recule et s’arrête seulement lorsqu’elle sent la vitre de la douche sous ses omoplates. Toujours accroché à ses bras, j’appuie mon front contre la vitre derrière elle en haletant. « Ca va ? » « Je ne sais pas. » Pas assez en forme pour dire oui, pas assez mal pour dire non – ou trop fier. Ni oui ni non. Je reste immobile un moment en attendant que mon vertige passe, mon corps écrasant complètement le sien contre les parois de la douche. Et si je suis conscient de ma nudité, c’est bien le dernier de mes soucis alors que ma fierté prendrait un plus gros coup si je m’écrasais au fond de la douche devant elle. De toute façon, ce n’est pas la première fois que ses yeux se posent sur mon anatomie et ça ne me fait pas un pli. « C’est pas le souvenir que j’ai de nos douches ensemble Cabbott là. » Un petit sourire naît au coin de mes lèvres malgré le malaise que j’éprouve. « Pour être honnête, j’aurais préféré l’autre version » avoué-je en riant, reculant ma tête pour pouvoir la regarder, mon visage tout près du sien. Et même si je ne suis clairement pas en forme pour même imaginer reproduire ces souvenirs et que ces paroles ont été prononcées sur le ton de la rigolade, je sais très bien au fond qu’il y a un fond de vérité dans tout ça tout comme Danika le sait forcément elle aussi après ce petit épisode malaisant de janvier. Si les circonstances étaient différentes, il n’y a aucun doute que j’aurais profité de cette proximité pour initier des rapprochements. « Si tu te dépêches, je pense que je pourrais me tenir le temps que tu sortes de la douche. » Lentement, je lâche l’un de ses bras et je m’agrippe au bord de la douche, lâchant son deuxième bras de mon autre main pour aller poser ma paume contre la vitre. Doucement, je décolle un peu mon corps de sur elle pour voir si j’arrive à me tenir en équilibre tout en lui laissant suffisamment d’espace pour qu’elle puisse se glisser à l’extérieur de la douche. Lorsque je me sens suffisamment stable, je lui fais un mouvement de tête pour lui dire que je suis prêt. Ça passe ou ça casse.